SEANCE DU 7 FEVRIER 2002


M. le président. La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé. Comme plusieurs questions posées par mes collègues avant moi, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Madame la ministre, les Français sont inquiets. Ils constatent la profonde dégradation des conditions dans lesquelles les professions de santé exercent leur métier exigeant.
M. Didier Boulaud. C'est faux !
Mme Annick Bocandé. Cette dégradation porte sur leur situation matérielle et financière, alors que leur charge de travail s'alourdit, ainsi que sur leurs conditions de sécurité. Elle porte également sur les relations avec l'Etat et les organismes de sécurité sociale.
Comment, dès lors, s'étonner que des professionnels de grande qualité soient poussés à bout et finissent par descendre dans la rue ?
M. Didier Boulaud. Avec Juppé à leur tête !
Mme Annick Bocandé. Décidément, c'est seulement lorsqu'on manifeste sur la voie publique ou quand on entame une grève, en l'occurrence une grève des soins, que l'on est entendu par le Gouvernement !
Les infirmières libérales, les médecins généralistes, les médecins spécialistes, les chirurgiens-dentistes mais aussi les personnels hospitaliers tant du secteur public que du secteur privé - que sais-je encore ? - tous vivent douloureusement cet autisme du Gouvernement.
Qu'est devenue la fameuse méthode Jospin, monsieur le Premier ministre ? Où donc a disparu le dialogue social que vous prétendez entretenir...
M. Henri Weber. Et vous allez en reprendre pour cinq ans !
Mme Annick Bocandé. ... et qui, visiblement, s'il existe, n'aboutit pas ? Allez-vous enfin reconnaître la valeur des professionnels de la santé en prenant en considération leurs attentes légitimes et rassurer ainsi les Français ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame la sénatrice, il est absolument inexact de dire que ce Gouvernement n'a rien fait et a attendu les manifestations récentes pour les professionnels de santé libéraux. Je vais vous donner lecture de toutes les mesures qui ont été prises en direction de tous les professionnels libéraux depuis cinq ans.
Pour la médecine générale : en 1998, revalorisation de la consultation...
M. Alain Gournac. Fiasco !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... et création de la majoration qui porte le tarif de la visite à 39,6 euros pour les actes accomplis en urgence qui obligent le médecin à quitter son cabinet ; en 2000, création de la majoration qui porte le tarif des visites à 29,7 euros auprès des personnes de plus de soixante-quinze ans qui sont prises en charge à 100 %.
MM. Alain Gournac et Jean-Pierre Raffarin. Fiasco.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. En 2001, création de la majoration portant le tarif de la consultation à 26,9 euros...
M. Alain Gournac. Fiasco !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... pour les soins d'urgence effectués au cabinet du médecin, qui s'ajoute à la rémunération de base des soins.
M. le président. Madame le ministre, veuillez me pardonner de vous interrompre.
Monsieur Gournac, dans quinze jours, à l'occasion de la prochaine séance de questions d'actualité, vous pourrez, si vous le souhaitez, poser une question et Mme le ministre vous répondra.
Veuillez poursuivre, madame le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour les masseurs : en 1998, augmentation de la lettre clé en 2000, réforme de la nomenclature, le coût total de la réforme étant estimé à 800 millions de francs en année pleine.
Pour les infirmiers : en 1999, revalorisation de 6 % des actes médico-infirmiers et revalorisation des actes lourds pour les infirmiers.
Pour les médecins de la naissance : en 1999, revalorisation des actes d'accouchement ; en 2001, rémunération des gardes et astreintes pour un coût de 100 millions de francs ; paiement d'un forfait de 1 500 francs pour le premier acte effectué lors d'une garde de nuit dans les maternités.
M. Alain Gournac. Ils sont dans la rue !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour les sages-femmes : en 2001, remboursement de nouveaux actes - surveillance de la grossesse pathologique, examen de fin de grossesse et forfait journalier de surveillance à domicile.
Pour les dentistes : en 2001, remboursement d'un acte de prévention important, le scellement des sillons pour les jeunes enfants, qui évite la formation des caries ; en 2002, mise en place d'un examen de prévention pour tous les enfants de six et douze ans - 1,4 million d'enfants sont concernés - pour un coût de 50 millions d'euros ; en 2002, suppression progressive de l'entente préalable.
Voilà pour les mesures qui concernent le dentaire.
Nous avons également amélioré les remboursements des prothèses : en 2000, remboursement des pompes à insuline et passage de seize à dix-huit ans de l'âge limite pour bénéficier d'un remboursement intégral des lunettes ; en 2000, pour les audioprothèses, passage de seize à vingt ans de l'âge limite pour bénéficier du tarif « enfants ».
M. Jean-Pierre Schosteck. A quel taux ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Comme vous le voyez, nous avons pris de très nombreuses mesures pour tous les professionnels de santé.
Je comprends que certains professionnels considèrent que ce n'est pas suffisant. Cependant, on ne peut pas dire que ce n'est rien : c'est extrêmement important.
D'ailleurs, nous comptons poursuivre dans ces revalorisations. En effet, je n'ai pas mentionné l'accord récent passé entre la CNAM et les médecins. Je n'ai pas non plus mentionné ce que nous allons faire, et il faut le faire, pour les infirmières. Je n'ai pas davantage fait état des réformes de structures que nous avons décidées grâce au « Grenelle de la santé » et qui ont été adoptées par le Parlement : aide à l'installation ; moyens pour les maisons de garde et les gardes collectives, pour éviter que les médecins et les professionnels libéraux ne soient écrasés par des horaires qui ne soient pas comparables avec ceux des autres professions ; création des réseaux de santé ; mesures visant à lutter contre l'insécurité, et les maisons de garde sont évidemment un outil très important en la matière ; création d'un observatoire de la démographie médicale, pour parvenir à mieux répartir les professionnels libéraux sur le territoire ; enfin, rénovation des relations entre les professionnels et les caisses d'assurance maladie. (Exclamations sur plusieurs travées du RPR.)
M. Laurent Béteille. C'est de la poudre aux yeux !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je pense que nous avançons. Il est certain que beaucoup reste à faire. En tout cas, nous allons dans le bon sens, et c'est en grande partie parce que nous avons décidé de tourner le dos à la logique répressive des ordonnances Juppé et de mettre en place une maîtrise médicalisée, au lieu d'une maîtrise comptable. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Didier Boulaud. Absolument !
M. Henri Weber. Bravo !
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.)