SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2001


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Organismes extraparlementaires (p. 1 ).

3. Loi de finances pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 2 ).

Affaires étrangères (p. 3 )

MM. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances pour les affaires étrangères ; Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'aide au développement ; André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les affaires étrangères ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les relations culturelles extérieures et la francophonie ; Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l'aide au développement ; Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour les relations culturelles, scientifiques et techniques ; MM. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la francophonie ; Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères ; Guy Penne, Hubert Durand-Chastel, Serge Mathieu, Jacques Pelletier, Robert Del Picchia, Jean-Pierre Cantegrit, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Aymeri de Montesquiou, Christian Demuynck, Daniel Hoeffel, Mme Hélène Luc, M. Jean-Pierre Plancade.

Suspension et reprise de la séance (p. 4 )

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

4. Rappel au règlement (p. 5 ).
MM. Auguste Cazalet, le président.

5. Candidature à un organisme extraparlementaire (p. 6 ).

6. Loi de finances pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7 ).

Affaires étrangères (suite) (p. 8 )

MM. Louis Duvernois, André Dulait, Yves Dauge, Christian Cointat, Didier Boulaud.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Crédits du titre III (p. 9 )

MM. Alain Lambert, président de la commission des finances ; Pierre Laffitte, Michel Charasse, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.
Rejet des crédits par scrutin public.

Crédits des titres IV et V. - Rejet (p. 10 )

Crédits du titre VI (p. 11 )

Amendement n° II-10 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances ; le ministre. - Retrait.
M. Guy Penne.
Rejet des crédits.
M. le ministre.

7. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire (p. 12 ).

8. Financement de la sécurité sociale pour 2002. - Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture (p. 13 ).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité ; MM. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Guy Fischer.
Mme le ministre.
Clôture de la discussion générale.

Question préalable (p. 14 )

Motion n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, Gilbert Chabroux, le président de la commission, Serge Franchis, Mme Nelly Olin, M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. - Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le rejet du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 15 )

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

9. Loi de finances pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 16 ).

Recherche (p. 17 )

MM. René Trégouët, rapporteur spécial de la commission des finances ; Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la recherche scientifique et technique ; Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Michel Pelchat, Pierre Laffitte, Lucien Lanier, Denis Badré, Ivan Renar, Serge Lagauche, Mme Marie-Christine Blandin.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche.

Crédits des titres III à VI. - Rejet (p. 18 )

10. Transmission d'une proposition de loi (p. 19 ).

11. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 20 ).

12. Ordre du jour (p. 21 ).




COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes extraparlementaires.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires culturelles à présenter un candidat pour siéger au sein du conseil d'administration de l'Institut national de l'audiovisuel.
J'invite également la commission des finances et la commission des affaires sociales à présenter respectivement un candidat pour siéger en qualité de membre titulaire et un candidat pour siéger en qualité de membre suppléant au sein du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

3

LOI DE FINANCES POUR 2002

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002 (n° 86, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 87 (2001-2002).]

Affaires étrangères

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les affaires étrangères.
La parole est à M. Chaumont, rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce budget s'inscrit dans un contexte, hélas ! particulier. S'il n'y avait pas eu les événements du 11 septembre, nous aurions pu gloser sur les efforts accomplis pour enrayer la dérive de ce budget, sur le point fondamental de savoir si le « védrinisme » était soluble dans le « bercynisme », sur les « efforts qui méritaient d'être encouragés », sur « l'espoir de l'évolution qu'offre le budget ». Mais il y a eu les événements tragiques du 11 septembre...
L'avis que je vais formuler, au nom de la commission des finances, se fonde uniquement sur l'analyse précise des moyens concrets qui nous sont proposés au regard de la politique que le Gouvernement déclare vouloir conduire. Cette politique, monsieur le ministre, telle qu'elle est aujourd'hui définie par les plus hautes autorités de l'Etat, nous l'approuvons totalement, vous le savez. Malheureusement, dans le budget que vous nous présentez, nous ne retrouvons pas les moyens de cette politique, en particulier dans le domaine fondamental de l'aide au développement.
Pourtant, le 16 novembre, le Président Jacques Chirac déclarait à la télévision : « Si elles sont fortes, les démocraties doivent aussi se montrer généreuses.(...) La France doit intensifier ses efforts pour réduire le fossé qui se creuse entre les pays qui bénéficient des fruits du développement et une part de l'humanité qui s'enfonce dans la pauvreté. »
Le 21 novembre devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre, Lionel Jospin, indiquait à son tour : « Il est souhaitable que la coalition contre le terrorisme se prolonge dans une coalition pour un monde plus juste, donnant à chacun sa place dans la communauté internationale. C'est à cela que travaille le Gouvernement. »
Vous-même, monsieur le ministre, dès le 18 octobre, devant la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, vous avez insisté sur le fait que « notre politique étrangère est constamment fondée sur le constat qu'il y a dans ce monde toute une série de situations absolument intolérables qui, certes, n'ont pas créé l'extrémisme, mais dont les extrémistes et les terroristes se nourrissent constamment ». Vous avez totalement raison et nous vous approuvons, j'en suis sûr, unanimement.
Mais où sont les moyens de cette politique ? A la suite des attentats du 11 septembre, trois domaines privilégiés d'intervention ont été retenus par les Nations unies pour lutter contre le terrorisme : l'assèchement des ressources financières du terrorisme, dont la lutte contre le blanchiment de la drogue, les opérations militaires et le financement du développement.
La France, qui présidait, le 11 septembre, le Conseil de sécurité, a joué un rôle majeur dans l'élaboration de cette politique. Nous en sommes fiers. Or dans le projet de budget pour 2002 concernant les affaires étrangères, on observe d'abord une impasse totale sur le financement des opérations de maintien de la paix.
Fin 2001, la France se retrouve débitrice de plus de un milliard de francs sur les opérations en cours. Dans le collectif que nous allons examiner dans quelques jours, il vous sera proposé, mes chers collègues, une ouverture de crédits à ce titre de 950 millions de francs. En d'autres termes, cela signifie que la dotation initiale présentée pour 2002, qui reconduit strictement celle de 2001, correspond, d'entrée de jeu, à un déficit de 950 millions de francs. Or, vous le savez fort bien, les principales opérations en cours au Timor-Oriental, en Sierra Leone, dans l'ex-Zaïre, au Kosovo, en Ethiopie et en Erythrée ne seront pas achevées d'ici à la fin de l'année.
De surcroît, la résolution 13-78 du 15 novembre, qui a été adoptée par le Conseil de sécurité et à laquelle nous nous sommes associés, vient de décider l'envoi d'une force de sécurisation en Afghanistan, ce qui entraînera des dépenses nouvelles. S'agissant des opérations de maintien de la paix, la France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, contribue, je vous le rappelle, aux frais engagés à hauteur de 8,30 %, à la suite d'un accord récent conclu sur les contributions des membres des Nations unies. Comment paierons-nous en 2002 et comment respecterons-nous nos engagements ?
On constate ensuite, mes chers collègues, une diminution de l'ordre de 6 % des crédits de coopération militaire. De plus, ils supportent à eux seuls la quasi-totalité des économies de moyens qui sont demandées au budget des affaires étrangères. Or ces moyens, qui, depuis 1999, sont amputés de 100 millions de francs, nous manquent aujourd'hui dans le cadre de l'acquisition locale de renseignement et de la vigilance nécessaire à une lutte efficace et « sur le terrain » contre le terrorisme.
On constate également une diminution sensible des crédits qui sont consacrés à l'aide au développement. Sur ce point fondamental - la lutte pour le développement était l'un des fers de lance de la lutte contre le terrorisme - notre collègue Michel Charasse exposera, avec son talent extraordinaire et coutumier, ce dossier. Je voudrais toutefois, monsieur le ministre, attirer votre attention sur l'état de nos contributions volontaires aux organismes des Nations unies qui ont en charge le développement.
Nous sommes tombés en deçà du dixième rang des pays contributeurs, s'agissant du programme des Nations unies pour le développement, le PNUD, le plus important des programmes. La France occupait la onzième position en 2000. En 2001, elle est en treizième position, et je n'ai pas besoin de vous rappeler que notre contribution est tombée de 311 millions de francs en 1993 à 105 millions de francs actuellement, c'est-à-dire qu'elle a diminué du tiers.
Monsieur le ministre, vous me direz que cette chute des contributions remonte à une période allant de 1995 à 1997 et que, depuis, vous avez engagé des réformes pour améliorer cette contribution. Mais, si elle a été augmentée de 60 millions de francs en 1999, elle l'est de moins de 3 millions de francs actuellement, ce qui représente quand même vingt fois moins en trois ans. Cela n'est pas convenable, je dois le dire, au moment où l'Assemblée générale des Nations unies a engagé un vaste débat sur la réforme de la composition du Conseil de sécurité et que notre statut de membre permanent de ce dernier nous oblige à respecter un certain nombre de règles minimales dans ce domaine. Je suis consterné d'avoir constaté, à New York, que la France n'a rien donné lorsque le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a mis en place une opération particulière pour les réfugiés afghans, alors que vingt pays ont répondu présent à l'appel pour plus de 52 millions de dollars !
Le Premier ministre vient d'envoyer une mission d'évaluation en Afghanistan pour mieux définir les moyens d'action à mettre en place en faveur des populations déplacées à l'intérieur de ce pays, mais aucun moyen nouveau n'est prévu, en 2002, pour l'aide humanitaire. Certes, un DC 8 porteur de fret humanitaire vient de parvenir à Termez, mais aucun moyen nouveau n'est prévu non plus pour le transport de l'aide alimentaire. Nous avons déjà, sur ce point, une dette de 28 millions d'euros !
Certes, vous avez créé un article spécifique - bravo ! - pour financer l'aide aux sorties de crise, mais il n'est financé que par des transferts de crédits et ne bénéficie d'aucun moyen nouveau.
En d'autres termes, mes chers collègues, le budget du ministère des affaires étrangères pour 2002 semble aller exactement à l'inverse de la politique qui est affichée. Les priorités qui ont été définies unanimement par l'ensemble des démocraties développées et par le Gouvernement de la République sont précisément - mais ce n'est pas votre faute - celles qui sont sacrifiées sur le plan budgétaire.
Venons-en maintenant à l'analyse de votre budget tel que je l'aurais examiné si les événements tragiques du mois de septembre n'avaient pas eu lieu.
Monsieur le ministre, vous avez réussi, par votre activité personnelle, à enrayer une érosion à peu près constante sur la décennie et, pour la troisième année consécutive, votre budget enregistre une évolution positive et une stabilisation des effectifs. Il reste qu'il ne progresse que de 1,3 %, alors que le taux d'inflation est de 1,5 %, que l'ensemble des budgets civils progresse de 2,2 % et que vos effectifs budgétaires baissent de cinq emplois, alors que les autres budgets en créent un peu plus de 15 000.
Vous avez toutefois défini un certain nombre de priorités. Elles concernent l'audiovisuel extérieur, le réseau des établissements culturels, l'accueil des étudiants étrangers, les conditions de vie des Français à l'étranger et un important programme immobilier en Algérie. Sur ces sujets, je vous renvoie à mon rapport écrit, car je ne voudrais pas dépasser mon temps de parole. Je n'aborderai donc que trois problèmes qui me semblent importants.
Le premier a trait aux investissements immobiliers en Algérie, c'est-à-dire la rénovation du lycée Ben-Aknoun, la construction de logements dans le parc Peltzer, la rénovation du consulat général d'Oran et la construction du consulat général d'Annaba, qui représentent le tiers de votre enveloppe globale de crédits immobiliers, soit plus de 200 millions de francs. Or Bercy vous a refusé les cinquante et un postes...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Bercy ne refuse jamais rien, c'est le Gouvernement qui refuse !
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Vous avez raison, monsieur Charasse, mais il est extravagant de penser que vous pouvez ouvrir sans ces cinquante et un emplois, en particulier les vingt postes d'agents de sécurité.
Ou bien cette décision est incohérente, ou bien il vous faudra couvrir cette dépense budgétaire en cours d'exercice. Ce n'est pas admissible : on ne prévoit pas de créer des implantations en Algérie si on ne donne pas les moyens correspondants.
Le deuxième problème, c'est la détérioration de la situation financière du réseau de l'enseignement français à l'étranger.
La majoration de la subvention pour 2002, qui représente moins de 22 millions de francs, finance la moitié seulement des augmentations de salaire des enseignants. Elle ne correspond qu'aux deux tiers de la demande faite en matière de bourses, et nos collègues sénateurs des Français de l'étranger y sont particulièrement sensibles. Elle ne permet pas de financer le plan d'amélioration de la rémunération des enseignants résidents. Elle ne couvre pas, bien entendu, les coûts de fonctionnement du lycée Ben-Aknoun. Et, surtout, elle ne tient pas compte des travaux nécessaires à réaliser sur les établissements conventionnés, dont un très grand nombre ne répondent pas aux normes de sécurité.
Heureusement - et je vous en félicite, monsieur le ministre - on va construire l'école française de Damas et on a trouvé un terrain pour le lycée français de Bangkok. Je souhaite que, dans les années à venir, vous n'ayez pas d'aussi mauvaises surprises dans ce domaine de la sécurité qu'à Varsovie.
Au total, l'« impasse » correspondant à ces besoins peut être évaluée à 140 millions de francs. Cette somme sera prélevée sur le fonds de réserve de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, qui se situait confortablement à 300 millions de francs en 2000. Cela signifie qu'en 2002 le fonds de réserve de l'AEFE sera totalement asséché et que sa situation sera alors délicate.
Enfin, le troisième problème concerne les recrutés locaux. Nore réseau diplomatique fonctionne avec six mille recrutés locaux, ce qui représente quand même 70 % du personnel à l'étranger. Le budget actuel ne permet pas d'améliorer leur situation. Ils sont beaucoup moins bien payés que ceux du secteur privé ou ceux de la Direction des relations économiques extérieures, la DREE, et les efforts engagés ne permettent pas de procéder à une revalorisation de leurs salaires.
Pour conclure, monsieur le ministre, je souhaite saluer les efforts que vous avez personnellement engagés pour améliorer la gestion du Quai d'Orsay : déconcentration des crédits, globalisation des moyens de fonctionnement, rationalisation de la gestion des moyens immobiliers. Vous poursuivez cette politique ; je vous en donne acte.
Je note cependant que nous avons le deuxième réseau diplomatique et consulaire du monde. Je me pose des questions quant à son utilité et à celle de ces agents de grande qualité si le budget prévu suffit tout juste à les payer, mais absolument pas à leur donner les moyens de travailler.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai relu avec beaucoup d'attention les explications de vote de nos collègues de l'Assemblée nationale, notamment celle de M. Gateaud, rapporteur de la commission des affaires étrangères, que je vous livre : « Ce budget créé une frustration, car nous ne retrouvons pas le niveau financier correspondant aux choix clairs qui sont faits et à la volonté politique qui est affichée et mise en oeuvre. »
Nous faisons exactement la même analyse, mais nous aboutissons à une conclusion inverse, car le Sénat n'a de goût ni pour la frustration ni pour le masochisme.
Monsieur le ministre, c'est parce que nous approuvons totalement, je le répète, la politique que vous menez que nous ne pouvons pas accepter le projet de budget que vous êtes conduit à nous proposer. Vous avez vous-même souligné son insuffisance et déploré les diktats de Bercy. La commission des finances partage cet avis, d'autant que, dans la période incertaine et tragique que vit le monde, la France doit avoir les moyens nécessaires pour tenir sa place dans le monde, pour asseoir son influence et pour affirmer le rôle qu'elle entend jouer (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Charasse, rapporteur spécial, applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour l'aide au développement. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au fond Jacques Chaumont, dans sa conclusion et en citant le rapporteur de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, a quasiment tout dit sur les crédits qu'il a présentés. Je pourrais tout à fait reprendre à mon compte la phrase qu'il a citée, d'autant plus qu'elle doit émaner d'un de mes camarades socialistes de l'Assemblée nationale.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Cela s'applique, en effet, parfaitement à la partie du budget qui concerne l'aide au développement, laquelle, vous le savez tous, dépasse très largement le cadre du seul budget des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, on ne va pas vous chicaner ! Le budget ne peut pas être la traduction au franc près des politiques annoncées. Mais il doit malgré tout correspondre grosso modo à ce que l'on annonce : si l'on dit que l'on va acheter une voiture d'une valeur de 200 000 francs et que l'on n'inscrit que 100 000 francs au budget, il manque quelque chose ! Il faut que les crédits soient en adéquation avec les annonces.
Je dois dire que, dans ce domaine, dès lors que le Parlement, dans son ensemble, approuve très largement la politique étrangère de la France, qui d'ailleurs ne dépend pas de nous puisque c'est l'un des rares domaines où la Constitution prévoit que c'est l'exécutif qui définit et conduit cette politique et que le Parlement ne peut que très peu intervenir dans sa définition - mais il se trouve que nous l'approuvons - nous devrions aborder cette discussion budgétaire avec un très bon esprit et regarder tout simplement si les actes sont en accord avec les paroles. Malheureusement, dans le secteur qui me concerne, nous en sommes bien loin !
Pourtant, la politique en faveur du tiers monde est une politique ancienne de la France. Elle est conduite de façon constante depuis l'époque des indépendances, c'est-à-dire depuis les années cinquante-huit et soixante ; elle n'a rien de nouveau ! On n'a pas attendu le 11 septembre dernier pour la mettre en oeuvre et la définir.
J'ai là toute une série de déclarations qui correspondent à la volonté du général de Gaulle dans ses voeux de fin d'année de 1967, de Michel Debré, en octobre 1968, devant l'Assemblée générale des Nations unies, du Président de la République Georges Pompidou, le 10 juillet 1969 - qui déclarait en substance, qu'il ne s'était pas laissé faire dans la campagne électorale par le discours ambiant de l'époque sur « la Corrèze avant le Zambèze » -, de Maurice Schumann en 1969 et, monsieur le ministre, cher Hubert Védrine, du présidentMitterrand, que nous avons vous et moi servi ; je n'en ai pas honte, je ne le regrette pas, et je sais que vous non plus.
Que de déclarations de François Mitterrand avons-nous encore présentes à l'esprit ! A Lisbonne, en décembre 1981, il affirmait : « Quelle folie que l'Occident perde tant de temps et prenne tant de peine, pour ne rien faire ou faire si peu. » A Brasilia, en 1985, il disait : « Ce fossé entre le Nord et le Sud,... c'est un danger mortel aussi grave que la propagation des armes atomiques... Sans aucun doute, le siècle prochain » - c'est-à-dire l'actuel ! - « va connaître des bouleversements et des déclinements dont l'humanité aura à souffrir dans les siècles des siècles. »
En tout cas, cette volonté politique de la France, c'est ce que le monde entier a en mémoire. C'est aussi pourquoi nous avons été si longtemps entendus dans les enceintes internationales, et nous le sommes encore.
A l'occasion de l'Assemblée générale de l'ONU, un de nos diplomates a déclaré à plusieurs de nos collègues membres de la délégation française - l'un d'entre eux me l'a confié - : « Ne dites surtout pas à nos partenaires que notre aide au développement a baissé ; ils ne s'en sont pas encore aperçus ! » (Sourires.)
Les événements du 11 septembre dernier auront au moins, d'une certaine façon - ils sont intervenus après les arbitrages budgétaires, certes - contribué à rappeler l'ampleur de la fracture qui s'élargit chaque jour entre les pays riches et les pays pauvres. Les quatre cinquièmes de la population du monde vivent aujourd'hui dans les pays en développement et un cinquième vit dans une situation d'extrême pauvreté, avec moins de un dollar par jour. Leur nombre va croissant. Les 20 % des habitants de la planète les plus pauvres se partagent à peine plus de 1 % du revenu mondial en 2000, contre 2,3 % en 1960.
Cette situation est explosive ! La mondialisation, aujourd'hui si médiatisée, est un redoutable révélateur de la chance insolente des uns et des malheurs de tant d'autres.
La mobilisation renforcée de la communauté internationale en faveur de l'aide au développement est indispensable et urgente si l'on veut éviter la marginalisation accrue d'une population qui, par son nombre, dominera bientôt la planète.
Alors, monsieur le ministre, cher Hubert Védrine, lorsqu'on examine votre budget et qu'on le compare avec les déclarations et les engagements, on s'interroge sur l'aide publique au développement. Cette aide française diminue régulièrement depuis plusieurs années : 3 milliards de francs de moins, soit 10 % en francs courants, en cinq ans, entre 1996 et 2001.
De fait, la France est tout bonnement en train de perdre le premier rang qu'elle a longtemps tenu au sein du G 7 en termes d'effort d'aide rapporté au PNB. Elle est en effet désormais talonnée par la Grande-Bretagne. Comme cette dernière n'a pas une propension « à jouer les Poulidor », elle arrivera sûrement à nous dépasser. En tout cas, en termes de montant absolu d'aide, elle fait déjà mieux que nous. Et la France a reculé au huitième rang des pays de l'OCDE.
En outre, et c'est plus grave, l'aide française ne bénéficie plus en priorité aux pays les plus pauvres. Nous privilégions aussi dans le monde, comme on le fait dans d'autres domaines, la classe moyenne. Je voudrais rappeler que, lorsque le président François Mitterrand avait fixé comme objectif le fameux 0,7 % - on ne l'a jamais atteint, mais on s'en est beaucoup rapproché -, il avait décidé d'affecter la moitié de cette aide aux plus pauvres. Mais, au cours des dernières années, ce sont précisément ces pauvres-là qui ont fait les frais de la redistribution d'une enveloppe qui, à l'évidence, n'est plus prioritaire - si tant est qu'elle l'ait été un jour - puisque, de 1989 à 1999, leur part dans l'aide publique est en forte baisse : elle est passée de près du tiers à à peine plus du cinquième.
En réalité, la baisse globale de notre aide publique française résulte uniquement de la chute de l'aide bilatérale, qui aura perdu 7 milliards de francs entre 1996 et 2001, soit plus du quart du montant atteint en 1996.
Or, au sein même de l'aide bilatérale - la plus lisible pour les Etats partenaires - c'est l'aide-projet - la plus lisible pour les populations concernées - qui aura le plus diminué.
Il y a quand même un secteur qui est totalement préservé, celui des frais administratifs : leur part dans le total de l'aide bilatérale est passée de moins de 6 % en 1995 à près de 8 % en 2000.
J'ai le sentiment, monsieur le ministre, que la France se contente de respecter ses obligations juridiques : les effectifs, le point d'indice, le glissement vieillesse technicité, GVT, de la fonction publique et les traités internationaux, que l'on a honorés au mieux. Pour les obligations morales, « passez muscade »...
La chute de l'aide bilatérale s'est accompagnée d'une progression considérable, en valeur absolue, de notre aide multilatérale. C'est l'Europe ! En vérité, moins notre aide bilatérale est importante, plus nous arrosons l'Europe au travers de notre contribution au budget général de la communauté ou au Fonds européen de développement. Au total, la contribution française à l'aide communautaire est passée de moins de 9 milliards de francs en 1996 à près de 12 milliards de francs en 2001, pour représenter désormais près du quart de l'aide publique française, alors qu'elle en représentait moins de 13 % en 1996. Un transfert s'est donc opéré. Mais, après tout, cela pourrait paraître logique dans la mesure où l'Europe prend progressivement le relais, même si l'aide bilatérale n'est pas de même nature que l'aide multilatérale. En réalité, c'est une grave erreur politique, parce que la régression de l'aide bilatérale au profit d'une aide multilatérale, nécessairement « apatride », sert la volonté politique de certains de nos partenaires : la position des elit donnors européens - le Britannique et, surtout, les Nordiques - est à cet égard révélatrice. Ils ont toujours contesté la conception française de la politique de coopération et d'aide au développement et ils ne cessent de le faire. Nous sommes sans arrêt mis en accusation par tous ces « Mormons nordiques », qui donnent des leçons de morale à des pays en développement : ils estiment qu'ils devraient atteindre, dès aujourd'hui, comme d'un coup de baguette magique, un niveau de développement démocratique que nous avons mis deux cents ans à atteindre.
J'ajoute qu'alors que nous retirons nos coopérants l'Europe va mettre en place quatre cents coopérants. Monsieur le ministre, il ne manquerait plus qu'il s'agisse de Suédois ou de gens du nord de l'Europe pour que ces quatre cents coopérants se transforment en propagandistes actifs contre la France et ses interventions.
M. Jacques Pelletier. Très bien !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. La politique du Royaume-Uni mérite en tout cas d'être méditée : on a supprimé le ministère de la coopération en France, que l'on a fusionné avec le Quai d'Orsay ; le Royaume-Uni crée un ministère de la coopération totalement indépendant du Foreign Office ; il majore de 5,5 %, en termes réels, le budget du nouveau ministère ; il s'engage - et il le fera ! - à porter son effort à 0,33 % du PNB, c'est-à-dire plus que la France aujourd'hui ; il envoie à ses fonctionnaires présents à Bruxelles des instructions extrêmement précises figurant dans une note intitulée : « Comment influencer l'aide européenne ? » ; et il majore de 16 % les crédits de BBC World Service, qui sont déjà le triple de ceux de RFI, Radio France internationale. Donc, la Grande-Bretagne a compris.
La baisse globale de notre effort d'aide publique au développement est démultipliée à cause du canal européen.
Ce n'est pas là simplement, croyez-moi, mes chers collègues, une simple réaction cocardière, ou une animosité particulière à l'égard de l'Europe ; mais il faut voir aussi ce que l'Europe fait de cet argent, et c'est cela qui me met très en colère. Car l'option économique est aussi mauvaise : quelle erreur de compter sur l'Europe !
Toutes les missions que j'ai faites à l'étranger depuis neuf ou dix ans que j'exerce les fonctions de rapporteur spécial de la commission des finances sur ce point m'ont permis de constater, pour l'Europe, inefficacité, mobilisation très lente et gaspillage des fonds communautaires affectés à l'aide au développement. En fait, monsieur le ministre, nous constituons ainsi une sorte de caisse d'épargne pour l'Europe, et les sommes qui devraient aller aux pauvres n'iront nulle part !
Voulez-vous que l'on prenne le FED, mes chers collègues ? C'est qu'il est difficile d'obtenir les chiffres s'agissant du Fonds européen de développement : personne ne le contrôle ; le Parlement européen s'en moque et nous, les parlements nationaux, nous sommes « tricards » pour avoir des renseignements ; mais j'ai réussi à les obtenir pour fin 2000. Ecoutez bien, mes chers collègues : le solde de l'enveloppe non engagée du FED - avant le neuvième FED, qui n'est pas encore en vigueur - s'élevait à 40 milliards de francs - dormants -, soit deux fois l'aide bilatérale française ; le solde des engagements non décaissés s'élevait à 57 milliards de francs - dormants - et la trésorerie courante du FED, 1,7 milliard de francs - sans doute éveillés -, soit presque 2 milliards de francs.
Vous allez en Afrique, dans les pays censés être aidés et nos interlocuteurs pleurent parce que l'aide française régresse et ricanent lorsqu'on leur parle de l'aide européenne.
J'étais en Afrique du Nord il y a moins d'un an : les programmes MEDA n'ont pratiquement pas été engagés, ou à peine, sur l'Algérie, la Tunisie ou le Maroc. « Et ne me parlez pas de ces "plaisantins" de Bruxelles », nous ont-ils dit ou, s'ils ne l'ont pas dit, ils l'ont pensé !
Or, les données que je viens de vous fournir ne concernent que le FED, c'est-à-dire la moitié de l'enveloppe communautaire ; il y a aussi le reste, les aides dormantes relevant du budget communautaire.
Au regard de la bonne gestion des fonds publics, ces chiffres sont inquiétants, mais ils sont aussi une insulte pour les contribuables car, monsieur le ministre, vous êtes scrupuleux, ce qui ne m'étonne pas de vous, et nous payons rubis sur l'ongle ce qui nous est demandé !
Mais je voudrais tout de même rappeler qu'après le huitième FED, au sommet européen de Cannes, il y a de nombreuses années, et l'accession de Jacques Chirac à la présidence de la République, la France a demandé un effort supplémentaire à l'Europe. Or l'Europe nous a répondu à l'époque : tout à fait d'accord, pourvu que vous, les Français, vous payiez. Et nous avons alors porté le taux de notre contribution pour l'aide extérieure à 25 %, alors qu'elle est normalement de 17 % ou 18 %. Ce sont donc nos contribuables qui font cet effort, le budget français qui décaisse et l'Europe qui dort dessus, pendant que, dans le monde, les affamés attendent que l'on veuille bien se pencher sur leur sort !
Alors, monsieur le ministre, votre budget pour 2002 montre clairement que notre action extérieure n'est sans doute plus une sorte de domaine protégé, et je dois dire que, au sein du budget dont Jacques Chaumont vient de faire l'analyse, la coopération et le développement sont de plus en plus sacrifiés.
Je crois que nous allons payer très cher cette situation.
Les chiffres pour 2002 sont éloquents. Qu'allons-nous dire, dans les enceintes internationales, à ceux qui auront eu la curiosité de consulter notre budget ? Concours financiers et aide budgétaire ? Evolution nulle ! Transport de l'aide alimentaire, ce dont M. Chaumont parlait il y a un instant ? Evolution nulle ! Aide humanitaire et aide d'urgence ? Evolution nulle ! Aide aux sorties de crise ? Evolution nulle ! Contribution à des dépenses internationales hors recherche ? Evolution nulle ! Coopération militaire ? Moins 6 % ! Coopération technique et au développement ? Moins 20 % !
Telle est la carte de visite de la France !
Ces chiffres me paraissent vraiment traduire une série d'erreurs majeures.
Prenons la coopération militaire, par exemple. Tout le monde mélange tout. On se figure que qui dit coopération militaire dit aide militaire de la France à des régimes un peu douteux qu'il vaudrait mieux éviter. Ce n'est pas cela du tout ! Il s'agit de la formation des armées de ces pays et c'est, depuis quelques années, l'aide, en particulier, aux services de renseignement de ces pays. Or, au moment où le monde est menacé par le terrorisme dans les conditions que l'on connaît, au moment où il faut mettre partout l'accent sur le renseignement, puisque c'est le seul moyen que nous avons de remonter les réseaux terroristes, crac ! on rabote, en Afrique, les crédits de coopération militaire. Alors, ça, je ne sais pas, cher Hubert Védrine, qui a bien pu souffler cette idée, mais c'est quelqu'un de vraiment « up to date », comme on dit en anglais, quelqu'un de tout à fait dans le coup ! Sans doute un ambassadeur qui attend encore un poste... (Sourires.)
Lorsque la direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, doit effectuer, la pauvre, des arbitrages de programmation au sein d'une enveloppe en réduction - elle qui doit, en outre, arbitrer à la place des autorités politiques, on m'expliquera un jour pourquoi ! -, que fait-elle ? Elle donne aux priorités du Gouvernement, et les priorités du moment, c'est pour le Proche-Orient, c'est pour le Moyen-Orient, c'est pour l'Europe centrale et orientale, c'est pour les Balkans. Mais pour notre champ traditionnel, l'Afrique, plus rien !
En plus, sans doute pour ne pas faire de peine à quelques intellectuels, on préserve des moyens de coopération culturelle, artistique et audiovisuelle, au détriment de la coopération économique et institutionnelle. Et lorsque, en fin d'année, quand il faut geler ou amputer les crédits, à la fin de l'exercice, pour payer notamment la dérive du dollar, on supprime les crédits restants sur la coopération et le développement.
Monsieur le ministre, là non plus, il ne s'agit pas de renier la présence de la culture française dans le monde - je vois mes collègues rapporteurs froncer un peu les sourcils. Mais, tout de même ! Danton disait : « Après le pain, l'éducation est le premier besoin des peuples. » J'insiste : « après le pain ». On doit donc d'abord penser aux affamés, parce que les nourritures intellectuelles, si excellentes soient-elles, ne remplissent pas forcément la gamelle !
Cette évolution, monsieur le ministre, confirme les craintes que j'avais déjà exprimées les années précédentes au nom de la commission des finances.
Au terme de la réforme du dispositif français d'aide au développement, l'ancien ministère de la coopération a été complètement digéré par le Quai d'Orsay - c'était l'objectif de la manoeuvre -, la grande réforme de l'aide publique française s'est arrêtée à son seul dispositif administratif - d'une lourdeur effrayante - et n'a jamais débouché sur une réelle définition de la nouvelle politique d'aide au développement annoncée par le Premier ministre. Les querelles ont été nombreuses ; elles n'ont pas toujours été réglées ; il s'agissait davantage de querelles de boutique que de querelles de doctrine. Et la tutelle a progressivement confié à un opérateur, certes pivot, l'Agence française de développement, je cite un document gouvernemental, le soin de « jouer un rôle moteur dans l'élaboration de conceptions nouvelles et cohérentes en matière de développement ».
J'entendais ce matin l'ancien ministre Claude Allègre, sur France Inter, dire que c'est au ministre de gouverner. Dans ce domaine-là, c'est à une banque, même si elle est sous tutelle ! (Sourires.)
Monsieur le ministre, cher ami, je vous mets en garde : cela ne pourra pas durer comme cela éternellement ! En 1858, Abraham Lincoln disait déjà : « Vous pouvez tromper tout le monde une fois, vous pouvez tromper quelques-uns tout le temps, mais vous ne pouvez pas tromper tout le monde tout le temps. » Un jour, cela finit par se voir. Je dois dire que je ne trouve pas, dans ce budget, un certain nombre de mesures qui ont été annoncées à l'Assemblée nationale. Nous sommes censés augmenter « substantiellement » notre contribution au Fonds mondial pour l'environnement ? Rien du tout dans le budget !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Je termine, monsieur le président.
Le Premier ministre a dit : « Nous allons faire un effort d'un milliard de francs sur trois ans pour le Fonds mondial santé-sida ». Rien du tout !
Tout cela n'est pas vraiment acceptable.
Je ne fais pas partie de ceux qui accusent Bercy, parce que Bercy est aux ordres, et il exécute les ordres qu'on lui donne : lorsqu'on lui dit « ce parterre de fleurs doit être arrosé », il l'arrose, même s'il n'est pas d'accord, mais il laisse crever l'autre à côté, parce qu'il n'a pas de quoi arroser tout le monde ! (Nouveaux sourires.) Bref, la commission des finances, qui jusqu'à présent avait toujours recommandé le vote de ce budget, parce que nous sommes responsables et que nous ne voulons pas priver l'exécutif des moyens de sa politique extérieure, cette année, a trouvé, ainsi que la commission des affaires étrangères, d'ailleurs, que ce n'était pas supportable, que le décalage entre le discours et les moyens était beaucoup trop fort. En conséquence, elle a décidé de recommander au Sénat de le rejeter.
Personnellement, cela ne correspond pas au choix que j'avais proposé à la commission des finances, mais, en rapporteur, sûrement bête, en tout cas, discipliné, je ne peux que donner les conclusions de ma commission. (Applaudissements sur les travées du PR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec certainement moins de fougue et certainement moins de temps que notre collègue Michel Charasse (sourires), je vais tenter de vous donner l'opinion de la commission des affaires étrangères sur ce budget.
Sans m'attarder sur les chiffres, je souhaite mettre à mon tour l'accent sur la faiblesse du niveau global de la dotation qui, en effet, si elle n'avait pas tenu compte et intégré, dès le budget primitif, les fonds du FED, s'établirait à 3,4 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,3 %, ce qui est inférieur à l'inflation.
Les crédits de fonctionnement ou de rémunération des personnels de droit local ne seront pas protégés d'un effet change négatif, malheureusement probable, puisque le budget est construit sur une sous-évaluation du dollar de 4 %. Il faudra donc attendre le bilan de la gestion 2002 pour savoir, monsieur le ministre, si vous avez, en définitive, bénéficié d'une augmentation de pouvoir d'achat.
Par ailleurs, en 2002, les crédits du ministère des affaires étrangères ne représenteront de nouveau que 1,37 % du budget de la nation, soit l'un des niveaux les plus bas des vingt dernières années.
La faiblesse des crédits se traduit par des réductions de personnels, de l'ordre de 10 % depuis dix ans, et même si les coupes claires sont terminées, le ministère continue de perdre des emplois.
L'insuffisance des moyens financiers a également pour conséquence le maintien de nos contributions volontaires aux organisations internationales à un niveau insuffisant et conduit certains à penser que l'on pourrait réduire notre réseau diplomatique et consulaire pour dégager de nouveaux moyens d'intervention.
Notre réseau est, il est vrai, l'un des plus importants du monde, avec cent soixante-huit ambassades bilatérales et représentations permanentes auprès d'organisations internationales et quatre-vingt-dix-neuf consulats généraux et consulats. L'importance de ce réseau est justifiée par le rôle que joue la France sur la scène internationale et par la place qu'elle occupe en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Mais, je pose la question à mon tour, aurons-nous longtemps les moyens de maintenir cette position ?
Notre réseau évolue lentement. Quelques transformations de postes sont recensées en 2001 et, en 2002, seule la réouverture du consulat à Oran est programmée. Cette évolution est perçue comme beaucoup trop lente par le ministère des finances qui, même s'il exécute les décisions que lui demandent de prendre les ministres, exprime à son tour des positions personnelles. Il estime ainsi que le ministère des affaires étrangères ne fait pas assez rapidement les choix qui s'imposeraient entre ses différentes implantations. Sont directement visés trente et un consulats et consulats généraux en Europe, dont vingt-quatre dans l'Union européenne.
Pour ma part, je crois que, s'il est nécessaire que la réflexion en matière consulaire européenne progresse et permette ainsi d'alléger notre dispositif dans l'Union européenne et dans les pays tiers, la question de l'importance de notre réseau ne doit pas être envisagée à travers une simple logique comptable. Les consulats assurent d'importants services au profit des Français expatriés en dehors de la délivrance des visas. Si la restructuration de nos implantations apparaît logique dans certains pays comme la Belgique, où nous avons encore trois consulats généraux, je crois indispensable que soit pleinement prise en considération la diversité des services rendus.
Il est également souhaitable que, de manière pragmatique, la France développe le partage d'implantations avec un ou plusieurs de ses partenaires de l'Union européenne.
Je ne voudrais pas conclure ce chapitre des crédits sans développer un point sur notre coopération militaire.
Notre coopération militaire connaît une nouvelle baisse de ses crédits, de 5,6 %, ce qui les porte à 103,6 millions d'euros. Depuis 1994, les crédits de coopération militaire sont passés de 151,3 millions d'euros à 103,6 millions d'euros, soit une baisse de près d'un tiers de la dotation en neuf ans.
Dans ces conditions, il est assez difficile de convaincre les pays bénéficiaires de notre coopération qu'il ne s'agit pas d'un désintérêt et d'un désengagement de la France, mais que c'est la conséquence d'une coopération réussie. Les événements récents nous inciteraient plutôt à demander instamment l'augmentation de ces crédits.
Je souhaite encore attirer votre attention sur le niveau beaucoup trop faible, cette année encore, des contributions volontaires de la France aux organisations internationales.
Cette situation est particulièrement préjudiciable à notre influence dans le système des Nations unies. En 1992, la France versait 99,5 millions d'euros, elle n'en versera que 48,8 en 2002. Toutes contributions confondues, la France est dépassée par le Royaume-Uni, qui a triplé ses contributions volontaires depuis trois ans, par l'Italie, et même par les Pays-Bas.
Ainsi, le ministère des affaires étrangères ne dispose pas d'un niveau de ressources suffisant pour faire face de manière satisfaisante à l'ensemble de ses missions. Le budget, en réalité, est en stagnation, et il reste soumis aux aléas du dollar et de l'inflation.
Afin de faire face à l'insuffisance des crédits, le ministère multiplie les initiatives pour optimiser sa ressource humaine et budgétaire et pour améliorer sa gestion ; mais ce processus a des limites, et il est illusoire d'espérer qu'il trouve dans son budget les ressources nécessaires pour accroître nos contributions volontaires et notre aide au développement. L'année 2002 est à ce titre symbolique, les efforts faits pour certains secteurs se traduisant par la baisse des crédits de l'aide au développement.
Toutefois, au moment où la France est confrontée à une crise internationale majeure, nos critiques ne doivent pas apparaître comme le signe d'un rejet ou d'un manque de solidarité vis-à-vis de l'action menée par notre pays et par son ministre des affaires étrangères. Tout au contraire, nous souhaitons marquer notre refus d'un niveau de dotation ne permettant pas à notre pays de développer la politique extérieure qui correspond à ses ambitions.
C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose, mes chers collègues, d'émettre un avis défavorable sur l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères pour 2002. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR ainsi que des Républicains et Indépendants du RDSE.)
M. Claude Estier. Vous parlez de la majorité de la commission !
M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les relations culturelles extérideures et la francophonie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les cinq minutes dont je dispose pour évoquer les crédits affectés aux relations culturelles extérieures et à la francophonie, je m'en tiendrai à deux sujets principaux : l'avenir de l'enseignement français à l'étranger et les projets en matière d'actions radiophonique et audiovisuelle extérieures.
S'agissant de l'avenir de l'enseignement français à l'étranger, dont l'élément moteur est l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, je ne peux dissimuler des inquiétudes d'ailleurs partagées par toute la représentation nationale, et non par les seuls sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Les écoles françaises à l'étranger sont l'un des éléments clés de l'influence culturelle française. Pour les cadres d'entreprises, dont la mobilité conditionne le dynamisme de l'économie française et qui tiennent à partir en famille, conformément à notre tradition, ces écoles sont irremplaçables.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Eh oui !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. Quant aux enfants d'émigrés français, ils y trouvent l'accès à la langue et à la culture de leur pays d'origine et, surtout, l'éducation républicaine, à laquelle leurs parents sont attachés, qui les confortera dans leur sentiment d'être français.
Or le réseau d'établissements relevant de l'AEFE est confronté à de nombreux problèmes, tant humains que financiers. Les modalités de rémunération des enseignants titulaires, dits « résidants », c'est-à-dire recrutés dans le pays d'exercice, viennent d'être réformées. Nous verrons au fil des trois ou quatre prochaines années si cette réforme est réellement favorable à nos établissements.
La situation financière de l'AEFE est critique. Alors même que la réforme que je viens d'évoquer est financée par des suppressions de postes d'expatriés, les charges de l'Agence s'alourdissent dans la même mesure et au même rythme que celles du ministère de l'éducation nationale, sans que l'évolution annuelle de son budget lui permette de les assumer. Elle puise donc dans son fonds de réserve. Si rien n'est fait, elle se trouvera en situation de cessation de paiements en 2003.
Quelles mesures envisagez-vous, monsieur le ministre, pour faire face à ce risque réel de faillite de l'établissement public ?
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. J'évoquerai maintenant un domaine porteur de plus de satisfaction et d'espoir, celui de notre action audiovisuelle extérieure.
Je tiens tout d'abord à souligner le succès rencontré à l'exportation par les produits culturels français, qu'il s'agisse des disques, des films ou de certains programmes de télévision. Les services du ministère, depuis 1998, ont beaucoup contribué à cette évolution. Je vous renvoie à mon rapport écrit, mes chers collègues, pour les éléments chiffrés de ce succès trop méconnu de nos concitoyens.
J'évoquerai tout de même le film Amélie, dont le succès aux Etats-Unis, ces jours-ci, confirme mon propos.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Film très contesté par les intellos ! Précisément parce qu'il marche : c'est cela qui leur est insupportable !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. Oui, mais les intellos, laissons-les !
Par ailleurs, je tiens à saluer les efforts d'adaptation consentis par RFI depuis l'adoption en 1998, par le ministère des affaires étrangères, d'un plan d'action en matière de communication. Ces évolutions positives vont se poursuivre avec la diversification des contenus éditoriaux en fonction des zones de diffusion, diversification facilitée par le recours à la numérisation des instruments de production, et, pour la couverture radio du continent africain, par le recours aux principales langues locales, comme le haoussa ou le swahili ; ces deux éléments permettront aux classes défavorisées non francophones de recevoir une information de qualité.
Cependant, RFI est soumise à de fortes tensions sociales et financières. Son budget ne la met pas en mesure de faire face à toutes ses charges pour l'année prochaine, en particulier au financement de son émetteur de Chypre, et la grève d'hier doit nous inciter à la vigilance.
Enfin, je soulignerai la progression remarquable de la chaîne de télévision TV5 - maintenant « TV5 monde » -, qui ouvre de nouvelles perspectives, et je tiens à rendre hommage à Jean Stock,...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est d'ailleurs parce qu'il était bon qu'on l'a renvoyé !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. ... dont l'action positive à la tête de la chaîne sera poursuivie par son successeur, Serge Adda.
J'aimerais cependant être éclairée, monsieur le ministre, sur un projet qui a été évoqué de programmes d'informations télévisées franco-arabes. Un tel projet est-il réalisable dans le cadre de la dotation budgétaire de TV5 monde pour 2002 ?
Il me reste à indiquer que la majorité de la commission des affaires étrangères - majorité à laquelle je n'appartiens pas - s'est prononcée en faveur du rejet des crédits d'action culturelle extérieure de la France pour 2002. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Brisepierre, rapporteur pour avis.
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour l'aide au développement. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la part dévolue à l'aide au développement au sein du budget des affaires étrangères paraît de plus en plus menacée. Nos préoccupations transcendent, vous le savez, monsieur le ministre, tous les clivages politiques. Aussi, je ne peux que m'associer aux critiques formulées par notre rapporteur spécial, M. Michel Charasse.
Un triple constat s'impose : notre coopération perd progressivement son identité, les moyens qui lui sont consacrés diminuent, et les priorités qui lui sont fixées n'apparaissant pas clairement.
En premier lieu, notre coopération technique tend à se dissoudre parmi les autres moyens d'action du Quai d'Orsay. Cette évolution se traduit par les changements de nomenclature budgétaire qui, année après année, rendent de plus en plus difficile l'identification des moyens spécifiques du développement. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2002 fusionne les crédits de la coopération technique et du développement avec ceux de la coopération culturelle et scientifique, qui relèvent pourtant d'une tout autre logique.
Ces modifications permettent de procéder à des redéploiements invisibles de crédits entre les postes de dépenses ainsi regroupés, et il apparaît de plus en plus clairement que la sauvegarde de la coopération culturelle n'a pu être obtenue qu'au prix d'une nouvelle diminution des moyens consacrés à l'aide publique au développement. Notre commission estime inadmissible que cette évolution se fasse à l'insu des parlementaires.
En deuxième lieu, le brouillage des données budgétaires ne parvient pas à dissimuler la baisse des crédits strictement destinés au développement.
Notre premier sujet de préoccupation porte sur « l'aide projet », menacée à travers ses deux instruments privilégiés : le fonds de solidarité prioritaire, d'une part, et les dons mis en oeuvre par l'Agence française de développement, d'autre part - dons pour lesquels les autorisations de programme se réduisent de plus de 10 %.
S'agissant de l'assistance technique, deuxième sujet de préoccupation, vous avez annoncé au mois d'avril, monsieur le ministre, une réforme importante de cet outil majeur de la coopération française et la mise en place d'expertises de courte durée. Mais, alors que les crédits affectés à l'assistance technique stagnent à un niveau inférieur à nos besoins, comment assurerons-nous la montée en puissance de cette nouvelle forme de coopération sans porter préjudice à l'assistance de longue durée, qui représente la vraie valeur ajoutée de notre coopération ? Ne nous trompons pas d'objectifs !
Alors que la Commission européenne vient de décider de s'inspirer du modèle français en renforçant ses effectifs sur le terrain par la présence de quelque 400 spécialistes permanents supplémentaires chaque année pendant trois ans, il serait pour le moins paradoxal que nous suivions une voie inverse !
Le troisième sujet de préoccupation réside dans l'évolution de l'assistance technique militaire. Ne craignez-vous pas, monsieur le ministre, que la réduction de plus de 5 % des crédits de coopération militaire annoncée pour 2002 n'affecte l'un des volets essentiels de notre action en faveur du développement ? Nos militaires conduisent en effet un effort de formation inappréciable dans le domaine de la sécurité intérieure - sécurité intérieure qui conditionne le retour à l'Etat de droit et le développement de l'économie.
En troisième lieu, les priorités de notre action n'apparaissent pas clairement. Cela s'explique d'abord par le fait que l'instance chargée de définir ces priorités ne remplit pas pleinement son rôle et que les réunions du comité interministériel de la coopération internationale et du développement, trop rares et irrégulières, ne lui permettent pas de jouer le rôle d'impulsion et de moteur dont notre coopération a besoin.
Pourtant, la définition de vraies priorités est particulièrement importante au moment où l'enveloppe budgétaire est de plus en plus contrainte. Malheureusement, c'est le contraire qui se produit ! Ainsi, la mise en place de la zone de solidarité prioritaire, à la suite de la réforme de la coopération de 1998, a élargi à soixante et un pays le bénéfice théorique de l'aide française, auparavant réservée à une trentaine d'Etats, et cela sans moyens financiers supplémentaires !
C'est la principale incohérence de la réforme, et sa principale faiblesse. Il en résulte un grave risque d'éparpillement et de dilution de nos interventions, et donc un risque de perte d'influence. A vouloir être présents partout, on risque de ne compter nulle part !
La définition de priorités doit également s'accompagner de la recherche de synergies avec d'autres acteurs du développement, notamment avec le secteur privé, trop négligé jusqu'ici.
Or, ne l'oublions pas, notre pays a réalisé en 2000 un excédent commercial de 9 milliards de francs avec l'Afrique, soit 15,7 % de son excédent total. Ces quelques chiffres permettent de répondre à ceux qui doutent de l'intérêt pour la France de continuer à travailler avec l'Afrique.
Nombre de responsables d'entreprises regrettent l'insuffisance des instances de concertation avec le gouvernement français en matière de coopération. C'est là une lacune qu'il faudra combler.
Enfin, il est indispensable d'encourager les Français à d'expatrier. Or nos compatriotes ne bénéficient pas des soutiens nécessaires, et l'absence d'indemnisation pour les ressortissants français victimes d'événements dans lesquels ils n'ont aucune part de responsabilité constitue une lacune inadmissible. Vous le savez, monsieur le ministre, et je sais que vous partagez totalement cette opinion.
Enfin, nous n'avons pas le droit d'ignorer la situation de profonde détresse dans laquelle se trouvent certains de nos compatriotes, qui ne reçoivent plus aucune prestation des systèmes de sécurité sociale auxquels ils ont pourtant régulièrement cotisé !
C'est pourquoi les contrats de désendettement que la France met en place avec ceux de ses partenaires qui bénéficient de cette initiative pour les pays les plus endettés constituent une occasion à ne pas manquer de régler enfin équitablement cette question.
Il est indispensable qu'une part des ressources dégagées par les annulations de dette soit affectée aux systèmes sociaux des pays concernés, avec en contrepartie l'obligation pour eux d'honorer leurs engagements à l'égard tant de leurs ressortissants que de nos compatriotes.
En conclusion, il nous faut souligner une fois encore la contradiction flagrante entre les objectifs de notre coopération et ses moyens, en réduction constante. A l'heure où les tensions internationales soulignent plus que jamais la nécessité de réduire les fractures entre le Sud et le Nord, notre pays ne pourra faire entendre sa voix que s'il décide un réel redressement de son effort financier. Le projet de budget n'en montre malheureusement pas la voie.
Les évolutions chaque année plus inquiétantes de la part dévolue à l'aide au développement - et ce malgré nos appels réitérés et les engagements donnés régulièrement aux parlementaires - ont pesé de manière décisive, mes chers collègues, sur l'avis défavorable émis par la grande majorité de la commission sur le budget du ministère des affaires étrangères. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, rapporteur pour avis.
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles, scientifiques et techniques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présentation rapide des mesures nouvelles intéressant les relations culturelles, scientifiques et techniques me paraît être la meilleure façon d'évoquer les orientations du projet de budget dans le domaine de compétence de la commission des affaires culturelles.
En 2002, l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, dont les crédits augmenteront de plus de 21 millions de francs, bénéficiera d'une mesure nouvelle de 9 millions de francs pour les bourses scolaires des enfants français.
Les centres culturels français bénéficieront d'une mesure nouvelle de 10 millions de francs pour financer la première étape d'une harmonisation des statuts et de la revalorisation des grilles de salaires de leurs recrutés locaux, ainsi que d'une mesure nouvelle de 10 millions de francs pour le renforcement de leurs moyens matériels.
Un programme de bourses « major » sera créé, avec une dotation de 10 millions de francs en faveur des étudiants étrangers titulaires des bourses d'excellence de l'AEFE et lauréats des concours d'entrée aux grandes écoles ou titulaires d'un diplôme du premier cycle des universités. Aucune aide n'était jusqu'à présent destinée à ces étudiants.
Enfin, les subventions aux opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure augmenteront de 30,4 millions de francs.
Pour synthétiser ces éléments un peu divers, je dirai qu'il s'agit de mesures très significatives permettant la poursuite de la modernisation de l'audiovisuel extérieur, priorité des priorités, sans léser les autres politiques intéressant la commission des affaires culturelles.
Chacun peut regretter - à l'instar des rapporteurs qui m'ont précédé, et notamment de Michel Charasse - que tel ou tel autre secteur de compétence du ministère des affaires étrangères soit moins favorisé ou puisse sembler un peu délaissé, mais je suis pour ma part persuadée que la paix dans le monde passe de plus en plus par la bataille des idées et par la diversité culturelle. Or, les actions conduites par la direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, constituent justement un des principaux instruments de notre diplomatie d'influence. Le renforcement de nos moyens dans ce domaine est donc prioritaire.
C'est pourquoi je salue ce projet de budget qui privilégie les médias, porteurs de notre vision du monde, l'enseignement du français à l'étranger, vecteur de la francophonie et de la francophilie, l'accueil des étudiants étrangers en France, garant du contact avec les élites de demain, et le réseau des établissements culturels, instrument d'une présence finement adaptée aux conditions locales.
Cette politique peut être considérée comme une série de défis impossibles, tant le champ d'intervention est immense ; elle fait souvent face à des difficultés, mais, parce que les difficultés ne sont jamais ignorées, cette politique connaît aussi de très beaux succès. Dans le court laps de temps qui m'est accordé, il est impossible de faire le moindre tour d'horizon des initiatives lancées pour renforcer l'efficacité de ces instruments si divers. Je me bornerai donc, mes chers collègues, à évoquer le dossier de la télévision extérieure, qui, dans l'ensemble des domaines et sur l'ensemble des continents, porte à l'intérieur des foyers les images et les messages de la culture française.
La télévision extérieure, c'est avant tout TV5, qui est devenue la troisième chaîne internationale de télévision, après MTV et CNN, que, dans certaines parties du monde, elle devance. TV5 qui peut atteindre actuellement plus de 130 millions de foyers et bénéficie d'excellents résultats d'audience dans de nombreux pays.
Ces indicateurs montrent que les objectifs stratégiques que vous aviez assignés à TV5, en 1998, pour la période 1999-2001 ont été globalement atteints, monsieur le ministre.
Le point noir de la réforme entreprise en 1998 était TV5 Amérique, placée sous la responsabilité d'un consortium de télévision québéco-canadien basé à Montréal. La programmation destinée aux Etats-Unis et à l'Amérique latine était un échec ; TV5 Amérique connaissait en outre de graves difficultés de gestion et, n'avait réussi à gagner que quelque 6 000 abonnés aux Etats-Unis. Les ministres responsables ont donc décidé, en octobre 2000, de lui appliquer les mesures qui commençaient à faire leurs preuves à Paris. Ils ont concrétisé, le 22 juin dernier, cette démarche en décidant le rapatriement à Paris des signaux nord et sud-américains sous la responsabilité de Satellimage-TV5, rebaptisée TV5 monde.
Le 1er août dernier, deux programmes, déclinés mais démarqués de celui de TV5 Europe, ont alors été lancés depuis Paris, l'un vers les Etats-Unis, l'autre vers l'Amérique latine, avec 11 % de programmes canadiens, contre 35 % auparavant.
L'effort se poursuit : en 2002, une mesure nouvelle de 25,4 millions de francs sera dévolue en totalité à la chaîne et un redéploiement complémentaire de 8 millions de francs permettra de poursuivre les améliorations de la programmation.
Par ailleurs, des propositions d'axes stratégiques pour 2002-2004 ont été présentées par le nouveau président lors de la conférence ministérielle qui s'est réunie hier, et je tiens à vous donner quelques éléments d'informations sur ce point.
Aux Etats-Unis, il a été proposé de diffuser TV5 sur un satellite supplémentaire afin de « caler » la diffusion sur les horaires de la côte est et non plus seulement sur les fuseaux californiens. Par ailleurs, TV5 va se réserver la possibilité de prospecter elle-même les câblo-opérateurs américains de façon à améliorer sa pénétration.
En Amérique latine, l'introduction de TV5 sur le bouquet mexicain de DirectTV devrait permettre d'améliorer un taux de pénétration actuellement insuffisant.
En Europe, la priorité sera d'introduire TV5 en Grande-Bretagne, pays dont elle est aujourd'hui absente, en rejoignant l'offre de BskyB.
Pour l'ensemble des signaux, il a été proposé de renforcer en volume et en nombre de langues le sous-titrage, ce qui est indispensable pour toucher le public non francophone intéressé par nos images et par notre vision des choses. Le sous-titrage de la moitié de la grille représenterait cependant un coût de l'ordre de 20 millions de francs par an. Il me semble donc, monsieur le ministre, que des moyens supplémentaires seront encore nécessaires pour amplifier les succès actuels.
Je vous surprendrai peut-être, monsieur le ministre, mes chers collègues, en vous informant, après cette évocation trop rapide du dynamisme des relations culturelles, scientifiques et techniques, que la commission des affaires culturelles a donné, contre la proposition de son rapporteur, un avis défavorable à l'adoption des crédits correspondants. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un exercice assez singulier que celui auquel doit se livrer le rapporteur pour avis des crédits de la francophonie.
Il faut non seulement examiner les crédits consacrés par le service des affaires francophones au financement de la francophonie multilatérale, mais aussi débattre de l'action conduite par les pouvoirs publics en faveur de notre langue, et cela concerne bien d'autres services et bien d'autres ministères.
De plus, cette année, une difficulté supplémentaire apparaît dans l'appréciation des crédits consacrés à la francophonie multilatérale. Il devait en effet revenir au sommet de Beyrouth de définir un certain nombre de grandes orientations pour les deux années à venir, en particulier dans le domaine financier. Le sommet a dû être reporté en raison du contexte international. C'est une conférence ministérielle, qui devrait se tenir dans quelques semaines à Paris, qui arrêtera le montant des contributions que les Etats membres s'engagent à verser au profit des instances de la francophonie multilatérale pendant le biennum 2002-2003.
Lors de l'audition par la commission des affaires culturelles du Sénat, M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie nous a déclaré que la France annoncerait, à tout le moins, le maintien de sa contribution lors de cette conférence budgétaire.
Monsieur le ministre, vous est-il possible aujourd'hui de nous en dire plus ?
En attendant, le projet de budget du ministère des affaires étrangères se contente, à quelques aménagements techniques près, de reconduire en 2002 les enveloppes financières décidées pour le présent biennum 2000-2001. Je les rappellerai très brièvement.
Les crédits du service des affaires francophones s'élèvent à 37,4 millions d'euros, soit 245,4 millions de francs. Cette contribution du ministère des affaires étrangères, complétée des apports en provenance d'autres ministères, a porté, en 2001, à 283,5 millions de francs la contribution de la France au fonds multilatéral unique, assurant ainsi le financement de l'agence internationale de la francophonie, celui de l'université Senghor et celui de l'association internationale des maires francophones. La contribution globale de la francophonie multilatérale s'est élevée à 760 millions de francs en 2001 et devrait atteindre un niveau comparable en 2002.
Quant à l'ensemble des crédits concourant au développement de la langue française et à la francophonie, relevant de la DGCID ou d'autres ministères, culture ou éducation par exemple, ils s'élèveront à près de 914 millions d'euros, soit 6 milliards de francs en 2002, contre 893 millions d'euros en 2001.
Devons-nous nous satisfaire de cette stabilité dans l'effort budgétaire ? Non, monsieur le ministre, car, année après année, il nous faut constater les atteintes portées à l'usage de la langue française en France et l'érosion de ses positions à l'étranger.
Chaque année, nous dénonçons des abandons, des reculs, des renoncements. Chaque année, on tente de nous rassurer, on nous explique que l'essentiel n'est pas en cause, que la bonne volonté du Gouvernement existe et qu'elle est attestée par l'effort financier qu'il consent. Et chaque année, il nous faut constater de nouveaux errements.
C'est ainsi que l'article 14 du projet de loi relatif aux mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier comporte une disposition autorisant les émetteurs de titres de capital et de titres de créance à établir leur note d'information au titre de l'appel public à l'épargne dans une langue usuelle en matière financière, c'est-à-dire, en clair, en anglais !
La commission des finances du Sénat avait fait adopter par notre assemblée une disposition n'autorisant de déroger à la règle de l'usage du français que pour des produits financiers très techniques s'adressant à des investisseurs professionnels. Malgré cette concession sur le fond - qui nous coûtait - le Gouvernement a fait rétablir la disposition d'origine par l'Assemblée nationale, ce qui a amené quatre-vingt un de nos collègues et moi-même à déposer un recours devant le Conseil constitutionnel.
A quoi sert l'effort financier de la France en faveur de la francophonie...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. A M. Boutros-Ghali !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. ... si le Gouvernement lui-même propose au Parlement, en violation de l'article 2 de la Constitution, de renoncer à l'usage du français en matière financière ?
Autre exemple préoccupant d'un recul accepté : la signature par la France, le 29 juin 2001, de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance des brevets européens. Bien évidemment, a été mise une fois de plus en avant la nécessité de limiter le coût des traductions. Il n'empêche que nous avons accepté que des titres juridiques partiellement rédigés dans une langue étrangère puissent créer en France des droits et obligations !
Le temps me manque pour développer d'autres sujets de préoccupation, mais il me faut quand même une fois de plus dire mon inquiétude, mon angoisse même, devant l'inexorable montée de l'usage unique de l'anglais dans les organismes européens.
Créé le 1er janvier 2001, l'office de coopération Europe Aid est chargé de la mise en oeuvre de l'ensemble des instruments d'aide extérieure de la Commission financés à partir du budget communautaire et des fonds européens de développement. Or le document qui décrit la procédure d'établissement du contrat d'aide passé entre l'autorité européenne et le consultant précise que le contrat, mais aussi tous les échanges écrits ne seront acceptés que s'ils sont rédigés en anglais. Autrement dit : nul n'est censé ignorer l'anglais s'il souhaite obtenir une aide financière de l'Union européenne !
Notre inquiétude et notre impatience sont partagées par des esprits lucides et que nous ne sauriez récuser, monsieur le ministre. Ainsi, c'est Alain Decaux qui, par deux fois, nous met en garde : le 17 octobre 2001, dans Le Monde, il renouvelle un appel qu'il avait déjà lancé dans Le Figaro. Il proclame « la survie du français, cause nationale » en s'interrogeant publiquement : « Le français se trouvera-t-il un jour dans la situation de ces langues indiennes d'Amérique dont Chateaubriand disait que seuls les vieux perroquets de l'Orénoque en avaient gardé le souvenir ? » (Sourires.)
En proposant cette année le rejet des crédits de la francophonie, la majorité de la commission des affaires culturelles affirme sa volonté de ne pas céder à l'engourdissement et à la bureaucratisation qui guettent, et exige avec force que la francophonie retrouve l'imagination, l'élan, la détermination qui assureront son avenir.
Monsieur le ministre, vous avez compris que les sénateurs ne sont pas prêts de partager le triste destin des perroquets de l'Orénoque ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le détail du budget du ministère des affaires étrangères dont nos rapporteurs ont fait une analyse très complète. Je me limiterai, sur ce point, à quelques observations.
Vous avez, monsieur le ministre, avec MM. les ministres délégués, la charge de conduire, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, l'action internationale de la France. Chacun connaît vos efforts pour donner à notre pays le rôle qui doit être le sien dans le monde.
Cette action internationale de la France, vous ne manquez d'ailleurs pas de venir régulièrement nous la présenter devant notre commission ; nous sommes, vous le savez, très sensible à votre disponibilité.
Mais, précisément, cette action diplomatique mérite beaucoup mieux que les dotations qui vous sont accordées.
A l'administration centrale comme dans les postes diplomatiques et consulaires, les effectifs, bien que stabilisés, restent insuffisants, de même que certains moyens de fonctionnement. Ces lacunes compliquent toujours davantage le travail quotidien de personnels dont nous savons le dévouement et la compétence.
D'autres volets de notre action internationale, notamment l'aide bilatérale au développement ou encore la coopération militaire, souffrent, à nos yeux, d'arbitrages défavorables injustifiés. Cela est totalement incompréhensible et contraire aux exigences de la situation du monde, en particulier de l'Afrique.
Il suffirait pourtant d'un complément budgétaire raisonnable pour combler ces insuffisances de moyens. Les demandes que vous formulez en ce sens, monsieur le ministre, le plus souvent d'ailleurs avec l'appui explicite des parlementaires, sont toujours repoussées : c'est, je crois, la principale raison qui fonde notre décision d'émettre, cette année, un avis défavorable à l'adoption des crédits de votre ministère pour 2002.
Il est d'usage, monsieur le ministre, à l'occasion de l'examen des moyens de notre action diplomatique, d'aborder certains aspects de l'actualité internationale dans laquelle elle s'exerce. Des événements survenus dans le monde depuis plus de deux mois, quels enseignements, même partiels, peut-on tirer ? Pour ma part, j'en relèverai trois.
Un premier enseignement nous vient de l'ONU qui, dès le lendemain des attentats, a rapidement réagi pour consacrer le droit à la légitime défense d'un pays agressé par une action terroriste de grande ampleur. Ce droit, qui doit être exercé contre les auteurs de l'agression et contre les autorités du territoire qui les abrite, vaudrait-il cependant également, en l'état, pour des actions à caractère militaire que les Etats-Unis pourraient être tentés de conduire dans d'autres pays suspectés, à tort ou à raison, d'abriter des réseaux terroristes ? Cette question mérite d'être posée alors que, au sein de l'administration comme de l'opinion américaines, il semble que l'Irak soit en passe de devenir l'enjeu d'une prochaine phase de l'action engagée au lendemain du 11 septembre, au moment même où la question des « sanctions intelligentes » revient à l'ONU et où l'acceptation ou le très probable refus irakien d'un retour des inspecteurs sera évidemment perçu comme l'instant de vérité s'agissant de la détention, par ce pays, d'armes de destruction massive.
C'est aujourd'hui sous la responsabilité de l'ONU que la conférence interafghane tente de mettre en place une administration provisoire pour le pays. Il se trouve que M. Brahimi, qui la préside, fut l'auteur, l'an dernier, d'un rapport important sur les opérations de maintien de la paix et sur les conditions minimales posées à leur déploiement. A Bonn, cependant, l'Alliance du Nord s'oppose au principe d'une telle force. Ce refus est-il compatible, monsieur le ministre, avec l'objectif de reconstruction politique et économique qui, pour la communauté internationale, doit être le corollaire de l'action militaire américaine ? Si un compromis devait être trouvé, vous nous direz, monsieur le ministre, quelles devraient être alors, à votre avis, les caractéristiques du mandat de cette force internationale.
Le deuxième enseignement concerne l'OTAN. L'organisation de défense mutuelle n'a pas eu à aller au-delà de la simple solidarité politique. La réaction du plus influent de ses membres à ses offres opérationnelles s'est limitée à des remerciements polis...
Au moment où la diplomatie russe a su, en revanche, rendre son concours indispensable à la riposte américaine, croyez-vous, monsieur le ministre, que cette évolution soit de nature à modifier l'enjeu de l'élargissement de l'Alliance atlantique, qui doit être débattu l'an prochain, et éventuellement à renforcer l'opportunité, pour cette organisation, d'envisager un nouveau modus vivendi avec Moscou ?
Le troisième et dernier enseignement concerne, hélas !, l'Union européenne. Sa solidarité politique, sa détermination à agir contre le terrorisme sur les plans juridique et financier n'ont pas fait défaut, mais, à Gand puis à Londres, le mois dernier, elle a donné l'image d'une certaine confusion : les contacts en formations restreintes, précédant les réunions formelles à quinze, ont donné à certains de nos partenaires l'impression que l'Union comportait plusieurs cercles. Fallait-il y voir le signe précurseur de cette idée de « noyau dur », d'Etats pionniers, de coopération renforcée avant la lettre, qui fit l'an dernier, lors de la préparation du traité de Nice, l'objet de nombreux débats ? A la veille de la réunion de Laeken, cruciale pour l'avenir de l'Union, pourrez-vous, monsieur le ministre, à l'expérience de la crise en cours, nous faire part de votre analyse sur la politique étrangère et de sécurité commune ?
Enfin, dans cette lente décantation du nouvel environnement mondial, qui n'aura peut-être pas, à terme, que des effets négatifs, il subsiste bien des motifs de grave préoccupation. J'en relèverai deux.
Le premier reste le conflit du Proche-Orient. Les Etats-Unis s'y avèrent toujours plus indispensables et l'ONU, hélas ! encore indésirable. Les espoirs de paix reposent en effet de nouveau sur la seule capacité des Etats-Unis à exercer les pressions nécessaires sur les deux parties. La nouvelle administration américaine n'a pu longtemps se dérober à cette évidence. En reconnaissant à son tour la légitimité de l'existence d'un Etat palestinien aux côtés de celui d'Israël, elle avait éclairci l'horizon de la mission de ses deux représentants sur place, dont la tâche est rendue encore plus complexe par les violences actuelles. Au demeurant, les Etats-Unis, pas plus que quiconque, ne pourront contraindre à la paix des protagonistes qui n'en voudraient pas. Il faut, à cet égard, constater que le blocage est aussi à l'intérieur de chaque camp, pressé par ses factions les plus extrémistes. Il empêche tout changement politique dont on pourrait espérer qu'il favorise l'apaisement et le dialogue.
Dans ce contexte, il serait hasardeux d'attendre de l'Europe plus qu'elle ne peut donner, à savoir être prête, grâce à ses atouts économiques et commerciaux, grâce aussi à l'action résolue de certaines des diplomaties de ses Etats membres, dont celle de la France, à épauler la première évolution positive qui pourrait se dessiner.
Le second sujet de préoccupation tient aux turbulences de l'actuelle crise afghane et à l'évolution du Pakistan, dont l'engagement courageux aux côtés de la coalition, en échange d'une respectabilité externe retrouvée, ne lui a pas apporté tous les avantages stratégiques qu'il pouvait espérer. Sa capacité nucléaire rend sa fragilité intérieure périlleuse pour la région, surtout si l'on pense à la gravité du conflit qui oppose, au Cachemire, le Pakistan à l'Inde, pareillement dotée de l'arme atomique. Il s'agit là d'un abcès de crise qu'il serait très risqué de laisser dégénérer davantage.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on le voit bien, c'est dans un monde dangereux que la France doit continuer de tracer, seule ou avec ses partenaires de l'Union européenne, le chemin d'une diplomatie active pour la paix et le développement. C'est aussi pour cette raison qu'elle se doit de disposer de moyens d'action adaptés, qui ne sont malheureusement pas au rendez-vous dans ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 40 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 24 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 17 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Penne.
M. Guy Penne. Monsieur le ministre, nous regrettons sincèrement que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ne traite pas mieux ce budget. Toutefois, sous votre conduite, des réformes de fond ont été entreprises certaines étaient à l'étude depuis vingt ans, et vous avez eu le courage de les ressortir enfin des placards. La modernisation de votre administration se déroule d'une façon satisfaisante. Notre politique étrangère, dans un monde changeant et complexe, existe, et la France, grâce notamment à votre infatigable activité, fait entendre sa voix.
Dans une situation politique internationale angoissante pour les peuples, le rejet de votre projet de budget serait une marque imméritée de défiance à l'égard du pouvoir exécutif, et, surtout, un mauvais coup porté au crédit international de la France.
Pourquoi la majorité sénatoriale, qui a voté les crédits des affaires étrangères depuis 1997, souhaite-t-elle aujourd'hui émettre un vote négatif ? Une seule réponse à cette question : la majorité sénatoriale émet un vote politicien, dans la perspective des élections qui auront lieu dans notre pays en 2002 ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Rappelons quelques déclarations faites, avec son intelligence et son talent habituels, par notre collègue Jacques Chaumont, qui demeure malgré tout mon ami (Rires) , lors de la séance du 4 décembre 1996 sur le projet de budget pour 1997 : « Ce budget baisse de 4 % par rapport aux crédits votés l'an dernier. Représentant 0,93 % du budget global de l'Etat, il atteint son plus bas niveau depuis 1985. »
M. Chaumont ajoutait, plus loin, que « pour ce qui est maintenant des crédits pour la coopération et les interventions internationales, soit 6 milliards de francs, ils ont fortement baissé ».
Pour conclure, il donnait « un avis favorable à l'adoption des crédits des affaires étrangères pour 1997 » ! (Exclamations amusées sur les travées socialistes.)
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est la commission qui donnait un avis favorable !
M. Guy Penne. Autres temps, autres moeurs !
L'année 2002 constituera le quatrième exercice budgétaire unifié entre anciens crédits de la coopération et crédits des affaires étrangères. A structures constantes, c'est-à-dire hors transfert entre sections, la croissance des dépenses ordinaires et des crédits de paiement, qui passent de 3,37 milliards d'euros à 3,42 milliards d'euros, sera limitée en 2002 à 1,6 %, soit un taux égal à celui de la croissance des prix à la consommation tel qu'il figure dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances.
Cela est à comparer avec l'augmentation de 0,93 % votée par la droite sénatoriale en 1996 pour le budget de 1997, approuvé à cette époque, en dépit de ce médiocre pourcentage, uniquement parce qu'il était présenté par MM. de Charrette et Juppé.
Nous savons aussi que le budget du ministère des affaires étrangères ne représente pas la totalité de l'effort national en matière d'action extérieure. Celui-ci, en incluant les comptes spéciaux du Trésor et la contribution de la France aux dépenses d'action extérieure de l'Union européenne, s'élèvera à 8,92 milliards d'euros, soit une hausse de 4,68 % par rapport au budget de 2001.
En ce qui concerne le projet de budget pour 2002, nous regrettons, monsieur le ministre, que les demandes que vous avez formulées auprès de votre collègue chargé des finances n'aient pas été entendues. Je prendrai un exemple à cet égard : vous aviez demandé la création d'une vingtaine de postes consulaires dans des pays sensibles ; cette requête, aux conséquennces financières modestes et dont la justification est évidente, n'a pas été acceptée.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Par le Premier ministre ! C'est lui qui arbitre !
M. Guy Penne. Il serait en outre vraiment souhaitable de porter une attention particulière au personnel vacataire, souvent mal traité et recruté, dans de nombreux cas, en raison du nombre insuffisant de titulaires.
Je ne peux, dans le temps qui m'est imparti, m'étendre sur les questions de coopération et d'aide publique au développement. Cependant, dans le rapport de la commission des affaires étrangères que j'ai rédigé avec deux autres collègues et qui porte sur la réforme de la coopération à l'épreuve des réalités, nous avons émis des critiques constructives.
Il faut parfaire la cohérence, qui reste problématique, de la DGCID, la direction générale de la coopération internationale et du développement, stopper l'érosion des moyens, sauvegarder l'instrument le plus original, véritable spécificité française reconnue pour sa qualité dans le monde entier, qui est l'assistance technique. Nous avons suggéré l'idée d'une agence qui pourrait mieux fonctionner.
Vous poursuivez le redressement commencé en 1998 des crédits destinés aux contributions volontaires. Après avoir chuté de plus de 60 % entre 1990 et 1998, ces crédits augmentent enfin, légèrement. Là encore, bien entendu, un effort supplémentaire serait le bienvenu.
Nous ne pouvons pas nous contenter d'un montant d'aide publique au développement qui reste inférieur à 0,4 % du PIB. Nous en sommes revenus au niveau de l'époque de M. Giscard d'Estaing, alors que François Mitterrand, dès 1981, déclarait à Cancún que l'objectif était d'atteindre 0,7 % du PIB.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et on l'a fait !
M. Guy Penne. Cependant, nous demeurons les deuxièmes donneurs d'aide publique dans le monde,...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Avant, on était les premiers !
M. Guy Penne. ... mais la situation dans les pays du Sud est telle que nous ressentons le besoin de faire plus et de faire mieux. Si l'on souhaite que notre aide soit très utile, encore faut-il que les bénéficiaires soient en mesure socialement, structurellement et intellectuellement d'en absorber les bienfaits pour la faire fructifier.
Nous avons constaté qu'en matière d'allégement de la dette des pays pauvres très endettés nous allons même au-delà des engagements et des recommandations internationales. Nous nous en félicitons.
Si ces pays ne sortent pas du sous-développement - et beaucoup sont en Afrique, continent qui intéresse peu les investisseurs - les peuples affamés, sans espoir, se tourneront vers les cultures plus rentables, la commercialisation et la transformation des drogues, ce qui engendrera blanchiment d'argent, trafic d'armes et conflits multiples. Ne pas trouver les moyens de soutenir les plus démunis sur les continents les plus pauvres, c'est préparer un plus grand chaos.
Pour la France, l'Afrique commence de l'autre côté de la Méditerranée. Inutile de rappeler que la forte population africaine immigrée en France est souvent ici pour des raisons de survie, et, dans sa majorité, elle nous implore de faire oeuvre de solidarité envers les populations restées dans leur pays d'origine.
Etant donné notre rôle de leader dans la contribution - 25 % au Fonds européen de développement - nous devons faire en sorte que soient mieux gérés les crédits de la Commission européenne, qui me semblent insuffisamment consommés.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Pas du tout consommés !
M. Guy Penne. Les critiques présentées en ce domaine par M. Michel Charasse, je les partage pleinement.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Ah !
M. Guy Penne. Comment ne pas voir que lutter contre les injustices du monde, lutter contre la pauvreté, c'est aussi lutter contre le terrorisme, avec son cortège de victimes innocentes ?
Nous pouvons mettre au crédit du Gouvernement et en particulier de l'action du ministère des affaires étrangères la politique exemplaire de la France en matière de lutte contre le sida.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Zéro franc !
M. Guy Penne. La création du Fonds de solidarité thérapeutique internationale, les aides financières importantes apportées par la France en témoignent. Nous pouvons dire que, en la matière, notre pays est au premier rang de l'effort international.
Au-delà des questions strictement budgétaires, je souhaite m'exprimer sur deux aspects de l'actualité internationale : la situation après le 11 septembre et le Proche-Orient.
Je commencerai par la situation après le 11 septembre.
Les récentes décisions du Gouvernement sont utiles à la nécessaire coopération internationale pour combattre le terrorisme international et assurer plus de sécurité dans le monde. Ce combat contre le terrorisme doit être empreint de solidarité entre ses acteurs.
La lutte contre le terrorisme international doit être une coproduction et son efficacité ne supporterait pas longtemps qu'une seule puissance, si légitime que soit son action, puisse faire cavalier seul au détriment de la coopération internationale en la matière. Les Etats-Unis avaient commencé « en solo » la lutte contre Ben Laden, après les attentats de 1998, avec les résultats que nous connaissons.
Le Premier ministre a affirmé récemment : « Il est souhaitable qu'à la coalition contre le terrorisme succède une coalition pour un monde plus juste. » Nous l'approuvons.
Nous souhaitons nous inscrire dans un monde multipolaire et l'Europe doit pouvoir être un acteur et un organisateur de cette évolution des relations internationales. C'est la grande ambition que la France propose à ses partenaires de l'Union européenne.
J'en viens au Proche-Orient.
Nous approuvons la politique du Gouvernement en ce qui concerne la paix au Proche-Orient, je devrais plutôt dire « le retour au processus de paix ».
Déjà Pierre Mendès France, en 1970, disait : « Ce que je demande est très simple, je souhaite de toutes mes forces convaincre les Israéliens que les Palestiniens ont le droit de réclamer pour eux ce qu'Israël a obtenu pour lui. » Ensuite, avec François Mitterrand, en 1982, notre diplomatie n'a cessé de demander la création d'un Etat palestinien et, en parallèle, un engagement complet et garanti quant à la sécurité d'Israël. C'est aussi la position de l'Union européenne et je pense que la France a beaucoup contribué à ce que cette position soit prise. Nous avons apprécié que, très récemment, le président George W. Bush se soit prononcé dans le même sens.
Individuellement, les nations européennes ont peu de prise. Seuls les Américains semblent susceptibles de peser le plus et le président Clinton a accompli un énorme travail entre Ehoud Barak et Yasser Arafat. Après un temps de repliement, la diplomatie Bush semble se réveiller. Tant mieux, mais l'Europe est souhaitée comme contre-poids, tant par les Israéliens que par les Palestiniens. C'est nécessaire pour les espoirs de coopération régionale au sein de la zone et c'est une voie sur laquelle nous devons entraîner nos partenaires européens, en retrouvant, si possible, l'élan de la conférence de Barcelone. Si les marges de manoeuvre sont étroites, la France, au nom des « droits des hommes à vivre dans des frontières sûres et reconnues », doit s'efforcer de faire passer son message de paix.
En conclusion, monsieur le ministre, le groupe socialiste votera le budget des affaires étrangères, car nous souhaitons adresser aux Français ce message : nous soutenons la politique étrangère de la France et nous, les socialistes, logiques avec nous-mêmes, nous vous donnons les moyens budgétaires de conduire votre politique. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la grave insuffisance du projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2002, reconnue par son propre ministre, est une donnée récurrente du budget de la nation, d'autant plus difficile à admettre en cette période de troubles où la France devrait pouvoir valoriser sa position internationale.
Les enjeux du ministère sont, en effet, fondamentaux pour la paix dans le monde et pour la France, qui est l'un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. La conjoncture diplomatique et la croissante globalisation de la planète lui donnent un rôle déterminant pour l'avenir du pays. Or le projet de budget pour 2002, qui représente moins du dixième de celui du ministère de la défense, est comparable à celui du secrétariat d'Etat aux anciens combattants ! Il représente seulement 1,33 % du budget de l'Etat, contre 1,68 % voilà une dizaine d'années. Cette réduction est encore aggravée par la dépréciation de 20 % de l'euro, depuis sa création, par rapport au dollar, puisqu'une partie des dépenses du ministère des affaires étrangères correspond à des devises étrangères.
C'est avec retard que la France assure le règlement de ses contributions internationales obligatoires, dont le montant a presque doublé ces dix dernières années à la suite des impérieuses nécessités de la situation mondiale. Quant à nos contributions internationales volontaires, elles n'ont que peu progressé durant la même période, occasionnant, pour notre pays, la perte d'administrateurs dans les organismes internationaux. La France n'occupe que le treizième rang parmi les contributeurs internationaux volontaires !
Je n'ai pas le temps de parler de la coopération internationale, dont l'importance est majeure et qui correspond parfaitement au caractère d'universalité de notre nation. Là encore, notre action est très insuffisante, comme l'ont très bien souligné MM. les rapporteurs spéciaux.
Le ministère des affaires étrangères joue également un rôle primordial pour le commerce extérieur de notre pays qui se classe au quatrième rang mondial pour le volume de ses échanges internationaux. Il a, en effet, la charge de toutes les communautés françaises de l'étranger, ainsi que des nombreux services qui y sont rattachés : coopération, enseignement, culture, etc.
Une prise de conscience de cette anomalie budgétaire est donc indispensable, si la France veut conserver le prestige et l'influence qu'elle a toujours eus dans le monde actuel.
Je m'exprimerai à présent sur deux points particuliers : l'enseignement français à l'étranger et l'audiovisuel international.
Les établissements d'enseignement français à l'étranger constituent un des plus vastes réseaux scolaires au monde, d'excellente qualité comme le montrent les très bons résultats des élèves aux examens. Avec les Alliances françaises, ces établissements représentent les deux grands pôles de la francophonie à l'étranger. Ces établissements payants sont financés par les parents d'élèves et par le gouvernement français. Des bourses scolaires sont octroyées aux élèves français les moins favorisés.
Ces bourses, dont l'enveloppe a progressé de façon notable ces dernières années, sans pour autant satisfaire complètement les besoins de nos compatriotes à l'étranger, représentent aujourd'hui une lourde charge dans le budget des affaires étrangères.
Pour résoudre ce problème, la direction générale de la coopération internationale et du développement a entamé des discussions avec le ministère de l'éducation nationale, lui demandant de prendre en charge les coûts de scolarité des élèves de nationalité française.
Cette demande paraît d'autant plus justifiée que le ministère de l'éducation nationale, qui bénéficie de crédits considérables, possède un large budget d'intervention publique au titre IV, chapitre 43-71 - bourses et secours d'études. Or, ces dernières années, ledit chapitre a été surdoté et une grande partie des crédits n'a pas été dépensée. Cela veut dire que, d'un côté, il y a des crédits de bourses sans besoin et, de l'autre, à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, il y a des besoins sans suffisamment de crédits ! Ce transfert de charges, fortement préconisé par le Conseil supérieur des Français de l'étranger, recueille-t-il votre approbation, monsieur le ministre, et les pourparlers avec l'éducation nationale ont-ils progressé ?
Par ailleurs, le ministère des affaires étrangères finance un nombre important de boursiers étrangers dans l'enseignement supérieur, 23 000, représentant une dépense de 600 millions de francs par an. Trop d'étrangers délaissant nos universités pour les universités des Etats-Unis, de Grande-Bretagne et d'Allemagne, le Gouvernement a réalisé un sérieux effort en matière d'information, de visas et de conditions d'accueil, avec la création d'EduFrance. Cette politique a porté ses fruits, les effectifs d'étudiants étrangers en France, estimés actuellement à 150 000, s'étant accrus.
Cependant, il paraît souhaitable, monsieur le ministre, qu'une coordination plus étroite soit établie entre les deux ministères de tutelle. En particulier, l'articulation des compétences des deux grands organismes d'accueil des étudiants étrangers en France, le CNOUS - centre national des oeuvres universitaires et scolaires - et l'Egide, doit être précisée afin d'éviter une concurrence préjudiciable. La remise en état ainsi que la construction de nouveaux logements étudiants est par ailleurs nécessaire. Il faudrait aussi encourager le développement par les collectivités territoriales de coopérations décentralisées non gouvernementales, qui sont très efficaces.
Je tiens à évoquer le bon démarrage du Centre d'information des volontaires internationaux. Deux spécialités de volontaires restent en nombre insuffisant : les informaticiens et les médecins. Ne pourrait-on pas, monsieur le ministre, améliorer l'information à destination de ces deux catégories de diplômés ?
Enfin, je terminerai par l'action audiovisuelle extérieure. L'importance des médias n'est plus à démontrer, surtout dans les pays en développement où la presse quotidienne est très limitée. Les dotations prévues pour 2002 ne représentent que 33 % des dotations de la Deutsche Welle en Allemagne ou 38 % des dotations de la BBC World Service en Grande-Bretagne. Les crédits consacrés à notre audiovisuel ne sont pas du tout à la hauteur de notre action audiovisuelle dans l'Hexagone, et même dans l'outre-mer, avec lequel une collaboration serait souhaitable. Malgré les progrès récents de TV 5 sur l'Asie et, surtout, sur l'Amérique, les programmes dépendant maintenant de TV 5 Monde à Paris, à l'exception du Canada, la faiblesse française reste considérable et indigne dans ce secteur si porteur.
Pour toutes les raisons invoquées, le ministère des affaires étrangères devrait être considéré comme prioritaire. En outre, la modernisation tout à fait louable engagée au sein du département, dans des conditions souvent difficiles, aurait mérité l'attribution de moyens supplémentaires pour valoriser son excellent personnel et toute son organisation, et pour mieux contribuer encore au rayonnement de notre pays. En raison de sa grave insuffisance, et pour cette seule raison, monsieur le ministre, je ne voterai pas ce projet de budget pour 2002. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du projet de budget des affaires étrangères pour 2002 s'inscrit dans un contexte international bouleversé par les attentats du 11 septembre dernier et par l'intervention militaire qui se déroule en Afghanistan.
Comme vous le faisiez remarquer dans une interview récente, monsieur le ministre, la communauté internationale, ou plutôt les pays occidentaux, vivaient depuis une dizaine d'années dans une certaine euphorie qui conduisait à penser que « tous les problèmes du monde étaient surmontés, que nous étions d'accord sur les principes, que tout le monde avait les mêmes références, et que nous allions progresser d'un pas allègre vers la communauté internationale, vers l'économie de marché généralisée, vers la démocratie libérale ».
Pourtant, un certain nombre de signes annonciateurs d'une profonde incompréhension, à Seattle, avec l'échec de la précédente conférence de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, avec la conférence de Durban, nous ont montré que nos conceptions - une sorte d'unilatéralisme des pays occidentaux - étaient contestées par les pays du Sud, par le reste du monde.
De ce point de vue, les attentats du 11 novembre dernier ont constitué un point de rupture, une prise de conscience du fossé qui nous sépare encore et de l'urgente nécessité qu'il y a à le combler.
La politique étrangère française, qui a toujours promu le multilatéralisme, émis des réserves sur les dangers de l'hyperpuissance et mis l'accent sur les notions de solidarité Nord-Sud, doit ici être saluée. Il nous reste bien évidemment encore du chemin à faire, notamment en matière d'aide au développement, mais je crois que nous sommes sur la bonne voie pour peu que l'effort ne soit pas relâché.
S'agissant de l'Afghanistan, nous avons évidemment un devoir de solidarité envers le peuple américain, et nous participons à la coalition internationale qui a pour objectif de lutter contre le terrorisme. Sur cette question, trois remarques me viennent à l'esprit.
Après l'effondrement bienvenu du régime des talibans, la dimension humanitaire de notre intervention est une urgence absolue. Elle est même l'une des conditions de la solution politique afghane et du retour d'une certaine démocratie, tant il est vrai que, comme le disait Rabindranâth Tagore, « ventre creux n'a pas d'oreille ». Nous restons extrêmement préoccupés par les lenteurs de l'acheminement de l'aide humanitaire et par la sécurité des ONG, les organisations non gouvernementales, qui, sur place, se dévouent pour le peuple afghan. L'un de nos objectifs presque militaire et, en tout cas, politique devrait être la sécurisation de cette aide que l'on ne peut laisser à l'évidence aux mains des factions afghanes.
Ma deuxième remarque a trait à la solution politique en cours de préparation. Pour penser un Afghanistan en paix, le plan politique français offre une base fondamentale de proposition. Je crois que notre pays peut jouer pleinement son rôle pour rassembler les chefsafghans, les différentes ethnies autour d'un objectif commun : la situation puis la reconstruction de ce pays. On ne peut être que préoccupé par les tensions récemment révélées entre les Occidentaux et certains chefs de guerre sur la présence de forces sous l'égide de l'ONU dans ce pays.
Ma troisième remarque tient précisément au rôle de l'ONU. Après les résolutions 1377 et 1378, le danger d'une trop forte américanisation de l'intervention contre le terrorisme est apparu comme évident. Je crois que tout le monde en est conscient, et les Etats-Unis eux-mêmes soutiennent aujourd'hui une solution qui passe par l'ONU. Le droit de légitime défense qui a été unanimement reconnu en application de l'article 51 de la Charte ne doit pas masquer les difficultés qui existent, et notamment le fait que faire la guerre au terrorisme est une notion difficile à cerner en termes de droit international.
Cette remarque me permet d'évoquer devant vous le sort d'un pays auquel je suis particulièrement attaché : il s'agit de l'Irak.
L'un des enseignements du drame de New York et de Washington est que, si nous voulons lutter efficacement contre le terrorisme, nous devons nous attacher à résoudre les conflits qui le justifient, à mettre fin aux souffrances et aux injustices qui peuvent pousser des individus au désespoir et aux extrémismes quels qu'ils soient. Le roi Abdallah de Jordanie l'a vu immédiatement quand il a déclaré que la résolution du conflit israélo-palestinien était l'une des conditions du succès à terme de la lutte contre le terrorisme. Il aurait pu en dire autant, selon moi, de la situation en Irak.
Je suis persuadé que nous avons l'opportunité politique de mettre fin à l'embargo et aux sanctions qui affectent l'Irak ; il faut non plus rechercher une quelconque « intelligence » dans des sanctions devenues absurdes, mais essayer intelligemment de sortir de cette trop longue crise.
Vous savez que nous luttons de toutes nos forces pour une levée de l'embargo, lequel - nous l'avons dit et répété - est moralement inacceptable et économiquement absurde. Le nombre des victimes de ce génocide rampant ne cesse d'augmenter. Les chiffres officiels des agences de l'ONU vont de 1 à 1,5 million de morts supplémentaires en onze ans. C'est toute une génération qui est sacrifiée. Tout cela est inacceptable et révoltant, comme nous avons pu le constater une nouvelle fois en visitant des hôpitaux pédiatriques lors de notre séjour en juin dernier en Irak. Je prépare d'ailleurs un rapport sur cette mission auquel sera annexé celui des médecins qui nous accompagnaient.
Nous avons dénoncé l'absurdité de sanctions globales à la durée illimitée qui ne perdurent, au mépris des règles et de la lettre de la Charte de l'ONU, que pour des raisons politiques propres à certains Etats. Un rapport d'information récent sur le régime des sanctions ne soulignait-il pas qu'elles étaient devenues, au fil des années, l'un des meilleurs instruments du leadership des Etats-Unis ? C'est bien cette volonté unilatérale qui a conduit à refuser de revoir les sanctions après que l'Irak a évacué le Koweit. C'est bien cette volonté qui a mené à la rupture de 1998 alors que l'occasion d'une levée de l'embargo était réelle. L'Irak collaborait avec l'ONU et respectait ses obligations. Que n'a-t-on alors choisi la voie « intelligente » de la levée des sanctions ! Ce sont ces deux occasions manquées qui ont conduit à la reprise des bombardements en 1998, dénoncés par la France, et à la situation de blocage actuelle. Essayons aujourd'hui de ne pas répéter ces erreurs.
Dans le rapport que je citais, il était indiqué ceci : « les exigences récurrentes du Conseil de sécurité reflètent la mauvaise foi de certains de ses membres, l'Irak a été conduit à mener une politique systématique de contournement de l'embargo, les sanctions ont pris une connotation répressive, punitive, qui n'a plus guère de légitimité eu égard aux objectifs du Conseil de sécurité, et ce, quelle que soit l'appréciation que l'on porte sur le régime de Bagdad ». Nous partageons évidemment cette analyse.
Révoltant en termes humanitaires, inacceptable en termes politiques, l'embargo est également une absurdité économique puisqu'il est systématiquement contourné par le gouvernement irakien, par la multiplication des accords de libre-échange, par l'utilisation de l'article 50 de la Charte des Nations unies, mais aussi, hélas ! par la contrebande.
Il me faut souligner que cette dénonciation des effets de l'embargo est également celle de notre diplomatie qui ne cesse d'oeuvrer à « promouvoir une solution durable et globale qui permette de garantir la stabilité et la sécurité régionales ainsi que de réinsérer l'Irak et sa population dans la communauté internationale ».
J'ose espérer que, s'agissant tant du conflit israélo-palestinien que de l'Irak, la crise douloureuse que nous traversons nous conduira à trouver des solutions originales et généreuses sans lesquelles les fondements du terrorisme ne pourront être sapés.
Pour conclure, je voudrais dire quelques mots sur l'Albanie qui me semble également être l'un des Etats clés de la solution des conflits de notre monde.
Je fais naturellement allusion ici à la modération et à l'ouverture de la politique régionale de l'Albanie sans laquelle il n'existe pas de solution pérenne dans les Balkans. Les gouvernements successifs de ce pays ont montré, à travers la crise du Kosovo ou celle de Macédoine, qu'ils avaient choisi la voie de la solidarité inter-albanaise - elle s'est notamment manifestée lors de la guerre du Kosovo par l'accueil de centaines de milliers de réfugiés - tout en se gardant de céder aux mirages d'une grande Albanie dont la revendication aurait mis à feu et à sang toute la région.
Les résultats des récentes élections en Albanie ont permis la reconduction du gouvernement de M. Meta et me semblent être un gage de stabilité et de poursuite des réformes entreprises depuis quelques années avec l'aide de la communauté internationale, et singulièrement de l'Union européenne.
Certes, tous les problèmes ne sont pas réglés, en particulier le boycott du Parlement par l'opposition menée par le parti démocratique de M. Berisha.
Pour autant, les difficultés auxquelles ce pays fait face sont encore immenses. Le chemin de l'intégration européenne, à terme, me paraît la meilleure voie pour aider l'Albanie. Le gouvernement du Premier ministre M. Meta a fait de la négociation d'un accord d'association une priorité de son action. La France doit, à mon avis, soutenir ce projet et le favoriser de toute son influence.
Du point de vue économique, comment ne pas être frappé par l'omniprésence italienne, qui s'est d'ailleurs concrétisée par la visite officielle de M. Meta en Italie, voilà quelques mois, et les conversations qu'il a eues avec le Président du Conseil italien à cette occasion ? Nous devons impérativement encourager et donc garantir les investissements de nos entreprises dans ce pays. Il y a tant à faire dans des domaines où notre pays et nos entreprises excellent. Qu'il me suffise ici de citer les domaines des travaux publics, des infrastructures, du traitement des eaux et des télécommunications.
Pour sa part, le Sénat développe une coopération avec l'assemblée albanaise soit directement, soit par l'intermédiaire de l'Union interparlementaire.
Voilà, mes chers collègues, les quelques mots que je voulais prononcer à l'occasion du vote du budget des affaires étrangères. Derrière ces crédits, il y a des pays amis de la France et des hommes qui attendent de nous aide, assistance et amitié. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le budget consacré à la coopération, budget ô combien important au regard du contexte actuel.
Pourquoi rapprocher la part qui est consacrée chaque année par la France à l'aide internationale des attentats terroristes du 11 septembre ? Parce que les origines de ce terrorisme se situent justement, me semble-t-il, dans une certaine indifférence des pays riches face à l'exclusion croissante des pays pauvres.
L'intégrisme est souvent une réponse à la misère sociale. Nous l'avons constaté voilà quelques années en Algérie où les jeunes chômeurs et les exclus de l'époque ont été embrigadés par le Front islamique du salut dans une lutte armée horrible ; nous le constatons dans certains pays du Moyen-Orient, qui sont plongés dans une guerre infinie, depuis des décennies, sans que l'opinion internationale s'en émeuve à l'excès et sans que les pays riches consacrent une aide significative à leur reconstruction et à l'émergence d'Etats de droit.
Il faut cesser de se voiler la face : une situation dans laquelle les pays les plus pauvres ne disposent que de 1 % de la richesse mondiale ne peut être qu'explosive.
La croissance des inégalités est un facteur de risque pour le monde, et nous le savons tous très bien.
Nous ne pouvons plus dire, aujourd'hui, qu'une famine, une guerre, un régime totalitaire sont des phénomènes locaux sans implication pour le reste de la planète. L'interdépendance du monde est un fait, et il nous appartient de le prendre en considération.
C'est, à mon sens, par une réelle volonté politique qui tendrait vers une réduction des inégalités que nous parviendront à promouvoir les valeurs communes de l'humanité. C'est là tout l'enjeu de l'aide au développement, et cela nous concerne au premier chef par le vote de ce budget, aujourd'hui.
Ce budget est vraiment un budget minimum, comme l'ont souligné nos excellents rapporteurs, dont je salue ici le grand travail. En effet, s'il est certes en légère augmentation - il faut le reconnaître -, il est encore loin du seuil nécessaire pour faire face aux enjeux internationaux.
Je déplore dans ce budget la diminution de plus de 12 % des autorisations de programme dévolues à l'Agence française du développement. Cette diminution réduit d'autant plus la place de notre pays à l'étranger, ce qui est contraire tant à nos intérêts qu'à notre vocation, particulièrement en Afrique. Les crédits destinés à l'aide humanitaire sont stables, ce qui me paraît dommageable : la situation internationale - et pas seulement celle qui règne en Afghanistan - nécessiterait des engagements plus forts de la France.
Je dénonce aussi la réduction des moyens de la coopération technique. Cette réduction va encore appauvrir le potentiel humain que nous envoyons dans les pays en développement, comme cela est du reste dénoncé dans les excellents rapports de nos collègues, et tout spécialement dans ceux de Paulette Brisepierre et de Michel Charasse.
Tout cela explique qu'à l'extérieur on ait un peu le sentiment que la France s'oriente vers un repli sur soi et manifeste une espèce d'indifférence vis-à-vis des pays en difficulté. Cette attitude française constitue, selon moi, une erreur très grave qui ne saurait se résoudre qu'en abondant considérablement ce budget.
Il était légitime d'espérer que les récents événements serviraient de leçon aux gouvernants des pays riches, en les incitant à moins d'égoïsme et à davantage de solidarité.
Je constate avec beaucoup de regret que les chiffres de l'aide publique de la France sont en contradiction avec notre volonté affichée de nous poser en champion de l'aide au développement.
Monsieur le ministre, je connais votre position, et je sais pertinemment que vous souhaiteriez, comme chacun de nous dans cet hémicycle, nous présenter un budget un peu plus lourd. Il est vrai qu'il y a une vingtaine d'années - cela a été rappelé tout à l'heure - les pays du nord s'étaient engagés à consacrer, à terme, 0,7 % de leur PIB au développement des pays du sud. Voeu pieu puisque, aujourd'hui, seuls cinq pays ont tenu ces engagements : le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède. Quant à l'Autriche et à l'Irlande, elles devraient y parvenir prochainement.
La France fait partie des pays qui ont beaucoup diminué leur aide publique au développement : elle atteignait 0,32 % de son PIB en 2000 et l'on espère arriver à 0,34 % en 2002, mais je me permets de rappeler que, voilà dix ans - si ma mémoire est bonne -, nous étions à 0,63 %. Ainsi, en dix ans, l'aide publique au développement a été divisée par deux. C'est inadmissible !
Parallèlement, nos contributions aux agences de développement de l'ONU se réduisent. Par exemple, la contribution au Programme des Nations unies pour le développement, le PNUD - et on sait que cet organisme fait un bon travail -, est trois fois plus faible en 2000 qu'elle ne l'était en 1993.
Phénomène inquiétant également : la part des investissements français en Afrique n'a cessé de diminuer. L'avenir de l'Afrique passe pourtant par sa réinsertion dans l'économie mondiale. Elle en est aujourd'hui complètement écartée. Il faut l'aider, ce qui implique une coopération industrielle importante et une aide à la formation de ses cadres économiques et commerciaux.
Bien plus important encore, la situation sanitaire de certains pays s'est considérablement dégradée : de grandes épidémies sont réapparues, l'espérance de vie se réduit, le taux de mortalité infantile est toujours très élevé.
Les politiques de base sont bien souvent, hélas !, remises en question puisque d'autres impératifs macro-économiques s'imposent aux pays, au détriment de l'enseignement, de l'urbanisme, de la lutte contre la criminalité et la corruption, de la lutte contre le sida, qui touche, en Afrique sub-saharienne, 28 millions de personnes.
Mes chers collègues, en Afrique sub-saharienne, 28 millions de personnes sont séropositives !
Sans vouloir me montrer trop naïf, je pense que l'aide au développement pourrait être un instrument efficace de réduction des inégalités, ce qui, à terme, favoriserait le développement du Sud.
Autre preuve de désengagement de notre pays en Afrique - Mme Pourtaud en a parlé tout à l'heure -, le problème des échanges universitaires : la France permet beaucoup moins aux Africains de venir étudier dans nos universités. Les visas leur sont distribués au compte-goutte par nos consulats. Monsieur le ministre, qui donne les ordres aux consulats, si ce n'est le ministère des affaires étrangères ? Dès lors, les Africains privilégient aujourd'hui les Etats-Unis, le Canada, l'Allemagne, la Belgique. C'est autant de perte d'influence de la France en Afrique.
Enfin, monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, j'estime que les événements du 11 septembre dernier auront au moins, d'une certaine façon, contribué à rappeler l'ampleur de la fracture qui s'élargit chaque jour entre pays riches et pays pauvres. Les quatre cinquièmes de la population du monde vivent aujourd'hui dans les pays en voie de développement et un cinquième vit dans une situation d'extrême pauvreté, soit 1,3 milliard de personnes.
Cette situation est évidemment porteuse de risques majeurs.
Une mobilisation renforcée de la communauté internationale en faveur de l'aide au développement est évidemment indispensable et urgente si l'on veut éviter que la mondialisation ne se traduise par la marginalisation accrue d'une population qui tend à dominer la planète par son nombre, avec les risques importants qui en découlent.
Monsieur le ministre, je souhaite avec beaucoup de force que la France prenne la tête de cette croisade. C'est dans sa vocation ; c'est dans sa tradition. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur quelques travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Monsieur le ministre, la commission des finances, vous le savez, a rejeté votre projet de budget pour 2002 ; la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis défavorable. Malgré quelques hésitations qui s'expliquent peut-être par le fait que ce sera, je pense, la première fois au cours de la Ve République que le budget des affaires étrangères reçoit un vote de rejet, je rejoindrai le point de vue de ces deux commissions en ne votant pas le budget des affaires étrangères pour 2002.
Tout a été dit ou presque par mes collègues, par les rapporteurs bien sûr, mais aussi par le président de la commission, Xavier de Villepin. J'ajouterai toutefois à leurs propos une petite remarque sur l'inquiétude que peut susciter la région des Grands Lacs. Après l'Afghanistan et le Proche-Orient, je crois que c'est une région qui risque de devenir explosive dans un avenir proche. Vous avez vous-même manifesté une préoccupation à cet égard puisque vous vous êtes rendu dans cette région au mois d'août.
Toutefois, en tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, j'interviendrai plus particulièrement dans ce débat sur quelques points qui préoccupent, à juste titre, nos ressortissants à l'étranger.
J'aborderai, en premier lieu, la modification de la carte diplomatique et consulaire, qui, on le sait, malgré les efforts, se traduit inexorablement par un déficit des structures d'accueil.
Par ailleurs, les restrictions budgétaires rendent les conditions de séjour de nos compatriotes difficiles, voire dangereuses, comme c'est le cas au consultat général de France à Abidjan, où les dysfonctionnements dénoncés maintes fois compromettent la sécurité tant des personnels du poste que des visiteurs.
S'agissant des visas, sujet délicat et douloureux, à qui le ministère doit d'être cité de temps en temps dans la presse, il existe toujours, dans certains postes sensibles, des pressions, voire des risques de corruption.
Pour limiter sensiblement les risques, il faudrait - vous en conviendrez - faire tourner plus souvent le personnel dans les postes, mais pour cela aussi, l'argent manque.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Robert Del Picchia. En ce qui concerne la réforme de l'agence pour l'enseignement du français à l'étranger, l'AEFE, je ne vais pas rappeler les ratés et le retard de la mise en oeuvre de la réforme du statut des personnels enseignants, qui ont provoqué de nombreuses grèves dans les lycées français à travers le monde. Mais je me dois de rappeler à nos collègues de métropole qu'à l'étranger l'école publique française est privée, payante et chère, et que seul un enfant français sur trois peut fréquenter une école française. Certains n'y vont pas en raison du choix des parents, certes, mais d'autres, très nombreux, parce que leurs parents ne peuvent pas faire face aux frais d'écolage des établissements du réseau AEFE, pour eux exorbitants.
On attend toujours le résultat des négociations entre le ministère des affaires étrangères et celui de l'éducation nationale sur la possibilité de partage de la charge financière de l'AEFE.
En attendant ce que l'on ne voit point venir, nous proposons une mesure qui serait dérisoire pour le budget de l'éducation, lequel - faut-il le rappeler ? - est de 403 milliards de francs, dix-sept fois supérieur au vôtre, monsieur le ministre.
Il s'agissait, non pas de faire financer par l'éducation nationale le fonctionnement du réseau des écoles françaises à l'étranger, car ces écoles s'adressent aussi aux nationaux des pays d'accueil et à ceux que l'on appelle les étrangers tiers, leur financement relève donc du domaine des affaires étrangères,...
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Robert Del Picchia. ... mais de prendre en charge les enfants boursiers qui ne peuvent pas payer la scolarité et qui seraient aidés s'ils étaient en France.
Il s'agirait donc d'alléger le budget des affaires étrangères en faisant financer les bourses scolaires des enfants français nécessiteux par le ministère de l'éducation nationale.
Cela représenterait un pourcentage ridicule du budget de votre collègue Jack Lang, puisqu'il serait inférieur à 0,1 %, très précisément de 0,06 %.
Que l'on ne me dise pas qu'il n'y a pas de ligne budgétaire au ministère de l'éducation nationale pour ce faire ! Il y a, en tout cas, des reliquats qui dépassent largement ce pourcentage.
Certes, les bourses scolaires ont augmenté, monsieur le ministre, et l'on vous en remercie, mais on ne peut triompher car elles correspondent à peine aux augmentations des frais de scolarité. Nous en sommes donc au même point.
Le réseau des Alliances françaises voit aussi diminuer légèrement ses subventions d'investissement destinées au financement de ses opérations de rénovation alors que l'on sait que des travaux s'imposent dans bien des cas. Je ne citerai que l'exemple du siège de l'Alliance française de Tamatave, à Madagascar, bâtiment centenaire, splendeur du passé, qui se trouve dans un état de délabrement avancé alors qu'il a été mis gratuitement à la disposition de la France par une famille du pays en échange de son entretien.
En matière d'audiovisuel extérieur, tout a été dit, ou presque, sur RFI, TV5, CFI, instruments essentiels de diffusion de la présence et de la culture française.
En dehors des félicitations que je veux adresser à ses dirigeants, je rappellerai que le Japon n'est plus couvert par TV5 depuis un an et que l'on attend toujours une solution qui ne peut venir que d'une coopération avec des entreprises françaises et - pourquoi pas ? - par le biais d'un partage d'antenne avec d'autres chaînes.
Les crédits affectés à la sécurité des Français expatriés stagnent à 5,1 millions de francs.
Je voudrais attirer plus particulièrement l'attention sur la situation des Français du Zimbabwe, peu nombreux, certes, mais victimes depuis près de deux ans de tracasseries administratives, de menaces, d'intimidations, voire d'actes de violence contre eux-mêmes. La nouvelle législation oblige tout citoyen du Zimbabwe détenteur d'une double nationalité à renoncer à l'une d'elle d'ici au 31 décembre. Nos ressortissants craignent que le renoncement à la nationalité zimbabwéenne ne les expose à l'expropriation. Quant à renoncer à leur nationalité française sous la pression et la menace, par acte signé devant l'ambassadeur, outre le choc psychologique que ce serait pour eux, cela leur ferait perdre tout espoir d'être protégés par l'ambassade.
Abordons un autre domaine.
Depuis des années, les autorités françaises sont alertées sur les difficultés que rencontrent nos compatriotes à propos des retraites non payées à l'étranger. Nous sommes intervenus à plusieurs reprises sur ce sujet, monsieur le ministre, mais la situation n'a pas évolué.
Evoquons le cas des Français qui ont travaillé à Djibouti et cotisé à la caisse des prestations sociales, devenue en 1997 l'organisme de protection sociale, OPS, de la République de Djibouti. Alors que la France a une politique de coopération financière et technique avec Djibouti et l'OPS en particulier, cet organisme ne remplit pas ses engagements envers nos ressortissants. La solution qui pourrait s'appliquer, ainsi qu'aux autres pays concernés, paraît simple : faire pression, mais elle se fait attendre depuis vingt ans.
Je terminerai par les crédit du Conseil supérieur des Français de l'étranger le CSFE, qui stagnent à moins de 10 millions de francs.
Au nom des délégués au CSFE toutefois, je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir voulu entreprendre la réforme de cette assemblée en créant la commission de la réforme.
Malgré des réticences au sein même de votre ministère - les fonctionnaires semblent avoir peur de perdre un peu de leur pouvoir au profit des élus au suffrage universel - vous avez déjà accepté quelques principes de cette réforme, dont nous avons, avec M. Penne, présenté le rapport intérimaire au mois de septembre dernier. Il serait bon, monsieur le ministre, de mettre en oeuvre ces mesures en publiant rapidement les textes nécessaires. Il est essentiel et urgent de donner aux élus des Français de l'étranger un statut et des pouvoirs en concordance avec leur mission et leur action réelle sur le terrain et de pourvoir le conseil des moyens indispensables pour lui permettre de bien fonctionner. Il y va de la crédibilité de la représentation des Français à l'étranger et donc de la participation des électeurs. Notre assemblée y est sensible puisque douze de ses membres sont issus des suffrages de ces grands électeurs, élus eux-mêmes au suffrage universel, sur le terrain.
Enfin, je souhaiterais obtenir, si possible, des explications sur ce qui m'apparaît comme une « mesquinerie budgétaire ».
Pourquoi une subvention du ministère des affaires étrangères à une société d'assistance à des Français dans le besoin extrême et en grande difficulté est-elle diminuée de moitié lorsqu'une aide complémentaire est apportée à cette même société d'assistance au titre de la réserve parlementaire du Sénat, au motif qu'il s'agit toujours d'argent public ? Précisons que la subvention demandée était seulement de 50 000 francs.
Monsieur le ministre, chacun sait que l'aide du Sénat n'est attribuée que sur la base de devis d'engagement de dépense pour une réalisation concrète. Quant à la subvention du ministère des affaires étrangères, elle est destinée à aider au fonctionnement de ces sociétés d'assistance. Ce sont deux choses différentes !
Cela signifie-t-il que le Sénat devrait réfléchir au bien-fondé de son aide ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. Il faut contrôler l'utilisation des fonds !
M. Robert Del Picchia. Mais on sait bien que les besoins sont importants et qu'il faut absolument continuer à aider les Français nécessiteux. Dès lors, tous les financements sont les bienvenus, qu'il s'agisse de la subvention du ministère des affaires étrangères ou de l'aide complémentaire apportée par le Sénat.
Tous ces éléments m'amènent à conclure que ce projet de budget, dont on vous impose les limites, monsieur le ministre, conduit non seulement à une politique d'économies et de meilleure utilisation des crédits - ce à quoi il n'y aurait rien à redire - mais aussi à une politique de restriction.
Il est clair que le budget des affaires étrangères n'est pas une priorité du Gouvernement. Celui qui nous est soumis aujourd'hui ne répond ni aux attentes légitimes de nos concitoyens ni aux exigences de la présence et de l'influence françaises à travers le monde, au moment où, face à la mondialisation, notre pays doit se donner les moyens de tenir sa place, ainsi que la dernière crise vient brutalement de nous le rappeler.
C'est pourquoi, malgré toute la considération que je porte à votre action de politique extérieure, monsieur le ministre, j'aurai le regret de voter contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je souhaite vous entretenir, monsieur le ministre, de l'action sociale de votre ministère.
Je me suis toujours attaché à ce que nos compatriotes résidant à l'étranger ait un jour une couverture sociale comparable à celle de nos compatriotes de métropole. Le fonds d'assistance de votre ministère créé en 1977 va donc être l'objet de mon intervention.
Je constate que les crédits sociaux ne progressent pour 2002 que de 4 millions de francs, alors que la progression était pour 2001 de 5,4 millions de francs. L'évolution de ces crédits marque donc le pas.
Lors de la dernière réunion de la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger, où je représente le Sénat, nous avons été dans l'obligation de réduire le niveau des demandes émises par nos postes diplomatiques. Vous conviendrez avec moi, monsieur le ministre, que cela n'est pas satisfaisant. Le fonds d'action sociale de votre ministère doit augmenter en francs constants et seule cette augmentation régulière permettra de faire face aux demandes nouvelles que vos postes nous communiqueront.
Certes, nous avons pu - et j'ai oeuvré en ce sens - augmenter les allocations destinées aux enfants handicapés, mais ceux qui souffrent d'un handicap lourd sont encore défavorisés par rapport aux handicapés mineurs de métropole.
Au sein du chapitre 46-94, relatif à l'assistance aux Français de l'étranger, deux lignes budgétaires méritent notre attention.
La première est consituée par la « contribution à la couverture santé des personnes à faible revenu dans le cadre de la caisse des Français de l'étranger ». D'un montant de 1 million de francs, conformément à ce que prévoit l'article 8 du projet de loi de modernisation sociale, cette ligne apporte un début de réponse à l'une de mes demandes récurrentes concernant la couverture maladie de allocataires du fonds d'assistance : la prise en charge d'une partie de leur cotisation maladie à la caisse des Français de l'étranger. Cet article 8, amendé, a été voté conforme par l'Assemblée nationale et le Sénat. Nous n'attendons plus maintenant que l'adoption définitive de la loi, sa promulgation et la parution des décrets d'application, qui, je l'espère interviendront dès le début de l'année 2002, afin que cette mesure, dont je ne peux que me réjouir, soit rapidement mise en oeuvre.
Ce progrès ne doit pas nous cacher que seul un nombre limité de nos compatriotes pourra bénéficier des nouvelles dispositions : 20 000 Français expatriés, dit-on, dont la moitié seraient déjà adhérents de la caisse.
Il ne faudrait pas que, une fois ces mesures devenues définitives, la publicité qui leur sera donnée fasse naître de faux espoirs parmi certains de nos compatriotes, et nous pensons particulièrement à ceux qui disposent de très faibles ressources à Madagascar, à Pondichéry ou en d'autres lieux.
Nous devons donc poursuivre nos réflexions concernant les allocataires du fonds d'assistance de votre ministère, qui, rappelons-le, ne disposent ni des minima sociaux ni de la couverture maladie universelle qui leur est attachée.
Vous le voyez, monsieur le ministre, ma demande d'augmentation des crédits de votre ministère est fondée : ne l'oublions pas, c'est vous qui êtes l'interlocuteur de nos compatriotes les plus défavorisés, vous qui, pour eux, représentez la France.
L'autre point que je souhaite évoquer a trait aux crédits de l'emploi et de la formation professionnelle des Français de l'étranger. En deux ans, ces crédits ont connu une augmentation importante puisque ceux que vous nous soumettez pour 2002 ont été multipliés par deux par rapport à l'année 2000.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. C'est un transfert de crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité. Il n'y a pas un sou de plus !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Le représentant du Sénat à la commission permanente pour l'emploi et la formation professionnelle que je suis ne peut que s'en réjouir, car il s'agit d'un aspect de notre expatriation que nous devons développer afin de permettre à nos compatriotes soit d'avoir les meilleures chances de trouver ou de retrouver un emploi à l'étranger, soit de revenir en France dans de bonnes conditions. Je ne peux donc que vous encourager à poursuivre dans cette direction.
Je voudrais également évoquer les sociétés françaises de bienfaisance qui reçoivent des subventions de votre ministère. Ces subventions leur permettent d'apporter une aide matérielle aux Français expatriés les plus défavorisés : achat de matériel pour handicapé, achat de vêtements, prise en charge de soins, frais annexes de scolarité, etc.
Toutefois, de plus en plus souvent ces sociétés elles suppléent à l'incapacité de nos postes à faire face à l'ensemble des demandes. Amenées à intervenir fréquemment, elles sont amenées à apporter un complément indispensable aux aides consulaires, ce qui nécessite un subventionnement plus important.
En ce qui me concerne, j'ai contribué à ce subventionnement des sociétés de bienfaisance pour l'année 2001 en faisant adopter un certain nombre d'aides au titre de la réserve parlementaire du Sénat, que vient d'évoquer M. Del Picchia. Vous me permettrez, monsieur le ministre, d'aborder plus particulièrement ce sujet.
L'Assemblée nationale comme le Sénat disposent traditionnellement d'une réserve parlementaire. Vous le savez aussi bien que moi, cette réserve est une infime partie du budget de la France, et elle permet au président de la commission des finances et à son rapporteur général, sur demande des parlementaires, d'apporter un coup de pouce à une cause qui leur semble juste et qui a échappé aux budgets des grands ministères. Je serais tenté de comparer cela à ce qui existe dans tous les organismes sociaux, avec les fonds d'assistance qui aident nos compatriotes dont la requête paraît justifiée.
J'ai eu l'occasion, monsieur le ministre, avec l'aide d'Alain Lambert, président de la commission des finances, et de Philippe Marini, rapporteur général, d'apporter ainsi un soutien au fonds d'action sociale de votre ministère qui avait été insuffisamment doté, à la suite, j'imagine, d'arbitrages qui ne lui avaient pas été favorables.
J'ai souhaité, au titre du budget pour 2001, répondre à un certain nombre de demandes de sociétés de bienfaisance, de sociétés d'entraide, d'associations caritatives, pour nos compatriotes expatriés et répartir ainsi un budget d'un million de francs.
Je dois vous avouer mon étonnement quant au contrôle a priori fait par tel contrôleur financier de votre ministère ou par tel consul général de pays destinataire de cette aide, qui entendaient émettre un avis sur le bien-fondé de la dévolution de ces fonds.
Je vous le dis avec une certaine solennité, il s'agit d'un empiétement du Gouvernement et du ministère que vous dirigez sur le pouvoir de décision du Parlement quant à cette très modeste dotation.
Il y a là une atteinte au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs que je ne peux accepter.
Que votre ministère m'informe que, au vu des renseignements qui lui ont été communiqués, telle affectation pourrait éventuellement être soumise à controverse, cela me paraîtrait tout à fait normal dans le cadre des relations entre votre cabinet, la direction des Français de l'étranger et un sénateur représentant les Français établis hors de France. Mais que tel consul à Tananarive, par exemple, tel contrôleur d'Etat ou tel contrôleur financier de votre ministère se permette, sans concertation préalable, de bloquer l'affectation de la dotation parlementaire me paraît choquant et contraire, j'y insiste, à la séparation des pouvoirs.
Il vous appartient, monsieur le ministre, de rappeler à vos services que la dotation parlementaire échappe au budget de votre ministère, que ce dernier n'a aucun contrôle sur le choix, le montant et l'affectation des fonds en question, ce qui n'empêche pas, encore une fois, un échange d'informations qui sera toujours le bienvenu dans les rapports étroits qui existent entre les sénateurs des Français de l'étranger et votre ministère.
Pour conclure, monsieur le ministre, sachez que je demeurerai vigilant sur l'évolution des crédits sociaux de votre ministère, car les 1 900 000 Français qui vivent à l'étranger méritent toute notre attention, toute notre considération, et nous avons vis-à-vis d'eux le même devoir de solidarité et de soutien qu'à l'égard de l'ensemble des Français. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les relations internationales ont, depuis les terribles événements de septembre 2001, connu certaines modifications qui peuvent préfigurer une nouvelle donne mondiale.
Après le moment de stupeur et la condamnation quasi unanime de ces actes barbares, on a pu craindre, pendant un temps, une immédiate et foudroyante riposte militaire des Américains contre l'Afghanistan, dont le gouvernement protégeait les commanditaires des attentats. Ce scénario gravissime a pu être évité.
L'explication réside en grande partie dans l'immense activité diplomatique déployée. Durant plusieurs jours, de nombreuses rencontres bilatérales et multilatérales ont permis, d'une part, de mieux appréhender la complexité de la situation et, d'autre part, de s'accorder sur le très large éventail des moyens complémentaires des moyens militaires à mettre en place.
C'est en effet grâce à des interventions politiques, diplomatiques, financières, policières, judiciaires, économiques et humanitaires coordonnées que l'on pourra vraiment éradiquer le terrorisme.
Cela ne peut pas être le fait d'un seul pays, si puissant soit-il, et nécessite une large coordination de tous les efforts ainsi qu'une coalition aussi large que possible. De ce point de vue, nous apprécions le renforcement du rôle de l'ONU. C'est l'une des conséquences positives des événements et nous souhaitons que cette orientation soit confortée.
La diplomatie française, loin de certaines agitations médiatiques, a été particulièrement active durant cette période. Chacun s'accorde à reconnaître l'intensité et la qualité du travail effectué par le ministre des affaires étrangères de notre pays.
Monsieur le ministre, votre connaissance des dossiers, les liens nombreux et étroits que vous entretenez dans le monde s'appuient sur un réseau diplomatique dense et compétent. Nous voulons le préserver et le renforcer. C'est un enjeu décisif pour que la France continue de jouer un rôle international actif dans la défense des droits de l'homme, la promotion des processus démocratiques, le respect de la justice, le renforcement d'un droit international et aussi pour un développement équilibré et durable permettant de lutter contre les inégalités, facteurs de pauvreté et de misère. Pour être à la hauteur de tous ces défis, le budget des affaires étrangères doit encore progresser. Des efforts sont accomplis depuis quelques années, mais il serait nécessaire de les accentuer encore.
Dans ce contexte, nous regrettons que les crédits affectés au ministère des affaires étrangères ne représentent que 1,37 % du budget de l'Etat. Nous sommes loin du seuil de 1,5 % du budget global qui permettrait à notre pays d'être à la hauteur de ses ambitions internationales.
Les contributions volontaires, affectées essentiellement aux programmes et aux fonds des Nations Unies, progressent pour la troisième année consécutive, alors qu'elles avaient chuté de plus de 67 % entre 1990 et 1998. Néanmoins, dans ce domaine déterminant pour la lutte contre les inégalités, une trop faible augmentation - de 1,26 % - ne situe la France qu'au douzième rang mondial. Notre contribution au programme des Nations Unies pour le développpement, par exemple, ne représente plus que le tiers de ce qu'elle était en 1993. Si nous voulons véritablement combattre la pauvreté, il nous faut soutenir ces programmes de manière significative en leur donnant beaucoup plus de moyens.
L'aide publique au développement représente 0,34 % du PIB. Cette année encore, nous sommes très loin de l'objectif de 0,7 % du PIB que la France a souscrit à l'ONU. Là aussi, nous devons dégager davantage de crédits en veillant à ce que cette aide soit mieux utilisée et profite réellement aux populations dans les domaines de l'éducation, de la santé, du logement, de l'agroalimentaire et des services publics.
Depuis longtemps, nous déplorons le profond déséquilibre Nord-Sud. L'an dernier encore, lors de l'examen de ce budget, nous insistions sur son aggravation et sur les risques de fracture qu'il représentait. Seattle a été révélateur de ces profondes inégalités et la conférence de Durban en a confirmé la profondeur.
Pour éradiquer le terrorisme, il faut nécessairement agir sur ses causes et le terreau qui l'alimente. Lutter contre la pauvreté suppose la volonté d'établir un nouvel ordre international qui puisse assurer une plus juste répartition des richesses. Trop d'êtres humains souffrent de la faim, de la maladie et subissent les violences et les guerres.
Mais certains efforts sont remarquables. En matière d'allégement de la dette des pays pauvres très endettés, l'effort de la France est à souligner. De même, dans la lutte contre le sida, notre pays est au premier rang de l'aide internationale.
Saluons également l'effort budgétaire en direction des crédits de coopération culturelle sur lesquels mon amie Hélène Luc interviendra tout à l'heure. Les nouvelles mesures annoncées, d'un montant de 14,7 millions d'euros, seront affectées à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, aux établissements culturels et de recherche à l'étranger, aux bourses pour les étudiants étrangers, à la diffusion de la pensée française et à l'audiovisuel extérieur.
J'évoquerai brièvement les principaux points de conflits dans le monde.
Concernant l'Afghanistan, nous devons rester très vigilants et attentifs au seul but que s'est fixé la coalition : l'éradication du terrorisme, de ses réseaux et de ses moyens financiers sur tous les continents, y compris européen. Sur ce point, l'annonce du Président George W. Bush au peuple américain peut susciter certaines inquiétudes quant aux menaces qu'elle fait peser sur d'autres pays. Il y a là un risque d'extension lourd de conséquences qu'il nous faudrait éviter.
La conférence qui se tient à Bonn, sous l'égide des Nations unies, est un moment important dans la recherche d'un dénouement. La seule solution est en effet politique, avec la constitution d'un gouvernement afghan accepté par toutes les composantes.
Nous souhaitons également un effort exceptionnel pour apporter l'aide aux populations civiles victimes depuis trop longtemps de conditions de vie déplorables. Nous espérons qu'une solution sera bientôt trouvée avec l'Ouzbékistan afin que le ravitaillement puisse être acheminé le plus rapidement possible là où les besoins se font le plus sentir.
Enfin, quels que soient les ressentiments légitimes contre les responsables d'Al-Qaida, nous ne pouvons cautionner l'existence ou la création de tribunaux militaires d'exception. Les faits reprochés sont suffisamment graves pour être jugés par des tribunaux compétents.
Pour l'Afrique, nous savons que ce continent connaît une situation très difficile où la malnutrition sévit régulièrement et massivement. La progression du sida y est un véritable fléau, puisqu'il touche deux malades sur trois dans le monde. Il y a là un problème de santé publique grave, tout comme est grave la très faible scolarisation des enfants africains.
Compte tenu de notre histoire commune, notre pays devrait s'investir davantage et insister sur le renforcement des actions de l'Union européenne.
Enfin, comment ne pas évoquer une nouvelle fois le drame du Moyen-Orient ? Il existe un énorme paradoxe entre la clarté des solutions - application des résolutions de l'ONU, reconnaissance d'un Etat palestinien avec comme capitale Jérusalem-Est, tout comme est reconnu l'Etat d'Israël avec comme capitale Jérusalem-Ouest - et la difficulté de les faire appliquer.
Chaque jour, la liste des morts s'allonge. Ne peut-on pas arrêter ce macabre enchaînement ? Il est grand temps de prendre des mesures visant à faire respecter les conventions de Genève et à protéger les populations civiles. Le 4 décembre prochain aura lieu à Genève une réunion portant sur ce sujet. Quelles seront les propositions de notre pays ? Le rôle actif de celui-là est reconnu, mais nous devons persévérer pour contribuer à mettre rapidement fin à ce conflit.
Compte tenu de tous ces éléments et de l'importance de notre influence internationale, le groupe communiste républicain et citoyen votera votre budget en renouvelant toutefois son désir de le voir progresser. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, évidemment, je voterai le budget que vous présentez à l'approbation du Sénat, non que ce budget apporte de grandes satisfactions aux parlementaires qui sont attentifs au fonctionnement de votre ministère. Vos services continuent à souffrir d'une pénurie d'agents et de crédits préjudiciable à l'accomplissement de leur mission.
Toutefois, nous constatons que vous avez su donner un coup d'arrêt à la dégradation des années 1993-1997. La saignée infligée à ce ministère par le plan Juppé a pris fin. C'est positif, et cela doit être salué.
Cela dit, je reprendrai les quelques points qui nous préoccupent tous. Nous nous inquiétons de la poursuite de la coopération française au développement. Je ne reviendrai pas sur les excellents propos de MM. Jacques Pelletier et Michel Charasse, il y a réellement une très grande inquiétude parmi nous.
La baisse générale de l'aide publique française au développement n'est pas acceptable, elle n'est pas conforme à la tradition de notre pays. Notre aide bilatérale au développement devrait être coordonnée à l'aide européenne, mais ne pas lui être sacrifiée par un trop grand transfert budgétaire.
Par ailleurs, je m'élève contre la mise à l'écart, sous prétexte de limitation du temps de séjour, des assistants techniques, qui nous manqueront cruellement dans quelques années quand nous aurons redécouvert les mérites de l'aide-projet bilatérale.
Je crois qu'il faut très vite mettre fin à une mode actuelle néfaste pour revenir à la coopération bilatérale, à l'aide-projet au développement.
MM. Yves Dauge et Jacques Pelletier. Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Enfin, monsieur le ministre, le Parlement est unanime pour défendre les crédits d'APD. A cette fin, nous ne manquerons pas de nous saisir du nouveau pouvoir que nous confère la loi organique du 1er août 2001. Malheureusement, celle-ci n'entrera en application, réellement et complètement qu'en 2006.
En attendant, les crédits de l'aide publique au développement ne pourraient-ils, par anticipation et à titre d'exemple, être présentés, dès le projet de loi de finances 2003, comme « missions » et « programmes », tels qu'ils sont définis par la réforme de l'ordonnance de 1959 ?
Je voudrais maintenant vous parler des consulats. Je suis lasse d'entendre poser avec insistance la question : la France entretient-elle trop de services consulaires au bénéfice des Français expatriés temporaires et émigrés ?
Dans cette interrogation, je regrette d'avoir à déceler une méconnaissance de ce qui fait l'essence de la conception de la nation française et une véritable incapacité à situer l'émigration dans la nation.
Oui, la France rend plus de services à ses expatriés et émigrés que son voisin d'outre-Rhin.
Mais 250 ans après l'installation de ses ancêtres au bord de la Volga, un Russe d'origine allemande dont la famille et lui-même ont perdu toute relation avec l'Allemagne redevient allemand du jour au lendemain pour peu qu'il en fasse la demande. Le droit du sang suffit à maintenir le lien entre l'émigré et la patrie.
Il n'en est absolument pas de même pour les Français. Reste Français à l'étranger celui qui en garde la possession d'état, c'est-à-dire celui qui est immatriculé au consulat, qui y enregistre les événements d'état civil de sa famille, qui participe à la vie de la communauté française, qui vote... Après cinquante ans de perte de cette possession d'état, le Français cesse de l'être en vertu de l'article 23-6 du code civil.
Si nous ne voulons plus de consulats, il faut donc changer le code civil !
Etre Français à l'étranger, et le rester lorsqu'on émigre - pas lorsqu'on s'expatrie -, c'est vouloir faire partie de la nation au sens du « plébiscite de tous les jours » de Renan. C'est le manifester par sa vie administrative, civique, culturelle. Voilà pourquoi il est si important que la continuité du service public soit assurée par les consulats.
M. Aymeri de Montesquiou. Pas dans l'Union européenne ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Dans l'Union européenne, c'est un autre problème. Faire des économies aujourd'hui en pensant à une harmonisation qui aura lieu dans trente ans est un mauvais calcul !
Aujourd'hui, en pratique, après la saignée du plan Juppé, la majorité des consulats ne peuvent malheureusement plus remplir correctement leurs fonctions.
En Afrique, la moitié de l'effectif et les trois quarts de l'énergie et du temps des consuls sont absorbés par les services des visas.
Ainsi, à Bamako, les immatriculés sont passés, au cours des cinq dernières années, de 3 200 à près de 5 000, les visas délivrés de 7 200 à près de 20 000. Tous les indices d'activité du consulat ont explosé et il y a moins de personnel qu'au début des années quatre-vingt-dix.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. C'est vrai !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Dans les pays développés où s'installent la majorité des Français, ni le nombre d'agents ni les équipements ne permettent de faire face à l'afflux du public. Le consulat de France à New York a fait face à la catastrophe du 11 septembre grâce au dévouement de tous, agents et volontaires, que je tiens à saluer ici. Mais avec quels moyens ? Un standard téléphonique désuet et seulement quelques ordinateurs reliés à Internet.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Ils ont bien travaillé, c'est vrai !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Quelles mesures envisagez-vous de prendre, monsieur le ministre, pour que soient rendus aux consulats les moyens de fonctionner normalement ?
Quelles mesures pourriez-vous prendre pour éviter que trop de Français, inscrits sur les listes électorales des centres de vote à l'étranger, ne soient contraints à l'abstention lors de la prochaine élection présidentielle ? A cette fin, des centres de vote pourraient-ils enfin être ouverts dans les villes privées de consulats ?
Monsieur le ministre, je constate avec tristesse et déception que pas une mesure nouvelle, pas une création de postes de travailleur social ne permettra de mettre en oeuvre mes propositions de lutte contre l'exclusion sociale dans les communautés françaises à l'étranger. Le stade expérimental, je le crains, est destiné à durer.
Mais je me réjouis de voir inscrite au chapitre 46-94 la nouvelle ligne 16 « Contribution à la couverture santé des personnes à faible revenu dans le cadre de la Caisse des Français à l'étranger. » C'est une revendication ancienne de la gauche française à l'étranger. C'est la gauche qui l'a satisfaite.
Monsieur le ministre, j'en remercie le Gouvernement mais il ne faut pas qu'au retard législatif s'ajoutent des retards administratifs.
Enfin, monsieur le ministre, de premières mesures ont été prises pour améliorer la situation pécuniaire des recrutés locaux et nous en prenons acte. Mais le Parlement attend toujours le rapport prévu par la loi d'avril 2000, qui aurait dû nous être remis en avril dernier. Quand l'aurons-nous ?
Nous souhaitons que ce rapport serve de base à une revalorisation statutaire et financière de ces milliers d'agents sans le travail et le dévouement desquels plus aucun service de l'Etat français ne fonctionnerait aujourd'hui à l'étranger.
Enfin, je dirai que la vraie raison pour laquelle je voterai ce budget, en dépit de toutes les réserves que je viens d'exprimer, c'est que vous menez, monsieur le ministre, une action diplomatique qui sert brillamment les intérêts de notre pays, qui lui fait honneur et que je souhaite ainsi vous apporter mon soutien. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à structures constantes, les crédits consacrés cette année au budget des affaires étrangères pour des dépenses ordinaires sont légèrement inférieurs à ceux qui sont prévus pour les anciens combattants. Ceux qui ont défendu notre pays et subi des blessures conduisant jusqu'à l'invalidité, ceux qui se sont battus par amour de la patrie méritent bien évidemment notre respect, notre considération et notre reconnaissance. Quoi qu'il en soit, ces chiffres sont symboliques.
Monsieur le ministre, lors du colloque au Sénat intitulé « La Diplomatie parlementaire », vous aviez récusé l'apposition de ces deux termes, considérant qu'il ne pouvait exister de diplomatie qu'au niveau de l'Etat.
Nous en avons pris acte : les assemblées parlementaires, et les collectivités locales, de tous niveaux d'ailleurs, travaillent à leur échelle au rayonnement de la France, mais toujours dans le cadre des conventions interétatiques.
Toutefois, les crédits accordés à la coopération décentralisée sont tout à fait insuffisants. Les quelque 914 000 euros ne sont pas à la hauteur des espérances qu'ont fait naître les journées de la coopération décentralisée qui viennent de se dérouler.
L'Etat conserve le monopole de la diplomatie, chacun peut l'entendre ainsi, car la politique étrangère est, par excellence, un pouvoir régalien. Mais il doit s'en donner les moyens budgétaires. Ce n'est pas le cas, je suis donc très inquiet pour notre action extérieure. On a compris en effet que les affaires étrangères n'entrent pas - hélas ! - dans les cinq priorités définies par le Gouvernement pour le budget de cette année.
Face à la mondialisation et avec un budget national beaucoup trop insuffisant, faut-il que la France confie sa politique étrangère à l'Europe ? C'est un choix qui pourra peut-être se justifier dans le futur mais qui, aujourd'hui, serait ressenti comme un renoncement.
Votre budget est tellement tendu qu'il ne peut réagir à l'actualité. Même en situation exceptionnelle, comme aujourd'hui, il ne peut s'adapter au nouveau contexte international issu des attentats du 11 septembre, il ne peut marquer la moindre inflexion. Quel niveau de danger faudra-t-il atteindre pour que les répercussions budgétaires soient visibles ?
Je citerai un exemple. La sécurité des Français de l'étanger devrait nous préoccuper un peu plus après ces événements. Or non seulement ces crédits n'ont pas progressé, mais ils ont diminué de moitié en trois ans.
La France doit prendre réellement les moyens de sa politique étrangère ou d'autres acteurs vont progressivement nous supplanter, je pense en particulier au Royaume-Uni et, surtout, à l'Allemagne fédérale, en raison de sa situation géographique, de son influence culturelle en Europe centrale et de sa puissance économique. Cette situation aurait des conséquences lourdes sur nos intérêts majeurs.
Elargissons notre horizon et considérons les points sensibles du globe. Nos positions en Afrique se sont affaiblies. Au Moyen-Orient, malgré des idées françaises justes et connues et des financements communautaires importants, les Etats-Unis sont les seuls à peser réellement, avec les risques que l'on connaît pour le futur de la région. En Asie centrale, dans laquelle j'inclurai l'Iran, notre présence est largement insuffisante pour une région qui apparaît à tous, de toute évidence, comme stratégique.
Aucun poste nouveau n'a été créé. Ainsi, il n'y a toujours pas d'attaché militaire au Kazakhstan, poste qui existait il y a quatre ans et qui a été supprimé malgré la montée en puissance de ce pays. En Extrême-Orient, notre poids politique n'est guère plus important que notre poids économique, c'est-à-dire modeste.
Replongeons-nous dans l'actualité. En Afghanistan, tout concourait à donner à la France la possibilité d'illuster son savoir-faire.
Historiquement, la France a une bonne connaissance de ce pays. Son implication fut parmi les plus importantes. Je citerai, entre autres, les fouilles archéologiques qu'elle y a entreprises depuis 1922 et, surtout, le lycée français de Kaboul, qui a formé une grande partie de l'élite afghane, dont le commandant Massoud.
Vous avez reçu cet homme exceptionnel. Je suis convaincu qu'entre les talibans et lui, entre l'obscurantisme et la quête de la démocratie, vous n'aviez pas l'ombre d'une hésitation. En quoi vos préférences personnelles évidentes et justes se sont-elles traduites dans la politique française ?
Quelles décisions ont été prises ? Vous avez certes récusé le terme de « neutralité active » pour qualifier notre politique, mais quel a été l'engagement de la France en dehors de l'aide humanitaire ? Où sont les décisions politiques fondées sur le respect des droits de l'homme ? Quelles initiatives ont été prises ?
En Europe même, d'autres pays ont réagi plus vite. Ainsi, dès le mois de juillet, la Grande-Bretagne, avec la conférence de Londres, réunissait quatre-vingts délégués de la diaspora afghane venus de quinze pays.
L'Allemagne, quant à elle, accueille aujourd'hui à Bonn, et accueillera, le 5 décembre à Berlin, ceux qui conduiront l'Afghanistan demain.
J'ai lu que le soixante-dix-huitième sommet franco-allemand, qui s'est tenu à Nantes, a notamment permis aux deux pays de se mettre d'accord sur la question de l'Afghanistan. Mais quel en est le bénéfice politique et économique pour la France ?
Aujourd'hui, c'est également le temps de la reconstruction. Il semblerait à cet égard que les Etats-Unis veuillent se partager ce domaine avec le Japon. Où est la France dans tout cela ? Nos entreprises seront-elles concernées ? Que notre efficacité diplomatique rejoigne l'intérêt de nos entreprises nationales ! Peut-être l'agence de reconstruction Afghanistan Renouveau, dont la création par la diaspora francophone a été annoncée hier à Paris, sera-t-elle un relais efficace pour notre pays.
Monsieur le ministre, avouez qu'il y a de quoi être déçu et, je l'avoue, un peu amer devant ce qui apparaît comme un gâchis. Et je n'aborderai pas ici la question du blocage des troupes françaises en Ouzbékistan.
La France a encore une chance de faire entendre sa voix, politiquement et économiquement.
Il faut cependant rappeler qu'avant de financer sa participation à la force multinationale dont le Conseil de sécurité a décidé l'envoi, notre pays est déjà débiteur de près de 1 milliard de francs sur les opérations en cours.
A votre arrivée au ministère, vous aviez annoncé une « politique de reconquête ». Il n'apparaît pas que vous ayez convaincu le Premier ministre ou Bercy de donner au Quai d'Orsay les moyens budgétaires qu'il mérite et dont il a besoin. Pour ce budget, toutes les demandes de postes vous ont été refusées. Pis : les effectifs diminuent de cinq postes alors que, depuis dix ans, votre ministère a déjà rendu près de 9 % de ses effectifs !
Fixer dix objectifs pour le ministère est une chose, s'en donner les moyens peut seul les concrétiser.
Je regrette que la qualité de la diplomatie française, votre expérience internationale et la notoriété dont vous jouissez auprès de vos homologues ne puissent pas être mieux entendues, faute de moyens.
Parce que vous aviez fait naître de grands espoirs, la déception est d'autant plus forte. Pour la première fois depuis trois ans, déçu par la faiblesse de ce budget, surtout dans le contexte mondial actuel, je voterai contre. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque nous aurons à nous prononcer définitivement sur le projet de loi de finances pour 2002, le 11 décembre prochain, cela fera exactement trois mois que les événements tragiques de New York et de Washington auront contribué à changer notre vision du monde et des relations internationales.
Que pourrait-on dire de plus sur l'horreur terroriste et sur les réseaux fanatiques qui, à travers le monde, piétinent les fondements d'une religion pour en faire l'instrument de leur haine contre les valeurs de l'Occident ? Pourtant, en tant que législateurs et en tant que citoyens d'un Etat promoteur des principes essentiels de la démocratie et de la liberté, nous ne pouvons faire abstraction de ces circonstances particulières à l'occasion de notre discussion sur le projet de loi de finances du ministère des affaires étrangères.
Il s'agit non seulement d'évaluer les besoins budgétaires d'une administration insuffisamment dotée, mais également de contribuer à définir les objectifs et les moyens de la France dans ses relations avec les différentes parties géographiques et économiques du monde.
Depuis le début de cette discussion budgétaire, l'ensemble des intervenants, y compris certains collègues de l'Assemblée nationale, ont insisté avec un certain fatalisme sur l'enrayement de la baisse de l'aide française. Les chiffres se sont stabilisés à un niveau inférieur à l'objectif de 0,7 % du PIB. De même, on a noté l'accroissement des dotations pour les centres culturels à l'étranger, alors que la forte diminution de 13 % du titre IV entraînera des difficultés de trésorerie pour l'Agence française de développement.
Je voudrais donc poser deux questions. Devrions-nous nous résigner, avec le sourire, à voir limiter notre capacité d'intervention et de projection économiques, industrielles, culturelles et humaines, tandis que les derniers événements politiques accréditent l'idée qu'un pays sans visibilité et sans présence extérieure est un pays marginalisé ?
Les moyens budgétaires qui sont proposés à notre approbation sont-ils à la hauteur des ambitions de notre pays sur la scène internationale ? Ne nous y trompons pas. Au moment où nous traversons une période de fort ralentissement économique et que les économies de certains de nos principaux partenaires entrent en récession, doter la France d'une politique de coopération dynamique auprès des 61 pays de la zone de solidarité prioritaire, mais également auprès de nouvelles zones géographiques jusqu'alors délaissées, telles que les pays de l'Europe centrale et orientale, c'est poser des jalons pour l'implantation et le développement futur des entreprises françaises.
A cet égard, les 151 centres culturels implantés dans 91 pays et le réseau de 1 135 alliances françaises présentes dans 138 pays, les programmes de recherches scientifiques au titre de la coopération internationale ou les partenariats linguistiques et universitaires dans le cadre d'EduFrance, doivent être perçus comme des instruments multiformes à moyen et à long terme, comme une arme de première frappe au service de l'économie française, dans le contexte hyper-compétitif de la mondialisation et pas seulement comme une forme de compensation maladroite des excès de la période coloniale.
Plusieurs de nos partenaires ont intégré cette dimension de l'économie libérale, même si leur histoire et leurs traditions nationales les y prédisposaient moins que nous. L'Italie et les Pays-Bas sont aujourd'hui de plus gros contributeurs au système de l'Organisation des Nations unies que la France, qui versera 48,8 millions d'euros en 2002, alors qu'elle en versait 99,5 millions en 1992. Cette contribution situe la France au douzième rang mondial, ce qui n'est pas à la hauteur du statut qu'elle prétend maintenir.
Comment maintenir nos objectifs politiques, économiques et culturels, alors que les crédits dévolus à l'aide au développement, comme l'a montré le rapport de notre collègue Mme Paulette Brisepierre, vont enregistrer une nouvelle réduction de 2 % et que la coopération militaire va subir une réduction de 5,6 % ?
Nous nous devons de prendre la mesure des conséquences de ce type d'évolution sur l'image de la France auprès de nos partenaires. Certains d'entre eux, jusqu'alors relativement effacés de la scène internationale s'affirment comme de nouveaux interlocuteurs clés entre les grandes puissances. A cet égard, la tenue à Bonn du sommet inter-Afghans est un signe de l'émergence de notre puissant voisin, comme un nouveau visage de l'Union européenne vers l'extérieur.
Allons-nous, par manque de clairvoyance sur les enjeux réels d'une politique de coopération ambitieuse, courir le risque de voir s'éroder l'image de la France, y compris dans ses zones d'influence traditionnelle ? Allons-nous nous priver des moyens nécessaires à la poursuite de nos actions au risque de discréditer notre politique et d'affaiblir notre influence, notamment en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est ? Où est la cohérence de cette politique de coopération que le Gouvernement nous propose ?
Il est plus qu'évident désormais que la dispersion des crédits entre plusieurs ministères constitue le premier obstacle à la visibilité de notre politique de coopération, y compris aux yeux de nos concitoyens. La coopération ne relève pas exclusivement de l'Etat, elle implique également les collectivités locales, les associations, les entreprises et les organisations non gouvernementales, ces dernières étant amenées à jouer un rôle de plus en plus important dans le traitement de l'aide internationale.
Désormais, seule l'aide bilatérale relève du ministère de la coopération, en partenariat avec les ministères des affaires étrangères, de l'économie et des finances et de l'Agence française de développement. Les aides multilatérales sont cogérées par une multitude d'institutions : des institutions locales, comme la Banque régionale de développement, des institutions internationales, comme la Banque mondiale ou l'Union européenne, des institutions civiles, enfin, comme les entreprises et les syndicats.
Comment envisager une visibilité des actions entreprises par la France, sinon en renforçant les moyens du ministère de la coopération et en définissant plus clairement la nature de ses missions ?
Enfin, puisque c'est bien de transparence qu'il s'agit ici, je souhaite attirer l'attention du Parlement sur les contradictions persistantes entre les principes de la défense des droits de l'homme, que la France entend promouvoir et défendre, et la réalité de certains faits inhérents à la politique de coopération.
En effet, si notre contribution à l'allégement de la dette des quarante pays les plus surendettés, notamment par le biais des contrats de développement et de désendettement, connaît un succès relatif, si la lutte contre le sida constitue un effort unanimement reconnu, en ce qui concerne l'aide bilatérale à laquelle le ministère de la coopération est pleinement associé, on comprend mal, en revanche, les motivations qui poussent le Gouvernement à soutenir des régimes dont le caractère autoritaire est avéré.
A titre d'exemple, le Tchad conserve toujours sa place parmi les pays dits « du champ ». Pourtant la réélection du président Idriss Déby a été marquée par une fraude massive. Des situations comparables se rencontrent actuellement en Guinée ou en République centrafricaine. J'ai personnellement été amené à observer la gabegie des réglements de comptes politiques et des abus de biens sociaux qui déchirent les dirigeants de Madagascar. Il ne paraît pas envisageable que notre politique d'aide au développement à l'égard de cet Etat, telle qu'elle est aujourd'hui définie, permette l'avènement d'un état de droit démocratique.
Comment justifier de la poursuite de relations ténues avec les pays dont les gouvernements ne respectent pas les droits de l'homme ?
Pour prétendre conserver son rang de puissance diplomatique, la France n'échappera pas à une évaluation approfondie non seulement des destinataires de ces aides au développement, mais également des effets concrets de ces subventions sur les politiques menées. Pourtant, le projet de loi de finances pour 2002, que le Gouvernement nous invite à entériner et dont certains députés socialistes ont pu dire qu'il était très mauvais, mais que c'est le moins mauvais depuis dix ans, n'offre pas toutes les perspectives d'évolution que le Parlement était en droit d'attendre.
Plusieurs problèmes demeurent : l'érosion constante de l'assistance technique, les interventions intempestives du ministère de l'économie et des finances dans la définition des orientations de la politique de coopération - notamment à l'égard des crédits du FED - la progression de 2,8 % des moyens de fonctionnement - qui représentent aujourd'hui 41,2 % du budget - et, enfin, la perte de vitesse de l'enseignement du français à l'étranger - qui est pourtant la clé de voûte des relations futures avec nos différents partenaires et qui représente l'indice de l'influence de notre culture hors de France.
Tous ces points illustrent les incohérences et l'opacité de la coopération française, et risquent de peser très lourdement dans la définition d'une politique étrangère globale de la France, non seulement politique et diplomatique, mais également économique et culturelle. Le Gouvernement et le ministère de la coopération, en coordination avec le Parlement, doivent travailler à définir une nouvelle politique plus claire pour nos concitoyens et nos partenaires. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur les relations franco-allemandes, d'une part, et sur le Conseil de l'Europe, d'autre part.
Monsieur le ministre, je sais que les préoccupations prioritaires se situent actuellement ailleurs. Sur ce plan, nous devons saluer vos efforts et vous méritez nos encouragements.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Nous n'avons pas d'alternative à l'entente franco-allemande, sans laquelle il n'y a pas de poursuite concevable de la construction européenne. A cet égard, il y a des signes positifs.
Ainsi, lors du 78e sommet franco-allemand, le rappel de l'engagement concernant la construction des avions européens de transport militaire et l'affirmation d'honorer les commandes signées avant la fin de l'année sont des signes de bonne volonté qui vont dans la bonne direction. Cela pourrait être de bon augure pour la préparation de la Conférence intergouvernementale de 2004, pour laquelle l'Allemagne et la France, et c'est votre volonté, doivent avoir un projet commun susceptible d'entraîner les autres partenaires européens.
Mais la capacité de coopération entre nos deux pays dépend aussi et surtout d'une collaboration plus intense au niveau de l'éducation et de la culture. Si nous ne mettons pas en place une telle politique, nous allons être confrontés à une indifférence partagée, avec des conséquences regrettables sur tous les plans.
Cela nécessite d'abord une présence culturelle française forte en Allemagne. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Gouvernement français a mis en place un réseau culturel français en Allemagne, afin de diffuser la langue et la culture françaises.
Aujourd'hui, la réorganisation des instituts français en Allemagne laisse craindre que l'environnement culturel ne soit progressivement laissé à l'abandon et que les fondements du développement de l'enseignement de la langue française ne soient affaiblis.
Je ne méconnais pas les contraintes budgétaires qui existent à ce propos, mais, après la fermeture d'un réseau de consultats et compte tenu de la fermeture des instituts français, faut-il que ces contraintes se concrétisent au détriment de certaines relations prioritaires ?
Les instituts culturels de Karlsruhe et de Fribourg, qui étaient des vitrines de l'intégration et surtout des acteurs de la coopération transfrontalière, sont concernés par cette restructuration qui aboutit à un désengagement de l'Etat au profit des collectivités territoriales.
Côté allemand, la récente décision du Land de Rhénanie-Palatinat de mettre un terme à la diffusion des chaînes françaises TF1, France 2 et France 3 sur le câble, et l'effacement de France 2 et de France 3 en Bade-Wurtemberg entraînent une restriction sensible de la diffusion de la langue et de la culture auprès du grand public.
M. Guy Penne. C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel. De son côté, la situation et l'action de l'Office franco-allemand pour la jeunesse, l'OFAJ, suscite également des questions : le budget de cet office, qui soutient, planifié, évalue, incite, approfondit les relations entre les jeunes générations, provient principalement de subventions gouvernementales réparties sur une base paritaire. En 1999, la décision a été prise de majorer ce budget à partir de deux millions de francs par an pendant trois ans. En raison d'une divergence d'interprétation, cette majoration ne s'est élevée qu'à hauteur de un million de francs, ce qui ne correspond pas aux besoins de cet office. De plus, grâce à son site internet, l'OFAJ doit s'ouvrir au grand public en permettant aux jeunes d'avoir un accès direct à titre individuel. Encore faut-il aussi que l'OFAJ utilise les fonds conformément à sa vocation.
C'est surtout la coopération dans le domaine linguistique qui devra constituer une priorité. L'apprentissage de la langue du voisin est en effet une marque de confiance en l'avenir de la coopération.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Elle démontre la volonté de coopérer avec les pays européens.
Les déclarations d'intention à cet égard sont nécessaires, mais encore faut-il qu'elles soient suivies d'effets.
A ce propos, quelles seront les répercussions des décisions prises lors de la rencontre du 14 mai 2001 à Mayence ? En 2000, en France, moins de 10 % seulement des élèves choisissaient l'allemand comme première langue étrangère et entre 15 % et 16 % d'entre eux la choisissaient comme deuxième langue. L'érosion de l'apprentissage de l'allemand se poursuit donc de manière inquiétante, accusant une régression de plus de 50 % en l'espace de vingt ans. On compare des résultats similaires du côté allemand. Or la connaissance de la langue du premier partenaire économique est une chance et un élément fondamental. Elle ne peut qu'étayer le développement des relations économiques, culturelles, éducatives et politiques.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel. Dans ce contexte, monsieur le ministre, j'appelle en particulier votre attention, sur la situation du lycée franco-allemand de Buc.
La convention franco-allemande de 1972 concernant les lycées franco-allemands était, à l'époque, l'aboutissement d'efforts communs découlant du traité de l'Elysée. Force est de constater aujourd'hui que la situation des lycées franco-allemands de Sarrebruck et de Fribourg est exemplaire, mais que celle du lycée de Buc n'est pas comparable.
Alors que les enseignements qui y sont dispensés et l'équipe administrative sont unanimement reconnus pour leurs qualités, l'Etat ne met pas à la disposition de ce lycée les moyens nécessaires à l'équipement et au fonctionnement. Or il n'appartient pas aux parents d'élèves, comme c'est actuellement le cas, de se substituer à l'Etat pour soutenir ce lycée prestigieux et unique.
C'est un symbole, parmi d'autres, qui témoigne de notre volonté ou de notre absence de volonté de poursuivre une coopération éducative et culturelle pourtant indispensable dans les relations franco-allemandes, pilier - faut-il une fois de plus le rappeler ? - de la construction européenne.
Ma dernière remarque porte sur le Conseil de l'Europe, une institution trop souvent méconnue, en particulier en France.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel. Appréciée et respectée par nombre de nos partenaires, cette institution mérite un soutien plus concret de la part de la France.
Faut-il rappeler son rôle ?
En premier lieu, c'est la seule institution purement européenne qui rassemble tous les pays d'Europe occidentale, d'Europe centrale et d'Europe de l'Est. C'est un point de rencontre irremplaçable entre Européens de l'Est et Européens de l'Ouest.
En second lieu, c'est une école de la démocratie pour nos partenaires entrés récemment en Europe, et c'est une école d'initiation et de préparation à l'entrée future dans l'Union européenne.
Enfin, le Conseil de l'Europe, c'est aussi l'institution qui incarne, mieux que toute autre, la défense des droits de l'homme, et la Cour européenne des droits de l'homme, qui siège à Strasbourg, est, à cet égard, de plus en plus sollicitée.
Monsieur le ministre, je lance un appel au Gouvernement pour que le Conseil de l'Europe bénéficie, de la part de la France, de la considération, de l'appui et du soutien qu'il mérite. Notre attitude positive à son égard est aussi, au-delà de cette institution, une marque de considération pour tous les pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est pour qui, souvent, sur ce plan, la France reste un phare. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui la discussion des crédits consacrés à la coopération dans une situation internationale qui nous préoccupe tous. Comment ne pas penser aux terribles événements du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ?
L'urgence est à la prise d'initiatives pour sortir de cette crise majeure ouverte par les attentats terroristes les plus monstrueux et les plus dévastateurs de l'histoire. Il s'agit de mettre les commanditaires de ces crimes hors d'état de nuire, comme il faut s'attaquer résolument aux terreaux qui les nourrissent et éliminer les tensions dans le monde.
C'est pourquoi les membres de notre groupe participent à toutes les mobilisations qui permettent d'éradiquer le terrorisme et de faire cesser les bombardements afin d'éviter la mort de la population civile afghane.
Mais il est tout aussi impératif de satisfaire à l'exigence d'une réponse politique à plus long terme. Notre seul avenir à tous, c'est bien de travailler à l'élimination des frustrations et des humiliations.
Monsieur le ministre, notre action doit porter sur les injustices et les inégalités qui caractérisent tant notre belle planète. Cet ennemi mondial prend la forme de la pauvreté et de l'exclusion. Cela implique de mettre en cause les règles libérales, de construire des partenariats véritables pour le développement et de favoriser partout la croissance et l'efficacité sociale.
Dans le domaine de la santé, il est impossible d'accepter l'intolérable. Le paludisme est la première cause de mortalité dans le monde, avec trois cents millions de cas ; deux millions de personnes meurent chaque année du sida, et ce chiffre ne prend pas en compte les personnes porteuses du virus VIH et qui décèdent des suites d'une autre maladie souvent bénigne pour une personne qui n'est pas infectée. Le rapport de l'ONU, déposé hier soir, dresse un bilan désastreux de cette épidémie, qui s'étend non pas seulement à l'Afrique, mais également à l'Asie.
Combien de personnes pourraient être sauvées si elles avaient à leur disposition des moyens en matériels, en médecins et en personnels pour la prévention, mais aussi les médicaments nécessaires.
A Doha, lors de la conférence de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, une ouverture intéressante a été imposée à laquelle la France a participé. Les pays pauvres pourront produire les médicaments sans passer par la protection des brevets pour les diverses pandémies comme le sida ou la malaria.
A l'inverse, la conférence de l'OMC annonce une évolution négative, car elle étend encore la déréglementation à de nouvelles activités humaines comme la santé, l'environnement et l'éducation.
Les acquis sur la culture ont déjà commencé à être remis en cause puisque dix-sept pays riches se sont prononcés pour considérer à nouveau la culture comme une marchandise. Nous lançons un appel à tous pour éviter que cette mesure ne soit adoptée dans deux ans.
En matière d'éducation et de culture, la France a également un rôle important à jouer. Mme Cerisier-ben Guiga a exposé toute l'importance de RFI et de l'exportation de la télévision. Lutter contre les inégalités et la pauvreté, c'est aussi combattre l'ignorance. Combattre l'ignorance, c'est également oeuvrer pour un monde où l'incompréhension et l'intolérance n'auraient plus leur place. La résorption de l'analphabétisme doit être l'une des premières mesures prises. Pour cela, l'accès libre aux écoles et sourtout la gratuité de celles-ci sont des éléments essentiels.
Je veux également vous dire, monsieur le ministre, toute l'importance que nous attachons aux échanges d'étudiants, souvent trop difficiles à réaliser - j'en ai un exemple à Paris XII, dans le Val-de-Marne - aux concertations de toutes sortes par le biais des universités, du CNRS, à l'effort important de l'apprentissage du français à l'étranger, à la réouverture du lycée français d'Alger.
Aussi, je fais une proposition aussi symbolique qu'efficace pour montrer notre attachement à l'enseignement de notre langue à l'étranger et rendre hommage non seulement à la lutte des femmes afghanes, aux enseignants qui continuent à travailler dans les ruines du lycée français de Kaboul, mais aussi aux femmes qui continuent d'enseigner en toute illégalité contre les talibans.
Je vous propose, monsieur le ministre, d'inscrire dans nos actions l'aide de la France dans la reconstruction du lycée français de Kaboul comme un acte fort qui prendra corps le moment venu - très vite, je l'espère - quand la guerre sera terminée. Mais c'est aujourd'hui qu'il faut le décider. Je suis personnellement prête à m'y investir de façon importante, certaine que de nombreuses énergies de notre commission et d'ailleurs se mobiliseront, n'est-ce pas, monsieur de Villepin ?
Je veux préciser que nous en avions parlé avec les femmes afghanes lorsque nous les avons reçues au Sénat, avec le président Christian Poncelet.
Monsieur le ministre, c'est un véritable plan mondial contre la pauvreté et pour le développement dans toutes ses dimensions qui est nécessaire.
Plus que jamais, il faut, disons-le clairement, aller vers une plus juste répartition des richesses de notre planète. C'est dans cet esprit que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont examiné le budget de la coopération pour 2002.
Je ne vous cacherai pas, monsieur le ministre, que le vote positif que nous allons émettre est davantage motivé par une approbation de l'orientation politique que l'actuel Gouvernement a engagée ces dernières années sous votre autorité, et qui a eu des retombées positives très importantes, notamment lors des événements d'Afghanistan, que par l'évolution des crédits.
Il est vrai, par exemple, que les principes de « non-ingérence » et de « non-indifférence » ont permis de développer avec les pays africains des relations plus équilibrées et plus respectueuses que par le passé. Vous avez mis fin à une situation malsaine. Nous savons bien que des efforts de rationalisation, de meilleur emploi des crédits, ont été entrepris.
Il faut aussi tenir compte des avancées que la France a consenties dans l'annulation de la dette des pays les plus pauvres - vous avez annoncé plus de 10 milliards d'euros, monsieur le ministre - même s'il faut aller plus loin.
Mais, hélas ! force est de constater que l'aide publique au développement n'a fait que se réduire au fil des ans, puisque, de 0,64 % du PIB en 1992, elle a été ramenée à 0,33 % de ce même PIB en 2001. Bien que la France soit le pays du G 7 qui fait le plus au niveau de l'aide au développement et qu'elle se situe au sixième rang mondial en pourcentage de PIB, nous nous éloignons de l'objectif fixé à l'ONU avec les autres pays industrialisés de consacrer 0,7 % du PIB à l'aide au développement. Cet objectif a été réaffirmé au sommet européen de Göteborg et il fait, depuis peu, partie des missions de concertation de la Commission européenne.
Nous sommes conscients que notre pays peut faire beaucoup, mais il ne peut pas, à lui seul, inverser totalement cette logique. A cet égard, il serait temps que les Etats-Unis prennent la part qui devrait être la leur dans le domaine de l'aide au développement.
Qui plus est, une forte implication de la France au sein des Nations unies sur les questions d'aide au développement et de coopération serait souhaitable.
Il est regrettable de constater que nous n'occupons que la dix-huitième place au sein du Programme des Nations unies pour le développement, le PNUD.
De même, une réflexion approfondie sur les politiques de coopération et de développement au sein même de l'organisation et de son assemblée générale est nécessaire.
Les crédits de la coopération pour 2002 auraient dû prendre un tournant historique d'une grande ampleur. Nous voterons ces crédits, mais ils ne nous suffisent pas. Nous vous demandons donc vivement, monsieur le ministre, qu'il n'y ait pas de gels en cours d'année. Vous pouvez compter sur notre soutien à cet égard. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote du budget du ministère des affaires étrangères intervient dans un contexte international troublé - notamment depuis les attentats du 11 septembre dernier - marqué par la lutte contre le terrorisme et, bien entendu, par la situation en Asie centrale, plus particulièrement en Afghanistan.
Mon intervention portera sur deux points.
J'évoquerai, tout d'abord, la question de l'aide humanitaire. Je rappelle que, ces dernières années, les interventions françaises ont notamment concerné la région des Balkans, la Guinée, l'Ethiopie, le Mozambique, mais aussi, déjà, l'Afghanistan et l'Inde. Ces interventions se sont notamment appuyées sur le fonds d'urgence humanitaire.
Dans le projet de loi de finances pour 2002, les crédits de ce fonds d'urgence ne sont reconduits, en francs constants, qu'à hauteur de 9,3 millions d'euros.
Certes, ces crédits peuvent être abondés en cours de gestion, ce qui s'est déjà produit plusieurs fois ces dernières années, mais ne serait-il pas utile, monsieur le ministre, de renforcer d'ores et déjà cette ligne budgétaire pour crédibiliser les ambitions de la France dans ce secteur ?
Je profite de l'occasion pour rappeler que la participation financière de la France au titre des contributions aux opérations de maintien de la paix de l'ONU doit également être conforme à nos ambitions. Il en va de la crédibilité de notre politique étrangère ; mon éminent collègue M. Dulait l'a déjà dit.
A ce sujet, pensez-vous, monsieur le ministre, que la reconduction des contributions obligatoires à l'ONU pour un montant de 320 millions d'euros, malgré son importance, soit suffisante pour faire face au coût des opérations de maintien de la paix, dont le nombre n'est malheureusement pas amené à diminuer, d'autant que la France est débitrice de 43 millions d'euros ?
Par ailleurs, on ne peut que s'inquiéter de la réduction constante des contributions volontaires : la contribution volontaire à l'ONU s'élèvera à 48,8 millions d'euros en 2002, contre 99 millions d'euros en 1992.
Aujourd'hui, la France est ainsi reléguée derrière le Royaume-Uni, l'Italie et même les Pays-Bas. Elle est donc évidemment exclue du groupe des principaux donateurs aux organisations internationales.
Je note cependant avec satisfaction la création d'une délégation à l'action humanitaire qui disposera du fonds d'urgence humanitaire. On ne peut que s'en féliciter !
Je souhaiterais maintenant évoquer devant vous, monsieur le ministre, la situation de l'Afghanistan.
Sur le plan humanitaire, la population afghane subit aujourd'hui une pénurie alimentaire sans précédent, notamment dans les régions victimes de la sécheresse, où, selon l'Office européen d'aide humanitaire de l'Union européenne, 80 % des habitants ont besoin d'une aide d'urgence immédiate. Trois millions d'Afghans vivent aujourd'hui quasiment sans nourriture et sans abri, alors que l'hiver a déjà commencé.
S'agissant de la France, vous avez déjà engagé un plan d'action visant à renforcer dans l'immédiat l'aide humanitaire d'urgence et vous avez débloqué à cette intention 34,5 millions d'euros, tous ministères confondus. Cette aide, bien que très importante, reste insuffisante.
Par ailleurs, nous sommes préoccupés par les difficultés que rencontre l'acheminement de cette aide humanitaire et par la question de la sécurisation du travail des Organisations non gouvernementales, les ONG, chargées de la distribuer. Je connais cependant les efforts que vous déployez, vous-même et M. Josselin, pour acheminer cette aide, qui est d'ailleurs toujours bloquée en Ouzbékistan. Peut-être, monsieur le ministre, dans votre réponse, pourrez-vous nous apporter quelques éléments de réponse à ce sujet.
Etant conscient que la France à elle toute seule n'y suffira pas, vous avez raison de proposer ensuite d'établir un cadre de concertation entre l'Union européenne, les Etats-Unis, les Etats voisins de l'Afghanistan, les agences spécialisées de l'ONU et les ONG travaillant déjà sur place. Mais il faudrait pouvoir identifier l'aide française.
Sur le plan politique, il est clair qu'il existe, encore aujourd'hui, un décalage entre la situation militaire et la situation politique. Il est urgent de trouver une issue politique à la chute des talibans, pour que ce pays se remette en marche et que l'on puisse apporter d'abord toute l'aide humanitaire nécessaire, puis l'aide à la reconstruction du pays.
Cette issue politique appartient, bien sûr, aux Afghans eux-mêmes. C'est vous dire si nous fondons quelques espoirs sur la conférence de Bonn, dont nous nous réjouissons, bien entendu, qu'elle se déroule sous l'égide de l'ONU et dans un pays européen.
Comme cela a été indiqué lors du sommet franco-allemand du 23 novembre dernier, « nous attendons de tous les dirigeants afghans qu'ils aient un comportement responsable, conformément aux ambitions qu'ils ont affichées ».
Une fois que la résolution 1378 du Conseil de sécurité sera satisfaite, il faudra impérativement aider ce pays à entrer sur la voie du développement économique, en jetant les bases d'un développement rural qui aboutisse à la suppression de la culture du pavot. De même, c'est évident, il faudra aider ce pays à progresser dans la conquête des droits de l'homme et de la femme, en favorisant - la question est primordiale - leur accès à la santé et à l'éducation.
Compte tenu de l'histoire de ce pays, il paraît souhaitable que l'ONU aille plus loin et puisse participer à la sécurité intérieure, par exemple sous la forme d'une force multinationale sous mandat de l'ONU dont la composition recevrait l'agrément des Afghans. Cela reste, bien entendu, suspendu à l'accord politique des Afghans, cette force étant comprise, de notre point de vue, comme un élément de consolidation de la paix.
Cependant, nous sommes préoccupés, avec M. de Villepin, par les déclarations de l'ancien Président Rabbani, qui souhaite le retrait des forces étrangères d'Afghanistan.
Peut-être pourrez-vous, là aussi, nous apporter des éléments de réponse, au moment où le Pakistan semble faire, lui, un premier pas en avant, en reconnaissant l'Alliance du Nord ?
Pour conclure, je souhaite vous interroger sur la riposte française face aux crises.
L'expérience tirée de notre intervention dans les Balkans a permis de donner le jour, en juillet dernier, à un nouveau dispositif de gestion des crises. Ce dispositif, réunissant la cellule de crise du ministère des affaires étrangères, le secrétariat général de la défense nationale, le SGDN, et l'Agence française de développement, doit accroître notre capacité de réaction.
La France a souvent pâti d'une mauvaise visibilité, voire d'une mauvaise lisibilité de son action dans les crises internationales, sans que l'on trouve le moyen de faire voir et de faire valoir l'intensité de son effort.
Il semble nécessaire, au sortir de la crise, parallèlement au redémarrage économique et au rétablissement d'un Etat de droit, de promouvoir activement la présence française, au niveau tant de l'assistance technique que de la reconstruction proprement dite.
Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, s'il est possible de dresser, à la lumière de la crise afghane, un premier bilan de ce nouveau dispositif de gestion de crise. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Auguste Cazalet. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet. Mon rappel au règlement concerne le tragique événement qui s'est produit hier soir près de Monein, dans le département des Pyrénées-Atlantiques.
Un gendarme a été atteint d'une dizaine de balles, dont l'une en pleine tête. Son état est jugé extrêmement grave : il est aujourd'hui entre la vie et la mort.
En l'espace de onze jours, c'est la deuxième fois que nos gendarmes sont la cible de dangereux individus, et les premiers indices trouvés dans leurs véhicules attestent que ces malfaiteurs savent très bien organiser leur fuite.
Grand banditisme ou terrorisme ? Toujours est-il que le désarroi de nos gendarmes - mais aussi de la population, notamment dans le Béarn - est à son comble. Le fait qu'à Bayonne, voilà quelques jours - le 24 novembre précisément - un individu faisant l'objet d'un mandat d'arrêt international ait pu, en toute impunité, haranguer la foule au cours d'un rassemblement de patriotes basques et repartir sans être inquiété est extrêmement grave.
Les gendarmes, comme beaucoup d'entre nous, s'interrogent sur les raisons pour lesquelles cet individu n'a pas été interpellé. Je souhaiterais que le Gouvernement s'en explique. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Nous vous donnons acte de votre rappel au règlement, et nous nous associons à l'émotion que vous venez de manifester devant ce tragique événement.
Nous exprimons notre sympathie à ce grand corps de la République.

5

CANDIDATURE À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire.
La commission des lois a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Bernard Saugey pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

6

LOI DE FINANCES POUR 2002

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2002.

Affaires étrangères (suite)

M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les affaires étrangères.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Duvernois.
M. Louis Duvernois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la discussion budgétaire en cours me vient à l'esprit cette formule de Jean Jaurès : « Partir du réel pour aller à l'idéal », que je n'hésite pas, pour une fois, à faire mienne, tant elle traduit, dans les circonstances actuelles, l'esprit de mon intervention à propos de deux secteurs d'activité prioritaires pour la France, pour son rôle et pour son influence : l'enseignement français à l'étranger et l'audiovisuel extérieur.
Critiques, nous le serons ; constructifs, nous le serons aussi, pour formuler des propositions à la fois réalistes et enthousiastes, tournées vers l'avenir.
Le dispositif français d'enseignement à l'étranger repose essentiellement, il faut le rappeler sommairement, sur l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, à laquelle la loi du 6 juillet 1990 a confié une triple mission : assurer en faveur des élèves français résidant à l'étranger les missions de service public relatives à l'éducation ; contribuer, par l'accueil d'élèves étrangers, au rayonnement de la langue et de la culture françaises ; concourir au renforcement des relations de coopération entre les systèmes éducatifs français et étrangers.
La loi de 1990 confie à l'Agence une autre mission primordiale pour les Français expatriés : aider les familles à supporter les frais liés à l'enseignement français à l'étranger.
Comme vous pouvez le constater, la mission de l'Agence est grande et généreuse. La réalité, elle, est tout autre, car l'engagement financier de l'Etat ne correspond tout simplement pas à son ambition.
Le premier constat que je ferai concerne la croissance des dépenses ordinaires et des crédits de paiement du ministère des affaires étrangères, qui exerce la tutelle sur l'Agence. Ces crédits passeront de 3,37 milliards d'euros à 3,42 milliards d'euros, soit 22,44 milliards de francs, en augmentation limitée de 1,6 %. Cela confirme encore que le ministère des affaires étrangères, il n'est pas inutile de le répéter, n'est pas un ministère prioritaire.
Mon second constat n'est pas le moindre : les crédits pour l'enseignement français à l'étranger progresseront de 1,07 %, à peine plus que ceux du ministère de tutelle. Ils atteindront 313,77 millions d'euros en 2002, contre 310,45 en 2001. L'Agence ne bénéficiera en 2002 d'aucune mesure nouvelle au titre des crédits d'investissement. Pis encore, le fonds de réserve de l'Agence, qui s'élevait à une somme confortable de plus de 300 millions de francs en 2000, sera très vraisemblablement « asséché » à la fin de l'exercice 2002, notre collègue Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, l'a d'ailleurs souligné ce matin dans des termes semblables.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : derrière leur froide logique se cache une réalité bien vivante sur le terrain des opérations, à savoir la mise à contribution financière des parents d'élèves français, en augmentation régulière depuis plusieurs années. Cette contribution est maintenant plus importante que l'apport financier de l'Etat à notre réseau scolaire international.
Le succès de notre réseau est pourtant incontestable. Les résultats au baccalauréat sont très largement supérieurs à la moyenne nationale. Les demandes d'inscription sont soutenues. De 144 000 élèves scolarisés dans le réseau de l'Agence à sa création, en 1990, on est passé maintenant à près de 160 000. On note une hausse de 8 000 élèves au cours des toutes dernières années, la majorité d'entre eux étant français.
Soyons un tant soit peu perfide : si, en France métropolitaine, un recteur accueillait 8 000 élèves supplémentaires sans se voir attribuer les moyens correspondants, il y aurait assurément des manifestations publiques !
Concrètement, doit-on comprendre que c'est le manque de capacité à nuire, lié à la dispersion des parents d'élèves sur tous les continents, qui explique l'insuffisante attention portée par les décideurs politiques aux problèmes de leurs compatriotes expatriés, Français à part entière et non entièrement à part ?
Pouvez-vous, monsieur le ministre, vous satisfaire d'une telle situation, alors qu'il est d'actualité de glorifier la « bataille des idées », celle qui doit nous conduire à promouvoir notre langue et la diversité culturelle afin de renforcer notre présence et notre influence à l'étranger ? Pouvez-vous vous satisfaire du budget de l'Agence, qui, à l'évidence, n'est pas à la hauteur de la situation, surtout si l'on pense à l'augmentation de 4 % du budget du ministère de l'éducation nationale ?
Que croyez-vous que pensent les parents d'élèves français de la floraison actuelle de réclamations catégorielles formulées par les enseignants, les infirmiers, les médecins, les cheminots, entre autres, qui obtiennent, à l'aide de porte-voix et sous l'oeil des caméras de télévision, des réajustements salariaux, des primes de ceci ou de cela, à coup de centaines et de centaines de millions de francs, et en un temps record inversement proportionnel à leur capacité de nuisance publique, à la veille, il est vrai d'élections nationales capitales... ?
Que penseront ces familles expatriées et citoyennes lorsqu'elles apprendront qu'elles devront, encore et toujours, contribuer substantiellement à couvrir les charges de personnel enseignant, qui augmentent de 6,44 % pour les seuls résidents détachés de l'éducation nationale ?
Force est de reconnaître, sans passion mais avec raison, que la dotation qui doit être versée par le seul ministère des affaires étrangères pour l'année 2002 ne permet pas d'envisager l'avenir de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger avec sérénité, compte tenu des problèmes financiers qu'elle rencontre.
Que faire dans un contexte de croissance économique ralentie où la tentation pour d'aucuns est toujours grande de résoudre les problèmes publics par un accroissement des dépenses et du nombre de fonctionnaires ? Nous pourrions rappeler l'engagement du Premier ministre, Lionel Jospin, qui, en 1995, voulait rendre gratuit l'enseignement à l'étranger pour les enfants français.
Nous devons être responsables et pragmatiques dans l'énoncé de propositions réformatrices et constructives.
Le Conseil supérieur des Français de l'étranger - que vous présidez, monsieur le ministre - réclame avec insistance, toutes tendances politiques confondues, un engagement accru du ministère de l'éducation nationale dans le financement de l'enseignement français à l'étranger. Cette demande se heurte à l'organisation administrative et à la conception ministérielle que se font les uns et les autres de leurs fonctions et qui attribue cette compétence aux affaires étrangères. On ne sait d'ailleurs plus trop pourquoi l'éducation nationale a été écartée d'une cotutelle de l'Agence à la création de cette dernière, en 1990 !
La lecture du rapport d'activité 2000-2001 du ministère de l'éducation nationale est pourtant explicite : le réseau scolaire à l'étranger est unique et doit être pleinement partie prenante du système éducatif français ; la continuité du service public, y précise-t-on, ne peut se réaliser que par des liens resserrés et permanents entre les établissements scolaires à l'étranger et les structures du système éducatif en France.
Qu'en peu de mots ces choses sont clairement dites ! Et qu'on ne vienne pas nous rabâcher que la compétence appartient exclusivement au ministère des affaires étrangères, puisque, dans ce même rapport d'activité, l'éducation nationale souligne que l'importance de son action extérieure est liée au renforcement « des relations bilatérales traditionnelles avec une attention croissante aux pays en développement » !
Pourquoi, monsieur le ministre, cette cotutelle des ministères des affaires étrangères et de l'éducation nationale est-elle si difficile à mettre en oeuvre ? L'abondement des crédits consacrés à l'enseignement français à l'étranger, à la promotion de la langue française, au développement de l'audiovisuel extérieur - vecteur de promotion culturelle et économique -, concerne d'abord et avant tout l'ensemble des pouvoirs publics, et non tel ou tel ministère particulier.
Nous devons ainsi repenser notre organisation administrative et les structures ministérielles dans lesquelles nous oeuvrons pour faire face aux situations nouvelles de notre époque où, précisément, les acteurs du monde productif sont obligés de répondre à de puissants stimuli et de lutter constamment pour leur survie.
L'avenir, ici comme ailleurs, passe par une volonté politique de bonne gouvernance à moyens plus ou moins constants, par le redéploiement des crédits en fonction de priorités politiques concertées et bien définies à l'échelle gouvernementale.
J'en viens à la seconde partie de mon intervention : l'audiovisuel extérieur.
Le paysage audiovisuel français à l'étranger peut être envisagé de plusieurs manières.
La première, c'est de reconnaître que le ministère des affaires étrangères a réellement pris conscience de l'importance de ce secteur en 1998 avec l'élaboration du plan d'action de communication et la nomination, à la tête de TV5 et de CFI, d'un professionnel de haut niveau, venant du secteur privé, en la personne de Jean Stock.
Le plan d'entreprise qu'il a mis en oeuvre et la restructuration engagée dernièrement avec d'autres partenaires francophones au sein de TV5 ont abouti, en août dernier, à la création de TV5 monde. La progression est indéniable. Deux nouveaux signaux vers les Etats-Unis et l'Amérique latine s'ajoutent, au sein d'une structure opérationnelle simplifiée et gérée désormais de Paris, aux cinq signaux qui existaient déjà. Il était impératif de le faire et vous l'avez fait.
La deuxième manière, c'est de comparer les moyens de l'audiovisuel extérieur - vous avez dit, monsieur le ministre, qu'ils étaient l'une des principales priorités de notre action extérieure - avec ceux qu'ont engagés nos partenaires et concurrents dans l'Union européenne, la Grande-Bretagne et l'Allemagne.
Les moyens français représentent, répétons-le, 38 % des moyens engagés par le Royaume-Uni et 33 % des moyens engagés par l'Allemagne, même s'il faut tenir compte de notre participation dans ARTE.
On peut aussi comparer les 90 millions d'euros du budget de TV5 pour le monde entier avec les 212 millions d'euros de RFO pour les seuls DOM-TOM.
Là encore, le ministère des affaires étrangères supporte pratiquement seul les charges de développement de l'audiovisuel extérieur.

La troisième manière, c'est, en voyageant, de constater que nos concurrents sur ce terrain, à savoir les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, sont beaucoup plus présents que nous sur les écrans de télévision extérieurs, y compris dans des pays francophones comme la Tunisie, où France 2 n'est plus reçue. En Allemagne, notre premier partenaire, les chaînes du service public ne sont plus relayées dans plusieurs Länder.
La quatrième et dernière manière, qui résume les trois autres, c'est d'admettre que, comme l'a souligné récemment, et avec à propos, un grand quotidien, les événements du 11 septembre aux Etats-Unis ont mis en évidence la faiblesse de la France sur la scène médiatique, ce qui démontre la nécessité d'une refonte structurelle de l'audiovisuel extérieur.
L'organisation administrative actuelle, monsieur le ministre, est caractérisée par l'absence d'un réel fil directeur, l'existence, souvent, d'anciennes baronnies et un manque de synergie globale. Elle freine l'élan mobilisateur attendu pour réussir une répartition optimale de toutes les compétences et des moyens financiers disponibles.
Là où la langue et la culture font défaut, que ce soit dans ou hors de nos frontières, c'est toute la France qui est absente ! L'Etat, par sa difficulté à imposer son autorité à ceux-là mêmes qui sont supposés le servir, se place dans une situation réduite aux acquis, pépinière du conservatisme, facteur de repli sur soi et source de déclin.
Telle est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je ne voterai pas les crédits affectés aux affaires étrangères. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Guy Penne. C'est du beau ! Vous commencez mal !
M. le président. La parole est à M. Dulait.
M. André Dulait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais, à propos de ce budget, évoquer un point qui n'a pas été beaucoup évoqué depuis ce matin : il s'agit des organisations non gouvernementales, les ONG.
Dans un ouvrage paru cette année à la Documentation française sous la direction de M. Michel Doucin, celui-ci relève que l'« on n'a jamais autant parlé de société civile internationale, de pouvoir mondial des ONG » alors que les bases juridiques de ces nouveaux acteurs de la diplomatie demeurent très fragiles. Cinquante ans après la Charte des Nations unies, « on ne sait toujours pas très bien de quoi il s'agit et aucun cadre juridique international ne leur a été organisé ».
Malgré cette carence, les ONG sont devenues des acteurs incontournables de l'action extérieure. Les Etats n'agissent plus sans les prendre en compte. Elles ont gagné un énorme pouvoir de mobilisation de l'opinion. Passées de 200 en 1945 à 1 600 aujourd'hui, dotées d'un statut consultatif auprès du Conseil économique et social de l'ONU, en vertu de l'article 71 de la Charte, leur place s'est fortement développée avec les grandes conférences des Nations unies ; elles ont su organiser des coalitions sur de grands thèmes tels que la dette des pays pauvres, la convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel, ou encore le traité sur la Cour pénale internationale.
Forces de proposition, simples sous-traitants, voire partenaires, quelle peut être leur place ?
Pour la France, une vingtaine d'ONG collectent 80 % des ressources. Le budget de cinq d'entre elles est de plus de 30 millions d'euros et celui des douze suivantes oscille entre 7 millions et 30 millions d'euros.
Le budget des ONG françaises de solidarité internationale est évalué à 500 millions d'euros. D'origine privée à hauteur de 56 %, ces fonds, dont les plus grandes organisations sont, bien entendu, les premières bénéficiaires, proviennent de collectes de dons encouragées par des campagnes de publicité.
Si les hommes et les femmes qui se dévouent au quotidien ne sont, bien sûr, pas mis en cause, il n'en demeure pas moins que la montée en puissance des ONG soulèvent deux questions principales d'ordre différent.
La première concerne les organisations non accréditées à l'ONU que le secrétaire général, M. Kofi Annan, a largement accueillies. Il semble, et il est même certain depuis les événements du 11 septembre dernier, que, parmi ces « invités », des groupes aux buts contestables, voire terroristes, aient trouvé là une tribune internationale.
Monsieur le ministre, quelles dispositions peuvent être prises pour éviter toute dérive ? Comment trier le bon grain de l'ivraie ?
La seconde question concerne le financement et le contrôle de l'emploi des fonds publics, sachant que la France reste très réservée quant aux transferts aux ONG de l'aide publique au développement. Seulement 0,6 % des fonds sont ainsi transférés en France, soit dix fois moins que dans certains pays d'Europe du Nord.
Il apparaît de plus en plus nécessaire, et nous l'avons signalé dans un rapport sénatorial, de mieux évaluer les interventions et de s'interroger sur l'impact des « microactions » de développement.
Monsieur le ministre, notre diplomatie n'a peut-être pas toujours pris la juste mesure de l'influence des grandes ONG internationales, qui ont su s'ériger en groupes de pression efficaces pouvant amener les décideurs, telle la banque mondiale, à modifier les conditions qui rendaient certains projets irréalisables.
A cet égard, la règle des « trois R » établie par un romancier spécialiste de l'espionnage, à savoir « redondance, rivalité, rationalité », s'applique peut-être aussi dans le monde des ONG.
Pour conclure, sachez, monsieur le ministre, que ces propos ne sont pas inspirés par une quelconque défiance ; bien au contraire, ils reflètent le point de vue d'un élu qui est depuis longtemps persuadé que ces nouveaux acteurs de la scène internationale que sont les ONG contribuent à l'humanisation de la société et participent au progrès et à l'avancée démocratique dans le monde.
J'ai toutefois évoqué des raisons suffisantes pour affirmer que la démarche des ONG doit faire l'objet de la vigilance des nations et de leurs parlements. Il ne saurait en effet être question pour les Etats de se laisser diaboliser. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Dauge.
M. Yves Dauge. Monsieur le ministre, en ouvrant mon intervention, je veux attirer votre attention sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur, celui de la réforme de votre ministère, car j'estime que, dans votre domaine de compétence comme dans les autres, il est assez difficile d'aborder les questions budgétaires sans se poser simultanément la question de la réforme de l'Etat.
C'est, certes, un sujet commun, mais autant il est facile à un ministère de demander toujours plus, autant il peut lui être difficile de se réformer pour tendre vers une action plus efficace et plus lisible.
Vous avez, vous, engagé une réforme. Dès votre arrivée, vous et Charles Josselin avez manifesté la volonté de réunir vos deux ministères. C'est une bonne chose. Certains le regrettent, et on peut les comprendre car ils craignent que la coopération ne disparaisse au profit de la diplomatie traditionnelle. J'estime au contraire que l'institution doit se transformer - le monde a changé - afin de ne pas se trouver progressivement décalée par rapport à la réalité.
L'enjeu actuel, les orateurs qui m'ont précédé - et notamment M. Pelletier, l'ont fort bien fait - c'est la pauvreté, ainsi que les maux qui lui sont liés.
L'histoire de la coopération au cours des dernières décennies, marquée par le militantisme, c'est en partie celle des relations de la France avec un continent en pointe, celui de l'Afrique. En faisant entrer dans votre ministère le monde de la coopération, vous faites, monsieur le ministre, une bonne action.
Maintenant, il faut évaluer l'état d'avancement de la réforme : êtes-vous satisfait, monsieur le ministre, de l'étape à laquelle nous sommes parvenus ?
A mon avis, nous sommes encore loin du but ! Ne perdons pas de vue l'importance de l'enjeu des réformes institutionnelles engagées. Vous avez fait, monsieur le ministre, un pari courageux. Maintenant, il faut faire aboutir la réforme. Or, de par mes contacts avec votre ministère, je sais qu'y coexistent deux mondes qui ne se reconnaissent pas toujours.
Je ferai quelques suggestions, à propos desquelles je souhaiterais connaître votre sentiment.
Au-delà de la fusion des affaires étrangères et de la coopération, il me semble que l'aide au développement manque de lisibilité. On ne sait pas très bien quelles sont au fond nos priorités. La lecture attentive d'un certain nombre de documents permet, certes, de les dégager, mais je souhaiterais que les grands programmes nationaux d'action et d'aide au développement soient clairement affichés. Point n'est besoin d'en distinguer vingt-cinq, il suffit de s'en tenir au programme prioritaire de la réforme des institutions.
Comment aider le tiers monde si la France n'est pas capable de jouer un rôle fondamental dans l'émergence d'institutions démocratiques ? La France peut légitimement jouer ce rôle, compte tenu de son histoire.
S'agissant du sida, dont on parle constamment aujourd'hui et qui nous choque tous, comment imaginer que la France joue un rôle majeur, à la hauteur de ses ambitions, sans un grand programme sur la santé ?
Je pourrai également évoquer l'éducation, mais aussi la politique des villes. Leur croissance exceptionnelle dans les pays en développement est source de tous les maux mais, en même temps, une chance de progrès. La France a une expérience, des choses à dire sur ce sujet exceptionnel. La coopération, et c'est compréhensible, avait un caractère rural marqué, mais le monde a changé. Or nous sommes souvent absents lorsqu'il s'agit du développement des villes. Les enjeux sont pourtant grands.
Tels étaient les grands thèmes que je souhaitais aborder.
Dans chacun des domaines que j'ai évoqués, le partenariat est fondamental. J'ai entendu ce matin notre collègue Michel Charasse mettre en cause l'Europe. Je connais par coeur la question de la sous-consommation des crédits, mais je peux affirmer - et personne ne pourra me contredire - que, si la France ne sait pas consommer les crédits européens, ce n'est pas la faute de l'Europe mais bien celle de la France ! C'est notre problème.
C'est autour de projets, et de partenariats, qu'il faut aller chercher les fonds européens. Les projets européens ne tombent pas du ciel ! Nos projets peuvent aussi bénéficier d'une forte aide européenne. De nombreux pays s'y prennent beaucoup mieux que nous en la matière. Pourquoi ne les imiterions-nous pas ?
Je ne dis pas qu'il ne faut pas faire du « bilatéral », bien au contraire, mais d'être fort dans ce domaine n'empêche pas de l'être aussi pour monter des projets financés par l'Europe. Certains l'ont d'ailleurs compris et l'agence française de développement commence à le faire. Ne disons donc pas que l'Europe ne sert à rien parce que ses crédits ne sont pas consommés. C'est aussi à nous, Français, de démontrer que l'Europe peut jouer un rôle important. En Afrique, la France pourrait servir de pionnière à l'Europe, et je souhaite qu'elle le fasse. Pourquoi ne pas décider que c'est une priorité ?
En matière de partenariat, je voudrais évoquer les actions qui doivent être menées à l'échelon interministériel.
A cet égard, je suis choqué de constater que le ministère de l'éducation nationale ne participe pas au grand projet relatif à l'éducation, alors qu'il dispose d'un budget de 400 milliards de francs ! Aucune raison ne justifie que le ministère des affaires étrangères soit à ce point sollicité pour financer des causes nationales qui excèdent largement les limites de son champ d'action !
M. Daniel Goulet. Parfaitement !
M. Yves Dauge. De même, le grand ministère de l'équipement, des transports et du logement, auquel j'ai eu l'honneur d'appartenir, pourrait faire davantage s'agissant des villes. Quant au ministère de la culture et de la communication, il fait tout son possible, et cela est bien.
Cependant, c'est vous le chef de file, monsieur le ministre, et l'action interministérielle doit s'articuler autour de l'administration que vous dirigez pour donner de meilleurs résultats. Chaque ministère doit apporter une contribution beaucoup plus forte à une grande cause, que votre budget ne peut seul financer.
Enfin, j'aborderai un sujet sur lequel nous ne sommes pas toujours d'accord, monsieur le ministre, et qui suscite des réticences de votre part.
Je suis persuadé que l'administration centrale n'a pas vocation à remplir des missions professionnelles ou techniques. Ce n'est pas son rôle, sans qu'il soit question d'exprimer ici une quelconque défiance à son égard.
En effet, pourquoi l'Agence française de développement rencontre-t-elle un succès qui ira en grandissant ? Pourquoi l'Association française d'action artistique et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger donnent-elles satisfaction ? Pour ma part, je suis favorable aux agences, même s'il est peut-être souhaitable que l'on n'en multiplie pas le nombre, et je souhaiterais vivement que ce type de structure joue un plus grand rôle en matière de développement.
Ce n'est pas, je le répète, faire preuve de défiance à l'égard du ministère, c'est un souci d'efficacité qui m'anime : il faut être professionnel pour mener des actions et monter des opérations. Une administration centrale peut-elle à la fois gérer un grand ministère, définir les grandes orientations, concevoir des politiques et mettre en oeuvre celles-ci ? Je ne le crois pas. Si l'on veut être moderne, il faut aller jusqu'au bout d'une logique d'organisation. Certes, ce ne sera pas facile, parce que les réformes que cela suppose seront douloureuses, mais peut-être pourrons-nous progresser dans cette voie dans les années qui viennent.
En ce qui concerne les centres culturels, je ne reviendrai pas sur le rapport que j'ai rédigé sur ce thème, monsieur le ministre, mais je suis heureux de voir l'administration centrale réagir de manière positive à un certain nombre d'idées que nous avions formulées, notamment lors des débats que vous avez organisés à la porte Maillot, et qui avaient recueilli une assez large adhésion.
Nous avions en particulier souhaité que les centres culturels bénéficient d'une plus large autonomie. Il ne s'agit nullement de remettre en cause la mission de l'ambassadeur : le conseiller et l'ambassadeur doivent rester dans leurs rôles respectifs, mais ne faisons pas du directeur de centre culturel un simple exécutant, placé au service d'une hiérarchie et cantonné à de modestes tâches de documentation. Non, le directeur de centre culturel est un acteur à part entière, qui assume une mission importante et qui dirige une institution dont l'oeuvre s'inscrit dans la durée.
L'action des centres culturels doit se placer dans une perspective fondamentale de partenariat avec les milieux locaux, afin de faire rayonner la France en profondeur et non pas au détour de quelques événements qui passeront, promus par quelques ambassadeurs ou conseillers qui, eux aussi, passeront. Entendre de tels propos ne fera pas plaisir à tout le monde, certes, mais nous devons faire montre de courage.
En effet, c'est l'identité même de la France qui est ici en jeu, au travers de la question des centres culturels. Qui sommes-nous et qu'avons-nous à dire aux autres ? Ce thème devrait être au coeur du débat politique en France ! Il s'agit non pas de maintenir un réseau pour faire plaisir à quelques-uns, mais de mettre des moyens au service d'une grande cause nationale. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Cointat.
M. Christian Cointat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis toujours, la France a une vocation internationale. Celle-ci doit être non seulement préservée, mais aussi assurée et développée. Cela suppose que notre pays se dote de moyens à la hauteur de ses légitimes ambitions, pour reprendre une expression de M. Paul d'Ornano, à qui j'ai eu l'honneur de succéder et auquel je tiens à rendre hommage à l'occasion de ma première intervention à la tribune.
Les Français de l'étranger représentent un vecteur essentiel du rayonnement de la France sur toute la surface de notre planète. Il faut donc les encourager à tenter la grande aventure de l'international au service de notre pays : cela demande effort et imagination, car, contrairement à d'autres nationaux, nos compatriotes ne s'expatrient pas volontiers. Ils aiment vraisemblablement sentir la proximité de la mairie et, sur eux, le regard de Marianne !
Au demeurant, notre structure institutionnelle et administrative est l'une des plus évoluées, pour ne pas dire la plus évoluée du monde, avec un réseau consulaire étendu, un ensemble étoffé d'établissements scolaires de qualité, une assemblée élue au suffrage universel, à savoir le Conseil supérieur des Français de l'étranger, et des sénateurs.
Encore faut-il que cet outil remarquable soit doté de ressources suffisantes et utilisé au mieux dans l'intérêt général.
A cet égard, les membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger jouent un rôle considérable sur le terrain. Ils vivent au contact non seulement de nos compatriotes expatriés, mais également de la population des pays d'accueil, dont ils partagent souvent le quotidien.
De par leur position, leurs connaissances, la légitimité démocratique que leur confère leur élection au suffrage universel, leur engagement au service de la France, ils constituent, en complémentarité avec les postes diplomatiques, un atout remarquable pour notre pays, malheureusement encore trop souvent sous-exploité, monsieur le ministre, ce qui est dommage. Cette organisation institutionnelle spécifique mérite que d'importants efforts soient consentis pour en tirer le plus grand bénéfice. Les membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger sont en quelque sorte les conseillers généraux ou régionaux de la communauté française établie hors de France. Ils délibèrent sur toutes les questions relatives à l'expatriation comme à la présence française dans le monde, conseillent en la matière le Gouvernement et les pouvoirs publics, reçoivent les doléances de nos compatriotes expatriés en difficulté à l'étranger, interviennent pour adapter et améliorer les dispositions applicables.
A l'instar d'élus locaux, ils répondent aux demandes d'information et de conseil des Français de l'étranger, qui souvent s'adressent à eux, ne sachant quelles démarches administratives entreprendre pour garantir leurs droits ou pour satisfaire à leurs diverses obligations.
A l'heure où il est question, en métropole, de renforcer la « démocratie locale », où le Parlement est saisi d'un projet de loi et de plusieurs propositions de loi, adoptées par notre assemblée, tendant à conférer aux élus locaux un véritable statut et de véritables garanties, il serait anormal que ces élus du suffrage universel que sont les cent cinquante membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger soient laissés pour compte.
Ces derniers représentent de vastes circonscriptions, qui sont parfois à l'échelle de plusieurs Etats. Ils doivent disposer de moyens suffisants, dans l'exercice de leur mandat, pour se déplacer dans leurs circonscriptions et répondre à l'attente de nos compatriotes.
Or, leurs indemnités, qui sont bien loin de couvrir l'ensemble des frais engagés, ont vu leur montant réévalué pour la dernière fois en 1999. Ce n'est pas convenable : certes, ce mandat, il faut le souligner, est exercé à titre bénévole, mais il convient toutefois de poser des limites à ce bénévolat si l'on souhaite garantir l'efficacité de l'action des élus, ainsi que l'égalité devant le suffrage universel.
Par ailleurs, les crédits consacrés au Conseil supérieur des Français de l'étranger stagnent depuis plusieurs années. Etablis à 9,7 millions de francs dans la loi de finances pour 2000, ils sont restés fixés au même montant dans la loi de finances pour 2001 et ils demeurent encore inchangés dans le projet de loi de finances pour 2002. Ce n'est pas normal, monsieur le ministre !
A l'heure où les bouleversements mondiaux que nous connaissons exigent que nos compatriotes expatriés aient des interlocuteurs proches, est-il opportun de laisser stagner les crédits d'une assemblée élue au suffrage universel direct, alors que son rôle pourrait être utilement élargi pour le plus grand bénéfice de notre pays ? Ces insuffisances existeraient-elles si les Français de l'étranger, comme les Français de métropole ou de l'outre-mer, constituaient formellement une collectivité assimilée, dans ses droits et devoirs, à une collectivité territoriale ?
A cet égard, le moment me semble venu, monsieur le ministre, d'engager une réflexion de fond sur ce sujet, avec l'objectif de mener à son terme logique l'oeuvre entreprise depuis 1982, année qui a vu la première élection au suffrage universel des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger, à savoir la création d'une collectivité publique rassemblant les Français établis hors de France.
Ce qui est en jeu, dans ce débat, ce sont les préoccupations quotidiennes très concrètes de nos compatriotes installés à l'étranger, qui, plus que jamais en ces heures troublées, ont besoin de la proximité et de l'assistance des services français et de leurs élus.
Après les attentats du 11 septembre, notre politique d'aide et d'assistance aux Français de l'étranger doit être dotée de moyens budgétaires et humains appropriés. Une attention particulière doit être portée aux crédits destinés à assurer la sécurité des Français à l'étranger, aux crédits de rapatriement et au fonds de secours pour nos compatriotes.
Les crédits consacrés à la sécurité des Français de l'étranger avaient déjà fortement diminué dans le budget pour 2000. Malgré les événements du 11 septembre, ils stagnent encore cette année : la situation devrait pourtant conduire à prévoir une réserve supplémentaire.
Dans le contexte international que nous connaissons, nos compatriotes s'inquiètent également d'éventuelles spoliations dans des Etats non démocratiques, qui bafouent les droits de l'homme. Or, en dépit de demandes réitérées - je parle sous le contrôle de notre doyenne, Mme Brisepierre, qui s'est totalement impliquée dans ce dossier extrêmement sensible - la mise en place d'un dispositif de solidarité nationale visant à ce que la France continue à compter des ressortissants dans ces pays à risques, comme cela est son intérêt, a régulièrement fait l'objet d'une fin de non-recevoir de la part du Gouvernement. Ce n'est pas acceptable ! Certes, je n'ignore pas, monsieur le ministre, que c'est le Gouvernement et non le ministère des affaires étrangères qui nous oppose ce refus, mais vous en êtes solidaire !
J'espère que les crédits affectés à l'emploi et à la formation professionnelle permettront de mettre en place, avec le concours des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger et sur l'initiative des comités consulaires, des actions-pilotes en direction des entreprises et des Français de l'étranger qui souhaitent une meilleure formation ou une reconversion.
Je ne m'attarderai pas sur le sujet du budget des bourses scolaires, qui a déjà été excellemment évoqué tout à l'heure. Si les crédits sont en progression de 1,52 million d'euros, il reste que cet effort demeure insuffisant devant l'accroissement important des droits d'écolage. Nous sommes bien loin de la gratuité de l'enseignement pour nos compatriotes expatriés, qui continuent à subir une discrimination par rapport aux Français de France.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget est l'expression d'une volonté politique, celle du Gouvernement. Or elle n'est pas suffisante pour qu'il puisse être fait face aux enjeux auxquels est confrontée la France, non plus que pour soit donnée réponse aux attentes de nos compatriotes expatriés, qui, par leur dynamisme, leur esprit d'entreprise, leur courage, voire les risques qu'ils prennent, portent haut les couleurs de notre pays.
Rappelons-nous, nous qui sommes présents dans cet hémicycle, cette phrase de René Coty : « Vous êtes, Français de l'étranger, au premier rang des serviteurs de la nation. » On semble l'avoir oubliée en élaborant ce projet de budget, aussi, à mon grand regret, monsieur le ministre, et en dépit de l'estime que je vous porte pour votre action, ne le voterai-je pas. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Boulaud.
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur l'Europe.
Une politique étrangère européenne n'a de sens et ne peut être mise en oeuvre que si elle prend appui sur un outil de défense intégré, lui aussi, à l'Union européenne. Ce premier budget en euros pourrait avoir valeur de symbole en matière de sécurité et de défense européenne. C'est la raison pour laquelle je situerai volontairement mon propos aux frontières de la défense et des affaires étrangères, d'autant plus que le contexte international se trouve modifié depuis le 11 septembre dernier.
Une nouvelle fois, la nécessité d'une Europe cohérente et déterminée dans son action extérieure a été démontrée. L'Union européenne ne doit pas se cantonner à un rôle supplétif, mais doit s'affirmer comme un interlocuteur incontournable dans les questions de sécurité planétaire. Le défi de la construction de l'Europe de la défense doit être relevé et la consolidation de sa politique étrangère ainsi assurée.
Les Européens partagent un nombre croissant d'intérêts et de principes politiques qui constituent le fondement d'une politique extérieure et de sécurité commune. Ils disposent d'une palette d'instruments politiques, financiers, commerciaux et humanitaires qui fait l'originalité et la force de l'action extérieure de l'Union. C'est cet ensemble que doit venir compléter la politique européenne de sécurité et de défense.
L'Union européenne dispose aujourd'hui des structures nécessaires pour conduire une opération militaire. Elles ont été mises en place au cours des trois dernières années.
A cet égard, le sommet de Saint-Malo, en décembre 1998, n'a pas été une illusion. L'impulsion initiale donnée par le couple franco-britannique a été relayée par les travaux conduits sous la présidence allemande, puis par l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam.
Le sommet de Cologne a permis, quant à lui, de définir une politique de défense commune. Il y a été énoncé que l'Union devait pouvoir disposer d'une capacité d'action autonome soutenue par des forces militaires crédibles, avoir les moyens d'y recourir et être prête à le faire en cas de crise internationale, sans préjudice des actions de l'OTAN.
A Helsinki, un an plus tard, deux rapports relatifs à la sécurité et à la défense, présentés par la présidence finlandaise, ont été avalisés par le Conseil. Sur cette base, les Quinze ont décidé la création de nouveaux organes et de nouvelles structures politiques et militaires : un comité politique et de sécurité, le COPS, où les décisions sont prises au nom des gouvernements, un comité militaire, un état-major de veille, d'analyse de situation et de planification stratégique et, enfin, un centre de situation.
Ces structures sont aujourd'hui en fonction et leurs procédures de travail feront l'objet d'une ultime validation au cours des prochaines semaines. L'Union européenne dispose désormais des capacités nécessaires pour conduire une opération de gestion de crise. Placées auprès du Conseil de l'Union européenne, ces structures permettent aux Quinze de définir l'orientation politique et la direction stratégique nécessaires à la planification et à la conduite d'opérations dirigées conjointement par les Etats membres.
Le Conseil européen de Feira, qui a eu lieu le 19 et le 20 juin 2000, a pris d'importantes décisions pour le développement des capacités militaires, mais aussi civiles, de gestion de crises par l'Union européenne. Depuis trois ans, les Etats européens ont obtenu des résultats importants en matière de coopération et de coordination des choix d'armement.
Enfin, le mois prochain à Laeken, l'Union européenne sera déclarée opérationnelle, c'est-à-dire capable de suivre l'émergence d'une crise politico-militaire, d'identifier les options d'actions en fonction d'une situation donnée et de mobiliser les moyens militaires civils pour y répondre et coordonner leur emploi.
Dans cette optique, la constitution et l'harmonisation des capacités militaires de l'Union européenne se poursuivent.
De nombreuses avancées ont ainsi été réalisées, montrant que Saint-Malo, comme je l'ai dit, n'a pas été un mirage.
L'état-major européen monte doucement en puissance et l'OCCARD, l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement, existe enfin.
L'année 2000 aura été l'année de la ratification du traité sur l'OCCAR. Appelée à devenir une véritable agence européenne de l'armement, elle opère aujourd'hui sa montée en puissance, s'apprête à accueillir de nouveaux membres et à intégrer de nouveaux programmes.
A partir de ce constat, pourquoi ne pas prévoir une grande OCCAR de la recherche et du développement qui coordonnerait les efforts dispersés, lesquels ne représentent, au total, que le quart de l'effort américain ?
La signification du prochain programme intégré au cours de l'année 2001 est particulièrement importante : il porte sur l'avion de transport militaire A 400 M et constituera le plus grand programme d'armement fédérateur pour l'industrie européenne. Il est également emblématique de la volonté commune des Etats européens en matière d'armement. Il dotera l'Union européenne d'une capacité massive pour projeter nos forces.
La France, pour sa part, remplit parfaitement ses engagements : l'autorisation de programme de 3 049 milliards d'euros, attribuée à la suite d'une décision gouvernementale prise l'année dernière, sera complétée par la loi de finances rectificative pour 2001. Même si nous attendons la décision allemande, les progrès réalisés dans ce domaine ne peuvent être occultés.
Votre projet de budget, quant à lui, permet à la France d'être à la hauteur de ses ambitions et de ses responsabilités européennes, tout comme le projet de budget de la défense, par exemple, qui sera examiné dans quelques jours et qui, bien que très serré, permet une bonne réalisation de la loi de programmation, l'une des meilleures depuis longtemps, qui consolide et achève la professionnalisation de notre système de défense facilitant ainsi la mise en oeuvre de la politique européenne de défense. Cette professionnalisation, annoncée le 22 février 1996 un peu au petit bonheur la chance a été heureusement mise en oeuvre par le Gouvernement de M. Lionel Jospin, avec l'application et le sérieux que chacun s'accorde aujourd'hui à lui reconnaître. C'est tellement vrai que j'ai pu constater que, dans le contre-bilan établi par la droite au sujet de la défense, la colonne destinée à mettre en pièces le bilan du Gouvernement est restée désespérément vide.
La France contribue ainsi à hauteur de 20 % à la constitution des capacités militaires de l'Union européenne, avec un accent particulier mis sur les capacités stratégiques, telles que le renseignement, le commandement, la communication et le contrôle. Des lacunes persistent cependant et elles sont l'illustration d'autres priorités que se sont données nos partenaires européens dans leurs choix d'équipement au cours des décennies passées.
En préparation de la conférence de capacité qui a eu lieu à Bruxelles le 19 novembre dernier, les six principales nations européennes ont donc préparé des contributions additionnelles. La contribution française porte, en particulier, sur la conduite des opérations et le renseignement, les forces multinationales, les capacités offensives et la projection des forces.
En outre, en partenariat avec l'industrie, un programme de technologies cohérent et ciblé est lancé, l'ETAP, programme européen d'acquisition de technologie, destiné à poser les fondements des systèmes aériens de combat européens du futur. Il vise à soutenir et à développer les capacités européennes en matière de systèmes aériens de combat, pendant les deux prochaines décennies.
Cette approche par capacité repose sur les moyens apportés par les différents Etats. Or, l'une des difficultés actuelles apparaît sur le plan budgétaire et sur le plan financier. En ce domaine, on peut nourrir quelques inquiétudes.
La réponse au terrorisme et aux crises internationales doit pouvoir mobiliser au sein de l'Union tous les efforts en matière de politique étrangère et de défense. Le prochain traité devra prendre en compte cette réalité. Face aux nouvelles menaces et aux exigences géopolitiques du XXIe siècle, l'Union doit renforcer ses politiques, en particulier dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.
Le moment est-il venu d'envisager que l'Union comble son vide institutionnel actuel pour aboutir à une politique de défense commune relevant de la compétence communautaire ?
Nous sommes partisans d'un monde multipolaire ; nous souhaitons une mondialisation maîtrisée et au service des peuples ; nous voulons contribuer à la paix dans le monde. Il nous faut donc une Union européenne efficace, forte et démocratique, capable d'assumer pleinement son rôle planétaire. La PESC doit être l'outil de cette affirmation européenne.
Notre Europe aura bientôt à assumer des responsabilités considérables dans les Balkans. Les Européens jouent dès à présent un rôle central dans le sud-est du continent. Prévenir les conflits, endiguer la violence, assurer et consolider la paix : voilà les tâches que les Européens ont bien assumées dans cette région si tourmentée ces dernières années.
Nous devons être prêts à prendre toute notre place dans la région. Les Américains envisagent de partir ; cela doit nous donner l'occasion de tester les véritables intentions de nos partenaires au sein de l'Union.
Enfin, j'évoquerai nos responsabilités en Méditerranée. Le sud de l'Europe nous intéresse, monsieur le ministre. En effet, on pourrait penser, d'une manière un peu simpliste, que l'élargissement de l'Union européenne pourrait se faire au détriment de notre engagement, de l'engagement européen, avec les pays de la rive sud de la Méditerranée.
Je pense, au contraire, que cet élargissement à venir sera le moment propice pour lancer des initiatives fortes vers les pays riverains de la Méditerranée.
Je pense aussi qu'il est de la responsabilité de notre pays de proposer un programme d'actions destiné à développer et à consolider les liens, les coopérations, les associations, de l'Union européenne avec les pays du Maghreb au moment où nous élargissons notre Europe.
En votant votre budget, nous vous invitons, monsieur le ministre, à faire en sorte que le sud de l'Europe ne soit pas le grand oublié des prochaines années. C'est un devoir de solidarité et une exigence de sécurité. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. André Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais vous présenter les grandes lignes du projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2002, qui enregistre une évolution positive, et répondre aux nombreuses remarques de MM. les rapporteurs ainsi qu'aux questions qui m'ont été posées. Je le ferai sans M. Charles Josselin, qui est retenu à Toronto pour une réunion concernant TV 5.
Avant d'entrer dans le détail du budget, rejoignant en cela le rapporteur spécial M. Chaumont, qui soulignait que l'examen du budget des affaires étrangères ne peut se faire indépendamment du contexte international, je voudrais d'abord vous donner quelques indications pour rappeler comment la diplomatie que je conduis, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, fait face au redoutable défi créé ou révélé par la tragédie du 11 septembre. J'irai à l'essentiel, puisque j'ai pu mesurer, une fois encore, en vous écoutant attentivement, l'importance que vous accordez à ces questions et la connaissance que vous en avez. J'ai noté toutes les questions, notamment celles qui ont été posées par M. de Villepin sur l'Irak et les différents aspects qui s'y rattachent. Je commencerai, bien sûr, par les événements du 11 septembre et l'Irak.
Le défi urgent et principal, c'est évidemment la lutte contre le terrorisme. Nous l'avons dit dès le début. Nous avons été solidaires instantanément et vous savez que la France a joué un rôle très important pour l'adoption des résolutions au Conseil de sécurité des Nations unies dès le lendemain du 11 septembre, puis pour les deux autres.
Lutter contre le terrorisme, nous l'avons dit aussi immédiatement, c'est le punir - l'article 51 de la Charte des Nations unies a été invoqué tout de suite pour définir le droit à la légitime défense -, c'est aussi l'éradiquer, c'est-à-dire détruire les réseaux, les financements et traiter les causes profondes. Pour ce faire, nous avons toute une gamme de moyens, d'enceintes, de mécanismes, de conventions internationales. Je rappelle que, dès 1999, j'avais présenté à l'ONU une convention internationale contre le financement du terrorisme, texte qui faisait encore défaut.
Mais c'est aussi prévenir, en combattant les idéologies de haine, les dévoiements religieux, fanatisés, dépasser les contradictions réapparues à l'occasion de la conférence des Nations unies de Durban avant l'attentat du 11 septembre, qui montraient bien toute une série de fractures qui sont encore présentes dans notre monde, tout en luttant contre le piège de la guerre des civilisations dans lequel quelques manipulateurs fous voudraient nous entraîner, à travers ces actes terroristes.
Il convenait d'établir une solidarité large dépassant les Etats-Unis et l'Europe occidentale : c'était le concept même de coalition, mis en avant très justement par le secrétaire d'Etat américain Colin Powell, dès le début.
Donc, sur cette affaire du 11 septembre, sur cette réaction immédiate, sur l'engagement à long terme, il y a eu une solidarité, un engagement et une très grande clarté des Européens vis-à-vis de leur partenaire américain. Cette lutte contre le terrorisme se poursuivra bien sûr après que l'objectif de destruction du réseau Al-Qaida et du système taliban qui l'abritait aura été atteint, et je crois que cet objectif est maintenant accessible à assez court terme.
J'en viens à l'Afghanistan, parce qu'il ne faut pas que nous nous concentrions uniquement sur la lutte contre le terrorisme en refaisant l'erreur commise en 1992, le monde entier avait alors abandonné les Afghans à leur sort, ce qui avait enclenché les guerres civiles que l'on sait, que les Afghans ne veulent pas connaître à nouveau.
En Afghanistan, l'effondrement du régime des talibans, que j'avais qualifié de répugnant voilà plusieurs mois, bien avant le 11 septembre, se confirme.
L'aide humanitaire donnée sans conditions commence à être acheminée à partir du Turkménistan et de l'Iran : 13 000 tonnes d'aide alimentaire arriveront le 12 décembre prochain. A la suite de la visite de M. Josselin, nous avons obtenu l'accréditation des ONG françaises en Ouzbékistan. MSF, Acted, Solidarités, pour n'en citer que quelques-unes, sont déjà de retour à Mazar-e-Charif. Voilà quelque temps déjà, j'ai envoyé une mission pour évaluer la situation dans les pays voisins à partir desquels on peut travailler, ainsi qu'une autre mission pour évaluer la situation de l'hôpital de Kaboul. Grâce aux ONG françaises, trois cliniques fonctionnent déjà à Kaboul.
Donc, sur le plan humanitaire, nous avons été rapides et généreux, soit directement à titre bilatéral, soit dans le cadre européen, soit par le biais des organismes spécialisés.
Sur le plan politique, je voudrais rappeler ici que, dès le 1er octobre, la France a été le premier pays à dire qu'il n'y avait pas seulement une question humanitaire d'urgence, une action militaire prévisible et que nous devions nous préoccuper de l'après-guerre. L'action militaire n'avait pas encore commencé à ce moment-là, mais nous avions anticipé son déclenchement, son résultat, sa réussite et nous nous sommes tout de suite penchés sur la question politique, puis sur la question de la reconstruction. C'est pour cela que, dans le plan d'action pour l'Afghanistan du 1er octobre, j'avais souligné l'importance du processus politique permettant aux Afghans, aux Pachtouns et aux autres groupes de trouver un équilibre entre eux, de bâtir une autorité représentative de transition, puis un Gouvernement pour commencer à reconstruire ce pays.
On retrouve les principes du plan français dans le travail remarquable de M. Brahimi, le représentant spécial pour l'Afghanistan du secrétaire général des Nations unies, et dans la troisième résolution votée par le Conseil de sécurité. C'est autour de ces principes que tentent de se rapprocher les Afghans, qui sont en train de négocier à la conférence de Petersberg.
La France a été généreuse sur le plan humanitaire. Mais je ne dis pas cela pour que l'on se vante. C'est bien normal, et cela ne suffit pas. Nous avons été, je crois, inventifs et rapides sur le plan politique. Nous avons été disponibles sur le plan militaire, mais les Etats-Unis ont fait un choix qui est le leur, que je respecte, et qui consiste à agir essentiellement par l'armée américaine. On a pu parler d'une « guerre du Pentagone ». Mais ce sont eux qui avaient été blessés, humiliés et touchés directement. On le sait, les militaires américains trouvent plus commode d'agir ainsi que d'avoir à discuter de la stratégie, de la tactique et des cibles, comme cela avait été le cas lors de la guerre du Golfe, et plus encore dans l'affaire du Kosovo. Il n'y a pas à se sentir vexé du choix fait par l'armée américaine et par les dirigeants des Etats-Unis, qui découle d'une commodité dans la conduite des opérations. Il n'en demeure pas moins que les propositions françaises ont été appréciées sur plusieurs plans, notamment en matière de reconnaissance aérienne, en matière navale, et plus encore en matière de renseignements. J'ajoute que c'est exactement la même chose pour tous les autres pays ?
En ce qui concerne l'aide immédiate ou la reconstruction - beaucoup d'entre vous en ont parlé, notamment MM. Plancade, Mathieu et de Montesquiou ainsi que Mme Luc - je voudrais distinguer deux choses, et je l'ai dit voilà quelques jours déjà. L'aide humanitaire doit être accordée sans conditions, de notre part en tout cas, et si des pays voisins ou des autorités de fait locales afghanes mettent des obstacles, ce que nous regrettons, c'est tout à fait navrant compte tenu des besoins des populations. En tout cas, de notre part, c'est un geste spontané, généreux, il n'y a pas de conditions à l'aide humanitaire.
En revanche, en ce qui concerne la construction de l'Afghanistan - je ne dis même pas « la reconstruction », car il y a tellement peu à reconstruire qu'il vaut mieux parler de la construction d'un pays nouveau, sur tous les plans -, nous ne sommes pas prêts à aider au retour à l'Afghanistan d'hier ou d'avant-hier, c'est-à-dire à l'Afghanistan des guerres civiles, à l'Afghanistan des femmes opprimées sous les talibans, à la régression. Ce pays a connu une époque moderne, avec une constitution libérale, une époque où il n'y avait pas de discrimination et où des femmes étaient ministres, parlementaires et exercaient tous les métiers ; c'était certes surtout vrai en ville, mais c'était un mouvement qui commençait.
Il a été affirmé clairement - et je l'ai fait dire à Washington voilà quelques jours dans une conférence sur l'aide, comme on l'avait fait dire à New York et comme on l'a fait redire par les Quinze - que notre aide - je ne veux pas le dire d'une façon trop brutale ou trop cynique, car il faut aussi tenir compte du chaos et de l'héritage de la guerre - veut s'inscrire dans un mouvement de construction d'un pays nouveau.
Nous attendons des chefs afghans, qui sont aujourd'hui réunis sous l'égide de M. Brahimi, qu'ils se mettent d'accord sur une administration provisoire. A partir de là, nous aurons un interlocuteur pour travailler. Toutes les suggestions ont été notées - je pense en particulier au lycée de Kaboul, qui était d'ailleurs afghan plutôt que franco-afghan, mais on verra dans le détail comment agir après - et, dès que nous aurons des responsables - dans tous les sens du terme - afghans en face de nous, nous réenclencherons immédiatement ce processus de coopération. Croyez-moi, nous ne serons pas absents sur ce plan, pas plus que sur les autres ; de même, j'ai parlé longuement de la situation des femmes en Afghanistan avec une délégation que j'ai reçue voilà quelques jours.
Mais, comme je l'ai déjà dit très récemment devant l'assemblée générale des Nations unies, la lutte nécessaire contre le terrorisme, à court terme et dans la durée, ne nous dispense pas d'agir sur d'autres plans. Là est le point central ! La France ne fait pas partie des pays qui ont découvert les maux du monde le 11 septembre ; c'est vrai sur à peu près tous les conflits de la planète. Nous n'avons donc pas à être gênés par des raisonnements du genre : « Le fait de s'intéresser à tel ou tel sujet comme le conflit du Proche-Orient n'est-il pas une façon de donner raison au terrorisme, et n'est-ce donc pas moralement inacceptable ? » On ne peut pas dire cela de la politique étrangère française, car voilà déjà fort longtemps que nous avons mis l'éclairage sur des problèmes dramatiques comme celui du Proche-Orient. Rappelez-vous que la demande par la France d'un Etat palestinien remonte au discours de François Mitterrand à la Knesset en mars 1982. (Marques d'approbation sur les travées socialistes.) Il a fallu attendre 1999 pour que les autres pays européens rejoignent la France sur ce point ; et il a fallu attendre le mois d'octobre 2001 pour que cela devienne un objectif de la diplomatie américaine et du président Bush. Tant mieux, car cela nous donne une base commune pour travailler.
Mais, en ce qui concerne le Proche-Orient, le Moyen-Orient, la situation de la société irakienne, la Méditerranée, l'Afrique subsaharienne ou l'Afrique des grands lacs - j'ai retenu ce qu'a dit M. Del Picchia à cet égard -, tous ces sujets dont vous avez parlé sont des préoccupations constantes de la diplomatie française. Nous ne cessons d'attirer l'attention de nos partenaires dans le monde entier sur les situations intolérables qui subsistent et sur la nécessité de s'en occuper pour des raisons tant humaines et morales que de sécurité. Nous le faisons en permanence.
J'espère que le choc du 11 septembre, non seulement ne fera pas oublier ces autres nécessités mais aboutira également à ce que nos partenaires, et notamment les grands pays riches occidentaux qui ont évidemment plus de moyens, fassent preuve d'une énergie accrue dans le traitement de ces questions.
J'ai cité des conflits particuliers, mais j'étends mon propos à la situation du monde en général. Nous constatons bien - nous l'avons vu à Seattle, à Gênes et à Durban - qu'il y a une contestation sur la façon même dont se déroule la mondialisation. Nous dépassons la période un peu euphorique de ces dernières années, pendant laquelle la mondialisation était considérée comme parée de toutes les vertus, comme si le monde entier partageait de façon consensuelle une vision unique sur notre conception de la démocratie occidentale, de l'économie de marché, de nos principes moraux. Tout le monde était d'accord, sauf quelques pays « voyous », comme disaient les Etats-Unis. Il y avait donc un grand consensus.
Mais - nous le voyons bien - c'était une vision prématurée, et ce consensus reste à bâtir. C'est cela le sens des propositions que ce gouvernement, en particulier, a multipliées en ce qui concerne la réforme du Conseil de sécurité, la réforme du Fonds monétaire international, la réforme de la Banque mondiale, l'élargissement des critères à prendre en compte dans la négociation de l'Organisation mondiale du commerce.
En effet, autant ceux qui contestent l'OMC comme instrument de régulation ont évidemment tort, car un instrument de régulation vaut mieux qu'une guerre commerciale, autant, c'est évident, on ne peut pas régler tous les problèmes du monde sur une base commerciale étroite et être aveugle au reste.
Tel est le sens de notre engagement pour la Cour pénale, pour le protocole de Kyoto, pour tant d'autres instruments multilatéraux qui, évidemment, ne sont pas prisés par les pays qui mènent une politique unilatérale ; mais nous devons oeuvrer dans ce sens, de même que nous devons travailler avec plus d'énergie que jamais sur chacun des conflits que j'ai cités précédemment.
C'est la politique étrangère française. Vous n'avez d'ailleurs pas émis de critiques à cet égard, bien que vous n'en ayez pas été avares sur d'autres points particuliers - j'y reviendrai tout à l'heure -, conformément à l'atmosphère du moment. En tout cas, s'agissant de la politique étrangère française, j'ai entendu vos propos comme autant d'encouragements, de suggestions très utiles et de discussions, et je vous en remercie.
S'agissant de l'Europe, il n'y a aucune raison que, dans cette affaire afghane, et dans ses suites, les Européens se sentent délaissés et manifestent un quelconque vague à l'âme.
L'Europe a bien réagi. Les Européens ont été instantanément solidaires. Ils ont pris des dispositions efficaces et intelligentes pour assurer le maximum de sécurité aux citoyens européens. Les Européens ont immédiatement accéléré les procédures d'harmonisation et de coopération en matière de justice et d'affaires intérieures - c'est ce que l'on appelle « JAI » dans le jargon communautaire.
L'Europe a fait des propositions aux Etats-Unis. Pour des raisons techniques que j'ai indiquées, les Etats-Unis, sur le plan militaire, n'ont pas spécialement eu besoin de qui que ce soit - marginalement un ou deux pays -, mais cela ne remet rien en cause. Le but de l'Europe n'était pas d'avoir constitué ces dernières années un corps expéditionnaire pour aller dans l'Hindoukouch. Par conséquent, ce n'est pas parce que les choses se déroulent dans ce lieu et dans ce contexte que cela change quoi que ce soit aux ambitions européennes, qui sont toujours aussi justifiées, et que cela modifie en quoi que ce soit l'agenda européen, qui est toujours aussi chargé et aussi important et que nous allons traiter avec autant d'ambition.
Nous avons devant nous - cela a encore été redit avec force lors des 78es consultations franco-allemandes de Nantes, comme avec les Italiens, comme tout à l'heure à Londres - deux grands processus que nous devons réussir.
Tout d'abord, nous devons réussir l'élargissement - la France ne se lasse pas de le répéter - qui est entamé depuis longtemps et que demande toute l'Europe. Il ne s'agit pas d'être pour ou contre. Le traité de Rome a ouvert l'Europe à tous les pays démocratiques d'Europe. Mais l'élargissement, cela se négocie, cela se réussit dans l'intérêt des pays membres comme dans l'intérêt des pays candidats et dans l'intérêt de l'avenir de l'Union européenne.
Par ailleurs, il nous faut réussir le processus politique lancé en conclusion du traité de Nice, qui doit aboutir en 2004. Ce processus, qui commence par une convention l'an prochain, se poursuiva par une conférence intergouvernementale l'année suivante ; il doit apporter une réponse à toute une série de questions, telle la question clé de la répartition des compétences, en vue d'une clarification et d'une meilleure « lisibilité » du mécanisme européen.
C'est dans cet esprit que, à Nantes, le Président de la République, le Premier ministre et le Chancelier allemand ont rappelé que ce traité devant découler de l'accord de 2004, que nous voulons réussir, devrait prendre la forme d'une Constitution pour l'Europe qui serait compréhensible par tous les citoyens.
Dans le débat à propos de l'avenir de l'Europe, engagé dans toutes les régions françaises et animé par Pierre Moscovici, nous avons constaté que les Français, contrairement à ce que l'on dit, étaient très intéressés, très curieux et très demandeurs à cet égard. Ils en viennent cependant - et ils ont raison - aux conclusions institutionnelles, en partant des objectifs. Ils attendent de l'Europe toute une série d'avancées précises et concrètes en rapport avec leur vie quotidienne. C'est donc à ce titre qu'ils se posent la question du fonctionnement des institutions. C'est à mon avis un bon message qu'ils nous envoient ainsi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez bien, et comme le montrent vos interventions, la France est animée par une diplomatie globale complète et présente sur tous les fronts, une diplomatie de mouvement qui s'efforce de gérer les urgences les plus graves comme les grands intérêts permanents.
J'en viens maintenant à la suite de mon propos, à savoir la présentation des grandes lignes du projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2002.
Ce projet de budget enregistre pour la troisième année consécutive - vous ne pouvez pas ne pas le reconnaître - une évolution positive, avec une augmentation de 1,3 % à structure constante par rapport à la loi de finances de 2001, et une stabilisation des effectifs qui confirme un renversement de tendance durable après l'hémorragie des moyens de ce ministère enregistrée entre 1994 et 1998. Je crois que tout le monde le sait ici !
Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis. Exactement !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Le projet de budget pour 2002 s'établit à 22,4 milliards de francs et, si l'on y ajoute la contribution française au Fonds européen de développement, il atteint 23,8 milliards de francs. Bien entendu, ce budget ne satisfait pas toutes les demandes que Charles Josselin et moi-même avons présentées pour que la France renforce sa présence, son influence, son appui au développement dont vous avez à juste titre constamment souligné la nécessité, et encore moins l'addition de toutes vos demandes.
Mais l'augmentation du budget de loi de finances pour 2001 a reflété essentiellement la forte progression des contributions obligatoires destinées aux organisations internationales dont le niveau est d'ailleurs reconduit - nous avons en effet remonté ce niveau ces trois dernières années - tandis que le nouveau projet de budget représente une augmentaion de crédits de l'ordre de 285 millions de francs, à structure constante, qui permet de poursuivre la mise en oeuvre des priorités que nous avons données à notre action, même si une partie de ces moyens est absorbée par les effets négatifs des changes.
S'agissant des contributions volontaires dont la progression est jugée insuffisante par MM. Chaumont et Dulait, je rappelle qu'elles ont fortement augmenté en 1999, en 2000 et en 2001.
Je reviens un instant sur la remarque de M. Chaumont concernant l'insuffisance des crédits des opérations de maintien de la paix. Ces contributions obligatoires, comme vous le savez, sont par nature imprévisibles. Depuis 1999, la tendance est à la hausse. Malgré la remise à niveau des crédits pour la loi de finances de 2001, il est exact que des crédits complémentaires sont nécessaires : 950 millions de francs sont prévus dans le collectif budgétaire. La situation pour 2002 est difficilement prévisible.
Ainsi, on ne peut pas dire à ce stade quelle sera l'incidence exacte des événements qui ont lieu en Afghanistan. Si nécessaire, la dotation sera ajustée en conséquence. C'est pour cette raison que ce chapitre a un caractère provisionnel.
J'en viens maintenant aux axes prioritaires, qui sont au nombre de quatre : la coopération internationale, l'accueil et l'asile, les Français à l'étranger, la modernisation.
Avant tout, la coopération internationale prise comme un ensemble voit ses moyens augmenter de façon sensible. Ce n'est pas un hasard. En effet, l'une des réponses à la montée des critiques sur la mondialisation réside dans notre politique de coopération internationale sous toutes ses facettes.
Au niveau multilatéral d'abord, cela se traduit dans les orientations défendues par la France dans les différentes instances internationales et dans l'impulsion donnée aux mécanismes financiers de types nouveaux.
Sur le plan des mécanismes financiers nouveaux, avec l'annulation de la dette des pays les plus pauvres, la France s'est engagée à un effort total, qui représente plus de 10 milliards d'euros ! Pour le Fonds mondial santé-sida, le Premier ministre a annoncé une contribution de 150 millions d'euros sur trois ans. Les pays favorables à l'application de la convention de Kyoto, dont la France, se sont engagés par ailleurs à une augmentation substantielle d'ici à 2005 de leurs contributions au Fonds mondial pour l'environnement.
S'agissant de la promotion du dialogue des cultures, de la diversité culturelle et de la francophonie, sur le plan multilatéral, la France travaille aux côtés de ses partenaires de la francophonie et a choisi avec eux l'UNESCO comme le cadre privilégié de son action. Par ailleurs, comme vous le savez, la France et l'Europe défendent aussi ces valeurs en refusant que le secteur culturel fasse l'objet d'offres de libéralisation à l'OMC - c'est ce que l'on appelle l'« exception culturelle », et que je qualifie plutôt, pour ma part, de « diversité culturelle », expression qui me paraît plus attractive. C'est grâce à notre action principalement que ce sujet n'a pas figuré à l'ordre du jour de la conférence de Doha. Nous avons d'ailleurs été peu nombreux, en Europe, lorsque nous avons élaboré le mandat de négociation du commissaire Lamy, pour refuser que cela y soit. Et si nous avions dû nous prononcer à la majorité qualifiée sur ce point, la question culturelle ferait partie des discussions de l'OMC.
Sur le plan européen, la France contribue pour plus de 24 % au budget du FED. Certains s'en réjouissent, d'autres le regrettent. En réponse à Michel Charasse, qui critique la part et l'efficacité de l'aide européenne, je rappelle que la réforme de l'aide communautaire engagée sous présidence française par le Conseil de développement du 10 novembre 2000 et mise en oeuvre activement par le commissaire européen M. Patten, qui est lui-même vraiment convaincu de la nécessité absolue de réformer ce système, se met progressivement en place : agence EuropeAid et début, en ce moment même, de la déconcentration dans cinq délégations couvrant huit pays ACP. La France sera très attentive à la mise en oeuvre de cette réforme qui doit nous permettre de mieux faire jouer l'effet de levier de notre contribution aux dépenses du FED. Cette contribution est dorénavant inscrite dans le budget du ministère des affaires étrangères.
Pour 2002, 3358 millions d'euros sont ouverts en autorisations de programme et 218,5 millions d'euros le sont en crédits de paiement. Cet écart entre les autorisations de programme et les crédits de paiement peut entraîner des incertitudes sur le niveau des décaissements. C'est pourquoi nous avons demandé et obtenu des engagements du ministère des finances pour que soient mis à notre disposition, en temps utile, les abondements qui pourraient s'avérer nécessaires.
La conviction de l'importance renouvelée de la coopération s'exprime également sur le plan bilatéral ; je dis cela pour tous ceux qui s'inquiètent de la répartition entre le bilatéral et le multilatéral. Globalement, les crédits de la coopération internationale et du développement du ministère, avec 129,53 millions de francs de mesures nouvelles nettes, hors transferts, marquent une progression qui, nous l'espérons ne sera pas remise en cause par des mesures de régulation comme en 2001. (MM. Chaumont et Charasse, rapporteurs spéciaux, font un signe d'approbation.) Vous vous associez certainement à ce souhait.
Les crédits de la DGCID prévus pour 2002 s'élèvent ainsi à 9,447 milliards de francs avant transferts, en augmentation de 1,8 % par rapport à 2001.
Au total, le besoin de politiques de coopération et d'aide au développement efficaces et appuyées sur des outils adaptés est plus fort que jamais. Notre politique le prend en compte.
MM. Chaumont et Charasse, Mme Brisepierre ainsi que MM. Pelletier et Demuynck se sont inquiétés de l'évolution de l'aide publique française au développement.
Après la baisse observée depuis 1994, dont vous connaissez les raisons, une quasi-stabilisation est intervenue en 2000, et les dernières estimations pour 2001 indiquent que l'aide publique au développement française remontera légèrement à 0,34 % du PIB contre 0,32 % en 2000.
Avec la progression de nos contributions au FED et les nouveaux mécanismes financiers - PPTE, fonds santé-Sida, environnement - je souhaite que cette tendance se confirme dans les années qui viennent. Cela me paraît, comme à vous, indispensable même si, lors de mes voyages en Afrique, je constate que les Africains ne demandent plus seulement de l'aide. Ils demandent autant d'accès aux marchés. Il faut avoir une vision globale de la façon dont nous les accompagnons dans leur développement.
La conversion des créances en dons dans le cadre de l'initiative PPTE se fera selon le principe de l'additionnalité.
La France reste l'un des principaux fournisseurs d'APD. Elle était en 2000 le cinquième pays donateur en volume, derrière les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne et presque à égalité avec le Royaume-Uni. Elle reste, en pourcentage du PIB - 0,32 % - le plus généreux des pays du G7 et se situe largement au-dessus de la moyenne des pays membres du CAD de l'OCDE, soit 0,22 %.
S'agissant de notre aide aux pays les moins avancés, qui préoccupe M. Charasse, je précise que, au-delà des chiffres sur l'importance de l'aide, les choix qui sont faits - lutte contre la pauvreté, initiatives contre le sida - confirme l'attention que la France porte aux pays les plus pauvres.
Enfin, la France s'attache à une approche plus qualitative de l'APD. Elle plaide pour une régulation pertinente de la mondialisation qui prenne en compte les problèmes spécifiques des pays en développement et encourage la réflexion internationale sur le financement du développement, y compris par l'émergence de nouvelles approches telles que l'hypothèse d'une taxation internationale pour le financement des biens publics mondiaux.
Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2002 exprime bien, contrairement à ce qu'ont dit certains de vos rapporteurs, nos priorités pour la coopération internationale.
Par ailleurs, les crédits d'aide au développement s'inscrivent dans des priorités sectorielles et géographiques claires. Je ne suis donc pas d'accord - et je le regrette - avec ce qu'ont écrit Mme Brisepierre, MM. Penne et Dulait, qui regrettent l'absence de priorité.
S'agissant des crédits de coopération technique et d'aide au développement mis en oeuvre directement par le département, pour 2002, les priorités sectorielles sont doubles : il y a, d'une part, la lutte contre la pauvreté et les inégalités, et pour le développement durable ; d'autre part, l'aide à l'organisation de l'Etat, dont le rôle et la responsabilité sont essentiels à nos yeux - soutien à l'Etat de droit et aux droits de l'homme, bonne gouvernance, réformes institutionnelles.
Tout à l'heure, nous avons eu un débat sur la société civile. Je crois qu'on a un peu dépassé le temps où celle-ci et les ONG étaient considérées comme la panacée ; on en est arrivé à une position plus équilibrée : si l'action des ONG est tout à fait remarquable dans certains cas, ce n'est pas une raison pour affaiblir les gouvernements. Ce serait une erreur fatale. La plupart de ces pays sont sous-administrés, sous-gérés, ils ont besoin à la fois d'administrations renforcées, d'un Etat qui fonctionne bien et d'une société civile qui se développe. C'était une grande erreur conceptuelle d'opposer les deux, comme on l'a fait, ces cinq ou dix dernières années.
Toujours dans les priorités sectorielles, j'en viens à l'Agence française de développement.
Une lettre de mission pour son nouveau directeur général vient d'être signée. Elle fixe les priorités stratégiques de l'agence : promotion d'un développement économique stable et efficace, qui soit respectueux de l'environnement et plus soucieux de cohésion sociale. Cette précision rassurera certainement M. Charasse, qui craignait que ce soit l'agence qui fasse elle-même sa stratégie et plus largement celle de la coopération au développement de la France.
J'en viens aux priorités géographiques.
Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement a fait le choix en 2000 de maintenir le périmètre initial de la zone de solidarité prioritaire, ZSP. Celui-ci tient compte de la situation économique des pays, mais aussi des liens traditionnels de la France avec tel ou tel Etat. Compte tenu de notre histoire, du poids de notre aide au développement et de nos responsabilités mondiales, il n'est pas anormal que la zone prioritaire de la France soit plus étendue que celle d'autres bailleurs de fonds. Au demeurant, rien n'interdit une sélectivité interne à la ZSP, ce qui est déjà le cas, certains pays recevant plus que d'autres. L'appartenance à la ZSP, si elle confère vocation à bénéficier de certains instruments, n'y donne pas un droit automatique. C'est l'intérêt intrinsèque du projet ou du programme qui détermine l'aide.
Par ailleurs, la modernisation de nos instruments se poursuit.
Je veux m'arrêter un instant sur la réforme de l'assistance technique, qui a fait l'objet de nombreuses remarques de vos rapporteurs, Mme Brisepierre et M. Charasse, par exemple, qui donnent l'impression de regretter, plus que les Africains eux-mêmes, les mécanismes des années 1970 ou 1980.
La coopération française disposait, en début d'année, de 2 200 assistants techniques. S'ils sont numériquement en poste à 75 % dans les pays de la zone de solidarité prioritaire, les assistants sont aussi affectés dans des pays émergents, en transition et développés. Leur nombre a effectivement décru depuis le début des années quatre-vingt, car nous avons renoncé à la coopération dite de substitution initiée au début des années soixante et qui était terriblement critiquée à l'époque, il faut se le rappeler. Leurs fonctions ont connu une évolution en profondeur.
Comme le notent de nombreux rapporteurs, cette forme de coopération technique constitue un avantage comparatif majeur pour notre action extérieure. Elle figure donc parmi les priorités du budget de la DGCID, qui a maintenu en 2002 les moyens qu'elle y a consacrés en 2001. Elle a en outre prévu une dotation de 58 millions de francs pour financer le développement de l'expertise de courte et moyenne durée et le redéploiement de certains postes vers de nouveaux pays bénéficiaires du fonds de solidarité prioritaire.
Par ailleurs, le ministère a procédé, après une concertation avec les assistants techniques, à l'harmonisation indispensable du régime de ces personnels. A la fin de 2003, à l'issue d'une période de transition, l'ensemble des assistants techniques sera régi par le décret du 28 mars 1967.
La promotion de la coopération non gouvernementale est aussi un élément clé de notre dispositif rénové.
Ces moyens augmentent de 6 millions de francs, partagés entre la coopération décentralisée et les associations de solidarité internationale.
La réforme de la coopération a modifié les domaines d'action du fonds de solidarité prioritaire et de l'agence française de développement : l'AFD étend son champ d'intervention aux domaines sociaux et éducatifs, tandis que le FSP se concentre sur les projets de coopération institutionnelle. Cette répartition nouvelle nécessite un rééquilibrage des dotations budgétaires ; ainsi, s'agissant du fonds de solidarité prioritaire, les crédits de paiement sont abondés de 35 millions de francs alors que les autorisations de programme sont réduites de façon à mieux ajuster le rapport entre les deux.
L'adaptation du dispositif se traduit aussi par la création d'un article au titre IV pour les opérations exceptionnelles liées aux sorties de crises. Ce dispositif, qui réunit la cellule de crise du ministère et le secrétariat général de la défense nationale, est accompagné d'une dotation budgétaire de 50 millions de francs. Il comble le vide qui existait jusqu'alors dans le dispositif budgétaire en assurant une continuité depuis les situations d'urgence financées par le fonds d'urgence humanitaire jusqu'à l'aide au développement.
S'agissant de la coopération militaire et de défense, dont Mme Brisepierre, MM. Boulaud, Charasse et Dulait ont regretté les baisses de crédit, je souligne que, malgré les réductions, la coopération militaire s'adapte aux nouveaux besoins tels que la prévention des crises et la formation régionale des élites, grâce à un effort de rationalisation et de modernisation.
Le projet de loi de finances pour 2002 apporte aussi des moyens supplémentaires au service de la « bataille des idées » et de la francophonie.
La recherche d'une mondialisation plus équilibrée et plus équitable repose sur la coopération au développement, mais aussi sur notre capacité à faire valoir nos idées et nos valeurs dans les débats mondiaux et la promotion de la diversité culturelle et linguistique.
La programmation des crédits de coopération et d'action culturelle pour 2002 reflète nos objectifs en ce domaine : rénover notre réseau culturel tout en soutenant la pensée française dans la bataille des idées, former en France les élites mondiales, en tout cas en plus grand nombre, renforcer l'audiovisuel extérieur.
Comme le relève Mme Pourtaud, des mesures nouvelles sont ainsi prévues en faveur de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, des établissements culturels - répondant ainsi aux suggestions du rapport Dauge -, des bourses d'excellence Major visant à permettre aux meilleurs élèves des lycées français à l'étranger de poursuivre leurs études en France, de la diffusion des revues françaises et des opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure. Sur ce point, je suis d'ailleurs surpris du vote de la commission des affaires culturelles, qui aurait dû se féliciter de telles augmentations de crédits au lieu de se prononcer contre eux.
La priorité affichée pour 2002 c'est la relance de TV5 sur le continent américain qui s'appuie sur le nouvel accord conclu en 2001 avec nos partenaires. Cela a permis une rationalisation du dispositif et la création d'une entité nouvelle baptisée TV5 Monde, basée à Paris, qui a désormais la responsabilité de l'ensemble des signaux de la chaîne, mis à part celui qui est destiné au Canada.
Puisque certains d'entre vous en ont parlé, je voudrais moi aussi, alors que Jean Stock quitte ses fonctions, le féliciter pour le travail formidable qu'il a accompli à la tête de TV 5. Je regrette qu'il parte mais, au moment où il est arrivé, sur ma requête, il s'était engagé pour deux ans ; il est resté davantage, je l'en remercie.
En réponse à Mme ben Guiga, je précise que l'idée de la création d'une chaîne franco-arabe est actuellement étudiée avec la plus grande attention. Compte tenu de ces efforts, il me paraît difficile de soutenir, comme l'a fait M. Chaumont, que « l'audiovisuel public extérieur est un instrument délaissé ». Qu'on ne fasse pas tout ce qu'il faudrait faire et ce que je souhaiterais que l'on fasse, cela est vrai. Mais de là à dire que c'est un instrument délaissé, il y a une marge !
Je partage tout à fait les préoccupations de M. Hoeffel sur la nécessité de favoriser les réseaux culturels franco-allemands.
S'agissant de notre réseau en Allemagne, je précise que la réforme de la carte ne signifie aucunement un désengagement ni en moyens ni en implantations. Nous prévoyons, en effet, au moins une implantation dans chaque langue et des ouvertures vers la partie Est de l'Allemagne. L'Allemagne bouge, et il serait étonnant que notre réseau ne bouge pas ; je crois qu'il sera désormais beaucoup plus adapté à l'objectif visé.
Je poursuis avec la programmation relative à la francophonie, qui traduit la poursuite des axes du mouvement francophone.
Je confirme à M. Legendre que le report d'un an du sommet de Beyrouth n'aura pas d'incidence sur le développement de la francophonie ni sur la programmation de ses opérateurs, qui sera, comme pour chaque biennum , adoptée par la conférence ministérielle budgétaire qui va se tenir prochainement. Cette programmation devrait confirmer les orientations qu'a suivies le mouvement francophone ces dernières années et qui sont au nombre de quatre : l'approfondissement de l'Etat de droit et de la démocratie ; la diversité culturelle et linguistique ; la modernisation des opérateurs et des procédures ; enfin, le renforcement de la concertation entre francophones à l'occasion des grands rendez-vous de la vie internationale.
Pour répondre à tous ces besoins, la France annoncera à tout le moins le maintien de sa contribution lors de la conférence budgétaire de Paris, soit 248,6 millions de francs. Il me paraît en outre utile, pour le prochain biennum , de renforcer nos concours aux programmes de l'Agence pour la francophonie en faveur de l'Etat de droit et de la démocratie, pour répondre aux attentes légitimes suscitées par le symposium et la démocratie de Bamako.
Pour terminer avec le volet coopération et pour répondre aux observations concernant la fusion du ministère de la coopération avec celui des affaires étrangères, je voudrais rappeler que les arguments qui avaient conduit le Premier ministre à décider cette réforme n'ont rien perdu de leur pertinence, comme l'a tout à l'heure très justement rappelé Yves Dauge.
Rappelez-vous l'absence d'unité dans les démarches, la sclérose de nombreuses pratiques de coopération dans les pays du champ, l'absence de complémentarité des outils, l'absence de rationalisation du dispositif : nous avons pu nous attaquer à toutes ces déficiences grâce à cette réforme.
Sur le plan administratif, j'indique que la réforme, désormais achevée, s'est effectuée dans d'excellentes conditions : fusion des administrations, des budgets, des corps. Elle est même donnée par le ministère de la fonction publique comme un exemple de réforme réussie au sein de l'Etat.
L'essentiel est de faire vivre le dispositif actuel tant dans la dimension « affaires étrangères », incluant la coopération, que dans la dimension interministérielle, c'est-à-dire le pôle « affaires étrangères », le pôle « Bercy » et l'interministériel, en développant l'articulation avec les autres bailleurs de fonds - en particulier l'Union européenne et les organismes multilatéraux - la communication et l'évaluation. Cela fait partie du travail global que j'anime au sein du ministère.
Le deuxième axe, sur lequel je serai beaucoup plus bref, concerne l'amélioration des procédures d'accueil et le traitement de la demande d'asile, pour lesquel des moyens supplémentaires sont dégagés.
Vous évoquez souvent ce sujet à propos de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA. Pour que l'office puisse répondre aux 39 000 demandes nouvelles qui ont été enregistrées en 2000 - 4 000 dossiers nouveaux ont été déposés chaque mois depuis le début de 2001 - , une mesure nouvelle de 38 millions de francs destinée à assurer 94 recrutements, a été inscrite dans cette loi de finances. L'office a pour objectif de traiter, dans un délai inférieur à quatre mois, le flux des demandeurs d'asile et de résorber, avant la fin de 2002, les 21 500 dossiers en attente.
Ce budget maintient globalement l'effort engagé pour améliorer la situation des Français de l'étranger, en particulier en matière de protection sociale, d'enseignement et de sécurité. Deux millions de Français environ en vivent en permanence à l'étranger. Ils sont représentés par le Conseil supérieur des Français de l'étranger, le CSFE, dont M. Cointat a rappelé les missions. Mme Cerisier-ben Guiga, dans son rapport, a souligné la situation de précarité dans laquelle se trouvaient certains d'entre eux.
Je précise, à l'attention de vos rapporteurs et de M. Cantegrit, que, suivant les recommandations de ce rapport, les moyens consacrés à l'aide aux Français de l'étranger en matière d'aide sociale et de formation professionnelle augmentent de nouveau en 2002.
Contrairement à ce qu'a dit M. de Montesquiou, que je suis heureux de rassurer, les crédits consacrés à la sécurité des Français à l'étranger ne diminuent pas : ils sont maintenus.
L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, qui accueille 158 000 élèves français et étrangers dans 270 établissements répartis dans le monde, voit également ses moyens augmenter, une part significative de ceux-ci étant affectée aux bourses scolaires destinées aux élèves français. A la dotation allouée à l'AEFE dans le projet de loi de finances pour 2002, il convient d'ajouter près de 20 millions d'euros en autorisations de programme pour les investissements des établissements en gestion directe.
S'agissant des moyens de l'AEFE, je tiens, là encore, à rassurer - mon discours se veut décidément rassurant ! (Sourires) - Mmes Brisepierre et Cerisier-ben Guiga, ainsi que MM. Chaumont, Penne, Duvernois et Dauge : j'ai proposé la co-tutelle au ministère de l'éducation nationale. Vous pensez bien que cette idée m'a traversé l'esprit ! Ce n'est pas encore fait mais le problème est clairement posé.
Le niveau de la subvention pour 2002 et le fonds de réserve permettent d'assurer le financement de la réforme sur les rémunérations des résidents ainsi que la poursuite de la politique d'augmentation des bourses.
Les crédits consacrés à la sécurité des Français à l'étranger ont connu une progression constante. Ils seront renforcés pour améliorer et compléter le dispositif existant : cellule de veille, plans de sécurité, cellule de crise, site « conseil aux voyageurs », qui ont démontré leur efficacité à la suite des événements tragiques du 11 septembre.
Afin de ne pas ajouter des retards dans la mise en oeuvre de la réforme concernant la caisse des Français de l'étranger, des instructions seront adressées aux postes et des formations sur les modalités d'application mises en place.
Enfin, ce budget permet de poursuivre la modernisation du ministère par la valorisation et une mobilisation plus grande des ressources humaines ainsi que par la mise en oeuvre de la déconcentration.
Pour la troisième année consécutive, avec 9 466 emplois inscrits au projet de loi de finances pour 2002, les effectifs sont stables et permettent, grâce à des mesures de redéploiement interne et à une politique dynamique de recrutement, de respecter les priorités que constituent l'encadrement dans les services des visas, les fonctions de gestion, tant à l'administration centrale que dans les postes à l'étranger, et le renforcement des directions politiques.
Ainsi, je précise, à l'attention de Mme ben Guiga et de MM. Dulait et del Picchia, que vingt-trois emplois de titulaires et vingt-huit recrutés locaux ont pu être dégagés en 2000 et 2001 pour renforcer les services des visas. J'en profite pour dire à M. Pelletier que le nombre de visas délivrés aux étudiants étrangers a plus que doublé depuis cinq ans et a été multiplié par trois pour les Africains.
L'ouverture de concours portant sur plus de 200 emplois de catégorie C permettra de poursuivre le renforcement des postes consulaires, notamment en Algérie.
Le renforcement de la politique de formation figure aussi parmi nos priorités : une enveloppe unique de crédits, hors rémunérations, a été inscrite au titre III pour un montant de 4 millions d'euros, afin de couvrir les besoins de formation de l'ensemble des personnels, y compris le personnel recruté localement. En outre, comme je m'y étais engagé l'an dernier, un institut diplomatique a été créé pour compléter et couronner le dispositif global de formation, lui-même sensiblement renforcé, et répondre à une exigence croissante de professionnalisme.
S'agissant de la situation des agents de recrutement local à l'étranger, je vous rappelle que, dès 1998, j'ai engagé une étude qui a débouché sur des propositions très concrètes. Le plan d'action pour la valorisation du recrutement local, d'une part, et l'amélioration de la gestion et de la situation de ces personnels, d'autre part, ont été très rapidement mis en place.
Dans son rapport, M. Chaumont s'inquiète de l'insuffisance des moyens affectés à ces personnels. Je lui précise que la dotation budgétaire pour la rémunération des 5 850 recrutés locaux du réseau diplomatique et consulaire a été très substantiellement augmentée pour mettre en oeuvre ce plan d'action et compenser l'effet-change : aux 40 millions de francs supplémentaires accordés en base budgétaire en 1999, le ministère a ajouté par redéploiement 63 millions de francs en gestion 2000 et 2001.
En 2002, la dotation budgétaire sera à nouveau abondée de 20 millions de francs afin de prendre en compte la hausse du dollar et de poursuivre les améliorations considérables réalisées en faveur des rémunérations, de la protection sociale et de la situation juridique de ces agents. Au total, 573 millions de francs sont destinés à rémunérer ces agents, qui représentent plus de 70 % du personnel d'exécution du réseau diplomatique et consulaire.
Enfin, nouvelle étape dans la déconcentration, le regroupement des moyens de fonctionnement et de rémunération des recrutés locaux au sein d'un chapitre unique permettra une gestion plus simple et plus efficace, grâce à des reports de crédits, et facilitera une déconcentration de la gestion. La réforme comptable, d'ores et déjà appliquée à 99 postes répartis dans quarante-trois pays, sera ainsi étendue à 50 nouveaux postes.
En conclusion, je voudrais souligner, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'à bien des égards, ce projet de loi de finances constitue un aboutissement de la logique de réforme et de fusion des moyens de la coopération internationale que nous avons mise en oeuvre. Je pense notamment à l'adaptation du dispositif d'assistance technique, au dispositif nouveau de sortie de crise, à la fusion du chapitre de coopération culturelle et scientifique et du chapitre de coopération technique et au développement en un grand chapitre 42.15 global et cohérent, qui facilitera la gestion.
Il est impératif que nous nous attachions, dans le cadre des travaux préparatoires, à la mise en oeuvre de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, à adopter des cadres et des méthodes qui permettront une plus grande lisibilité du budget, en particulier la traçabilité - pour parler comme dans l'élevage - des dépenses relevant de l'APD.
Au total, si ce budget n'est pas de nature à déclencher l'enthousiasme des parlementaires avertis que vous êtes, viscéralement attachés, comme je le suis moi-même, à l'influence et à la présence de la France dans le monde, il ne mérite pas pour autant l'excès de critiques que j'ai pu entendre aujourd'hui ou lire dans les rapports.
M. Guy Penne. Bravo !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Ce budget est en effet objectivement meilleur, Guy Penne l'a souligné à juste titre, que celui qui était présenté l'année passée et qui avait été voté à l'unanimité par le Sénat.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Nous vous avions donné une chance !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Le budget des affaires étrangères a d'ailleurs toujours été voté par le Sénat,...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Absolument !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. ... qu'il soit bon, parfois, ou qu'il soit mauvais, le plus souvent. (Murmures amusés.)
Et voilà que, cette année, comme par hasard, alors qu'il est relativement meilleur que ceux qui l'ont précédé, notamment entre 1993 et 1997, vous le jugez inacceptable. En novembre 2001, votre patience cède brusquement...
Vous me dites que c'est pour provoquer une réaction, pour que la France se dote enfin des moyens d'influence dont elle a besoin aujourd'hui. Qui ne serait d'accord ? Mais je m'interroge : n'est-ce pas plutôt un effet du calendrier ? (Sourires et exclamations.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ce n'est pas le genre de la maison !
M. Didier Boulaud. Oh ! Ils n'oseraient pas ! (Nouveaux sourires.)
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. J'ai en effet du mal à le croire...
M. Alain Vasselle. Vous êtes un bon diplomate ! (Nouveaux sourires.)
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Je ne sais pas si vous pensez à la France ou au printemps prochain...
MM. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, Nicolas About et Louis Moinard. Au printemps de la France ! (Nouveaux sourires.)
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. En réalité, la progression des crédits de coopération et d'action culturelle, la poursuite de la modernisation de nos instruments et le développement de mécanismes financiers nouveaux nous permettent de traduire concrètement les axes prioritaires de notre politique de coopération, conjuguant aide au développement et solidarité, influence dans les débats mondiaux, dans la bataille des idées, et défense de la diversité culturelle. Cette politique traduit notre objectif fondamental.
Comme l'a dit M. le Premier ministre voilà quelques jours, nous devons prolonger la coalition contre le terrorisme - qui est la priorité d'aujourd'hui - par une coalition pour un monde plus équitable. C'est cet objectif que sert la politique étrangère de la France. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, qu'en est-il de la reconstruction du lycée de Kaboul ?
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Cela fait partie, madame la sénatrice, des projets dont nous parlerons avec les nouvelles autorités afghanes.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant les affaires étrangères.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 38.643.690 euros. »
Sur le titre III, la parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous examinons cet après-midi un budget sur lequel un jugement désapprobateur peut être porté. Mais cela ne signifie pas, monsieur le ministre, qu'un tel jugement doit nécessairement être porté sur la politique générale de votre ministère.
En fait, la commission des finances recommande un vote contre votre budget parce que celui-ci n'est pas adapté à la politique étrangère que vous-même, selon votre propre discours et celui que tiennent les hautes autorités du pays - discours que nous approuvons - entendez mener.
Les moyens de votre politique ne vous sont pas donnés, monsieur le ministre, et nous ne voulons pas accréditer l'idée selon laquelle les chiffres qui sont inscrits à votre budget correspondent à vos voeux.
Nous saluons très sincèrement la manière dont vous concevez votre rôle et, en votant contre ce budget, nous avons même l'impression de vous aider à faire en sorte que les crédits soient enfin au niveau du discours que vous êtes appelé à tenir au nom de la France. N'avez-vous pas admis tout à l'heure que les budgets successifs du ministère des affaires étrangères étaient plutôt mauvais ?
Les compétences qui sont celles de la commission des finances sont limitées puisqu'elles sont d'abord budgétaires ; elles l'amènent à examiner des chiffres et à se fonder sur eux, et sur eux seulement, pour définir sa position. Nous ne pouvons nous en remettre sans cesse à des déclarations d'intention. Faisant plutôt confiance à votre personne, à écouter vos déclarations, nous pourrions être tentés, c'est vrai, de voter votre budget, comme nous l'avons fait les années précédentes, mais nous ne saurions nous contenter, année après année, de discours. Pour ce qui est du concret, l'analyse qui a été faite par nos rapporteurs spéciaux parle d'elle-même.
Avant de conclure, j'insisterai sur deux points.
Je soulignerai d'abord que ce budget des affaires étrangères s'inscrit au fond dans la dérive générale de la politique budgétaire menée au cours de cette législature, qui a consisté à privilégier les moyens de fonctionnement au détriment des moyens d'investissement à plus long terme, en l'occurrence les moyens d'intervention à l'extérieur.
Hélas ! Les chiffres sont sans équivoque. Le tiers du budget des affaires étrangères est aujourd'hui consacré au fameux agrégat « personnel, moyens de fonctionnement, équipement des services ». Plus généralement, si l'enveloppe globale des crédits d'action extérieure de la France a régressé au cours de la législature, celle de l'« animation des services » a progressé. Or vous n'êtes pas le ministre de l'animation : vous êtes le ministre des affaires étrangères de la France, qui est un grand pays, dont la place est importante pour l'équilibre dans le monde.
Par ailleurs, pour essayer de lutter contre cette dérive, nous avons réformé l'ordonnance organique. Cela prouve que le Sénat se détermine non en fonction du calendrier électoral mais selon ce qui lui apparaît comme l'intérêt de la France, ainsi que vous nous y avez appelés.
Cette réforme prévoit en effet que les budgets devront dorénavant non plus être construits et présentés autour des seuls moyens des ministères, mais traduire fidèlement les objectifs du Gouvernement, et donc la politique qu'il entend mener. Il s'agira, en d'autres termes, de faire du budget un instrument de la politique et non plus seulement son objet.
Le budget que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, n'est pas conforme à cette nouvelle définition. C'est la raison pour laquelle la commission des finances, en conscience, a décidé de le rejeter. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. J'interviens non pas pour rejoindre les critiques suffisamment formulées par ailleurs, mais pour suggérer l'utilisation de nouvelles technologies en liaison avec les industriels, les associations, les ONG et les fondations afin, conformément à la tradition française d'aide aux pays en développement, de tenter de réduire la fracture, immorale, dangereuse et tout particulièrement inquiétante, entre les riches et les pauvres. Je pense notamment à la fracture numérique.
Les chiffres sont dramatiques : dans les pays dits en voie de développement, on compte trois accès Internet pour mille habitants, moins d'un téléphone pour mille habitants en zone rurale. Ce fossé numérique les marginalisera-t-il encore plus ?
Le pire n'est pas certain. Comme en témoignent beaucoup d'industriels, d'associations villageoises, de cybercafés, dans ces pays, la demande est très forte. Les services qui représentent la France à l'étranger - en particulier les vôtres, monsieur le ministre - pourraient probablement, et même certainement, avec l'appui des ONG, des industriels, des associations diverses, mener un véritable combat contre cette fracture numérique.
De multiples bonnes volontés ont préparé le terrain. C'est ainsi que la fondation Sophia Antipolis, soutenue par des industriels, des collectivités locales, différents ministères, dont le vôtre, forme des cadres étrangers depuis des années. Elle a passé des conventions avec la Tunisie, le Brésil et bien d'autres pays d'Europe, d'Asie ou d'Afrique pour diffuser des services adéquats, notamment par voie satellitaire.
Récemment, le directeur de développement d'Alcatel nous a cité cet exemple.
On a demandé, nous a-t-il rapporté, à une responsable d'association d'un village au Burkina Faso si elle choisirait en priorité un puits d'eau douce pour son village ou un accès Internet. Elle a répondu sans hésiter que sa priorité c'était l'accès à Internet, parce qu'il lui permettrait de prendre contact avec d'autres villages qui auraient pu résoudre ce problème d'eau potable ou de solliciter des associations et des ONG qui aideraient à financer le forage d'un puits.
D'autres expériences ont été réalisées, notamment au Bangladesh, avec ce qu'on appelle des Phones Ladies , à qui on loue des téléphones portables. Grâce à ce système, 5 000 emplois directs ont été créés. D'ici à quelques années, 50 000 villages indiens auront été connectés sans investissement considérable, simplement grâce au chiffre d'affaires que ce système génère lui-même. Il y a donc des quantités de possibilités.
Je pense qu'il faudrait, comme il y a vingt ans avec les volontaires pour la formation à l'informatique, lancer une campagne active pour inciter les jeunes à suivre des stages. Quantité de jeunes ingénieurs et médecins ne demanderont pas mieux que d'y participer, afin de perpétuer la tradition humanitaire de notre politique extérieure de la France. (M. Pelletier applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au début du siècle dernier, Emile Combes, président du Conseil, dont on a retenu le nom à l'occasion du vote de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat, mais qui avait d'autres qualités, disait un jour en conseil des ministres, sur une question de politique étrangère qui venait ainsi inopinément, à ses collègues ministres : « Laissez cela, messieurs ! C'est une affaire qui relève de M. le Président de la République et de M. le ministre des affaires étrangères. »
Cet état d'esprit sous la IIIe République, qui était tout de même une République très parlementaire - sans doute plus que la nôtre aujourd'hui - a sans doute fondé la tradition selon laquelle on vote toujours les budgets régaliens de la défense et de la politique extérieure. En effet, ce débat - et je n'ai d'ailleurs pas entendu beaucoup de critiques sur la politique extérieure de la France - dépasse de beaucoup les clivages traditionnels. Et l'on se dit qu'au fond, content ou pas content, on ne prive pas l'exécutif des moyens qu'il demande, quoi que l'on en pense.
La politique étrangère, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, fait, je crois, quasiment l'unanimité, comme votre politique, monsieur le ministre, votre personne, cette manière de faire qui est la vôtre, cet amour de la France - parce que je vous connais un peu - que vous ont appris vos parents, courageux dans la Résistance, et que vous a appris aussi, celui qui nous a fait, vous et moi, ce que nous sommes, dont vous ne trahissez ni les leçons ni le message et dont vous ne reniez rien.
Par conséquent, nos critiques, justifiées à mon avis, ne vous visent pas. Pour ma part, je conserverai de votre passage au ministère - que j'espère le plus long possible - un bon souvenir parce que je considère que vous êtes un bon, même un remarquable ministre des affaires étrangères.
Les critiques de nos commissions, notamment celles de la commission des finances, visent, en fait, à vous aider à obtenir mieux et, finalement, monsieur le ministre, elles ne sont pas nouvelles. Voilà des années que nous déplorons, même sous les gouvernements précédents, la manière dont les moyens évoluent ou n'évoluent pas, voire évoluent mal.
Je dois dire cependant que proposer cette année au Sénat de supprimer le peu qu'il vous reste me paraît une curieuse réaction. (M. le rapporteur général sourit.) Notre critique, mes chers collègues, ne doit pas nous conduire, même de bonne foi - et nous le sommes sans doute tous - à placer la France dans l'impossibilité d'être présente dans le monde et de diffuser le message de la République auquel nous tenons tous tant.
Par conséquent, la logique et la tradition républicaine, quoi que l'on en pense, c'est de voter les crédits des affaires étrangères.
J'ajoute, pour avoir connu deux de ces périodes - et Hubert Védrine en vit la troisième aujourd'hui - qu'en cohabitation, s'en prendre au Gouvernement, c'est aussi s'en prendre au Président de la République et ce n'est pas convenable parce que devant nos assemblées, il est irresponsable constitutionnellement.
J'ajoute que l'Assemblée nationale, de toute façon, rétablira les crédits si nous devons les supprimer. Donc, c'est un coup d'épée dans l'eau.
Mes chers collègues, le monde est en crise et la France a un rôle à jouer dans cette crise. Hubert Védrine nous a dit tout à l'heure d'une façon très convaincante quel rôle moral, quel rôle d'influence, quel rôle d'impulsion, elle joue en la matière. De même qu'on ne prive pas des moyens de se battre nos soldats au front, on ne doit pas, à mon avis, priver nos soldats diplomates, vous, monsieur le ministre, le Président de la République et le Premier ministre, des moyens qu'ils demandent.
Malgré mes critiques sévères, dont je ne renie rien, j'avais proposé à la commission des finances de recommander - quand même - de voter votre projet de budget ; je parle des mesures nouvelles, étant entendu que la question des services votés est déjà réglée. Elle ne m'a pas suivi. Ce matin, j'ai rapporté loyalement en ce sens.
Mais notre passé commun, monsieur le ministre, nous a appris trop de choses pour que je suive cette recommandation et, à titre personnel, mais bien sûr avec mon groupe, je voterai les crédits que vous nous demandez. (Mme ben Guiga et M. Penne applaudissent.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la position recommandée par la commission, et qui a été défendue avec brio et talent par le président et le rapporteur spécial, n'est pas, à la vérité, une position spécifique au département des affaires étrangères.
Elle veut surtout dire notre insatisfaction vis-à-vis du partage de l'effort public, de la dépense publique entre ce qui est au coeur des responsabilités de l'Etat et ce qui, à notre sens, est plus périphérique. C'est une contestation de principe, de la part de la commission des finances, des conditions dans lesquelles les arbitrages de moyens - et non d'objectifs - sont rendus.
Les priorités qui s'inscrivent - que le ministre le veuille ou non, c'est une réalité - dans les chiffres du projet de budget pour 2002 ne sont pas conformes à la vision que nous avons des choses et, en particulier, à la vision que nous avons des fonctions régaliennes de l'Etat.
Il est d'ailleurs bon que nous commencions l'examen des fascicules ministériels par le budget régalien par excellence, le vôtre. La position qui est suggérée aujourd'hui, conforme à celle qui sera suggérée pour l'intérieur, pour la justice, traduit notre insatisfaction.
Un seul exemple suffit à démontrer cela, monsieur le ministre : la totalité de la somme qui va être consacrée, en 2002, à compenser le surcoût pour les entreprises privées de la réforme - à notre sens désastreuse - des 35 heures représente environ 120 milliards de francs, qui se situent un peu partout, à cheval entre les prélèvements obligatoires affectés à la loi de finances et ceux qui sont affectés à la loi de financement de la sécurité sociale. Par rapport à cette somme, je n'aurai pas la cruauté de commenter le budget des affaires étrangères...
C'est vis-à-vis d'une telle organisation des masses financières issues du prélèvement obligatoire que se situe notre réaction et, bien entendu, il ne faut pas déplacer, dévier ou interpréter ce débat.
Certes, l'effort de la France dans les circonstances internationales que nous connaissons doit être soutenu, mais les choses sont parfois étranges dans les commentaires, étranges aussi lorsqu'on réfléchit à certains épisodes du passé.
De manière un peu ironique, je rappellerai qu'aujourd'hui il est dans la République un haut personnage qui se présente comme le parangon du patriotisme. Mais tout le monde semble avoir oublié qu'il a démissionné au moment où notre pays entrait dans un conflit.
M. Guy Penne. C'est hors débat !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, si l'on revient à ce débat, la vision de la majorité sénatoriale en ce qui concerne ce budget est claire et cohérente ; elle porte sur l'organisation des priorités et elle appelle le rejet des crédits du ministère des affaires étrangères. (Applaudissements sur les travées du RPR. - M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances et de la commission des affaires étrangères.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 21:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 112
Contre 203

M. le président. « Titre IV : 4 036 258 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 67 840 000 euros ;
« Crédits de paiement : 20 352 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 3 660 922 000 euros ;

« Crédits de paiement : 45 413 000 euros. »
L'amendement n° II-10, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« I. - Réduire les autorisations de programme du titre VI de 3 353 400 000 euros.
« II. - Réduire les crédits de paiement du titre VI de 218 460 euros. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s'agit surtout d'un amendement technique, qui trouve sa justification dans la réalité.
Je propose, sur le titre VI, un abattement de crédits. Il est vrai que, si le titre doit être repoussé, il sera « abattu » en totalité !... Mais, règle de procédure oblige, cet amendement d'abattement vient avant le vote sur l'ensemble du titre.
L'amendement n° II-10 vise donc à réduire les autorisations de programmes de 3 353 400 000 euros et les crédits de paiement de 218 460 euros. Il s'agit des dotations inscrites au budget du ministère des affaires étrangères de 2002 pour financer la quote-part de la France au 9e Fonds européen de développement.
Comme je l'ai expliqué ce matin dans mon rapport oral et comme cela figure en long et en large dans mon rapport écrit, le FED ne consomme pas les crédits que nous lui allouons puisque l'Europe ne fait rien. En tout cas, c'est mon point de vue, largement partagé par les bénéficiaires.
Il suffit de voir les chiffres : 53 milliards d'engagements non décaissés, 40 milliards de crédits de report et 1,7 milliard de trésorerie ! Or, monsieur le ministre, vous nous proposez d'ajouter encore de l'argent pour le FED. Il s'agirait de financer la convention créant le 9e FED, qui n'est pas encore ratifiée. Nous n'avons donc aucune obligation !
Si les budgets européens sont, pour nous, une obligation et si nous ne pouvons généralement que nous contenter d'inscrire les sommes qu'on nous demande, en l'occurrence, il n'y a pas d'obligation, puisque le traité n'est pas ratifié. Je propose donc, jusqu'à nouvel ordre, c'est-à-dire jusqu'à la ratification, de supprimer ces crédits.
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est le bon sens !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. La commission n'a pas examiné cet amendement et je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. La demande de suppression de l'autorisation de programme inscrite dans le projet de loi de finances au titre du 9e FED ne peut être acceptée par le Gouvernement. La France, qui a signé l'accord de Cotonou en juin 2000 et l'accord interne subséquent entre les Etats membres de l'Union européenne en septembre 2000, doit en effet ratifier prochainement ces instruments dont le Fonds européen de développement est la support financier.
La France est, vous le savez, le premier contributeur du FED, elle verse en effet 24,3 % du total. L'autorisation de programme dont vous proposez la suppression manifeste son engagement financier en faveur de cet instrument et elle n'est pas susceptible de fractionnement. En outre, les premiers engagements de dépenses relatifs au 9e FED interviendront dès 2002. Pour cette raison également, la mise en place préalable de l'autorisation de programme de 3 353 400 000 euros est indispensable.
S'agissant des crédits de paiement, la dotation inscrite dans le projet de loi de finances - 218 460 euros - doit permettre à la France d'honorer les appels à contribution que lui adressera la Commission européenne.
Cette dotation a été calculée en tenant compte, d'une part, de la situation de trésorerie prévisionnelle du FED au 31 décembre 2001 et des décaissements prévus pour 2002, d'autre part, des reports disponibles sur le budget de l'Etat.
Je puis vous garantir que plusieurs Etats membres, dont la France, ont demandé et obtenu de la Commission, dans les enceintes compétentes de l'Union, qu'elle réduise les reliquats de trésorerie de fin d'année et revoie à la baisse ses prévisions de décaissements lorsqu'elles paraissaient excessives.
Par ailleurs, la dotation qu'il vous est demandé d'approuver correspond véritablement à l'estimation la plus juste des besoins en 2002. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi nous chercherions à sur-doter ce chapitre.
Sur le fond, les difficultés d'exécution du FED sont réelles et récurrentes et, sans partager l'ensemble de nos appréciations, je partage votre préoccupation. La réforme de l'action extérieure de l'Union, engagée il n'y a pas si longtemps, doit y répondre rapidement.
Au bénéfice de ces observations, je vous saurais gré, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Charasse, votre amendement est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. Monsieur le président, je ne vais pas prolonger cette discussion, d'autant plus que la réponse de M. le ministre comporte des éléments intéressants.
Dans cet amendement, j'ai isolé, dans les crédits du FED, ceux qui correspondent au 9e FED, lequel, comme je l'ai déjà dit, n'est pas encore ratifié. M. le ministre a d'ailleurs confirmé qu'il le sera bientôt, mais on ne sait pas quand.
Je sais bien que l'ordonnance organique sous l'empire de laquelle nous vivons et que M. le président Lambert connaît bien indique qu'aucune dépense ne peut être engagée tant que les crédits n'ont pas été inscrits dans une loi de finances. C'est le quatrième alinéa de l'article 1er de la loi organique actuelle. Mais nous sommes totalement dans l'ignorance de la date à laquelle le Gouvernement pourra, compte tenu de l'encombrement de l'ordre du jour et des élections prochaines, demander au Parlement la ratification du 9e FED. Je pense donc qu'il est inutile d'inscrire ces crédits.
A cela s'ajoute le fait, mes chers collègues, que le 6e FED est à peine fini, que le 7e est à peine commencé et que le 8e en est loin.
Si nous inscrivons ces crédits, nous allons donc à nouveau verser des avances à Bruxelles qui les mettra à la caisse d'épargne ! (Sourires.) Pensez-vous qu'en ce moment dans la situation budgétaire actuelle, la France puisse se payer le luxe d'alimenter la caisse d'épargne européenne ?
Mme Nelly Olin et M. Jean-Pierre Schosteck. Il faut maintenir l'amendement !
M. Michel Charasse. Non !
Je pensais que cet amendement était utile parce que ce n'est pas la peine d'empiler des crédits et de les accorder à des gens qui n'en font rien pour le moment.
Monsieur le ministre, cher ami, je pense qu'il faudra à nouveau faire quelque chose, après les interventions qui ont déjà été éffectuées et que je connais, mais qui n'ont malheureusement pas eu beaucoup d'effet parce que les bureaux de Bruxelles sont assez durs à remuer et que nous sommes là dans un domaine où la structure bureaucratique fait elle-même la politique de l'Europe.
Je vois d'ailleurs comment cela se passe sur le terrain, comment les délégués de l'Union européenne traitent nos ambassadeurs, qui sont tenus dans l'ignorance, c'est le secret absolu. On ne sait pas ce que fait l'Union européenne quand elle fait quelque chose.
Vous me direz, mes chers collègues, que cela ne fait pas une grosse rétention d'information puisque l'Europe ne fait rien ! Quoi qu'il en soit, si peu qu'elle fasse, on n'est jamais au courant !
Monsieur le ministre, je crois que ce sujet mériterait d'être à nouveau évoqué au Conseil européen parce qu'il y va de la crédibilité de l'autorité politique européenne qu'est le Conseil européen.

Le sujet a déjà été abordé en 1995-1996 à la demande de la commission des finances, je sollicite la mémoire de mes collègues de la commission à cet égard. A l'époque, nous avions signalé au président Chirac ce phénomène qui commençait à devenir inquiétant. Il avait alors un peu secoué le cocotier lors du Conseil de Dublin. Cela avait provoqué un tout petit remous à la DG8 et, finalement, les choses sont retombées. Si aujourd'hui, en plus, on s'amuse depuis les Parlements nationaux à donner une leçon de bonne gestion à l'Europe, où allons-nous ?
Mes chers collègues, je ne vais pas insister sur cet amendement pour une raison très simple : dans trois minutes, vous allez supprimer tous les crédits.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Qui peut le plus, peut le moins !
M. Michel Charasse. Par conséquent, ce n'est pas la peine de voter pour en enlever un morceau, alors que vous allez enlever le tout !
Je retiens de ce que nous a dit M. Hubert Védrine, ce qui ne m'étonne pas parce que nous en avons parlé souvent, que la France a bien conscience de la situation. Il faut absolument que nous arrivions à convaincre la majorité de nos partenaires européens que cette situation n'est plus supportable.
Le ripage actuel entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale n'est pas bon car nous donnons de plus en plus à l'Europe en considérant que les affaires de coopération doivent passer de plus en plus par le cadre européen.
Il n'est pas normal que nous rabotions nos propres moyens pour alimenter la caisse de l'Europe qui dort et qu'elle n'en fasse rien. (Bravo ! sur les travées du RPR).
Cela dit, je compte sur M. Hubert Védrine, je pense même pouvoir dire que nous comptons tous sur lui.
Si nous gérions une commune, un conseil général, l'Etat, comme les institutions européennes, qu'est-ce que la Cour des comptes ne nous reprocherait pas, qu'est-ce que nos concitoyens penseraient ?
Je compte vraiment sur vous, monsieur le ministre, pour que la France alerte à nouveau l'Union européenne. Ce n'est plus tolérable, en effet.
J'ajoute que je n'hésiterai pas à recommander à la commission des finances de notre assemblée d'aller faire une démarche à Bruxelles et auprès du Parlement européen pour dire : nous en avons assez d'être traités ainsi, nous et nos contribuables, nous qui sommes les premiers contributeurs européens dans ce domaine.
Cela dit, je retire l'amendement. (Exclamations et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. L'amendement II.-10 est retiré.
Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre VI.
M. Guy Penne. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne. Mes chers collègues, malgré toutes les déclarations qui soulignent l'embarras de la majorité sénatoriale (Protestations sur les travées du RPR et de l'Union centriste) , je souhaite vous exprimer à nouveau, monsieur le ministre, le soutien du groupe socialiste.
Il est vrai que votre action politique et votre ministère méritent un budget plus consistant. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Tout en votant votre budget pour 2002, j'exprime un voeu. Nos collègues l'ont dit, vous êtes tellement bon...
M. Nicolas About. On le gardera !
M. Guy Penne. ... que je souhaite, monsieur Védrine, que vous puissiez nous présenter, l'année prochaine, un budget en nette augmentation. (Rires et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Je voudrais simplement dire que je n'ai pas été convaincu par les arguments qui ont été avancés en faveur de ce vote négatif.
Je regrette ce vote et je me demande pourquoi ces arguments ont été avancés si tardivement après tout ce que j'ai entendu les années passées sur tous ces budgets votés pour des raisons institutionnelles par le Sénat.
Votre attitude enlève une part d'efficacité aux arguments de tous ceux qui sont intervenus pour obtenir plus de moyens en faveur des affaires étrangères.
Finalement, c'est la démarche politique qui l'a emporté. Je le regrette. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les affaires étrangères.

7

nomination d'un membre
d'un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission des lois a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Bernard Saugey membre du Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire.

8

financement de la sécurité sociale

Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 (n° 96, 2001-2002), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture. [Rapport n° 100 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée est saisie, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
Au cours de la première lecture, j'ai eu l'occasion de dire combien ce texte est important pour la protection sociale de nos concitoyens, et combien ce Gouvernement a travaillé à son amélioration depuis 1997. De nombreuses mesures concrètes, qui touchent les Français dans leur vie quotidienne, ont été décidées à l'occasion de ce dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature.
Au total, sur les cinq législatures écoulées, je crois plus que jamais que nous pouvons être fiers du travail accompli par la majorité qui soutient le Gouvernement à l'Assemblée nationale et, ici même, par l'opposition sénatoriale, qui ne manque jamais de marquer son attachement aux grandes réformes accomplies depuis 1997. Ce travail et toutes ces mesures favorables à la protection sociale de nos concitoyens n'ont été rendus possibles que parce que nous avons rétabli les comptes de la sécurité sociale.
Je sais bien, à lire votre rapporteur, que je n'ai manifestement pas convaincu la majorité de votre assemblée lors de notre précédent débat. Cela ne constitue certainement pas en soi une surprise, mais je crois utile de redire quelques mots à ce sujet.
Tout d'abord, je veux dire une nouvelle fois que votre présentation des comptes n'est pas exacte, en particulier lorsque vous déduisez des résultats du régime général les versements effectués au profit du Fonds de réserve pour les retraites. Car enfin, les Français s'appauvrissent-ils lorsque les excédents de la branche vieillesse, au lieu d'être gérés au sein de la trésorerie de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, sont placés en ressources du Fonds de réserve ? Chacun comprend que la seule chose qui change, c'est que les excédents cumulés seront gérés sur une plus longue période, de façon plus dynamique, et qu'ainsi les difficultés futures des régimes de retraite seront mieux anticipées. Comment pouvez-vous donc qualifier de prélèvement ce qui n'est, au contraire, que la recherche de la meilleure efficacité dans la gestion des réserves du régime général ?
Ensuite, en ce qui concerne les résultats proprement dits du régime général, nous pourrions débattre encore longuement des chiffres, selon que l'on choisit telle ou telle période pour référence, ou que l'on retient tel ou tel mode de présentation des comptes. Mais pour la clarté des débats et la bonne information des Français, ne vaut-il pas mieux aller à l'essentiel ?
Oui ou non, le régime général est-il redevenu excédentaire en 1999 ? Oui, c'est bien le cas, et d'ailleurs votre rapporteur ne le conteste pas.
Oui ou non, les prévisions pour 2001 et 2002 confirment-elles ce retour à l'excédent ? Oui, elles le confirment, et j'en veux pour preuve que ces excédents sont suffisamment importants pour que, dans le cours de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement et le Parlement aient pu décider des mesures nouvelles en faveur de l'hôpital public, des cliniques privées, de la prévention bucco-dentaire, des autistes, etc.
Oui ou non, la sécurité sociale est-elle en meilleure santé financière que du temps où la précédente majorité exerçait les responsabilités de sa gestion ? C'est l'évidence : un équilibre global depuis 1998, un déficit cumulé de plus de 200 milliards de francs entre 1994 et 1997, cela fait quand même une différence !
Laissez-moi ajouter deux considérations supplémentaires.
Sur l'année 2000, tout d'abord, notre souci est celui de la transparence. J'aurais pu laisser subsister, dans les comptes du régime général, les créances nées de la compensation incomplète des allégements de charges par le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, en 2000, et reporter à plus tard leur règlement. Je n'ai pas souhaité le faire, je le répète, par souci de transparence.
Il est avéré que le Gouvernement tire toutes les conséquences de sa décision, et voilà que votre majorité proteste ! En tout cas, le prochain gouvernement n'aura pas à assumer les conséquences de nos décisions, comme nous avons dû assumer, sur les comptes du régime général, celles de l'annulation, par la Commission de Bruxelles, du malheureux « plan textile » de MM. Borotra et Juppé.
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout à fait !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Sur les hypothèses économiques pour 2001 et 2002, ensuite, l'année 2002 comporte des incertitudes, j'en conviens, bien que rien pour l'heure ne permette de démentir l'hypothèse de croissance de 5 % de la masse salariale.
Ainsi que je vous l'avais indiqué, l'année 2001 devrait nous révéler de bonnes surprises en matière de recettes de la sécurité sociale. En effet, après le dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l'ACOSS a eu connaissance des encaissements à la fin du troisième trimestre, qui montrent un acquis de croissance de la masse salariale déjà très élevé. Tout porte donc à croire que la prévision de croissance de la masse salariale de 5,9 % - celle qui est incluse dans ce projet de loi - sera dépassée pour l'ensemble de l'année 2001.
Selon les travaux d'ajustement des comptes en droits constatés menés actuellement par l'ACOSS, il apparaît que les comptes définitifs de l'année 2001 pourraient - je m'exprime encore au conditionnel puisque les travaux sont en cours - être majorés de l'ordre de 18 milliards de francs. J'ai cru nécessaire d'en informer le Parlement, ce qui m'attire néanmoins des critiques sur l'idée que les agrégats de recettes du projet de loi devraient alors être modifiés. Je ne partage évidemment pas cet avis, car les prévisions de recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui reposent sur les mêmes hypothèses que les prévisions de recettes de la loi de finances, ne peuvent être qualifiées d'erronées sous le prétexte qu'elles ont été élaborées à la fin du mois d'août. Quoi qu'il en soit, je considère que cette bonne surprise pour 2001 nous met à l'abri d'un effet plus important que prévu du ralentissement de la croissance en 2002, si ce dernier devait se produire.
Pour conclure sur les comptes, je voudrais souligner que nos divergences dans ce débat ce ne sont pas seulement nos approches respectives des comptes sociaux. Je crois, plus globalement, que ce sont bien des divergences fondamentales qui nous opposent quant aux orientations que nous devons donner à nos politiques sociales, quant aux droits sociaux dont doivent pouvoir bénéficier nos concitoyens. C'est d'ailleurs en grande partie pour cette raison qu'ils ont rejeté, en 1997, le Gouvernement que votre majorité sénatoriale soutenait, pour faire une autre politique que celle que vous préconisiez.
Nos différences, ce sont celles qui séparent de façon évidente la gauche de la droite. Des différences qui donnent à la gauche un bilan incomparable au vôtre en matière de salaires et de pouvoir d'achat, de soutien à la croissance, d'emploi et de lutte contre le chômage, de protection contre la maladie, de moyens pour les hôpitaux, de prise en charge de la dépendance des personnes âgées, de lutte contre l'exclusion, de soutien aux familles et à la petite enfance...
Pourquoi, alors, ne pas parler de cela sous prétexte qu'il ne faut pas regarder en arrière ? Je crois, au contraire, que le principe de la responsabilité politique doit être au coeur de la représentation parlementaire. Ce gouvernement a un bilan, certainement avec des aspects mitigés à côté de réformes qui ont incontestablement contribué au progrès social dans notre pays. Mais la majorité de votre assemblée a également un bilan, celui des années où elle a soutenu sans rechigner les gouvernements Balladur et Juppé. Je comprends qu'il soit difficile de l'assumer, mais c'est ainsi, notamment aux yeux de nos concitoyens lorsqu'ils doivent désigner ceux qui vont les représenter et assumer les responsabilités du pouvoir.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. On en reparlera !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ayant parlé bilan, nous pourrions également parler projet. Mais pendant la lecture précédente de notre texte, j'ai vainement cherché la cohérence de la politique alternative que vous proposiez ; j'ai déjà eu l'occasion de le dire pendant ma réponse à la discussion générale. C'est bien cela qui me frappe : vous parlez des comptes sociaux pour ne pas parler des assurés sociaux et des politiques sociales. C'est bien pourtant tout l'intérêt de ce projet de loi !
Le Gouvernement s'est engagé dans une voie qui repose notamment sur une refonte de notre système conventionnel en concertation avec les partenaires sociaux et les professions de santé. Le dispositif que le Gouvernement a proposé en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale a été adopté par celle-ci, après un avis favorable à l'unanimité du conseil d'administration de la caisse nationale de l'assurance maladie ! Il s'agit bien d'un changement de méthode.
Vous pourrez m'objecter que cette unanimité est certainement due à l'absence du Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, de ce conseil d'administration, et vous auriez raison. Mais, à vrai dire, je crois que le MEDEF, en dévoilant voilà quelques jours ses propositions pour une réforme de la sécurité sociale, révèle le sens profond de l'action qu'il mène depuis plusieurs années : la fin du paritarisme et la privatisation de la sécurité sociale.
M. Guy Fischer. C'est scandaleux !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est ainsi qu'il propose de déléguer aux assureurs privés la gestion de l'offre de soins, sur la base d'un versement forfaitaire qu'ils recevraient de l'Etat pour chaque assuré qu'ils prendraient en charge. Il propose d'uniformiser les régimes de retraite et de les transformer en régimes par points strictement contributifs. Il propose de confier la gestion de l'assurance accidents du travail aux seuls employeurs.
Le projet du Gouvernement et de la majorité qui le soutient est évidemment tout autre. Nous voulons renouveler le contrat qui lie l'Etat et les partenaires sociaux pour une gestion solidaire de la sécurité sociale. Nous voulons développer la qualité de notre système de soins mixte qui associe les professionnels publics et libéraux, les caisses, les mutuelles et les assurances complémentaires. Notre choix, c'est celui de la complémentarité pour affirmer la solidarité face à la maladie.
Face aux propositions du MEDEF, je m'interroge sur les propositions de la droite, et c'est toute la gauche qui doit prendre les Français à témoin des risques majeurs pour notre cohésion sociale que comporterait la mise en oeuvre des propositions du MEDEF.
En matière d'assurance maladie, ce serait la porte ouverte à la sélection des risques. Qui peut croire, en effet, que des opérateurs privés ne tenteront pas de n'attirer à eux que les personnes qui ont la chance d'être en bonne santé et de ne pas être exposées à de lourdes dépenses de santé ? Comment les personnes à faibles ressources ou qui souffrent d'affections graves seraient-elles couvertes ? Le MEDEF ne le dit pas, mais la réponse est évidente : par un régime public qui leur serait réservé.
Ce serait ni plus ni moins la sécurité sociale à deux vitesses, dont, j'en suis certaine, les Français ne veulent en aucun cas.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas notre proposition !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. En matière de retraites, ce serait la fin du système original que nous connaissons depuis plus de cinquante ans. Ce système, auquel les Français sont très attachés, permet de concilier la diversité des couvertures vieillesse selon les professions, et, en même temps, la solidarité entre ces professions. Cette solidarité est assurée par des mécanismes de compensation démographique et, à l'intérieur d'une même profession, par diverses dispositions non contributives qui permettent à chacun d'obtenir une bonne retraite malgré une carrière professionnelle ayant connu des aléas importants.
La généralisation des régimes par points annonce l'étape suivante du projet du MEDEF : l'entrée en force des fonds de pension, dont les conséquences anti-redistributives sont certaines.
En ce qui concerne, enfin, les accidents du travail, comment croire que les salariés, victimes potentielles des accidents, seraient mieux protégés si le risque venait à être géré exclusivement par les employeurs ?
Je crois vraiment que nos concitoyens attendent d'autres réponses des responsables politiques, car il y a en effet beaucoup à faire pour adapter ce grand service public qu'est la sécurité sociale à des besoins en constante évolution : il nous faut améliorer la régulation du système de santé sans créer des discriminations dans l'accès aux soins ; il nous faut introduire dans nos régimes publics de retraite la souplesse qu'en attendent nos concitoyens, quant aux conditions des départs en retraite ; enfin, il nous faut améliorer la réparation des accidents du travail, et notamment aller vers la réparation intégrale.
Ce sont les orientations que le Gouvernement met en oeuvre dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous ne serez donc pas surpris qu'il souhaite en rester au texte adopté en nouvelle lecture à l'Asssemblée nationale. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre assemblée a été saisie, en première lecture, de 71 articles. En effet, aux 34 articles initiaux du projet de loi sont venus se greffer, les 24 et 25 octobre dernier, lors du débat à l'Assemblée nationale, 37 articles additionnels, dont 19 articles sur l'initiative du Gouvernement. Les 12 articles consacrés par le projet de loi à l'assurance maladie et aux accidents du travail sont venus s'enrichir de 13 articles nouveaux insérés à la demande du Gouvernement.
C'est dire que le projet de loi initial déposé le 10 octobre dernier n'était, de l'avis même du Gouvernement, qu'une première mouture préparée puis complétée dans une certaine improvisation.
En première lecture, le Sénat a adopté une position conforme à celle de l'Assemblée nationale sur 27 de ces 71 articles. Il en a modifié 16, sans en remettre en cause, d'ailleurs, l'économie générale. En revanche, le Sénat a amendé 18 articles de manière plus importante. Enfin, il a adopté 10 articles additionnels, en contrepartie, en quelque sorte, de la suppression de 9 articles adoptés par l'Assemblée nationale.
A cette occasion, le Sénat a restitué à la sécurité sociale et au fonds de solidarité vieillesse la totalité des recettes qui leur avaient été directement ou indirectement « confisquées » au profit du FOREC. Il a également rejeté solennellement l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, estimant notamment que, bâti sur des hypothèses irréalistes, il ne serait pas plus respecté que les précédents.
Réunie le 19 novembre dernier, la commission mixte paritaire n'a pu se mettre d'accord sur les 54 articles qui restaient ainsi en discussion entre les deux assemblées.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale est revenue, pour l'essentiel, à son texte de première lecture.
Elle n'a ainsi adopté que 11 articles conformes. Parmi ceux-ci, on peut relever les articles 19 quater et 19 sexies visant à améliorer la situation des travailleurs victimes de l'amiante, l'article 20 ter A, qui ouvre aux salariés agricoles le bénéfice des mesures précédemment définies pour les salariés du régime général, en cas d'accident de trajet survenu lors d'un covoiturage et, enfin, l'article 23 ter, qui ouvre aux militaires le bénéfice du congé et de l'allocation de présence parentale.
J'observe que le Sénat et, notamment, la commission, se sont montrés particulièrement ouverts sur la question des accidents du travail, ce qui n'est d'ailleurs pas une surprise. Cela me permet de dire à cette tribune que, même si je ne suis pas intervenu pour les raisons que l'on connaît dans la discussion générale sur la branche « accidents du travail », le Sénat a démontré sa volonté d'apporter une contribution constructive à ce volet, qui est certainement l'un de ceux sur lesquels l'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté des positions communes pour la plus grande part.
S'agissant de l'article 3, qui définit le régime d'affiliation des présidents et des dirigeants des sociétés par actions simplifiées, à l'issue d'une seconde délibération demandée par le Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté cet article dans une version qui est désormais similaire, sur le fond, au dispositif adopté par le Sénat en première lecture. Les intéressés seront ainsi affiliés dans tous les cas au régime général des salariés.
Nous avons eu une longue discussion sur le sujet, aussi bien en commission qu'en séance publique, et nous ne pouvons que nous réjouir de constater les convergences de vues entre nos deux assemblées, même s'il a fallu au Gouvernement demander une deuxième lecture pour parvenir à un accord.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a supprimé 5 articles additionnels introduits par le Sénat, parmi lesquels l'article 3 ter A relatif au contrat d'activité agricole saisonnière, l'article 24 bis donnant au conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, un pouvoir de proposition sur l'utilisation des excédents de la branche famille, et l'article 25 ter modulant le montant de l'allocation de rentrée scolaire en fonction du niveau d'études atteint par l'enfant du bénéficiaire.
D'ailleurs, le Gouvernement ne pouvait pas faire autrement. L'amendement « vendanges » a été adopté, puisque le Sénat l'a voté conforme. Seul l'amendement relatif au contrat d'activité agricole saisonnière a fait l'objet d'un rejet, l'Assemblée nationale n'ayant pas souhaité suivre le Sénat dans ses propositions, ce qui est particulièrement regrettable.
En outre, l'Assemblée nationale est revenue, mot pour mot, à son texte adopté en première lecture sur 17 articles. Les principaux articles concernés sont ceux sur lesquels le point de vue de nos deux assemblées est irréconciliable. Il s'agit, pour l'essentiel, des articles relatifs à la dette et aux recettes du FOREC, aux prélèvements sur les excédents de la branche famille et à la poursuite de la prise en charge par la CNAF des majorations de pensions pour enfants.
Ont également été rétablis par l'Assemblée nationale l'article 32, c'est-à-dire l'ONDAM pour 2002, l'article 34 fixant les plafonds d'avances de trésorerie de divers régimes sociaux, dont le régime général, l'article 14 élargissant les missions du fonds pour la modernisation des établissements de santé aux dépenses d'investissement et de fonctionnement - nous souhaitions revenir aux missions d'origine dudit fonds - et, enfin, l'article 4 intégrant dans le cadre général des « 35 heures » le dispositif spécifique d'allégement de cotisations en faveur de l'embauche d'un premier salarié.
Enfin, l'Assemblée nationale a adopté, en les modifiant parfois de manière substantielle, 14 articles modifiés ou introduits par le Sénat en première lecture. La principale modification, qui résulte d'un amendement déposé par le Gouvernement, concerne l'article 10 A ; il s'agit du système de conventionnement. La nouvelle rédaction de cet article n'a, en réalité, plus rien à voir avec celle qui a été adoptée en première lecture.
La méthode suivie par le Gouvernement apparaît, à cet égard, infiniment critiquable.
Initialement adopté en première lecture sous la forme d'un « amendement esquisse » qui ne comprenait que deux modestes paragraphes, l'article 10 A s'est transformé à l'Assemblée nationale en un volumineux dispositif de quinze paragraphes, occupant six pages de la « petite loi » adoptée par l'Assemblée nationale !
Si l'article 10 A adopté en première lecture n'était qu'une « coquille vide », l'amendement que le Gouvernement a fait adopter constitue une réforme considérable du cadre conventionnel régissant les relations entre les caisses d'assurance maladie et les professions de santé.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que cette réforme surgit en nouvelle lecture du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'actuelle législature.
La commission s'interroge d'ailleurs sur la position qui sera celle du Conseil constitutionnel face à cette tactique législative consistant, pour contrer sa jurisprudence, à introduire en première lecture une coquille vide que l'on remplit démesurément en nouvelle lecture, après réunion de la commission mixte paritaire.
De par son ampleur et ses implications, cette réforme avait vocation, à l'évidence, à figurer dans le projet de loi initial, tel qu'il a été déposé à l'Assemblée nationale le 10 octobre dernier.
J'ajoute que cet amendement, déposé le 20 novembre, soit la veille du débat en séance publique à l'Assemblée nationale, n'a pu, de ce fait, être examiné au fond par les députés et n'a pu faire l'objet de la nécessaire concertation avec les professions concernées, ce qui est particulièrement regrettable.
Sur le fond, le dispositif paraît encore loin d'être achevé. D'ailleurs, même si le conseil d'administration de la CNAMTS l'a approuvé à l'unanimité, il a fait remarquer le caractère inachevé de la proposition.
Le dispositif présenté institue, tout d'abord, un accord-cadre pour tous les professionnels libéraux qui exerçent en ville. Conclu entre le Centre national des professions de santé le CNPS, et les caisses pour une durée de cinq ans, cet accord-cadre est censé fixer « les dispositions communes à l'ensemble des professions ». Son contenu n'est toutefois pas clairement défini.
Comme à l'heure actuelle, chaque profession devra néanmoins négocier sa propre convention, qui constitue le deuxième niveau du dispositif. Ces conventions seront conclues pour une durée de cinq ans, au lieu de quatre aujourd'hui, et définiront les tarifs de chaque profession et les engagements collectifs et individuels des professionnels sur l'évolution annuelle ou pluriannuelle de leur activité. Chaque convention devra définir les mesures destinées à assurer le respect de ces engagements et prévoir les modalités de suivi annuel ou pluriannuel de l'évolution des dépenses de la profession concernée.
Les engagements ainsi prévus peuvent être collectifs, donc s'appliquer à tous, mais également individuels et laissés au libre choix des professionnels. Ils deviennent alors une option conventionnelle qui peut donner lieu à des rémunérations complémentaires sous la forme de forfaits.
Le dispositif proposé comporte donc, il faut le reconnaître, des avancées indéniables. Toutefois - et c'est le principal reproche que l'on puisse formuler à son égard - il laisse subsister, pour les professions non signataires d'une convention, le mécanisme des lettres-clés flottantes que le Sénat avait supprimé en première lecture, je le rappelle, mes chers collègues, car nous considérons la suppression de cette sanction collective comme un préambule à la négociation.
Cela explique qu'à l'exception de MG-France l'ensemble des syndicats de médecins se soient d'ores et déjà déclarés hostiles à cette réforme, certains jugeant que le maintien du mécanisme des sanctions collectives allait les forcer à négocier « avec un revolver sur la tempe ».
En outre, la réforme ne résout pas le problème récurrent des relations entre l'Etat et l'assurance maladie, ce que le conseil d'administration de la CNAMTS a d'ailleurs regretté. Dans un texte adopté à l'unanimité, ce conseil a ainsi estimé que cette réforme constituait, certes, une « opportunité » mais restait largement « inachevée » dans la mesure où elle s'inscrivait dans le cadre inchangé des relations entre l'Etat et l'assurance maladie et ne modifiait en rien le fait que l'ONDAM ne repose pas sur des priorités sanitaires clairement affichées.
Enfin, pour en terminer avec la présentation du texte qui nous est transmis en nouvelle lecture, je vous précise encore que l'Assemblée nationale a adopté deux articles additionnels : un article 18 nonies relatif aux modalités de prise en charge des médicaments rétrocédés par des établissements hospitaliers à des patients non hospitalisés et un article 18 decies qui concerne le financement du plan Biotox.
Vous vous souvenez, mes chers collègues, que, lors de la première lecture au Sénat, le Gouvernement avait proposé de faire supporter à l'assurance maladie l'essentiel de la charge financière liée au finacement du plan Biotox. Il avait ainsi déposé un amendement prévoyant, à hauteur de 1,3 milliard de francs en 2001, le versement d'une contribution de la CNAMTS au budget de l'Etat pour le financement de ce plan.
Votre commission avait, à cette occasion, dénoncé la confusion de l'action publique conduisant ainsi la sécurité sociale à financer la lutte contre le bioterrorisme. Elle avait regretté qu'un message clair ne soit pas délivré à l'attention de nos concitoyens comme de la communauté internationale, affirmant sans ambiguïté qu'une telle politique relevait de la responsabilité de l'Etat.
De fait, la commission avait considéré que la lutte contre le bioterrorisme constituait pour le Gouvernement l'occasion unique d'affirmer l'existence d'un véritable budget de la santé publique correspondant aux missions régaliennes de l'Etat et distinct de celui de l'assurance maladie.
Suivant en cela sa commission des affaires sociales, le Sénat n'avait accepté cet amendement qu'en le modifiant pour prévoir que la contribution de la CNAMTS ne serait qu'une « avance » faite à l'Etat dans l'attente de la mobilisation des moyens budgétaires nécessaires.
Ce n'est pas au moment où la branche maladie tend à connaître une accentuation de son déficit qu'il fallait mettre à sa charge une dépense qui correspond à des missions régaliennes de l'Etat. Cette prise de position du Gouvernement est donc en complète contradiction avec les déclarations que vient de faire Mme le ministre.
Il est regrettable qu'en nouvelle lecture l'Assemblée nationale soit revenue, sur l'initiative de sa commission compétente, au texte initial de l'amendement du Gouvernement.
D'une manière générale, l'Assemblée nationale a donc entendu signifier qu'elle avait dit son dernier mot, et ce dès sa première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Nous finissons par ne plus nous en étonner. D'ailleurs, l'initiative qui avait été prise avec les agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, vient confirmer l'état d'esprit dans lequel se trouvent à la fois l'Assemblée nationale et le Gouvernement à l'égard du Sénat.
A l'évidence, les positions de nos deux assemblées sont incompatibles sur un grand nombre des dispositions essentielles de ce projet de loi.
Ce constat est particulièrement évident en ce qui concerne, d'une part, la mise à contribution de la sécurité sociale pour assurer le financement du FOREC et, d'autre part, la régulation des dépenses d'assurance maladie. Sur ces deux points, le Gouvernement et sa majorité ont totalement et délibérément ignoré, voire déformé, la position exprimée par le Sénat.
Notre débat de première lecture sur le FOREC est, à cet égard, révélateur. Il est à l'évidence inexact de dire, comme le Gouvernement, que le Sénat refuse la loi relative à la réduction du temps de travail. La loi du 19 janvier 2000, dite loi des 35 heures, est désormais une loi de la République, et elle s'impose à nous comme à tous.
Ce que nous contestons, en revanche, c'est le détournement d'une partie des recettes de la sécurité sociale afin d'assurer le financement du FOREC. Nous n'avons rien dit d'autre ! Ces ponctions sont, en effet, contraires aux engagements du Gouvernement, qui avait affirmé que le financement des allégements de cotisations sociales devait demeurer « neutre » pour la sécurité sociale. Or il n'en n'est malheureusement rien, comme le Sénat l'a démontré en première lecture. A cet égard, je vous renvoie, mes chers collègues, à mon rapport écrit, où vous trouverez des tableaux et des chiffres qui émanent de la Commission nationale des comptes sociaux et de la direction de la sécurité sociale.
En conséquence, au terme de ces cinq dernières lois de financement, et à l'issue d'une période où la conjoncture a été exceptionnellement favorable, la situation financière de la sécurité sociale est loin d'être aussi favorable que veut bien l'annoncer le Gouvernement.
Privée désormais de toutes ses réserves, la sécurité sociale se trouve aujourd'hui bien démunie pour faire face à un avenir incertain.
Ainsi, sur la base des informations qui nous ont été communiquées par la direction de la sécurité sociale, il apparaît qu'à l'issue de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale le déficit cumulé du régime général pour les années 1998-2002, serait de 9,2 milliards de francs.
A cet égard, madame la ministre, il est un peu facile de prendre toutes les années antérieures, y compris 1997, pour dénoncer un déficit qui était lié à une conjoncture à la fois nationale et internationale particulière, et, pour que le Gouvernement puisse sauver la face et garder un affichage positif vis-à-vis de l'opinion publique, ne retenir que les années 1999 à 2002. D'ailleurs, vous avez montré tout à l'heure encore que vous ne reteniez, de toute la période 1998-2001, que les deux années qui accusaient un excédent du régime général, passant du même coup sous silence les années de déficit. Il faut intégrer l'année 1998.
Bref, lorsque l'on fait le cumul et des excédents et des déficits de la sécurité sociale au cours des cinq exercices précédents, le déficit global est de 9,2 milliards de francs. Telle est la situation nette !
Vous n'avez pas le droit, madame la ministre, de ne pas dire la vérité aux Français. Nous, nous estimons de notre devoir de la leur dire et de rappeler également aux Français que la loi de financement pour 2002 va entraîner, pour toute la période, un déficit global de la sécurité sociale de 35 milliards de francs !
Bien évidemment, vous vous gardez bien de le dire, laissant au gouvernement qui sera en place en 2002 et qui, lui, sera obligé de donner les chiffres, le soin d'annoncer la mauvaise nouvelle aux Français. Peut-être, d'ailleurs, inconsciemment, espérez-vous ne plus être aux responsabilités... (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Gilbert Chabroux. Trop, c'est trop !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il faut la leur dire tout de suite.
Vous nous donnez rendez-vous au moment des élections, dans un discours très politique. Mais, madame la ministre, ne vous inquiétez pas, nous serons avec vous sur le terrain ; nous pourrons débattre avec les Français ; nous leur annoncerons des chiffres qui n'émaneront pas de nous, mais de la commission nationale des comptes sociaux, ceux de votre propre direction et de votre propre administration, madame la ministre.
Vraiment, il est un peu facile de venir aujourd'hui nous donner des leçons et nous entraîner sur un terrain politique. J'ai bien peur que vous ne vous entraîniez vous-même sur un terrain glissant et je crains pour vous que le résultat ne soit pas à la hauteur de vos espérances.
M. Gilbert Chabroux. Attention à vous !
M. Roland Muzeau. Grâce à vous, en 1997, c'était la faillite de la Sécu !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous verrez, nous en reparlerons, certaines échéances vont nous en donner l'occasion ! (Exclamations sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Notre devoir, c'est de dire la vérité aux Français, ce que, précisément, vous ne voulez pas faire parce que vous avez trop peur de la sanction qui vous attend.
M. Roland Muzeau. La sanction, les Français vous l'ont infligée en 1997 !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Par ailleurs, la commission constate que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale, ne contient rien qui puisse s'apparenter à la définition et à la mise en oeuvre de véritables priorités de santé publique, rien qui puisse résoudre le problème à venir des retraites, rien, enfin, qui puisse favoriser une politique familiale ambitieuse.
Pour certains, nous nous sommes simplement amusés à donner notre sentiment sur les comptes. Mais, mes chers collègues, nous sommes allés bien au-delà des comptes, comme le souhaitait, d'ailleurs, M. Chabroux, en commission des affaires sociales, et le rapport annexé à l'article 1er démontre, si besoin était, la volonté du Sénat de ne pas se contenter de donner un avis sur les comptes de la sécurité sociale. Cela étant, il ne faudrait tout de même pas oublier que nous sommes saisis d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale : si nous ne pouvons pas parler des comptes à cette occasion, quand en parlerons-nous ?
Donc, il faut, certes, parler du fond, mais également des comptes.
M. Gilbert Chabroux. Vous ne parlez que des comptes !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Or, faute des moyens nécessaires pour mener une politique au fond, puisque les comptes ne sont pas équilibrés, on peut, certes, philosopher sur le sujet, mais ce n'est pas cela qui donnera aux Français la politique de santé qu'ils souhaitent.
La commission vous proposera donc, dans un moment, mes chers collègues, d'adopter une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, tel qu'il nous a été transmis en nouvelle lecture.
A notre avis, ce texte ne mérite malheureusement pas un autre traitement. C'est la sanction que je vous appelle à voter pour que nous marquions très nettement et très solennellement notre désaccord avec le Gouvernement sur la question de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, analysant la nouvelle lecture du projet de loi de financement à l'Assemblée nationale, notre excellent rapporteur, Alain Vasselle, vient de souligner les profondes divergences existant entre nos deux assemblées, mais également les débats constructifs que nous avons pu avoir sur un certain nombre de questions ; je pense, en particulier, aux accidents du travail.
Vous vous en souvenez, mes chers collègues, notre rapporteur, dans la discussion générale, avait été emporté par un souci - au reste légitime, madame la ministre - de vous répondre dans le détail parce que vous aviez, d'emblée, trouvé le rapport de notre commission tantôt lacunaire, tantôt surabondant. Il avait donc dû réserver pour la discussion des articles ses observations sur la branche accidents du travail.
Malgré cela, vous aviez tenu, madame la ministre, à lui en faire immédiatement le reproche, soulignant complaisamment le manque d'intérêt du rapporteur pour cette question.
Aussi me suis-je livré à un rapide bilan des travaux du Sénat sur cette partie du projet de loi.
En première lecture, le Sénat a adopté conformes six des dix articles du texte transmis par l'Assemblée nationale. Quant à l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, elle a adopté conformes, à son tour, trois articles introduits ou modifiés par le Sénat. Cela veut donc dire que l'Assemblée nationale et le Sénat se sont mis d'accord sur neuf des douze articles - neuf sur douze ! - que comporte désormais le volet accidents du travail du projet de loi de financement.
Vous aviez donc tort, madame la ministre, de faire un procès d'intention à notre rapporteur et, à travers lui, à la majorité du Sénat.
Cette mise au point étant faite, j'en viens à la raison qui m'a conduit à intervenir dans cette discussion générale, alors que je n'avais pas trop envie de le faire.
Mais vous avez déclaré, madame la ministre, le 21 novembre dernier, que notre majorité sénatoriale avait - je vous cite -, « volontairement et grossièrement travesti la réalité ».La droite avait fait - je vous cite toujours - « une présentation trompeuse des comptes sociaux ».
M. Gilbert Chabroux. C'est vrai !
Mme Nelly Olin. Non !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Lisez mon rapport !
M. Nicolas About, président de la commission. Ces propos n'ont pas été prononcés dans le feu d'un échange où, parfois, les mots dépassent la pensée : ils figurent dans votre intervention liminaire, madame la ministre, lors de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.
Aussi, je vous le dis, madame la ministre, avec un peu de solennité, ces propos dépassent ce qui est admissible venant d'un ministre en exercice s'adressant à une assemblée législative et, de fait, à l'une de ses commissions permanentes.
Nous ne sommes pas - du moins, pas encore - sous les préaux des campagnes électorales : nous débattons d'un projet de loi.
Les finances sociales sont un domaine fort complexe, particulièrement cette année, où nous cumulons le passage à l'euro et l'introduction d'une nouvelle présentation des comptes en droits constatés.
Cela ne facilite pas la communication et favorise les quiproquos.
Aussi, pour plus de prudence, notre commission n'a-t-elle travaillé qu'avec des chiffres officiels et publics, c'est-à-dire ceux qui sont produits par votre ministère, par la Cour des comptes ou encore par la commission des comptes de la sécurité sociale, que vous présidez, madame la ministre.
Le « travestissement grossier » que vous évoquez n'est que l'énoncé factuel, la mise bout à bout ou encore l'inscription noir sur blanc de ces chiffres.
Le tableau que nous avons publié en première lecture, et actualisé à l'issue de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, n'est pas « trompeur » : il est incontestable.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à fait !
M. Nicolas About, président de la commission. J'ajouterai qu'il se cale, pour l'exercice 2002, sur les comptes « à la manière du Gouvernement », c'est-à-dire selon les prévisions qu'il a lui-même retenues tant pour l'évolution de l'ONDAM que pour les évaluations de recettes.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Nicolas About, président de la commission. Cela vous a d'ailleurs permis d'affirmer que même M. Vasselle reconnaissait que la sécurité sociale serait en excédent pour 2002 !
Au passage, cela montre bien que, lorsque l'on essaie de circonscrire un débat et d'engager un dialogue avec vous, madame la ministre, on en est rarement récompensé ! (Sourires.)
Car, précisément, nous n'avons pas voulu confondre le constat accablant qui ressort spontanément des chiffres officiels, avec l'inévitable polémique qui naîtrait de l'évocation du caractère audacieux des paris pris par le Gouvernement en matière d'évolution des dépenses d'assurance maladie ou de taux de croissance de l'économie.
Au total, madame la ministre, notre commission - est-il besoin de le préciser - maintient l'intégralité de ses chiffres, qui sont des chiffres officiels, des chiffres publics, des chiffres incontestables.
Elle regrette votre difficulté à nouer le dialogue - vous voyez comme, au Sénat, on use de termes mesurés ! (Nouveaux sourires.)
Elle déplore vivement, en revanche, les propos inadmissibles que vous avez eus à l'Assemblée nationale, pour qualifier nos travaux.
Monsieur le président, mes chers collègues, je terminerai mon intervention en félicitant notre rapporteur, M. Alain Vasselle, de l'excellent travail qu'il a accompli.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Merci, mon cher collègue !
M. Nicolas About, président de la commission. Je veux, à travers lui et à travers vous qui êtes présents ce soir, mes chers collègues, remercier l'ensemble de la commission et tous ceux qui, au Sénat, s'intéressent aux affaires sociales. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après l'échec de la commission mixte paritaire, échec prévisible tant les approches du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la protection sociale sont différentes, les députés sont revenus sur les dispositions inopportunes introduites, sur l'initiative de la commission des affaires sociales, par la Haute Assemblée en première lecture, et ont rétabli, pour l'essentiel, le texte adopté initialement.
Sur un point majeur, le cadre conventionnel régissant les relations entre les caisses d'assurance maladie et les professions de santé, le projet de loi a été complété.
Ce renouveau conventionnel est attendu par l'ensemble des professionnels de santé hostiles aux mécanismes de sanctions collectives dont vous avez, en d'autres temps, messieurs de la majorité sénatoriale, vanté les mérites pour freiner l'évolution des dépenses de santé.
L'architecture à trois étages retenue est susceptible de rassembler. Toutefois, madame la ministre, pour être efficace et pour responsabiliser les acteurs, le mode de régulation retenu devra impérativement recevoir l'aval des professionnels demandeurs d'une « maîtrise médicalisée et concertée des dépenses ».
La négociation doit permettre les évolutions utiles pour l'assurance maladie. Cette nécessité de renouer le dialogue est d'autant plus forte que, aujourd'hui, le MEDEF avance à grands pas pour mettre à mal la protection sociale française, faisant fi de ses principes fondateurs d'égalité, de solidarité entre concitoyens, de solidarité entre les générations.
Les propositions du MEDEF, présentées par M. Denis Kessler le 20 novembre dernier à Strasbourg, reposent notamment sur la fin du paritarisme et du monopole de la sécurité sociale sur la couverture maladie obligatoire. Elles nous amènent à redoubler de vigilance et renforcent notre détermination à voir effectivement conduites les réformes de fond visant à asseoir et à développer la protection des Français contre les aléas de la vie.
La privatisation de la sécurité sociale, présentée comme le prix à payer pour optimiser les ressources et réduire les dépenses de santé, n'est pas une idée neuve que défendrait seule l'organisation patronale.
Même si la droite semble embarrassée par cette offensive, comme le titraient Les Echos du 21 novembre, il n'en demeure pas moins qu'elle pense depuis longtemps, elles aussi, à « organiser la concurrence en matière de sécurité sociale », et je cite là M. Goulard.
Démocratie libérale n'est malheureusement pas la seule force politique de droite désireuse de voir diminuer la part de la richesse nationale consacrée à la santé. A de nombreuses reprises, nous vous avons entendus ici même, mes chers collègues, plaider la cause des médecins et des infirmières de l'hôpital de votre circonscription et des cliniques privées, tout en faisant grief au Gouvernement, non sans démagogie, de dilapider les fruits de la croissance.
Comment, à recettes constantes, faire bénéficier chacun des progrès scientifiques ? Comment développer la prévention ?
Lors des discussions relatives à la couverture maladie universelle, la CMU, alors que nous prenions appui sur ce qui me paraît constituer l'une des plus importantes avancées sociales de ces dernières décennies pour tenter d'améliorer le niveau de la couverture des besoins de santé de tous les Français et élargir le champ de la protection sociale, vous vous empressiez d'ouvrir largement le domaine de la santé, marché comme un autre à vos yeux, aux opérateurs de soins privés, tels que les organismes d'assurances et les institutions de prévoyance.
A la quasi-unanimité, les syndicats ont condamné le projet alternatif du MEDEF.
Tous rejettent la délégation aux assureurs privés de la gestion de l'offre de soins. Alain Olive, de l'Union nationale des syndicats autonomes, l'UNSA, résume fort justement la situation.
M. Nicolas About, président de la commission. Vous me regardez, mais je ne suis pas le MEDEF !
M. Guy Fischer. Si je vous regarde, c'est que je m'adresse à l'ensemble de notre assemblée, et plus particulièrement à sa majorité !
M. Nicolas About, président de la commission. Pardonnez-moi de vous avoir interrompu.
M. Guy Fischer. J'essaie de parler tout en regardant mon auditoire !
Alain Olive, donc, résume fort justement la situation : « La mise en concurrence ne va pas résoudre le problème de gestion et de maîtrise de santé. En revanche, elle va accumuler les inégalités. » C'est en effet la porte ouverte à la sélection des personnes en raison de leurs ressources, de leur handicap ou affection lourde.
Si vous vous rappelez quelle fut l'attitude des assureurs privés, AXA en l'occurrence, prompts à se désengager de la couverture des personnes handicapées lorsque cette dernière devenait trop lourde, vous comprendrez que nous n'adhérions pas à la thèse soutenue pour, prétendument, moderniser l'assurance maladie.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce n'est pas sur les propositions du MEDEF que nous votons ce soir !
M. Guy Fischer. Les solutions radicales préconisées pour les autres branches sont tout aussi condamnables, car elles incitent au désengagement des entreprises du financement et de la gestion des actions. C'est particulièrement vrai pour la politique familiale, qui serait entièrement financée par la CSG.
Que dire de la fusion envisagée de tous les régimes de retraite obligatoire des salariés en un régime par points strictement contributifs, et de l'idée, une fois de plus caressée, d'augmenter la durée de cotisation requise pour pouvoir prétendre à une retraite à taux plein, si ce n'est que ces revendications se « heurtent à la pratique des entreprises et aux revendications des salariés », comme l'a souligné Alain Deleu, de la CFTC ?
La majorité sénatoriale a déjà pris position sur cette question, jouant du catastrophisme pour imposer la promotion des fonds de pension.
Que dire enfin du système envisagé pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, dont la gestion serait laissée aux seuls employeurs, ou de la diminution des cotisations engagées, si ce n'est que ces choix n'optimiseraient pas plus la protection des salariés que la prévention ?
Pour des raisons bien éloignées de celles du MEDEF ou de la droite sénatoriale, qui refuse le projet de loi de financement de la sécurité sociale sans pour autant proposer d'alternative claire, les parlementaires communistes ont été et restent globalement assez critiques sur les réponses qu'apporte le projet de loi à ces questions.
Certes, des avancées ont été obtenues en matière d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, puisque l'engagement a été pris d'une réparation intégrale, et notre groupe, en particulier Marie-Claude Beaudeau, a apporté une contribution décisive. Mais, hormis ce point positif, qu'il s'agisse de l'assurance maladie, des retraites ou de la politique familiale, les dispositions envisagées ne nous semblent être à la hauteur ni des réalités ni des enjeux.
En ce qui concerne la retraite, tout d'abord, nous avons pris acte de l'adoption par l'Assemblée nationale, lors de l'examen du budget de l'emploi, de l'allocation équivalent retraite garantissant aux chômeurs et aux inactifs un revenu minimum de 5 750 francs par mois jusqu'à l'âge de la retraite. Pour autant, madame la ministre, nous continuons de soutenir l'idée d'un développement de la retraite à taux plein avant l'âge de soixante ans, dès lors que quarante annuités de cotisations sont acquises.
Tel était d'ailleurs le sens de la proposition de loi du groupe communiste, présentée mardi à l'Assemblée nationale et qui n'a pu être discutée.
Nous regrettons vivement votre attitude, madame la ministre.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ah !
M. Guy Fischer. Nous contestons l'invocation d'arguments comptables lorsqu'il s'agit de mesures de justice sociale. Les députés du groupe communiste et apparentés étaient ouverts à une progressivité du dispositif ; l'alternative n'était pas tout ou rien, et ils auraient pu, par leurs propositions, contribuer à faire avancer le dossier. C'est dans ce sens que nos collègues députés, je le répète, ont vivement regretté votre attitude, madame la ministre.
Aussi avons-nous déposé sur le bureau du Sénat une proposition de loi ayant un objet similaire. Je suis convaincu que cette question reste et restera d'actualité et que nous aurons l'occasion de la faire progresser ensemble, si vous voulez bien nous écouter.
En ce qui concerne, ensuite, les personnels hospitaliers, qui continuent de s'inquiéter des conditions dans lesquelles la réduction du temps de travail sera mise en oeuvre, nous avons dit clairement qu'il fallait entendre la lassitude actuelle des agents hospitaliers et des médecins qui, déjà, souffrent de leurs horaires, des repos et des congés décalés, de la surcharge de travail liée aux pénuries chroniques de personnels. Il convient en conséquence de répondre correctement à leur demande de recrutements en nombre suffisant, pour que la réduction du temps de travail soit effective et synonyme de progrès social.
Nous avons sollicité de votre part, madame la ministre, un certain nombre de réponses sur l'association effective au comité de suivi des syndicats non signataires de la convention, faute de vous voir accepter la réouverture des négociations nationales demandée de nouveau cette semaine par les syndicats majoritaires CGT, FO, CFTC et SUD.
Pour ce qui est de l'affichage des moyens nouveaux concédés, des clarifications nous paraissent toujours indispensables.
Enfin, au sujet des cliniques privées et du ciblage des 1,7 milliard de francs nouveaux dégagés, la droite sénatoriale, en première lecture, nous avait beaucoup reproché notre scepticisme, notre archaïsme. C'était malheureusement de la clairvoyance de notre part, puisque la fédération de l'hospitalisation privée a annoncé, il y a deux jours, son refus de revaloriser les salaires avant février 2002 et a fait part des difficultés pour répartir l'enveloppe débloquée, faute de bilan social fiable de la branche. C'est un comble !
Les infirmiers et les personnels soignants, mis en avant par les patrons des cliniques lorsqu'ils ont voulu exercer leur chantage, sont aujourd'hui plus inquiets que jamais, car les dotations débloquées pour 2001 et 2002 ne répondent pas à leurs revendications. Il est vrai que ce matin, madame la ministre, lors de votre audition par la commission, vous nous avez un peu rassurés sur ce point.
Notre volonté est justement de poursuivre le débat sur les points précis que nous venons de discuter. Par conséquent, vous comprendrez, mes chers collègues, que nous ne puissions voter la question préalable présentée par la commission des affaires sociales : son adoption aurait pour effet de couper court à toute discussion de ce projet de loi, qui est important parce qu'il conditionne les choix de société de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je répondrai brièvement à M. Fischer, avant de vous quitter en raison de mes obligations ; mais M. Kouchner me relaiera au banc du Gouvernement.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Je ne saurai jamais la remplacer ! (Sourires.)
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je voudrais revenir sur la question des retraites et des quarante annuités.
La discussion, avez-vous dit, n'a pu avoir lieu. La discussion a eu lieu : c'est le vote qui n'a pas eu lieu. L'Assemblée nationale a discuté toute une matinée sur cet important sujet, qui, de plus, avait déjà été abordé en première lecture, au moment de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Fischer a souligné que le groupe communiste était ouvert à des solutions progressives. Or le Gouvernement a déposé, lors de la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale, un amendement dont l'adoption a représenté une première étape, à savoir la création d'une allocation « équivalent retraite », attribuée dans un premier temps aux inactifs - un jour, il faudra aller plus loin ! -, c'est-à-dire aux personnes qui, pour quelque raison que ce soit, sont demandeurs d'emploi. Dès lors que, bien qu'âgées de moins de soixante ans, elles auront cotisé quarante annuités, cette allocation leur permettra de bénéficier d'un équivalent retraite d'un montant minimal de 5 000 francs et maximal de 5 750 francs, compte non tenu - et c'est extrêmement important - des ressources du conjoint.
Cette mesure montre dans quelle direction nous souhaitons aller, et j'espère que nous irons de concert, comme vous l'avez souhaité tout à l'heure.
Il nous semble tout à fait légitime que des personnes qui ont commencé à travailler tôt et qui ont acquitté quarante annuités de cotisations puissent partir à la retraite avant d'avoir atteint l'âge de soixante ans. Ce sont souvent des personnes qui ont accompli un travail pénible - travail à la chaîne, travail de nuit - et qui, arrivées à la cinquantaine, sont fatiguées.
Néanmoins, il nous paraît préférable d'étudier cette question en même temps que l'ensemble de la réforme des retraites : en effet, il faudra aussi permettre aux personnes qui ont commencé à travailler plus tard de travailler plus longtemps, lorsqu'elles le souhaitent.
De plus, le coût immédiat de la mesure telle qu'elle a été proposée par le groupe communiste à l'Assemblée nationale est extrêmement important. Je tiens les chiffrages à votre disposition : ce coût s'élève, en net, à 57 milliards de francs.
Enfin, une telle mesure ne résoudrait pas la question de la retraite complémentaire. Je rappelle que les retraites complémentaires - qui sont décidées par les partenaires sociaux, contrairement à la retraite de base - sont considérablement réduites lorsque l'âge du départ à la retraite s'abaisse : à cinquante-cinq ans, il n'y a pas de retraite complémentaire. Je ne pense donc pas que l'on puisse s'engager dans cette voie.
Encore une fois, la question est absolument légitime, et nous avons posé un premier jalon. Nous devons régler cette question lorsque nous procéderons à la réforme générale des retraites - cela se fera nécessairement très vite après les prochaines élections législatives -, et nous devrons la régler en liaison avec celle des retraites complémentaires.
C'est pour cette raison que le Gouvernement n'a pas souhaité poursuivre plus avant l'examen de la proposition de loi, même s'il a la volonté - et je l'ai dit devant l'Assemblée nationale -, dans le cadre de cette réforme globale des retraites, de traiter les situations humaines qui nous touchent et que nous connaissons tous.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

Question préalable



M. le président.
Je suis saisi par M. Vasselle, au nom de la commission, d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat,
« Considérant que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a été élaboré dans la plus grande improvisation, comme l'atteste le dépôt par le Gouvernement d'un nombre élevé d'amendements modifiant, en cours de navette parlementaire, la physionomie même du texte initial ;
« Considérant qu'il confirme et amplifie les montages financiers et les errements déjà dénoncés, les années précédentes, par la Haute Assemblée et n'a, au total, pour objectif principal que d'accroître la contribution de la sécurité sociale au financement d'une dispendieuse politique de l'emploi dont l'Etat n'entend pas ou ne peut assumer la charge sur son propre budget ;
« Considérant que ces ponctions réalisées par l'intermédiaire du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) dépouillent la sécurité sociale des recettes fiscales et des réserves financières qui lui sont indispensables pour faire face à un avenir désormais incertain ;
« Considérant que ces ponctions sont contraires aux engagements mêmes pris par le Gouvermenent, selon lesquels le financement des allégements de cotisations sociales patronales devait demeurer « neutre » pour la sécurité sociale ;
« Considérant qu'elles se traduisent, en outre, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, par le recours à des procédés dont la régularité même soulève de graves questions de principes ;
« Considérant, à cet égard, que l'imputation sur les comptes d'un exercice clos, en l'occurrence l'exercice 2000, de l'annulation de la dette du FOREC à l'égard de la sécurité sociale est contraire à tous les principes communément admis de la comptabilité publique et privée ;
« Considérant qu'une telle imputation n'obéit qu'à des considérations « d'affichage » politique, et ne saurait en aucun cas être justifiée, comme cela a été affirmé par le Gouvernement, par le souci de "tenir compte de l'analyse de la Cour des comptes" ; que le premier président de cette haute juridiction a tenu à confirmer solennellement au président de votre commission que les "dispositions contenues dans l'article 5 du projet de loi ne peuvent être considérées comme reflétant la position de la Cour" ;
« Considérant que l'annulation de la dette du FOREC prive le régime général de quinze milliards de francs de recettes au titre de l'exercice 2000, et le rend ainsi lourdement déficitaire ; qu'elle modifie, ce faisant, profondément les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale déterminé par la loi de financement pour 2000 et par la loi de financement pour 2001 agissant en tant que loi de fiancement rectificative ;
« Considérant, par ailleurs, que la nécessité toujours plus impérieuse, pour le Gouvernement, de trouver les marges de manoeuvre nécessaires au financement de sa politique le conduit à effectuer des prélèvements rétroactifs sur les excédents 2000 de la branche famille ;
« Considérant que ces prélèvements ont notamment pour but de pallier la perte de recettes, résultant, pour le fonds de réserve pour les retraites, des diverses manipulations financières opérées, au cours des deux dernières années, au profit du FOREC ;
« Considérant que ces prélèvements effectués, sans concertation, sur les excédents de la branche famille privent celle-ci des moyens de mettre en oeuvre une ambitieuse politique familiale qui fait aujourd'hui manifestement défaut à notre pays ;
« Considérant que se mettent ainsi en place des circuits de dépenses, de prélèvements et de recettes, parallèles aux objectifs de dépenses et aux prévisions de recettes qu'il est demandé au Parlement d'approuver pour 2002 ou de rectifier pour 2001 ;
« Considérant que, de ce fait, il convient de s'interroger sur la sincérité des comptes soumis à l'examen du Parlement ;
« Considérant que, hors ces montages financiers, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 ne contient rien qui puisse s'apparenter à la définition et à la mise en oeuvre de véritables priorités de santé publique, ni rien qui puisse résoudre le problème à venir des retraites ;
« Considérant qu'en première lecture le Sénat a profondément modifié le projet de loi tel que présenté par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale ;
« Considérant qu'il a tout d'abord souhaité restituer à la sécurité sociale et au fonds de solidarité vieillesse la totalité des recettes qui leur avaient été, directement ou indirectement, « confisquées » au profit du FOREC ;
« Considérant qu'il a ainsi restitué, pour la seule année 2002, 30 milliards de francs de recettes supplémentaires au régime général de sécurité sociale et 18 milliards de francs au fonds de solidarité vieillesse ;
« Considérant que, ce faisant, le Sénat a notamment rétabli les excédents de la branche famille et du fonds de solidarité vieillesse et restauré ainsi les moyens, tant de mener une politique familiale ambitieuse que de contribuer à la garantie des retraites ; qu'il a fait apparaître symétriquement l'ampleur de la charge dont le budget de l'Etat s'est exonéré ;
« Considérant que, par ailleurs, le Sénat a su se montrer constructif en examinant les dispositions du projet de loi relevant véritablement du champ des lois de financement de la sécurité sociale ;
« Considérant qu'en première lecture il a ainsi adopté vingt-sept articles conformes et qu'il en a amendé trente, notamment en faveur des travailleurs victimes de l'amiante ;
« Considérant qu'il a également tenu à enrichir et à compléter le projet de loi ;
« Considérant qu'il a ainsi souhaité favoriser la reprise d'un dialogue confiant entre les professionnels de santé et la sécurité sociale, en supprimant le dispositif des lettres-clés flottantes, système pernicieux, absurde et injuste et donc, au total, inefficace ;
« Considérant qu'il a défini, dans la cadre du rapport annexé à l'article 1er, les objectifs d'une véritable politique nationale dans le domaine sanitaire et social ;
« Considérant qu'il a aménagé, dans un sens plus favorable, les règles de la compensation entre régimes spéciaux d'assurance vieillesse ;
« Considérant qu'il a, en outre, prévu d'associer le conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie à la définition des conditions d'utilisation de ses excédents ;
« Considérant, en revanche, que le Sénat a décidé de rejeter solennellement l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) ;
« Considérant que cette décision est d'une exceptionnelle gravité car cet objectif constitue un élément central des lois de financement de la sécurité sociale, dont les auteurs ont voulu, en 1996, qu'il exprime les priorités de notre système de soins, telles que définies par le Parlement ;
« Considérant cependant que, dépourvu de tout contenu de santé publique, l'ONDAM n'est aujourd'hui qu'un arbitrage comptable, inévitablement contesté, entre les contraintes financières de l'assurance maladie et le souci des pouvoirs publics d'apaiser les tensions que connaît notre système de soins ;
« Considérant que le Sénat s'est, dès lors, refusé à engager sont autorité en approuvant un objectif pour 2002 dont le Gouvernement s'empresse, d'ores et déjà, de s'affanchir ;
« Considérant que le Sénat a pris cette décision en toute connaissance de cause tant la dérive observée depuis quatre ans lui a semblé traduire le dévoiement de l'ONDAM et devoir être sanctionnée clairement ;
« Considérant que le dévoiement de l'ONDAM constitue, au même titre que le financement du FOREC, un point de désaccord fondamental entre le Sénat et, sinon l'Assemblée nationale, du moins la majorité qui soutient le Gouvernement ;
« Considérant que l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, ne s'est pas contentée d'acter ce désaccord essentiel ;
« Considérant qu'elle a rétabli l'ensemble des circuits financiers étrangers aux enjeux de la protection sociale et qui constituent autant de détournements et de manipulations des recettes de la sécurité sociale pour financer les 35 heures ;
« Considérant que ce rétablissement traduit une divergence fondamentale, et irréductible, d'approche des deux assemblées sur cette question essentielle ;
« Considérant, de surcroît, que l'Assemblée nationale a non seulement rétabli l'intégralité des dispositions contestées par la Haute Assemblée mais qu'elle a écarté certaines des améliorations et corrections de bon sens apportées par le Sénat, de même qu'elle a supprimé cinq articles additionnels dont il avait souhaité enrichir le projet de loi ;
« Considérant que l'Assemblée nationale a ainsi entendu signifier qu'elle avait dit son dernier mot dès sa première lecture ;
« Considérant, en outre, que le Gouvernement a fait adopter par voie d'amendement, en nouvelle lecture, une réforme considérable, à la fois par sa portée et son volume, du cadre conventionnel régissant les relations entre les caisses d'assurance maladie et les professions de santé ;
« Considérant que cet amendement a été déposé le 20 novembre, soit la veille du débat en séance publique à l'Assemblée nationale sur la nouvelle lecture du dernier projet de loi de financement de la législature qui s'achève ; qu'il n'a pu de ce fait être examiné de manière approfondie par les députés et n'a pu faire l'objet de la nécessaire concertation avec les professions concernées ;
« Considérant que cette réforme, par son ampleur et ses implications, avait, à l'évidence, vocation à figurer dans le projet de loi initial, tel qu'il a été déposé à l'Assemblée nationale le 10 octobre, et non à être adoptée en nouvelle lecture, après réunion de la commission mixte paritaire ;
« Considérant, de ce fait, que l'on peut s'interroger sur la constitutionnalité des conditions d'adoption de cette réforme par l'Assemblée nationale ;
« Considérant, de surcroît, que cette réforme laisse subsister, pour les professions non signataires d'une convention, le mécanisme des lettres-clés flottantes que le Sénat avait supprimé en première lecture ;
« Considérant que le Gouvernement a ainsi confirmé qu'il entendait ignorer, par principe, la contribution du Sénat sur ce projet de loi.
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je ne veux pas prolonger le débat et j'estime avoir, dans le cadre de la discussion générale, défendu la motion tendant à opposer la question préalable. Je relève seulement l'embarras et du Gouvernement et du groupe communiste républicain et citoyen. Si Mme Guigou et M. Fischer ont essentiellement centré leurs interventions sur le MEDEF, c'est en effet parce qu'ils manquaient d'arguments pour contrer les propositions faites par le Sénat en première lecture ! (M. Guy Fischer proteste.)
Nous considérons pour notre part que le MEDEF est un des partenaires sociaux et qu'à ce titre il apporte sa contribution au débat social, mais ce n'est pas parce qu'une proposition émane de lui qu'il faut considérer qu'elle emporte nécessairement l'assentiment de la majorité sénatoriale ou de l'opposition à l'Assemblée nationale.
M. Guy Fischer. On ne vous a pas souvent entendu réagir !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je comprends donc votre embarras, et, à mon avis, il constitue une raison supplémentaire d'adopter la motion !
M. Gilbert Chabroux. C'est vous qui êtes embarrassés !
Mme Nelly Olin. Il ne faut pas vous énerver, monsieur Chabroux !
M. le président. La parole est à M. Chabroux, contre la motion.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapporteur, notre collègue Alain Vasselle, dans son rapport, a cité l'adage selon lequel « il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ».
Cet adage me paraît bien s'appliquer à la situation dans laquelle nous nous trouvons à l'occasion de cette nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, mais reste à savoir qui est sourd.
M. Vasselle et les membres de la majorité sénatoriale ne sont-ils pas sourds et aveugles lorsqu'ils nient les résultats obtenus, l'équilibre retrouvé, en restant muets sur la situation de 1997...
M. Nicolas About, président de la commission. Sourds, aveugles et muets, ça fait beaucoup !
M. Gilbert Chabroux. ... et les 265 milliards de francs de déficit cumulé ?
Mme Nelly Olin. C'est le Gouvernement qui est aveugle !
M. Gilbert Chabroux. Ne font-ils pas preuve d'aveuglement en ne voyant dans le FOREC que les 35 heures alors que les allégements de charges au titre de la ristourne « Juppé » sont beaucoup plus importants et qu'ils n'ont pas de contrepartie en termes de création d'emplois ? D'abord, sont-ils pour ou contre ces allégements de charges patronales ? Nous ne les avons pas entendu répondre à cette question.
Mme Nelly Olin. Vous êtes sourds !
M. Gilbert Chabroux M. Vasselle et la droite sénatoriale ne sont-ils pas, par ailleurs, frappés d'amnésie...
Mme Nelly Olin. C'est vous qui êtes frappés d'amnésie !
M. Gilbert Chabroux. ... lorsqu'ils veulent supprimer l'ONDAM au mépris de la loi organique du 22 juillet 1996, dite la loi « Juppé », qu'ils ont votée et qui fait l'obligation au Parlement de fixer un objectif national de dépenses d'assurance maladie ? Et vous voudriez nous donner des leçons de constitutionnalité !
Maintenant, après avoir déversé des flots de paroles en première lecture - je pense surtout à M. Vasselle - et cherché à tout détruire pour ne laisser qu'un champ de ruines, vous vous estimez incompris, peut-être même outragés, et vous désertez le combat, alors qu'il y a tant à dire sur l'avenir de la sécurité sociale. Nous souhaiterions par exemple vivement vous entendre sur les positions exprimées par le MEDEF à Strasbourg, voilà quelques jours. Il ne suffit pas de dire : le MEDEF, ce n'est pas nous !
Mme Nelly Olin. Nous, nous sommes parlementaires !
M. Gilbert Chabroux. Nous souhaiterions aussi que s'engage un vrai débat sur l'article 10 A, qui a été considérablement enrichi par le Gouvernement lors de la deuxième lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale.
M. Nicolas About, président de la commission. Me permettez-vous de vous interrompre, mon cher collègue ?
M. Gilbert Chabroux. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Nicolas About, président de la commission. Je vous remercie, monsieur Chabroux.
Ne nous parlez pas du MEDEF ! On ne peut pas à la fois se battre pour instaurer le dialogue entre les partenaires sociaux et, lorsque l'un d'entre eux fait une proposition, immédiatement accabler toute une partie de la classe politique comme si elle était à l'origine de cette proposition !
Mme Nelly Olin. Tout à fait !
M. Nicolas About, président de la commission. Il appartient aux partenaires sociaux de débattre entre eux de leurs propositions. Mais, si le politique « s'amuse » à immédiatement jeter à terre, à déformer, à transformer, à bafouer tout ce que dit l'un des partenaires, comment voulez-vous que s'élabore un véritable dialogue social ? C'est le mépris du dialogue social que nous entretenons ce soir au Sénat !
Mme Nelly Olin. Très bien !
M. Nicolas About, président de la commission. Laissons au contraire le MEDEF discuter avec ses autres partenaires ! Quand ils parviendront - ou ne parviendront pas - à un accord, nous en prendrons acte. A ce moment-là seulement,...
M. Guy Fischer. Ce sera trop tard !
M. Nicolas About, président de la commission. ... nous aurons à jouer notre rôle, celui de politiques responsables, et nous discuterons sans traiter le MEDEF comme si c'était je ne sais quelle maladie !
Mme Nelly Olin. Très bien !
M. Guy Fischer. Le MEDEF se veut acteur pour 2002 !
M. Nicolas About, président de la commission. En France, monsieur Fischer, il y a beaucoup d'acteurs, et le MEDEF n'est qu'un de ceux-là. Le parti communiste et la CGT aussi sont des acteurs, de surcroît actifs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Monsieur Chabroux, veuillez poursuivre.
M. Gilbert Chabroux. Je comprends un peu votre embarras...
Mme Nelly Olin. Ah non ! Il recommence !
M. Jean-Pierre Schosteck. Il n'y a pas d'embarras !
M. Gilbert Chabroux. ... et je note que vous êtes accablés par les positions du MEDEF.
M. Nicolas About, président de la commission. Pas du tout !
M. Gilbert Chabroux. Ah ! Pas du tout ?
M. Jean-Pierre Schosteck. Vous êtes obsédé !
M. Gilbert Chabroux. Je vous ai sentis accablés. Ce serait bien de le dire, de l'exprimer clairement : c'est tout ce que nous vous demandons !
M. Nicolas About, président de la commission. Me permettez-vous de vous interrompre à nouveau, mon cher collègue ?
M. Gilbert Chabroux. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Nicolas About, président de la commission. Monsieur Chabroux, je suis ravi que le MEDEF donne sa position parce qu'il est un des partenaires sociaux et que c'est sur cette vie entre les partenaires sociaux que se développe la démocratie. Je n'accablerai donc pas le MEDEF. Par ailleurs, monsieur Chabroux, je ne me sens pas « accablé » par les propositions du MEDEF !
M. Gilbert Chabroux. Vous avez employé le terme !
M. Nicolas About, président de la commission. Je suis accablé par les comportements que certains adoptent ici !
Mme Nelly Olin. Oui ! Cela dépasse l'entendement !
M. Nicolas About. Vous tuez le dialogue social avant même qu'il ne se soit instauré ! Cessez de parler du MEDEF, d'autant que vous avez d'autres choses à dénoncer et que M. le ministre est là pour entendre vos reproches !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Ce sont des éléments de débat que j'apporte et j'aurais souhaité qu'un débat s'engage. Mais, en recourant à une motion de procédure, vous fuyez le débat !
M. Nicolas About, président de la commission. Mais non !
M. Gilbert Chabroux. Mais si ! Cela ne vous empêche pas pour autant de fustiger l'improvisation et l'absence de concertation. Nous n'en croyons pas nos oreilles ! Faut-il rappeler, à titre d'exemple de démocratie sociale, les conditions dans lesquelles a été élaboré le plan Juppé ? Faut-il rappeler qu'il a mis dans la rue des centaines de milliers de Français ?
M. Jean-Pierre Schosteck. Parce qu'il n'y a personne dans la rue en ce moment ? (Rires sur les travées du RPR.)
M. Gilbert Chabroux. Pas des centaines de milliers de Français ! Pas autant qu'avec Juppé !
Nous sommes très loin du compte !
M. Nicolas About, président de la commission. Vous allez peut-être l'atteindre !
M. Gilbert Chabroux. Il faut mesurer les dégâts du plan « Juppé » : nous essayons encore de les réparer !
Vous nous accusez de porter un coup fatal à la cohésion sociale...
Mme Nelly Olin. On se demande qui est aveugle !
M. Gilbert Chabroux. ... en dépouillant la sécurité sociale de recettes fiscales et de réserves financières qui lui sont indispensables pour faire face à un avenir désormais incertain - je vous cite -, mais quelle proposition faites-vous ? Je suis bien obligé de reparler du MEDEF, car il fait des propositions.
Mme Nelly Olin. Heureusement qu'il est là !
M. Gilbert Chabroux. La seule alternative aujourd'hui, c'est celle qui est proposée par le MEDEF, c'est-à-dire la fin du paritarisme et la privatisation d'une bonne partie de la sécurité sociale. Cela mérite qu'on en parle ! Cela signifie, pour le risque maladie, le recours à des assureurs privés, les entreprises choisissant avec les salariés, sur appel d'offres, l'opérateur qu'elles jugeront le plus efficace.
Bien sûr, le financement serait assuré uniquement par la CSG, car « il n'y a pas de raison que les salariés et les entrepeneurs continuent à financer un système qui profite à tous les Français ». Je répète que je ne fais que citer le MEDEF, en espérant que vous réagirez à ses provocations et que nous aurons un débat sur ce sujet. C'est tout ce que je souhaite.
Il en est de même en ce qui concerne la retraite avec la transformation de tous les régimes de retraite en régimes par points strictement contributifs et la mise en place des fonds de pension que vous appelez de vos voeux, et, cela, je l'ai entendu à plusieurs reprises à propos de la loi Thomas et de son abrogation !
Quant à la politique de la famille, le MEDEF s'en dégage totalement. C'est à l'Etat, exclusivement, de la financer par l'impôt. Qu'en pensez-vous ?
Voulez-vous, comme le MEDEF, le développement de la concurrence, la confrontation du secteur public et du secteur privé, la multiplication des inégalités et la fin de la cohésion sociale, une sécurité sociale à deux vitesses, comme l'a dit Mme la ministre, une politique sociale étriquée, figée sur les privilèges des privilégiés ?
Il faut le dire. Il faut que les Français le sachent : il y a peut-être un programme caché de la droite, celui du MEDEF !
M. Nicolas About, président de la commission. On va vous en parler !
M. Gilbert Chabroux. Les Français, opposés à ce programme, attendent d'autres réponses.
Il faut améliorer la régulation du système de santé sans créer de discrimination dans l'accès aux soins.
Il faut développer une politique familiale plus juste et plus solidaire. Il faut introduire la souplesse qu'attendent les Français dans les conditions de départ à la retraite. Il faut améliorer la réparation des accidents du travail, en tendant à une réparation intégrale.
Cette politique ne peut s'appuyer que sur une sécurité sociale retrouvée, bénéficiant d'un financement stable, durable et cohérent.
Il s'agit de pérenniser une politique sociale qui, depuis 1997, a fait ses preuves, c'est-à-dire une politique de réduction des inégalités, qu'il s'agisse de l'emploi ou de la santé et de la protection sociale, grâce aux emplois-jeunes, à la loi contre les exclusions, aux 35 heures, à la CMU, à l'allocation personnalisée d'autonomie, ainsi qu'aux lois de modernisation sociale et de rénovation de l'action sociale et médico-sociale, qui seront définitivement adoptées avant la fin de cette année.
M. Jean-Pierre Schosteck. Ah ?
M. Gilbert Chabroux. Nous l'espérons ! Elles seront de toute façon bientôt adoptées.
Cette nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale aurait dû aussi nous donner l'occasion de discuter de la nouvelle architecture conventionnelle - j'y reviens - destinée à améliorer et à réguler les soins de ville. L'article 10 A a le mérite d'exister, et il ouvre des perspectives qui mériteraient que nous engagions un débat au Sénat, comme cela a été le cas à l'Assemblée nationale.
Nous aurions souhaité que le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale aille à son terme et qu'il ait lieu dans la clarté, chacun affirmant ses choix et ses convictions.
Pour le groupe socialiste, les choix ont été affichés, ils sont connus de tous. Nous avons sans cesse chercher à atteindre l'objectif d'une solidarité accrue entre les générations, entre les malades et les bien-portants, entre ceux qui sont bien protégés et ceux qui l'étaient moins, et en faveur de toutes les familles sans distinction, quel que soit leur statut juridique ou social.
Je le répète, nos choix sont clairs, et les Français sont en droit d'attendre de l'opposition qu'elle se prononce aussi clairement.
Nous ne pouvons donc que nous opposer à la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nelly Olin. Toujours le monopole du coeur !
M. Nicolas About, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission. Je voudrais faire quelques remarques à la suite de l'intervention de M. Chabroux.
M. Chabroux n'a d'autre argument aujourd'hui que le MEDEF...
M. Gilbert Chabroux. Cela fait partie du débat !
Mme Nelly Olin. Heureusement qu'il est là !
M. Nicolas About, président de la commission. Je retiendrai, monsieur Chabroux, que, pour vous, tout le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale s'est résumé aux choix du MEDEF, mais, puisque vous souhaitez parler du MEDEF, allons-y !
Pourquoi, aujourd'hui, discutons-nous, discutez-vous, du MEDEF ? Parce que le Gouvernement, par son action, a détruit le travail des partenaires sociaux, de ceux qui géraient les caisses. Pourquoi le MEDEF a-t-il quitté les conseils d'administration des caisses ? Parce que l'Etat « a piqué du fric dans la caisse » pour financer les 35 heures, vous le savez très bien ! (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Gilbert Chabroux. Enfin, voilà une position claire !
Mme Nelly Olin. C'est la vérité !
M. Nicolas About, président de la commission. Bien sûr, c'est clair !
Monsieur Chabroux, vous n'avez pas dû assister au même débat que nous.
M. Jean-Pierre Masseret. Classique...
M. Nicolas About, président de la commission. En effet, vous nous avez demandé à la tribune quelles étaient les propositions du Sénat.
M. Gilbert Chabroux. Les vôtres !
M. Nicolas About, président de la commission. Ce que nous proposons, c'est que l'Etat remette dans la caisse ce qu'il y a pris !
Je sais que Mme la ministre s'est plainte que M. le rapporteur ait parlé trop longuement lors de la première lecture.
Mme Nelly Olin. Elle n'a pas écouté !
M. Nicolas About, président de la commission. Pourtant, son intervention n'a certainement pas été assez longue, car sinon vous auriez compris que nous souhaitions que les 30 milliards de francs en question soient reversés à l'assurance maladie. Or qu'avons-nous constaté depuis quelque temps ? L'Etat n'a de cesse de lui faire supporter des charges supplémentaires !
Par conséquent, nous proposons aujourd'hui de reverser l'argent dans les caisses, pour permettre aux partenaires sociaux de se remettre tous ensemble à l'ouvrage. Nous souhaitons en effet rétablir les conditions d'un dialogue indispensable au fonctionnement de la sécurité sociale.
M. Gilbert Chabroux. Grâce au MEDEF ?
Mme Nelly Olin. Mais c'est fou ! Heureusement qu'il y a le MEDEF !
M. Gilbert Chabroux. Vous vous référez au MEDEF !
M. Nicolas About, président de la commission. Pas du tout, je viens d'évoquer un fonctionnement normal de l'ensemble des branches de la protection sociale, en particulier de l'assurance maladie. Je souhaite donc que l'on puisse restaurer le partenariat entre tous les acteurs du champ social.
Par ailleurs, vous avez affirmé, monsieur Chabroux, que voter contre l'ONDAM était anticonstitutionnel. Ah bon !
M. Gilbert Chabroux. Oui, vous votez contre l'ONDAM ! Vous le supprimez !
M. Nicolas About, président de la commission. Monsieur Chabroux, vous savez parfaitement que l'ONDAM n'a été respecté que la première année, et encore n'est-ce pas grâce à vous, bien au contraire. On ne peut donc, comme vous le faites, évoquer sans cesse M. Juppé avec une certaine condescendance : ce sont ses successeurs qui n'ont pas su estimer les véritables besoins et prévoir les dépenses en matière de santé.
En outre, s'agissant de la négociation de la convention, vous savez fort bien comment Mme la ministre conçoit la discussion avec le Parlement ! C'est après la réunion de la commission mixte paritaire, à l'occasion de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, que le Gouvernement a présenté un amendement sur ce point ! Ne s'agit-il pas là d'un profond mépris du Parlement...
Mme Nelly Olin. Bien sûr !
M. Nicolas About, président de la commission. ... et d'un refus de débattre, alors que l'on sait très bien que la commission mixte paritaire a échoué ?
Cela étant, il ne faut effectivement pas, comme vous le disiez tout à l'heure, monsieur Chabroux, être sourd, muet ou aveugle. Or vous avez malheureusement démontré, par vos propos à la tribune, à la face de tous les Français, que vous ne voyez pas que ce sont vos amis qui ont « piqué » dans la caisse de l'assurance maladie !
M. Jean-Pierre Godefroy. Non, ce sont les vôtres !
M. Nicolas About, président de la commission. Vous ne voyez pas que ce sont eux qui refusent la discussion conventionnelle !
M. Gilbert Chabroux. Et les 265 milliards de francs de déficit !
M. Nicolas About, président de la commission. Vous ne voyez pas que ce sont eux qui ont ruiné la relation entre les partenaires sociaux !
Pour toutes ces raisons, nous demandons au Sénat d'adopter la motion tendant à opposer la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement, la parole peut être accordée pour explication de vote à un représentant de chaque groupe politique, pour une durée n'excédant pas cinq minutes.
La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reprendrai pas l'ensemble des arguments excellemment développés par M. le rapporteur et par M. le président de la commission des affaires sociales, mais deux motifs justifient à eux seuls que nous rejetions le projet de loi de financement de la sécurité sociale dans sa rédaction actuelle.
En premier lieu, l'avenir des retraites n'est pas assuré par ce gouvernement, or l'échéance se rapproche : dès 2005, l'équilibre financier de l'ensemble des régimes de retraite risque d'être remis en cause.
Comme nous l'avons vu au cours de la première lecture et, hier encore, lors de l'examen de l'article 17 du projet de loi de finances pour 2002, l'alimentation du fonds de réserve des retraites reste précaire et la source de financement représentée par la vente des licences UMTS est en grande partie tarie. Quelle que soit la future majorité gouvernementale, elle devra imaginer des solutions autrement plus rigoureuses au problème du financement des retraites.
En second lieu, s'agissant de l'avenir démographique de notre pays et, par conséquent, de notre système de protection sociale, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne prévoit aucune mesure substantielle en faveur des familles. Or le pouvoir d'achat de celles-ci baisse depuis plusieurs années, et il est temps que les excédents dégagés au titre des allocations familiales puissent être mobilisés en fonction des priorités des familles, c'est-à-dire en faveur de l'amélioration du niveau des prestations, de la création de places de crèche et de l'incitation à la garde des enfants à domicile.
J'ajouterai que la politique de la santé manque de moyens, et je conclurai mon intervention en citant Lamennais : « Si l'on peut en finir du passé avec l'oubli, on n'en finit pas de l'avenir avec l'imprévoyance. »
Pour l'ensemble des raisons exposées, le groupe de l'Union centriste votera la motion tendant à opposer la question préalable présentée par la commission des affaires sociales du Sénat. (M. le président de la commission des affaires sociales applaudit.) M. le président. La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de déplorer le climat dans lequel s'est déroulé ce débat : il y a eu mépris, agression verbale et agressivité. Je dois dire que c'est la première fois en six ans que cela se produit, et ce n'est pas vraiment digne d'un ministre.
M. Gilbert Chabroux. C'est parce qu'il y a un nouveau rapporteur !
Mme Nelly Olin. Non, monsieur Chabroux, ce n'est pas tout à fait cela. Je crois qu'il s'agit là d'un manque de respect pour le Parlement et je tenais à le souligner.
Quoi qu'il en soit, le climat favorable créé par une croissance forte permettant de minimiser la dérive des dépenses de notre système de protection sociale cède la place aujourd'hui à une profonde inquiétude. Le ralentissement de la croissance est déjà une réalité et aura des répercussions sur l'emploi et les comptes sociaux, ce que nous ne pouvons que déplorer.
Faut-il pour autant se voiler la face et nier la réalité en ne tenant pas compte de ces faits dans l'élaboration des comptes de la sécurité sociale ? Nous ne le croyons pas, nous pensons au contraire qu'il faut préparer l'avenir et engager les réformes nécessaires à la préservation de nos régimes de sécurité sociale, auxquels nous sommes tous très attachés.
Or le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, tel que l'Assemblée nationale l'a adopté en nouvelle lecture en supprimant la plupart des dispositions adoptées par le Sénat, est bien loin de prévoir les réformes indispensables.
Tout au contraire, les décisions prises s'agissant des circuits de financement et les choix faits par le Gouvernement sont d'une exceptionnelle gravité, car ils compromettent l'avenir de nos régimes.
Ainsi, il est grave de fragiliser l'équilibre financier de la branche dont la situation est la plus préoccupante à court terme, à savoir la branche maladie. Année après année, de réajustement des dépenses prévisionnelles en rebasage des dépenses réelles, l'ONDAM a perdu toute signification et ne représente plus aujourd'hui qu'une vague indication de dépenses à usage coercitif. Ce texte prive donc la branche maladie de recettes significatives, alors même que ses dépenses sont manifestement sous-évaluées. En dépit des milliards de francs dépensés depuis cinq ans, notre pays n'a pas su se doter d'un véritable outil de régulation des dépenses de santé équitable en responsabilisant tous les acteurs du secteur.
Il est grave d'instaurer des sanctions financières systématiques pour les laboratoires, sanctions qui se révèlent n'avoir aucune répercussion sur les dépenses de médicaments, qui n'ont cessé d'augmenter. Nous ne pourrons pas faire l'économie d'une véritable politique du médicament, fondée sur le service médical rendu mais aussi sur un référentiel de prescriptions à réactualiser dans l'optique d'une dynamisation des références médicales opposables.
Il est grave que le produit des taxes sur les consommations d'alcool et de tabac, responsables de nombreuses pathologies et coûteuses pour la branche de l'assurance maladie, soit désormais intégralement affecté au FOREC au lieu de servir à financer une véritable politique de prévention permettant de lutter contre les ravages causés par ces fléaux.
Il est grave que le Gouvernement ait décidé de ne pas compenser le déficit du FOREC au titre de l'année 2000 pour un montant de près de 16 milliards de francs, contrairement aux engagements passés et sous de faux prétextes de transparence. La charge liée au passage aux 35 heures sera donc bel et bien supportée par les régimes de sécurités sociale et non par l'Etat en 2000.
Il est grave que le Gouvernement ait rompu le dialogue avec les partenaires sociaux, qui sont tous également sévères envers la politique qui est menée. Ils ne semblent d'ailleurs guère convaincus par la conversion subite du Gouvernement à la nécessité de renouer le dialogue social. Il est en outre déplorable que la Caisse nationale d'assurance maladie en soit réduite à un rôle subalterne, qui traduit bien le peu d'attention que le Gouvernement porte aux partenaires sociaux.
Il est grave que seul le gouvernement français estime nécessaire d'attendre pour réformer et adapter notre système de retraites, alors que quasiment tous les pays européens ont engagé des politiques visant à tenir compte des réalités démographiques. Même les hypothèses retenues par les études les plus favorables ne tiennent plus, et personne ne peut croire un instant qu'une croissance soutenue suffira à elle seule pour régler en douceur la question des retraites.
Il est grave d'accaparer les excédents de la branche famille et de faire supporter à celle-ci des charges indues, au mépris le plus absolu du paritarisme et en violation du principe d'autonomie des branches. Ces choix empêchent la mise en oeuvre d'une politique familiale plus volontariste et plus audacieuse qui faciliterait l'accueil des enfants dans les familles et permettrait de mieux faire face aux conséquences du vieillissement.
En fuyant ses responsabilités, le Gouvernement compromet l'avenir d'un système de protection sociale que nous souhaitons sauvegarder.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR du Sénat votera la motion présentée par notre excellent rapporteur, M. Alain Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales ! (Applaudissements sur les travées du RPR, et de l'Union centriste.)
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en l'état actuel de notre débat, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de revenir sur le fond.
En effet, vous connaissez maintenant les arguments opposés par le Gouvernement aux appréciations portées par la majorité de votre assemblée sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les divergences sont profondes, et manifestements insurmontables pour le moment.
Ainsi, la majorité sénatoriale nous reproche de produire des excédents en présentant des comptes inexacts. Je lui laisse la responsabilité de cette affirmation, cependant je m'étonne que M. le président de la commission ait pu employer l'expression : « piquer dans la caisse ».
M. Nicolas About, président de la commission. C'est certainement une expression abusive.
M. Gilbert Chabroux. Tout à fait abusive !
M. Guy Fischer. Dont acte !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je vous remercie, monsieur le président de la commission.
Je répondrai une nouvelle fois que ces excédents sont réels et que le souci du Gouvernement est d'en faire un usage qui permettre d'améliorer la protection sociale de nos concitoyens.
Cela étant, madame Olin, je reconnais que le problème des retraites, qui a été abordé, de différentes façons d'ailleurs, chez nos voisins, n'a pas été encore convenablement réglé dans notre pays. Mme la ministre l'a relevé, et nous nous efforcerons, ou vous vous efforcerez, de le faire. (Sourires.)
En revanche, vous ne pouvez pas prétendre que nous ayons mis à mal l'assurance maladie au travers de l'ONDAM. Cette accusation n'est pas recevable, parce que les faits sont têtus. Elle l'est d'autant moins que nombre d'études et de reportages sont réalisés par nos voisins européens sur l'exception française en matière de prise en charge des soins. L'attitude de la majorité sénatoriale sur cette question me paraît donc quelque peu étonnante.
Certes, il est difficile de s'en tenir à une politique stricte s'agissant du médicament, mais cela est vrai pour les gouvernements de droite comme pour les gouvernements de gauche. En effet, des molécules nouvelles apparaissent, très efficaces mais très coûteuses, et nous devons donc à la fois accepter et financer les conséquences du progrès : je vous accorde que tout n'est pas réglé à cet égard.
Ma position sur ce sujet est connue. Alors que, voilà quelques années, nous étions fortement limités par la technique pour traiter certaines maladies que l'on aborde différemment aujourd'hui, ce sont maintenant les finances qui nous entravent. C'est vrai pour nous aujourd'hui et ce sera vrai pour vous demain.
Il est presque miraculeux que le système tienne, grâce au efforts de tous. L'excès des revendications, notamment en ce moment, devrait nous inciter à réfléchir, les uns et les autres, sur l'excellence de ce système et sur l'exception qu'il constitue. A force de considérer que, en France, il est naturel de se faire soigner dans les meilleures conditions - et ce n'est pas parfait partout, il existe des inégalités et il faut améliorer la situation - on ne se rend pas compte que, jusqu'à présent, le système a tenu.
L'ONDAM a été respecté, a dit M. le président About. Certes, il l'a été, mais une fois, l'année de sa création. Aussitôt après, il a dérapé, pour vous comme pour nous. Ne soyez pas surpris, ce sera toujours ainsi. Ce que je voudrais vous faire comprendre - vous avez compris depuis très longtemps d'ailleurs - c'est que, en réalité, si nous continuons dans l'excellence approchée - ne soyons pas trop arrogants - cela coûtera toujours un peu plus cher et nous devons donc trouver un système d'ajustement. Or, ni vous ni nous ne l'avons encore trouvé, mais nous nous en approchons.
S'agissant des dérapages, il faut rappeler que les soins représentent au total 1 000 milliards de francs par an dans notre pays. Il y a, en effet, des glissements de temps en temps de l'ordre de 10 milliards ou de 20 milliards de francs. Nous devons donc trouver un dispositif qui accepte cela ; nous ne nous en sommes pas encore approchés.
Oui, l'ONDAM n'a pas été respecté cette année. Il a eu, en effet, mais sans intention de dissimuler, des déplacements de sommes parce que les comptes étaient excédentaires. Nous l'avons fait honnêtement et très politiquement. Vous avez bien sûr le droit, vous l'avez manifesté, de ne pas accepter ce que nous avons fait.
Je conclurai en disant simplement que, si la majorité sénatorial était suivie, c'est-à-dire si cette motion était adoptée, des millions de Français seraient privés d'un certain nombre d'avancées majeures qui figurent dans ce projet de loi.
Madame Olin, vous avez fait allusion aux sanctions. Ce n'est pas nous qui les avons inventées. Avant, elles étaient appliquées d'une autre manière, mais le système était le même (Mme Olin est dubitative) . Je suis contre les sanctions. Je l'ai toujours été. J'étais contre les sanctions sous le gouvernement précédent. Je ne suis pas en faveur de ces sanctions-là et c'est pourquoi nous sommes en train de les lever.
Dans cette proposition en trois temps ou en trois étages, qui comporte des avancées en termes de forfait pour la santé publique, figure la levée des sanctions. Voilà le dispositif que nous avons élaboré. Il n'est pas parfait, mais nous le défendrons devant les Français dans un avenir proche.
Si votre motion était adoptée, que deviendraient la protection contre les risques liés à la vieillesse et cette nouvelle manière de personnaliser et de prendre en charge la perte d'autonomie ? Or, par ces mesures, nous aidons vraiment les familles.
Il s'agit du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature. Aussi, je regrette que vous votiez cette motion tendant à opposer la question préalable. En effet, j'aurais préféré que, ensemble, nous allions de l'avant. Mais, après tout, les Français jugeront ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 22:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 203
Contre 111

En conséquence, le projet de loi est rejeté.
L'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

9

LOI DE FINANCES POUR 2002

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002 (n° 86, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 87 (2001-2002).]

Recherche

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la recherche.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. René Trégouët, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous réunis ici parce que nous aimons la recherche et que nous croyons qu'elle est essentielle à l'avenir de la France.
Rien ne serait plus stérile que de nous lancer à la figure des bilans et d'engager une bataille de chiffres.
Concernant les crédits du budget civil de recherche et de développement, le BCRD, et du ministère de la recherche pour 2002, je considère cependant qu'ils sont affectés d'un grave degré d'incertitude - mais cela ne dépend pas de vous, monsieur le ministre - au même titre que le projet de budget de l'Etat dans son ensemble, dont la commission des finances a dénoncé « la grande illusion ».
Les prévisions de croissance du Gouvernement sont irréalistes, et il est impossible, pour des raisons que M. le rapporteur général a exposées ici, de laisser le déficit public s'aggraver.
Dès lors, qui peut nous garantir que les crédits prévus ne feront pas l'objet ultérieurement d'annulations ? Je rappellerai seulement, maintenant, que leur total inscrit dans le projet de loi de finances pour 2002 s'élève à 8,7 milliards d'euros pour le BCRD, dont 6,2 milliards de francs pour le ministère de la recherche.
Les taux de progression affichés sont inférieurs, respectivement, à la croissance du produit intérieur brut que le Gouvernement voudrait obtenir, en ce qui concerne le BCRD, et à la hausse des prix, en ce qui concerne le budget de la recherche. A l'encontre de ce que nous pouvons lire ou entendre çà et là, vous n'avez donc pas été particulièrement gâté, monsieur le ministre. Je vous renvoie pour d'autres précisions, si vous le voulez bien, à mon rapport écrit.
Ainsi devons nous, les uns et les autres - et c'est ainsi que j'ai voulu commencer mon intervention - faire preuve d'humilité.
Depuis 1993, la part de notre effort financier de recherche dans l'utilisation du produit de notre activité économique est en régression. Celle des administrations l'est plus particulièrement, et la recherche de nos entreprises reste globalement insuffisante.
Le secteur public occupe toujours une part importante dans notre système, et le budget de l'Etat dans son financement.
Nos performances - il faut le reconnaître - ne sont pas extraordinaires en comparaison de celles des principaux pays de l'Organisation de coopération et de dévelopement économiques, l'OCDE, qu'il s'agisse d'effort financier global et de résultats qualitatifs ou quantitatifs, tels que les dépôts de brevet ou le nombre de citations dans les revues scientifiques notamment.
Notre potentiel n'est certes pas en cause, ni l'excellence de nos chercheurs.
Mais il y a un problème de structures et de mentalités. Les structures sont complexes, morcelées et difficiles à coordonner, qu'il s'agisse de recherche fondamentale ou appliquée, de valorisation ou simplement de transferts de connaissance.
Les mentalités sont influencées par le statut de chercheur à vie et l'insuffisance à tous points de vue de mobilité de notre recherche, et elles sont parfois trop éloignées des préoccupations de la société et des entreprises.
Il n'est pas question pour autant de prétendre finaliser, autoritairement ou à outrance, la recherche fondamentale. Celle des universités américaines se valorise bien mieux, grâce à des interfaces efficaces, que les activités des agences fédérales, pourtant plus orientées vers les applications.
Dans les sciences de la vie, qui prennent de plus en plus d'importance, les frontières entre science, technologie, recherche académique et finalisée s'estompent. Cela n'est pas nouveau.
Pasteur, qui était un universitaire, a effectué ses dévouvertes essentielles en réponse à des demandes très concrètes : problème de fermentation de la bière produite par les brasseries lilloises, effets dévastateurs de la maladie des vers sur l'industrie de la soie, ou du charbon et du choléra sur les élevages de poulets.
Mais regardons ensemble, si vous le voulez bien, l'avenir de la recherche en France.
Nous ne pouvons pas faire table rase du passé et devons tenir compte de nos spécificités.
Nos deux principales singularités sont l'existence du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, et le statut de chercheur à vie.
Le CNRS est une institution unique en son genre, créée pour rémédier aux faiblesses de la recherche des universités, elles-mêmes concurrencées par les grandes écoles.
Le statut des chercheurs est proche, pour la plupart d'entre eux, de celui de la fonction publique, hérité de la loi « Chevènement » de 1982.
Nos faiblesses sont liées à nos singularités : malgré d'immenses progrès, les universités occupent, dans notre recherche, une place moins éminente que dans les pays anglo-saxons ; l'existence du CNRS complique le système et en rend la « gouvernance » et la réforme difficiles ; le statut de 1982 a échoué dans ses intentions de favoriser la mobilité des chercheurs, les cloisonnements demeurant, en particulier avec le secteur privé ; cette insuffisance de contacts entre le secteur public et le secteur privé explique sans doute, pour une large part, la valorisation décevante des résultats de notre recherche.
Nous avons cependant accompli des progrès en matière de créations d'entreprises innovantes, notamment grâce à la loi de juillet 1999.
Cependant, je le rappelle, nous attendons toujours la publication du décret sur les services d'activités industrielles et commerciales des établissements d'enseignement supérieur.
Par ailleurs, le développement, encore insuffisant, du capital-risque en France est menacé par le retournement de la conjoncture économique.
Réformer notre recherche est une tâche particulièrement difficile. Le choc démographique des départs massifs à la retraite de chercheurs durant la prochaine décennie représente cependant une occasion unique pour provoquer cette modification en profondeur de la recherche.
Il faut cependant, pour cela, repenser le statut du chercheur dans notre pays, avec le souci d'obtenir durablement la mobilité qui fait défaut à notre recherche non seulement entre disciplines, au sein du secteur public, mais aussi entre le secteur public et les entreprises.
Je rappellerai, à ce sujet, que les université américaines mettent au service de leur recherche d'abord la créativité de leurs étudiants, puis l'énergie et les connaissances de leurs jeunes diplômés. Les meilleurs d'entre eux sont recrutés sur contrat à durée déterminée dans le cadre de programmes précis. Ils bénéficient de rémunérations de 60 % supérieures à celles qui sont offertes en France à nos propres « post-docs », soit l'équivalent de quelque 16 000 francs par mois au lieu de 10 000 francs en France. Ils trouvent ensuite plus facilement des débouchés dans le secteur privé.
C'est ainsi qu'est assurée la mobilité de la recherche universitaire américaine et que cette dernière attire des jeunes docteurs venus du monde entier.
Or les ressources humaines sont fondamentales. A partir d'un assouplissement de leur utilisation, il est possible d'envisager en France une rationalisation de la répartition des tâches entre les différentes composantes de la recherche et de réformer progressivement ses structures.
L'organisation de la recherche française a besoin de plus de souplesse et de cohérence.
La souplesse suppose d'accorder plus d'autonomie aux différents intervenants concernés, notamment les universités, et de recourir davantage aux contrats.
Le contrat doit être non seulement un moyen de se fixer des objectifs communs mais aussi un mode de gestion de l'emploi scientifique. Lui seul peut permettre de lever durablement les réticences au recrutement de « post-docs » et d'assurer entre disciplines et établissements une mobilité à laquelle les personnels fonctionnaires devraient, par ailleurs, être contraints.
La cohérence implique une simplification et une rationalisation des structures, une meilleure coordination des actions et un renforcement de l'évaluation. Cette dernière devrait permettre une stimulation et une émulation susceptibles de renforcer l'excellence de notre recherche.
Ainsi serait-il possible de garantir l'efficacité de l'augmentation des dépenses souhaitables.
Monsieur le ministre, nos principaux partenaires et concurrents ont accru de façon significative, ces dernières années, leur effort de recherche, tout en procédant, pour beaucoup d'entre eux, à d'importantes réformes de leurs systèmes.
La commission des finances estime que l'action du Gouvernement, de ces deux points de vue, n'a pas été à la hauteur des enjeux.
Monsieur le ministre, c'est au vu d'un bilan pluriannuel qui engage tout le Gouvernement, et non à partir de la seule appréciation de ce projet de budget et de votre action personnelle, qu'elle demande au Sénat de rejeter les crédits de votre ministère. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte, rapporteur pour avis.
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la recherche scientifique et technique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le contexte actuel de mondialisation accrue, notre économie ne restera compétitive que si elle sait se positionner sur la création de produits à forte valeur ajoutée intellectuelle.
Ce constat est désormais largement partagé dans les milieux économiques. La recherche et son complément, l'appui à l'innovation, constituent donc une priorité absolue pour favoriser l'emploi futur et pour conjurer la menace, toujours présente, du déclin. Il est nécessaire que l'appui à l'économie en même temps qu'à la science, à la culture, à la recherche et à l'innovation relève du domaine régalien de l'Etat.
Comme M. le rapporteur spécial vient de le dire, le budget civil de la recherche et du développement s'élèvera à 8,7 milliards d'euros pour 2002, mais n'augmentera qu'à peu près au même taux que l'ensemble du budget de l'Etat.
Je regrette que la recherche et l'innovation ne se manifestent pas comme une priorité nationale, et que le projet de budget ne reflète pas le grand dessein affiché en mars 2000 par le Conseil européen de Lisbonne, grand dessein qui est toujours aussi indispensable et devrait dépasser tous les clivages politiques habituels.
Je ne vous présenterai pas de façon détaillée les crédits du ministère, vous renvoyant à cet égard à mon rapport écrit ainsi qu'aux excellentes analyses de mes collègues de la commission des finances et de la commission des affaires économiques.
Je m'attacherai beaucoup plus à la structure des dépenses et à la politique menée.
Les crédits consacrés aux interventions directes du ministère permettent un progrès léger de la proportion des crédits sur lesquels vous avez une action directe, monsieur le ministre ; je m'en réjouis, bien qu'ils ne représentent que 10 % des crédits du ministère. Cela permet une augmentation des crédits du Fonds national de la science, qui sont portés à 114 millions d'euros, ce dont je me félicite.
L'effort effectué l'an dernier au profit du Fonds de la recherche technologique marque une pause que je regrette, mais les crédits de ce fonds s'élèvent tout de même à 104 millions d'euros.
Les crédits consacrés aux organismes de recherche, qui représentent 90 % de l'enveloppe globale du ministère, sont en hausse de 0,8 %, ce qui correspond en fait à une baisse d'environ 1 % en pouvoir d'achat.
Je constate néanmoins que l'effort que vous aviez annoncé l'an dernier en faveur de l'emploi scientifique se poursuit dans le projet de budget pour 2002, avec la création de 500 emplois. Nous nous félicitons de ce que ces créations d'emplois et les hausses ponctuelles de crédits qui les accompagnent s'effectuent au profit des organismes les plus efficaces et les mieux orientés sur les priorités sectorielles définies par le ministère, ceux qui ont, en outre, le plus fort taux de mobilité. Nous nous félicitons aussi de l'augmentation du taux des allocations, augmentation indispensable.
J'en profite pour aborder à nouveau le problème crucial de la mobilité des chercheurs, que j'ai évoqué chaque année depuis maintenant plus de seize ans que j'interviens sur le budget de la recherche.
Chez nous, on a toujours le sentiment que le métier de chercheur doit être exclusif de tout autre tout le long de la vie, et cela n'est bon pour personne dans la mesure où, si les chercheurs avaient la volonté, la possibilité pratique, et, d'une certaine façon, la dynamique culturelle correspondante, de se diriger soit dans l'industrie, soit dans l'enseignement, soit encore dans les organismes de culture scientifique ou de culture populaire, cette mobilité produirait indiscutablement une bien meilleure pyramide des âges, une bien meilleure créativité et une bien meilleure recherche.
Les priorités que vous avez affichées ne me paraissent pas contestables : sciences du vivant, technologies de l'information et de la communication, recherche en matière d'environnement. Je relève d'ailleurs qu'elles correspondent, bien souvent, à des orientations que la commission prône depuis longtemps, et je m'en félicite.
Je me félicite aussi de l'appui donné à l'innovation et au transfert de technologie, que nous avions encouragé en participant activement à l'élaboration et à l'adoption de la loi du 12 juillet 1999. Je déplore, certes, vivement les retards qui affectent encore certains de ses décrets d'application et font obstacle, en particulier, à la création des services d'activités industrielles et commerciales, SAIC, pourtant si nécessaires au bon fonctionnement des incubateurs. En effet, un incubateur nécessite un professionnalisme certain en matière de transfert, de gestion de la propriété industrielle, de recherche de fonds complémentaires, et de partenariat industriel. Il s'agit d'un métier industriel complexe, qui doit être exercé avec des industriels. Il faut donc du personnel recruté sous la forme prévue pour le faire.
Je constate, monsieur le ministre, que vous avez pu renforcer le dispositif de transfert technologique avec l'appel à projet « incubation et capital amorçage des entreprises technologiques » ou encore la constitution de fonds publics pour le capital risque. Il y a donc là des progrès indiscutables.
Cette politique n'est pas étrangère au renforcement de l'effort de recherche des entreprises, qui dépasse, depuis 1995, l'effort de recherche public. Il faut donc la renforcer et l'adapter.
Je parlerai ultérieurement du rôle joué par l'Agence nationale de valorisation et de la recherche, l'ANVAR, qui devrait aussi pouvoir jouer un rôle de « capital amorçage ». Pour l'instant, je relèverai une timide percée d'une fiscalité favorable, avec la création des bons de souscription de parts d'entreprises.
En conclusion, monsieur le ministre, j'estime que le projet de budget que vous nous présentez n'est, malgré ses insuffisances manifestes, pas dépourvu de qualités quant au choix de ses priorités.
Pour ces raisons, la commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour le vote des crédits de la recherche pour 2002. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Revol, rapporteur pour avis.
M. Henri Revol. rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'évolution proposée pour le budget civil de recherche et développement, soit une hausse de 2,2 %, classe la recherche dans la moyenne des budgets civils de l'Etat et non au rang d'une priorité gouvernementale, comme l'environnement ou la justice, par exemple. En outre, les trois disciplines scientifiques prioritaires bénéficient de l'essentiel de l'effort budgétaire, au risque de fragiliser les secteurs d'excellence plus traditionnels, comme la physique, notamment.
Les orateurs précédents, mes excellents collègues MM. Trégouët et Laffitte, ont fort bien analysé ce budgét. Aussi, je concentrerai mes propos sur les principales préoccupations et observations de la commission des affaires économiques.
D'abord, je voudrais vous faire part très solennellement, monsieur le ministre, de notre inquiétude s'agissant des recherches sur l'aval de la filière nucléaire.
Le Commissariat à l'énergie atomique est chargé d'imaginer des solutions « flexibles et réversibles » d'ici à 2006 pour le stockage des déchets nucléaires à vie longue et à haute activité. Or les recherches sur la transmutation des déchets sont bloquées, depuis la fermeture du réacteur Superphénix, les opérations de rénovation du réacteur Phénix ayant, quant à elles, pris plus de deux ans de retard, à tel point qu'on peut se demander quelle est la part des circonstances extérieures et celle de l'absence de volonté politique pour sa remise en service.
De nombreux échantillons ont été élaborés par le CEA et attendent d'être irradiés. La réunion du groupe permanent chargé, au sein de l'autorité de sûreté, d'autoriser le redémarrage de Phénix est prévue pour juin 2002, date qui, semble-t-il, ne saurait être qu'une pure coïncidence ! La commission a déploré que les désaccords « pluriels » du Gouvernement amputent ainsi notre potentiel en la matière, voire remettent en cause notre capacité à tenir l'échéance de 2006.
S'agissant du centre national d'études spatiales, la dotation de l'Etat, qui avait baissé l'an dernier, n'est que stabilisée, dans le projet de loi de finances pour 2002, à 1 343 millions d'euros.
Or, dans la lignée de la décision récente des ministres européens à Edimbourg, dont il faut d'ailleurs se réjouir, la mise en oeuvre, dans les cinq années à venir, du programme Ariane 5 Plus, nécessitera une montée en puissance de ses besoins pour atteindre environ 1 400 millions d'euros annuels. Il serait donc souhaitable que le Gouvernement s'engage, à cet horizon, à donner à cet établissement une visibilité budgétaire particulièrement indispensable dans le secteur spatial.
Véritable talon d'Achille de la recherche française, la valorisation technologique de la recherche doit encore être améliorée ; je pense notamment aux universités, qui sont moins avancées en matière de valorisation que les établissements publics de recherche dont ont parlé mes collègues. A quand la mise en place des services d'activités industrielles et commerciales prévus par la loi de 1999, mais toujours inexistants à défaut de parution du décret nécessaire à leur mise en place ? Ces structures seront notamment chargées des dépôts de brevets par les chercheurs, dépôts qui, selon le rapport de notre collègue Francis Grignon Stratégie du brevet d'invention, sont gravement insuffisants.
Plus largement, les chiffres sur la mobilité des chercheurs montrent que la loi Allègre a donné lieu à un frémissement du monde de la recherche plus qu'à un vrai bouleversement des mentalités. Comment comptez-vous poursuivre et amplifier le mouvement ?
Enfin, la commission des affaires économiques s'est inquiétée de l'excessive concentration géographique de notre potentiel de recherche. L'effet d'attraction réel des grands équipements y contribue, c'est certain. Mais, au-delà, on peut s'interroger sur la volonté du Gouvernement de favoriser un meilleur équilibre territorial permettant l'émergence de pôles territoriaux spécialisés, au service du développement local. La modulation géographique du crédit d'impôt recherche, par exemple, a été supprimée sans aucune évaluation, alors qu'elle constituait un puissant outil d'essaimage territorial de notre potentiel de recherche. Aucune nouvelle mesure incitative n'est venue apparemment la remplacer.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des affaires économiques s'est déclarée défavorable à l'adoption des crédits de la recherche inscrits dans le projet loi de finances pour 2002. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 21 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 12 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la recherche, c'est le budget de la science, et la science doit être pour nous, aujourd'hui, une priorité vitale.
Vitale sur le plan médical : chaque jour, des découvertes nouvelles permettent de soigner des maladies jusque-là incurables.
Vitale sur le plan économique : la matière grise est un facteur essentiel du développement économique, nul ne peut l'ignorer.
Vitale sur le plan politique, puisque la maîtrise des nouvelles technologies est une condition sine qua non de l'indépendance, de l'influence d'un pays et de son rayonnement dans le monde.
Cette priorité vitale ne se retrouve malheureusement pas dans votre projet de budget pour 2002, monsieur le ministre. En témoignent aussi bien l'évolution des crédits que la politique de recrutement ou le traitement des priorités que votre ministère a fixées.
Rgeardons tout d'abord les crédits.
Le budget global diminue l'année prochaine, si l'on tient compte de l'inflation. Le budget civil de recherche et de développement technologique - BCRD - augmente, lui, de plus de 2 %, mais sa part dans notre produit intérieur brut n'a cessé de se réduire depuis 1991. Certes, vous n'avez pas innové en la matière.
Cette situation est d'autant plus dommageable que les autres grands pays ont redoublé d'efforts : entre 1995 et 1999, la dépense nationale de recherche et de développement n'a augmenté que de 0,6 % chez nous contre 3 % pour l'ensemble de l'Union européenne, 4,1 % pour le Japon et 5,5 % pour les Etats-Unis.
Nos concurrents font donc beaucoup mieux que nous. La position de notre pays se détériore de façon inquiétante.
Si l'on considère maintenant le nombre de chercheurs et la politique de recrutement, la situation n'est pas plus reluisante.
Les créations de postes que vous nous annoncez sont maigres et trompeuses, car une bonne partie servira à résorber l'emploi précaire. Il s'agit, en effet, pour l'essentiel, de redéploiements et de transformations d'emplois.
En outre, ces créations sont gagées par une diminution équivalente des moyens budgétaires alloués aux établissements publics scientifiques et techniques, moyens qui, souvent, sont très maigres.
N'oublions pas, par ailleurs, que la réduction du temps de travail, en créant de nouveaux facteurs de rigidité, va diminuer de 10 % le potentiel de la recherche française.
Vous nous avez présenté ces recrutements de l'année prochaine comme la première étape d'un plan décennal, monsieur le ministre.
Une gestion pluriannuelle apparaît effectivement nécesaire, étant donné les départs à la retraite massifs des années à venir.
Malheureusement, les incertitudes entourant le budget général sont telles que nous doutons que les engagements puissent être tenus au niveau où il faudrait qu'ils le soient.
C'est d'ailleurs moins un plan qu'il nous faudrait qu'une véritable loi de programmation pluriannuelle pour l'emploi scientifique. Beaucoup la réclament, à juste titre d'ailleurs !
La politique de recrutement se heurte à une désaffection marquée des jeunes à l'égard de la recherche dans notre pays.
Entre 1994 et 1999, le nombre de thèses soutenues a diminué de 26 % en mathématiques, de 20 % en chimie et de 16 % en physique. En 2000, le nombre de thèses en cours a diminué de 3,1 %.
De plus, une partie de nos jeunes chercheurs s'en va. On compte aujourd'hui 4 000 postdoctorants à l'étranger. Nous exportons nos thésards aux Etats-Unis, où les financements existent et où tous les docteurs peuvent trouver une place.
Quant aux étudiants étrangers, ils sont de moins en moins tentés de venir poursuivre leurs études en France. Entre 1995 et 1999, le nombre des docteurs étrangers a chuté de 9 %. En 1992, un docteur sur trois était un étranger ; en 1999, cette proportion n'était plus que de un sur cinq. Voilà l'état du rayonnement de notre recherche !
Comment en est-on arrivé là ? Les raisons sont nombreuses. Les bourses postdoctorales sont en nombre réduit, les incitations financières trop faibles, les salaires des chercheurs insuffisants. Rien n'est fait non plus pour aider les doctorants à mieux préparer leur insertion dans la recherche publique ou dans le monde des entreprises.
Enfin, la rigidité des statuts entrave les recrutements et les transferts vers l'industrie, voire l'enseignement supérieur.
Cette situation est regrettable car la qualité de la recherche repose sur le dynamisme des plus jeunes, des doctorants et des jeunes en situation postdoctorale. La réussite des Etats-Unis est liée à leur capacité d'attraction. La France doit redevenir un pays attrayant pour les chercheurs.
La revalorisation de 5,5 % de l'allocation de recherche est certes louable, mais elle ne suffira pas, à elle seule, à enrayer la désaffection des jeunes pour les filières scientifiques et la fuite de nos cerveaux à l'étranger. Il serait d'ailleurs souhaitable que cette allocation soit indexée sur le point de la fonction publique.
J'en viens au traitement budgétaire des priorités fixées par le ministère.
Vous nous annoncez, monsieur le ministre, une importante progression des crédits pour les thématiques prioritaires. Qu'en est-il réellement ? Par rapport à 2001, la part du budget civil de recherche et de développement technologique consacrée à l'environnement et à l'énergie stagne, celle des sciences de la vie n'augmente que de 0,1 %, celle des technologies de l'information et de la communication de 0,3 % et celle de l'espace diminue de 0,5 %.
Les dotations pour la recherche en matière de santé ne progressent guère, alors que, de tous les pays de l'OCDE, la France est celui qui investit le moins dans ce domaine.
Dans les disciplines plus traditionnelles, les emplois vacants ne sont pas remplacés, alors que la recherche fondamentale en mathématiques ou en physique est essentielle.
Enfin, la recherche dans le domaine nucléaire est fragilisé. Celle qui concerne la sécurité et les systèmes de deuxième et troisième génération a pris du retard. Le CEA doit accroître les moyens qu'il consacre à la pile à combustible. Fort bien ! Le contrat d'objectif qu'il vient de signer avec l'Etat triple le budget consacré à la pile à combustible entre 2001 et 2004. Parfait ! Je me demande toutefois s'il pourra être respecté, car le CEA, à budget constant, supporte des charges fiscales croissantes et a aussi des programmes prioritaires concernant les nano-technologies et les biotechnologies. Comment pourra-t-il réaliser ces programmes sans réduire ceux qui sont consacrés aux déchets et, d'une manière générale, au nucléaire ?
Cette question, monsieur le ministre, mérite autre chose que la réponse ironique que vous avez faite à nos collègues de l'Assemblée nationale : « Le CEA n'est pas Cosette », disiez-vous. Certes, mais il n'est pas non plus Crésus, que je sache !
Nous souhaitons tous ici que la recherche soit une priorité, car la capacité de créer, de diffuser et d'exploiter le savoir est devenue une clé et de la culture et de la création de richesses.
Je ne doute pas de votre bonne volonté personnelle, monsieur le ministre. Je tiens d'ailleurs au passage à vous féliciter pour le démarrage du projet « SOLEIL ». Il faut vous donner acte de cette action positive pour notre pays.
M. Lucien Lanier. Très bien !
M. Michel Pelchat. Malheureusement, les crédits de la recherche pour 2002 ne permettront pas de relancer l'effort national de recherche, qui est pourtant indispensable. Aussi le groupe des Républicains et Indépendants votera-t-il contre votre budget.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le ministre, j'évoquerai simplement trois points.
A la demande de votre prédécesseur, les établissements d'enseignement supérieur ne dépendant pas de l'éducation nationale ont été écartés, sans doute par oubli, d'U3M et des contrats de plan Etat-région. Ce qui était déjà une injustice est même apparu comme une sanction pour les grandes écoles, qui sont, en matière de recherche, parmi les étabissements les plus efficaces et les mieux reconnus sur le plan international.
Je vous demande donc d'utiliser les moyens qui sont à votre disposition pour réparer cette anomalie.
Mon deuxième point concerne un problème qui préoccupe de plus en plus les Français, compte tenu de la fragilité des sociétés contemporaines. Il s'agit de la gestion prévisionnelle des risques. Nous avons les plans ORSEC, qui sont tout à fait adaptés pour gérer les conséquences immédiates des catastrophes. Mais il n'existe pas aujourd'hui de système fiable, fondé sur des méthodes scientifiquement éprouvées, pour prévoir, avec toute l'ingénierie nécessaire, et si possible diminuer les effets des catastrophes naturelles ou d'origine anthropique.
Cela nécessite une approche multidisciplinaire. Au-delà des aspects purement techniques, il y a aussi des paramètres liés aux sciences humaines : géographie humaine, science politique, psychologie, sociologie, etc. Je vois là un champ d'action très important pour le ministère de la recherche. Pourraient ainsi être organisées, sous son égide, des réflexions interdisciplinaires, associant des universités, des organismes de recherche, des organismes de prévention et des entreprises, notamment des compagnies d'assurance. Des opérations de sensibilisation devraient être lancées, par exemple en utilisant les possibilités qu'offrent nos diverses technopoles, tout cela en liaison avec les collectivités locales et les services déconcentrés de l'Etat.
Le troisième point de mon intervention est à mes yeux le plus important, car il a trait à la démocratisation de la culture scientifique et technique.
Cette culture est, en France, insuffisante. La développer est doublement nécessaire : à la fois pour inciter les jeunes à se tourner vers les carrières de recherche et surtout pour mieux faire comprendre à l'ensemble de la population que la recherche est indispensable, qu'elle n'est pas une activité si mystérieuse, qu'elle est beaucoup plus accessible qu'on ne le croit généralement.
On peut comprendre rétrospectivement les canuts lyonnais lorsqu'ils brisaient les machines qui allaient les priver de leur travail. En revanche, on comprend mal les saccages de champs d'expérimentation visant à améliorer les productions agricoles en France.
Tout ce qui est contre la science a des relents d'obscurantisme moyenâgeux.
L'obscurantisme moyenâgeux n'est concevable que pour ceux qui veulent retourner au Moyen Age, pour ceux qui ne veulent plus d'électricité, plus de transports. La marche à pied et la bougie s'accompagnaient, rappelons-le, de luttes difficiles pour la survie, contre la famine et les pandémies, peste et choléra. Je pense que la majorité immense des Français n'en veut pas, pas plus qu'elle ne veut des extrémismes ou du terrorisme.
Il est donc impératif de susciter une véritable mobilisation nationale pour la science. Vous avez, à juste titre, monsieur le ministre, maintenu la Semaine pour la science. Mais une semaine ne suffit pas ! C'est toute l'année que cette mobilisation doit être orchestrée, et beaucoup de gens sont prêts à y participer.
Les chercheurs sont toujours enchantés quand on vient leur demander d'expliquer leur métier. Et il y a un grand nombre de volontaires parmi les retraités, sans parler d'innombrables structures intermédiaires.
Actuellement, les moyens sont concentrés sur des grands organismes, qui ne dépendent d'ailleurs pas tous du ministère de la recherche. Certains dépendent du ministère de l'éducation nationale : le Muséum national d'histoire naturelle - une institution qui existe depuis 1626 ! -, le Conservatoire national des arts et métiers, le Palais de la découverte ou encore la Cité des sciences et de l'industrie de La Villette.
En tout cas, il s'agit d'institutions à la fois très lourdes et très parisiennes, qui ne sont pas du tout susceptibles d'aller partout à la rencontre des jeunes, dans toutes les écoles, dans tous les villages. Ce qu'il faudrait pour cela, ce sont des sortes de bibliobus de la science et de la technique. Il y a quelque chose à inventer !
Les lieux de concentration scientifique que sont les technopoles peuvent servir d'appui à des expérimentations en la matière.
Je vois là une cause d'intérêt national, et la commission des affaires culturelles envisage de créer une mission d'information sur cette question. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il me soit permis, comme l'an dernier, d'exprimer tout d'abord notre satisfaction d'avoir un ministre de la recherche.
Nous avons toujours souhaité, en effet, qu'un ministre responsable autant que compétent puisse rassembler tant d'éléments si diversifiés pour définir une vraie politique de la recherche, une politique qui tienne compte des exigences, parfois trop oubliées, de la recherche fondamentale, autant que des besoins toujours croissants qu'a notre société de ses applications, lesquelles dépendent de technologies en développement constant et de plus en plus accéléré.
L'universitaire que vous êtes, monsieur le ministre, a souvent abordé une telle réflexion, je le sais, et je ne vous crois pas éloigné de sa conception.
Et pourtant, le budget que vous nous présentez révèle les limites de vos possibilités.
La fine et très objective analyse de notre rapporteur spécial, notre excellent collègue René Trégoüet, le démontre à l'évidence. Avec mesure et loin des critiques à la cantonade, il reconnaît les aspects positifs de votre effort, afin d'ordonner votre budget.
Je mentionnerai, à titre d'exemple, parmi les priorités retenues, l'incitation à la recherche universitaire par le soutien de base des laboratoires.
Je soulignerai également l'effort qui n'est pas sans courage et que traduisent les crédits destinés au nouvel institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Tendent-ils à prouver que l'on revient à une plus saine conception du maintien de la présence indispensable de l'énergie nucléaire pour notre pays, à une réflexion politique sur ce problème rompant avec une attitude par trop négative à son égard ?
Mais s'agit-il bien d'une évolution durable, qui permettrait, dans une certaine mesure, d'effacer les déplorables et trop nombreux à-coups dont cette politique a fait l'objet ? Nous souhaiterions de votre part une réponse claire et courageuse, qui tienne compte de l'intérêt général plus que des sentiments particuliers.
J'évoquerai encore l'augmentation des crédits de paiement destinés aux programmes de l'aéronautique civile et au gros porteur A 380.
S'agissant des crédits pour la culture et de la contribution à la recherche communautaire en biologie moléculaire, l'effort est également louable, mais il est consenti de manière encore trop parcimonieuse
Ces points positifs nous font d'autant plus regretter la stagnation des crédits afférents à la défense et à la recherche spatiale à finalité civile et militaire, déjà très éprouvés l'an dernier par une très forte baisse.
Vous nous répondrez, monsieur le ministre, que l'établissement des priorités exige des choix. Reconnaissez cependant que la présentation globale de votre budget interdit tout triomphalisme au Gouvernement. C'est d'ailleurs ce qu'indique fort pertinemment René Trégouët en déplorant, à juste titre, l'érosion en euros constants du budget de notre ministère.
En effet, l'augmentation de 0,9 % par rapport à l'année précédente correspond en réalité à une diminution de 0,7 % si l'on tient compte d'une hausse des prix à la consommation dont il est prévu qu'elle s'établira à 1,6 %.
Force est de constater que la progression de certains moyens procède pour une large part de redéploiements dont la recherche fondamentale fait passablement les frais.
Force est aussi de constater que l'augmentation du budget de la recherche en loi de finances initiale a été constamment inférieure à la croissance de l'économie, à laquelle elle contribue pourtant, et avec combien d'efficacité ! Cet écart entre les moyens de la recherche et le produit intérieur brut ira, certes, se réduisant, du fait du ralentissement prévisible de l'économie. Mais avouons que, en l'occurrence, cette réduction ne sera qu'un effet déplorable et pervers.
La part de la richesse nationale consacrée à l'effort de recherche recule, alors qu'elle devrait être l'un de ses moteurs. Sans compter qu'une telle situation affecte profondément notre compétitivité sur le plan international, plus précisément sur le plan européen.
Or, vous le savez bien, monsieur le ministre, toute rupture de rythme dans le droit-fil de la recherche constitue un handicap de régression, et sa persistance une épreuve grave, très difficile à surmonter et, à la longue, fatale.
Or la recherche française a subi, au cours des dernières années, plus de ruptures de rythme qu'il n'était supportable et ce, à son grand détriment. Votre budget n'est pas de taille à réparer le dégât, nous le déplorons.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Moi aussi !
M. Lucien Lanier. Nous le déplorons car la continuité d'une politique réaliste de la recherche est incompatible avec les à-coups préférentiels qui la dominent et la fragilisent.
Au demeurant, ce n'est pas le montant de tel ou tel crédit qui importe, c'est davantage l'efficacité de leur utilisation. La guerre des chiffres est subjective, car chacun peut faire valoir les bons chiffres et occulter les moins bons.
Ce qu'il faut avoir le courage de dire, c'est que, chaque année, la « façon » du budget recherche subit de nouvelles et nombreuses contraintes, plus urgentes les unes que les autres. Arbitrages interministériels, rigidité des structures, droits acquis, dispersion des exécutants, notamment, créent l'inertie et sont nuisibles à la continuité, à l'enchaînement de la recherche, bref à la vertu d'une saine politique de la recherche scientifique et technique.
Sans aucune agressivité à votre égard, monsieur le ministre, vous le savez, force est de constater les contraintes qui pèsent sur les limites de vos possibilités. Vous ne pouvez pas définir une continuité de la politique de recherche parce que vous ne pouvez pas la tenir.
Dès lors, vous ne me contredirez pas si je me permets de dire que la recherche demeure à l'arrière-plan des priorités nationales et qu'elle en subit les conséquences, particulièrement à l'égard de la concurrence internationale et, plus prosaïquement, au regard de notre place dans l'Union européenne.
Qu'est devenue « l'ardente obligation » définie par le général de Gaulle et appliquée à l'époque avec continuité ? Hélas ! au fil du temps, notre recherche se révèle comme un grand navire, qui court sur son aire, moteur au ralenti.
La création de votre ministère suscitait et suscite toujours de grands espoirs, à condition qu'il ne soit pas un ministère parmi tant d'autres et à condition que les moyens vous soient donnés de pourvoir à l'impulsion aujourd'hui si nécessaire.
Depuis deux ans, peut-être avez-vous pensé, et cela assez justement, que la définition d'une vraie politique de la recherche était impossible sans une profonde modification des structures de la recherche.
Ces dernières ont subi l'érosion du temps, facteur d'inertie, d'immobilisme, d'éparpillement et de durcissement.
Il en appert que ce qui était autrefois le « modèle français » dont nous nous targuions est devenu « la singularité française » à laquelle il est urgent de porter remède.
Monsieur le ministre, vous-même avez exprimé le voeu à plusieurs reprises de voir les hommes politiques s'intéresser à la recherche. Et vous avez raison ! La loi organique d'orientation date de 1982, un timide toilettage date, si je ne me trompe, de 1984. Pourquoi ne pas préparer - mais peut-être le faites-vous - un débat devant le Parlement aboutissant à une grande loi d'évolution, d'adaptation, bref, d'orientation de notre recherche scientifique, et tenant compte de la mondialisation ainsi que, surtout, de l'évolution européenne.
Je n'aurai certes pas l'outrecuidance d'en tracer les grands traits aujourd'hui, mais elle pourrait tenir compte de nos actuelles difficultés liées au vieillissement de notre organisation.
Le statut des chercheurs, par exemple, constitue une exception française dont nous pouvions être fiers. Conçu à l'époque comme une consécration du rôle social éminent des intéressés, ce statut leur offrait non seulement une garantie de carrière proche de la fonction publique, mais aussi une souplesse complémentaire tenant compte de la diversité des métiers de chercheurs et de leur nécessaire mobilité.
Le temps semble avoir quelque peu dévoyé ces excellentes dispositions. La mobilité des chercheurs s'est quelque peu figée, tant entre secteurs public et privé, qu'entre les différentes disciplines, qu'entre recherche et disciplines associées, qu'entre l'enseignement supérieur et les organismes de recherche. Le cloisonnement a fait son oeuvre ! C'était l'un des trois points évoqués tout à l'heure par M. Revol.
Dans les universités, l'excellente idée du binôme enseignement-recherche s'est peu à peu confondue au point que nombreux sont les enseignants chercheurs qui n'effectuent, en réalité, aucun travail de recherche. Ainsi, en dix ans, le budget de l'enseignement supérieur a-t-il plus que doublé, mais il est impossible de savoir quel bénéfice proportionnel en a tiré la recherche.
Ces deux exemples semblent indiquer les quelques maux dont souffre notre recherche scientifique. Il s'agit d'abord du manque de mobilité, qui freine la reconversion des chercheurs vers d'autres tâches, car, sauf exceptions, il est difficile de rester chercheur tout au long d'une carrière de quarante ans. Il s'agit ensuite du manque d'orientation, du manque de valorisation des travaux de recherche et, enfin, du manque d'évaluation du rendement de ces travaux.
Sauf erreur de notre part, nous croyons que la loi d'orientation se retourne peu à peu contre ces nobles intentions premières.
En effet, pour remédier au morcellement, comme au cloisonnement, entre les différents acteurs de la recherche, on a vu se multiplier de nouvelles structures de coordination qui, loin d'apporter un remède, ont empilé, voire « sédimenté » les structures, aggravant leur complexité et le foisonnement des organismes.
Plusieurs rapports, entre autres, de la Cour des comptes, du Plan, de la Commission européenne, de l'Observatoire des sciences et techniques, ont tiré la sonnette d'alarme. En effet, alarme il y a, il faut le savoir, si nous ne voulons pas que notre recherche gâche ses chances d'avenir, si nous voulons attirer les jeunes étudiants, qui sont actuellement de moins en moins motivés, si nous voulons empêcher la fuite des cerveaux. qui semble reprendre et s'aggraver.
La tâche est énorme parce que aucune réforme de grande portée n'a marqué la législature présente. Il y a eu quelques tentatives - je salue au passage la loi de juillet 1999 -, mais la plupart se sont apparentées au Rocher de Sisyphe !
Faire comprendre l'évolution indispensable est difficile, tant se sont calcifiés les résistances au changement et le corporatisme des droits acquis, tant les circonstances actuelles, propices au désir de satisfaire tout le monde, se prêtent mal aux réformes courageuses.
Raison de plus pour se mettre à la tâche le plus vite possible, et c'est vous, monsieur le ministre, qui êtes maître d'ouvrage, au nom du Gouvernement.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Plus exactement, maître d'oeuvre.
M. Lucien Lanier. Nous ne demandons qu'à vous aider à valoriser le merveilleux potentiel de nos chercheurs, de leurs organismes, de leurs laboratoires.
Monsieur le ministre, si votre effort d'ouverture est réel, reconnaissons-le, il est néanmoins timide. Vous faites ce que vous pouvez avec ce que vous avez, mais nous restons sur notre faim quant à la préparation d'une saine politique de la recherche, cohérente, courageuse, durable, dont la logique attirerait les moyens.
Nous en sommes encore loin, et c'est la raison pour laquelle le groupe du RPR du Sénat rejoindra les conclusions de l'excellent rapporteur de notre commission des finances (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier matin, nous examinions l'article 26 du projet de loi de finances, lequel chiffre le montant du prélèvement sur recettes qui est opéré sur notre budget pour nourrir le budget européen. Le rapporteur spécial du budget des affaires européennes que je suis s'est alors étendu assez longuement sur le volet recherche de ce budget européen. Il en a fait une critique assez forte en s'appuyant sur les réflexions qui lui ont été rapportées par de nombreux interlocuteurs.
Pour beaucoup, ce budget exacerbe les concurrences entre laboratoires européens alors que nous attendrions plutôt de lui qu'il favorise toutes les synergies possibles. Nous ne sommes plus au xixe siècle.
Le monde a changé, le monde est ouvert. L'information circule instantanément, les capitaux circulent librement et les résultats de la recherche aussi.
A partir du moment où les résultats circulent librement, les chercheurs sont contraints à l'excellence et les médiocres sont condamnés. Par ailleurs, plus aucun Etat n'a besoin de favoriser la veille scientifique en entretenant des chercheurs qui essaient de se tenir au courant mais qui ne font pas avancer la science.
Seuls les chercheurs qui font avancer la science pourront survivre, et ils le feront ensemble. Ils ne le feront pas de manière isolée car les meilleurs ont besoin d'échanger. C'est d'ailleurs quelque peu paradoxal : alors que l'on pourrait s'attendre à ce qu'ils puissent communiquer par voie électronique, ils ont besoin d'échanges physiques. C'est sympathique aussi car cela signifie que l'humanité reste ce qu'elle est et que, lorsqu'on touche à ce qu'elle a de plus profond, à ce qui prépare l'avenir, les échanges entre les hommes restent essentiels.
Pour communiquer, alors que seuls les meilleurs seront appelés à ces échanges, ils ne se rencontreront plus qu'en un endroit dans le monde, et cet endroit, malheureusement, dans beaucoup de disciplines, ce sera plutôt Boston que Sophia Antipolis qui, pourtant, est très bien, Pierre Laffitte le sait mieux que quiconque.
J'ai le regret d'avoir constaté, en tant que président de la mission sur l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises, que si, effectivement, les Français sont très souvent les meilleurs dans un certain nombre de disciplines - les mathématiques pures, les sciences du vivant ainsi que l'économie - c'est plutôt à Boston qu'à Paris ou dans d'autres villes françaises qu'ils travaillent.
Cette situation est réversible et tout reste possible, mais je me dois aujourd'hui de tirer solennellement la sonnette d'alarme.
Le rapport que nous avons déposé a bien montré que l'aspect scientifique des choses était au coeur de ce qui peut assurer la compétitivité de la France. Bien sûr, il y a des aspects culturels, sociaux, économiques, financiers et fiscaux - depuis huit jours, nous ne parlons que de cela dans cet hémicycle - mais je me réservais d'insister aujourd'hui sur l'aspect scientifique des choses.
Une solution pour que la France tienne son rang, demeure compétitive, reste l'une des premières nations dans cette concurrence mondiale tout à fait ouverte, une bonne solution implique vraiment qu'une régulation mondiale intervienne pour que les plus avancés ne le soient pas toujours davantage et que les plus en retard ne le soient pas toujours davantage.
Il faudra une harmonisation européenne. Il faudra, en France, une réforme de l'Etat pour que l'image de la France dans le monde, et auprès des scientifiques du monde entier soit améliorée.
Il faudra réduire les prélèvements obligatoires divers et variés qui pèsent sur les entreprises et sur les Français, mais il faudra également que notre appareil scientifique puisse exprimer complètement son potentiel, qui est considérable.
L'enjeu est donc celui de la compétitivité de la France. Je reprends ce thème comme un refrain depuis huit jours.
Je souhaite qu'on ne dise pas simplement qu'il fait bon vivre en France mais qu'on dise plutôt qu'il fait bon chercher en France. Or, pour le moment, il fait bon vivre en France, mais il fait plutôt meilleur chercher aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis en effet, on donne plus de liberté, plus de responsabilités plus vite, et, bien sûr, plus de moyens aux chercheurs.
Je vous rappellerai les objectifs que le rapport de la mission que j'ai eu l'honneur de présider avait définis.
Il nous faut d'abord garder nos scientifiques, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas qu'ils voyagent régulièrement, qu'ils parcourent le monde et rencontrent leurs partenaires là où ils sont.
Il faut aussi savoir faire revenir ceux qui sont partis. A partir du moment où un scientifique parcourt le monde, il peut en effet être attiré par les conditions qui lui sont offertes dans telle ou telle partie du monde.
A cet égard, nous avons récemment parlé des post-doctorants qui, sont partis aux Etats-Unis et qui, lorsqu'ils terminent leur travail, se posent la question de savoir s'ils rentrent en France. Dans notre pays, on leur offre des perspectives souvent un peu étriquées et pas très enthousiasmantes, alors qu'aux Etats-Unis, on leur propose tout et même le reste. Les Etats-Unis mènent d'ailleurs actuellement une fantastique offensive pour attirer vers eux les meilleurs du monde dans toutes les disciplines.
Il faut également que nous ayons le souci d'arrêter au passage les meilleurs scientifiques étrangers qui vont vers les Etats-Unis, je pense notamment aux Indiens. Les Indiens sont les premiers immigrants actuellement aux Etats-Unis, essayons de les faire venir en France, essayons de leur montrer qu'ils pourront aussi, et peut-être mieux, faire du bon travail en France.
Il faut enfin valoriser le travail que font les scientifiques français en France et valoriser le travail que font les Français à l'étranger. On ne dit pas assez que, dans un certain nombre de laboratoires d'excellence aux Etats-Unis, ce sont des Français qui sont aux commandes. C'est le cas du chef du département de l'économie du Massachusetts Institute of Technology, le MIT, à Boston. Imaginons un instant qu'un étranger soit responsable de l'un de nos grands laboratoires de recherche en France.
Nous n'y sommes pas encore complètement prêts ! A partir du moment où cela existe aux Etats-Unis, sachons valoriser ces situations et travailler en réseau pour créer de nouveau des synergies.
Pour atteindre ces objectifs, nous devons accroître l'autonomie de nos universités afin de les rendre attractives. Lorsque la mission sénatoriale s'est rendue aux Etats-Unis, les responsables de l'université de Chicago nous ont expliqué qu'ils veillaient à ne jamais recruter, dans une université donnée, les anciens élèves de cette université. Selon eux, s'ils les recrutaient, cela signifierait que ces anciens élèves ne sont pas très bons et qu'ils ne pourraient pas s'exporter ailleurs. Les responsables préfèrent, au contraire, montrer qu'on les force à aller ailleurs dans une démarche de conquête et, inversement, ils attirent chez eux les meilleurs des autres universités. C'est ainsi que l'on crée une émulation. Dans ce domaine, nous avons quelques progrès à faire !
Nous devons assouplir la gestion de notre appareil public de recherche, cela a été dit. Tout le monde comprend ce que cela signifie, je ne développerai donc pas.
Il faut savoir récompenser l'excellence. Là encore, nous avons pas mal de progrès à faire.
Nous devons diversifier les financements de la recherche, notamment par le développement de fondations. Pourquoi cela ne se ferait-il pas en France ou au moins au niveau européen ? C'est dans ce sens qu'il faut aller.
Nous devons tout spécialement soutenir ce qui se fait dans les domaines dans lesquels nous sommes les meilleurs, car il est essentiel d'occuper une position phare et de pouvoir jouer le rôle de moteur. Je pense, à cet égard, aux difficultés que traverse actuellement la recherche médicale française, qui compte encore parmi les meilleures au monde, mais pour combien de temps ? Je sens que, dans ce domaine, nous flageolons un peu et c'est bien triste.
Nous devons, bien sûr, développer aussi l'investissement des entreprises innovantes ; je citerai à nouveau l'exemple de Sophia-Antipolis. Tout ce qui vise à rapprocher les entreprises et la recherche est utile. C'est si vrai qu'aux Etats-Unis on considère que le chercheur qui a réussi dans son domaine est le plus apte à valoriser les résultats de sa recherche, donc le mieux placé pour créer une entreprise, et qu'il n'est vraiment un bon chercheur que s'il a réussi aussi dans l'entreprise.
Nous devons inciter les chercheurs à valoriser eux-mêmes leurs travaux, et surtout accepter de raisonner autrement. Nous nous cantonnons en effet un peu trop dans des raisonnements classiques. Nous ne nous interrogeons pas assez sur la valeur des modèles américain, indien ou allemand. Faisons des comparaisons ! En France, nous avons toujours tendance à considérer que nous sommes les meilleurs. Ce n'est pas toujours vrai, même si c'est souvent le cas et si nous prenons plaisir à pousser, de temps en temps, quelques cocoricos.
Enfin - j'en terminerai par là -, nous devons donner le pouvoir à l'imagination qui est, vous le savez mieux que personne, le véritable moteur de la recherche. Elle doit être aussi le moteur d'une société française qui prépare son avenir. Si nous ne faisons pas preuve de toute l'imagination voulue, je crains que nous n'en restions à la case départ.
Notre politique de recherche doit également être le moteur de la compétitivité de notre pays et, d'une manière générale, de l'économie et de l'emploi. Monsieur le ministre, mes chers collègues, sachons miser sur l'imagination. De ce point de vue, beaucoup reste à faire, mais nous sommes là pour le faire ensemble ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un monde unipolaire, la recherche doit être une grande ambition pour notre pays, compte tenu de la montée en puissance de nouveaux pays émergeants. Avec une progression de 2,2 % des crédits et de 2,9 % des autorisations de programme, ce budget s'inscrit dans la continuité du précédent, qui avait marqué la fin de plusieurs années de baisse, ce qui est positif.
Je voudrais cependant soulever certains points de réflexion et souligner quelques faiblesses.
Ainsi, le ratio du budget par rapport au PIB, lui, n'augmente pas. On peut y voir un manque de détermination à vouloir donner sa véritable place à la recherche.
Par ailleurs, la part publique dans la dépense intérieure de recherche et de développement est en baisse constante par rapport à celle du privé, en nette augmentation depuis plusieurs années. S'agirait-il d'un certain désengagement de l'Etat, notamment sur la recherche fondamentale, au profit du privé, plus préoccupé de recherche appliquée ? Je me refuse à le croire, mais, de ce point de vue, ce budget n'est pas suffisamment volontariste.
Ce sont 463 emplois qui sont créés dans les établissements publics à caractère scientifique et technique. Il s'agit, certes, d'une progression, mais elle est toujours insuffisante pour répondre à la fois au nombre de départs à la retraite attendus et à l'augmentation indispensable de l'emploi dans la recherche si nous voulons rattraper notre retard sur le groupe de tête des pays les mieux dotés, comme les Etats-Unis, le Japon, la Suède, la Finlande, et d'autres encore.
Cela ne pourra bien sûr se faire qu'au travers non seulement d'une valorisation affirmée des filières scientifiques et techniques, dans l'enseignement à la fois professionnel et supérieur, mais aussi d'une revalorisation régulière des allocations et des salaires qui permette de renforcer réellement l'attractivité des carrières de la recherche à l'heure où la seule garantie de l'emploi, dans une société de mobilité croissante dans le parcours professionnel, n'est plus en soi un critère suffisant. La progression du monitorat et l'augmentation des conventions industrielles de formation par la recherche sont donc des sources de satisfaction. Les allocations recherche progressent tout comme le nombre d'allocataires, mais c'est encore vraiment insuffisant par rapport aux besoins. Le même constat peut être fait sur la faiblesse des dotations aux établissements.
Un effort particulier mériterait aussi d'être porté sur l'éducation et la culture scientifiques, actuellement réparties sur quatre ministères différents. Dès l'amont, les centres de culture scientifique, technique et industrielle devraient voir leur rôle renforcé pour éveiller le goût des plus jeunes et un intérêt plus vif et durable du public. Les actions en faveur de la culture et de l'information scientifiques méritent plus de soutien et de moyens. Le succès de la Fête de la science, même si elle fut perturbée cette année, est là pour démontrer que la demande est forte.
Le budget présenté insiste sur trois thèmes prioritaires : sciences du vivant, environnement - énergie - développement durable, et sciences et technologies de l'information et de la communication, qui connaissent les plus fortes croissances. Je suis satisfait qu'un effort particulier soit porté sur ces enjeux majeurs, dont l'importance ira certainement croissant dans un futur très proche. Un risque, cependant, c'est qu'à tous les niveaux - Europe, Etat, régions - on affiche les mêmes priorités et qu'il y ait à terme des déséquilibres lourds de conséquences, je pense en particulier à la chimie et à la physique.
En revanche, il est à déplorer que, malgré l'installation de six génopoles en province, dont une à Lille, et malgré le souci de rééquilibrage des crédits du budget civil dans les contrats de plan Etat-régions, la répartition des activités, des équipements et des emplois de la recherche sur le territoire national reste très inégale. La région d'Ile-de-France est toujours surdimensionnée et les potentiels des autres régions, insuffisamment pris en compte.
Je n'hésiterai donc pas à parler d'un nécessaire « aménagement scientifique du territoire », impliquant par exemple la décentralisation de certaines activités d'organismes tels que le CNRS et, surtout, l'augmentation du nombre de chercheurs dans tous les grands organismes de recherche.
Le problème de l'adéquation entre la logique de déploiement des emplois des organismes et celle du développement équilibré de la recherche reste posé. C'est une question déterminante : nous n'insisterons jamais assez sur le rôle stratégique éminent que la recherche joue dans la dynamisation économique, sociale et culturelle des régions.
Vous me permettrez de plaider pour le Nord - Pas-de-Calais, pour dire que, si les actions nouvelles de recherche, ce que l'on appelle « l'après SOLEIL », se mettent en place peu à peu, je crains toutefois que nous ne soyons en dessous du rythme souhaitable en ce qui concerne les emplois, surtout les allocations de recherche, puisqu'il n'y a pas eu, pratiquement, de fléchage spécifique. Globalement, se pose le problème des allocations de la recherche et de la faiblesse de la dotation des établissements de la région.
Un dernier mot, enfin, pour regretter le manque de moyens pour la mise aux normes de sécurité des laboratoires, en particulier universitaires, à la fois pour les risques en termes environnementaux et pour les conditions de travail et de sécurité des personnels.
Ce budget confirme donc l'inversement de tendance entamé l'année dernière par rapport aux régressions passées, ce qui est un motif de satisfaction. Pourtant, des efforts bien plus significatifs restent encore nécessaires pour faire de la recherche un grand enjeu national. La place de la France dans le monde, le dynamisme de son éducation, la vitalité et la force de son économie le réclament. C'est ce que nous attendons pour les années à venir. Considérant ce budget comme un encouragement à aller dans ce sens, monsieur le ministre, nous le voterons donc.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget civil de recherche et développement technologique, qui a connu une progression constante depuis 1997, s'élève, pour l'année 2002, à 8 725 millions d'euros. En progression de 2,2 % par rapport au budget voté pour 2001, il augmente, pour la deuxième année consécutive, plus fortement que les dépenses de l'Etat et que l'estimation de la croissance des prix à la consommation en 2002.
Cet effort budgétaire significatif porte quatre priorités : une politique de l'emploi scientifique visant à rajeunir la recherche, le renforcement des moyens de fonctionnement et d'investissement de la recherche publique, les champs disciplinaires prioritaires que sont les sciences du vivant, les sciences de l'environnement et de l'énergie, les sciences et technologies de l'information et de la communication, le soutien à l'innovation et la recherche industrielle.
Concernant l'emploi, vous avez annoncé, monsieur le ministre, le 25 octobre dernier, un plan pluriannuel de créations d'emplois scientifiques sur dix ans, afin d'anticiper les nombreux départs à la retraite entre 2004 et 2010. Ce plan s'articule, dans une vision prospective d'ensemble, avec celui de l'enseignement supérieur sur la période 2001-2003, mis en place par le ministère de l'éducation nationale. D'ores et déjà, les créations de postes prévues sont substantiellement plus élevées que les années précédentes : 500 emplois en 2002 contre 265 en 2001, 18 en 2000 et 140 en 1999.
Je me félicite, par ailleurs, de la revalorisation de l'allocation de recherche à hauteur de 5,5 %, pour laquelle j'avais plaidé lors de la discussion budgétaire de l'an passé.
Je considère que c'est un bon début, d'autant que cette revalorisation s'inscrit dans un ensemble de mesures d'incitation en direction des jeunes scientifiques telles que la généralisation de l'allocation de monitorat, l'augmentation des conventions industrielles de formation pour la recherche, l'action concertée incitative « jeunes chercheurs » pour encourager le démarrage d'équipes de jeunes chercheurs.
Les moyens de la recherche publique se développent grâce à la poursuite de l'augmentation des crédits de fonctionnement et d'investissement des laboratoires publics : les établissements publics à caractère scientifique et technique, les EPST, sont destinataires de l'ensemble des créations d'emplois pour 2002 et bénéficient d'une hausse de 6,8 % de leurs autorisations de programme permettant de relancer des opérations lourdes prioritaires. Le soutien de base aux équipes de recherche des EPCST continue de progresser de 6,1 % et 70 % des crédits du Fonds national de la sicence sont accordés à des équipes relevant d'organismes publics.
En matière de très grands équipements est prévu, dans le budget du CNRS, le financement de la phase 1 du synchrotron de troisième génération « SOLEIL ». L'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'IFREMER, bénéficie d'une autorisation de programme de 6,61 millions d'euros pour son nouveau bateau scientifique.
Enfin, la priorité affirmée en 2001 à l'égard de la recherche universitaire, qui avait vu ses autorisations de programme progresser de 8,8 %, est intensifiée avec un taux d'évolution des autorisations de programme de 19,3 %.
Parmi les champs disciplinaires prioritaires, les sciences du vivant reçoivent un quart des moyens du BCRD. L'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM bénéficieront respectivement de 100 et de 80 créations d'emplois, et leurs moyens de fonctionnement et d'investissement progressent de manière significative.
Il faut aussi noter les mesures en faveur des biotechnologies présentées par M. le ministre de l'économie et des finances, lors de sa visite du Génopole d'Evry, le 22 novembre dernier : un fonds de soutien aux entreprises de biotechnologies, doté de 40 millions d'euros, qui garantira de 50 % à 70 % du montant des prêts des entreprises innovantes en sciences de la vie et un fonds de co-investissement, doté de 60 millions d'euros pour les jeunes entreprises en quête de relais de financement.
Le deuxième poste de dépense du BCRD revient désormais aux recherches sur l'environnement, l'énergie et le développement durable, dont 16 % des crédits leur sont consacrés. En outre, la dotation du ministère de l'environnement au BCRD augmente de 17 %.
Les moyens attribués aux sciences et technologies de l'information et de la communication progressent, quant à eux, de 7,1 % et seront attribués prioritairement à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, l'INRIA, au développement du nouveau département des sciences de l'information et de la communication du CNRS, au renforcement de l'équipement de l'Institut du développement et des ressources en informatique scientifique, l'IDRIS et au réseau national de télécommunication par la technologie, l'enseignement et la recherche, de troisième génération, RENATER.
L'innovation et la recherche industrielle constituent, depuis le début de cette législature, un axe fort de la politique de recherche du Gouvernement. La loi du 12 juillet 1999 donne déjà de bons résultats, ce que n'a pas manqué de souligner notre rapporteur de la commission des affaires culturelles, qui salue en outre d'autres initiatives gouvernementales, telles que le concours national d'aide à la création d'entreprises, l'appel à projet « Incubation et capital-amorçage des entreprises technologiques » ou le fonds public pour le capital risque.
Cependant, je ne pense pas que l'on puisse examiner le budget de la recherche sans aborder la dimension européenne, et spécialement l'Europe spatiale et le sixième programme-cadre de recherche et de développement, le PCRD, qui vient d'être adopté.
Monsieur le ministre, lors du Conseil ministériel de l'Agence spatiale européenne, chargé de passer en revue les différents programmes scientifiques pour la période 2002-2006, vous avez obtenu des arbitrages positifs sur les programmes qui sont, pour nous, prioritaires : Ariane, Galileo, le futur GPS européen et le projet de surveillance par satellite Global Monitoring Environement and Security, GMES.
Ont été aussi abordées les négociations en cours avec la Russie visant à ce que la fusée Soyouz décolle de la base guyanaise de Kourou à partir de 2003. Comme s'en est fait écho la presse, dans un contexte où la concurrence, essentiellement américaine, est de plus en plus forte et où le marché des satellites de télécommunications tend à ralentir, ce projet fait ressortir des difficultés sur le plan financier et des désaccords tant entre les différentes composantes de l'Europe spatiale - Arianespace, EADS et la SNECMA - qu'avec la Russie.
Or l'Europe spatiale, afin de poursuivre efficacement l'ensemble de ses programmes, tels le programme scientifique, les développements technologiques pour les satellites de télécommunications, ou encore le programme d'observation de la terre, ne peut ignorer les avantages commmerciaux que lui offrirait l'utilisation de deux fusées de capacités différentes à Kourou. D'autant que cette coopération avec la Russie ouvrirait peut-être la voie à une participation de l'industrie aéronautique civile russe dans le programme Airbus, comme l'espère, en tout cas, EADS, ce qui renforcerait ses capacités de recherche technologique et ouvrirait, à moyen terme, une perspective d'accroissement de la puissance de l'Europe face aux industriels américains. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser l'état d'avancement des négociations avec la Russie ?
Concernant le sixième PCRD, j'aborderai un point particulier, celui des sciences humaines et sociales.
Peu nombreux, et c'est symptomatique, sont les rapporteurs ou les intervenants sur ce budget qui abordent ce sujet. Bien sûr, ce ne sont pas les sciences humaines qui dopent la croissance, mais dans une ère du « tout technologique », ce sont bien elles qui donnent du sens à notre société, et c'est également à travers elles que se renforcera l'identité culturelle européenne.
Les sciences humaines et sociales sont au coeur des problématiques de notre temps.
M. Pierre Laffitte. Absolument !
M. Serge Lagauche. Les questions éthiques soulevées par le clonage humain, dont nous aurons à débattre prochainement, lors de la révision des lois « bioéthique » viennent naturellement tout de suite à l'esprit.
Je pense également à l'exigence de connaissance et de compréhension de notre mode contemporain, exacerbée par les attentats du 11 septembre et leurs suites. Comment analyser ces événements sans le travail de réflexion et de mise en perspective d'islamologues ou de spécialistes en géopolitique, par exemple ?
Nous avons besoin des sciences humaines et sociales pour faire reculer les stéréotypes et les clichés à l'oeuvre, notamment, et trop fréquemment, dans les médias, et ainsi, j'espère, faire reculer l'intolérance, trop souvent, liée à la méconnaissance.
Monsieur le ministre, dans le cadre de la présidence française, vous aviez organisé un colloque sur les « sciences de l'homme et de la société dans l'Europe de la recherche », colloque au cours duquel vous avez plaidé pour l'introduction des sciences de l'homme et de la société comme disciplines de plein exercice dans le sixième PCRD. Qu'en est-il à ce jour ?
Pour conclure, je voudrais revenir sur l'avis rendu par la commission des affaires culturelles.
Si je ne suis nullement étonné du rejet de ce budget par la commission des finances, je n'en dirai pas de même de la décision de la commission des affaires culturelles, qui s'en remet à la sagesse du Sénat.
Cet avis est motivé par deux seules critiques. La première concerne l'insuffisante démocratisation de la culture sceintifique et technique. Or vous venez justement de lancer, monsieur le ministre, les Assises de la culture scientifique et technique La seconde critique, encore plus injustifiée, porte sur la faible progression des crédits.
Prenons donc le temps de la comparaison pour placer la majorité sénatoriale face à ses contradictions.
L'évolution du BCRD entre 1993 et 1997 a été de 3,4 %, alors que, sur la période 1997-2002, elle a été de 9,4 %. Il en va de même pour l'emploi scientifique : 928 emplois ont été supprimés entre 1993 et 1997 - quand vous étiez, chers collègues de la majorité sénatoriale, aux responsabilités - contre 700 emplois créés sur la seule période 1997-2000, ou encore, concernant les moyens des laboratoires, ils ont baissé de 12 % entre 1993 et 1997, contre une hausse de 28 % depuis 1997. Etes-vous donc bien placés pour taxer cet effort budgétaire d'insuffisant ? Assurément, ce n'est pas manquer d'objectivité ou de réalisme que de vous répondre non.
Contrairement à vous, donc, le groupe socialiste apportera, en toute objectivité et réalisme, son entier soutien au budget de la recherche pour 2002.
M. le président. La parole est à Mme Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos sera consacré au développement durable, cette conception humaniste du progrès qui essaie de produire plus de bien-être avec moins de matière. C'est dire combien cette performance a besoin d'une recherche foisonnante et active, tant scientifique que sociale. En effet, l'écologie a un ennemi : l'obscurantisme.
Tout d'abord, je plaiderai, comme nombre de mes collègues, pour la culture scientifique.
Près de 10 millions d'euros sont mobilisables au budget. Nous en attendons une réelle démocratisation du savoir et nous en espérons une juste répartition sur l'Hexagone, au-delà des murs de la Cité des sciences et de l'industrie de La Villette.
Monsieur le ministre, vous répondiez en ces termes à Mme Pourtaud, devant la commission des affaires culturelles du Sénat : « Il n'est nullement envisagé de remettre en cause le rôle de Paris comme grande métropole scientifique ni de dépouiller l'Ile-de-France de ses équipements. »
M. Michel Pelchat. Je l'espère !
Mme Marie-Christine Blandin. Qui pourrait donc en avoir l'intention ? Mais où sont les compensations promises aux Nordistes, spoliés du projet SOLEIL ? Et les provinciaux, sont-ils condamnés à n'apprendre que le jour de la fête de la science ?
Le développement durable est un juste équilibre entre économie, social et environnement avec, pour centre de gravité, la démocratie.
Regardons le budget de la recherche à l'aune de ces axes.
Nous nous félicitons de son accroissement. Ses priorités sont favorables à nos préoccupations. L'effort sur les ressources humaines est lisible.
Il sera à poursuivre, car la pyramide des âges montre une majorité de chercheurs ayant plus de cinquante ans. Il sera à répartir, et nous attendons un plan de rattrapage des déséquilibres constatés pour ce qui est du nombre de chercheurs en province.
Il sera à accompagner de mesures destinées à faciliter le vécu quotidien des laboratoires, qui viseront, notamment, l'allégement des procédures pour commander des produits ou équipements ; la consultation en amont et la prise en compte des dynamiques locales avant de « parachuter » des pôles d'excellence ou des incorporations dans des réseaux ; la survie des recherches « hors priorité » ou « hors mode » ; la facilitation du dialogue transversal et l'aide aux demandes de financement européen.
Le budget met pertinemment l'accent sur les sciences du vivant et l'environnement. Ce faisant, il répond aux aspirations quotidiennes des habitants.
Cependant, en regardant le détail, on s'aperçoit de la « vampirisation » de nombreuses lignes par le nucléaire, qui se taille la part du lion, en énergie, avec le CEA, et en environnement, avec l'IRSN, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
La mixité des financements privés-publics, parfois inutile - je pense au trésor du centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD - interroge sur l'origine des choix stratégiques : profit des semenciers ou bien-être des paysans et des consommateurs ?
Et ce n'est pas le passage d'Axel Kahn de la présidence du comité consultatif national d'éthique à la direction d'Aventis qui nous rassure sur la séparation des genres...
Si la mixité des équipes est fertile, en aucun cas l'intérêt général ne doit passer au second plan.
Que reste-t-il, en effet, aux énergies renouvelables, à la sécurité alimentaire, à la prévention du risque - inondations, tempêtes, sels de métaux lourds - à la biodiversité, tous ces domaines très peu investis par le privé ?
Faut-il faire le deuil définitif du programme Biovigilance ? Pourquoi ne pas prévoir, dans chaque programme, 10 % sur la recherche des impacts ?
Enfin, le budget fait de l'espace une priorité. Cela permettra des observations dynamiques fiables sur le climat, la couverture végétale, la calotte glaciaire, et fournira des outils de prévention, pour le suivi des pétroliers, par exemple. Est-ce que le Gouvernement a l'intention de veiller à la mise à disposition du public de ces données ? Pour prendre un exemple, les habitants du bassin minier paient, comme les autres, le CNES, par leurs impôts. Il n'est donc pas normal que le coût d'une mesure réalisée par satellite des affaissements des sous-sols et des sols soit hors de leur portée financière.
Le ministère des transports consacre, quant à lui, 342 millions d'euros à la recherche. C'est indispensable. Les Français attendent, en effet, moins de bruit, moins de pollution, moins de danger. Les regards sont tournés vers les tunnels, les camions, les engorgements de circulation. Cependant, avec l'appui des choix du ministère, une somme de 267 millions d'euros, soit 78 % du budget consacré à la recherche par le ministère des transports, est consacrée à l'A 380 !
La disproportion est manifeste ! Avec tant d'argent, on aurait pu lancer le ferroutage, les voitures propres, la régulation du fret, ou concevoir des avions moins polluants, moins bruyants et nourrir autrement le débat sur le néfaste troisième aéroport.
Ne pourrait-on au moins imaginer que, dans ce budget, une petite étude sérieuse sur l'utilisation de dirigeables entre Bordeaux et Toulouse nous évite la saignée routière destinée au transport des pièces de l'Airbus ?
Le développement durable, c'est aussi demain et ailleurs.
Alors que le risque a fait irruption de façon meurtrière dans notre confort de nantis, l'heure est plus que jamais au principe de précaution ; chacun doit se responsabiliser : chercheur, industriel, décideur.
Hier, on traitait d'obscurantistes ceux qui remettaient en cause les farines animales ou l'amiante. Aujourd'hui, Tchernobyl, l'ESB, le mésothéliome de la plèvre, le saturnisme des enfants renvoient l'obscurantisme dans le camp de ceux qui n'ont que des certitudes.
Loin d'enrayer la recherche, le doute la pousse en avant et évite l'hypothèque sur les générations futures. Quant aux alertes irrationnelles, elles n'ont pas prise sur une société bien nourrie de culture scientifique indépendante.
Enfin, permettez-moi d'évoquer l'ailleurs : le reste de la planète qui peine et qui souffre.
Seattle et Porto Alegre ont révélé une grande motivation pour trouver d'autres équilibres. Cependant, ni Davos ni Doha ne mettent en perspective de pistes fécondes.
A Rio, nous avons pris des engagements. Le développement mérite d'être mieux appuyé par des recherches appropriées, comme celles de l'Institut de recherche pour le développement, l'IRD.
Ainsi, au lieu de caricaturer le débat entre « pour et contre les OGM » il serait plus sain d'énoncer le but fixé - éradiquons la faim - puis de regarder les outils opérants.
A ce titre, la répartition équitable des terres, nous disent les chercheurs, augmenterait de 18 % les ressources alimentaires du Pakistan et de 79 % celles du Brésil. De même, l'amélioration de l'irrigation accroîtrait de 50 % l'autosuffisance des pays en voie de développement.
Les pistes et les expertises pour un développement autonome, respectueux des hommes et de la planète ne valent-elles pas autant que celle du génome ou des sciences et techniques de l'information et de la communication ? La cotation en Bourse du développement humain, certes, n'existe pas, mais le coût social et environnemental du « mal-développement » pèse de plus en plus lourd dans la balance de nos échanges, comme sur notre responsabilité.
Monsieur le ministre, c'est un budget en accroissement, porteur de bonnes pistes, qui prend en compte des demandes de postes, dont vous proposez l'inscription ; nous le soutiendrons. Cependant, le temps du rééquilibrage sur l'ensemble du territoire, comme celui d'une recherche plus à l'écoute des vraies aspirations des Français est venu : nous y serons attentifs.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai beaucoup de plaisir à me trouver avec vous ce soir, parce que je suis avec des femmes et des hommes qui attachent de l'importance à la recherche, ce qui n'est pas si fréquent, convenons-en.
J'ai bien noté quelques divergences, ici et là.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Mineures ! (Sourires.)
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Je n'en minorerai pas l'importance, mais je tiens tout de même à noter l'intérêt commun que nous portons à la recherche, ce qui, en soi, constitue déjà un point qui nous rassemble. (Nouveaux sourires.)
Je répondrai d'abord aux rapporteurs, que je remercie de la grande qualité de leurs travaux - sans toutefois me féliciter totalement du vote qu'ils recommandent, mais c'est là un autre problème. Je tiens à remercier également les orateurs des groupes, qui sont intervenus avec beaucoup de pertinence.
A la suite de M. Trégouët, plusieurs orateurs ont porté sur l'augmentation du BCRD une appréciation qui ne correspond pas exactement à la vision que j'en ai. L'augmentation de 2,2 % que connaîtra cette année le BCRD, si le projet de budget du ministère de la recherche dans son ensemble est voté par le Parlement, comme l'augmentation de 2,1 % qui était inscrite au budget de 2001, adopté l'an dernier et en cours d'exécution - il est temps, d'ailleurs, compte tenu de la période de l'année dans laquelle nous sommes ! - est supérieure non seulement à l'inflation, dont la prévision s'établit à 1,5 % pour 2002, mais aussi à l'augmentation moyenne du budget de l'Etat, qui est de 2 %.
M. René Trégouët, rapporteur spécial. Oui !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. La différence n'est pas fulgurante, mais le BCRD reste au-dessus de la barre.
Je ne citerai pas les budgets dont l'augmentation reste inférieure à la moyenne, ce serait contraire à la confraternité gouvernementale, mais vous les connaissez, et le budget de la recherche n'en fait pas partie : s'il n'est pas encore un budget prioritaire, il a vocation à le devenir.
Un effort particulier en faveur du budget de la recherche s'est déjà concrétisé dans le budget de 2001 et se confirme dans le projet de budget pour 2002. Je ne doute pas qu'il en ira de même avec le budget pour 2003, qui vous sera nécessairement soumis : j'ignore qui aura la chance de le présenter, mais je ne doute pas que celui qui le soutiendra - peut-être moi, sans doute un autre - aura à coeur de faire encore mieux et plus, de façon que le budget de la recherche soit définitivement et réellement prioritaire.
Je remarque que les budgets considérés comme prioritaires sont en réalité ceux dont l'importance est évidente : je veux parler des budgets de la sécurité, de la justice, de l'éducation et de l'environnement. Le budget de la recherche ne figure pas encore sur la liste, mais il commence à s'en rapprocher de manière significative.
M. Trégouët a commencé par dire - et comment ne pas être d'accord avec lui ? - qu'il ne fallait pas se livrer à une bataille de chiffres. Certes ! Mais je voudrais citer, comme je l'ai fait dans d'autres enceintes, la phrase que l'on prête généralement à Disraeli : « Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console. »
S'il fallait comparer les crédits des budgets votés depuis 1997, c'est-à-dire celui de 1998 et les suivants, à ceux des budgets qui ont été adoptés de 1993 à 1997, je ne suis pas certain que la comparaison serait en défaveur de la première série ! Je suis même persuadé du contraire. Mais je ne m'attarderai pas sur ces chiffres, que vous connaissez comme moi, sinon mieux.
M. Trégouët a souligné deux points qui sont, en effet, dignes d'interrogation, en tout cas de réflexion : le CNRS et les statuts des personnels.
En ce qui concerne le CNRS, il y a une tradition française. Aucune tradition n'a nécessairement vocation à être maintenue ; en affirmant le contraire, je me montrerais conservateur, voire traditionaliste. Mais cette tradition a été portée par plusieurs hommes d'Etat français. Je veux parler de Jean Zay et de Jean Perrin, qui ont oeuvré à la création du CNRS, en 1939, après une première ébauche en 1938, parce qu'ils considéraient alors que la recherche universitaire n'était pas assez productive. Citons également le général de Gaulle, tant à la Libération qu'à son retour au pouvoir, à la fin des années cinquante, ainsi que Pierre Mendès France. Tous estimaient que l'université, en tout cas à l'époque, ne fournissait pas un effort de recherche qui fût suffisant, non plus que le secteur privé.
C'est ainsi que l'effort s'est poursuivi en faveur de la recherche publique, effort qui continue de nous placer à la tête du palmarès actuel pour la dépense publique de recherche. Quant à la dépense privée, si elle est en progression, elle n'atteint pas le même niveau qu'aux Etats-Unis ou au Japon.
Pour répondre plus précisément à M. Trégouët, le CNRS n'est pas une organisation qui vivrait dans un splendide isolement, coupée par exemple de l'université ; ainsi, le CNRS anime plusieurs unités mixtes auxquelles collaborent également des universitaires.
Le CNRS lui-même, comme les autres EPST, est envisagé dans le plan décennal pour la recherche, que certains d'entre vous ont bien voulu évoquer, dans la perspective d'une complémentarité avec le plan de mon collègue de l'éducation nationale pour l'enseignement supérieur, afin d'éviter les doublons et, au contraire, de coordonner et d'harmoniser l'effort.
Certains s'interrogent sur l'opportunité de revoir le statut des personnels de recherche. Mais imaginer, comme le font certains pays, des contrats à durée déterminée serait en contradiction avec notre souhait de voir des « post-docs » revenir de l'étranger, voire quitter les universités françaises : sortant déjà de contrats d'environ trois ans, statut précaire par excellence, ces jeunes ne seraient peut-être pas attirés vers la recherche, dans la situation de compétition que nous connaissons actuellement, par un contrat à durée déterminée qui les confirmerait dans la précarité.
C'est le souci que l'on peut avoir, dans le contexte actuel, sans pour autant porter de jugement définitif sur la réflexion de M. Trégouët.
Quant aux procédures d'évaluation, je suis tout à fait d'accord avec M. Trégouët : il faut encore les dynamiser et les renforcer. Une évaluation très active - et très publique ! - des activités des organismes de recherche pourrait en effet permettre d'équilibrer ce statut.
En ce qui concerne les services d'activités industrielles et commerciales, les SAIC, je dois l'avouer : mea maxima culpa - ou plutôt nostra maxima culpa, puisque, n'étant pas l'auteur de la loi qui les a instaurés, je n'ai pas vocation à m'en attribuer les mérites non plus que les éventuelles difficultés d'application.
Cette loi du 12 juillet 1999 est une loi excellente. L'un de vous regrettait tout à l'heure qu'aucune réforme d'envergure n'ait été réalisée... Si, par Claude Allègre ! Je ne parlerai que de lui, car évoquer d'autres réformes reviendrait à m'abandonner à l'autosatisfaction, activité tout à fait proscrite par la Haute Assemblée.
Cependant, vous savez que nous travaillons depuis deux ans au décret d'application relatif aux SAIC. Nous avons abouti sur beaucoup de sujets, notamment sur les modalités d'application de la TVA, sur la définition du champ de ces services et sur le mode de calcul de l'impôt sur les sociétés, mais il reste le problème de la taxe professionnelle. Représentants éminents des collectivités locales, vous connaissez la complexité et la sensibilité de tels sujets !
Les décrets sur les modes d'organisation et sur le régime budgétaire et comptable, qui sont donc prêts, ont été validés par la conférence des présidents d'université et par le ministère des finances. En effet, nous avons tenu à associer à cette réflexion l'ensemble des acteurs de la réforme - présidents d'université, agents comptables, secrétaires généraux d'université, services fiscaux... - et à procéder à une étude d'impact rigoureuse, grâce à un cabinet d'audit.
Dès le début de 2002, six universités mettront en place des SAIC, à titre expérimental, sous l'égide d'un comité de pilotage composé de représentants des universités, des ministères de l'éducation nationale et de la recherche, et des services du ministère des finances.
Mon ministère n'est donc pas resté inactif. Au contraire, il a mené un long travail d'étude et de préparation qui, je le reconnais, a été relativement long - encore que, la loi ayant été promulguée le 12 juillet, quinze mois seulement se soient écoulés !
MM. René Trégouët, rapporteur spécial, et Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles.
C'était le 12 juillet 1999 !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. J'ai donc fait une erreur de calcul, et la réalité est pire que je ne la décrivais, de manière trop idyllique ! Le délai écoulé est plus long que je ne le disais, et notre culpabilité n'en serait que plus grande si elle n'était née du désir d'engager une concertation véritable avec tous les acteurs du système et du souci d'aboutir à un texte qui soit réellement efficace.
M. René Trégouët, rapporteur spécial. Beau rétablissement !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Nous avons rencontré de nombreuses difficultés jusqu'à présent, car le régime appliqué par les universités aux activités de ce type se situait parfois aux frontières des textes - frontières internes, bien sûr.
J'en viens aux questions soulevées par Pierre Laffitte, à qui je veux rendre hommage pour la parfaite connaissance qu'il a de ces sujets. Je relève qu'il parlait de domaines « régaliens », étant lui aussi attentif à l'idée que la recherche publique en France, par la tradition qui est la sienne, correspond au fond à la recherche d'un intérêt supérieur de l'Etat ; car la recherche est non seulement la maîtrise des savoirs fondamentaux, elle est aussi le moteur principal de la compétitivité, de la croissance et de l'emploi. Si elle n'est pas suffisamment assurée en dehors des organismes de recherche, il faut bien que l'Etat joue son rôle !
Le fonds national de la science sera porté cette année à 1 milliard de francs, si le Parlement en est d'accord, et le fonds de la recherche et de la technologie, le FRT, a déjà été porté, l'an passé, à 1 milliard de francs. Il reste à ce niveau, qui est tout à fait important. Je signale d'ailleurs - et Pierre Laffitte le sait bien, puisqu'il en est partisan - que les crédits du FRT profitent beaucoup plus que par le passé aux PME-PMI innovantes, ce qui me paraît beaucoup plus sain que lorsque les grands groupes industriels, qui ont peut-être moins besoin de l'aide de l'Etat, en étaient les principaux bénéficiaires.
La mobilité, sur laquelle plusieurs orateurs ont insisté, est une nécessité vitale pour la recherche et pour les chercheurs. C'est pourquoi nous veillons à la développer. Ainsi, dans le plan décennal, dont certains ont bien voulu parler, nous avons doublé le nombre de postes d'accueil réservés aux enseignants chercheurs, aux universitaires, dans les organismes de recherche. De son côté, l'éducation nationale a fait un effort particulier pour que les postes d'accueil réservés aux chercheurs dans les universités voient aussi leur nombre augmenter.
Par ailleurs, M. Lanier l'a évoqué, la loi de 1999 dont nous parlions à l'instant favorise la mobilité des chercheurs vers le secteur extérieur en leur permettant soit de créer leur propre entreprise et de valoriser ainsi eux-mêmes les résultats de leur recherche, soit d'exercer des tâches de conseil dans les entreprises, soit de participer à des conseils d'administration. De nombreuses autres possibilités sont également offertes pour que les chercheurs, sans rompre définitivement avec leur statut de chercheur public, puissent exercer pendant plusieurs années des activités en dehors des organismes de recherche et y revenir ensuite. Ces allers et retours entre la recherche publique et le secteur privé me paraissent tout à fait importants.
Je remercie également Pierre Laffitte de ses propos sur l'innovation et le transfert de technologies, sujet auquel nous sommes très attachés.
Trente et un incubateurs publics existent d'ores et déjà, sans compter les incubateurs privés, qui font beaucoup pour accueillir, conseiller, « cocooner », dirai-je, les jeunes entreprises, les jeunes pousses technologiques porteuses de projets de création d'entreprises innovantes. Par ailleurs, les fonds d'amorçage fonctionnent bien - trois fonds nationaux, plusieurs fonds régionaux - et rendent l'Etat un peu business angel, à son tour, vis-à-vis des start-up de high-tech, comme dirait la presse financière française.
Que M. Revol, qui connaît lui aussi parfaitement ces problèmes et exerce les responsabilités que l'on sait à la tête de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, ne se fasse nul souci, non plus que M. Ivan Renar ou d'autres orateurs, pour les disciplines qui ne sont pas dans les champs disciplinaires prioritaires retenus soit par le projet de budget pour 2002, soit par le plan décennal.
En effet, ce dernier est bâti en étroite complémentarité avec l'action de l'éducation nationale, et nous faisons en sorte que, au terme de ce plan décennal, aucune discipline, quelle qu'elle soit, si l'on prend le système global d'enseignement supérieur et de recherche, ne voie ses effectifs diminuer. Nombre de disciplines « non prioritaires » verront même les leurs augmenter.
En ce qui concerne la filière nucléaire, je suis tout à fait soucieux, comme vous-mêmes, que l'obligation faite par la loi Bataille aux organismes de recherche et aux ministères concernés de présenter les trois options concevables je ne les classerai pas par ordre hiérarchique, mais je les citerai comme elles viennent - l'entreposage en surface ou en subsurface, le stockage en couches géologiques profondes et la séparation - transmutation - puisse être respectée et que ces trois orientations soient effectivement présentées à la représentation nationale en 2006.
Je peux d'ores et déjà vous assurer que tel sera bien le cas, les travaux du CEA, d'une part, et de l'ANDRA, d'autre part, avançant très sûrement. Le CEA réalise des travaux de grande qualité, avec un budget qui reste tout à fait important, je le préciserai tout à l'heure.
En ce qui concerne le CNES, dont M. Serge Lagauche a parlé également à propos des activités spatiales, je dirai que le budget de cet organisme, vous l'avez d'ailleurs dit, monsieur Revol, est stabilisé - c'est la première fois depuis quatre ans - alors qu'il avait connu les années précédentes certaines diminutions. Il est stabilisé notamment parce que le CNES - Mme Marie-Christine Blandin le disait tout à l'heure à propos des technologies spatiales - peut non seulement avoir les activités qu'on lui connaît traditionnellement, notamment les lanceurs Ariane, mais aussi représenter les technologies spatiales qui peuvent être directement utiles à la vie quotidienne, en particulier une meilleure prévision, et donc prévention, des risques naturels et des risques industriels, pour une meilleure gestion des ressources naturelles comme l'eau, pour l'examen de la déforestation ou de la désertification. Autant d'activités très utiles, qui sont prévues dans le programme GMES, Global Monitoring for Environement and Security.
S'agissant du Conseil des ministres de l'espace, réuni à Edimbourg les 14 et 15 novembre, les décisions qui ont été prises par l'Agence spatiale européenne - ESA, pour reprendre le sigle anglais - sont des résultats très positifs pour l'Europe spatiale et, au sein de celle-ci, pour la France, qui est vraiment le leader de l'Europe spatiale.
En ce qui concerne les programmes Ariane, auxquels vous êtes tous attachés, on dénombre trois programmes essentiels.
Le premier, c'est le programme Ariane 5 Plus étape 3, qui consiste à porter l'emport d'Ariane à dix tonnes dès la mi-2002 puis à douze tonnes en 2006, pour tenir compte de la nécessité de maintenir le concept de lancement double qui permet de lancer deux satellites à la fois et de tenir compte du fait que les satellites de communication sont de plus en plus volumineux et représenteront bientôt six tonnes chacun. Ce programme Ariane 5 Plus étape 3 est tout à fait nécessaire pour maintenir notre avance technologique par rapport aux lanceurs américains qui sont des concurrents de plus en plus redoutables, mais par rapport auxquels nous avons environ deux ans d'avance technologique, qu'il faut maintenir, « bétonner », si je puis dire.
Le deuxième programme, c'est le programme d'accompagnement de recherche et de technologie ARTA. J'évoque dès à présent le programme consacré à des tâches qui sont également importantes puisqu'elles englobent le renouvellement du financement du centre spatial guyanais.
Le troisième programme, c'est le programme INFRA, qui vise, à la demande d'Arianespace d'ailleurs, à réduire les disparités de concurrence - M. Revol le sait, puisqu'il a beaucoup travaillé sur ce point - avec les lanceurs américains qui utilisent presque gratuitement les bases de l'armée américaine, alors qu'Arianespace doit financer à peu près 50 % du coût de fonctionnement du centre spatial guyanais.
Pour ces trois programmes - Ariane 5 plus, ARTA, INFRA - nous avons obtenu de l'Allemagne, après de nombreuses discussions, qu'elle y consacre un milliard de francs de plus que ce qui était prévu voilà encore un mois.
Si l'on ajoute à ces trois programmes qui sont relatifs à Ariane le programme, dont j'ai parlé par anticipation, de renouvellement du financement du centre spatial guyanais de 2002 à 2006, le centre de Kourou, on aboutit à un total de 2,1 milliards d'euros. Il s'agit d'une somme considérable, dont se réjouit le président d'Arianespace, il me l'a dit, et dont se réjouit également le CNES, bien entendu, parce que cela permet de garantir durablement l'avenir d'Ariane, et à coup sûr pour ces quatres années. Toujours en ce qui concerne Edimbourg, vous le savez, on a beaucoup parlé jusqu'à présent du système Galileo sans passer à la décision, donc à l'action. Le véritable lancement de la phase de développement de Galileo, c'est un milliard d'euros, supporté pour moitié entre l'Agence spatiale européenne et l'Union européenne, représentée par le Conseil « transports ». Jusqu'à présent, personne n'avait véritablement décidé de consacrer des crédits significatifs au lancement de la phase de développement de Galileo. Cela a été fait à Edimbourg, où les Etats ont décidé d'y consacrer 547 millions d'euros. Le Conseil « transports » de l'Union européenne se réunira en décembre. Je ne doute pas, pour en avoir parlé avec mon collègue Jean-Claude Gayssot, que, au vu de la décision prise par l'Agence spatiale européenne, le Conseil « transports » vote à son tour les crédits nécessaires, soit environ 450 millions d'euros, pour que la phase de développement de Galileo soit lancée.
Je me réjouis que cette décision ait été prise. En effet, voilà quelques semaines ou quelques mois encore, l'opportunité de lancer un système de positionnement par satellite indépendant du GPS américain ne faisait pas l'unanimité. Certains pays comme la France, l'Italie, l'Espagne et la Belgique étaient convaincus de la nécessité de se doter d'un tel système. D'autres pays, comme la Grande-Bretagne, n'en étaient pas persuadés et c'est un euphémisme. Une troisième catégorie de pays, notamment l'Allemage, étaient plutôt réticents et réservés. L'Allemagne a bien voulu changer d'avis, la Grande-Bretagne aussi, sous réserve que le Conseil des ministres européens des transports vote, lui aussi, des crédits, ce qui sera très certainement fait. Par conséquent, nous aurons un système de positionnement par satellite, qui nous permettra d'avoir une information d'accès autonome, sans dépendre d'autrui, pour des matières qui concernent la sécurité sous tous ses aspects, notamment la sécurité militaire. Pour cette dernière, nous ne pouvons pas nous en remettre totalement à autrui, même s'il s'agit d'alliés. Nous avons besoin, en tant qu'Européens et notamment comme Français, d'avoir un système indépendant.
Pour répondre à MM. Lagauche et Revol, je précise que d'autres décisions ont été prises à Edimbourg, qui intéressent particulièrement la France. C'est le cas des crédits consacrés aux premières initiatives concrètes de mise en oeuvre du système GMES que j'évoquais à l'instant et qui s'élèvent à 83 millions d'euros pour une meilleure surveillance, et donc une meilleure protection, de l'environnement. C'est également le cas des programmes ARTES, qui sont des programmes de soutien à la recherche sur les satellites de télécommunication, qui représentent 1 million d'euros. Comme nos industriels français Astrium et AlcatelSpace sont particulièrement performants dans ce secteur, c'est important pour notre industrie.
M. Revol a également parlé de la nécessaire déconcentration géographique de notre potentiel de recherche. Il est vrai que celui-ci était souvent assez concentré sur certaines régions et pas seulement sur l'Ile-de-France. Nous souhaitons, comme Mme Blandin à qui je répondrai tout à l'heure, procéder à une meilleure répartition du potentiel de recherche et d'enseignement supérieur sur l'ensemble du territoire.
L'enseignement supérieur est d'ailleurs mieux diffusé sur l'ensemble du territoire que ne l'est le système de recherche, puisque des structures universitaires existent dans un très grand nombre de départements. Mais nous avons, comme vous le savez, un schéma de service collectif de l'enseignement supérieur et de la recherche qui trace les grandes lignes de l'organisation de l'enseignement supérieur et de la recherche à moyen et à long terme et qui permettra de mieux répartir ceux-ci sur l'ensemble du territoire.
Je comprends très bien les régions qui souhaitent avoir un potentiel de recherche encore accru par rapport à l'Ile-de-France, même si, au cours des années précédentes, nombre de déconcentrations ont été réalisées de l'Ile-de-France vers d'autres régions. Je ne remets pas en cause la décision elle-même. Mais si l'on veut conserver des pôles scientifiques capables de rivaliser aussi avec l'extérieur, notamment avec les pôles britanniques et allemands, nous ne pouvons continuer de trop déshabiller l'Ile-de-France, sans quoi cette région qui est le premier pôle scientifique national risquerait de ne plus pouvoir lutter à armes égales avec les autres places scientifiques, pour prendre une image dont vous voudrez bien m'excuser.
M. Pelchat a évoqué différents points. Je lui répondrai, comme à d'autres orateurs, sur la part de dépenses de recherche par rapport au PNB, car ce point est souvent et légitimement soulevé. Parmi les grands pays de l'OCDE, la France occupe la quatrième place - elle est quasiment troisième ex aequo - pour la dépense intérieure de recherche et développement. Les chiffres qui sont à notre disposition datent de 1999. Le pourcentage de la dépense totale de recherche et développement par rapport au PIB était, en 1999, de 3,04 % au Japon, de 2,64 % aux Etats-Unis, de 2,44 % en Allemagne et de 2,19 % en France. Viennent très sensiblement derrière le Royaume-Uni, le Canada, l'Italie, etc.
S'agissant de la France, il ne faudrait pas avoir l'image d'un pays qui serait très mal placé par rapport à d'autres grandes nations scientifiques. En effet, nous restons bien placés, mais encore insuffisamment. Comme vous, je souhaite améliorer cette position. D'ailleurs, elle s'améliore faiblement et progressivement. Il ne serait pas exact de dire que la part des dépenses de recherche dans le PIB s'est dégradée continûment, puisqu'on observe une très légère remontée. Je reconnais qu'elle est faible : nous sommes passés de 2,17 % en 1998 à 2,19 % en 1999. Le pourcentage va continuer à monter.
S'agissant de la dépense publique de recherche, en pourcentage, nous sommes en tête compte tenu de la tradition que j'ai citée, loin devant les Etats-Unis et le Japon. Si, au total, les Etats-Unis et le Japon sont devant nous en pourcentage, c'est parce que, dans ces pays, la recherche des entreprises privées mobilise beaucoup plus de crédits qu'en France. Traditionnellement, jusqu'à une période récente, et personne n'y pouvait rien de manière décisive, les entreprises françaises s'en remettaient à la recherche publique plutôt qu'à leur propre effort de recherche pour avancer dans ce secteur. Cette situation est en train de changer. Voilà environ un mois, une enquête du Monde montrait que les grands groupes industriels privés présents en France ont accru leurs dépenses de recherche de 11 % en 2000.
Quand je disais que nous n'y pouvions pas grand-chose, c'est un peu inexact parce que les réseaux de recherche et d'innovation technologique - sept ont été créées par M. Claude Allègre et sept ou huit depuis - qui associent recherche publique et recherche privée ont pour intérêt, notamment, de tirer vers le haut la recherche privée, y compris en matière de dépenses, et de faire en sorte que la recherche privée consacre davantage de crédits à ces activités qu'elle ne le faisait par le passé.
Sur le plan décennal et sur les engagements qui seront tenus ou qui ne le seront pas, il ne tient qu'à nous de les tenir. C'est une oeuvre collective. S'il s'agit de dire que ce Gouvernement, après avoir éventuellement été reconduit à la suite du grand « steeple-chase » électoral du printemps, ne tiendrait pas ses engagements, je peux accepter ce raisonnement de la part de l'opposition actuelle, même si je ne le partage pas, bien sûr. En effet, je ne vois pas pourquoi nous ne tiendrions pas des engagements que nous avons déjà réalisés à moitié si le projet de budget pour 2002 est voté, puisque les 1 000 emplois sont créés en quatre ans dans les budgets 2001, 2002, 2003 et 2004. Nous aurons fait déjà la moitié du chemin. Pourquoi ne ferions-nous pas le reste ?
En revanche, si le risque évoqué porte sur une majorité qui serait différente, je ne peux vous offrir de garantie.
M. Michel Pelchat. Ce n'était pas mon propos !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Je n'en ai pas la capacité ; je ne veux pas surestimer ma capacité prévisionnelle. Mais pourquoi, sachant l'intérêt que tous les partis politiques, tous les groupes parlementaires portent à la recherche, des engagements qui paraissent censés, utiles, ne seraient-ils pas tenus tant par les uns que par les autres ? J'ai confiance dans l'intérêt que tous portent à la recherche dans ce pays. La communication sur le plan décennal de gestion prévisionnelle et pluriannuelle de l'emploi scientifique a été faite en conseil des ministres. Certes, ce dernier est majoritairement composé de membres de la majorité...
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très largement ! (Sourires.)
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. ... mais il siège sous l'autorité d'une personnalité qui n'appartient pas et ne souhaite pas appartenir à la majorité actuelle, comme c'est bien normal. Par conséquent, cette communication a été faite dans un cadre qui ne se limite pas exclusivement à la majorité.
S'agissant de la moindre attractivité de la France pour les étudiants étrangers, signalée par M. Pelchat, je ne contesterai pas les chiffres, en tout cas pour la période qui n'est pas très récente. Je mettrai davantage en doute l'interprétation que l'on peut en donner ; en effet, si les étudiants étrangers sont venus moins nombreux en France dans les années quatre-vingt-dix, c'est moins pour des raisons d'attractivité de la recherche française que pour des raisons de type administratif liées à certaines dispositions tendant à restreindre quelque peu - c'est le moins que l'on puisse dire - l'accès de personnes de nationalité étrangère, fussent-elles étudiantes, au territoire national. La situation est maintenant différente, et je crois donc qu'il ne se posera plus, en tout cas, de la même manière.
Je tiens à dire, que, comme M. Pelchat et d'autres orateurs, nous avons le souci de faire en sorte que les jeunes « post-docs » français qui sont à l'étranger n'y restent pas. Mais il n'y a pas 3 000 à 4 000 « post-docs » à l'étranger. Il y a, au total, 3 000 à 4 000 « post-docs », dont certains sont à l'étranger et dont beaucoup sont en France. Mais il y a encore trop de « post-docs » français qui restent à l'étranger au-delà de trois ans : selon le Centre d'études et de recherches sur les qualifications, le CEREQ, au-delà de trois ans, 7 % des « post-docs » français ne rentrent pas en France. C'est encore beaucoup trop bien sûr, mais il ne faut pas surestimer l'importance du phénomène.
Nous souhaitons donc lutter contre cette situation par différentes mesures, dont principalement le plan décennal de gestion prévisionnelle et pluriannuelle de l'emploi scientifique ; ce plan a d'ailleurs commencé à s'appliquer au budget de 2001, et il a ainsi pu permettre au Centre national de la recherche scientifique, à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, et à beaucoup d'organismes de recherche de lancer des campagnes de recrutement non seulement sur le territoire national, mais aussi auprès des chercheurs français se trouvant à l'étranger. Et, au lieu d'une mouvement de brain drain auquel nous assistions jusqu'à une période récente, nous constatons réellement l'amorce - je ne dis pas que c'est un raz-de-marée ! - d'un mouvement de back drain , de retour de « post-docs » français dans notre pays, ces jeunes chercheurs sachant pouvoir y trouver des emplois et s'y insérer.
J'ai en partie répondu à M. Revol sur le CEA ; je voudrais néanmoins ajouter qu'il faut considérer le grand organisme qu'est le CEA sur une période assez longue ; entre 1998 et 2001, la subvention du CEA a connu une augmentation forte - 700 millions de francs - et c'est donc par rapport à cette augmentation que doit s'apprécier la stabilisation de 2002. Le CEA dispose de moyens importants. J'ai beaucoup d'estime pour la qualité scientifique des recherches effectuées au sein du CEA, qu'elles concernent l'énergie ou d'autres domaines, tels les problèmes de santé. J'ai récemment pu inaugurer au CEA, à Saclay, un laboratoire de recherche sur les tissus infectés par des prions, qui est de très grande qualité. Vous connaissez l'efficacité du département Sciences de la vie du CEA, qui est l'un des départements pionniers et peut-être même « le » département pionnier sur les recherches relatives aux infections à prions.
S'agissant de la gestion prévisionnelle des risques, je partage tout à fait le sentiment de M. Laffitte : il est effectivement nécessaire - nous avons, hélas ! l'expérience récente de ce qui s'est passé à Toulouse - de mener une réflexion plus approfondie sur les risques industriels éventuels. Et, en effet, pourquoi ne pas articuler cette réflexion autour d'instruments comme les technopoles, selon la suggestion que faisait très sagement le sénateur Pierre Laffitte ?
MM. Laffitte et Ivan Renar, ainsi que d'autres orateurs, ont insisté sur la démocratisation de la culture scientifique et technique. Je rappellerai que le ministère de la recherche exerce la cotutelle sur la Cité des sciences et de l'industrie de La Villette et sur le Muséum. Si le Sénat crée une mission sur ce sujet, je n'y verrai pour ma part que des avantages.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Nous avons en effet tout à fait intérêt à travailler les uns et les autres sur ce sujet. Je suis très ouvert aux suggestions du Parlement : elles sont souvent excellentes - en particulier celles du Sénat... mais je n'exclus pas pour autant celles de l'Assemblée nationale ! (Sourires.)
La démocratisation de la culture scientifique et technique constitue vraiment une action que nous portons ensemble : si la fête de la science, qui dure une semaine, constitue le point le plus visible de cette action - elle bénéficie en effet de l'appui des médias -, les organismes de recherche, tels le CNRS, l'INSERM, le CEA, et beaucoup d'autres organisent tout au long de l'année des rencontres avec le public, notamment avec des jeunes, voire mettent en place des cafés des sciences.
A propos du sujet difficile des OGM, il nous faut, à mon avis, adopter de part et d'autre une attitude complètement équilibrée. C'est un problème extrêmement délicat sur lequel il n'y a pas de réponse certaine. Et c'est bien pour cela qu'il y a un débat et la nécessité d'un débat citoyen : certains insistent sur les risques éventuels des OGM pour la santé et surtout pour l'environnement ; d'autres mettent davantage l'accent sur les perspectives ouvertes par ces OGM dans le domaine agricole - possibilité d'obtenir des cultures plus résistantes à la sécheresse, ce qui peut intéresser certains pays du tiers-monde - ou en matière d'application thérapeutique. Ainsi, par exemple, l'insuline est fabriquée depuis quinze ans à partir d'une bactérie modifiée, alors qu'elle provenait auparavant de pancréas de porcs ou de bovins ; les insulino-dépendants bénéficient donc maintenant d'un traitement parfaitement sûr, ce qui, compte tenu de l'ESB, ne serait pas le cas avec l'ancien mode de fabrication.
Il est donc nécessaire de procéder à un examen extrêmement attentif des risques potentiels, des avantages possibles, et de prendre, après un large débat parlementaire et un large débat citoyen, la décision la plus appropriée. Il n'y a pas de raison de prendre une décision avec des a priori positifs ou négatifs, de quelque côté que ce soit. La recherche publique, parce qu'elle est indépendante, se comporte à l'égard des OGM non pas comme un avocat des OGM ou un procureur contre les OGM, mais comme un juge d'instruction, qui, comme tous les juges d'instruction de France, instruit à charge et à décharge.
M. Michel Pelchat. Ah bon ? (Sourires.)
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. C'est du moins la mission qui leur est dévolue !
M. Michel Pelchat. Ah ! C'est leur mission ?
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. La référence est dangereuse !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. C'est donc comme cela qu'elle est très certainement exercée !
En ce qui concerne la culture scientifique et technique, j'ai répondu trop brièvement à M. Laffitte ; Mme Blandin a cité la réponse que j'avais faite à Mme Pourtaud lors de mon audition devant la commission. Mais c'était la fin de ma réponse ; j'avais dit qu'un aménagement scientifique du territoire était nécessaire et qu'il fallait opérer une meilleure diffusion par rapport à l'Ile-de-France. Mme Pourtaud étant élue de l'Ile-de-France, elle a logiquement plaidé la cause de cette région, ce qui peut se comprendre. Et je vois ici au moins deux sénateurs élus, au sein de l'Ile-de-France, d'un département particulièrement sympathique : le Val-de-Marne (Sourires.)
On peut très bien comprendre qu'il ne faille pas trop « délester » l'Ile-de-France. Il faut non pas continuer de « délester » l'Ile-de-France, mais implanter des activités nouvelles dans d'autres régions qui le méritent bien. C'est le sens de la réponse que j'ai faite à Mme Pourtaud.
M. Lanier a parlé du nucléaire. Sur ce sujet, je suis tenté de faire la même réponse que sur les OGM, même si je ne suis pas sûr qu'elle vous satisfera totalement : le nucléaire pose de véritables problèmes et, là aussi, s'opposent, sur les plateaux de la balance, les avantages et les inconvénients.
Les avantages sont bien connus : l'absence d'émissions de gaz à effet de serre, ce qui est un problème...
M. Michel Pelchat. Considérable !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. ... très préoccupant ; l'indépendance énergétique de la France et de l'Europe, par rapport à d'autres énergies, spécialement le pétrole, qui nous rendent beaucoup plus dépendants...
M. Michel Pelchat. Fragiles !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. ... de l'extérieur et des aléas extérieurs.
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. De l'autre côté, il importe aussi - il ne faut pas se le dissimuler - de disposer de précisions accrues sur la sûreté des installations, sur l'absence de risques et le devenir des déchets radioactifs. Cet aspect doit être aussi considéré. C'est pourquoi j'évoquais les trois axes de la loi « Bataille ». Il est indispensable d'avancer sur ce dossier. On ne peut pas dire - c'est le propre d'ailleurs des responsables politiques que vous êtes et que j'essaie d'être à vos côtés - que tout est noir ou que tout est blanc. Mais, comme on est bien obligé de prendre une décision, il faut la prendre au vu d'une information très pluraliste, diversifiée, qui envisage l'ensemble des problèmes.
M. Lanier, tout en ayant prononcé les propos aimables auxquels je suis sensible, a dit que la recherche était « un grand navire qui court sur son aire, moteur au ralenti ». Je le remercie de ne pas parler de « frêle esquif » de « steamer balançant ta mâture », comme l'a fait Mallarmé, ou de Titanic. C'est un effort louable de sa part. (Sourires.)
Je crois que le moteur du navire dont vous parlez n'avance pas au ralenti. Bien au contraire, il marque réellement une accélération par rapport aux années antérieures, et je ne fixerai pas de bornes particulières dans les années antérieures pour ne pas rendre le débat plus vif, sachant d'ailleurs qu'il a été d'excellente qualité, en tout cas en ce qui vous concerne.
Je veux répondre à M. Badré, que j'ai écouté avec beaucoup d'attention et dont j'ai lu avec grand intérêt le rapport de la mission qu'il a présidée sur l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises. Je sais l'intérêt très vif qu'il porte à ce sujet.
S'agissant de l'élaboration du sixième programme cadre de recherche et de développement, ou PCRD, qui a été adopté par le Parlement européen et qui doit être examiné par le Conseil européen des ministres de la recherche le 11 décembre prochain, je partage tout à fait son avis : il faut que le PCRD fonctionne mieux. La France, pour sa part, s'efforce de convaincre ses collègues européens de recourir à ce qu'on appelle les nouveaux instruments, à savoir les critères d'excellence, qui doivent être davantage pris en compte, et la concentration des moyens.
Jusqu'à présent, le PCRD a tendu à saupoudrer quelque peu à travers l'ensemble de l'Europe l'effort d'abord de la Communauté européenne puis de l'Union européenne en faveur de projets d'inégal intérêt.
On ne peut pas continuer ainsi. M. Badré a tout à fait raison : il faut que l'argent public, collecté d'ailleurs auprès des contribuables des différents Etats européens, serve à fortifier la recherche en Europe là où elle est réellement excellente et de grande qualité. Il serait vain de disperser l'argent public européen sur de petits projets de moindre intérêt. Nous devons nous doter non seulement de centres d'excellence, mais aussi - à défaut, ce serait restrictif - de réseaux d'excellence alliant les uns et les autres afin que l'effort public de recherche européenne obéisse à une certaine concentration sur des projets réellement très prometteurs, et que nous soyons et restions à ce niveau de compétitivité que M. Badré évoque.
Quant à la compétitivité de la France, je suis d'accord avec lui pour que nous essayions ensemble de l'accroître. Qu'il fasse bon vivre en France, c'est indéniable ! Qu'il fasse bon y chercher ? Vous souhaiteriez, monsieur le sénateur, que la tendance s'accentue. Je crois qu'il fait tout de même bon chercher, en France, notamment parce que nous avons fait, à travers le temps, un effort particulier en faveur des très grands équipements. A cet égard, je tiens à remercier les orateurs qui ont bien voulu parler du synchrotron SOLEIL. Il est très important, pour des chercheurs, de savoir qu'ils peuvent disposer de grands équipements scientifiques analogues ou identiques à ceux qu'ils trouveraient aux Etats-Unis, par exemple. Il y a aussi le plan décennal de gestion prévisionnelle et pluriannuelle de l'emploi scientifique, la première nécessité pour attirer des jeunes vers la recherche étant de donner à ceux qui ont à choisir de s'engager ou non dans des études scientifiques longues une information sûre quant aux débouchés qu'ils pourront ou non trouver.
On ne s'engage pas dans des études scientifiques conduisant jusqu'à la thèse si l'on ne sait pas à l'avance s'il y a ou non des débouchés dans ce secteur. S'il n'y en a pas, mieux vaut alors s'arrêter au niveau de la maîtrise ou du DEA et ne pas rédiger de thèse.
En ce qui concerne la présence des chercheurs étrangers en France, je rappelle que 15 % des chercheurs recrutés par le CNRS sont de nationalité étrangère, provenant le plus souvent de pays européens. Aucun effort n'est fait en ce sens : ce résultat obéit à la loi naturel de la recherche de la compétence et de l'excellence.
Il est tout à fait possible d'envisager de développer les fondations. Un projet de loi visant à l'institution d'une fondation pour les études comparatives, patronné à la fois par M. le président du Sénat et par M. le président de l'Assemblée nationale, a déjà été voté par cette dernière. Il devrait être examiné prochainement par le Sénat.
M. Ivan Renar a qualifié ce budget d'« encouragement à aller de l'avant »; je tiens à l'en remercier.
En ce qui concerne les emplois, je voudrais tout de même attirer son attention sur le plan décennal, qui représente un effort très important. C'est beaucoup plus qu'un simple lissage. La communauté scientifique, elle, demanderait un simple lissage, c'est-à-dire que l'on crée des emplois pour anticiper les départs à la retraite des années 2005 à 2010. On rendrait ensuite entre 2005 et 2010 les emplois qui auraient été créés.
Le plan décennal va bien au-delà puisqu'il crée 1 000 emplois nets de 2001 à 2004, en dehors de tout redéploiement ou départ à la retraite. Sur ces 1 000 emplois créés, 200 seulement seront rendus en fin de période. Ainsi, 800 emplois seront conservés à titre définitif par le système public de la recherche, qui se trouvera augmenté d'autant à l'issue de l'exercice et même avant puisque tous les emplois seront injectés dans le système d'ici à 2004 et que la moitié d'entre eux le sera cette année, si ce projet de budget est voté.
C'est le plus gros effort qui a été fait en ce domaine dans notre pays depuis plusieurs décennies. La loi et le plan qui avaient été adoptés sur l'initiative de Jean-Pierre Chevènement quand il était ministre de la recherche ne visaient que la titularisation et ne créaient donc pas massivement ou, en tout cas, de manière importante, des emplois nouveaux. Il s'agissait de titulariser des personnels qui, auparavant, ne l'étaient pas. Le projet de budget prévoit un système différent qui est une véritable création d'emplois nets en supplément.
M. Ivan Renar, dont je connais depuis longtemps l'intérêt pour ces matières, a fait part de ses préoccupations à propos de la culture scientifique Je connais notamment les préoccupations qu'il peut avoir pour l'Ile-de-France et le Nord - Pas-de-Calais. Il les a souvent exprimées, de même que Marie-Christine Blandin.
Je tiens à vous dire, madame, monsieur le sénateur, qu'un effort particulier est réalisé en faveur de la région Nord - Pas-de-Calais, dans la mesure où est prévu pour cette région un plan de renforcement de la recherche doté de 350 millions de francs sur six ans, somme qui viendra s'ajouter aux 710 millions de francs du contrat de plan Etat-région. L'Etat consentira lui-même un effort de près de 200 millions de francs, destinés notamment à la création de 78 postes de chercheurs et d'ingénieurs.
Au terme de ce plan, les effectifs de chercheurs dans le Nord - Pas-de-Calais auront augmenté de 20 %. Nous sommes donc tout à fait désireux d'augmenter le potentiel de recherche dans le Nord - Pas-de-Calais, qui le mérite bien par la qualité même de ses chercheurs et de ses activités, mais nous souhaitons aussi mieux répartir sur l'ensemble de la France le potentiel de recherche.
C'est également dans cet objectif que nous avons décidé la création d'une huitième génopole, la génopole ouest-Bretagne, Pays-de-Loire, qui offrira un éventail assez large et qui sera dotée d'une spécificité en génomique marine.
M. Serge Lagauche, que je remercie vivement pour l'appréciation qu'il a portée sur ce budget, a insisté, comme il l'avait fait l'an passé, je lui en donne acte, sur la nécessité d'augmenter l'allocation de recherche. J'ai été sensible au message qu'il a exprimé.
Cette revalorisation commence à se concrétiser dans ce projet de budget puisque, ainsi qu'il a bien voulu le rappeler, l'allocation augmente de 5,5 %. Certains diront sans doute que ce n'est pas encore assez, j'en conviens, mais c'est une première étape. Sachons tout de même que cette seule mesure de revalorisation se traduira par une ouverture de crédit de 95 millions de francs.
Nous avions auparavant surtout augmenté le nombre des allocataires de recherche, qui s'élève au total à 11 900. Nous commençons maintenant à augmenter le montant de l'allocation de recherche, qui passera donc à 7 800 francs le 1er janvier prochain.
Cette revaloriation peut paraître limitée, mais la plupart des allocataires de recherche, en tout cas 67 % des nouveaux allocataires, sont en même temps moniteurs de l'enseignement supérieur. Autrement dit, pour un service allégé de 64 heures par an, ils perçoivent une rémunération de 2 200 francs. Tout ceux - ils sont très nombreux aujourd'hui - qui sont à la fois allocataires de recherche et moniteurs bénéficieront donc d'un revenu total de 10 000 francs par mois, ce qui est plus confortable que ce qu'ils touchaient auparavant.
M. Lagauche a insisté sur la place des sciences humaines et sociales. Je partage tout à fait son opinion. Jusqu'à présent, dans le PCRD, les sciences humaines et sociales étaient plutôt considérées comme des disciplines d'appoint, voire comme des disciplines ancillaires, placées au service d'autres disciplines. Comme ce sont des disciplines très importantes pour la vie de notre société sous différents aspects, j'ai souhaité que ces sciences soient retenues comme des disciplines à part entière dans le sixième PCRD, ce qui va être fait. Ainsi, une des sept priorités du PCRD, « gouvernance et citoyenneté », fait appel de manière essentielle aux sciences humaines et sociales, les sciences qui donnent du sens à notre société.
J'ai d'ailleurs inauguré hier soir, dans le cadre bilatéral, le CIRA, le Centre interdisciplinaire d'études sur les recherches liées à l'Allemagne. Nous avons voulu ainsi accroître, en France, l'effort de recherche sur l'Allemagne, de même que les Allemands ont augmenté, en Allemagne, l'effort de recherche qui est fait sur la France.
Mme Blandin s'est dite soucieuse de notre conception humaniste du progrès. Je la comprends tout à fait. C'est le grand problème que nous avons à résoudre ensemble.
Le progrès des sciences et des technologies est perçu de manière parfois ambivalente. On mesure très bien les incidences que peuvent avoir les progrès de la recherche médicale, sur l'allongement de la durée de la vie, par exemple. Une fille qui naît aujourd'hui sur deux sera centenaire. On mesure également les avantages des progrès de la recherche médicale en matière de thérapie cellulaire ou de thérapie génique. D'ailleurs, la seule thérapie génique réussie au monde pour l'instant est celle qui a été mise en oeuvre par le professeur Fischer à l'hôpital Necker, à Paris.
Mais parallèlement, certains éprouvent des craintes quant aux risques d'applications dévoyées qui pourraient être faites de telle ou telle techniques. Je pense évidemment au clonage reproductif. A ce propos, vous le savez, la France et l'Allemagne, agissant ensemble, ont déposé un projet de résolution auprès de l'ONU de manière à préparer une convention internationale proscrivant, dans l'ensemble des pays du monde, le clonage reproductif. Il est donc nécessaire non pas d'encadrer la science, car les scientifiques sont des hommes et des femmes de conscience, mais de faire en sorte, notamment sur le plan international, que soient édictées des règles éthiques, communément approuvées et suffisamment fortes pour que le développement des sciences et des techniques serve au progrès humain sans donner lieu à des applications que l'on pourrait déplorer, notamment si elles conduisaient à une manipulation de la substance vivante, voire à une marchandisation du vivant. Bien sûr, madame, il est nécessaire de garantir un développement humaniste de la science !
Mme Blandin a également beaucoup parlé de la culture scientifique. Je peux lui dire, comme à M. Renar, que nous sommes tout à fait déterminés à appliquer le plan que j'ai annoncé le 9 février 2001, à Lille, en faveur de l'augmentation du potentiel de recherche dans la région Nord-Pas-de-Calais.
Je comprends tout à fait le souci de Mme Blandin de voir financer et se développer des recherches qui ne portent pas seulement sur des sujets très techniques, dont les citoyens ne mesurent pas immédiatement toujours l'intérêt, mais qui portent aussi sur des sujets touchant à la vie quotidienne, notamment à l'environnement ou à la sécurité alimentaire.
Pour l'environnement, notamment pour ce qui concerne le secteur énergies-développement durable, ce projet de loi de finances fait un effort considérable dans la mesure où ce secteur devient le deuxième poste du BCRD tandis que les crédits de recherche du ministère de l'environnement augmentent de 17 %.
Quant à la sécurité alimentaire, il est évidemment nécessaire de la renforcer. C'est ce que nous faisons, notamment en accentuant de manière significative notre effort de recherche sur les maladies à prion. Les crédits consacrés à cette recherche ont en effet été multipliés par trois, grâce à la décision du Premier ministre, passant ainsi de 70 millions de francs en 2000 à 210 millions de francs en 2001. En réalité, ils atteignent un total de 250 millions de francs grâce à un redéploiement de crédits opéré au sein de notre budget afin de développer encore plus les recherches sur les infections à prion.
Ces recherches avancent bien, car elles sont soutenues par un groupement d'intérêt scientifique qui fédère tous les partenaires : INSERM, CNRS, CEA, les différents ministères concernés, les universités, l'Institut Pasteur, bien d'autres encore.
Il est très important de réunir tous ceux dont le travail sur un même sujet donne lieu à des réalisations importantes. Je parlais du laboratoire de Saclay, mais il convient également de citer les animaleries protégées qui sont en cours d'aménagement et qui vont permettre d'avancer encore plus rapidement sur les infections à prion et notamment, sur le nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
S'agissant d'environnement, j'apporterai une précision supplémentaire à Marie-Christine Blandin : les crédits de l'environnement - et je ne fais pas là de distinction selon que ces crédits sont gérés directement par le ministère de la recherche ou par le ministère de l'environnement - augmenteront de 3,3 %. Ils auront ainsi augmenté de 24 % depuis 1997.
L'INRA verra ses crédits croître de 10 % et bénéficiera de 100 emplois supplémentaires, ce qui est important, notamment pour les recherches liées à la sécurité alimentaire. L'AFSSA l'a créée voilà déjà plusieurs années, reçoit également des crédits importants. L'IRSN voit ses crédits progresser de 18 %. L'INERIS bénéficiera également, comme il est légitime, de crédits significatifs.
Mme Blandin a bien voulu parler de l'Institut de la recherche pour le développement. Vingt emplois sont créés au projet de budget 2002, ce qui est, je crois, sans précédent pour cet institut, dont les crédits vont augmenter de 5 %.
Nous avons tous la volonté de faire en sorte que la recherche ne soit pas repliée sur l'Europe, sur le monde occidental, sur le Nord : il faut qu'elle profite aussi au pays du Sud, au tiers-monde. La France a d'ailleurs toujours joué un rôle particulier dans la diffusion des résultats de la recherche vers les pays du Sud et aussi dans la stimulation des activités de recherche menées dans les pays du Sud eux-mêmes.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais apporter à vos questions, avec le souci d'être aussi précise que possible.
Je veux, en terminant, vous dire que j'ai été très sensible aux appréciations plutôt positives qui ont été portées sur l'action conduite dans mon secteur. Je note cependant qu'elles n'emportent pas automatiquement un jugement de même nature sur le budget que je vous soumets ou du moins sur le budget d'ensemble dans lequel s'insère le budget de la recherche. Mais rêvons un instant, si vous le permettez. Si, par exemple, le budget de la sécurité faisait l'objet d'une augmentation significative - c'est d'ailleurs le cas -, le rejetteriez-vous pour autant sous prétexte qu'il fait partie d'un budget d'ensemble que vous n'approuvez pas ? Je n'en suis pas totalement persuadé.
Certes, ce budget est une partie d'un tout. Mais pourquoi n'adopteriez-vous pas la position consistant à vous satisfaire d'une partie sans être satisfaits de la totalité. Après tout, une telle démarche ne serait ni complètement illégitime ni complètement irrationnelle. J'aurais donc tendance à plaider en sa faveur. Si je ne vous convaincs pas, j'en serai déçu !
Au-delà de la boutade, je crois que la recherche est un sujet qui échappe largement aux clivages traditionnels. C'est plutôt un sujet de consensus, et je suis heureux de le dire en présence de M. Jacques Valade, qui a été en charge de ce secteur dans un gouvernement précédent. Il sait comme moi, comme le savaient aussi les hommes de la IIIe République que je citais tout à l'heure, le général de Gaulle, Pierre Mendès France et beaucoup d'autres, que la recherche est une véritable ambition collective, emblémathique de l'intérêt général, au sens national mais aussi au sens européen.
C'est d'ailleurs un signal fort qui serait adressé à nos partenaires européens et à l'ensemble de la communauté scientifique internationale si le Parlement français tout entier, Assemblée nationale et Sénat, se rassemblait autour d'un nouvel horizon pour la recherche.
En outre, cela inciterait sans doute les concepteurs du budget pour 2003 à prévoir une progression plus forte encore.
Tels sont les éléments de réflexion que je voulais livrer à la sagesse de votre asssemblée, sagesse à laquelle je m'en remets. Si la Haute Assemblée pouvait faire une exception au théorème qu'elle a envisagé d'appliquer, ce ne serait pas une mauvaise chose pour la recherche. Pour ma part, évidemment, je m'en réjouirais. (Applaudissements.)
M. Michel Pelchat. Belle philosophie ! (Sourires.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant la recherche.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 48 784 132 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 7 863 286 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 220 000 euros ;
« Crédits de paiement : 610 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 2 264 898 000 euros ;
« Crédits de paiement : 1 853 216 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la recherche.

10



TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Bernard Fournier une proposition de loi tendant à interdire l'indemnisation d'un « préjudice de naissance ».
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 103, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11



TEXTES SOUMIS AU SÉNAT
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes concernant l'importation de poissons et de produits de la pêche originaires de la République de Chypre.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1872 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil concernant la conservation, la caractérisation, la collecte et l'utilisation des ressources génétiques en agriculture et modifiant le règlement (CE) n° 1258/1999.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1873 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, d'un accord sous forme de protocole d'accord entre la Communauté européenne et la République islamique du Pakistan concernant des arrangements dans le domaine de l'accès au marché des produits textiles et d'habillement, et autorisant son application provisoire.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1874 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Initiative de la République fédérale d'Allemagne, du Royaume de Belgique et de la République française en vue de l'adoption de l'acte du Conseil établissant le protocole modifiant la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes en ce qui concerne la création d'un fichier d'identification des dossiers d'enquêtes douanières.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1875 et distribué.

12

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, vendredi 30 novembre 2001, à neuf heures trente, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 86 et 87, 2001-2002) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Economie, finances et industrie :
Services financiers (et articles 66 et 67) (et consommation) ;
M. Bernard Angels, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 11) ;
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (consommation et concurrence, avis n° 89, tome IX).
Industrie (et Poste) (et article 67 quater ) :
M. Jean Clouet, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 12) ;
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (industrie, avis n° 89, tome V) ;
M. Jean Besson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (énergie, avis n° 89, tome VI) ;
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (technologies de l'information et Poste, avis n° 89, tome XXI).
Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat (et articles 67 bis et 67 ter ) :
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 13) ;
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 89, tome VIII).
Commerce extérieur :
M. Marc Massion, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 25) ;
M. Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 89, tome X).
Charges communes (et article 64 ter ) :
Comptes spéciaux du Trésor (et articles 35 à 41, 41 bis et 42) :
M. Yves Fréville, rapporteur spécial (charges communes, rapport n° 87, annexe n° 7) ;
M. Paul Loridant, rapporteur spécial (comptes spéciaux du Trésor, rapport n° 87, annexe n° 44).
Services du Premier ministre :
I. - Services généraux (et article 77) (à l'exclusion des crédits relatifs à la fonction publique, à l'audiovisuel et à la presse) :
M. François Marc, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 34).
II. - Secrétariat général de la défense nationale :
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 35).
III. - Conseil économique et social :
M. Claude Lise, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 36).
IV. - Plan :
M. Claude Haut, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 37).
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 89, tome XII) ;
Budget annexe des Monnaies et médailles :
M. Bertrand Auban, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 40).
Budget annexe des Journaux officiels :
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 38).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2002

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2002 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2002

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2002, est fixé au vendredi 7 décembre 2001, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 30 novembre 2001, à zéro heure cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
CONSEIL NATIONAL DE L'AMÉNAGEMENT
ET DU DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE

Lors de sa séance du 29 novembre 2001, le Sénat a désigné M. Bernard Saugey pour siéger au sein du Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire, en remplacement de M. René Garrec, démissionnaire.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 29 novembre 2001


SCRUTIN (n° 21)



sur le titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale (budget des affaires étrangères).


Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 314
Pour : 112
Contre : 202

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (19) :

Pour : 6. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, et François Fortassin.

Contre : 9.
Abstentions : 4. _ MM. Jean-Pierre Fourcade, Jean François-Poncet, Pierre Laffitte, et Jacques Pelletier.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Contre : 93.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 83.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (53) :

Contre : 53.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :

Contre : 41.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :

Contre : 6.

Ont voté pour


Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Alain Joyandet
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk

Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

Abstentions


MM. Jean-Pierre Fourcade, Jean François-Poncet, Pierre Laffitte, et Jacques Pelletier.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 319
Nombre des suffrages exprimés : 315
Majorité absolue des suffrages exprimés : 158
Pour : 112
Contre : 203

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 22)



sur la motion n° 1, présentée par M. Alain Vasselle au nom de la commission des affaires sociales, tendant à opposer la question préalable au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.


Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 313
Pour : 202
Contre : 111

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (19) :

Pour : 9.
Contre : 5. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, et François Fortassin.

Abstentions : 5. _ MM. Rodolphe Désiré, Pierre Laffitte, Aymeri de Montesquiou, Georges Mouly, et Jacques Pelletier.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour : 93.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Contre : 83.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (53) :

Pour : 53.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :

Pour : 41.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :

Pour : 6.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Alain Joyandet
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto

Ont voté contre


Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Dinah Derycke
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Abstentions


MM. Rodolphe Désiré, Pierre Laffitte, Aymeri de Montesquiou, Georges Mouly, et Jacques Pelletier.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 319
Nombre des suffrages exprimés : 314
Majorité absolue des suffrages exprimés : 158
Pour : 203
Contre : 111

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.