SEANCE DU 30 OCTOBRE 2001


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Charasse pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, je vais naturellement voter ce texte avec mes amis, mais je souhaite poser une question à Mme le secrétaire d'Etat.
Il arrive très souvent que la juridiction financière, comme c'est son droit et comme c'est sans doute son devoir, prononce des peines d'amendes. Ce sont des sanctions pénales d'amendes qui sont prononcées par une juridiction.
A cet égard, j'ai toujours été étonné des pratiques mises en oeuvre à la direction de la comptabilité publique, au ministère des finances, relatives aux remises que le ministre consent quelquefois sur les amendes.
Pendant les quatre ans et demi que j'ai passés au ministère du budget, j'ai toujours considéré que la seule autorité compétente en France pour faire grâce était le Président de la République, y compris dans le domaine des amendes prononcées par les juridictions financières. Je transmettais, par conséquent, les demandes de remises de peine au Président de la République, qui prononçait ou non la grâce. Il ne le faisait pas dans la même forme qu'au pénal ordinaire puisqu'il n'y avait pas de décret, mais il se prononçait.
Je souhaite que Mme le secrétaire d'Etat, qui ne pourra peut-être pas me répondre en l'instant, réfléchisse à cette question, car il serait plus sain de revenir à cette pratique, d'autant qu'aucune autorité en France n'a le pouvoir de remettre une peine, sauf le législateur lorsqu'il vote l'amnistie ou le Président de la République lorsqu'il exerce son droit de grâce.
Je sais bien que la Chancellerie est très réticente aux interventions du Président de la République en matière de grâce en dehors du domaine judiciaire. Il n'empêche que la Constitution, dans son article 17, énonce que : « Le Président de la République a le droit de faire grâce, » et il a le droit de le faire, que cela plaise ou non à la Chancellerie ! Voilà pourquoi, madame le secrétaire d'Etat, je souhaite que vous regardiez cela de près.
J'ajoute que je me suis fait, un jour, interpeller par le Premier président de la Cour des comptes à l'occasion d'une audience de rentrée solennelle sur ce sujet. Le Premier président avait d'ailleurs parfaitement raison. C'est à la suite de cette interpellation que j'ai décidé que, désormais, le Président de la République prendrait les décisions en la matière. Je ne peux que vous suggérer de respecter cette procédure, puisque nous remettons à plat le régime de fonctionnement des juridictions financières.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je veux simplement rappeler que nous avons voté contre le texte à l'issue de la première lecture. Nous souhaitons aujourd'hui trouver un compromis, mais pas à n'importe quel prix.
J'espère que la réunion de la commission mixte paritaire permettra de parvenir à un texte que je pourrai voter. En attendant, je m'abstiendrai.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Nous arrivons au terme d'une navette qui a duré un certain temps et qui a permis d'enrichir le projet de loi grâce à des dispositions que nous avons eu l'honneur ici, au Sénat, de proposer - je parle non pas des dispositions statutaires mais de la réforme des juridictions financières.
Comme je l'ai dit au début de ce débat, compte tenu de la décentralisation, qui va encore s'accroître à l'avenir, il était important que nous clarifiions le rôle de ces juridictions.
Nous avons connu de nombreuses critiques, des blocages. Certaines associations de magistrats financiers n'ont peut-être pas aidé l'ensemble des parties à réfléchir dans la sérénité sur ce sujet.
Il n'en demeure pas moins que, si le Gouvernement avait mieux écouté le Sénat au cours des deux, voire des trois dernières années, puisque j'ai déposé le rapport en juin 1998 et que notre groupe de travail a été créé un an auparavant, on aurait pu accomplir davantage de progrès.
Je regrette les réactions encore négatives, aujourd'hui, du Gouvernement, alors que, on a pu le noter, la plupart des amendements ont été votés à la quasi-unanimité du Sénat, à l'exception du groupe communiste républicain et citoyen. Face à une telle situation, il serait de bon usage d'écouter le Parlement.
La commission des lois a réalisé un excellent travail, auquel je rends hommage. Bien entendu, il a fait l'objet d'une concertation avec d'autres instances.
Je souhaite vivement que, d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire, nous puissions encore faire avancer notre réflexion. Nous aurons alors, me semble-t-il, bien légiféré dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle le groupe du RPR votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Madame le secrétaire d'Etat, au cours de ce débat, nous nous sommes fait l'écho des inquiétudes des élus locaux. Il nous paraît en effet difficile, face à la mise en cause de nos collègues, de rester passifs et de soutenir des mesures restrictives qui conduisent les élus à ne plus administrer véritablement leurs collectivités. Il est important de protéger ces élus, dont la quasi-totalité - notre collègue Michel Charasse l'a dit tout à l'heure - est totalement bénévole et dévoué au bien public.
Tel est le message que les membres du groupe socialiste ont voulu faire passer, l'aspect administratif ne soulevant, je le rappelle, aucune difficulté.
Il est important de préserver cette immense qualité des élus au service de la population ; ils ne doivent pas être conduits à adopter une attitude frileuse à chaque prise de décision, avec l'arrière-pensée constante d'une possible mise en cause par un tiers.
On verra apparaître dans la presse des observations auxquelles l'élu n'aura pas répondu. De telles pratiques sont préjudiciables à notre démocratie. Tout pouvoir suppose un contre-pouvoir. Il faut avoir la possibilité de s'expliquer !
J'ai été étonné par le témoignage de certains élus : ils ont répondu point par point à des lettres d'observations provisoires, par exemple de la chambre régionale des comptes ; or la lettre d'observations définitives publiée a été identique. Je vous demande donc, madame la secrétaire d'Etat, de donner des instructions à cet égard.
Telles sont les raisons qui ont conduit le groupe socialiste à voter un certain nombre d'amendements. Par conséquent, il votera le texte modifié. (M. Hamel applaudit.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Le projet de loi est adopté.)

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