SEANCE DU 17 DECEMBRE 2001


LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE
POUR 2001

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2001 (n° 123, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 143 (2001-2002) et avis n° 144 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, du point de vue strictement formel, on peut concevoir le projet de loi de finances rectificative comme un exercice annuel et rituel, une comptabilité ligne à ligne des ouvertures et des annulations de crédits décidées ou réajustées en cours d'année. Pourtant il est loin de n'être que cela.
Je l'ai dit à plusieurs reprises, un projet de loi de finances, c'est la rencontre d'une situation économique et sociale, d'une volonté politique et des moyens pour la mettre en oeuvre.
Mais la réalité économique n'est pas immuable : elle varie en fonction des évolutions de la conjoncture observées au fil des mois.
Le projet de loi de finances rectificative vient donc traduire dans les faits la prise en compte de ces évolutions et la nécessité d'ajuster le projet initial. Il constitue, par conséquent, une étape significative dans la gestion de nos finances publiques : il en complète et en parachève la cohérence et la sincérité.
Cette année particulièrement, ce projet de loi de finances rectificative est un texte important du point de vue de la politique économique du Gouvernement, à la fois parce que c'est le dernier collectif de la législature et parce que la conjoncture est assurément moins heureuse.
Je suis donc convaincue que vous ne me tiendrez pas rigueur de rappeler, au-delà de l'inventaire technique et de l'examen chiffré, nos orientations et nos choix budgétaires au service de la croissance et de la solidarité durables.
Lorsque nous avons présenté le projet de loi de finances pour 2002, à la mi-septembre, nous avons retenu une hypothèse de croissance pour l'année 2001 de 2,3 %, avec un seuil bas de 2,1 %. Cette fourchette était inférieure de plus de un point à l'hypothèse de croissance retenue dans le projet de loi de finances pour 2001, car elle intégrait l'information dont nous disposions alors sur le ralentissement économique constaté au premier semestre. Au mois de juillet dernier, Laurent Fabius et moi-même avions fait de même pour les recettes fiscales ; cette révision est traduite dans le collectif qui vous est soumis.
Depuis près d'un, la conjoncture économique a été singulièrement bouleverse. La flambée des prix du pétrole, l'an passé, et le dégonflement de la bulle spéculative dans les secteurs de la nouvelle économie ont fait ralentir la croissance aux Etats-Unis ainsi que dans la zone euro dès le second semestre 2000. Le coup de frein a été particulièrement marqué dans l'industrie. La production industrielle a baissé aux Etats-Unis, au Japon et en Allemagne. Les échanges commerciaux se sont repliés, après deux ans d'exubérance.
Les attentats du 11 septembre ont, en quelque sorte, résonné comme un coup de tonnerre dans un ciel qui était déjà assombri. Ils ont temporairement perturbé la production aux Etats-Unis, ralenti encore les échanges et cristallisé les inquiétudes.
La France s'est plutôt mieux sortie que ses partenaires européens des premiers effets du retournement, probablement grâce à nos baisses d'impôt. Notre croissance a résisté jusqu'au début de cette année. Mais, depuis l'hiver dernier, la croissance a été, il est vrai, nettement moins forte dans notre pays ; l'emploi et l'investissement ont ralenti au printemps, la baisse du chômage s'est interrompue cet été. L'inflexion de l'activité mondiale ne nous a pas épargnés ; elle ne pouvait pas nous épargner.
Nos entreprises industrielles sont plus qu'auparavant engagées sur des marchés à la dimension de l'Europe ou du monde. Elles ont réduit la voilure dès qu'elles ont perçu le ralentissement de l'activité mondiale, taillant dans leurs stocks, suspendant certains projets d'investissement, ralentissant l'embauche.
A cet ajustement de la demande des entreprises, rapide et parfois douloureux, se sont ajoutés, au printemps, les effets immédiats sur la consommation des ménages de la bouffée d'inflation qui a frappé l'Europe avec la crise alimentaire et les tensions renouvelées sur le prix du pétrole. L'activité a alors fortement ralenti.
Toutefois, ce ralentissement ne s'est pas manifesté partout de la même façon.
L'expérience des crises de ces dernières années a, en effet, montré que les grandes économies européennes ne réagissaient ni en même temps ni de la même manière, et ce malgré des taux d'intérêt et de change qui sont désormais communs.
En matière de structures économiques, de marchés du travail ou de politiques budgétaires, des différences existent entre nos pays. Elles expliquent des chiffres de croissance contrastés d'un Etat à l'autre de la zone euro, même si aucun pays ne peut évidemment être indemne.
Certaines caractéristiques de l'économie française et notre politique économique devaient maintenir une consommation des ménages robuste, au-delà des à-coups mensuels, et éviter un fléchissement trop brutal de l'activité économique d'ensemble : modération des prix, maintien d'un flux de créations nettes d'emploi dans notre pays, légère accélération des salaires individuels et calendrier judicieux des baisses d'impôts.
Les derniers résultats vont dans le sens de cette analyse. Les prix ont baissé de 0,2 % sur les six derniers mois, près de 200 000 emplois ont été créés depuis le début de l'année et 30 000 l'ont été encore au troisième trimestre. De plus, le salaire individuel de base a progressé, fin septembre, de 2,5 % sur douze mois. Par ailleurs, la consommation des ménages en produits manufacturés a augmenté de 1,7 % au troisième trimestre par rapport au précédent. Enfin, la croissance du troisième trimestre a été robuste, soit 0,5 %.
Sur les quatre derniers trimestres, la France a connu, comme le Royaume-Uni, une croissance de 2 %, l'Italie se situant à 1,8 %, les Etats-Unis à 0,6 % et l'Allemagne à 0,5 %. Quant au Japon, il a enregistré une baisse de 0,4 %.
Mais l'alerte est très sérieuse et sans doute plus grave qu'au moment de ce que l'on appelle le « trou d'air », parce que toutes les zones ont ralenti et parce que le ralentissement a été suffisamment prolongé pour commencer à mordre sur les marchés du travail.
Au moment des attentats, nous avions identifié trois risques : le risque pétrolier, le risque financier et le risque psychologique. Sur ces trois points, les évolutions récentes sont encourageantes et créent les conditions de la reprise.
Tout d'abord, le prix du pétrole a fortement baissé et les prix à la pompe ont suivi. Le prix du litre de carburant ou de fioul domestique a baissé d'un franc par rapport à l'automne 2000. C'est une bonne nouvelle quant à l'inflation, dont le taux est tombé à 1,2 % en novembre, et pour le pouvoir d'achat des prochains mois. La baisse de notre facture énergétique, c'est en effet un élément favorable à la croissance.
Ensuite, l'argent est moins cher. Les baisses de taux d'intérêt ont été amples et rapides après les attentats, et c'est là ausi un élément favorable à l'activité économique pour 2002. A cela s'ajoute le fait que, si les marchés boursiers ont enregistré des pertes sévères, ces dernières sont aujourd'hui rattrapées.
Le risque psychologique, enfin, est certainement le risque qui demeure le plus sérieux. La confiance des entrepreneurs et des ménages a accusé le coup cet automne, et leur pessimisme s'est alimenté des statistiques qui portent encore la trace du choc des attentats. Mais, avec les derniers développements militaires et l'espoir d'un dénouement heureux, le vent peut commencer de tourner. La confiance des ménages français et américains a retrouvé un peu de tonus en novembre, la confiance des entrepreneurs américains aussi.
Dans ce contexte, le projet de loi de finances rectificative traduit d'abord la volonté du Gouvernement d'accompagner l'évolution de l'économie et de laisser jouer les stabilisateurs du budget en recettes.
Dans le collectif que nous vous présentons, le déficit du budget de l'Etat est fixé à 212,48 milliards de francs - soit 32,4 milliards d'euros -, soit une hausse de 25,9 milliards de francs par rapport à la loi de finances initiale pour 2001, montant qui correspond précisément au montant des baisses de prélèvement fiscaux par rapport à la loi de finances initiale indiquées il y a deux mois lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2002.
Le déficit est donc pratiquement identique à celui du collectif de la fin de l'année 2000 qui s'établissait à 209,5 milliards de francs.
Le palier en matière de réduction du déficit de l'Etat qui est en quelque sorte réalisé est rendu nécessaire par le ralentissement de l'économie. Mais je rappelle qu'une nouvelle réduction de ce déficit figure dans la loi de finances pour 2002, qui ramène le déficit de l'Etat à 30,4 milliards d'euros.
Pour le Gouvernement, laisser jouer les « stabilisateurs automatiques » en recettes signifie qu'il ne compensera pas les moins-values de recettes par des coupes claires dans les dépenses : c'est un choix que nous faisons pour la croissance.
En retour, cette stratégie nous impose d'être pleinement respectueux de la norme en dépense que nous nous sommes fixée. Les dépenses auront progressé en moyenne et en francs constants d'un quart de point par an.
Les ouvertures nettes du budget général s'établissent à 5,1 milliards de francs et, compte tenu de la révision de la prévision d'inflation qui est passée de 1,2 % dans la loi de finances initiale à 16,5 % au moment où je vous parle pour l'année 2001, cette progression en valeur courante traduit en réalité une stabilité en francs constants par rapport à la loi de finances initiale : dit autrement, le projet de loi de finances rectificative respecte clairement l'objectif de progression en volume de 0,3 % des dépenses du budget général pour 2001.
Les ouvertures que nous consentons portent pour l'essentiel sur l'intérieur et la défense ; nous avons d'ailleurs eu l'occasion d'en évoquer certaines lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2002. Elles portent également sur le secteur social où nous nous attachons à respecter nos engagements à l'égard de l'hôpital.
Les mesures fiscales de ce projet de loi portent principalement la marque du plan de consolidation de la croissance annoncé par Laurent Fabius le 16 octobre dernier. Ni l'Etat ni les impôts ne peuvent évidemment à eux seuls déterminer la vigueur de la croissance mais, s'ils sont bien orientés, ils doivent, ils peuvent la protéger et la conforter.
Les 8,5 millions de foyers qui ont bénéficié, il y a trois mois, de la prime pour l'emploi la verront doubler pour 2001. La prime pour l'emploi, c'est un instrument fiscal destiné à diminuer les charges fiscales sur le travail. Elle a constitué - et je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous partagez ce point de vue - une innovation et un succès populaire grâce au vote de la majorité en mai 2001 et grâce à une mobilisation sans précédent de nos services.
Il est juste et utile de penser aux plus modestes des travailleurs qui, par leurs efforts, ont puissamment contribué à l'activité et, par leur consommation, ont consolidé la croissance face au choc du ralentissement.
En même temps que la demande, le gouvernement de Lionel Jospin est attaché à soutenir l'offre et l'investissement des entreprises. En période d'incertitude et parfois d'inquiétude, celles-ci ont besoin d'oxygène et de visibilité. Elles ont besoin d'être soutenues dans leurs initiatives et dans leur développement. Les pouvoirs publics sont résolus à être des partenaires fiables et solides pour tous ceux qui entreprennent et prennent des risques.
Ainsi, les entreprises peuvent pratiquer jusqu'au 30 mars 2002 un amortissement exceptionnel de 30 % sur l'investissement dans les biens d'équipement. Nous avions annoncé que cette mesure démarrerait dès le 17 octobre, et ce présent projet de collectif traduit cet engagement.
Par ailleurs, 15 000 entreprises auxquelles l'Etat devait encore de l'argent au titre de la suppression du décalage d'un mois de la TVA seront remboursées dès 2002, avec cinq ans d'avance sur l'échéance. Elles disposeront ainsi de 1,22 milliard d'euros d'argent frais sans impact sur le solde budgétaire de l'Etat.
Enfin, les entreprises d'assurance, qui doivent faire face à l'amplification brutale d'un certain nombre de risques depuis le 11 septembre, verront certaines dispositions fiscales améliorées, avec mesure mais en rapport avec les nécessités du moment.
Le présent projet de loi de finances rectificative est le dernier que l'Assemblée nationale et le Sénat auront à examiner avant le passage à l'euro. Deux semaines nous séparent maintenant de la monnaie unique. Pour 300 millions d'Européens, le 1er janvier 2002 marquera véritablement l'entrée dans le nouveau siècle.
Pour l'heure, l'euro joue son rôle de bouclier pour les économies des douze nations qui l'ont adopté, notamment pour la nôtre, pour nos emplois et pour nos entreprises. Depuis le début de l'année, l'euro a amorti les effets du ralentissement. L'euro nous a donc protégés, et il nous protégera encore.
Le devoir des pouvoirs publics est de tout mettre en oeuvre pour que le passage à l'euro en pièces et en billets soit un succès.
Le passage à la monnaie unique n'est pas sans effets sur le collectif qui vous est présenté. Un article vous propose les dernières conversions de montants ou de seuils intervenus depuis l'ordonnance de septembre 2000 qui avait permis d'assurer le gros du travail. Nous n'avons pas hésité à corriger certaines conversions, qui, à tort ou à raison, pouvaient sembler trop approximatives ou trop peu généreuses.
En matière de conversion de seuils fiscaux comme dans les autres domaines, la neutralité du passage à l'euro doit prévaloir. Les conversions opérées sont d'une précision bien plus scrupuleuse que la fourchette autorisée par le règlement communautaire qui permet une approximation de plus ou moins 7 %. Pour plus de huit sur dix d'entre elles, nos conversions sont comprises entre plus ou moins 1 %. Néanmoins, certaines conversions de montants bien connus ont paru exagérément sévères. C'est la raison pour laquelle il vous est proposé de les revoir de manière plus ajustée.
Ce projet de loi de finances rectificative comporte aussi des dispositions utiles pour mieux intégrer notre fiscalité, donc notre économie, dans l'Europe.
Par exemple, la transposition de la directive sur le redevable de la TVA va permettre une simplification importante pour les opérateurs qui souhaitent commercer dans l'Union. Sans que soient diminuées pour autant les possibilités de contrôle fiscal, ils n'auront plus à désigner de représentant fiscal.
Je citerai aussi une autre avancée. Deux régimes fiscaux qui étaient jusqu'à présent considérés comme dommageables sont remis en conformité, afin que notre pays soit exemplaire et puisse garantir à nos entreprises des choix fiscaux sûrs et à l'abri de contentieux communautaires. Bâtir l'Europe, c'est aussi simplifier la vie des agents économiques au sein de l'Union.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances rectificative que Laurent Fabius et moi-même vous présenteront au nom du Gouvernement et que je vous demande d'adopter est le dernier acte budgétaire de la législature.
Grâce aux choix qui ont été opérés sous l'autorité du Premier ministre, la France est aujourd'hui plus forte que quand nous avons accédé aux responsabilités.
M. Jean-Pierre Demerliat. Et oui !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Elle est plus forte pour convertir la croissance en emplois et en investissements lorsque la conjoncture est favorable, plus forte pour préserver l'activité et le pouvoir d'achat lorsque l'économie mondiale est affaiblie.
De nombreuses réformes économiques, industrielles et financières ont été engagées, d'autres restent à engager. Elles ne seront possibles que si elles sont conçues avec sérieux. Elles ne seront acceptées que si elles sont menées dans un esprit de concertation. Elles ne seront viables que si elles prennent en compte les exigences du long terme. Enfin, elles ne mobiliseront nos concitoyens que si elles sont porteuses de nouvelles espérances. C'est le sens de notre action.
La France ne manque ni d'atouts ni d'ambitions. Que cela renforce encore notre volonté de conduire notre pays sur le chemin de la démocratie et de la prospérité ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame le secrétaire d'Etat, cet exercice annuel et rituel, disiez-vous, ne semble pas, du point de vue du Gouvernement, nécessiter autre chose que la redite de ce que nous avons longuement entendu à l'occasion de la récente discussion du projet de loi de finances pour 2002.
Les choses sont en réalité un peu différentes !
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. On comprend que le Gouvernement tente, faisant profil bas - par votre bouche autorisée, mais c'est celle d'un secrétaire d'Etat, paraît-il, privé de circonscription -,...
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Quel rapport avec le débat ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... de faire passer ce texte pour une série de petits ajustements comptables et de signaux modérés et limités.
A la vérité - on est dans le domaine du symbole -, outre qu'il s'agit du dernier budget en francs, celui-ci est vraiment le dernier des derniers : le dernier budget selon l'ancienne méthode, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique, et le dernier - une sorte de testament ! - texte budgétaire de la législature dont prend la responsabilité l'actuel gouvernement.
Le moment est donc propice pour refaire rapidement le point sur la politique et sur le bilan. Dans un second temps, je tâcherai de vous montrer que, si beaucoup d'erreurs ont été faites sur le plan de la gestion des finances publiques depuis 1997, ce collectif en est, en quelque sorte, le condensé. Il s'agit d'un exercice particulièrement pédagogique et utile de ce point de vue.
Rappelons que le bilan se caractérise par trois choses : l'accroissement déraisonnable des prélèvements, la non-maîtrise de la dépense publique et le laxisme en matière de déficit.
S'agissant de l'accroissement des prélèvements, ces derniers ont apporté à l'Etat, entre 1997 et 2001, 600 milliards de francs de plus. En termes de taux de prélèvements obligatoires, cela représente, en 2001, selon les chiffres de l'OCDE, 48,9 % du PIB en France contre 45,2 % pour la moyenne des pays de la zone euro.
Nous en connaissons les raisons : c'est, d'abord, la hausse des prélèvements sociaux - plus que la hausse des impôts -, lesquels sont passés de 20,5 % à 21,4 % de PIB depuis 1997. C'est, ensuite, l'alourdissement de l'impôt sur les sociétés, car - le Gouvernement s'en est aperçu -, les entreprises ne votant pas, ce sont des matières imposables beaucoup plus dociles ! C'est, en outre, le rendement de l'impôt sur le revenu, qui a augmenté de près de 20 % sur la période 1997-2001. C'est, enfin, s'agissant de l'année 2002, la mise en oeuvre des dispositions promises dans le plan Fabius et, pour arriver vaille que vaille à gérer les choses ou du moins à les présenter, le recours à des recettes de poche, des recettes exceptionnelles, des recettes non fiscales pour un niveau jamais atteint jusqu'ici.
Finalement, un voile pudique est jeté au bon moment, madame le secrétaire d'Etat, sur la croissance des prélèvements obligatoires qui a été très lourde depuis 1997 et qui risque de perdurer alors que l'on raconte un certain nombre de choses agréables à l'opinion publique.
En ce qui concerne ce bilan, que je résume ainsi à grands traits, outre l'accroissement des prélèvements, il faut souligner la non-maîtrise des dépenses publiques : faire toujours plus pour éviter de faire mieux.
Le poids des dépenses consacrées à la fonction publique est, vous le savez, la clé de l'analyse, puisque la part relative de la fonction publique dans le budget de l'Etat est passée de 40,7 % à 43,3 % de 1997 à 2002. Chers collègues de la majorité, beaucoup de choses nous ont été dites lors de la discussion récente de la loi de finances, mais aucune réponse n'a été apportée à cette simple remarque : vous rigidifiez sans cesse davantage le budget de l'Etat en y faisant apparaître une part de plus en plus importante de dépenses consacrées à la fonction publique. C'est une réalité. Dans l'argumentaire qui nous est opposé, cet aspect est traité - quand il l'est - de façon furtive. Il est, certes, difficile de dire le contraire de la réalité.
A la vérité, la priorité qui est donnée aux dépenses de fonctionnement de la fonction publique ne fait pas plaisir aux fonctionnaires. Il s'agit là d'un paradoxe, qui incite à quelques méditations, mes chers collègues. En effet, au moment où l'on promet le recrutement en 2002 de 84 000 nouveaux fonctionnaires, on voit s'exprimer au sein de la fonction publique, d'une manière amplifiée et parfois selon des méthodes sans précédent, un mécontentement et un mal-être. Ce paradoxe est singulier car, depuis 1997, c'est la vraie priorité du budget de l'Etat.
Quand on examine les documents relatifs aux finances publiques, depuis 1997, on s'aperçoit que le plus gros consommateur de dépenses de main-d'oeuvre est le ministère de l'éducation nationale. En effet, 60 milliards de francs supplémentaires ont été consacrés à l'éducation, contre 13 milliards de francs supplémentaires seulement pour la justice et la sécurité. Et ce n'est qu'une comparaison parmi d'autres !
Il est donc permis de s'interroger - c'est ce que nous avons fait tout au long de la discussion budgétaire - sur l'efficacité de cette dépense publique. La réponse à la demande d'éducation est-elle plus adéquate pour autant ? Ces crédits supplémentaires satisfont-ils mieux les besoins qui s'expriment dans les différents cycles de l'enseignement ? Sur ce point, mes chers collègues, je me permets de vous renvoyer aux interrogations que nous avons formulées dans nos rapports budgétaires et à l'occasion des débats.
Ce que nous savons, c'est que cette non-maîtrise de la dépense publique de fonctionnement s'est exercée surtout au détriment d'une variable d'ajustement, qui apparaît en tant que telle dans tous les budgets annuels depuis 1997, le titre V de la défense. L'investissement militaire a en effet souffert, depuis 1997, d'annulations de crédits représentant 32 milliards de francs, soit deux porte-avions ou un porte-avions et une bonne partie d'une flotte d'accompagnement, ou encore un certain nombre de commandes d'avions de combat, toutes choses qui font défaut, et ce d'autant plus qu'en matière de défense la logique budgétaire ne saurait conduire à remettre en cause les objectifs solennellement affirmés par notre pays.
Après la hausse des prélèvements et la non-maîtrise de la dépense publique, j'en viens au laxisme en matière de déficit, troisième élément qu'il convient de rappeler.
Le collectif budgétaire en est une illustration, puisque l'écart négatif se creuse par rapport à la loi de finances.
Mais, si nous raisonnons sur une série un peu plus longue de chiffres, nous constatons, s'agissant du budget de l'Etat - je parle bien de l'Etat, et non pas du secteur public à ce stade - que le besoin de financement, c'est-à-dire le déficit, est resté au même niveau de 1999 à 2002, de budget à budget : 2,5 points de PIB en 1999, 2,4 points de PIB en 2002. Certes, il s'agit d'une donnée brute, mais il importe de se rappeler que, dans l'intervalle, l'économie a connu une croissance en volume de 3,4 points en 1998, de 2,9 points en 1999 et de 3,1 points en 2000 !
Madame le secrétaire d'Etat, cette croissance que vous vous targuez d'avoir impulsée ou que vous n'auriez point cassée ou que vous auriez amplifiée - que sais-je ? -, elle a tout juste permis de stabiliser le besoin de financement de l'Etat. Comment fera-t-on lorsque la croissance se sera ralentie ? Naturellement, on devra accepter, vaille que vaille, avec toutes les charges de fonctionnement, l'accroissement du déficit, et donc une place peu enviable dans le cortège européen !
Permettez-moi de revenir une fois de plus sur la dette. Si l'on classe les Etats de l'Union européenne dans l'ordre croissant de leur endettement par habitant, on s'aperçoit que la France, qui était au troisième rang en 1997, sera au neuvième rang en 2002. De 1997 à 2002, la dette négociable de l'Etat a augmenté de 1 120 milliards de francs.
Qu'a-t-on fait des fruits de la croissance, alors que celle-là a connu, pendant tout une période, un taux historiquement élevé ? Mes chers collègues, nos concitoyens auront très prochainement à formuler un jugement sur une question de fond : qu'a fait le gouvernement Jospin de notre croissance ?
A partir de là, quelle perspective nous est tracée en termes de convergence européenne et de crédibilité de l'euro ? Quel crédit attacher au programme triennal, que vous nous avez très brièvement commenté, voilà peu de temps, madame le secrétaire d'Etat ?
Je rappelle que ce programme triennal maintient le principe de l'équilibre pour 2004 tout en faisant figurer tout l'effort, ou presque, en 2003. De surcroît, il apparaît calculé à partir du résultat, ce qui, naturellement, ne peut susciter ni en France ni à l'étranger, hélas ! un sentiment de crédibilité.
Mes chers collègues, voilà brossés à très grands traits les éléments dont il faudra se souvenir pour évaluer la gestion de nos finances publiques depuis 1997.
A présent, je voudrais vous montrer en quelques phrases que le collectif budgétaire qui nous occupe est la bonne illustration de tout ce qui précède : c'est un condensé de toutes ces erreurs, en premier lieu en matière budgétaire, en second lieu sur le plan fiscal.
En matière budgétaire, tout d'abord, le déficit dérape de près de 26 milliards de francs, car, la croissance n'ayant pas été au rendez-vous comme escompté, les recettes fiscales sont plus faibles de 25 milliards de francs.
Donc, des recettes fiscales plus faibles et un déficit qui augmente. Et les dépenses, que font-elles ? Les maîtriset-on ? Non, les dépenses augmentent davantage. C'est que l'on distribue - nous sommes en période préélectorale et en plein « arrosage » de Noël - 8 milliards de francs de prime pour l'emploi. C'est une urgente nécessité, n'est-ce pas ? Et la mesure est financée par le déficit ! Et l'on augmente l'ensemble des crédits de 5 milliards de francs ! Voilà ce que nous dit le tableau « Emploi et ressources » du collectif budgétaire.
Madame le secrétaire d'Etat, les engagements préélectoraux et la baisse des recettes ficales représentent plus de 41 milliards de francs à financer. Comment ? Je regrette, à cet instant, mes chers collègues, de ne pas disposer d'un tableau qui vous montrerait d'un seul coup d'oeil que ces 41 milliards de francs sont financés, pour deux tiers, par du déficit supplémentaire et, pour le tiers restant, par des « recettes de poche ».
On va ainsi pomper l'Institut national de la propriété industrielle, l'INPI ; on va pomper, de même, le Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, bref, on va pomper, ici et là, une série de caisses sur lesquelles on peut mettre la main. Je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire, madame le secrétaire d'Etat ; il faut le faire ; mais ce sont des fusils à un coup que l'on se garde opportunément pour le moment où l'on s'en servira. C'est de la gestion politicienne et préélectorale.
Et puis, il faut relever ce zeste de chance dont vous bénéficiez dans votre collectif budgétaire, madame le secrétaire d'Etat : pour des raisons mécaniques, la diminution du prélèvement au profit des Communautés européennes vous permet de limiter aux deux tiers du financement l'augmentation du déficit.
J'en viens au plan fiscal. Mes chers collègues, je voudrais vous rendre extrêmement attentifs au cours de la discussion des articles. Ce collectif budgétaire comporte, en effet, soixante-dix-huit articles, contre quarante-sept à l'origine.
Trente et un articles nouveaux ont donc été insérés par l'Assemblée nationale, dont certains par amendement du Gouvernement. Ce procédé - on ne saurait trop le dire - est scandaleux. En effet, de nombreuses mesures étaient préparées de longue date que l'on veut nous soumettre aujourd'hui à la va-vite, subrepticement, dans les derniers jours de l'année. On se dit sans doute que ces vieux sénateurs seront fatigués, qu'ils n'auront pas le temps d'examiner les articles. (Sourires.).
Sur ce point, vous vous trompez, madame le secrétaire d'Etat ; d'ailleurs, vous le savez bien ! Même si nous n'avons disposé que de quelques jours, au sein de la commission, nous avons fouillé chacun des articles ! Mais, lorsque nous estimerons n'avoir pas pu aller au bout du travail nécessaire, nous proposerons, bien sûr, la suppression de la déposition intéressée, non sans avoir, au préalable, formulé nos questions et nos interrogations. Car, madame le secrétaire d'Etat, il y a, dans ce texte, des dispositions fondamentales.
Prenez la réforme de la Direction des constructions navales, la DCN, qui nous arrive en collectif budgétaire : elle mérite débat, cela ne se fait pas comme ça, « passez muscade » ; il faut savoir ce que l'on fait, pourquoi on le fait, et avec quels objectifs.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Ce n'était pas un amendement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'article 38, qui concerne les concessions de transport de gaz, est tout aussi important, tout aussi intéressant.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Ce n'était pas non plus un amendement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le dispositif doit conditionner l'ouverture du marché gazier à plus de concurrence. Cela mérite aussi un vrai débat, madame le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Dites-le au Conseil d'Etat, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Autant de bons sujets, de sujets intéressants, mais qui nous arrivent dans un cortège de soixante-dix-huit articles, au milieu des choux, des navets et des carottes, dans un véritable inventaire à la Prévert. Cela ne nous empêchera pas de faire en sorte que les questions soient bien explicitées, que les débats se tiennent.
Prenez encore la réforme de la garantie COFACE, la compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, relative au financement du programme d'avions gros porteurs Airbus, à l'article 40 : encore une fois, c'est important, c'est un sujet de fond, c'est un sujet qui mériterait en soi une large discussion au Parlement et de nombreuses informations. Et la garantie de l'Etat pour l'exposition universelle de la Seine-Saint-Denis ? C'est un vrai sujet, qui exigerait, là aussi, que le Parlement ait toute capacité pour l'approfondir encore et l'élucider.
Je n'irai pas plus loin dans les allusions, mais de nombreux autres articles pourraient susciter les mêmes remarques.
En outre, madame le secrétaire d'Etat, je crois pouvoir dire que, pour ce qui est des articles fiscaux, il y a, dans ce texte, beaucoup de légèreté constitutionnelle. C'est une tradition en fin d'année de compter sur la moindre vigilance de la rue Montpensier. C'est une erreur ; en tout cas, nous, nous serons fidèles à nos habitudes : nous avons beaucoup de raisons de vouloir déférer ce collectif budgétaire au Conseil constitutionnel.
Madame le secrétaire d'Etat, quand on examine ce texte, on peut vraiment s'interroger : y a-t-il encore un pilote à Bercy ? Je me pose très sérieusement la question.
J'écoute avec intérêt, parfois avec plaisir, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et je trouve qu'il tient des propos de bon sens. Mais, quand je mets en parallèle ses propos et le bilan collectif du gouvernement Jospin, je constate un hiatus extrêmement choquant : d'un côté, le projet personnel d'un ministre qui s'exprime et, de l'autre, le bilan collectif du gouvernement auquel il appartient.
Or, quelle est la réalité ? La réalité est inscrite dans les faits que vous avez assumés collectivement depuis un grand nombre d'années. Le ministre voudrait réduire le déficit, et donc les impôts de demain. Il se produit le contraire ! Le ministre demande à M. Charzat un rapport sur l'attractivité de notre territoire et sur les mesures destinées à accroître la compétitivité fiscale de nos entreprises en Europe ; il fait même la promotion de ce rapport en public. Mais il n'en tient à peu près aucun compte dans les textes budgétaires ! Le ministre dit vouloir limiter la pression fiscale sur les entreprises mais, l'an dernier, il assume, en loi de finances, la baisse de l'amortissement dégressif, pour, cette année, par une « mesurette », faire un peu le contraire pendant une période de trois mois ! Madame le secrétaire d'Etat, au-delà de la publicité personnelle et de relations publiques bien gérées, y a-t-il un pilote à Bercy ? Là encore, le débat, dans les mois qui viennent, nous permettra de placer ces sujets au coeur des vrais choix des Français.
Le ministre met, semble-t-il, au centre de sa politique le respect - du moins, si on le croit - d'une norme stricte de progression de la dépense. Mais nous avons appris par les médias, presque chaque jour, pendant toute une période, l'ouverture de telle ou telle dépense supplémentaire. Nous avons eu le sentiment que les vannes étaient ouvertes, que le pompier Fabius devenait véritablement pyromane ! En tout cas, il semble bien qu'il doive, que vous deviez, madame le secrétaire d'Etat, supporter budgétairement le fait d'avoir si longtemps négligé les fonctions régaliennes de l'Etat.
Essayons de nous faire une idée de toutes ces « rallonges ».
Il s'agit, d'abord, de 772 millions de francs supplémentaires pour la police, dont 697 millions de francs sont financés par des économies de fonctionnement. Immédiatement, on découvre, sur les budgets de différents ministères, des lignes où l'on peut « couper ». C'était impossible jusque-là mais, en l'espace d'une nuit, c'est devenu possible. On pratique des réductions forfaitaires, comme nous, il y a quelques années, nous les pratiquions, en faisant nos pauvres petits budgets alternatifs et de confiance : et l'on nous disait alors que nous étions de véritables sauvages,...
M. Jean-François Le Grand. Des sauvageons !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... que tout cela était sans fondement, que chaque franc des budgets était indispensable.
Madame le secrétaire d'Etat, vous le savez, quand il faut, dans l'élaboration d'un budget, accepter certaines priorités, il n'y a pas trente-six manières de le faire : on doit réaliser des coupes budgétaires.
Il s'agit, ensuite, d'une première tranche de 800 millions de francs pour les gendarmes, financée par la baisse du titre V des crédits de la défense, mesure évidemment inacceptable. Pour ce qui est de la seconde tranche, c'est-à-dire les mesures prises par Alain Richard lors des négociations de l'avant-dernier week-end, il s'agit de 375 millions de francs pour 2002, financés encore par redéploiement de crédits de fonctionnement. Mais on ne connaît pas encore les lignes sur lesquelles cela viendra s'imputer. C'était de l'argent indispensable jusqu'ici, mais, tout d'un coup, il n'est plus indispensable !
Tout cela, madame le secrétaire d'Etat, il faudra l'expliquer clairement tant au Parlement qu'aux Français, et ne pas le faire à la sauvette, dans des secondes délibérations d'avant Noël. Il faudra bien dire de façon claire : voilà la dépense supplémentaire, voilà comment elle est financée. Et il nous faudra dénoncer ces méthodes.
Enfin, madame le secrétaire d'Etat, terminons avec l'événement qui devrait tous nous réunir dans le culte de l'avenir, c'est-à-dire le changement monétaire et avec cet appétit extraordinaire qu'il suscite chez nos concitoyens avides de toucher les nouvelles espèces.
Madame le secrétaire d'Etat, puisque ce changement est décidé et irréversible, nous voudrions que les Françaises et les Français soient fiers de leur euro. Cela suppose que cet euro se porte bien sur les marchés internationaux, c'est-à-dire, en termes moins techniques, qu'il soit crédible, qu'il soit apprécié, qu'on le choisisse comme monnaie de réserve et pour libeller un maximum de transactions dans le monde. Pour cela, une condition : la crédibilité des gouvernements réunis dans la zone euro. Or cette crédibilité ne peut naître que de la convergence de leurs politiques et de l'acceptation d'une discipline commune. Ce n'est pas au moment où l'on voudrait nous faire prendre des vessies pour des lanternes que l'on se rend crédible vis-à-vis de nos partenaires européens, de l'opinion et des marchés.
Madame le secrétaire d'Etat, je maintiens - et je terminerai sur ce point - que le récent programme triennal est un sophisme au sens propre du terme, car il est composé de trois éléments : un raisonnement faux qui a l'apparence du vrai et qui est administré avec mauvaise foi.
M. Michel Caldaguès. Tout y est !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout d'abord, le programme triennal repose sur un raisonnement faux, puisqu'on part de la fin pour reconstruire les chiffres. Ensuite, il a l'apparence du vrai, puisque le ministre est sympathique et qu'on lui donnerait parfois le bon Dieu sans confession. (Sourires.) Enfin, il est administré avec mauvaise foi, puisqu'on prétend maintenir la dépense, et qu'on dépense sans cesse davantage pour faire plaisir aux uns et aux autres, illustrant ainsi une sorte de désarroi préélectoral.
Madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pardonnez-moi d'avoir sollicité votre attention un peu longuement ce matin, mais le dernier texte budgétaire examiné en 2001, le dernier texte budgétaire de la législature mérite, outre notre vigilance, une connaissance précise des perspectives politiques dans lesquelles il s'inscrit. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après l'exposé de M. le rapporteur général, je serais tenté de penser que toutes les interventions seront quelque peu superfétatoires. Je tâcherai cependant de revenir sur certains éléments, avec moins de brio que lui, assurément, mais en essayant d'insister sur quelques points clés.
Le Premier ministre, à l'occasion de son discours de politique générale, avait pris en 1997 un certain nombre d'engagements financiers et fiscaux. M. le rapporteur vient de le démontrer, ces engagements n'ont pas été tenus.
Pour la première fois depuis le début de la législature, le déficit constaté en exécution sera supérieur à celui qui était prévu par la loi de finances initiale. L'aggravation, on l'a dit, représente 26 milliards de francs, si bien que le déficit inscrit dans le collectif s'élève à 212 milliards de francs, au lieu des 186 milliards de francs annoncés.
Cette situation conduit à nourrir quelques inquiétudes sur l'exécution du budget pour 2002, pour lequel l'impasse risque d'être beaucoup plus importante.
Depuis 1997, le Gouvernement aura baissé le déficit de seulement 1,6 point de produit intérieur brut, dans un contexte économique pourtant très favorable, on l'a rappelé. Lors de la législature précédente, la baisse avait été deux fois supérieure, alors que la croissance était deux fois moindre. Ce simple rapprochement montre que, si le gouvernement actuel avait fourni autant d'efforts que ses prédécesseurs pour réduire les déficits, la France serait aujourd'hui, comme la plupart de ses voisins, au moins à l'équilibre, voire en excédent budgétaire. Or, en 2001, elle se situe, en matière de déficit public, au douzième rang sur quinze en Europe ; ce n'est pas exactement ce que l'on appelle la tête de classe !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est sûr !
M. Roger Karoutchi. Le déficit inscrit dans le collectif, soit 212 milliards de francs, reste d'ailleurs incertain. A la fin du mois d'octobre, il s'élevait déjà à 197,5 milliards de francs : il ne faudrait donc pas qu'il dérape de plus de 7,5 milliards de francs par mois pour les deux derniers mois de l'année. Nous ne sommes pas sûrs, compte tenu de ce qui se passe, que cet objectif sera atteint.
Or, à la fin du mois d'octobre, madame le secrétaire d'Etat, les recettes fiscales conservaient un rythme de progression identique à celui de la fin du mois de septembre, en baisse marquée, tout le monde le sait, par rapport au niveau constaté l'été dernier, et les recettes de la TVA continuaient de ralentir dans des proportions presque cinq fois supérieures à ce que l'on pouvait observer à la fin du mois de septembre.
Le Gouvernement explique le creusement du déficit par les 25 milliards de francs de moins-values fiscales annoncés dès cet été par le secrétaire d'Etat au budget. Hélas ! les conséquences du ralentissement de l'économie se feront sentir dans des proportions beaucoup plus importantes !
Il faut rappeler que le PIB, en 2001, aura progressé d'un point de moins que ce qu'avaient établi les prévisions sur lesquelles a été voté le budget à la fin de l'année dernière ; ce point d'écart représente 35 milliards de francs de pertes de recettes, soit beaucoup plus que la somme des annonces gouvernementales.
Le ralentissement des recettes fiscales ne doit pas cacher l'alourdissement sans précédent que connaît, depuis 1997, la pression fiscale subie par les Français. On l'a dit tout à l'heure, et le rapporteur général lui-même l'a rappelé : à la fin de 2001, le taux de prélèvement sera égal en France, selon l'OCDE, à 48 % du PIB alors que la moyenne européenne est de 45 %, et que les performances de nos voisins, meilleures que les nôtres, sont les conséquences directes des véritables réformes entreprises dans ces pays.
Pendant que les autres pays procédaient à des réformes, le gouvernement français a fait preuve, depuis 1997, d'inventivité fiscale : il a créé vingt impôts et taxes et procédé à trente augmentations ou majorations de la fiscalité existante. Quant aux prétendues suppressions dont se targue le Gouvernement, elles consistent le plus souvent - et les collectivités locales sont bien placées pour le savoir - en la suppression de taxes locales devant être compensées par l'Etat par prélèvements sur recettes. Le jeu, en réalité, est à somme nulle pour le contribuable, mais il est dangereux pour la décentralisation et pour l'autonomie de nos collectivités.
L'évolution des dépenses à la fin du mois d'octobre montre un net ralentissement des dépenses d'intervention et des dépenses en capital. Cette évolution, madame le secrétaire d'Etat, se retrouve dans le collectif, où le Gouvernement affiche 17 milliards de francs d'ouvertures de crédits, compensés par 12 milliards de francs d'annulations, soit un solde net d'ouvertures de 5 milliards de francs.
Il est en fait plus pertinent d'analyser la balance entre ouvertures et annulations. Dans la section « fonctionnement », on trouve un peu plus de 13 milliards de francs d'ouvertures et 9 milliards de francs d'annulations. Dans la section « investissement », le Gouvernement ouvre 4 milliards de francs et en annule un peu plus, ce qui aboutit à un solde négatif. Encore une preuve - et le rapporteur général l'a rappelé - que le Gouvernement a sacrifié l'investissement au bénéfice du fonctionnement !
Chacun a déjà constaté que nos crédits d'investissements civils, - sans parler des crédits militaires ! - sont inférieurs aux crédits alloués à la réduction uniforme et obligatoire du temps de travail.
Les conséquences de ces options se manifestent déjà, et continueront de le faire, dans l'insuffisance de travaux d'entretien du réseau routier, dans l'absence de rénovation des bâtiments universitaires, qui resteront vétustes, sauf à être pris en charge par les régions qui le voudront bien, dans le manque de rénovation des palais de justice, des établissements pénitentiaires et des commissariats de police... Dans tous ces domaines, comme le constatent les collectivités locales, il est fait appel de plus en plus souvent à l'intervention d'autres collectivités que l'Etat pour donner à nos concitoyens le sentiment d'être protégés, d'être jugés, d'être défendus.
Tout cela n'est guère brillant, madame le secrétaire d'Etat ! Il est clair que vous avez fait le choix de financer les 35 heures avant de financer tout le reste.
La progression des dépenses doit être examinée, en pratique, à l'aune de deux phénomènes.
Le premier de ces phénomènes réside dans la budgétisation des dépenses liées à la réduction du temps de travail. Ainsi, les besoins du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, auront augmenté de 39 % entre 2000 et 2001 - mais sans effet sur le budget de l'Etat. Chacun se souvient que le FOREC est longtemps resté un fonds sans existence juridique, le Gouvernement voulant éviter que le budget de l'Etat ne soit sollicité pour combler les déficits. Aujourd'hui, moins de 1 % des dépenses relatives à la réduction du temps de travail figurent au budget de l'Etat, ce qui, à l'évidence, ne renforce pas sa lisibilité.
Je rappellerai, madame le secrétaire d'Etat, le contenu du rapport rédigé par MM. Pisani et Ferry au nom du Conseil d'analyse économique, cher au Premier ministre,...
M. Paul Loridant. Vous avez de bonnes références !
M. Roger Karoutchi. ... qui indique que, sur 1 million d'emplois créés depuis 1997, seuls 67 000 seraient dus aux effets des 35 heures. Ce n'est pas nous, l'opposition, qui l'affirmons, c'est le Conseil d'analyse économique ! Tout de même, 67 000 sur 1 million, c'est bien peu pour un coût aussi exorbitant !
Le second phénomène qu'il convient d'examiner, on l'a également rappelé, est la multiplication, depuis le début de la session parlementaire, des annonces qui auront une incidence financière. Dans le présent collectif budgétaire se trouvent, d'abord, le doublement de la prime pour l'emploi, qui sera versée au début de 2002, pour un coût de 8 milliards de francs, ensuite, le plan de relance en faveur des entreprises, pour un coût de 13 milliards de francs sur deux ans, et, enfin, la prime de Noël, pour 1 milliard de francs.
Les mesures inscrites pour 2002 illustrent bien que le Gouvernement a décidé d'ouvrir très largement les vannes à tous les mécontentements, à toutes les revendications, en dépit des mises en garde répétées, assourdies peut-être, mais certainement pas entendues, de Laurent Fabius. La liste continue de s'allonger, comme une longue litanie : mesures pour la gendarmerie concernant les première, deuxième et troisième tranches, pour 2 milliards de francs ; mesures pour les cliniques privées, concernant les première et deuxième tranches, pour 3,1 milliards de francs ; mesures pour les infirmières concernant les première et deuxième tranches, pour 4 milliards de francs ; 30 000 CES, ou contrats emploi-solidarité, et 20 000 stages d'insertion, pour 1,2 milliard de francs ; plan pour la ville, pour 10 milliards de francs en cinq ans ; mesures pour la police en deux ou trois tranches, pour 1,1 milliard de francs ; augmentation des salaires de la fonction publique au-delà de ce qui avait été négocié, pour 3,5 milliards de francs.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quel est le but ?
M. Roger Karoutchi. Nous pouvons d'ores et déjà annoncer au Gouvernement que, chaque fois qu'il ira un peu plus loin pour l'une des catégories, même celles qui auront déjà signé un accord reviendront au guichet !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui ! C'est ce que l'on appelle l'« échelle de perroquet » !
M. Roger Karoutchi. Nous pouvons donc prédire sans grand risque de nous tromper, que les enseignants, les douaniers, les militaires et bien d'autres catégories emprunteront naturellement le même chemin pour obtenir quelques subsides.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sans parler des internes, qui sont actuellement en grève !
M. Roger Karoutchi. Le Gouvernement ayant pris la bonne voie, il n'y a aucune raison qu'il refuse à certains ce qu'il a accordé à d'autres.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il va continuer !
M. Roger Karoutchi. Il faut revenir à plus de raison : les dépenses supplémentaires ouvertes par le Gouvernement représentent 1 milliard de francs par jour depuis le début de la session parlementaire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vivement qu'on se mette en vacances !
M. Roger Karoutchi. C'est pour bientôt, monsieur le rapporteur général !
Le mystère du financement de toutes ces mesures reste encore entier. Le Premier ministre a annoncé qu'il n'y aurait ni impôts nouveaux ni déficit supplémentaire, mais qu'il procéderait par redéploiements. Nous en prenons bonne note, mais nous ne savons rien des crédits qui seront annulés à cette occasion ! Seront-ce des crédits de fonctionnement ou des crédits d'équipement ? L'investissement jouera-t-il de nouveau le rôle de variable d'ajustement, comme cela a souvent été le cas depuis 1997 ?
Les gilets pare-balles que l'on a promis aux gendarmes et aux policiers seront-ils financés par une réduction à due concurrence des crédits alloués au logement de ces mêmes personnels ? C'est probable, puisque nous constatons qu'un certain nombre de collectivités sont aujourd'hui sollicitées pour les financer !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Que proposez-vous ?
M. Roger Karoutchi. A l'occasion de l'examen des amendements présentés par le Gouvernement au Sénat lors de la seconde délibération du projet de loi de finances pour 2002, nous avons vu, par exemple, que le financement du plan de lutte contre la violence résultait d'annulations de crédits d'un montant forfaitaire touchant tous les ministères.
Je ne voudrais pas, puisque M. le rapporteur général l'a fait, revenir sur les recettes de poche, sur l'INPI, sur le fait qu'on n'intervient pas dans le contentieux qui oppose la SNCF au ministère de la défense, ou sur un certain nombre d'autres recettes.
Madame le secrétaire d'Etat, les différents éléments de ce collectif sont, pour chacun d'entre nous, tout à fait inquiétants. Le rapporteur général, voilà quelques semaines, utilisant, à propos du budget pour 2002 une référence cinématographique, avait parlé de La Grande Illusion. Aujourd'hui, en nous présentant le collectif budgétaire, le Gouvernement est probablement en train de faire un remake qui pourrait s'intituler : Il faut sauver le soldat Fabius ! Mais nous n'avons ni producteur ni réalisateur. En revanche, la mise en scène est assurée tous les jours par le service de communication du Gouvernement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, pour cela, ils sont bons !
M. Roger Karoutchi. Madame le secrétaire d'Etat, vous le savez bien, cela ne saurait nous suffire.
Dans ces conditions, il est clair que, suivant le rapporteur général, le groupe du RPR s'opposera au collectif budgétaire. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce matin, dans ma voiture, j'entendais sur une radio nationale que le biorythme des Français serait altéré le lundi matin et qu'il conviendrait peut-être que les enseignants n'interrogeassent point les élèves avant le lundi midi. Je suis donc heureux de constater que le biorythme du rapporteur général est excellent dès le lundi matin, et je le félicite du brio et du talent qu'il a manifestés à la tribune. (Applaudissements sur les travées du RPR.).
Son exposé m'évitera de revenir sur le texte lui-même et sur ce qui nous est proposé, pour concentrer mon intervention sur l'article 26 septies .
Cet article est issu d'un amendement que l'Assemblée nationale a voté nuitamment, au détour d'une phrase, et qu'avait présenté le député-maire de Cherbourg. La commission des finances de l'Assemblée nationale n'avait même pas pu l'examiner.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'était un petit hold-up !
M. Jean-François Le Grand. Vous avez d'ailleurs vous-même relevé, madame le secrétaire d'Etat, qu'il eût été préférable que ce texte fût étudié au préalable et qu'il pût faire l'objet d'amendements sensés et constructifs, au lieu d'être ainsi voté trop rapidement.
Toujours est-il qu'il n'est pas correct que le Parlement puisse proposer des amendements ou des articles que je qualifierai de ad hominem. C'est contraire à l'éthique républicaine, c'est contraire à l'éthique d'un gouvernement, c'est contraire à l'éthique du travail parlementaire.
C'est la raison pour laquelle je réserverai tout à l'heure à l'article 26 septies un sort qui dépendra pour l'essentiel de votre réponse, madame le secrétaire d'Etat.
Il n'en reste pas moins que cet article est, en principe, destiné à être inscrit dans le code général des impôts. Or, le seul endroit en France où il trouvera à s'appliquer, c'est le Cotentin. Faire une loi pour le seul Cotentin, c'est faire beaucoup d'honneur à ce territoire - et nous y sommes sensibles -, mais ce n'est pas convenable, car ce n'est pas faire une loi de la République.
Cette remarque étant faite, j'en viens à l'« environnement » de cet article 26 septies.
Le Cotentin, qui fait partie du département de la Manche, dont j'ai l'honneur de présider le conseil général, est un territoire où prédomine une mentalité de sous-traitant : il dépend de l'Etat pour la construction navale, et directement ou indirectement, pour l'ensemble des activités nucléaires, qu'il s'agisse de la production énergétique, à Flamanville et au district des Pieux, ou des activités de retraitement, à l'usine Cogema de La Hague.
Cette mentalité de sous-traitant doit, à l'évidence, évoluer pour devenir entrepreneuriale, ce qui implique que l'on se tourne vers des activités de nature à soutenir le développement et du Cotentin et du département de la Manche. Cela passe, bien évidemment, par des transferts de la technologie accumulée, dans le domaine nucléaire notamment, et par la nouvelle orientation donnée au port de Cherbourg, qui sera un peu moins militaire parce que un peu plus économique, sans pour autant, je l'espère, que l'activité militaire diminue.
La mutation vers une culture entrepreneuriale ne peut cependant se faire que si l'on y met les moyens. C'est la raison pour laquelle, madame le secrétaire d'Etat, j'ai utilisé deux dispositifs - et je dis « je », car je suis à l'origine du recours à l'un au moins de ces dispositifs - prévus par des lois dont l'initiative revient au gouvernement auquel vous appartenez, à savoir la loi pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 et la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dite loi Chevènement, du 12 juillet 1999.
Le premier de ces dispositifs, ce sont les pays, et je continue à militer en faveur de l'identification à l'échelle du département de territoires pertinents pour la mutualisation des projets.
Quant au second dispositif, ce sont les syndicats mixtes ; par ce biais, j'ai organisé dans le département de la Manche, en particulier pour la zone du Cotentin, la mutualisation des recettes et de l'investissement.
Les activités exceptionnelles qu'abritent deux districts du Cotentin font de ceux-ci des « poches » de richesse. Répartissons cette richesse, redistribuons-la dans l'ensemble du Cotentin et, surtout, faisons en sorte qu'elle soit consacrée à des projets porteurs. C'est l'objet du syndicat mixte.
Nous disposons donc des moyens. Dès lors, où le bât peut-il blesser ? Peut-être certains responsables politiques craignent-ils, après avoir été « grands » sur un petit territoire, de devenir « petits » sur un territoire plus grand ? Peut-être certains veulent-ils continuer à faire d'une réflexion qui devrait être une réflexion d'ensemble la réflexion de quelques-uns, tout en tendant la main pour que ce soit l'ensemble qui paie ?
Ces mentalités comme ces modes de fonctionnement doivent disparaître. C'est la raison pour laquelle le syndicat mixte et le pays ont été mis en place. Ils permettent en effet la mutualisation, mais, dès lors, quel est l'intérêt de l'article 26 septies ?
Ma troisième et dernière observation porte sur l'article lui-même. A M. Cazeneuve, auteur de l'amendement ayant introduit celui-ci, vous avez proposé après avoir dit que, vous aussi vous auriez « aimé pouvoir faire ce travail en dehors de l'hémicycle » - une version édulcorée d'un amendement qui ne l'était point, et je me permets de vous citer, madame le secrétaire d'Etat, car c'est un morceau d'anthologie : « Je vous propose d'accepter un sous-amendement du Gouvernement qui tend, dans le deuxième alinéa du II, à substituer aux mots : "visés au 2° du I de l'article 1609 nonies C" les mots : "visés aux cinq derniers alinéas du III de l'article 11 de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980" », le tout à trois heures du matin, devant des députés qui ne savaient pas forcément quels étaient ces différents articles ! L'auteur de l'amendement a bien voulu vous faire confiance, mais, venant des bancs de la gauche, on a attendu des exclamations comme : « C'est indéchiffrable ! »
Il n'y a donc pas que nous pour considérer que ce texte est parfaitement indéchiffrable. J'ai demandé aux services du conseil général de me dire très exactement quelle était la portée des modifications que vous avez proposées, madame le secrétaire d'Etat : il leur a fallu une matinée pour retrouver l'essentiel des dispositions concernées !
Cet article indéchiffrable est en outre inapplicable puisque son II prévoit le prélèvement chaque année d'une somme égale au montant de l'écrêtement intervenu l'année précédente en faveur du fonds départemental des taxes professionnelles, cette somme pouvant varier sous certaines conditions, mais, le district de La Hague étant antérieur à 1992, il ne fait pas l'objet d'un écrêtement. Le II ne sert donc strictement à rien !
Quant au I, il prévoit que la dotation de solidarité intercommunale, qui existait dans la loi Chevènement, de facultative deviendra obligatoire, mais sur une base contractuelle. Qui fixera les critères de la contractualité ? Qui interviendra s'il y a un désaccord - contractuel - entre le district de La Hague et la communauté urbaine de Cherbourg ? Est-ce que ce sera le préfet ? L'intervention se fera-t-elle par la voie réglementaire ? Si c'est le cas, dites-le maintenant ! On a en effet besoin de savoir quelles seront les règles de cette péréquation qui, de volontaire, devient obligatoire.
Plus exactement, vous avez rendu obligatoire la désignation d'un volontaire. Ce n'est pas acceptable, et c'est la raison pour laquelle, madame le secrétaire d'Etat, parce que c'est un sujet sérieux, parce que, dans le département de la Manche, nous avons mis en oeuvre les moyens nécessaires pour que la mutualisation, la péréquation et la solidarité puissent exister, j'attends de vous une réponse, car de votre réponse dépendra mon vote.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette année, l'examen du projet de loi de finances rectificative ne se limite pas à un simple exercice de réajustement des prévisions. Le ralentissement économique et la nécessité d'y faire face lui donnent en effet un intérêt particulier. De plus, c'est la dernière loi de finances rectificative de cette législature et la dernière loi de finances en francs.
La croissance en 2001 aura été moins forte que prévue. Alors qu'elle aurait dû, selon la loi de finances initiale, s'établir à un peu plus de 3 %, elle ne sera en réalité que d'un peu plus de 2 %. Cette évolution était totalement imprévisible, et l'opposition ne l'avait pas plus envisagée que le Gouvernement. La dégradation de la conjoncture internationale a surpris tout le monde et a été extrêmement brutale. Un seul exemple : la croissance américaine est passée de 5 % en 2000 à environ 1 % en 2001.
Le projet de loi de finances rectificative se fonde sur une croissance de 2,3 % en 2001, ce qui est à notre portée aujourd'hui - la bonne performance réalisée au troisième trimestre, avec une croissance de 0,5 %, nous en donne presque la certitude.
Le Gouvernement a choisi de dire la vérité aux Français : il a réévalué ses prévisions, aussi bien en matière de croissance économique que de recettes fiscales, chaque fois qu'il était raisonnable de le faire, et ce de manière correcte. L'absence de mauvaise surprise aujourd'hui est la conséquence de cette politique de sincérité ; le maintien de la confiance des Français en l'avenir en découle.
Dans un environnement international très difficile - effondrement de la croissance aux Etats-Unis, marasme en Allemagne, crise profonde du Japon -, l'économie française a mieux résisté que les autres. En effet, cette année encore, la progression de notre produit intérieur brut sera supérieure à celle de la moyenne des pays de la zone euro.
Tel ne fut malheureusement pas le cas de 1993 à 1997, période que semblent regretter nos collègues de la majorité sénatoriale. On se demande d'ailleurs bien pourquoi ! (M. Roger Karoutchi sourit.)
Ces résultats, nous les devons à la politique de croissance mise en place depuis 1997. Sans cette volonté, notre pays n'aurait pas fait mieux que les autres, car la conjoncture internationale n'est pas adaptable à chaque pays !
Le dynamisme de la consommation des ménages, en hausse de 1,2 % au troisième trimestre, est un des principaux éléments de la bonne santé de notre économie. Il provient surtout des créations d'emplois, au nombre de 1,7 million depuis le début de la législature, augmentation que les emplois-jeunes et les 35 heures ont largement favorisée.
Les allégements d'impôts ont aussi soutenu la consommation et contribué à la forte progression du pouvoir d'achat induite par la croissance elle-même.
On voit bien que, depuis 1997, la politique économique de notre pays a été menée avec succès : au cercle vicieux de la récession a été substitué le cercle vertueux de la croissance.
En sera-t-il de même en 2002 ? En grande partie, la réponse est entre les mains des Français, et ils l'exprimeront d'ailleurs avec un bulletin de vote !
Ce collectif budgétaire pour 2001 est un antidote puissant au ralentissement économique. L'essentiel est de construire une société non seulement plus prospère mais aussi plus juste et plus solidaire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Des lendemains qui chantent !
M. Jean-Pierre Demerliat. On verra, monsieur le rapporteur général ! Tout dépendra, bien sûr, de ceux qui seront aux affaires demain : certains se « débrouillent » mieux que d'autres, le passé récent l'a montré.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est l'avenir qui compte ; ce n'est pas le passé.
M. Jean-Pierre Demerliat. Un passé plus ancien avait montré que certains étaient moins habiles !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le passé est mort !
M. Jean-Pierre Demerliat. Le plan de consolidation de la croissance présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie trouve sa traduction budgétaire dans ce projet de loi de finances rectificative.
Lors de sa présentation, les mesures qu'il contient ont été saluées comme étant particulièrement pertinentes par la plupart des observateurs.
Au premier rang de ces mesures figure le doublement de la prime pour l'emploi versée en septembre. Ainsi, plus de 8 millions de foyers fiscaux la percevront à nouveau au début de 2002. Son montant moyen est proche de 1 000 francs. Le pouvoir d'achat des travailleurs les moins bien rémunérés sera ainsi renforcé, ce qui sera bien évidemment bénéfique pour la croissance. La prime pour l'emploi, instrument de justice sociale, est donc également un moteur d'efficacité économique.
Ces mesures s'adressent ensuite aux entreprises afin de leur permettre de franchir dans de meilleures conditions le cap difficile du ralentissement actuel. Elles seront autorisées à majorer de 30 % leurs amortissements sur les investissements réalisés entre le 17 octobre 2001 et le 31 mars 2002.
Les secteurs particulièrement affectés par le ralentissement, comme les télécommunications, ou directement frappés par les événements du 11 septembre et le drame de Toulouse, comme les compagnies aériennes, les assurances et les entreprises de tourisme, bénéficient de dispositions spécifiques.
En outre, le décalage dans le remboursement de la TVA est supprimé. La trésorerie des entreprises sera ainsi améliorée de 8 milliards de francs en 2002. Enfin, la banque de développement des PME sera dotée de 800 millions de francs.
En matière de crédits, il est procédé à des redéploiements vers les secteurs prioritaires : l'hôpital, pour accompagner le passage aux 35 heures et la restructuration de l'offre de soins, l'emploi, avec 30 000 contrats emploi-solidarité et 20 000 stages d'insertion et de formation pour affronter la fin de la baisse du chômage, et la sécurité, avec des crédits supplémentaires pour la police et la gendarmerie.
Les évolutions du statut de la Direction des constructions navales et du réseau de distribution de Gaz de France traduisent des choix avisés de politique industrielle dans une France ouverte à la concurrence internationale.
Toutefois, pour apaiser certaines inquiétudes, le Gouvernement doit écouter les Français et les convaincre que jamais ces secteurs sensibles de notre activité nationale ne seront livrés à une dérégulation débridée. Il faudra notamment mettre en place des cahiers des charges précis à chaque étape de la transformation.
Une fois de plus, je constate que nous avons su financer nos priorités tout en conservant une dépense publique modérée. Compte tenu de la réévaluation de l'inflation, l'objectif de progression de 0,3 % en volume est strictement respecté. En conséquence, nos engagements européens, qui figurent en partie dans le programme pluriannuel de finances publiques, à savoir la progression de 1 % des dépenses de l'Etat sur trois ans, seront respectés.
Il faut se souvenir, mes chers collègues, que, de 1993 à 1996, les dépenses ont progressé de 1,8 % en moyenne par an, contre 1,8 % pour l'ensemble de la législature actuelle. Le poids de la dépense publique a donc baissé de 0,2 point entre 1993 et 1997 et de 2,5 points depuis 1997.
Il est donc un peu étrange que ceux qui, hier, n'ont pas su maîtriser la progression des dépenses prétendent aujourd'hui nous donner des leçons ! Là encore, les Français jugeront dans un avenir proche.
Le Gouvernement, confronté au fléchissement de la croissance, a gardé son sang-froid. Ainsi, il a laissé jouer les stabilisateurs automatiques en matière de recettes et n'a pas compensé par un relèvement des taux la réduction mécanique du produit des impôts liée à tout ralentissement économique. L'erreur commise en 1995 par M. Juppé, lequel, par un matraquage fiscal, avait étouffé dans l'oeuf la reprise, a bien évidemment et tout naturellement été évitée en 2001 !
Le ralentissement de l'activité économique et la volonté du Gouvernement d'atténuer celui-ci a pour conséquence une légère détérioration du solde du budget. S'établissant à 212,48 milliards de francs, le déficit sera en effet supérieur de 25,9 milliards de francs à l'objectif visé dans la loi de finances initiale. Ce résultat, chacun en conviendra, est tout de même sans commune mesure avec le dérapage incontrôlé de 47,8 milliards de francs constaté en 1995 ! En outre, c'est la seule fois, depuis 1997, que le solde exécuté sera supérieur à ce qui était prévu. Enfin, la réduction du déficit depuis 1996 représente tout de même 100 milliards de francs !
Très tôt, cette évolution défavorable du solde a été prévue et annoncée. Ainsi, dès le mois de juillet, les recettes fiscales étaient réévaluées à la baisse à hauteur de 25 milliards de francs : les principales moins-values concernent l'impôt sur les sociétés, la TVA et la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP.
Cette pause dans la réduction du déficit budgétaire pour les années 2001 et 2002 ne remet nullement en cause l'objectif d'atteindre l'équilibre à moyen terme. Avancer à marche forcée vers l'équilibre serait néfaste aujourd'hui à l'activité économique et demain à la résorption du déficit.
L'on entend parfois dire, à droite, que nous aurions gaspillé les fruits de la croissance. Cette affirmation me semble un peu décalée par rapport à la réalité. En tout cas, je ne pense pas que le million de chômeurs qui ont trouvé ou retrouvé un emploi soient de cet avis, ni les plus démunis qui, grâce à la couverture maladie universelle, ont enfin accès à des soins convenables, ni les jeunes qui, grâce aux emplois-jeunes, ont eu accès à un premier emploi et à une première expérience professionnelle, ni tous ceux qui, grâce à la prime pour l'emploi, ont vu leur pouvoir d'achat augmenter, ni les personnes âgées qui, grâce à l'allocation personnalisée d'autonomie, auront une fin de vie plus digne, plus convenable. Je m'en tiendrai là, mais cette liste n'est pas exhaustive.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Avec tout ça, vous devriez obtenir plus de 80 % des voix aux élections !
M. Jean-Pierre Demerliat. Nous ne légiférons pas, monsieur le rapporteur général, uniquement pour ceux qui votent habituellement en notre faveur. Nous travaillons pour l'ensemble des Français, plus particulièrement pour les plus défavorisés d'entre eux.
Lorsque nous nous retournons sur le chemin parcouru depuis cinq ans, nous sommes légitimement fiers de l'action conduite par le gouvernement de Lionel Jospin et par la majorité plurielle. Nous sommes fiers de notre bilan.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative s'inscrit pleinement dans la politique menée depuis 1997 ; il permettra de continuer l'oeuvre entreprise dans le sens d'une plus grande justice sociale et de réaliser une meilleure performance, en termes de croissance, que nos partenaires.
Vous pourrez donc compter, madame la secrétaire d'Etat, sur le soutien total du groupe socialiste du Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative pour 2001 est marqué, bien évidemment, par les contraintes nées du ralentissement de l'activité économique, en ce sens que ce ralentissement entraîne naturellement une moins-value fiscale non négligeable. Celle-ci porte singulièrement sur les droits indirects, TVA et TIPP, et explique, pour une bonne part, l'accroissement du déficit budgétaire.
Cela étant, nous devons nous interroger sur les raisons de cette situation.
Nous avons eu l'occasion de souligner, encore récemment lors de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2002, que la politique budgétaire conduite avait, d'une certaine manière, montré ses limites.
Nous ne nierons pas le fait que le Gouvernement ait tenté, par certains choix opérés ces dernières années, de donner une impulsion à l'activité économique.
Cela a été notamment le cas s'agissant des baisses ciblées du taux de la taxe sur la valeur ajoutée ou encore de la minoration du taux normal dans l'optique du collectif du printemps 2000. Mais, dans le même temps, que de limites mises à l'affirmation de choix budgétaires originaux dans la perspective étroite du pacte de stabilité, celui-ci étant devenu la condition sine qua non de l'instauration de la monnaie unique ! Que de choix bridés, que de réformes abandonnées à mi-chemin, que de besoins collectifs encore insatisfaits ! L'actualité récente le démontre à l'envi.
Ainsi, les mouvements des agents hospitaliers, des fonctionnaires de police ou celui, inédit, de la gendarmerie sont autant d'illustrations de ces attentes, de ces insatisfactions. Il faut entendre ces revendications et donner moins d'importance à la rigueur budgétaire, pour répondre aux préoccupations sociales. Nous sommes convaincus que satisfaire les aspirations qui sont exprimées aujourd'hui au travers des mouvements sociaux constitue encore la meilleure garantie de poursuite de l'action entreprise depuis cinq ans.
A cet égard, ce projet de loi de finances rectificative permet-il de relever les défis auxquels est confronté le gouvernement de la gauche plurielle ? Un examen attentif permet de constater que nous sommes en présence d'un collectif de fin d'année assez classique, soldant les comptes de l'exercice dans des conditions peu satisfaisantes, eu égard au recours à quelques-uns des outils de première urgence utilisés dans de tels cas.
C'est ainsi qu'il est procédé à des prélèvements exceptionnels et que plusieurs milliards de francs de recettes sont directement liés soit à ces prélèvements, soit à des opérations capitalistiques pour le moins déroutantes, comme nous le verrons lors de l'examen de l'article 38 relatif au transport de gaz. Cette méthode de règlement de certaines difficultés comptables ne nous paraît pas parfaite, loin de là, et nous aurons l'occasion de le rappeler au cours de la discussion des articles.
Une autre mesure retient évidemment l'attention : je veux parler du doublement du montant de la prime pour l'emploi.
Nous comprenons fort bien, madame la secrétaire d'Etat, que cette mesure, d'un coût non négligeable - environ 8 milliards de francs - vise à tenter d'inverser la tendance et à donner aux Français les plus modestes les moyens de consommer et de participer, d'une certaine manière, à la prévention de l'accroissement du déficit. Il est hors de question d'y revenir ici, mais, pour l'avenir, il faudra déterminer si elle constitue le meilleur outil dont dispose le Gouvernement pour peser durablement sur la croissance et favoriser le développement économique.
En effet, nous persistons à penser que d'autres outils existent, notamment le relèvement du salaire minimum interprofessionnel de croissance ou des minima sociaux, voire l'allégement des cotisations sociales acquittées par les salariés, qui permettrait de dégager de nouvelles marges de pouvoir d'achat et donc de partager plus équitablement la richesse nationale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et la taxe Tobin ?
M. Thierry Foucaud. Ces mesures n'imposent pas a priori de prévoir des dispositions très complexes et peuvent fort bien être prises rapidement, surtout dans le contexte de la mise en place de la monnaie unique, qui laisse subsister quelques craintes en matière de relance de l'inflation.
C'est notamment dans cette optique qu'un effort particulier, en période de Noël, doit être accompli en faveur des chômeurs. Nous soutenons d'ailleurs pleinement la revendication des associations de sans-emploi visant à l'attribution d'une prime spéciale.
La position de la majorité sénatoriale, qui propose la suppression pure et simple de l'article 1er, illustre, à notre sens, une simple opposition de caractère politicien,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien sûr ! (Sourires.)
M. Thierry Foucaud. ... puisque l'on sait que la droite a un certain goût pour l'impôt négatif.
D'ailleurs, mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, expliquez-nous ce qui vous a conduits, l'an dernier, à saisir le Conseil constitutionnel à propos de la baisse de la contribution sociale généralisée, ou CSG, et à vous féliciter de la mise en place de la prime pour l'emploi, dont vous refusez aujourd'hui sans équivoque possible une application plus large ? Mais peut-être ne faut-il y voir que le résultat de positions circonstancielles liées à de prochaines échéances électorales ?
De fait, à l'occasion de l'examen de la première partie du projet de loi de finances rectificative, peu d'éléments semblent devoir être analysés sans un certain esprit critique, mais cela est normal dans le cadre du débat et de la confrontation des idées.
S'agissant de la seconde partie du texte, permettez-moi, mes chers collègues, de souligner rapidement que la question de l'intercommunalité est, de nouveau, au coeur de quelques dispositions, ce qui démontre de façon éloquente que l'application de la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale continue encore aujourd'hui de poser problème. Cela nous amène naturellement à demander une nouvelle fois la mise en chantier d'une véritable réforme des finances locales. L'examen d'un collectif budgétaire est évidemment une circonstance inappropriée, mais nous estimons pour notre part qu'il est grand temps d'engager un véritable débat sur cette question. Notre groupe prendra donc, dans les semaines à venir, une initiative en ce sens, en déposant une proposition de loi réunissant nos idées et nos suggestions.
S'agissant ensuite des articles relatifs au secteur public, qui composent pour partie le présent collectif budgétaire, le moins que l'on puisse dire est que, d'une certaine manière, ils font presque de ce texte un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier et modifiant assez nettement la nature des relations à l'Etat unissant de grands établissements publics.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Thierry Foucaud. On pourra toujours nous rétorquer qu'il s'agit de tirer les conséquences budgétaires des mesures prises, mais nous pensons que la méthode, quelque peu cavalière, s'apparente à la transposition accélérée de dispositions contenues dans un projet de loi portant DDOEF dont l'inscription à l'ordre du jour du Parlement n'a pas été encore effectuée. Et pour cause, serait-on tenté de dire !
Peu nombreux sont, en particulier, les salariés de la Direction des constructions navales, ou de Gaz de France qui comprennent le bien-fondé des articles en question. Nous sommes d'ailleurs quelques-uns, dans cette assemblée, à avoir eu connaissance de la grande inquiétude et de l'opposition des organisations syndicales représentatives des personnels de ces deux grandes entreprises publiques.
La même remarque vaut, au demeurant, pour les établissements publics à caractère industriel et commercial, pour lesquels l'obligation future de versement d'un dividende aboutira rapidement, à notre sens, à la confiscation des marges d'autofinancement.
Les choix ainsi opérés sont donc discutables et nous semblent, de surcroît, tout à fait dangereux pour l'avenir. En effet, ce ne sont pas des choix autorisant le développement économique et le renforcement des entreprises et des établissements concernés, ce sont des choix à courte vue, pouvant conduire, à l'avenir, au démantèlement des activités et de la portée de ce que nous appelons le service public à la française.
Pour autant, quelle attitude adopter aujourd'hui ? Eu égard aux propositions de la majorité sénatoriale, nous serons évidemment amenés à voter contre le texte qui résultera de nos travaux, l'inclination libérale de M. le rapporteur général devant encore trouver matière à s'appliquer... Cela ne clôt évidemment pas le débat et ne met pas un terme à la nécessaire confrontation des idées. Nous demeurons en effet particulièrement attachés à la prise de toute mesure susceptible de relancer la croissance économique, et ce collectif budgétaire peut encore nous permettre d'atteindre cet objectif.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. J'ai écouté avec beaucoup d'attention tous les intervenants, en particulier M. le rapporteur général. Je dois vous avouer, monsieur Marini, que je me suis demandé à quoi vous pensiez quand vous vous êtes levé pour prendre la parole : sur quoi alliez-vous bien pouvoir trouver à redire ? (Sourires). Vous comptiez sans doute mettre les rieurs de votre côté en prêtant au Gouvernement un mépris du Sénat qu'aucune minute d'aucune heure de nos débats n'indique ni ne prouve et en donnant en exemple de méfaits des textes que votre commission approuve, trouvant même à l'euro des défauts qui la troublent.
Messieurs Marini et Karoutchi, vous avez, une fois de plus, tenté de montrer que la politique budgétaire du Gouvernement était incohérente. J'avoue que la répétition inlassable de vos arguments ainsi que votre pessimisme ont un je-ne-sais-quoi de décourageant.
Au fond, vos critiques se résument de manière assez simple : mais qu'ont-ils fait des fruits de la croissance ? (M. le rapporteur général acquiesce). Sur ce point, je voudrais tout d'abord redire - ce n'est ni la première ni la dernière fois - que ces fruits de la croissance, nous avons un peu contribué à les semer, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez peut-être arrosé !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Cette question qui vous taraude tant, un certain nombre de Français - je ne dis pas que c'est la majorité - ne se la posent pas.
Ceux qui s'intéressent au budget savent que nous avons réduit le déficit budgétaire de 80 milliards de francs sur la période.
Ceux - et ils sont nombreux - qui s'intéressent aux impôts savent que nous les avons réduits et que nous en avons même supprimé certains, un nombre important d'entre eux concernant tous les Français. Dans cette assemblée, on s'intéresse beaucoup à des impôts qui touchent, parfois lourdement, un petit nombre de personnes. Mais nous, lorsque nous supprimons des impôts, nous les supprimons pour tout le monde. Je pense, par exemple, aux frais d'inscription pour un certain nombre de diplômes et aux frais de timbre sur les cartes nationales d'identité. Ce sont des impôts que chaque Français connaît.
Ceux qui ont bénéficié de la prime pour l'emploi, les 8 500 000 personnes qui ont touché cette prime au mois de septembre, ne se posent pas non plus la question de l'utilisation des fruits de la croissance.
Il en est de même des personnes qui ont retrouvé un emploi entre 1997 et 2001, grâce aux 1 600 000 emplois créés par l'économie française, et de leurs familles qui étaient plongées dans l'angoisse de l'avenir.
On pourrait en dire autant des 5 000 000 de personnes qui bénéficient désormais de la couverture maladie universelle et qui, jusqu'à présent, hésitaient encore à engager des frais importants pour se soigner.
Il en ira de même, je le crois, des 800 000 personnes qui, dans deux semaines, bénéficieront de l'allocation personnalisée d'autonomie. Ces personnes et leur famille sont rassérénées quant à la façon dont la question difficile et angoissante de la dépendance sera prise en charge.
M. Jean-François Le Grand. Par les départements !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Tout cela, nous l'avons fait en réduisant le déficit et en diminuant les impôts. Comment, me direz-vous, monsieur le rapporteur général ? Eh bien, en maîtrisant la dépense de l'Etat. Vous le savez, je l'ai dit souvent, nous avons tenu nos objectifs d'évolution des dépenses depuis 1997. Si certains veulent faire des comparaisons, je n'hésiterais pas à répéter celle que j'ai souvent citée devant vous : la dépense de l'Etat en volume aura progressé de 1,8 % sur la période 1997-2002, contre 1,8 % par an entre 1993 et 1997. C'est une certaine différence !
Monsieur le rapporteur général, vous détournez la critique en tonnant contre les mesures du Gouvernement en matière de sécurité, M. Karoutchi ayant pris votre relais.
Sur ce sujet, dites les choses ! Etes-vous pour ou êtes-vous contre ? On ne sait pas bien. Et cessez de ratiociner contre des mesures de financement par redéploiement, car, au fond, c'est cela votre angle de critique unique !
Que n'aurions-nous entendu si ces mesures n'avaient pas été gagées ! Nous aurions entendu : « laxisme ! Dérapage insupportable ! » Eh bien non ! c'est une critique que vous ne pouvez pas nous adresser car nous redéployons.
Que n'aurions-nous entendu si les mesures décidées en faveur des gendarmes à l'issue de la concertation menée par le ministère de la défense voilà dix jours, au cours d'un week-end mémorable, avaient été gagées sur le titre V du budget du ministère de la défense ! Elles ne le sont pas. De ce point de vue, votre critique est donc un peu faible.
Il est vrai que le redéploiement n'est pas le fort du Sénat. Monsieur le rapporteur général, vous nous aviez appâté sur votre capacité à faire des économies dans le projet de loi de finances pour 2002. En cette matière, ce n'est pas la grande illusion, c'est la grande déception ! En effet, vous avez différé en 2003 l'essentiel du coût des mesures fiscales que vous avez votées ici même et vous vous êtes tout simplement contenté de ne pas adopter les mesures nouvelles de l'ensemble des budgets, à une exception, près qui, je dois le dire, pose question : le budget de la jeunesse et des sports.
Vous vous demandiez, monsieur le rapporteur général, s'il y a un pilote à Bercy. Pour ma part, je me demande s'il y a un pilote à la commission des finances du Sénat et, d'une certaine manière, dans l'opposition, dont vous êtes l'un des hérauts, monsieur Marini.
Il est vrai que, ce matin, vous avez décidé de porter le débat sur un autre terrain que sur le terrain proprement budgétaire. En vous interrogeant, comme c'était votre rôle, sur l'élaboration et la fiabilité de ce collectif, vous m'avez semblé prendre le Sénat à témoin de la légitimité politique de celle qui le défend devant vous. Permettez-moi de vous dire que c'est une erreur de tir, monsieur Marini, car, comme vous le savez, c'est l'ensemble du Gouvernement qui, par ma voix, vous présente ce collectif et en débat devant vous.
L'intervention de M. Demerliat nous a ramenés à des réalités un peu plus objectives, et je l'en remercie chaleureusement. (M. Estier applaudit.) Elle vous a peut-être moins plu, monsieur le rapporteur général, mais il est parfois décevant d'entendre la petite musique de la vérité.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Personne n'en est propriétaire !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Monsieur Le Grand, vous avez consacré votre intervention à l'article 26 septies du projet de loi, en évoquant, comme l'avait fait votre collègue député M. Cazeneuve, les richesses, les atouts mais aussi les difficultés du département de la Manche. Peut-être vos points de vue pourront-ils se compléter ? Je vous propose, si vous le voulez bien, d'en débattre lors de la discussion de cet article.
M. Foucaud a bien voulu rappeler que, dans la panoplie des mesures qui sont proposées par ce collectif, il en est une qui pourra peut-être obtenir sa faveur : le doublement de la prime pour l'emploi dès l'année 2001. Cette mesure doit beaucoup aux parlementaires communistes. C'est une mesure de justice ; c'est une mesure pour l'emploi.
J'ai bien entendu votre propos, monsieur Foucaud. La prime pour l'emploi n'est pas tout. Elle s'inscrit dans un ensemble de dispositifs incitatifs à la reprise d'activité. Parmi ces dispositifs incitatifs figurent la réforme de l'allocation logement et d'autres mesures telles que l'intéressement pour les RMIstes qui reprennent une activité.
La prime pour l'emploi s'inscrit dans une politique économique qui est tout entière tournée vers l'emploi. Je prendrai deux exemples des résultats de cette politique. D'abord, je voudrais citer un chiffre record : le pouvoir d'achat des ménages devrait, en 2001, augmenter de plus de 3,5 %, chiffre le plus élevé que nous ayons connu en France depuis vingt ans. Le second exemple concerne le partage de la valeur ajoutée. Depuis 1999, celui-ci est favorable aux salariés, puisque la masse salariale progresse plus vite que la valeur ajoutée. Ces deux points méritent d'être soulignés, et, au-delà des dispositions de ce collectif, ils illustrent l'efficacité de la politique économique menée depuis quatre ans.
En conclusion, je retiendrai de la diatribe du rapporteur général un seul point qui, je dois le dire, me surprend tout autant qu'il me déçoit : je comprends de ses propos qu'il considère que les dispositions du projet de loi de finances pour 2002 comme du projet de loi de finances rectificative pour 2001 n'ont pas été examinées avec suffisamment d'attention. C'est, me semble-t-il, faire injure non seulement au travail que nous accomplissons ensemble, mais également à vos propres travaux, monsieur le rapporteur général, et cela m'étonne. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Foucaud applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

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