SEANCE DU 18 OCTOBRE 2001


M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, en ma qualité de sénateur-maire et de vice-président tant de l'association des maires de mon département que de l'association des maires de France, j'appelle votre attention sur les situations fort préoccupantes que m'ont signalées mes collègues élus de Thonon-les-Bains, Gaillard et Cluses.
Ces derniers jours, des actes d'une particulière violence se sont déroulées dans ces trois villes de Haute-Savoie : des voitures incendiées, des cocktails Molotov lancés, un commissariat attaqué, le procureur de la République et le directeur des polices urbaines agressés physiquement.
Par ailleurs, une pétition est venue relayer les nombreux courriers adressés par les maires aux représentants de l'Etat ou à vous-même, monsieur le ministre de l'intérieur, courrier, qui n'ont souvent pour seule réponse qu'un accusé de réception.
Tous ces actes de violence se sont déroulés en l'espace d'une semaine dans ce département, qui est le premier département touristique de France, situé en zone frontalière avec la Suisse, et qui devrait de ce fait disposer de moyens en personnel et matériel adaptés à une population de 1 500 000 habitants et non pas aux 600 000 habitants recensés.
Les élus locaux sont excédés, et ceux qui sont issus des dernières élections municipales découvrent avec stupeur l'importance de la tâche et leur impuissance à juguler cette insécurité. Ils se sentent beaucoup trop seuls face à ce problème.
Soucieux d'un retour rapide à une situation normalisée en Haute-Savoie, comme sur le territoire national, êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à engager une véritable réforme et à faire de la sécurité de nos concitoyens une réelle priorité non seulement sur le papier, mais aussi sur le terrain ? Etes-vous prêt à dégager les forces de police et de gendarmerie des tâches administratives, excessivement consommatrices de temps ? Etes-vous prêt à accepter la réalité actuelle qui impose des moyens supplémentaires, surtout la nuit, avec des personnels ayant une solide formation et des moyens matériels suffisants non seulement en cas de troubles, mais aussi de façon préventive et constante ?
Le groupe de l'Union centriste auquel j'appartiens prendra prochainement une initiative en ce domaine.
Je souhaite ici rendre hommage à l'ensemble des personnels chargés d'assurer la sécurité publique qui accomplissent un travail remarquable en dépit, parfois, d'un manque de moyens.
Qu'allez-vous faire pour gérer en même temps l'insuffisance des effectifs et la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail ? Nous attendons sur ce sujet une réponse réaliste.
Monsieur le Premier ministre, comme vous le savez aussi bien que moi, un Etat manque à sa mission quand il ne peut plus assurer la sécurité de ses concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Au moment où s'ouvre cette séance de questions d'actualité au Gouvernement et où M. le président du Sénat et nombre de ses collègues assistent aux obsèques de Martial Taugourdeau, je tiens, avant même qu'un hommage soit rendu, à ce dernier dans cet hémicycle, à exprimer la solidarité et la compassion du Gouvernement à l'égard de sa famille et de la Haute Assemblée.
Monsieur le sénateur, le 13 octobre dernier, à Evian-les-Bains, vers une heure quarante-cinq, deux policiers affectés au commissariat de police de Thonon-les-Bains ont tenté de procéder au contrôle d'un automobiliste. Il s'agit là, tout particulièrement, dans les circonstances actuelles, d'une mission de police classique et nécessaire, « banale » dirais-je même si ce mot n'était pas souvent inapproprié aux missions de police. Le conducteur s'est soustrait au contrôle et a pris immédiatement la fuite à très vive allure dans les rues de la ville. Il a perdu la maîtrise de son véhicule et a percuté violemment un mur. Les quatre personnes à bord sont décédées sur le coup. Aucune poursuite automobile n'a été engagée par les policiers au moment des faits. Les occupants qui tous, à des titres divers, avaient déjà été impliqués dans des procédures judiciaires ont été victimes de leur choix de vivre en marge de la loi.
La mort accidentelle de quatre jeunes suscite toujours de la tristesse et de la compassion à l'égard des familles, et je les exprime ici. Mais un tel accident ne peut justifier les actes de violence et de délinquance qui ont été commis sur les personnes et sur les biens quelques heures après les événements de Thonon-les-Bains. Ces actes auraient pu tuer ! Ces faits sont inacceptables et devront avoir des suites sur le plan judiciaire.
Vous avez terminé votre question, monsieur le sénateur, en évoquant le problème de la police et de la gendarmerie, et en rendant d'ailleurs hommage - je n'attendais pas autre chose de vous - aux policiers et aux gendarmes qui font leur travail dans des conditions quelquefois difficiles, notamment la nuit.
Dégager des policiers des tâches administratives, nous le faisons déjà - cela s'appelle le « redéploiement » - notamment au service de la police de proximité, qui n'avait pas été mise en oeuvre avant ce gouvernement et que je généralise dans un temps limité.
Et des résultats sont là : ce matin même, la police de proximité du XIIe arrondissement de Paris a interpellé l'un des évadés de la prison de Luynes. (Très bien ! sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RPR.)
Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à la police de proximité, notamment après le drame survenu à Chennevières-sur-Marne, drame au cours duquel deux policiers ont trouvé la mort. J'assisterai demain à leurs obsèques.
Il n'y a jamais suffisamment d'effectifs de police ; mais mieux vaut augmenter les effectifs de la police nationale, quitte à grever quelque peu les dépenses publiques, plutôt que d'en supprimer, monsieur le sénateur. Or, je regrette vivement que, durant des années, des effectifs de police aient été supprimés et que des départs à la retraite n'aient pas été remplacés. Pour notre part, nous accroissons les effectifs de la police nationale puisque 6 200 postes de policiers supplémentaires ont été créés depuis deux ans. Nous allons poursuivre cette action ; il nous faut du temps ; mais, comme vous le voyez bien, nous sommes sur la bonne voie.
M. Alain Lambert. Ce sont les effectifs sur le terrain qui comptent !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. J'espère d'ailleurs que, lors de la discussion du projet de budget pour 2002, et plus particulièrement lors de l'examen des crédits - en forte augmentation - attribués à la police nationale et à la création d'effectifs,...
M. Alain Lambert. S'ils sont dans les bureaux !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. ... je pourrai disposer de votre soutien ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

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