SEANCE DU 31 MAI 2001


M. le président. Sur le texte proposé pour l'article L. 135-10 du code de la sécurité sociale, je suis d'abord saisi de deux amendements présentés par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 29 vise à compléter la seconde phrase du premier alinéa du texte présenté par le I de l'article 6 pour l'article L. 135-10 du code de la sécurité sociale par les mots : « et est exclusive de toute participation aux appels d'offres mentionnés à l'alinéa ci-dessous ».
L'amendement n° 30 tend, dans le deuxième alinéa du texte proposé par le I de l'article 6 pour l'article L. 135-10 du code de la sécurité sociale, après les mots : « appel d'offres », à insérer les mots : « régulièrement renouvelé ».
La parole est à M. Vasselle, rapporteur, pour défendre les deux amendements.
M. Alain Vasselle, rapporteur. L'amendement n° 29 précise dans quelles conditions sera assurée la gestion administrative du fonds par la Caisse des dépôts et consignations.
Nous n'avons jamais contesté l'intérêt que pouvait présenter la gestion administrative par la Caisse des dépôts et consignations, d'autant qu'une telle disposition est, compte tenu de l'image dans l'opinion de la caisse, qui, je le rappelle, a été créée en 1816 sous le sceau de la foi publique, de nature à renforcer la sécurité de l'établissement spécial « fonds de réserve ».
De plus, la Caisse des dépôts et consignations gère un certain nombre de régimes de retraite et a, de ce fait, développé des compétences tout à fait remarquables dans ce domaine. Il serait donc dommage de se priver des compétences et des qualités de la caisse en ce qui concerne la gestion administrative.
Néanmoins, il nous semble que l'expression « gestion administrative » doit être précisée. Notre préoccupation est toujours la même : un souci de transparence et de garantie. Pour la commission des affaires sociales, il s'agit de la gestion comptable et de la gestion interne de l'établissement, c'est-à-dire la gestion des ressources humaines, la gestion informatique, etc. Telle est notre conception de la gestion administrative.
Par ailleurs, afin d'établir sans aucune ambiguïté - comme le dit souvent la Caisse des dépôts et consignations ; c'est une de ses références - une « muraille de Chine » efficace entre les activités traditionnelles de la caisse et ses activités concurrentielles, il est logique d'interdire à la caisse de participer, par l'intermédiaire de ses filiales, aux appels d'offres relatifs à la gestion financière. Je rappelle que le directoire devra préparer les appels d'offres, établir les cahiers des charges et surveiller la gestion des fonds. Aussi me paraît-il plus sûr de faire en sorte que les filiales de la Caisse ne puissent pas participer à ces opérations financières.
Il s'agit bien d'une distinction entre la gestion administrative et la gestion financière. Selon l'argumentation développée à plusieurs reprises ce matin par Mme Péry, nous créerions, par nos amendements, la confusion entre le conseil de surveillance et le directoire. Pas du tout !
Ceux qui s'attarderont sur le compte rendu des débats et qui liront les amendements constateront que, au contraire, nous avons veillé à ce que chacun des organes du dispositif ait des missions clairement établies, sans aucune confusion des genres. Nous avons tenté de créer des cloisons suffisamment étanches dans des domaines de compétence tout à fait différents, tout en permettant à l'un d'accomplir sa mission de contrôle et à l'autre de remplir ses missions de responsabilité en ce qui concerne la gestion du fonds.
Aujourd'hui, les Français ont besoin d'être rassurés sur l'avenir et la gestion du fonds de réserve. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils sont inquiets. Il suffit pour s'en convaincre de lire la presse ou de prendre connaissance des sondages qui sont faits régulièrement.
Quant à l'amendement n° 30, c'est un amendement de précision. Il s'agit d'indiquer que les entreprises auxquelles sera confiée la gestion financière du fonds seront régulièrement remises en concurrence. Nous sommes toujours soucieux du dynamisme de la gestion du fonds.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 29 et 30 ?
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Il est prévu de confier la gestion financière, par appel d'offres, à des entreprises d'investissement qui exercent à titre principal la gestion de portefeuille pour compte de tiers, donc à des organismes financiers dont c'est le métier et qui auront pour mission d'assurer un bon rendement des placements, ainsi que leur sécurité.
Je ne reviens pas sur les discussions que nous avons eues en commission, Mme Guigou vous ayant répondu à cette occasion. Il n'y a pas de raison que les filiales de la Caisse des dépôts et consignations ou les sociétés dans lesquelles celle-ci détient un intérêt ne puissent soumissionner à un appel d'offres du FRR, étant donné les dispositions qui ont été prises pour assurer l'indépendance de la gestion du fonds de réserve des retraites de toutes les autres activités de la CDC.
Ce qui est prévu dans le texte - vous le savez, puisque cela a été évoqué encore hier soir - c'est que, si une composante de la CDC venait à soumissionner, le président du directoire, c'est-à-dire le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, ne pourra pas délibérer pour évaluer la qualité de cette soumission. Cette disposition accroît l'indépendance et la transparence nécessaires au processus de sélection des gestionnaires de portefeuilles par l'organe collégial qu'est le directoire.
S'agissant de l'amendement n° 30, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. Il considère que cette suggestion pourrait être retenue.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Puisque M. le secrétaire d'Etat a fait référence au souci du Gouvernement de veiller à ce qu'il n'y ait pas de mélange des genres, je voudrais souligner un point.
Vous nous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, que le président du directoire, lorsque le directoire examinera un appel d'offres auquel aura soumissionné une filiale de la caisse, ne participera pas aux délibérations. Très bien ! Cela signifie que la composition du directoire sera réduite à deux membres. S'ils ne sont pas d'accord sur la décision à prendre, qui tranchera ? On se retrouvera dans une situation de blocage. Je voulais simplement vous faire toucher du doigt le fait que le dispositif que vous avez imaginé risque d'aboutir à des situations de gestion particulièrement difficiles.
Il me semble préférable que les trois membres du directoire soient nommés respectivement par le Président de la République, par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat. Ce seront trois personnes indépendantes, qui pourront siéger en permanence, sans qu'il y ait de conflit résultant des intérêts que chacun d'eux pourrait avoir.
Lors de la nomination, il appartiendra au Président de la République, au président de l'Assemblée nationale et au président du Sénat de veiller à ce que ces personnalités ne puissent avoir, ni de loin ni de près, un intérêt dans la gestion future des fonds.
Il me paraît beaucoup plus raisonnable et plus pertinent de retenir la proposition qui a été présentée par la commission des affaires sociales, qui accorde un maximum de garanties, garanties que nous ne retrouverions pas si le directeur général de la caisse était membre du directoire.
M. le président. Les chambres régionales des comptes ne manqueront pas de faire des observations sur ce point. C'est évident quand on sait à quel point on met en garde les élus locaux pour qu'ils ne soient pas à la fois ordonnateurs et payeurs.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. le président. En l'occurrence, il y aurait encore deux poids deux mesures. Cela conforte l'argumentation de M. le rapporteur.
Il m'arrive, de temps à autre, d'avoir envie de donner mon avis,... et je me retiens souvent ! (Sourires.)
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je le constate !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 77, M. Chérioux propose de compléter le deuxième alinéa du texte présenté par le I de l'article 6 pour l'article L. 135-10 du code de la sécurité sociale par une phrase ainsi rédigée : « Ces appels d'offres font l'objet de plusieurs tranches. »
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Comme on vient de l'exposer, il va être procédé à des appels d'offres, à partir de cahiers des charges bien déterminés. Il serait souhaitable de préciser que ces appels d'offres feront l'objet de plusieurs tranches.
Les masses financières gérées, qui seront importantes, seront ainsi données en gestion à plusieurs organismes financiers. Cela aura un double effet : peut-être une meilleure répartition des risques et, surtout, une meilleure appréhension de la gestion des différents organismes financiers puisque l'on pourra comparer leurs performances. C'est important.
En effet, comme les cahiers des charges seront les mêmes pour tout le monde, la gestion pourra vraiment être appréciée dans de bonnes conditions. D'ailleurs, c'est ce qui se pratique dans la plupart des grands établissements de gestion, notamment les fonds de pension. Il s'agit d'une mesure de bon sens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Par son amendement, M. Chérioux vient conforter la commission dans ses initiatives. Il apporte une garantie supplémentaire. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis très favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Il est bien évident que la question des risques sera examinée par le conseil de surveillance dans les orientations qu'il indiquera au directoire. Par conséquent, de toute façon, pour éviter effectivement de concentrer les risques, plusieurs appels d'offres seront lancés et une diversité de placements sera imaginée. La gestion par les responsables du fonds de réserve des retraites conduira nécessairement à essayer d'appliquer cette logique.
Pour autant, entrer dans le détail, systématiser le découpage en tranches de tous les appels d'offres, alors même que, pour certains cas de figure, cela ne ferait que compliquer la tâche des gestionnaires, ne paraît pas forcément relever du domaine législatif.
C'est pourquoi, tout en comprenant le souci et l'orientation qui sont les vôtres à travers cet amendement, monsieur le sénateur, nous émettons un avis défavorable. En effet, nous pensons qu'il appartiendra aux gestionnaires du fonds de réserve d'évaluer dans quels cas de figure il conviendra de diviser en lots les appels d'offres et dans quels cas, au contraire, le fait de privilégier un lot unique paraîtra préférable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 77, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 31, M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, propose, après le deuxième alinéa du texte présenté par le I de l'article 6 pour l'article L. 135-10 du code de la sécurité sociale, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La conservation des instruments financiers est confiée, par appel d'offres, à des prestataires de services d'investissement qui exercent le service connexe visé au 1° de l'article L. 321-2 du code monétaire et financier. »
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le texte ne fait référence qu'à la gestion administrative et à la gestion financière. Il ne vise pas la conservation des instruments financiers. Il nous paraît donc utile qu'il soit plus précis sur ce point.
C'est pourquoi nous proposons que la conservation des instruments financiers soit confiée, par appel d'offres, à des prestataires de services d'investissement, qui sont de véritables professionnels et des spécialistes dans ce domaine.
Cela présentera un double avantage. D'une part, nous aurons l'assurance que de véritables professionnels assureront la conservation des titres. D'autre part, le fait de procéder à une mise en concurrence par la voie d'appels d'offres permettra, tout au moins je l'espère, de limiter au minimum le coût de la gestion des fonds.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement souhaite, pour des motifs de sécurité et de qualité du suivi des portefeuilles, notamment, que la conservation des titres soit centralisée par la Caisse des dépôts et consignations.
D'une part, le recours à la CDC atténue beaucoup, pour le fonds de réserve des retraites, le risque de défaillance du conservateur. En effet, quelles que soient les modalités retenues pour accomplir cette activité de conservation, la CDC restera responsable de sa bonne exécution.
D'autre part, la conservation est indissociable d'autres fonctions de la gestion administrative, comme la surveillance ou la valorisation du portefeuille. Il est essentiel, à nos yeux, que le directoire et le conseil de surveillance puissent se prononcer sur la gestion du fonds, ses résultats et ses performances dans de bonnes conditions de sécurité. A ce titre, il nous semble que la conservation fait partie de la gestion administrative.
Enfin, cette activité repose sur des économies d'échelle importantes. Fractionner la conservation serait peu efficace en termes de coûts facturés.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 135-10 du code de la sécurité sociale.

(Ce texte est adopté.)

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