SEANCE DU 20 DECEMBRE 2001


SOCIÉTÉS D'ÉCONOMIE MIXTE LOCALES

Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 127, 2001-2002) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a abouti à un accord sur les dispositions restant en discussion de cette proposition de loi, ce qui n'est pas surprenant compte tenu de la genèse même du texte. Je rappelle que celui-ci était issu de deux propositions de loi rédigées en termes identiques, déposées devant les deux assemblées le même jour et signées par l'ensemble des groupes politiques de chacune des deux assemblées, fait exceptionnel dans l'histoire du Parlement.
Ce texte vise à assouplir le mode de fonctionnement des sociétés d'économie mixte locales, à protéger de manière plus ouverte que ne pouvaient le faire de simples sous-entendus le statut des élus locaux, administrateurs de sociétés d'économie mixte, et à permettre une coopération transfrontalière. Bref, il a pour objet d'assouplir un système qui, par la loi de 1983, avait donné satisfaction, mais qui commençait, ici ou là, à présenter quelques signes d'insuffisance ou d'usure.
Le dialogue entre les deux assemblées a été fructueux, chacun apportant sa pierre. A la suite des deux dernières lectures, des points de divergence, peu nombreux, subsistaient entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
Le premier point de divergence résidait dans la participation des collectivités territoriales au capital d'une société d'économie mixte. Les thèses étaient assez différentes entre les deux assemblées et très différentes entre les deux rapporteurs, celui de l'Assemblée nationale souhaitant aller jusqu'à la société d'économie mixte purement publique, c'est-à-dire avec 100 % de participation publique, avec une possibilité d'entrée du capital privé à hauteur de 66 %, la collectivité territoriale détenant une minorité de blocage. Le Sénat ne voulait pas se rallier à cette thèse.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale avait porté la participation des collectivités territoriales jusqu'à un maximum de 90 %, le Sénat en étant resté à 80 %, taux fixé dans la loi de 1983, le minimum de 50 % de fonds publics étant accepté par les deux assemblées.
Nous avons trouvé un compromis en nous inspirant du droit applicable en Polynésie française, où une dérogation permet aux collectivités territoriales de détenir jusqu'à 85 % du capital d'une SEM. Dans la foulée, nous supprimerons l'exception polynésienne.
L'autre point de divergence, qui a été évacué, le Sénat s'étant rendu aux arguments de l'Assemblée nationale, concernait une proposition du Sénat tendant à permettre aux sociétés d'économie mixte de logement social de passer des marchés dans les mêmes conditions que les sociétés d'HLM, ce qui aurait eu pour effet d'imposer une mise en concurrence pour les marchés de travaux d'un montant supérieur à 32 millions de francs. Nous avons considéré, les uns et les autres, qu'en définitive ce dispositif était trop imprudent, car les administrateurs des sociétés d'économie mixte sont majoritairement des élus locaux. Le Sénat a donc abandonné sa thèse à cet égard. Restait un point de divergence un peu plus délicat : les avances de trésorerie. Je rappellerai brièvement de quoi il s'agit.
Le texte que nous avons voté ensemble permet les avances en compte courant d'associé, tout en les encadrant étroitement. Cette facilité donnée aux sociétés d'économie mixte ne figurait pas dans la loi de 1983.
Les textes de l'Assemblée nationale et du Sénat étaient différents en ce qui concerne les possibilités de financer des opérations d'aménagement par l'octroi d'avance de fonds. L'Assemblée nationale considérait que les avances en compte courant d'associé étaient suffisantes pour résoudre le problème d'une insuffisance de trésorerie en cours d'opération. Pour sa part, le Sénat avait attiré l'attention sur deux points. Tout d'abord, une SEM se voir confier une opération d'aménagement par une collectivité territoriale qui n'en est pas actionnaire. Dès lors, en cas d'insuffisance de trésorerie, il faut bien trouver des fonds à un moment quelconque. Ensuite, l'Assemblée nationale avait estimé que la difficulté était résolue au moyen des participations. Le Sénat avait fait remarquer que celles-ci ne se dénouaient qu'au terme des opérations et, par conséquent, quelquefois plusieurs années après. Dès lors, les avances de trésorerie se trouvaient gelées pour des durées trop importantes, puisqu'elles n'étaient envisageables qu'en cas d'insuffisance temporaire de trésorerie au cours d'une opération lancée.
L'Assemblée nationale a bien voulu se rendre aux arguments du Sénat, sous réserve d'une information de la collectivité locale plus complète que prévue dans le texte original, y compris par l'inscription d'une annexe dans le compte rendu annuel à la collectivité.
Tels sont, mes chers collègues, les points principaux de l'équilibre qui a été trouvé en commission mixte paritaire. Je me permets, au nom de celle-ci, de vous recommander l'adoption de ce texte final dans les mêmes conditions que précédemment, c'est-à-dire à l'unanimité. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi adoptée par votre assemblée le 17 octobre dernier a fait l'objet d'une dernière lecture et d'un vote favorable à l'Assemblée nationale le 12 décembre, après qu'un accord eut été trouvé par la commission mixte paritaire réunie le 11 décembre. C'est ce projet de texte qui vous est aujourd'hui soumis.
Le Gouvernement ne peut qu'être satisfait de cet accord qui va permettre l'adoption définitive d'une proposition de loi particulièrement attendue par les collectivités locales, qui bénéficieront ainsi d'un outil rénové au service de leurs interventions économiques.
Je connais l'attachement du Parlement à moderniser le mode d'intervention des sociétés d'économie mixte locales, tout en veillant à la sécurité juridique dans laquelle leur action doit se développer.
Dans sa rédaction actuelle, le texte apporte une clarification salutaire des relations entre les collectivités locales et leurs SEM et leur offre de nouvelles possibilités. Ainsi pourront-elles bénéficier de l'ouverture du droit au fonds de compensation pour la TVA, dès lors que l'équipement financé par la SEM est destiné à être incorporé au patrimoine d'une collectivité locale.
De même, les SEM locales en cours de constitution ou nouvellement créées auront la possibilité de soumissionner dans le cadre d'une procédure de délégation de services publics ou de se voir accorder un nombre d'avances équivalent au nombre de collectivités locales et groupements d'actionnaires, sous réserve que cette faculté n'ait pas pour finalité le remboursement d'une autre avance.
Le Gouvernement émet cependant quelques réserves sur l'autorisation donnée aux collectivités locales d'allouer des avances aux SEM locales dans le cadre des conventions publiques d'aménagement - il s'agit de l'article 6 - ainsi que la commission mixte paritaire en a réintroduit la possibilité.
En effet, ce dispositif, même encadré, lui paraît porteur de difficultés. Les avances en compte courant d'associé, qui seront désormais autorisées par la présente proposition de loi, et le mécanisme des subventions susceptibles d'être accordées introduisaient, en effet, la souplesse nécessaire et suffisante à la mise en oeuvre des opérations conduites par ce type particulier de SEM locales, étant rappelé que ce sont elles qui sont le plus directement sensibles aux aléas de la conjoncture. La faculté ainsi ouverte par le nouvel article 6 pourrait entraîner certaines SEM et, par voie de conséquence, les collectivités locales qui en sont actionnaires, à devoir faire face, sur le moyen terme, à de véritables dérives financières.
Une grande vigilance devra dès lors être exercée par les collectivités qui entendront recourir à ce dispositif, si elles ne veulent pas être confrontées à des situations financières difficilement contrôlables. Bien entendu, les préfets s'attacheront à conseiller les collectivités locales et à veiller attentivement à la bonne application de ces dispositions lorsqu'elles seront votées.
Pour autant, le Gouvernement prend acte de la volonté du législateur, telle qu'elle s'est exprimée à la suite de la réunion de la commission mixte paritaire, tout comme il le fait au regard de la fixation du seuil de participation des actionnaires, autres que les collectivités locales et leurs groupements, à 15 % du capital social des sociétés d'économie mixte locales, contre 20 % actuellement.
En conclusion et sous réserve des quelques remarques que je viens de formuler, le Gouvernement considère que le texte qui est aujourd'hui soumis à votre approbation définitive constitue une avancée très significative et il s'en félicite. Cette proposition de loi modernise le régime antérieur et répond ainsi parfaitement aux contraintes de gestion que rencontrent les collectivités locales en accroissant l'efficacité du recours à l'économie mixte au service de l'intérêt général.
Je veux donc saluer chaleureusement et remercier votre rapporteur, M. Paul Girod, ainsi que les administrateurs du Sénat, de la qualité et la richesse du travail effectué en collaboration avec les services du ministère de l'intérieur.
Enfin, je me réjouis du fait que ce texte soit issu d'une double proposition de loi, déposée dans les mêmes termes devant les deux Assemblées, et qu'après deux lectures et la réunion d'une commission mixte paritaire consensuelle, vous ayez à examiner en dernière lecture une proposition de loi aboutie. (Applaudissements.) M. le président. La parole est à M. Picheral.
M. Jean-François Picheral. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, serpent de « maire » du droit des collectivités locales, la réforme du statut juridique des sociétés d'économie mixte se présentait depuis longtemps comme une nécessité. Elle est aujourd'hui en passe d'aboutir.
Nous sommes en effet invités à discuter, en ultime lecture, la proposition de loi adoptée par la commission mixte paritaire le 11 décembre dernier, et qui avait été déposée, voilà un an, au Sénat, par l'ensemble des groupes politiques composant notre Haute Assemblée. Cela méritait d'être souligné !
Cette proposition de loi est donc apparue, dès sa rédaction initiale, comme le fruit d'un consensus très fort sur la nécessité de rénover en profondeur les modalités de fonctionnement des sociétés d'économie mixte.
Pour appuyer ce constat, il n'est pas besoin de rappeler que l'outil que constituent les sociétés d'économie mixte a connu une croissance importante depuis les lois de décentralisation de 1982 et depuis celle qui consacrait légalement leur statut, la loi du 7 juillet 1983.
Cependant, même si personne ne conteste plus les avantages de l'économie mixte, et plus particulièrement à l'échelon local, ces structures avaient peut-être, ces derniers temps, été victimes de leurs succès. Certaines contradictions issues de leur nature duale étaient devenues presque sclérosantes du fait, nous l'avons vu, de la multiplication des missions. Or, l'économie mixte, nous le savons tous, n'est pas une idée nouvelle. Pour autant, elle doit rester une idée en devenir.
Les explications du ralentissement de leur développement sont nombreuses et légitiment l'intérêt que nous devions porter à cette réforme. Un bref examen de cette évolution démontre avec vigueur la nécessité d'adapter l'outil ; c'est ce à quoi tend ce texte.
A ce stade du débat parlementaire, je ne reviendrai bien évidemment pas sur le détail du dispositif, si ce n'est pour me féliciter, à mon tour, de l'accord trouvé en CMP.
Au préalable, il convient de saluer le travail considérable de la commission des lois du Sénat, et particulièrement de son rapporteur, M. Paul Girod, dans sa recherche de dispositions claires et équilibrées.
Les différentes navettes parlementaires ont permis de compléter et d'améliorer le texte initial.
Elles ont permis de protéger davantage les collectivités locales dans leurs relations financières avec les sociétés d'économie mixte locales, de préciser le statut des élus nommés mandataires au sein des SEM, d'améliorer les procédures d'information des collectivités locales, d'ouvrir les possibilités de participation au capital des SEM de collectivités étrangères, ou bien encore de préciser le régime de retour des biens à la collectivité en cas de liquidation judiciaire. Il s'agit là d'autant d'avancées nécessaires qui sont, enfin, sur le point d'être consacrées dans la loi.
Le consensus dont je faisais état tout à l'heure n'est en rien un accord de façade, mais marque ostensiblement la volonté de chacun, politiques comme acteurs économiques, d'adapter ces instruments que constituent les sociétés d'économie mixte et d'en faire les acteurs principaux à l'échelle des nouveaux territoires de l'intercommunalité.
Au lendemain du trente-cinquième congrès des sociétés d'économie mixte, qui s'est tenu, le 8 octobre dernier, à Grenoble, les professionnels appelaient déjà de leurs voeux la rénovation entreprise qui devait ainsi marquer la naissance d'un nouveau pacte de confiance et de développement entre les sociétés d'économie mixte et leurs partenaires. C'est aujourd'hui chose faite ou, du moins, en passe de l'être ! (Applaudissements.) M. le président. La parole est à M. Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette réforme a fait l'objet d'un consensus entre les deux assemblées dont nous pouvons tous nous féliciter. Ce nouveau statut tend à moderniser les SEM ; entreprises au service des collectivités locales, elles jouent un rôle absolument irremplaçable dans le processus de décentralisation, et leur bilan, après quelques tâtonnements et, maintenant, plusieurs années d'exercice, est tout à fait positif.
Je tiens, pour ma part, à souligner que le texte est fondé sur les principes de liberté, de responsabilité et d'efficacité. Tout cela est positif, et j'adhère totalement aux propos de M. le rapporteur ainsi qu'à ceux du collègue qui m'a précédé à cette tribune.
Chacun l'a bien compris, l'objectif est de renforcer la contribution des SEM au développement économique, tout en clarifiant - c'est l'élément important - les relations qu'elles entretiennent avec les collectivités locales et aussi, il faut bien le dire, en protégeant les élus mandataires ou du moins responsables de ces différentes SEM.
Cette adhésion unanime à l'idée que l'économie mixte est un outil pour les collectivités territoriales est une réponse aussi à une attente forte.
Le développement, très heureux, des SEM et ce concours - ce mélange, pourrait-on dire - entre le public et le privé, toujours sous le contrôle, bien entendu, de la puissance publique, devrait trouver, dans ce texte, les moyens de répondre à l'attente desdites collectivités.
Mais permettez-moi, pour conclure, de vous interroger, madame la ministre : ce texte s'applique-t-il aux sociétés d'aménagement régional, les SAR, comme la Compagnie Bas-Rhône - Languedoc ou encore la Compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne ? Je pense que la réponse est positive, étant entendu que, à mes yeux, ces SAR sont des SEM qui doivent répondre exactement aux mêmes principes que les SEM locales que nous avons évoquées.
M. Robert Bret. Oui, le texte s'applique aux SAR !
M. Paul Girod, rapporteur. Tout à fait !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, pour répondre à la question que vous venez de me poser, ce texte s'applique en effet aux SAR.
M. Paul Girod, rapporteur. Cela a d'ailleurs été un apport des débats parlementaires !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12 du règlement, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :