SEANCE DU 7 FEVRIER 2002


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Je m'exprimerai au nom du groupe socialiste.
Ces débats se sont révélés, à mon sens, extrêmement intéressants. A bien des égards, certains des amendements qui ont été votés marquent un progrès par rapport au texte qui avait été adopté par l'Assemblée nationale.
En revanche, sur d'autres points, notamment en ce qui concerne la question des délais, il est très important, dans l'optique de la présomption d'innocence, de s'en tenir à l'équilibre qui avait été atteint en commission mixte paritaire.
Par conséquent, nous nous abstiendrons.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Au moment de voter ce texte, je tiens à indiquer d'abord que je suis de ceux qui pensaient qu'il n'était pas si urgent de revenir sur la loi adoptée voilà deux ans et qui auraient préféré que l'on prenne davantage le temps de la réflexion.
Cela étant, je voudrais dire à M. le rapporteur combien j'ai apprécié, et d'autres avec moi certainement, son approche des problèmes que nous avons examinés. Il a fait preuve du réalisme nécessaire, de respect des libertés et, tout simplement, d'humanisme, dans un équilibre empreint de sagesse qu'il n'était pas facile de trouver et qui nous a évité de tomber dans un débat démagogique. Nous avons pu, grâce à lui, rester dans la voie de la raison.
Sur le fond, je formulerai deux brèves observations.
Ma première observation visera à souligner que toutes ces dispositions minutieuses que nous prenons pour réglementer l'action des forces de police et de gendarmerie laissent tout de même une redoutable impression de complexité. Quand nous votons de telles mesures, nous oublions que, sur le terrain, les actions doivent être menées dans des circonstances imprévisibles de temps et de lieu, par des personnes affrontant des dangers et des situations inédites. Nous avons tendance à travailler en chambre, ce qui est certes tout à fait différent d'enquêter ou de traiter des affaires de délinquance.
Ainsi, un monde nous sépare des acteurs de terrain. Nous manquons donc parfois de réalisme quand nous élaborons des dispositifs trop tatillons. Nous voulons tout prévoir, et à force de tout prévoir, j'ai peur que l'on n'entrave l'accomplissement des missions. Les personnes qui sont chargées de conduire des investigations, des recherches ou des opérations ne doivent pas travailler constamment en tenant un code dans une main, tout en posant l'autre sur le collet du délinquant ! Nous devons nous montrer un peu plus réalistes.
Cela est d'autant plus nécessaire que nous devons, sans conteste, faire face à une montée de la délinquance, même si nous ne mettrons pas un terme à celle-ci par la répression. Des causes beaucoup plus profondes appellent en effet des mesures de tous ordres et une réflexion fondamentale sur de nombreux aspects de notre vie sociale, mais il n'empêche que nous devons nous donner les moyens de lutter contre la délinquance.
Seconde observation, nous avons parfois eu tendance à sous-estimer le fait que l'application de certaines des dispositions que nous avons adoptées et qui tendent à restreindre les libertés, comme l'on dit, n'est plus désormais confiée au juge d'instruction, dont on pouvait craindre, dans le passé, qu'il soit animé de la volonté de poursuivre à tout prix et d'obtenir, en quelque sorte, des résultats. C'est maintenant le juge des libertés et de la détention qui assume cette tâche, et nous n'avons peut-être pas bien mesuré la portée de ce changement. Je suis de ceux qui ont voté l'instauration de ce dispositif avec un certain scepticisme, mais je constate que, selon toutes les informations dont nous disposons, cela fonctionne !
Cette évolution doit nous conduire, me semble-t-il, à modifier notre approche des problèmes. En effet, l'application des mesures restrictives et, éventuellement, attentatoires aux libertés est confiée à un magistrat indépendant qui, pour sa part, n'a pas d'objectifs à atteindre et sera donc, en principe, plus serein.
Dans cet esprit, je voterai cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Cointat.
M. Christian Cointat. Je suis bien sûr quelque peu déçu du dernier vote qui est intervenu, mais la démocratie consiste à chercher à convaincre et à accepter le résultat, quel qu'il soit.
Cela étant, notre travail a débouché sur l'élaboration d'un bon texte, que je voterai donc sans aucune difficulté. Puisque M. le président de la commission des lois a cité tout à l'heure Turenne, je conclurai mon propos en citant Clemenceau : « Un gouvernement doit faire en sorte que les bons citoyens soient tranquilles et que les mauvais ne le soient pas ». Dans la mesure où nous aurons abouti à ce résultat, nous aurons bien travaillé. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
M. Robert Badinter. Le groupe socialiste s'abstient.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(La proposition de loi est adoptée.)

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