SEANCE DU 4 DECEMBRE 2001


M. le président. « Art. 60. - Au deuxième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural, les mots : "pour 2001, à 1,4 %" sont remplacés par les mots : "pour 2002, à 1,7 %". »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-22 est présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-7 rectifié est présenté par MM. César, Vinçon, Trégouët, Leroy, de Richemont, Cazalet et Lepeltier.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Rédiger ainsi l'article 60 : "Au deuxième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural, les mots : "pour 2001, à 1,4 %" sont remplacés par les mots : "pour 2002, à 2 %". »
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n° II-22.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de fixer pour 2002 le plafond d'augmentation du produit de la taxe pour frais de chambre d'agriculture à 2 % au lieu de 1,7 % afin de permettre aux chambres d'agriculture, pour lesquelles cette taxe est une recette, d'assurer l'ensemble des missions qui sont les leurs en tant qu'établissements publics administratifs.
M. le président. La parole est à M. César, pour présenter l'amendement n° II-7 rectifié.
M. Gérard César. J'abonderai dans le sens de M. le rapporteur spécial en disant que cette augmentation de 1,7 % à 2 % se justifie d'autant plus que les chambres d'agriculture subissent de plein fouet l'effet des 35 heures.
M. Roland du Luart. Mais c'est le contribuable qui paiera !
M. Gérard César. Ayant moi-même été président d'une chambre d'agriculture, je sais que l'aménagement de la réduction du temps de travail se traduit par vingt-trois jours de congés supplémentaires par salarié !
A cet élément non négligeable s'ajoute l'augmentation sensible des cotisations obligatoires au fonds de péréquation des centres régionaux de la propriété forestière.
S'ajoute aussi, en particulier dans les régions forestières, la diminution du produit de l'impôt foncier après les tempêtes de décembre 1999. Il est en outre question aujourd'hui d'exonérer de nombreux propriétaires de cet impôt.
Par conséquent, la seule possibilité pour que les chambres d'agriculture fonctionnent normalement, c'est de porter le plafond d'augmentation du produit de la taxe de 1,7 % à 2 %.
J'ai souvenir - mais c'était dans une vie antérieure - de lettres circulaires émanant du ministre de l'agriculture fixant, avec la bénédiction du ministère des finances, des règles qui permettaient aux chambres d'agriculture d'équilibrer leur budget.
Aujourd'hui, les choses ont changé, et nous savons tous pourquoi, mais, compte tenu des éléments que j'ai cités, compte tenu aussi de l'inflation, il faut accepter le taux de 2 %.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s II-22 et II-7 rectifié ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement est très défavorable à ces deux amendements identiques pour trois raisons, de forme et de fond.
L'année dernière, le plafond d'augmentation avait été fixé à 1,4 %. Cette année, le projet de loi de finances porte ce plafond à 1,7 %. Si j'ai proposé que l'on procède à cette augmentation, c'est parce que la question a fait l'objet d'une discussion avec l'assemblée permanente des chambres d'agriculture et, dès lorsque son président, M. Guyau, et moi-même avons topé pour 1,7 %, je ne vois pas pourquoi on tenterait de revenir en arrière et de remettre en cause l'accord passé.
C'est une première raison. Elle est de forme, mais elle est importante parce que, moi, quand je donne ma parole, je la tiens !
Deuxième raison : je connais le petit jeu auquel se livrent cerains présidents de chambre d'agriculture, car j'ai eu l'occasion de lire certaines de leurs circulaires.
Vous savez comme moi, monsieur César, que le taux que l'on vote est un taux plafond et que l'augmentation de la taxe pour frais de chambre d'agriculture peut donc être inférieure à ce taux.
Certains présidents de chambre d'agriculture se sont adressés aux agriculteurs pour leur dire que la pression du Gouvernement pour augmenter le plafond à 1,7 % était insupportable et qu'ils résistaient en ne portant le plafond qu'à 1,5 % ou 1,6 %. Il ne faut pas me prendre pour un imbécile.
Enfin, troisième raison depuis trois ans, lors de chaque débat, vous vous plaignez des charges pesant sur les agriculteurs. Vous me proposez aujourd'hui de les alourdir. Je refuse cet alourdissement. (MM. Jacques Mahéas et Paul Raoult applaudissent.)
M. Roland du Luart. Je suis d'accord avec M. le ministre sur cette affaire !
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-22 et II-7 rectifié.
M. Gérard César. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. Vous vous prenez à votre propre piège, monsieur le ministre ! En effet, vous disiez que les CTE étaient un succès et qu'il y en aurait de plus en plus. Mais, si vous enlevez aux chambres d'agriculture le moyen de les financer, il y en aura de moins en moins !
J'étais personnellement défavorable aux CTE, mais, lorsque j'ai présidé une chambre d'agriculture, j'ai conclu des CTE parce que je défends les agriculteurs et que c'était en définitive une bonne solution. (M. le ministre sourit.)
Mais, aujourd'hui, avec l'ARTT, les chambres d'agriculture ne peuvent plus fonctionner et, malheureusement, elles seront contraintes de faire payer les services individuels.
C'est contraire à leur mission de développement en faveur de tous les agriculteurs, et c'est dommage.
Après tout, les membres des chambres d'agriculture sont des élus, comme nous tous ici. Dès lors, pourquoi ne leur laissez-vous pas la responsabilité de leur budget ? Laissez-leur la possibilité de le voter et les agriculteurs sanctionneront ceux qui parmi eux ne sont pas responsables.
M. Hilaire Flandre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre. Je voterai les deux amendements identiques parce que je considère qu'on doit laisser aux chambres d'agriculture et à ceux qui les administrent les moyens de gérer eux-mêmes leur propre budget.
Je m'élève contre cette façon de plafonner par un pourcentage les dépenses des chambres d'agriculture, et je m'en explique.
Dans l'ensemble des départements français, les taux de taxes de frais de chambres d'agriculture varient de façon considérable et le système du plafonnement par un pourcentage conduit à pénaliser les chambres d'agriculture qui se sont montrées les plus raisonnables et à accorder des facilités bien plus grandes à celles qui se sont montrées les plus dispendieuses.
Il conviendrait donc de laisser aux présidents et aux conseils d'administration des chambres d'agriculture le soin de gérer leur budget.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je vais certainement étonner une partie de l'assemblée en disant que, sur l'un de ses arguments au moins, je ne suis pas loin de rejoindre M. Glavany. Une fois n'est pas coutume, car, jusqu'à présent, nous avons été plus souvent en opposition qu'en accord !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est vrai !
M. Alain Vasselle. Ces amendements identiques tendent en effet à alourdir une charge pesant sur les propriétaires fonciers en général et sur les agriculteurs en particulier, ce qui me gêne.
Je note cependant, monsieur le ministre, que vous êtes vous-même allé dans ce sens puisque vous vous êtes mis d'accord avec M. Guyau, nous avez-vous dit, pour porter le plafond d'augmentation à 1,7 %. Vous critiquez ces amendements qui fixent ce taux à 2 %, mais, avec un taux de 1,7 %, vous faites déjà peser sur la profession agricole une charge financière plus lourde qu'auparavant.
Il y a par ailleurs un point sur lequel je veux appeler votre attention, point que j'ai souligné lorsque nous avons été invités à discuter avec le président de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture de la loi de finances pour 2001.
Le président de l'APCA nous a demandé à cette occasion de déposer un amendement visant à faire passer de 1,7 % à 2 % le plafond de l'augmentation du produit de la taxe pour frais de chambres d'agriculture.
Or il me semble difficile de faire supporter à la profession agricole des charges supplémentaires dans la conjoncture défavorable que nous connaissons, laquelle se trouve encore aggravée par des mesures ou des procédures très complexes, à caractère plus technocratique qu'économique. Ainsi, la mise en place des CTE représente un véritable « casse-tête », même si ce dispositif peut, à la marge, profiter à certains.
L'agriculture française préfèrerait vivre de la vente de ses produits plutôt que de deniers publics, que ceux-ci soient d'origine nationale ou européenne, et c'est pour cette raison que je me suis montré réticent à accepter la suggestion de M. le président de l'APCA. Il serait à mon sens plus pertinent que le Gouvernement adopte une attitude cohérente et prenne en compte les conséquences de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.
En effet, si l'on veut que les chambres d'agriculture maintiennent une qualité de service au moins équivalente à ce qu'elle était auparavant, il faudra bien leur donner les moyens, notamment en termes de personnel, de répondre aux demandes de la profession agricole. Il existe en particulier des services chargés du développement de l'agriculture, mais celui-ci ne pourra être assuré que si les chambres peuvent consentir l'effort nécessaire !
Or, dans ma naïveté habituelle (sourires), je pensais qu'il appartenait à l'Etat de compenser, par le biais de dotations, les charges nouvelles qu'il fait supporter aux chambres d'agriculture sans que la profession agricole ait aucune prise sur cette évolution.
C'est sur ce point que je rejoins mes collègues Gérard César et Hilaire Flandre. Autant il est nécessaire de responsabiliser la profession agricole et de la laisser décider du niveau des dépenses qu'elle accepte de consentir et du montant des recettes qu'elle inscrit en regard, autant il serait logique que l'Etat couvre les dépenses nouvelles résultant, de façon indirecte, d'une politique gouvernementale.
Je crois donc préférable de maintenir à 1,7 % le plafond de l'augmentation du produit de la taxe pour frais de chambres d'agriculture, en prévoyant que le différentiel de 0,3 % sera comblé grâce à des dotations de l'Etat aux chambres d'agriculture. Toutes les parties y trouveraient leur compte, et une telle mesure serait en parfaite cohérence avec l'argumentation que vous avez développée, monsieur le ministre, pour vous opposer à l'amendement n° II-7 rectifié.
M. Hilaire Flandre. Belle démonstration !
M. Jean-Marc Pastor. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. On nous parle de cohérence, or nous venons d'assister à des votes complètement incohérents.
M. Gérard Delfau. Absolument !
M. Jean-Marc Pastor. Comment voulez-vous que l'on puisse trouver une certaine logique au débat que nous venons d'avoir ? En effet, après avoir adopté un amendement visant à assurer le financement public des syndicats agricoles, on refuse de voter les crédits correspondants. Est-ce là de la cohérence ? (M. Flandre proteste.) Comment pouvez-vous prétendre nous donner des leçons dans ce domaine ?
M. Gérard Delfau. Il a raison !
M. Jean-Marc Pastor. Le raisonnement suivi est complètement aberrant, et j'ignore, mes chers collègues, comment nous pourrons l'expliquer, une fois revenus sur le terrain ! M. Hilaire Flandre. Vous n'avez pas suivi !
M. Jean-Marc Pastor. J'avoue que je suis vraiment bouleversé à l'écoute de certains propos. (Murmures sur les travées du RPR.)
Nous sommes tous attentifs à l'évolution du produit de la taxe pour frais de chambres d'agriculture : or son plafond passerait de 1,4 % à 2 % !
M. Gérard César. A 1,7 % !
M. Jean-Marc Pastor. Votre proposition est de faire passer le taux maximal d'évolution de 1,4 % à 2 %, mon cher collègue ! (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Gérard César. Non !
M. Jean-Marc Pastor. Le code rural prévoit un taux de 1,4 %, il était proposé de relever celui-ci à 1,7 %, mais votre amendement tend à le porter à 2 %. Cela représenterait une très forte augmentation par rapport à la situation initiale ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Gérard César. Mais non !
M. Hilaire Flandre. Vous n'avez rien compris !
M. Jean-Marc Pastor. Il faudra pouvoir l'expliquer et le justifier. Je n'y comprends peut-être rien, monsieur Flandre, c'est possible ! Voilà une demi-heure que j'essaie de suivre le débat, mais j'avoue très honnêtement que cela m'est bien difficile ! Le vote qui est intervenu tout à l'heure à propos du financement des organisations syndicales agricoles m'a mis très mal à l'aise, je le reconnais !
M. Gérard Delfau. Il a raison !
M. Jean-Marc Pastor. Il faudra un jour ou l'autre expliquer cela !
Un accord a été négocié avec le président de l'APCA, et j'ai interrogé à ce sujet le président de la chambre d'agriculture de mon département pour savoir ce qu'il en était. En effet, monsieur César, je ne suis pas, comme vous, un ancien président de chambre d'agriculture.
Comme l'a indiqué M. le ministre, il semblerait donc qu'un accord avait été trouvé avec le président de l'APCA pour fixer le taux aux environs de 1,7 %. Quoi qu'il en soit, le groupe socialiste votera contre les amendements qui nous sont présentés.
M. Hilaire Flandre. Quelle surprise !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. L'article 60 du projet de loi de finances prévoit de fixer à 1,7 % le taux maximal d'augmentation du produit de la taxe pour frais de chambres d'agriculture. Il est proposé ici de le faire passer à 2 %, ...
M. Gérard César. Voilà !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. ... alors que, en effet, il est actuellement de 1,4 %.
Cela étant, j'ignore s'il existe une contradiction, comme l'a affirmé M. Pastor. Nous sommes tombés d'accord sur le principe du financement public des syndicats agricoles, mais cela ne signifie pas que nous approuvions l'ensemble du projet de budget. ( M. César approuve .) Nous restons en désaccord sur l'essentiel, même si nous nous retrouvons sur un point précis : ce n'est pas la première fois que l'on observe une telle situation.
Par ailleurs, je voudrais remercier M. César des excellents arguments qu'il a développés. Je lui serais néanmoins reconnaissant de bien vouloir se rallier à l'amendement n° II-22 déposé par la commission des finances, qui est identique au sein.
M. le président. Monsieur César, maintenez-vous l'amendement n° II-7 rectifié ?
M. Gérard César. Monsieur le président, je souscris volontiers à la suggestion de M. le rapporteur spécial, et je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° II-7 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° II-22, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 60 est ainsi rédigé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'agriculture et la pêche.

Budget annexe des prestations sociales agricoles