SEANCE DU 19 JUIN 2001


ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE

Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n° 367, 2000-2001), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie. [Rapport n° 375 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis dans la situation quelque peu paradoxale d'ouvrir un débat qui n'aura peut-être pas lieu. Tel serait en effet le cas si une motion tendant à opposer la question préalable devait être adoptée.
Mais le plus grand paradoxe serait sans doute que le Sénat, de sa propre initiative, prenne le risque politique d'annuler les espaces de concertation encore existants dans un débat aussi important pour l'avenir des départements.
Je veux le réaffirmer aujourd'hui simplement et sans effets : le Gouvernement souhaite un vrai débat avec vous et pourrait faire preuve d'ouverture sur des propositions cohérentes avec la philosophie du projet de loi.
Si la concertation est restée limitée en première lecture, en dépit de la qualité de nos échanges, c'est notamment parce que le choix tactique de proposer un contre-projet visant à réécrire totalement le texte du Gouvernement bridait singulièrement les possibilités d'ouverture. Sur les dispositions financières en particulier, le choix d'un système radicalement différent, appuyé sur la dotation globale de fonctionnement, la DGF, ne laissait pas de champ pour une négociation véritable.
Dans un esprit très concret d'ouverture, je souhaite revenir sur trois points.
Le premier point porte sur la mise en oeuvre des concours versés aux départements par le fonds de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA.
J'avais dit, lors de la première lecture au Sénat, que j'étais sensible à vos demandes de précisions, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le jeu des mécanismes de péréquation ou de compensation, et que le Gouvernement chercherait à vous apporter des réponses. Un amendement gouvernemental voté à l'Assemblée nationale en seconde lecture permet de progresser dans trois directions importantes : l'abaissement d'un tiers du plafonnement de l'effort maximal à la charge du département ; l'institution d'une clause de sauvegarde spécifique pour les départements qui seraient confrontés à une montée en charge nettement plus rapide que la moyenne ; l'instauration d'une clause de rendez-vous avant la fin des deux premiers exercices, articulée avec le processus d'évaluation globale.
Par ailleurs, le Gouvernement va déposer au Sénat un amendement tendant à inscrire dans la loi la pondération entre les critères socio-démographiques. Il a retenu une hypothèse pondérant à 70 % le poids démographique des personnes âgées, à 25 % le potentiel fiscal et à 5 % le poids des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, hypothèse la plus favorable aux départements à forte population âgée et à potentiel fiscal faible ou moyen.
Les onze départements à plus forte population âgée, qui représentent 5,5 % de la population globale, recevront ainsi 10,5 % des dotations. Les dix départements présentant le plus faible potentiel fiscal, qui représentent 4,39 % de la population globale, recevront 8 % des dotations du fonds. Il est difficile, mesdames, messieurs les sénateurs, d'aller plus loin dans la redistribution au profit des départements pauvres à forte densité de personnes âgées.
Un deuxième point a trait aux assurances que le Gouvernement a été pressé de donner sur un taux minimum de participation de la solidarité nationale au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie.
Tout d'abord, soyons clairs sur l'essentiel : c'est l'initialisation qui exige les règles du jeu les plus détaillées, puisque, pendant cette période, nous ne pourrons pas raisonner avec le recul suffisant en termes de dépenses réelles constatées. Notre ciblage macroéconomique, soit 16,5 milliards à l'horizon 2003, est à la fois volontariste et cohérent, et nous avons prévu, dès 2002, les moyens d'assurer une compensation par la solidarité nationale du tiers de la dépense totale et assise sur des ressources dynamiques. L'affectation de 0,10 point de la contribution sociale généralisée autorise, à structure constante, un bonus de 200 millions de francs à 250 millions de francs par an.
Après ces deux exercices initiaux, dans la période dite de croisière, nous pourrons nous appuyer solidement sur l'évolution des dépenses constatées, en fonction de règles de compensation que le rendez-vous inscrit dans la loi, avant la fin de l'exercice 2003, aura permis d'ajuster, si, du moins, le besoin s'en fait sentir.
On nous demande pourtant - Mme Elisabeth Guigou et moi-même avons bien entendu les propositions des représentants de l'association des départements de France que nous avons reçus - un engagement à long terme, une clause automatique de financement minimal comparable à ce qui caractérisait les financements croisés dans l'ancienne aide sociale.
On nous demande notamment une prise en charge partagée par moitié : 50 % pour les départements, 50 % pour la solidarité nationale. J'ai envie de répondre qu'un partage « cinquante-cinquante » appellerait une cogestion de l'ensemble du dispositif. (MM. Mercier et Nogrix sourient.) Le Gouvernement n'a pas retenu cette solution que de très nombreux présidents de conseils généraux récuseraient. (MM. Mercier et Nogrix s'exclament.)
Nous comprenons les préoccupations exprimées, mais je crois qu'il serait hasardeux de figer des modalités de cet ordre à cinq ou dix ans.
Nous avons accepté dans la loi un grand niveau de précision pour la période initiale. Nous avons renforcé les clauses de redistribution ou de sauvegarde. Toutefois, nous ne pouvons valablement disposer pour le long terme qu'après avoir connu l'épreuve des faits.
Sur ce type de sujets la meilleure garantie est, d'abord, politique, et elle figure déjà dans le texte, sous la forme de la clause de rendez-vous spécifique. Le gouvernement d'alors ne pourra, vous le savez bien, assurer moins que ce que le gouvernement d'aujourd'hui tient, c'est-à-dire une compensation au moins égale au tiers de la dépense totale. (M. Mercier s'exclame de nouveau.)
D'ores et déjà, j'ai proposé à l'Association des départements de France une concertation sur la méthode, afin que nous puissions, dès la fin de cette année, commencer à préparer ce rendez-vous de 2003.
J'en viens maintenant au troisième point, peut-être le plus crucial, celui que pose la commission départementale instituée auprès du président du conseil général.
J'ai bien compris la position des présidents de conseils généraux sur cette question. J'ai reçu une délégation de l'ADF ce matin même et je sais l'importance que revêt ce point à leurs yeux.
J'ai entendu les arguments politiques selon lesquels la collectivité qui financerait la majeure partie de la dépense ne peut avoir compétence liée. J'ai entendu les arguments techniques sur les risques d'engorgement ou d'embouteillage des commissions, d'abord préjudiciables aux demandeurs.
Le Gouvernement fait preuve d'ouverture et, avec son accord, l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, a supprimé la participation à la commission, sans voix délibérative, d'un représentant de l'Etat.
Mais il dépose aujourd'hui, devant le Sénat, un amendement qui remplace les mots « sur proposition », dans la phrase « l'allocation personnalisée d'autonomie est accordée par décision du président du conseil général et servie par le département sur proposition d'une commission... », par les mots « après avis ». La compétence n'est plus liée, le caractère consultatif de la commission est affirmé.
Il serait donc regrettable de fermer ce débat par l'adoption d'une question préalable. Ne serait-ce que sur ce point, le débat mériterait d'être mené son terme normal.
Je tiens à vous dire une fois encore pourquoi le Gouvernement est attaché à l'existence d'une commission de ce type.
Tout d'abord, il lui paraît indispensable de disposer d'une instance de régulation associant aux élus et aux techniciens du département les représentants des autres parties prenantes au processus d'instruction des demandes, notamment les organismes de protection sociale.
Ensuite, comme il s'agit d'une prestation personnalisée nouvelle, nous aurons besoin d'un regard collégial sur ces décisions individuelles sensibles. Je pense aux révisions et aux suspensions de droits, ou aux cas pour lesquels l'équipe médico-sociale aurait besoin d'une instance d'interprétation.
M. Michel Mercier. Vous n'avez aucune confiance dans les élus locaux !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Dans ce type de cas, l'intervention d'une commission constitue une garantie pour l'ayant droit, mais aussi une sécurité pour les décideurs.
Enfin, une coordination renforcée avec les organismes de retraite permettra de conjuguer les efforts des différents financeurs sur des situations difficiles, notamment en matière d'accueil de jour ou d'aide aux aidants.
Il serait fortement souhaitable, par exemple, qu'un dément sénile puisse, au-delà de son plan d'aide, mobiliser quelques concours des caisses pour le soutien à sa famille.
Si un amendement du Sénat était proposé pour orienter les missions de la commission vers ce type de coordination, je ne m'y opposerais pas, sous réserve bien entendu d'une ultime concertation sur la rédaction.
Telle est l'utilité de cette commission, tels sont les points auxquels le Gouvernement ne souhaite pas renoncer. S'il devait y avoir discussion, je l'aborderai de manière ouverte, avec l'idée de modalités de fonctionnement souples, dans l'intérêt même des usagers.
En tout état de cause, c'est dans cet esprit pragmatique que le Gouvernement continuera, sur le terrain réglementaire, la concertation amorcée avec l'Association des départements de France.
Au moment de conclure cette intervention, j'ai envie de dire que les personnes âgées ou les familles qui pourraient suivre nos échanges risquent de ne rien y comprendre. Nous sommes d'accord, du moins je l'espère, sur beaucoup de choses : l'urgence d'une réforme, l'idée d'un droit objectif et universel à gestion décentralisée.
Pensons à la longue patience des personnes âgées et de leurs proches ! Cette réforme si importante pour la vie de centaines de milliers de Français est lancée : sur le terrain, les conseils généraux et les professionnels s'y préparent, mais, dès à présent, les familles et les personnes âgées en réclament la mise en oeuvre. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame le secrétaire d'Etat, vous avez conclu en soulignant que si nous n'y prenions garde et si le Sénat n'acceptait pas de travailler avec le Gouvernement et l'Assemblée nationale pour aboutir à un texte lisible et compréhensible en faveur des personnes âgées nous en porterions la responsabilité.
Or, permettez-moi de vous le dire, madame le secrétaire d'Etat, le Sénat, en première lecture, a tout fait...
M. Jean Chérioux. Exactement !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... pour que le texte qui a été présenté à l'Assemblée nationale et qui aurait pu être le texte de référence pour l'ensemble des personnes âgées et des acteurs sur le terrain soit le plus transparent, le plus clair et le plus lisible possible.
A cet effet, nous nous étions prêtés à un exercice auquel le Sénat a l'habitude de se livrer. Il s'est très largement inspiré ce qui a gêné, semble-t-il, le Gouvernement et l'Assemblée nationale - du texte sur la prestation spécifique dépendance qui était, selon moi - et personne ne l'a démenti - une bonne référence, claire et compréhensible.
Deux points avaient fait l'objet d'un débat devant l'opinion publique : le financement et le manque d'ouverture du dispositif, je pense notamment au GIR 4. Toutefois, personne n'avait mis en cause l'économie générale du texte et l'ensemble du dispositif législatif. Mais le Gouvernement a renvoyé à une série de décrets tout ce qui était initialement prévu dans ce texte sur la prestation spécifique dépendance.
Aujourd'hui, vous venez nous donner des leçons en nous disant que, si, le texte n'est pas lisible et compréhensible, les personnes âgées n'y comprendront rien et le Sénat en porterait la lourde responsabilité !
Madame le secrétaire d'Etat, si vous ne vouliez pas que nous légiférions dans l'urgence et si vous aviez accepté une étroite concertation entre le Parlement et les associations représentatives des élus, l'Assemblée des départements de France et l'Association des maires de France, je suis persuadé que nous aurions réussi à élaborer un texte sur lequel aurait pu se dégager un très large consensus.
Peut-être aurions-nous buté sur les modalités de financement. Sur le reste, je suis persuadé que nous serions parvenus, avec l'Assemblée nationale, à un texte lisible par tous.
Mais vous avez fait travailler le Parlement dans la précipitation, il suffit de se reporter aux débats à l'Assemblée nationale ou de constater que le Gouvernement en est encore à faire appel à des amendements pour essayer d'améliorer le texte. Si vous aviez véritablement accepté de jouer un jeu constructif, vous auriez pu le faire dès la première lecture. Pourquoi attendre le moment ultime ?
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Madame le secrétaire d'Etat, les parlementaires sont déçus. Les futurs bénéficiaires de cette allocation et l'opinion publique le seront également.
Ce n'est pas comme cela que le Parlement peut faire du bon travail et qu'il pourra reconquérir l'adhésion de l'opinion publique. (M. Hilaire Flandre approuve. )
J'ai par ailleurs le sentiment que nous risquons malheureusement de connaître un certain nombre de contentieux. Ils découleront des insuffisances du texte législatif.
Je constate enfin, madame le secrétaire d'Etat, que vous vous étiez engagée à nous communiquer les projets de décrets, et que vous ne l'avez pas fait. Comment voulez-vous que nous fassions du bon travail dans ces conditions ?
Je présenterai maintenant, au nom de la commission des affaires sociales, le rapport sur le projet de loi relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées.
Le Sénat, saisi de dix-neuf articles en première lecture du projet de loi relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, avait adopté huit articles conformes et en avait modifié huit autres, dans une rédaction qui n'était en aucun cas incompatible avec la logique du texte. Il avait simplement cherché à adopter une rédaction plus lisible et à inscrire dans le projet de loi des précisions qui figuraient dans le texte relatif à la prestation spécifique dépendance et qui lui semblaient utiles.
Le Sénat avait supprimé les articles 7, 8 et 14 bis. La suppression de ce dernier article, créant un comité scientifique chargé d'adapter les outils d'évaluation de la dépendance, ne signifiait pas non plus un désaccord sur le fond ; le Sénat avait estimé, en effet, que cette mission aurait été mieux prise en compte par le comité national de coordination gérontologique.
Le Sénat y avait en outre adopté trois articles additionnels, les articles 9 bis, 14 ter et 15 ter, qui ne paraissaient pas non plus contraires à l'esprit de ce projet de loi.
En revanche, la suppression des articles 7 et 8, et l'introduction parallèle de trois articles additionnels, les articles 1 bis, 1 ter et 2 A, résultaient de l'opposition du Sénat aux modalités de financement retenues.
Cinq raisons majeures nous avaient conduits, en effet, à retenir le principe d'un financement alternatif.
Premièrement, le projet de l'APA représente une grave menace pour les finances locales.
Je crois qu'il n'est pas besoin, à ce stade, de développer ce point, qui a fait l'objet de longs débats en première lecture. J'ajoute cependant que toutes les estimations présentées par le Gouvernement ont été effectuées en tenant compte du maintien du recours sur succession, qui jouait un rôle de « verrou » dans le cadre de la PSD. Or ce recours sur succession a été supprimé par l'Assemblée nationale en première lecture. Dès lors, nous pouvons être inquiets, et ce d'autant plus que l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a supprimé la compensation de perte de recettes pour les départements résultant d'un amendement de la commission des finances du Sénat, amendement que nous avions déposé avec notre collègue Michel Mercier.
Deuxièmement, le financement de l'APA fait peser une lourde menace sur la sécurité sociale. Le « fonds national de financement de la prestation autonomie » a pour objet de permettre d'y affecter deux recettes émanant de la sécurité sociale, la contribution versée au fonds par les régimes de base d'assurance vieillesse, dont la constitutionnalité apparaît incertaine, et le CSG, alors que l'Etat est le grand absent du financement de l'APA.
La CSG fait, en réalité, l'objet d'un double détournement.
Le premier détournement de la CSG consiste à financer une allocation qui n'est pas une prestation de sécurité sociale. Il est vrai que le Gouvernement a désormais la fâcheuse habitude de solliciter des concours de la sécurité sociale pour d'autres objectifs que le financement de celle-ci ; le financement des 35 heures en est l'illustration éclatante.
Le second détournement de la CSG consiste à financer un fonds de formation professionnelle, à travers la création, au sein du fonds de financement de l'APA, d'un autre fonds, le « fonds de modernisation de l'aide à domicile ».
L'objectif général, au demeurant louable, est de former les salariés des associations d'aide à domicile et de contribuer ainsi à la professionalisation de ce secteur. Qui pourrait s'y opposer ? Cependant, les actions de ce fonds sont déjà plus imprécises et n'ont pas davantage été précisées par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Quant à son financement, il pose de graves questions de principe. Ainsi, comment peut-on justifier qu'un fonds de formation soit financé par la CSG, dont l'objet est de financer de manière exclusive la sécurité sociale ?
Rappelons une fois encore, mes chers collègues, que le Gouvernement a refusé d'appliquer une disposition de l'article 16 de la loi du 24 janvier 1997 portant création de la PSD prévoyant une formation pour les salariés de l'aide à domicile. Nous avions, à maintes reprises, appelé l'attention de Martine Aubry sur ce point. En somme, l'Etat accepte de former les salariés des associations d'aide à domicile lorsqu'un tel financement est assuré par la sécurité sociale !
C'est pour cette raison que le Sénat a choisi de « rétablir », en quelque sorte, cette disposition restée inappliquée par l'adoption de l'article 2 A.
Troisièmement, le financement de l'APA n'est pas assuré.
Le coût total de la prestation en vitesse de croisière devrait être de 23 milliards de francs par an. Cette vitesse de croisière étant atteinte dès 2004, il manquerait ainsi 6,5 milliards de francs.
Au passage, madame le secrétaire d'Etat, cette estimation de 23 milliards de francs fait complètement l'impasse sur les conséquences financières qui vont résulter de l'absence de recours sur succession, aucune évaluation n'ayant été engagée par le Gouvernement sur ce point.
Le rapport que prévoit le Gouvernement à l'article 13 est prématuré. En effet, le bilan de la seule année 2002, qui risque fort d'être une année de montée en charge du dispositif, sera alors disponible mais incomplet, puisque ledit rapport restera sans lendemain. C'est pour cette raison que nous avions procédé à une nouvelle rédaction de cet article, retenant notamment le principe d'une évaluation bisannuelle.
Quatrièmement, ce financement échappera à tout contrôle.
Même s'il est géré par le FSV, le « fonds de financement de l'APA » ne constituera pas en tant que tel un « organisme concourant au financement des régimes de base ». En conséquence, il échappera au contrôle du Parlement lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le fonds n'apparaîtra pas davantage en loi de finances.
Une fraction d'un des prélèvements obligatoires les plus importants, la CSG, sera ainsi purement et simplement soustrait au contrôle du Parlement. La fraction de la CSG affectée au fonds de financement n'apparaîtra plus dans les prévisions de recettes de la loi de financement : elle ne sera, en somme, nulle part !
Un tel recul des prérogatives du Parlement en matière de finances sociales, désormais unanimement reconnues, est particulièrement grave.
Il n'est pas particulièrement heureux, alors que nous examinions il y a peu la propposition de loi organique relative aux lois de finances, que le Gouvernement, à la première occasion, prenne ainsi le contre-pied de ce que pourrait souhaiter la représentation nationale.
Cinquièmement, ce financement est contradictoire par rapport aux autres priorités affichées par le Gouvernement.
Le détournement, au profit du « fonds autonomie », d'une partie de la CSG affecté au FSV va à l'inverse de la « politique » définie le 21 mars 2000 par le Premier ministre lui-même pour l'alimentation du fonds de réserve des retraites. Les « excédents » du FSV étaient, en effet, censés être la première source d'alimentation de ce fonds.
Or, nous l'avons déjà évoqué, afin de financer les 35 heures, le Gouvernement a déjà supprimé l'affectation au FSV des droits sur les alcools, qui ne représentent pas moins de 11,5 milliards de francs en 2001, et diminué une première fois la part de CSG affectée au FSV, soit 7,5 milliards de francs en 2001.
Les recettes du FSV, c'est-à-dire les moyens financiers qui étaient destinés à garantir l'avenir des retraites, sont ainsi amputées annuellement de plus de 24 milliards de francs, soit 19 milliards de francs résultant de la loi de financement pour 2001 et 5 milliards de francs au titre du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie.
En somme, le Gouvernement alimente un nouveau fonds par des recettes destinées à un autre fonds - le FSV - qui était lui-même censé les reverser à un troisième, le fonds de réserve des retraites.
M. Hilaire Flandre. C'est le tonneau des Danaïdes !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Dans le rapport de contrôle que j'ai eu l'honneur de présenter à la commission des affaires sociales le 19 avril dernier, nous expliquions ainsi que les « 1 000 milliards » risquaient de ne pas être atteints, puisque, du fait de la politique du Gouvernement, les années 2000, 2001 et 2002 montraient que le tableau de marche était bien mal engagé.
Certes, le FSV est amené à dégager de toute façon des excédents du fait de la diminution du nombre des allocataires du minimum vieillesse, mais ces excédents ne peuvent toutefois pas être multipliés à l'infini !
Lors de son audition en commission sur le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, le DDOSEC, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, avait promis à la commission des affaires sociales des explications détaillées sur la masse des excédents du FSV, censée atteindre 650 milliards de francs, au lieu des 400 milliards de francs annoncés par le Premier ministre en mars 2000. Madame le secrétaire d'Etat, nous attendons toujours ces données !
En conséquence, le Sénat avait supprimé le fonds de financement de l'APA et avait retenu le principe d'un financement alternatif, reposant sur une tout autre logique.
Les modalités de ce financement alternatif avaient été définies par la commission des finances, saisie pour avis de ce projet de loi, et par son rapporteur, M. Michel Mercier, avec qui j'avais travaillé en étroite concertation.
Il s'agissait, mes chers collègues, de créer une dotation spéciale au sein de la DGF des départements, Mme le secrétaire d'Etat y a fait référence tout à l'heure pour manifester l'opposition du Gouvernement à ce dispositif. Il présentait pourtant l'avantage de faire financer par l'Etat, et non par la sécurité sociale, la moitié des dépenses supplémentaires nées de l'APA. L'effort financier demandé aux départements aurait été ainsi mesuré et contrôlé. L'Etat aurait été soumis à une forme de « ticket modérateur », en raison de sa participation au financement, et le contrôle était rétabli.
Au total, cinq articles montraient un véritable « clivage » entre les deux assemblées et c'est, du reste, sur le dispositif financier que la commission mixte paritaire, réunie le 29 mai dernier, a échoué.
Cependant, l'Assemblée nationale, lors de l'examen de ce texte en nouvelle lecture, ne s'est pas contentée de rétablir son dispositif financier de première lecture.
Alors que le Sénat avait souhaité apporter un certain nombre de précisions et de garanties figurant dans la loi du 24 janvier 1997 et tout à fait compatibles avec le texte du Gouvernement, comme l'information des maires, la possibilité pour la personne âgée de se faire assister de son médecin ou encore le contrôle régulier de l'effectivité de l'aide apportée, ces précisions et ces garanties ont été systématiquement supprimées par l'Assemblée nationale, qui a entendu revenir, pour l'essentiel, à son texte initial.
Le rapport d'évaluation biannuel du Gouvernement proposé à l'article 13 a été également supprimé, il ne restera donc qu'un seul rapport, disponible avant le 30 juin 2003.
Au total, l'Assemblée nationale a souhaité maintenir une présentation législative complexe et lacunaire de l'APA, qui a pour mérite essentiel, aux yeux du Gouvernement, de faire apparaître une rupture avec le texte actuel de la PSD... qui aurait pu lui-même être amendé sur quatre ou cinq points pour obtenir le même résultat ! Il y a véritablement là une volonté d'affichage politique en ce qui concerne l'APA !
Cela étant, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, il est apparu que tout ce qui venait du Sénat n'était pas complètement négatif, et le président de la commission de l'Assemblée nationale a considéré que, sur un certain nombre de points, l'Assemblée nationale aurait pu retenir des propositions faites par le Sénat, qui lui paraissaient tout à fait légitimes et intéressantes. C'était sans compter le Gouvernement, qui prit l'initiative de demander à l'Assemblée nationale de n'en rien faire. Je pense, par exemple, à un amendement de bonne rédaction législative qui avait été adopté à l'article 1er de ce texte.
Je pourrais également évoquer le sort qui a été réservé à l'article 9 bis, résultant d'un amendement déposé par notre collègue Charles Descours et tendant à majorer la déduction fiscale pour les dépenses d'hébergement en établissement en portant le taux de 25 % à 50 %. Il s'agissait, dans ce cas, de contribuer à une meilleure égalité de traitement entre l'aide à domicile et l'hébergement en établissement, mais le Gouvernement n'en a rien eu à faire : pas question d'accepter ces dispositions et que l'Assemblée nationale rejette tous les amendements du Sénat !
Et l'Assemblée nationale a joué les « godillots » pour faire plaisir au Gouvernement, alors que le souhait de sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales était de voir l'article 9 bis voté conforme. Du reste, un tel amendement avait été adopté par ladite commission en première lecture, puis retiré en séance publique à la demande du Gouvernement, et le rapporteur de l'Assemblée nationale avait lui-même souligné, dans son rapport de nouvelle lecture, l'importance de cet article introduit par le Sénat : malgré son importance, il n'a pas résisté à un amendement de suppression déposé par le Gouvernement.
Je pourrais mentionner encore l'article 15 ter , qui mettait fin, par coordination, au recours sur succession prévu pour les bénéficiaires de la PSD.
Comment peut-on justifier, madame le secrétaire d'Etat, une telle différence entre les deux dispositifs, sauf par la volonté de « faire du chiffre » sur l'APA et de montrer ainsi le succès de la politique gouvernementale ? Vraiment ! Vous parliez tout à l'heure de lisibilité et de compréhension du texte par les personnes âgées : comment allez-vous faire comprendre à celles qui sont bénéficiaires de la PSD que le recours sur succession sera maintenu pour elles seules, alors que, pour les personnes âgées bénéficiaires de l'APA, il est supprimé ?
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Le Conseil constitutionnel tranchera !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Si c'est cela un dispositif lisible et compréhensible par les personnes âgées, il faudra m'expliquer !
M. Alain Joyandet. C'est vrai !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je me demande comment vous pourrez expliquer une telle différence de traitement quand vous irez sur le terrain, dans les clubs de personnes âgées ou devant les élus. Je vous souhaite bon courage !
M. Alain Joyandet. Il a raison !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Compte tenu de la position que je vais proposer à la Haute Assemblée d'adopter, il est fort probable que nous n'aurons pas l'occasion d'examiner l'amendement tendant au rétablissement de la disposition, qui a été déposé par le groupe de l'Union centriste, ce dont je le remercie ; il aurait bien volontiers été adoptée par la commission des affaires sociales si le Gouvernement et l'Assemblée nationale avaient manifesté une vraie volonté de construire un texte consensuel, mais ce ne fut malheureusement pas le cas.
L'Assemblée nationale, mes chers collègues, a en outre modifié son propre texte sur des points centraux pour l'écarter davantage encore des préoccupations exprimées par notre assemblée.
Elle est finalement revenue au mécanisme de la « commission d'instruction », présidée par le président du conseil général ou son représentant, et qui doit « proposer » au même président du conseil général les décisions qu'il doit prendre. Ce matin même, nous avons découvert, en commission des affaires sociales, un nouvel amendement du Gouvernement tendant, mes chers collègues, à remplacer le mot : « proposition » par le mot : « avis ».
Au risque de paraître caricatural, le rapporteur que je suis a vraiment le sentiment de contempler un travail d'amateurs, madame le secrétaire d'Etat. En effet, formuler, au stade de la nouvelle lecture, une proposition sur la commission d'instruction d'une telle nature c'est prouver que le Gouvernement a été particulièrement laborieux dans sa recherche d'un texte équilibré et qui corresponde ce qu'il souhaite réellement.
Si vous aviez eu la sagesse de suivre le Sénat, madame le secrétaire d'Etat, vous n'en auriez pas été réduite à déposer des amendements de dernière minute de cette nature.
Le texte se contente de prévoir que les modalités de fonctionnement de cette commission, « qui réunit notamment les représentants du département et des organismes de sécurité sociale », sont précisées par décret. Encore des décrets !
Est-ce que ce dispositif, ou plutôt, selon vos propres termes, madame le secrétaire d'Etat, cette « esquisse » que vous qualifiez encore « d'organe collégial léger » ou de « commission souple », est conforme au principe de libre administration des collectivités locales ? On peut se poser la question !
En ce qui concerne le financement, l'Assemblée nationale s'est livrée en séance publique - et en nouvelle lecture ! - à un véritable travail de commission. Elle a, en effet, adopté un sous-amendement du Gouvernement tendant à préciser les règles de répartition du concours du « fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie ». Tout a été fait pour que le Parlement soit tenu à l'écart des simulations réalisées par la direction générale des collectivités territoriales.
J'en viens au montant du concours du fonds et je vous demande, mes chers collègues, de me suivre avec beaucoup d'attention étant donné la complexité du nouveau dispositif.
Quel est le nouveau dispositif qui a fait, à partir d'un amendement du Gouvernement, l'objet d'un véritable travail de commission en séance publique à l'Assemblée nationale ?
Dans un premier temps, le montant du concours du fonds est réparti annuellement entre les départements, en fonction de la part des dépenses réalisées au titre de l'APA dans le montant total des dépenses au titre de l'APA constaté l'année précédente pour l'ensemble des départements - c'est le premier critère.
Il est modulé en fonction du potentiel fiscal - c'est le deuxième critère - et du nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion de chaque département - c'est le troisième critère.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, madame le secrétaire d'Etat, vous avez fait référence aux critères supposés de pondération. Vous avez dit : « Le Gouvernement retient une hypothèse centrale de 70 % pour le poids démographique des personnes âgées... » - pourcentage qui, par le jeu d'un amendement qui nous a été transmis ce matin, passe à 75 % - « 20 % pour le potentiel fiscal... » - pourcentage qui, toujours par le jeu d'un amendement du Gouvernement, passe à 25 %... (Mme le secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation.)
La commission peut vous transmettre ce texte, madame le secrétaire d'Etat. Vous le contestez, mais il s'agit bien d'un amendement du Gouvernement !
Je poursuis : « et 10 % pour les bénéficiaires du RMI » ; pourcentage qui passe à 5 % toujours par le jeu d'un amendement du Gouvernement.
« Une dernière phase de concertation sera nécessaire avec les présidents de conseils généraux. Le Gouvernement arrêtera et fera connaître sa position sur cette répartition avant la dernière lecture de l'Assemblée nationale. »
La dernière lecture ne permettant aucun ajout au texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, ces critères ne seront donc pas définis par la loi.
Vous ne pouvez pas dire une chose à l'Assemblée nationale et nous dire qu'on pourra le faire en nouvelle lecture, d'autant que nous savons pertinemment que cela ne pourra pas se faire.
Ces dispositions reprennent ce qui avait été annoncé en première lecture, mais elles ont été complétées par de curieuses précisions.
Le montant des concours du fonds ne peut excéder par département la moitié des dépenses d'APA dudit département : il s'agit d'une « limite haute ». Pour le Gouvernement, il ne serait pas souhaitable que « le financement soit majoritairement effectué par un mécanisme de solidarité nationale. »
J'en viens à la principale difficulté. Ce que je mentionnais tout à l'heure était relativement compréhensible, mais c'est ici que la difficulté est réelle.
« Une clause de sauvegarde spécifique », selon l'expression de Mme la secrétaire d'Etat aux personnes âgées, prévoit également que le concours est majoré pour les départements « confrontés à une forte pression ».
Le concours est ainsi majoré pour les départements dont la dépense moyenne d'APA par personne âgée de plus de soixante-quinze ans dépasserait de plus de 30 % la moyenne nationale.
Cette majoration, égale à 80 % de la gestion des dépenses excédant le seuil de 30 %, est prise en charge par le fonds et minore à due concurrence les montants à répartir par ce fonds aux autres départements. (Marques d'incompréhension sur les travées du RPR.)
Nul ne sait si « la limite haute » empêche l'application de la « clause de sauvegarde spécifique », ou si cette clause est tellement spécifique qu'elle est une exception à la limite haute... Comprenne qui voudra !
Mais quant au souci de transparence et de compréhension vis-à-vis des personnes âgées, je ne suis pas persuadé qu'à la lecture du texte revu par l'Assemblée nationale, elles y voient beaucoup plus clair. Je pense que la version du Sénat était plus lisible.
Par ailleurs, les dépenses relatives à l'APA de chaque département ne peuvent excéder un montant moyen par bénéficiaire égal à 80 % du montant au 1er janvier 2001 du montant de la majoration pour tierce personne, soit 4 705 francs par mois. Les dépenses effectuées au-delà de ce seuil sont prises en charge en totalité par le fonds et minorent à due concurrence les montants à répartir.
Je constate que les mécanismes retenus, en comparaison de ceux qui sont fixés par le Sénat, relèvent de « l'usine à gaz », ce qui pourrait prêter à sourire si cette complexité n'allait pas accroître davantage l'opacité du fonds de financement de l'APA.
Le fonds ne pourra pas dépenser au-delà des recettes disponibles. Il sera ainsi soumis en permanence à des arbitrages entre la compensation partielle qu'il doit aux départements au titre des « trois critères » et les mécanismes de péréquation mis en place pour tenter de soulager au maximum la charge des départements les plus « touchés ».
De tels mécanismes reposent sur une pérennité chancelante, puisqu'ils devront être réévalués avant la fin de l'année 2003, en fonction du bilan prévu à l'article 13 du projet de loi.
Lors de la nouvelle lecture, le Gouvernement a souhaité, en outre, apporter également des « précisions importantes », qui se traduisent par la création d'un « groupe de suivi » de la tarification, d'un « groupe de réflexions » sur le devenir des petites structures d'hébergement et d'une réflexion sur la « mise à plat » des aides aux logements pour les personnes hébergées en institutions.
Par ailleurs, le Gouvernement demande que lui soient laissées « encore quelques semaines pour formaliser l'esquisse » du dispositif qu'il propose pour l'examen des demandes d'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie. Ce n'était vraiment pas au point !
Se trouve ainsi illustrée la démarche du Gouvernement tendant à proposer dans l'urgence au Parlement un texte non abouti et non financé.
Le Gouvernement déplore que le petit jeu de la navette parlementaire le contraigne à une gymnastique complexe dont il espère que le projet de loi sortira indemne.
Cette conception du dialogue entre les assemblées, passablement éloignée des termes et de l'esprit de l'article 45 de la Constitution, confirme le souci du Gouvernement de n'autoriser à l'Assemblée nationale que des remords sur son propre texte, au demeurant fort insuffisants pour en corriger les ambiguïtés et les imperfections et, en tout état de cause, incapables de lui donner une base financière viable.
Nous avons constaté, non sans une certaine inquiétude, que le Gouvernement avait déposé aujourd'hui même - j'y ai fait référence à deux ou trois reprises - des amendements tentant d'améliorer in extremis le texte adopté par l'Assemblée nationale et de pallier ses déficiences.
Mais, madame la secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous dire que, compte tenu du sort réservé au texte que nous avions adopté en première lecture, il est vraiment trop tard pour engager le dialogue avec le Sénat.
Telles sont les raisons, monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour lesquelles la commission des affaires sociales vous propose, la mort dans l'âme, l'adoption d'une motion tendant à opposer la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. Nous y sommes contraints !
M. le président. La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet. « Il faut diversifier l'offre de service qu'on peut proposer à domicile. Au-delà des activités traditionnelles de portage des repas, d'aides ménagères ou de soins, on pourrait organiser pour les personnes âgées des "ateliers de mémoire", des groupes de paroles... Une conciliation astucieuse entre milieu de vie ordinaire et institution permettrait d'ailleurs de leur offrir en outre un accueil de jour, voire un accueil temporaire qui rendrait possible "un droit au répit" pour leurs familles. »
Tels sont les mots que vous avez prononcés, madame la secrétaire d'Etat, et qui montrent la perspective dans laquelle s'inscrit ce texte de loi : d'abord, organiser des prises en charge différentes pour les personnes âgées, afin de leur donner les moyens de maintenir leur potentiel, de rester actives dans la société pour préserver leur autonomie le plus longtemps possible ; ensuite, prévoir la transition avec l'entrée en établissement et soutenir les familles dans l'accompagnement de leurs parents devenus dépendants, même faiblement ; enfin, à l'heure de la dépendance, continuer à offrir dans les établissements l'aide personnalisée correspondant aux besoins réels de la personne.
Le texte définissant l'allocation personnalisée d'autonomie est un bon texte, abordant le problème - ô combien difficile ! - du vieillissement sous l'aspect dynamique de la prévention de la perte d'autonomie et du maintien de celle-ci le plus longtemps possible.
La population susceptible d'avoir recours à une prestation de ce type est évaluée à 800 000 personnes environ, nous l'avons déjà dit. Sachant que la PSD ne concernait que 135 000 d'entre eux, on peut en effet parler de progrès social.
Au seul titre du classement en GIR 4, ce sont 264 000 personnes supplémentaires qui pourront bénéficier de l'allocation personnalisée d'autonomie.
La prise en charge de celles et de ceux qui ont perdu de l'autonomie, même si leur dépendance est faible, sans condition de ressources et de recours aux droits sur succession, de manière universelle, quel que soit le lieu de résidence, à la maison ou en établissement, dans n'importe quel département de France, tout cela constitue un véritable progrès social attendu par les familles et les personnes âgées ou vieillissantes, dépendantes ou en passe de le devenir.
En outre, et dans l'intérêt de tous, le volet de modernisation de ce texte de loi permettra aux professionnels amenés à travailler auprès des personnes âgées de mieux se former et de faire évoluer leur statut.
Les centre locaux d'information et de coordination qui se mettront en place - un millier d'ici à 2005 - informeront les personnes âgées et leur famille des possibilités existantes et articuleront les interventions des professionnels rendant l'action des équipes intervenantes bien plus efficace et performante.
Bien sûr, le problème du financement se pose à nous. Si je prends l'exemple de mon département, le Pas-de-Calais, le nombre de personnes âgées dépendantes potentiellement éligibles est estimé à 18 000, alors que les bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance sont actuellement au nombre de 5 000.
L'APA constitue donc une indéniable avancée sociale par rapport à la PSD. Mais cela entraîne, bien entendu, un coût supplémentaire moyen de l'ordre de 63 millions de francs avant intervention du fonds de financement de l'APA.
Mes chers collègues, j'aimerais me tourner maintenant vers M. le rapporteur que j'ai écouté avec beaucoup d'attention. Selon vous, ce texte n'est pas parfait.
Mais quel gouvernement peut prétendre ne présenter que des textes parfaits ?
Je me souviens que M. Jacques Chirac, alors Premier ministre, avait présenté devant l'Assemblée nationale un premier texte sur la taxe professionnelle qui venait remplacer la patente. Et, on a vu plus tard, combien ce texte était mauvais. Vous l'avez modifié et vous avez eu raison de le faire. Mais je veux simplement vous rappeler que tout texte est toujours perfectible. Celui-ci ne fait pas exception, monsieur le rapporteur.
Selon vous, le Gouvernement aurait dû aller plus loin dans la concertation à l'occasion de la première lecture. Moi, je veux bien, mais Mme la secrétaire d'Etat nous a donné tout à l'heure ses raisons. Elle a aussi rappelé que ce n'était pas définitif, car il y aura un bilan. Vous le savez bien, on l'a tous dit en commission et ici même lors de l'examen en première lecture, on se dirige petit à petit vers un cinquième risque. Comme pour tous les textes de loi, les premiers temps d'application permettent d'affiner les mesures et d'en apprécier la justesse. Puis apparaissent les difficultés.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais on n'en est pas au premier texte !
M. Roland Huguet. Ils permettent aussi de réfléchir sur les remèdes à instaurer pour améliorer le processus.
D'ici à 2003, année de la première évaluation prévue par le texte, les services départementaux et ceux de l'Etat suivront de près les effets de la loi en termes tant de population concernée que d'efficacité des aides offertes.
Ces services, dont la compétence n'est plus à démonter - je parle de nos services départementaux, même si je ne doute pas non plus d'ailleurs de la compétence de ceux de l'Etat - sauront mettre à profit ce temps d'expérimentation pour parfaire le texte de départ et proposer les rectifications utiles et les moyens de financement équilibrés faisant appel à la solidarité nationale et à la solidarité locale de manière harmonieuse et ne pénalisant, je l'espère, ni les départements ni les usagers.
Nos partenaires, sécurité sociale et associations de soins à domicile, comme les équipes en établissement, apporteront leur expérience du terrain pour faire évoluer le texte et l'améliorer encore.
Les mesures concernant la prise en charge de la perte d'autonomie étaient, comme vous l'avez dit, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, attendues par les personnes vieillissantes, dépendantes ou non, et par leur famille.
Les progrès de la médecine font du vieillissement un problème de société fondamental auquel il nous faut répondre. Plus de 90 % des personnes de plus de soixante ans vivent chez elles. Elles y restent quand la dépendance approche, et même quand elle est là. Parfois, l'un des conjoints entre en établissement alors que le second reste à la maison. On estime à environ 520 000 le nombre de personnes dans cette situation, classées en GIR de I à IV, qui continuent, envers et contre tout, à vivre chez elles !
Il fallait ouvrir des perspectives sur le maintien de l'autonomie ; il fallait élaborer un texte offrant aux personnes vieillissantes et à leur famille les aides adaptées à leur situation et leur permettant de vivre de façon satisfaisante, en conservant le maximum de potentiel personnel et en retardant ainsi l'installation de la dépendance.
Quel que soit son âge, la personne âgée a toute sa place dans notre société. Vieillir ne doit pas être synonyme de perte de dignité ou d'intégrité. Vieillir en restant un citoyen à part entière, en conservant sa place dans la vie quotidienne, en gardant un niveau de revenus et des conditions de vie satisfaisantes, c'est le souhait, l'espoir de chacun d'entre nous.
Le projet de loi se place dans cette optique et correspond à ces attentes. C'est pourquoi le groupe socialiste du Sénat maintient sa position et approuve sans restriction le texte issu des débats de l'Assemblée nationale.
En conclusion - n'y voyez pas une pirouette, le sujet dont nous débattons est trop sérieux - il est vrai que le financement pose un problème, mais plus l'effort à faire en matière de financement sera important, plus le bénéfice qu'en attendent les personnes âgées sera grand !
Enfin, mes chers collègues, nous avons tous connu un président de la République, par ailleurs général célèbre, qui disait : « L'important, c'est l'action. L'intendance suivra ! » (Applaudissements sur les travées socialistes. - Sourires sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Roland du Luart. A condition d'en avoir les moyens !
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une nouvelle fois, nous sommes amenés à examiner le projet de loi relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.
Cette discussion intervient après, d'une part, l'échec de la commission mixte paritaire réunie le 29 mai dernier, qui s'est trouvée dans l'incapacité de parvenir à un texte commun, le point majeur de désaccord, le financement de l'APA, n'ayant pu être surmonté, d'autre part, après la nouvelle lecture par l'Assemblée nationale qui a permis, pour l'essentiel, de rétablir le texte dans sa version initiale tout en l'améliorant sur certains points.
Je salue cette démarche de l'autre chambre, car elle a permis d'affirmer sans ambiguïté - ce qui n'était pas le cas au sein de la Haute Assemblée, qui a manifesté au cours de la première lecture une certaine « nostalgie » de la PSD - un nouveau droit, universel, objectif, accessible, selon des conditions identiques sur l'ensemble du territoire, aux personnes âgées en perte d'autonomie.
Sur le point clé du dispositif, à savoir le fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, des précisions attendues par l'ensemble des parlementaires ont été apportées. L'amendement de la commission des affaires culturelles, complété par un sous-amendement du Gouvernement, qui a permis de revoir les modalités de la péréquation entre les départements, de retenir comme critères de répartition le poids démographique des personnes âgées, le potentiel fiscal et le nombre de bénéficiaires du RMI, et de fixer la pondération de ces critères, a fort justement répondu - même si M. Vasselle prétend le contraire - aux inquiétudes exprimées, tout en tenant compte de la diversité de situation des départements.
M. Michel Mercier. Il faudrait le dire à Lyon, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. Je le répéterai à Lyon, monsieur Mercier !
M. Michel Mercier. Je vous donne rendez-vous aussi dans le Val-de-Marne !
M. Guy Fischer. Sur un autre point, le texte a pu évoluer : le Comité national de coordination gérontologique sera maintenu. Je souhaite qu'une fois ses missions redéfinies dans le cadre de l'APA cette instance de coordination soit un lieu d'échanges servant aussi à l'évaluation de cette loi, à son adaptation à la nécessaire couverture de tous les besoins, en complément du comité scientifique d'adaptation des outils d'évaluation de l'autonomie et du conseil d'administration de surveillance du fonds de financement.
Moyennant le retrait de la disposition sénatoriale relative à l'ajustement automatique de la DGF, la suppression de tout recours sur succession ou donation est acquise.
N'en déplaise à certains, je me félicite de l'abandon de cette règle qui, au-delà de son caractère dissuasif, « enlevait à l'APA tout caractère de prestation universelle ».
M. Alain Vasselle, rapporteur. Qui va payer ?
M. Jean Chérioux. Ce n'est jamais un problème pour le groupe communiste !
M. Guy Fischer. Nous aurons à en rediscuter, parce que le problème du recours sur succession touchait les plus pauvres, monsieur Chérioux,...
M. Jean Chérioux. On fera payer les riches !
M. Guy Fischer. ... et vous savez fort bien que c'étaient les plus pauvres qui ne faisaient pas appel à la PSD !
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le Rhône faisait payer les plus riches !
M. Guy Fischer. Le Rhône avait modifié la loi, à ma demande. (Rires.)
M. Michel Mercier. C'est bien la première fois que je dois vous remercier !
(Rires.)
M. Guy Fischer. Pour une fois, le président Mercier nous avait écoutés. Mais il n'était pas allé jusqu'au bout du chemin !
N'en déplaise à certains ici, je me félicite de l'abandon de cette règle qui, au-delà de son aspect dissuasif, « enlevait à l'APA tout le caractère de prestation universelle ». Je me contente ici de citer les associations dont je partage l'appréciation.
Enfin, s'agissant de l'accueil en établissement, qui concerne tout de même 650 000 personnes ne pouvant être maintenues à domicile, la question de la nécessaire égalité de traitement a de nouveau été posée par les députés. Le dispositif prévoyant de porter à 50 % le taux de la réduction fiscale au profit des personnes hébergées en établissements - mesure touchant non pas, il est vrai, toutes les personnes âgées, mais uniquement celles qui sont redevables de l'impôt sur le revenu, appartenant de fait aux couches sociales intermédiaires - n'a finalement pas été retenu.
Vous vous êtes engagée, madame le secrétaire d'Etat, à résoudre ce problème de la diminution du coût de l'hébergement en établissement en facilitant l'accès à l'aide personnalisée au logement pour les personnes concernées. Nous serons attentifs à ce que ces mesures entrent véritablement en application, car, pour les personnes hébergées en établissement comme pour leurs familles, il convient de ne pas se contenter des effets attendus de la réforme de la tarification en termes de diminution du coût de l'hébergement, faute alors de garantir une réelle liberté de choix.
Conformément à la volonté de l'ensemble des intervenants, l'Assemblée nationale a retenu l'expérimentation du versement globalisé de l'APA pour les départements volontaires. Par ailleurs, l'évaluation de la mutualisation des aides individuelles est prévue dans le cadre du bilan de la mise en oeuvre de la loi à l'article 13 et j'espère que, dans trois ans, nous pourrons la généraliser.
Considérant que le projet gouvernemental restait perfectible, bien que toutes les conséquences des insuffisances réelles de la PSD en termes d'accès à la prestation, de niveau de celle-ci ou d'égalité de traitement aient été tirées, les parlementaires communistes ont cherché à en corriger le principal défaut.
Ainsi nous sommes-nous résolument positionnés en faveur d'une véritable prestation de sécurité sociale, légale, universelle, sans barrière d'âge, effectivement individualisée, permettant un choix de vie. Cette solution avait en plus le mérite de régler le problème du financement.
Une clause de rendez-vous a été prise. Nous souhaitons que d'autres pas soient franchis et qu'on reconnaisse enfin, pleinement, ce nouveau risque social, cinquième risque, idée que nous avons été les seuls à porter dans le débat, bien qu'elle soit largement partagée par le monde associatif, et commence à être reprise par d'autres parlementaires.
Dans l'immédiat, loin de ces considérations, sur proposition de son rapporteur, la commission des affaires sociales soumet à l'adoption du Sénat une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi. Il n'y aurait pas, ou plus, matière à débattre, alors que le présent texte, plus qu'attendu, jette les bases d'une politique nouvelle en matière d'aide à l'autonomie, de nature à préserver la dignité non seulement des personnes âgées, mais également de leurs familles.
Nous ne souscrivons pas à cette démarche. Le sujet mérite, selon nous, des échanges approfondis. Par conséquent, dès à présent, je tiens à signaler que le groupe communiste républicain et citoyen votera contre cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. L'Assemblée nationale a supprimé, le 7 juin dernier, la disposition qui avait été adoptée par le Sénat, aux termes de laquelle il était mis fin à la récupération sur succession de sommes servies au titre de la PSD.
Il nous avait semblé souhaitable de réintroduire cette disposition pour permettre un alignement des conditions d'attribution et montants de toutes les prestations : la PSD, l'ACTP et l'APA.
En effet, en l'état actuel de la législation, l'ACTP comme la PSD permettent, au maximum, de financer à peine quatre heures d'aides, contre près de six heures pour la future APA !
De même, les bénéficiaires de l'ACTP ou de la PSD sont soumis à la récupération sur succession, contrairement aux futurs bénéficiaires de l'APA.
La suppression de cette disposition et, consécutivement, un traitement différent des prestataires en fonction de la prestation versée, est particulièrement problématique, aucune disposition n'étant prévue dans le projet de loi concernant le passage à l'APA pour les actuels bénéficiaires de la PSD ou de l'ACTP.
Ces bénéficiaires, qui passeront au régime de l'APA, seront-ils redevables de la récupération sur succession pour la période où ils ont bénéficié de la PSD ou de l'ACTP ? Compte tenu du silence du projet de loi sur cette question, on peut craindre une réponse affirmative, ce qui constituerait une grande injustice s'agissant des personnes handicapées qui se retrouvent démunies en raison de leur handicap.
On ne saurait dès lors partager l'analyse de certains selon laquelle le maintien de la récupération sur sucession concernant la PSD serait de nature à « rendre plus attractive l'APA et favoriser le passage de la PSD à l'APA ».
Dans un souci de clarté du dispositif, d'effectivité autant que de justice et d'égalité, nous avions déposé, mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même, un amendement à l'article 15 bis tendant à prévoir un alignement des régimes ACTP, PSD et APA.
Cet amendement ne pourra être examiné, puisque la commission des affaires sociales a décidé d'opposer la question préalable au projet de loi qui revient aujourd'hui devant le Sénat en nouvelle lecture.
Je suis sûr que la commission aurait donné un avis favorable à notre amendement, comme l'a affirmé le rapporteur, et qu'elle souhaite que ce problème puisse être clarifié, en lecture définitive, à l'Assemblée nationale par le Gouvernement.
Au demeurant, nous souscrivons aux arguments qui ont contraint la commission à opposer la question préalable en regrettant que la majorité gouvernementale de l'Assemblée nationale n'ait pas cru devoir retenir les propositions du Sénat. Cette décision ne satisfait réellement personne, mais c'est la conclusion d'un débat largement insuffisant. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après avoir entendu le rapport de M. Vasselle, - excellent, ce qui ne me surprend pas...
M. Roland du Luart. Remarquable !
M. Jean-Pierre Fourcade ... j'avouerai que je n'en partage pas les conclusions.
Certes, le texte que vous avez présenté, madame le secrétaire d'Etat, est incomplet, mal ficelé, mal financé et l'Assemblée nationale en a aggravé les faiblesses, si bien que les deux grands problèmes posés demeurent. Ainsi, quelles sont les personnes âgées dépendantes qui vont entrer dans le nouveau mécanisme ? On parle des personnes relevant du GIR 4, mais des problèmes de dépendance se posent aussi pour celles qui relèvent du GIR 5 et du GIR 6.
Il est bien évident également que l'on ne peut pas avoir la même approche technique, médicale et financière pour les personnes âgées qui restent à domicile et pour celles qui entrent en établissement, et le fait que les personnes âgées entrent en établissement de plus en plus tard n'est pas un élément d'unification du mécanisme.
Toutefois, j'ai été très étonné de voir la commission décider de déposer une motion tendant à opposer la question préalable dans la mesure où il s'agit de traiter, d'une part, d'un problème de société qui intéresse plusieurs centaines de milliers de nos concitoyens et, d'autre part, d'un problème financier considérable qui va s'aggraver au cours des prochaines années. Je vois d'ailleurs une malice du calendrier dans le fait de discuter le même jour du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie et des orientations budgétaires pour l'année 2002 ; il est évident que l'un aura des répercussions sur l'autre.
C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, j'ai décidé de ne pas participer au vote.
En effet, nous ne voulons pas voter contre la question préalable, car les arguments de M. Vasselle sont judicieux, mais nous ne voulons pas voter pour, parce qu'il nous semble malgré tout que le dispositif prévu par le Gouvernement marque un progrès.
J'aurais préféré, quant à moi, que la commission proposât quatre ou cinq amendements importants permettant de bien marquer la position du Sénat, sans rompre le débat en se réfugiant dans une motion de procédure.
Le premier aurait visé à obliger toutes les caisses d'assurances vieillesse de notre pays à mettre en place un système d'assurance individuelle dépendance auquel on aurait adhéré à partir de quarante-cinq ans ou cinquante ans, et qui aurait permis de trouver les ressources nécessaires pour financer l'allocation sans faire appel à des mécanismes de partage ou d'aggravation de la fiscalité.
Un tel système existe dans des régimes de retraite comme ceux de la SNCF ou de la RATP et il fonctionne très bien. Il permet de payer le séjour en établissement d'un certain nombre de personnes.
Nous avons tort de toujours nous tourner vers une solution d'assistance et de ne jamais mettre en place des mécanismes qui fassent appel à la responsabilité des citoyens.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Par un deuxième amendement, nous aurions dû avoir le courage de revenir sur la suppression de la récupération sur succession. Il est certain que le seuil de 300 000 francs était beaucoup trop bas, mais faire totalement disparaître tout mécanisme de récupération sur succession va ouvrir les vannes de l'allocation. Nous aurions pu fixer un seuil plus élevé : 1 million de francs ou 2 millions de francs ; cela aurait permis de limiter l'attraction considérable que pourra exercer le nouveau mécanisme. Nous aurions ainsi montré qu'en tant que gestionnaires des deniers publics, de l'Etat, de la sécurité sociale et des collectivités locales, nous essayons de prendre nos responsabilités, même à contre-courant, sans céder à la démagogie et en allant à l'encontre de l'opinion d'un certain nombre de médias ou de directeurs de centre d'hébergement.
M. Roland du Luart. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. Le troisième amendement aurait eu pour objet de plafonner la contribution des départements à 150 % de leur versement de l'année dernière afin de garantir qu'ils n'auront pas à financer la totalité de l'opération.
Enfin, un quatrième amendement tendrait à prévoir une modulation de la CSG de 0,50 % à 0,75 % pour assurer le complément et faire fonctionner le dispositif. Le Sénat aurait gagné, me semble-t-il, en crédibilité vis-à-vis de l'opinion publique, de l'ensemble des retraités et de tous ceux qui attendent quelque chose de notre assemblée en déposant ces quatre ou cinq amendements essentiels plutôt qu'en se réfugiant dans le dépôt d'une motion de procédure. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas une solution refuge !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...
La discussion générale est close.

Question préalable