SEANCE DU 8 OCTOBRE 2002


M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, auteur de la question n° 2, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le ministre, je me permets d'appeler votre attention sur certaines conséquences de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France.
En vertu de cette loi, il est demandé au maire de signer des attestations d'accueil sans qu'il ait la réelle possibilité d'apprécier la justesse de son avis, ce qui le contraint à tout accepter. En effet, la législation ne confère aucune compétence au maire pour apprécier l'opportunité de l'accueil d'un étranger par le demandeur de l'attestation d'accueil.
Cette législation a donc pour conséquence de favoriser largement la mise en place de systèmes d'immigration clandestine, que le maire ne peut que constater mais sur lesquels il n'existe aucun contrôle.
Surpris par cette situation, j'avais déjà posé une question orale sur le même thème à votre prédécesseur. Cependant, la réponse que j'ai obtenue n'est pas satisfaisante puisqu'on constate de nombreux débordements. Un même hébergeant atteste parfois de « pouvoir accueillir », pendant la même période, un nombre de personnes excessif au regard de sa capacité à les héberger. Les attestations d'accueil multiples sont utilisées par l'hébergeant dans l'unique but de faciliter l'entrée sur le territoire d'étrangers qu'il n'a ni l'intention ni d'ailleurs la possibilité matérielle d'accueillir. Ainsi, la quasi-totalité des demandeurs habitent en logement HLM dont le nombre de pièces correspond à la situation familiale normale de sorte que tout accueil complémentaire est incompatible avec une existence normale. En outre, lors de la conférence annuelle des ambassadeurs de France qui s'est tenue le 28 août 2001, les ambassadeurs ont appelé l'attention du ministre de l'intérieur sur les nombreuses tentatives de fraudes par le biais des attestations d'accueil dans le cadre de la délivrance des visas.
La législation relative à la délivrance des attestations d'accueil possède de véritables effets pervers, puisqu'elle favorise le développement de l'immigration clandestine. Il n'existe aucune vérification de l'opportunité de l'accueil d'un étranger par le demandeur de l'attestation d'accueil ni aucun contrôle de la personne accueillie.
En conséquence, je vous serais reconnaissant de bien vouloir m'indiquer les dispositions que vous entendrez prendre pour modifier la législation en matière d'attestation d'accueil afin de permettre de contrôler des situations constatées mais non maîtrisées.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le sénateur, votre question est tout à fait pertinente et touche à un sujet délicat.
Les ressortissants français, tout comme les ressortissants étrangers qui résident régulièrement sur le territoire national, peuvent recevoir librement chez eux des étrangers. Il s'agit du domaine de la vie privée qui ne peut faire l'objet de contrôles tatillons.
Toutefois, les autorités publiques doivent pouvoir vérifier que le système des attestations d'accueil ne permet pas la mise en place de filières d'immigration clandestine. Or, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, la suppression en 1998 du contrôle des certificats d'hébergement au profit de la procédure très allégée des attestations d'accueil a considérablement réduit le contrôle qui est exercé.
L'augmentation considérable des attestations d'accueil ces dernières années ne s'explique pas seulement par l'attribution de visas supplémentaires.
En effet, vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, les maires ont pu constater des fraudes à plusieurs reprises. Certaines familles prétendent tout simplement héberger au même moment plusieurs ressortissants étrangers, alors même que leur appartement ne s'y prête pas, de toute évidence.
Nos postes consulaires à l'étranger ont également relevé un certain nombre de fraudes.
Je rappelle que les autorités concernées peuvent refuser la délivrance de l'attestation d'accueil en l'absence de pièces justificatives - mais en général cette formalité est respectée - ou si elles ont la certitude de l'existence d'une fraude. Il n'en reste pas moins que cette procédure des attestations d'accueil doit faire l'objet très rapidement de réformes. Le Gouvernement s'est penché sur ce problème. L'idée qui a été retenue jusqu'à maintenant et sur laquelle il travaille serait de rétablir le contrôle des attestations d'accueil par l'Office des migrations internationales.
Tels sont les éléments de réponse que je peux vous apporter, monsieur le sénateur. Soyez assuré que le Gouvernement est très conscient de cette difficulté que vous avez soulignée à juste titre. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Je veux remercier M. le ministre de sa proposition et lui dire qu'elle répond aux attentes des maires, qu'il connaît bien, étant maire lui-même.

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