SEANCE DU 25 JUIN 2001


DIVERSES DISPOSITIONS D'ORDRE SOCIAL,
ÉDUCATIF ET CULTUREL

Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n° 376, 2000-2001), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel. [Rapport n° 390 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames messieurs les sénateurs, c'est un texte largement rétabli par l'Assemblée nationale dans ses intentions initiales qui revient aujourd'hui devant le Sénat. En effet, lors de la nouvelle lecture, le 12 juin dernier, les députés ont rétabli l'essentiel du dispositif relatif au fonds de réserve pour les retraites tel qu'il avait été proposé par le Gouvernement et amendé par l'Assemblée nationale en première lecture. C'est pourquoi le Gouvernement souhaitera s'en tenir à cette rédaction et s'opposera donc aux amendements de votre commission.
De même, les députés ont suivi l'opinion du Gouvernement quant à l'article 5 de ce projet de loi, relatif à l'affectation des fonds rétrocédés par l'UNEDIC aux termes de la convention agréée par l'Etat après la longue négociation entre partenaires sociaux. La commission des affaires sociales présentera à nouveau un amendement de son rapporteur, M. Souvet, revenant sur le dispositif proposé en première lecture visant à affecter strictement ces fonds au « financement d'actions en faveur des demandeurs d'emploi relevant du régime de solidarité ». Le Gouvernement s'opposera une nouvelle fois à une telle précision, dans la mesure où elle lui paraît contraire aux règles fixées par l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959 et aux principes d'universalité budgétaire et de non-affectation des recettes aux dépenses. En revanche, le Gouvernement se réjouit de l'adoption prévisible des dispositions relatives à l'indemnisation des demandeurs d'emploi et de leur entrée en vigueur au 1er juillet prochain.
De la même façon, l'Assemblée nationale a rétabli l'article 21 relatif aux sociétés coopératives d'intérêt collectif, ainsi que l'article 7 concernant le code de la mutualité, que le Sénat avait supprimés pour des raisons de forme plus que de fond. J'observe d'ailleurs que la commission a souhaité, pour cette nouvelle lecture, en venir au fond de la réforme du code de la mutualité, ce dont je me réjouis.
Par ailleurs, ma collègue Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, et moi-même nous félicitons de l'adoption conforme par le Parlement de cinq articles - les articles 8, 8 bis , 8 ter , 9 et 10 - tendant à promouvoir la vie associative et l'engagement bénévole, et marquant la reconnaissance du Conseil national de la jeunesse et de l'éducation populaire, ainsi que du Conseil national de la jeunesse comme instance de propositions et interlocuteur des pouvoirs publics.
L'article 11, dont quelques points demeurent en discussion, a été approuvé dans ses objectifs par la représentation nationale. Cet article vise, en effet, d'une part, à sécuriser l'accueil des mineurs en centres de vacances ou de loisirs sans hébergement et, d'autre part, à réaffirmer la valeur éducative de ces centres. Le dispositif prévu à cet effet a été globalement amélioré et rendu plus effectif grâce aux amendements parlementaires. Je sais que la commission en proposera encore quelques-uns ; nous en débattrons.
J'en viens à présent à l'article 12 du projet de loi. Celui-ci entend clarifier le cadre juridique dans lequel s'est inscrite l'initiative prise au printemps dernier par les organes dirigeants de l'Institut d'études politiques de Paris afin de diversifier le recrutement des élèves de cette école. Cette initiative novatrice vise à permettre l'entrée à Sciences-Po d'élèves issus de zones difficiles. Le Sénat en a largement débattu, et de façon très riche, lors de la première lecture du projet de loi.
De l'avis du Gouvernement, le texte de l'article 12 qui vous est présenté en nouvelle lecture a atteint son équilibre. Pour l'avenir, il conforte la tradition d'autonomie de l'Institut d'études politiques de Paris en conférant à son conseil de direction une compétence indiscutable sur le plan juridique pour déterminer les conditions d'admission des élèves. En première lecture, le Sénat avait approuvé ce premier aspect du texte dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale.
Le texte visait aussi à stabiliser, pour le passé, la situation des élèves de Sciences-Po par une double disposition de validation législative.
La première mesure visait à garantir la sécurité juridique de l'ensemble des recrutements opérés par l'Institut depuis 1985, en tant que la validité de ces recrutements pourrait être mise en cause au motif de l'incompétence du conseil de direction. C'est à quoi s'attache la validation partielle du décret du 10 mai 1985, validation qui ne semble pas contestable et qui est la seule susceptible d'apporter rétroactivement une telle sécurité juridique aux étudiants concernés. Elle demeure dans le texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
La seconde disposition de validation concernait spécifiquement les délibérations adoptées par le conseil de direction de l'Institut le 26 mars 2001 pour instituer un recrutement complémentaire pour des élèves issus de zones difficiles. Sur ce point, le Sénat avait, en première lecture, émis des réserves. Ces dernières ont été entendues. Il est désormais possible, en raison de l'avancement des travaux parlementaires, de la décision de référé favorable rendue par le tribunal administratif de Paris et des mesures prises par Sciences-Po pour préparer la rentrée prochaine, d'envisager des mesures de régularisation moins exceptionnelles qu'une validation législative. C'est pourquoi cette disposition de validation spécifique, que le Sénat avait supprimée en première lecture, n'a pas été rétablie.
Enfin, par son article 13 et quelques articles additionnels, le Gouvernement proposait au Sénat un certain nombre de dispositions à caractère culturel.
En ce qui concerne d'abord l'audiovisuel, l'objectif du Gouvernement est, pour accompagner et faciliter le lancement de la télévision numérique de terre, d'assouplir la règle qui limite à 49 % la part du capital d'une chaîne de télévision que peut détenir un même actionnaire. Il s'agit non pas de contester l'intérêt d'un dispositif anticoncentration, au regard de l'autre objectif fondamental que nous visons, à savoir la préservation du plurialisme, mais de tenir compte de l'évolution du paysage audiovisuel et des contraintes économiques liées au développement du numérique. Je rappelle d'ailleurs que cette exception en concerne pas plus de 2,5 % de ce paysage.
L'article 13, tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale, avait le mérite de la clarté, de la simplicité et de l'adéquation à l'objectif recherché. Le Sénat, en se fondant en particulier sur une analyse constitutionnelle dont le Gouvernement estime qu'elle n'est pas applicable au sujet qui nous occupe, avait rejeté ce dispositif en première lecture pour en proposer un particulièrement complexe, qui ajoute des exceptions aux exceptions et, surtout, qui est inégalitaire, puisqu'il traite différemment des chaînes comparables, selon qu'elles sont aujourd'hui diffusées sur le satellite ou qu'elles seront créées pour le numérique terrestre. Le Gouvernement se félicite donc du rétablissement du texte initial par l'Assemblée nationale, qui permet à toutes les chaînes dont l'audience n'atteint pas 2,5 % de ne pas être soumises à la règle des 49 %.
Par ailleurs, à l'article 18, l'Assemblée nationale a complété le dispositif d'encadrement des cartes d'abonnement illimité au cinéma. En effet, dans le cadre de la loi relative aux nouvelles régulations économiques, des mesures en faveur des ayants droit, d'une part, et des petits exploitants, d'autre part, avaient été adoptées pour éviter que ces pratiques commerciales ne perturbent l'équilibre général de l'économie du cinéma. L'Assemblée nationale y a ajouté une disposition adaptée au secteur de la moyenne exploitation. Rejetée par la Haute-Assemblée en première lecture, cette mesure a été rétablie par l'Assemblée nationale dans le texte qui vous est soumis, et le Gouvernement souhaite son maintien en nouvelle lecture.
Enfin, le Sénat avait introduit des amendements relatifs à la propriété intellectuelle. A l'exception d'une disposition très utile pour consolider la rémunération légitime des auteurs et producteurs pour la diffusion de musique dans les lieux de loisirs, il s'agissait de modifications de règles importantes du code de la propriété intellectuelle sur des sujets complexes, par exemple le champ d'application de la rémunération pour copie privée.
Sur les sujets relatifs à la propriété intellectuelle, le Gouvernement souhaite qu'un travail approfondi se mette en place avant toute modification législative. Mme Tasca, ministre de la culture et de la communication, a clairement indiqué que l'ensemble de ces sujets étaient en cours d'examen avec tous les acteurs concernés. Elle souhaite aussi qu'un travail puisse s'effectuer avec les parlementaires très en amont d'un futur projet de loi qui aura à transposer la directive sur certains droits d'auteurs et droits voisins dans la société de l'information. Derrière ces droits se jouent des enjeux économiques, industriels et culturels majeurs, qui ne peuvent être abordés sereinement et efficacement en touchant tel ou tel équilibre.
Dans l'attente de l'expertise et de la concertation qu'implique une telle modification des textes, le Gouvernement a demandé à l'Assemblée nationale le retrait de ces amendements.
Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le bilan de nos travaux que je souhaitais dresser à l'ouverture de cette nouvelle lecture. Je ne reviendrai pas plus sur les dispositions additionnelles que la Haute Assemblée avait proposées en première lecture et que l'Assemblée nationale a, pour la plupart, votées conformes.
Je crois que nous disposerons, en définitive, d'un texte important et équilibré, qui contribuera assurément à de nouvelles avancées sociales souhaitées par nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Souvet, rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Sénat est aujourd'hui saisi en nouvelle lecture du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, qu'il convient désormais d'appeler « DDOSEC ». La commission mixte paritaire, réunie le 5 juin dernier, n'est en effet pas parvenue à se mettre d'accord sur un texte commun : elle a échoué dès le premier article examiné, à savoir l'article 5, au titre Ier.
Ce titre Ier, je vous le rappelle, vise à donner une base légale à l'importante convention du 1er janvier 2001 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage. Une telle habilitation est en effet nécessaire à son application à compter du 1er juillet prochain. La commission avait insisté, en première lecture, sur la nécessité d'une habilitation législative rapide.
Je ne reviendrai pas sur les importantes avancées qu'entraînera cette nouvelle convention. Cette dernière constitue en effet un progrès social considérable. Elle devrait ainsi permettre non seulement de favoriser le retour à l'emploi des chômeurs, mais également d'améliorer l'indemnisation des demandeurs d'emploi et de diminuer les charges qui pèsent sur le coût du travail.
Il semble que, sur ce point, les choses avancent dans la bonne direction, même si la loi ne pourra pas être promulguée avant le 1er juillet compte tenu de son inscription tardive à l'ordre du jour parlementaire, ce qui me paraît regrettable.
Les deux assemblées ont en effet adopté conformes les articles 1er à 4 du projet de loi. Ces articles transcrivent directement la convention dans la loi et permettent d'étendre les missions du régime d'assurance chômage au-delà de la seule indemnisation de la perte d'emploi.
Je ne peux voir dans cet accord entre les deux chambres que le signe d'un hommage unanime à la capacité d'initiative et au sens des responsabilités des partenaires sociaux. Je m'en félicite. Et je ne peux qu'espérer que le Gouvernement prêtera plus souvent, à l'avenir, une telle attention aux propositions issues du dialogue social.
J'observe, en outre, qu'une autre étape essentielle pour la mise en oeuvre de la convention a été franchie le 13 juin. L'Etat, l'ANPE et l'UNEDIC ont, en effet, signé ce jour-là les deux conventions - bipartite et tripartite - nécessaires à l'application de la convention.
Nous allons donc entrer dans une phase transitoire, qui durera environ six mois. A compter du 1er juillet, tous les nouveaux demandeurs d'emploi s'inscrivant à l'assurance chômage bénéficieront de la non-dégressivité des allocations et du plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE. Quant aux demandeurs d'emploi actuellement indemnisés - il y en a environ un million -, ils auront la possibilité, mais pas l'obligation, d'opter pour le nouveau système.
Dès lors, la question qui se pose est de savoir si l'ANPE sera à même d'assurer le retour à l'emploi des chômeurs dans ce cadre rénové. Ses moyens n'ont pour l'instant pas augmenté, alors que la mise en oeuvre du PARE et le suivi personnalisé de tous les demandeurs d'emploi exigeront, à l'évidence, un surcroît de travail et de moyens. En outre, se confirme aujourd'hui un inquiétant essoufflement de la croissance, qui risque de fragiliser la reprise de l'emploi. Mais nous sortons ici du strict cadre du projet de loi que nous examinons aujourd'hui.
Reste donc, sur ce titre Ier, un seul article encore en discussion, l'Assemblée nationale ayant rétabli, en nouvelle lecture, le texte de l'article 5 dans sa version initiale.
Cet article 5 est déconnecté de la mise en oeuvre opérationnelle de la convention d'assurance chômage. Il concerne ce qu'il est désormais convenu d'appeler la « clarification des relations financières entre l'Etat et l'UNEDIC ».
En première lecture, le Sénat avait souhaité apporter une précision à cet article 5.
Nous avions en effet voulu que l'autorisation accordée à l'UNEDIC de verser 15 milliards de francs à l'Etat en 2001 et 2002 s'accompagne d'une réelle garantie sur l'utilisation de ces sommes. C'est bien le moins ! Les partenaires sociaux ont exprimé le souhait, dans le texte de la convention, que « cette ressource exceptionnelle soit affectée au financement d'actions en faveur des demandeurs d'emploi relevant du régime de solidarité ».
Un tel souci apparaît à l'évidence légitime. Les partenaires sociaux ont déjà consenti un effort considérable en faveur des chômeurs relevant du régime d'assurance. Près de 50 milliards de francs leur seront ainsi consacrés en trois ans.
Il est donc souhaitable que l'Etat, à son tour, agisse parallèlement en faveur des chômeurs non indemnisés. Ces 15 milliards de francs lui en donnent les capacités financières.
Je regrette que le Gouvernement ne se soit pas donné, pour l'instant en tout cas, les moyens de veiller, en ce sens, à l'affection à venir des sommes versées par l'UNEDIC. Voilà pourquoi le Sénat avait tenu à préciser, à titre conservatoire en quelque sorte, les conditions d'autorisation de l'UNEDIC à procéder à un tel versement.
Nombreux sont ceux, en effet, qui craignent que le Gouvernement ne cherche à utiliser cette somme de 15 milliards de francs pour tenter de pallier les difficultés structurelles de financement des 35 heures. Après avoir mis la sécurité sociale à contribution, le Gouvernement s'apprêterait donc - selon certains ! - à faire main basse sur les excédents de l'UNEDIC.
Il est vrai que l'attitude pour le moins ambiguë du Gouvernement est loin de dissiper ces craintes.
J'observe ainsi que le Gouvernement n'a finalement consenti à agréer la convention du 1er janvier 2001 qu'à partir de l'instant où les partenaires sociaux ont accepté de procéder à un tel versement.
Je constate également que le refus du Gouvernement de créer un fonds de concours pour assurer l'affectation du versement de l'UNEDIC dans la plus grande transparence ne peut qu'accentuer de telles craintes.
Je relève, enfin, que l'introduction de la précision sénatoriale n'a nullement incité le Gouvernement à clarifier ses intentions en la matière. Bien au contraire, il se contente ainsi d'évoquer une utilisation des sommes en faveur de « la politique de l'emploi », notion qui - n'en doutons pas - recouvre dans son esprit le financmeent des 35 heures.
Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, nous vous demandons, une fois encore, d'apporter des précisions sur l'utilisation à venir de ces 15 milliards de francs. Quel sera leur traitement budgétaire ? A quoi seront-ils affectés, si tant est qu'une affectation soit déjà prévue ?
Mais, pour l'heure, et en l'absence de tout éclaircissement jusqu'à ce jour, il nous a paru nécessaire de prévenir toute tentation et de chercher à mettre en oeuvre le souhait des partenaires sociaux dans le respect du cadre fixé par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.
Dans ces conditions, la commission proposera de rétablir la rédaction, telle qu'adoptée par le Sénat en première lecture, de l'article 5, qui constitue désormais le seul article encore en discusison du titre Ier. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Jourdain, rapporteur.
M. André Jourdain, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre collègue Alain Vasselle, rapporteur du titre II, relatif au fonds de réserve pour les retraites, étant retenu dans son département, il m'a demandé de bien vouloir le remplacer pour faire part de ses observations.
En première lecture, après avoir rappelé que le fonds de réserve n'était en aucun cas en mesure de répondre au défi posé par le financement des retraites, la commission des affaires sociales avait proposé un dispositif alternatif, adopté par le Sénat, permettant de donner au fonds de réserve un statut lui garantissant indépendance et transparence.
Le fonds serait un établissement spécial, placé sous la surveillance et la garantie du Parlement, se substituant à la « tutelle ministérielle » qui caractérise les établissements publics administratifs. Sans aller peut-être jusqu'à une réforme constitutionnelle, un statut « spécial » semble en effet le moins que l'on puisse prévoir pour un fonds censé garantir le financement des retraites des Français à partir de 2020.
Les régimes bénéficiaires ne seraient pas précisés, afin de n'interdire a priori à aucun Français la possibilité de bénéficier des concours d'un fonds de réserve alimenté par des ressources largement universelles.
Les membres du directoire seraient désignés de manière solennelle, en raison de leur expérience et de leur compétence professionnelle, par le Président de la République et les présidents des assemblées. Les membres seraient nommés pour une durée non renouvelable de six ans. Cette fonction serait exclusive de toute autre : le fonds de réserve à besoin d'un directoire « à plein temps ».
Le conseil de surveillance bénéficierait de véritables pouvoirs de contrôle.
La notion de gestion administrative serait précisée et confiée à la Caisse des dépôts et consignations ; ce choix est naturel, s'agissant d'un établissement placé depuis 1816 « sous le sceau de la foi publique » ; mais, dans ces conditions, il est évident que la Caisse ne pourrait pas participer aux appels d'offres de gestion financière des ressources du fonds : ainsi serait-il prévu explicitement une « muraille de Chine » pleinement efficace.
La description des règles prudentielles serait renvoyée à un décret en Conseil d'Etat, tandis que le texte législatif préciserait une notion de « ratios d'emprise », empêchant que le fonds ne puisse détenir plus de 5 % des actions en provenance du même émetteur, afin d'éviter qu'il ne se transforme en un actionnaire trop zélé du capitalisme français.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale est revenue, pour l'essentiel, à son texte de première lecture. Le dispositif, relevant d'une « muraille de Chine » bien fragile, organise une grave confusion des genres, par la présence du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations à la tête du directoire, alors même que la Caisse, en quelque sorte sous sa « double autorité », assure la gestion administrative du fonds et peut participer aux appels d'offres de gestion financière.
Cependant, six amendements de bons sens du Sénat ont été retenus.
Le premier vise au renouvellement régulier des appels d'offres.
Le deuxième tend au renvoi à un décret en Conseil d'Etat de la définition des règles prudentielles auxquelles sera soumis le fonds ; le texte initial n'en soufflait mot.
Le troisième a pour objet la nomination des commissaires aux comptes par le conseil de surveillance, et non par le directoire.
Le quatrième vise au transfert au conseil de surveillance du contrôle des règles déontologiques applicables aux membres du directoire ; le texte prévoyait dans un premier temps de confier cette mission au président du directoire, sous la forme en quelque sorte d'un « autocontrôle ».
Le cinquième tend au contrôle du fonds de réserve par la Cour des comptes.
Enfin, le sixième amendement prévoit la transmission des rapports des inspections générales des affaires sociales et des finances au conseil de surveillance et la possibilité pour ce dernier de procéder à une audition des membres des corps d'inspection ayant réalisé une mission de contrôle sur le fonds, cette dispostion résultant d'un amendement particulièrement pertinent de notre excellent collègue Jean Chérioux.
Cette première lecture n'a donc pas été inutile.
En conséquence, la commission des affaires sociales a jugé nécessaire de rétablir le texte adopté par le Sénat en première lecture, afin de laisser à l'Assemblée nationale la possibilité, en lecture définitive, d'un sursaut de bon sens la conduisant à retenir un ou plusieurs amendements adoptés par le Sénat.
Nous espérons tout particulièrement qu'elle ouvrira les yeux sur la « fausse bonne idée » consistant à confier la présidence du directoire au directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. Compte tenu de la charge de travail de ce dernier, qui risque de s'accroître encore si la création d'une holding commune à la Caisse des dépôts et consignations et aux caisses d'épargne se précise, il n'est pas souhaitable de lui confier la présidence du directoire du fonds de réserve, qui exigera, à l'évidence, une disponibilité de tous les instants.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les principales observations qu'appelle de la part de la commission des affaires sociales le titre II du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
J'en viens, maintenant, à mon propre rapport sur le titre III.
Le titre III, qui autorise par la voie d'un article unique, l'article 7, la ratification de l'ordonnance du 19 avril 2001 relative au code de la mutualité, a représenté une grande déception pour la commission des affaires sociales.
En effet, lors du débat sur le projet de loi d'habilitation, sur notre proposition, le Sénat ne s'était pas opposé au recours à la procédure des ordonnances, sous la réserve expresse que leur ratification fasse l'objet d'un véritable débat. M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, aviez pris cet engagement.
La présence, au sein d'un nouveau texte fourre-tout, assorti immédiatement de l'urgence, et intervenant sur un nombre très important de sujets, d'un article autorisant cette ratification ne constitue pas une possibilité sérieuse d'engager un véritable débat.
J'avais toutefois procédé, lors de mon premier rapport, à une analyse rapide du texte de l'ordonnance, en tentant d'en montrer les limites et les imperfections.
Aussi, compte tenu des interrogations posées par l'ordonnance du 19 avril 2001, le Sénat avait décidé, en première lecture, de supprimer l'article 7, protestant sur le principe de cette atteinte aux droits du Parlement.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a rétabli le texte de l'article 7.
Aussi la commission des affaires sociales a-t-elle été placée devant une alternative peu satisfaisante : soit proposer de supprimer une seconde fois cet article ; soit proposer d'adopter une série d'amendements sur un certain nombre d'articles « stratégiques ».
La commission des affaires sociales a considéré qu'une opposition répétée serait désormais quelque peu vaine. Certes, compte tenu des délais auxquels le Gouvernement astreint le Parlement et, singulièrement les commissions chargées des affaires sociales, nous n'avons pu procéder au travail, toujours nécessaire, consistant à auditionner l'ensemble des acteurs du monde de la prévoyance complémentaire. Cela étant, la position que le Sénat exprimera en nouvelle lecture est déterminante : proposer quelques modifications sur les insuffisances ou les incohérences du nouveau code de la mutualité, c'est donner à l'Assemblée nationale la possibilité de reprendre, en lecture définitive, un ou plusieurs amendements adoptés par la Haute Assemblée.
J'observe que cette démarche a été également celle du groupe socialiste.
La commission des affaires sociales propose ainsi de retenir une série d'amendements portant sur les points les plus importants, les points stratégiques du texte de l'ordonnance.
Il s'agit, tout d'abord, du respect des règles communautaires.
Le nouveau code de la mutualité autorise les transferts financiers entre « mutuelles fondatrices » et « mutuelles soeurs ». Je vous propose de supprimer de tels transferts, compte tenu du principe de spécialité posé par les directives.
Le code autorise également une mutuelle d'assurance, à titre accessoire et sous réserve d'une convention signée entre les deux organismes, à assurer la prévention des risques de dommages corporels, à mettre en oeuvre une action sociale ou à gérer des réalisations sanitaires et sociales pour les souscripteurs d'un contrat proposé par une entreprise du code des assurances, une institution de prévoyance relevant du code de la sécurité sociale ou une autre mutuelle relevant du code de la mutualité. Le principe de spécialité me paraît, là aussi, mis à mal.
Le nouveau code de la mutualité prévoit enfin des restrictions à la liberté de réassurance qui apparaissent douteuses au regard des règles communautaires.
Le deuxième point stratégique réside dans la procédure d'agrément.
L'article 5 de l'ordonnance du 19 avril 2001 dispose que les mutuelles, unions et fédérations créées avant la publication de la présente ordonnance et qui n'auront pas accompli, dans un délai d'un an, les démarches nécessaires à leur inscription au registre national des mutuelles seront purement et simplement dissoutes, ce qui constitue une sanction à l'évidence disproportionnée à l'égard de mutuelles parfois centenaires. La commission des affaires sociales propose, en conséquence, de prévoir un renvoi de la définition de ces procédures d'agrément à un décret en Conseil d'Etat. Un telle disposition est beaucoup plus souple que le mécanisme lourd prévu par le texte gouvernemental.
Enfin, le dernier point stratégique concerne la tenue du registre des mutuelles.
Le texte de l'ordonnance prévoit de confier cette mission au secrétariat du Conseil supérieur de la mutualité. Or il s'agit d'un organisme à vocation consultative. Dès lors, la tenue du registre doit être du ressort du greffe des tribunaux de grande instance.
Ce dispositif ne doit pas s'interpréter, naturellement, comme une approbation sans réserves du reste. Il y aurait beaucoup à dire, par exemple, sur le statut de l'élu mutualiste, sur la mécanique complexe des systèmes fédéraux de garantie, ou encore sur la représentation des différentes entités du monde mutualiste au sein du Conseil supérieur de la mutualité. Cependant, la commission des affaires sociales estime que le vote exprimé par le Sénat en première lecture le met à l'abri d'un tel soupçon.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les observations qu'appelle de la part de la commission l'article 7 du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté conformes quatorze articles des titres IV, V et VI du projet de loi, dont treize articles additionnels résultant des travaux du Sénat de première lecture.
Par ailleurs, elle a modifié la rédaction de huit articles. Ces modifications concernent, tout d'abord, les articles dont l'examen au fond avait été délégué, en première lecture, à la commission des affaires culturelles.
Il s'agit de l'article 11, relatif à la réglementation des centres de loisirs pour mineurs ; de l'article 12, définissant les compétences du conseil de direction de l'Institut d'études politiques de Paris ; de l'article 13, adaptant les règles anticoncentration à la télévision numérique hertzienne terrestre ; de l'article 14, précisant les obligations de diffusion de La Chaîne Parlementaire ou LCP qui incombent aux opérateurs, et de l'article 18, visant à encadrer les cartes d'abonnement au cinéma.
Sur l'ensemble de ces articles, l'Assemblée nationale a rétabli sa rédaction initiale, sous réserve de quelques précisions rédactionnelles apportées par le Sénat, qu'elle a souhaité conserver.
Après avoir consulté les rapporteurs de la commission des affaires culturelles, la commission des affaires sociales vous proposera de rétablir les articles 11, 13, 14 et 18 dans leur rédaction adoptée par le Sénat en première lecture, sous réserve, le cas échéant, de quelques améliorations rédactionnelles adoptées par l'Assemblée nationale.
S'agissant, en revanche, de l'article 12 relatif à l'Institut d'études politiques de Paris, et compte tenu du fait que le Gouvernement a renoncé, en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, à faire valider par la loi les délibérations de son conseil de direction concernant la création d'une voie d'accès particulière pour certains élèves issus de zones d'éducation prioritaires, la commission des affaires sociales vous proposera d'adopter cet article 12 sans modification, en accord avec notre collègue M. Jacques Valade, rapporteur de la commission des affaires culturelles en première lecture.
Trois autres articles ont été modifiés : il s'agit des articles 12 bis, 15 et 19 octies.
L'article 12 bis, adopté par le Sénat sur l'initiative de notre collègue M. Michel Charasse, précise le régime de la rémunération pour copie privée numérique. L'article 15 définit le régime juridique des réseaux de télécommunication à haut débit installés par les collectivités territoriales. Quant à l'article 19 octies, il résulte d'un amendement de notre collègue M. Claude Domeizel et transfère aux caisses d'allocations familiales le versement des prestations familiales aux retraités de la fonction publique territoriale résidant dans les départements d'outre-mer.
Les modifications apportées par l'Assemblée nationale aux articles 12 bis et 19 octies concernant uniquement des points de détail, je n'y reviendrai pas.
S'agissant, en revanche, de l'article 15, l'Assemblée nationale a de nouveau autorisé les collectivités territoriales à mettre leurs réseaux de télécommunication à haut débit à la disposition non seulement des opérateurs, mais également d'utilisateurs finals. Or le Sénat, sur l'initiative de nos collègues MM. Gérard Larcher, Pierre Hérisson, François Trucy et Paul Girod, avait, en première lecture, supprimé cette possibilité, estimant qu'elle ne pouvait que favoriser une confusion des genres et des métiers préjudiciable à l'intérêt même des collectivités territoriales. Sans ignorer la politique ambitieuse conduite, en ce domaine, par certaines d'entre elles, la commission présentera donc un amendement tendant à rétablir la rédaction initialement adoptée, sur ce point particulier, par le Sénat.
Elle vous proposera également, toujours à l'article 15, de modifier la rédaction de l'un des deux paragraphes ajoutés par l'Assemblée nationale et visant à préciser les conditions d'installation des antennes émettrices et réceptrices de téléphonie mobile.
En outre, l'Assemblée nationale a supprimé cinq articles insérés par le Sénat en première lecture : il s'agit de l'article 13 bis, visant à encadrer strictement les activités de production de l'Institut national de l'audiovisuel, de l'article 13 ter, ayant pour objet d'améliorer l'information des membres des sociétés de perception de droits d'auteurs, de l'article 13 quater, modifiant la composition des instances consultatives compétentes en matière de propriété intellectuelle, de l'article 16 quater, étendant aux maîtres contractuels de l'enseignement privé la dispense de qualification déjà accordée aux fonctionnaires pour l'enseignement et l'encadrement des activités sportives, et, enfin, de l'article 19 bis, autorisant la prise en compte du télétravail dans les programmes locaux de l'habitat.
La commission vous proposera, mes chers collègues, de rétablir ces cinq articles dans la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.
L'Assemblée nationale a également rétabli deux articles supprimés par le Sénat, les articles 20 et 21.
L'article 20 autorise les comités d'entreprise à verser, sur leurs ressources propres, des subventions à des associations à caractère social et humanitaire. En dépit des modifications rédactionnelles apportées par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, nos interrogations sur l'élargissement ainsi consacré du champ de compétence des comités d'entreprise demeurent toujours d'actualité. La commission vous proposera donc de supprimer de nouveau cet article 20.
Il en est de même pour l'article 21, qui vise à créer une nouvelle catégorie de société coopérative, la société coopérative d'intérêt collectif, ou SCIC. En première lecture, le Sénat avait supprimé cet article en raison, d'une part, de l'ampleur de la modification ainsi apportée au statut de la coopération, qui justifie un examen plus approfondi dans le cadre d'un projet de loi spécifique, et, d'autre part, de sérieuses interrogations concernant la constitutionnalité de la procédure choisie par le Gouvernement pour faire adopter cet article à l'Assemblée nationale. Ces raisons étant toujours valables, la commission vous proposera donc de supprimer de nouveau l'article 21.
Enfin, l'Assemblée nationale a adopté deux nouveaux articles, les articles 15 bis et 23.
L'article 15 bis prévoit, afin de favoriser l'installation des antennes de réception de la boucle locale radio, que les propriétaires ne pourront pas s'opposer, sans motif sérieux et légitime, à l'installation de ces antennes par leurs locataires. Avant de se prononcer sur ce point, la commission souhaite s'assurer que la suppression éventuelle de cet article n'entravera pas le développement d'une nouvelle technologie prometteuse, et souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur ce sujet.
Par ailleurs, la commission vous proposera d'adopter sans modification l'article 23, qui vise à accélérer, dans le respect des décisions de justice, le versement, par l'association de garantie de salaires, des salaires dus aux employés d'une entreprise en liquidation judiciaire.
J'en ai ainsi terminé, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec la présentation des articles qui, bien éloignés des sujets habituellement évoqués par la commission, demeurent en discussion aux titres IV, V et VI de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui, en nouvelle lecture, du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.
J'aimerais pouvoir dire que le texte qui nous arrive de l'Assemblée nationale est meilleur que celui qui était issu des travaux du Sénat en première lecture, mais j'avoue, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce n'est pas du tout évident.
En effet, l'adoption du titre Ier validant législativement le PARE ne nous convient pas.
Cette partie du texte, excepté l'article 5, a été adoptée conforme par nos deux assemblées. Nous ne pouvons que le déplorer tant nous sommes persuadés que la mise en application du PARE, voulue par le MEDEF et acceptée par quelques syndicats ne représentant pas la majorité des salariés, n'est pas de nature à améliorer le sort des demandeurs d'emploi.
L'article 5, quant à lui, a pour objet d'autoriser l'UNEDIC à verser à l'Etat 15 milliards de francs sur la période 2001-2002.
Chacun se souvient que, dans les années quatre-vingt-dix, l'aggravation du chômage avait obligé l'Etat à soutenir financièrement le régime d'assurance chômage. La récente embellie de la situation de l'emploi a pour conséquence de permettre à l'UNEDIC de dégager des excédents.
Si la situation financière de l'UNEDIC est meilleure, ce dont tout le monde se réjouit, on pourrait se préoccuper d'indemniser les chômeurs mieux et en plus grand nombre.
Il est bien clair que mes propos contrastent quelque peu avec l'unanimité affichée par le Gouvernement et la majorité sénatoriale sur ce titre Ier consacré au PARE dont la mise en oeuvre fait justement l'objet de nombreuses critiques, quand il ne s'agit pas de recours devant le Conseil d'Etat émanant de plusieurs organisations de chômeurs et de deux syndicats.
Aussi, même si nous sommes aujourd'hui la seule voix dissonante au sein de cet hémicycle, nous pensons que le combat que nous poursuivons contre l'offensive que mène le patronat dans le cadre de son vaste programme de refondation sociale - offensive qui a d'ailleurs la fâcheuse tendance à servir de programme électoral à une bonne partie de la droite - ne pourra pas être ignoré et devra être pris en compte.
La régression sociale n'est jamais une fatalité, surtout lorsque l'économie se porte bien.
Comment ne pas s'étonner, alors, que la mise en oeuvre du PARE suscite tant d'inquiétudes et de réactions hostiles ?
Quand on voit l'attitude récente du MEDEF à propos de la sécurité sociale, avec la menace de M. Seillière de ne pas présenter de candidats aux postes d'administrateurs, on est en droit de s'interroger sur le contenu de cette refondation sociale qui n'a d'autre objet que de liquider les acquis sociaux.
L'UNEDIC présente des comptes excédentaires et on ne parle que de baisse de cotisations à l'assurance chômage pour les entreprises, alors que seulement 40 % des chômeurs sont indemnisés, et à un niveau souvent très faible !
Non, mes chers collègues, le PARE ne représente vraiment pas un progrès social, pas plus que le fonds de réserve pour les retraites n'exprime une réponse adaptée aux problèmes de financement !
Nous avions, en première lecture, dénoncé ce qui s'apparente de fait à un fonds de capitalisation. Il faudra bien un jour sortir des dogmes de l'idéologie libérale qui ne voient de salut pour les retraites que dans l'introduction de la capitalisation.
Il faudra aussi que l'on nous explique comment vont faire les chômeurs et les millions de salariés qui perçoivent moins que le SMIC pour capitaliser quoi que ce soit.
Le fonds de réserve pour les retraites ne règle rien puisque, de toute façon, dans vingt à trente ans, le niveau des retraites sera fonction des richesses produites à ce moment-là et non pas d'une cagnotte amassée pendant vingt ans.
Là encore, une réforme des cotisations vieillesse prenant en compte la richesse produite s'avère plus que nécessaire.
Vous ne pourrez pas toujours évacuer ce débat et déclarer à nos concitoyens qu'il faudra travailler plus longtemps, toucher une retraite réduite, alors que, dans le même temps, les richesses produites augmentent et les profits des entreprises aussi !
S'agissant du titre III relatif à la ratification du code de la mutualité, nous avons du mal à comprendre la position de la commission des affaires sociales qui, en première lecture, souhaitait la suppression de l'article 7 et qui nous présente aujourd'hui une série d'amendements, alors que la réforme du code de la mutualité a fait l'objet d'une large concertation entre le Gouvernement et les fédérations de mutuelles et que le mouvement mutualiste, soucieux de s'inscrire dans le cadre juridique européen, approuve de façon quasi unanime cette ratification par ordonnance.
C'est pourquoi, même si nous sommes opposés à la procédure des ordonnances, nous sommes favorables à l'adoption de ce titre III tel qu'il nous est transmis par l'Assemblée nationale.
Les titres IV, V et VI comportent certes des dispositions intéressantes sur lesquelles je ne reviendrai pas, mais vous comprendrez aisément, monsieur le secrétaire d'Etat, que notre opposition résolue à la mise en oeuvre du PARE suffise à elle seule à justifier notre vote négatif à l'encontre de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes saisis en nouvelle lecture du présent projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.
Le texte s'est sensiblement allégé par rapport à celui que nous avons examiné en première lecture, les deux assemblées ayant adopté conformes de nombreux articles.
C'est le cas des articles du titre Ier qui visent à donner une base légale à la convention du 1er janvier 2001 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage, et qui ont donné lieu à une longue discussion.
D'une façon générale, il faut souligner les rapprochements qui ont pu s'opérer entre les positions du Sénat et celles de l'Assemblée nationale. C'est ainsi que de nombreux amendements du Sénat ont été retenus par nos collègues députés.
Il reste quelques articles sur lesquels l'accord n'a pas été possible. Les différentes lectures qui ont eu lieu et l'échec de la commission mixte paritaire laissent penser que les positions sont bien arrêtées et qu'il sera difficile d'aller vers une plus grande convergence.
L'article 5 demeure ainsi en débat, mais il est bon de rappeler à son sujet que les signataires de la convention d'assurance chômage ont prévu eux-mêmes, à l'article 9 de cette convention, de verser à l'Etat, au titre de la clarification financière entre ce dernier et l'assurance chômage, un total de 15 milliards de francs échelonnés sur les années 2000 et 2001.
L'Etat, qui avait alloué à l'UNEDIC 30 milliards de francs entre 1993 et 1999, est ainsi partiellement remboursé de son avance. Il n'a nullement été prévu par la convention d'assurance chômage - et cela n'aurait d'ailleurs pas été possible - d'imposer la destination de ces sommes à l'Etat.
Quelles que soient les louables intentions de ceux qui, parmi nous, souhaitent que cet argent soit prioritairement attribué aux actions en faveur des chômeurs de longue durée, il me paraît préférable de ne pas lier l'Etat dans la conduite de sa politique en faveur de l'emploi. La conjoncture change rapidement, comme nous avons pu le constater depuis trois ans avec la diminution de plus de un million du nombre de chômeurs. La tâche prioritaire est maintenant de favoriser le retour à l'emploi des chômeurs de longue durée, ce qui appelle l'ouverture d'un large éventail de mesures.
Les aides décidées par les signataires de la convention d'assurance chômage, que nous avons votées, en font d'ailleurs partie au premier chef. Au total, nous estimons qu'il est préférable d'orienter l'effort de la nation vers des dépenses actives de retour à l'emploi.
L'article 6 relatif au fonds de réserve pour les retraites demeure lui aussi en discussion. Il ne s'agit pas de discuter uniquement des modalités de gestion de ce fonds. Le débat va bien au-delà, puisque l'un des rapporteurs, M. Alain Vasselle, estime, sans l'ombre d'une nuance, que « le fonds de réserve n'est en aucun cas susceptible de répondre au défi posé par le financement des retraites ». C'est sa position, nous la connaissons.
Pour nous, le fonds de réserve est une première réponse, même si elle n'est pas suffisante. La création d'un établissement public autonome constitue une étape essentielle pour assurer la pérennité des régimes de retraite par répartition.
L'assainissement de la situation financière des régimes de retraite nous donne le temps nécessaire pour étudier les mesures complémentaires à la création de ce fonds en vue d'assurer leur équilibre sur le long terme. Ce travail doit être préparé dans la concertation et la transparence. C'est pour cela qu'a été créé le conseil d'orientation sur les retraites, dont l'enjeu est de préparer l'avenir et de forger un accord sans lequel il ne pourra y avoir de bonnes réformes des retraites acceptées par le corps social.
Nous ne pouvons pas l'avoir oublié, des expériences ont mal tourné, et il conviendrait de tirer les leçons de certaines d'entre elles. Ainsi, en 1993, le Gouvernement est passé en force, sans la moindre négociation, sans la moindre concertation.
Souvenons-nous également que, dans l'histoire de nos régimes de retraite, les hausses de prélèvement, l'augmentation de la durée de cotisation, l'allongement de la période de référence n'ont jamais été bien perçus. Ces choix ont eu une résonnance désastreuse dans la population, et, sur le long terme, ils ont montré leurs limites : les problèmes n'ont pas été résolus.
Il faut chercher des solutions et, je le répète, la création du fonds de réserve est une première réponse dont il faut se féliciter. Il ne faut pas craindre non plus qu'un rôle majeur soit confié à la Caisse des dépôts et consignations pour garantir la stabilité à long terme des fonds collectés. La Caisse des dépôts et consignations a su, depuis plus de cent quatre-vingts ans, nous sécuriser.
L'article 7 autorisant la ratification de l'ordonnance du 19 avril 2001 relative au code de la mutualité va également donner lieu à une longue discussion, compte tenu des amendements présentés par le rapporteur, M. André Jourdain. Il s'agit, là aussi, pour l'essentiel, d'un problème de principe.
Le Sénat a décidé, en première lecture, pour des raisons de forme plus que de fond, de supprimer cet article en critiquant la méthode choisie par le Gouvernement.
Nous savons bien pourtant que la précipitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances est due au fait que, depuis dix ans, les gouvernements précédents ne l'avaient pas fait et qu'aujourd'hui nous y sommes contraints pour éviter une sanction européenne. Mais il est vrai qu'un large débat eût été préférable.
Au cours de cette nouvelle lecture, la commission des affaires sociales a décidé d'amender le texte de cette ordonnance, et ce pour des raisons d'efficacité. Il faut simplement rappeler que cette ordonnance a été élaborée à l'issue d'une large concertation avec le mouvement mutualiste et qu'elle opère ces modifications en effectuant l'indispensable transposition des directives Assurance, notamment le principe de spécialité, tout en modernisant les règles applicables au secteur mutualiste et en confortant les valeurs de solidarité et de démocratie sociale qui l'inspirent.
Ce projet d'ordonnance s'est fait dans la concertation. Le travail réalisé a été perçu de façon très positive, et c'est pourquoi le groupe socialiste votera également sans état d'âme cette ratification qui opère une réforme indispensable et attendue. Nous nous limiterons à déposer un seul amendement de clarification destiné à renforcer l'information donnée aux adhérents mutualistes.
Je voudrais également préciser la position du groupe socialiste sur l'article 20 dont la commission des affaires sociales demande la suppression.
Cet article, introduit par nos collègues de l'Assemblée nationale et repoussé en première lecture par le Sénat, a été retravaillé, comme l'avait souhaité le Gouvernement. La possibilité, pour un comité d'entreprise, de verser des fonds à une association humanitaire reconnue d'utilité publique serait maintenant encadrée de manière assez stricte.
Conformément à la loi, la priorité accordée aux salariés de l'entreprise est respectée. Le versement est limité à un reliquat ne pouvant excéder 1 % du budget et ne peut être distribué qu'après un vote majoritaire. Enfin, afin d'éviter toute déperdition dans des actions mal contrôlées, les actions locales ou régionales de lutte contre l'exclusion et pour la réinsertion sociale sont seules visées. Ainsi, la vocation sociale des comités d'entreprise est préservée.
Mais, dans le même temps, l'article élaboré par nos collègues députés favorise la dimension de solidarité qui est à la base du mouvement social et qui forme la trame de l'histoire du mouvement ouvrier. C'est pourquoi nous approuvons pleinement cette démarche et nous ne voterons pas l'amendement de suppression de la commission.
Enfin, dans la discussion des articles, la commission des affaires sociales nous proposera également de supprimer l'article 21 consacré à la société coopérative d'intérêt collectif.
Certes, nous l'avons déjà évoqué, ce texte nous est présenté avec une certaine précipitation, s'agissant d'une modification du droit des sociétés. Mais, en même temps, la réforme que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat, est attendue par le monde associatif et par tous ceux, notamment les collectivités locales, qui conduisent depuis un an des expérimentations avec lui.
Il est donc tout à fait regrettable que la commission des affaires sociales propose simplement de repousser à nouveau l'article 21 sans en discuter plus avant. Sur les inquiétudes mêmes qu'elle exprime, en matière de concurrence possible avec le secteur marchand, il aurait été intéressant d'avoir un vrai débat. Nous nous opposerons donc au rejet pur et simple de ce dispositif.
Je répète, mes chers collègues, que le texte du projet de loi que nous examinons en nouvelle lecture s'est sensiblement amélioré grâce au travail accompli par les deux assemblées. Il est peut être encore possible, sur les points qui restent en discussion, de faire preuve d'un esprit constructif et de rapprocher encore la position du Sénat et celle de l'Assemblée nationale. Le groupe socialiste se situera, en tout cas, dans cette perspective. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

TITRE Ier

INDEMNISATION DU CHÔMAGE
ET MESURES D'AIDE AU RETOUR À L'EMPLOI

Article 5