SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 33. - Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes est évalué pour l'exercice 2003 à 15,8 milliards d'euros. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Denis Badré, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Une fois n'est pas coutume, et n'y voyez aucune flagornerie, madame le ministre, je voudrais d'abord vous remercier.
En effet, traditionnellement, le ministre chargé du budget considère que le vote de l'article 33 n'est pas une affaire budgétaire : le montant inscrit ne donne pas lieu à discussion ; l'exercice n'a donc pas un grand intérêt pour lui. Aussi est-ce le ministre chargé des affaires européennes qui vient en séance. Non moins traditionnellement aussi, le ministre chargé des affaires européennes considère que c'est une matière un peu subalterne : le budget, pour les affaires européennes, cela n'existe pas ou très peu ou trop peu. Donc, il ne se préoccupe pas beaucoup, finalement, de donner un caractère budgétaire à notre débat : on parle de l'Europe, on parle de vrais sujets aussi, mais assez peu du budget européen. Or vous, madame le ministre, vous avez pris la peine de préparer ce débat comme un véritable débat sur le budget européen. Vous vous êtes investie personnellement, comme j'en ai eu la confirmation pour avoir préparé avec vous cette séance. C'est une première, à ma connaissance, et je voulais la saluer.
Entrons maintenant dans le vif du sujet.
L'article 33 du projet de loi de finances évalue - je dis bien « évalue », et non pas « fixe » - le montant du prélèvement sur ressources opéré pour nourrir le budget européen à 15,8 milliards d'euros.
Le prélèvement de 2002 était en augmentation de 1,6 milliard d'euros : excusez du peu, cela fait tout de même 10 milliards de francs de plus par rapport à 2000 ! Là, il est en diminution d'un milliard d'euros par rapport à celui de 2002, ce qui n'est pas négligeable !
Donc, à en juger à ces chiffres, on pourrait croire que la rigueur prend le dessus et que tout va bien, d'autant que ce budget s'élèvera, en 2003, à 99 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit une progression de 0,9 %.
C'est tout à fait raisonnable ! C'est moins que toutes les inflations et c'est moins a fortiori que tous les PIB de tous les Etats de l'Union. C'est la première fois ! En crédits de paiement, avec 97 milliards d'euros, l'augmentation est de 1,4 %, ce qui est un peu moins bien, mais très bien tout de même.
Donc, la rigueur règne pour ce qui concerne le prélèvement, et la sagesse l'emporte pour ce qui concerne le budget. Tout va bien, et nous pourrions lever la séance en considérant que nous sommes heureux.
Pas du tout !
Ces conclusions sont hâtives et ne sont que la manifestation de la précipitation avec laquelle nous souhaiterions voler au-devant de nos désirs. Malheureusement, nous ne le pouvons pas, et je vais essayer de vous montrer en quoi.
Je commencerai par le prélèvement. En fait, à l'analyse, on s'aperçoit que, de budget voté à budget voté, ce prélèvement est en baisse de 6 %, mais que, de budget voté à budget exécuté, il est en hausse de 8 %. Vous le voyez immédiatement, tout cela n'a pas de sens, sinon de relativiser l'importance de notre débat. On peut, en effet, démontrer n'importe quoi en adoptant telle ou telle présentation. Il faut donc creuser plus avant.
Je ne reviens pas longuement sur les raisons qui expliquent cette situation. L'accord de Berlin n'a été ratifié qu'après le 1er janvier ; ses conclusions ont donné lieu à des décisions hâtives, sur lesquelles il a fallu revenir pour, finalement, qu'il soit adopté en cours d'année, avec d'inévitables effets rétroactifs, de sorte que le lecteur non initié ne peut plus rien comprendre.
L'illisibilité, c'est bien ce qui caractérise notre prélèvement, comme, d'ailleurs, l'ensemble du budget européen, malheureusement.
Je vais tenter de dégager cependant quelques lignes de force.
Le prélèvement permet de compléter les recettes pour couvrir les dépenses du budget européen. Car il s'agit bien de compléter. En effet, les recettes étaient normalement constituées de ce que nous appelions des recettes propres, qui sont maintenant devenues des recettes propres traditionnelles, puisque toutes les recettes du budget européen sont désormais considérées comme recettes propres. Les seules vraies recettes propres qui nourrissent directement l'Europe - droits de douane, cotisation sucre et autres - s'appellent maintenant « recettes traditionnelles ». Cela fait penser à certaines évolutions, de type canal historique... (Sourires.)
Nous avons donc des recettes propres traditionnelles et des recettes propres : la cotisation des Etats, ce sont des recettes propres, qui n'ont donc rien de propre.
Cette cotisation augmente beaucoup pour la France, du fait du jeu combiné de toute une série d'opérations. D'abord, les recettes propres traditionnelles diminuent, puisque - c'est l'une des conséquences de l'accord de Berlin - un prélèvement sur les droits de douane est opéré au bénéfice des Etats par lesquels les produits entrent dans l'Union européenne. Sont compensés l'effet « Rotterdam » et les conséquences de l'arrivée de produits du Commonwealth via la Grande-Bretagne. Les Hollandais et les Britanniques obtiennent satisfaction de cette manière.
Bref, les recettes propres traditionnelles diminuant, les cotisations des Etats membres, qui comptent désormais pour 80 % du budget européen, augmentent forcément. De surcroît, il a fallu rééquilibrer les cotisations des différents Etats membres, car certains d'entre eux trouvaient que l'Europe était trop chère. C'est le cas des Britanniques, des Hollandais, de nouveau, ainsi que des Allemands. On a donc « retripatouillé » notamment le chèque britannique, et, tout cela, c'est encore la France qui le paie !
Donc, à l'intérieur de recettes propres non traditionnelles, donc de cotisations qui augmentent globalement - même à budget constant, elles augmenteraient -, nous avons une redistribution qui s'opère au détriment de la France, et tout cela, en plus, pour nourrir un budget qui augmente !
Au total, mes chers collègues, cette accumulation d'effets en cascade explique que la cotisation de la France augmente dans les conditions que je rappelais. Pas de rigueur sur les prélèvements, donc, pas du tout, même ! En fait, en trois ans, nous sommes passés de 15 milliards d'euros à 16 milliards d'euros, toujours à budget constant, soit, en base, une progression de l'ordre de 10 %.
J'en viens au budget, maintenant.
Le budget connaît une progression apparemment raisonnable, et pour la première fois. On pourrait s'en réjouir, si ce n'était faux ! Il suffit, pour s'en convaincre, de comparer ce qui est comparable et de constater que seuls des effets d'aubaine et des circonstances particulières font que, cette année, le budget peut être présenté de manière sympathique. Nous sommes à la fin d'une période pendant laquelle on a apporté de grosses masses de crédits à l'agriculture pour traiter les épizooties que nous savons. C'était conjoncturel : il s'agissait de traiter un phénomène particulier. On pouvait penser que, une fois que le traitement aurait porté ses fruits, cet apport cesserait. Pas du tout ! Les budgets européens ont intégré ces sommes en base de sorte que, en reprenant le rythme antérieur, on peut afficher une réduction des crédits. Or on n'a pas réduit les crédits ; on les avait augmentés l'année dernière, on ne les réduit pas cette année.
Il est, au moins, un deuxième type d'effet qui explique que ce budget soit, globalement, plus faible. Nous sommes à la première année d'un nouveau programme cadre de recherche et développement, ou PCRD. La première année, le PCRD met toujours du temps à démarrer ; nous avons donc un effet de lente montée en puissance avec, par rapport à la dernière année du PCRD précédent, une chute de tension, puis on repart dans une nouvelle série.
Tout cela doit nous faire réfléchir.
Permettez-moi quelques mots sur le contenu du budget, même si, comme je le rappelle inlassablement du haut de cette tribune, nous n'avons pas grand-chose à dire sur les dépenses. Nous sommes là, en effet, pour voter les recettes d'un budget européen dont les dépenses sont votées par le Parlement européen, dans le cadre de la codécision, d'ailleurs. Comment pouvons-nous mettre en oeuvre le principe du consentement à l'impôt si le budget européen voit ses recettes votées par les Parlements nationaux et ses dépenses votées par le Parlement européen ? C'est absurde. Cela aussi, il faut le changer.
Une fois de plus, il n'y en a que pour la politique agricole commune, nous dira-t-on. Bien sûr, il n'y en a que pour la PAC : c'est la seule politique qui existe au plan communautaire, du moins la seule qui exige des crédits, la politique de la concurrence ou la politique monétaire étant moins consommatrices de crédits que la PAC. Donc, il est normal que la PAC utilise 40 % des dépenses du budget européen. Le contraire serait étonnant. Là, je défends la PAC.
Cependant, il n'est pas normal que la PAC ait été dévoyée et que, aujourd'hui, ceux qui parlent de l'élargissement entendent également élargissement des aides directes. C'est une absurdité, je l'ai démontré en d'autres lieux, mais nous pourrons y revenir. Je considère que l'élargissement nous offre une opportunité historique de revenir aux principes d'origine de la PAC. Si, en effet, la PAC n'existait pas pour régler les problèmes d'alimentation et d'agriculture des pays candidats à l'élargissement, il faudrait l'inventer, et on l'inventerait sur les principes sur lesquels elle a été créée il y a cinquante ans !
Aujourd'hui, avant d'aller plus loin sur les crédits à affecter à la PAC, il faut revenir au principe d'origine et réformer la PAC sur le fond, et non pas simplement en « tripotant » à la marge les aides directes. (M. Robert Del Picchia applaudit.)
Les politiques structurelles sont les deuxièmes grandes consommatrices de crédits. L'élargissement nous donne l'opportunité de les clarifier.
Il faut faire la clarté sur leur contenu. Progressivement, nous avons dérivé. Certains prétendent d'ailleurs que ce qui concerne le développement rural pourrait être financé par les crédits de la PAC, ce qui est une absurdité.
Lisibilité et clarté doivent s'appliquer aux frontières entre les politiques structurelles et les politiques de cohésion que nous sommes en train de confondre allègrement. Or, quand on ne sait plus ce qu'on fait en matière budgétaire, c'est la porte ouverte au laxisme.
Par ailleurs, en matière d'exécution des politiques structurelles, je le répète depuis des années, il n'est pas normal que nous ayons un an et demi de retard dans l'engagement des crédits.
Quel budget de quel Etat membre de l'Union européenne accepterait une situation pareille ? Des crédits très importants dorment, ce qui n'est pas acceptable, du fait de Bruxelles, mais aussi du fait des Etats puisque, vous le savez, un crédit ne peut être engagé que s'il est accompagné de crédits nationaux et les Etats ne peuvent pas suivre.
Il faut arrêter cette machine folle, repartir à zéro et nous demander comment nous allons faire à vingt-cinq alors que nous ne savons plus faire à quinze.
Je pourrais citer de la même manière, s'agissant des politiques intérieures, la politique de la recherche. Je considère que les crédits de recherche affectés au budget européen sont aussi « à côté de la plaque ». Il ne saurait être question de donner une deuxième chance aux demandes qui sont adressées à la fois à un Etat membre et à Bruxelles, dans l'espoir que l'un, l'autre ou les deux acceptent ! Ce n'est pas ainsi que nous construirons une politique de recherche européenne qui permettra à l'Union européenne de peser dans la mondialisation, de concurrencer valablement la recherche américaine et d'attirer les chercheurs du monde entier pour qu'ils viennent chez nous plutôt qu'à Boston. Cela n'est pas sérieux !
Il faut redéfinir une vraie politique de la recherche pour l'Europe qui conduise le budget européen à favoriser la synergie des laboratoires des Etats membres et non pas leur mise en concurrence, comme c'est le cas actuellement.
S'agissant des politiques extérieures, nous faisons beaucoup, notamment au Moyen-Orient, comme nous avons fait dans les Balkans, mais sans pour autant en retirer le bénéfice, sans que l'Europe gagne en rayonnement.
J'ajoute, madame la ministre, que j'appelle de mes voeux une relance vigoureuse des relations avec les ACP, les Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.
Les accords de Lomé et de Yaoundé procédaient d'une intuition formidable. L'Europe doit jouer son rôle dans le dialogue Nord-Sud qui tombe peu à peu en déshérence. Il faut que l'Europe reprenne l'initiative et relance une grande politique de dialogue Nord-Sud avec ses partenaires privilégiés que sont les pays ACP.
Je n'évoquerai pas les dépenses administratives, qui vont exploser avec l'élargissement de l'Europe, ce qui est normal, compte tenu notamment du problème des langues. Toutes ces questions seront traitées en temps et en heure.
Je conclus, monsieur le président, par quelques réflexions générales. Il faut revenir sur les questions de programmation et sur les dysfonctionnements chroniques de gestion. Il faut accélérer la modernisation des procédures de gestion qui est engagée en la mettant en oeuvre.
L'Europe mérite un vrai budget -, je le disais en préambule, j'y reviens en conclusion, c'est-à-dire un budget démocratique, lisible et contrôlable, en ce qui concerne tant les recettes que les dépenses.
A ce sujet, nous progresserons lorsque nous aurons évacué le débat sur les soldes nets, les retours nets, qui est anticommunautaire, antieuropéen. Tant que les Etats sont incités à regarder s'ils en ont pour leur argent dans l'affaire européenne, cela ne marche pas. Telle sera pourtant leur démarche tant qu'ils cotiseront pour avoir un retour. Lorsque le budget européen disposera de vraies ressources propres - et non pas de ressources composées des cotisations de ses membres -, le lien entre l'apport et le retour pour les Etats sera brisé et les Etats pourront entrer dans une véritable démarche communautaire. C'est vital.
Le débat sur l'impôt européen est donc lancé. Il ne pourra l'être qu'à la condition de supprimer des impôts dans les budgets des Etats. Il n'est pas question, en effet, que les Européens voient dans l'Europe un niveau supplémentaire générateur d'impôts. Ils doivent y voir une manière de faire mieux pour moins cher, ou en tout cas au même coût. C'est important.
Nous n'avons pas le droit de construire l'Europe à l'insu des Européens, sauf à bâtir une union sans âme que les peuples combattraient avant de la détruire. Rendre l'Europe aux Européens - on le dit sans cesse - afin qu'elle joue son rôle au bénéfice des Européens et dans le monde est, selon nous, une priorité absolue. Il faut rendre l'Europe aux Européens pour qu'elle joue son rôle de manière lisible, subsidiaire et dans la transparence, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur.
Victor Hugo, que nous ne saurions oublier de citer en cette Haute Assemblée, appelait de ses voeux « des Etats-Unis d'Europe qui couronneront le vieux monde comme les Etats-Unis d'Amérique couronnent le nouveau ».
Je rappelle que, voilà deux siècles, les conventionnels de Philadelphie invitaient les Etats-Unis d'Amérique à prendre leur indépendance vis-à-vis des Etats-Unis d'Europe. Je pense qu'ils seraient d'accord aujourd'hui pour que les conventionnels donnent à l'Europe les moyens de reprendre leur indépendance vis-à-vis, cette fois, des Etats-Unis d'Amérique. Nous devons maintenant nous y atteler.
C'est pourquoi vous comprendrez qu'en dénonçant les défauts de la procédure budgétaire je n'ai qu'un but, moi qui suis très européen ; c'est que cela marche. Je traque jusque dans le détail les défauts de notre procédure budgétaire pour dire qu'elle n'en est pas une. Nous n'avons pas de budget et l'Europe a besoin d'un budget. C'est aussi important que de lui donner de bonnes institutions. Il faut le faire, la Convention doit s'y attacher.
Je vous prie, madame la ministre, de relayer notre souci, qui est essentiel : si l'Europe ne se dote pas d'un vrai budget, elle ne sera jamais l'Europe des citoyens, une Europe pour les Européens.
Si je tiens ce discours un peu sévère, c'est parce que je crois en l'Europe. Je veux que l'élargissement réussisse et que l'Europe trouve sa place aux yeux des Européens et dans le monde.
C'est pourquoi je vous demande, dans l'attente de procédures meilleures, de voter néanmoins l'article 33 du projet de loi de finances pour 2003. Ne pas le faire ouvrirait une crise que nous ne pouvons vraiment pas nous permettre en ce moment. Il est préférable de traiter les problèmes qui se posent sur le fond. L'opportunité est devant nous, il faut la saisir ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la délégation pour l'Union européenne.
M. Lucien Lanier, vice-président de la délégation pour l'Union européenne, en remplacement de M. Hubert Haenel, président. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ainsi que l'a indiqué M. le rapporteur spécial, M. Hubert Haenel a dû se rendre aujourd'hui à Bruxelles pour participer à la réunion conclusive du groupe de travail de la Convention sur les questions de justice et d'affaires intérieures. Il m'a fait l'amitié de me demander d'intervenir à sa place et c'est bien volontiers que je m'y emploie, sans distraire la pensée même de la délégation.
La contribution de la France au budget communautaire pour 2003 est en hausse de 8,2 % par rapport à 2002, mais elle se trouve en retrait de 6,5 % par rapport au montant initialement voté pour 2002. En effet, le solde de l'exercice budgétaire de 2001 a été excédentaire de 15 milliards d'euros, ce qui a permis l'année suivante de diminuer à due concurrence la contribution de chaque Etat membre. Comme quoi, l'Europe sait toujours nous réserver des surprises, voire quelquefois de bonnes surprises !
Nous aurons encore besoin d'une telle aubaine, car le contexte général du budget communautaire pour 2003 est préoccupant. Les Etats membres doivent faire face à un ralentissement marqué de la croissance économique, alors que la Banque centrale européenne semble être allée aussi loin qu'elle le pouvait dans l'abaissement de ses taux directeurs pour contrer les risques de récession. L'euro fiduciaire n'a pas encore un an que le pacte de stabilité budgétaire et monétaire conclu lors du traité de Maastricht se trouve déjà mis à l'épreuve.
Or, face à ces dangers, l'Union européenne tarde à se doter des véritables moyens d'une gouvernance économique. Les travaux au sein de la Convention ont fait apparaître une absence de consensus sur ce sujet. Il s'agit, selon moi, d'une lacune préoccupante, madame la ministre, et je souhaiterais savoir si vous pensez pouvoir progresser dans cette direction avec vos homologues européens.
Le paradoxe est que l'environnement économique défavorable que j'ai évoqué n'a pas de réelle conséquence sur le budget communautaire. C'est une contrainte pour chacun des Etats membres, qui sont amenés à laisser filer leur déficit, mais ce n'est pas un problème pour le budget communautaire pour lequel, par construction, les ressources égalent les dépenses. Cette facilité devrait inciter les deux branches de l'autorité budgétaire communautaire à se montrer particulièrement modérées sur les dépenses. Tel n'est pas toujours le cas.
Cette année, l'augmentation du budget communautaire est encore plus rapide que celle du budget national, même si elle est moins marquée que les années précédentes. Le projet de budget arrêté par le Conseil en première lecture prévoit des montants de 99,5 milliards d'euros en crédits d'engagement et de 96,9 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 1,4 % en crédits de paiement par rapport à 2002.
Le prochain élargissement entraîne déjà certaines dépenses. Pour cette raison, l'un des points les plus discutés a été l'accroissement des dépenses administratives et de personnel. Initialement, la Commission demandait la création de 500 postes et des investissements immobiliers liés à l'élargissement, ce qui se traduisait par une augmentation de 5,8 % des dépenses administratives et par un dépassement du plafond des perspectives financières. Or ni le Conseil ni le Parlement européen n'ont accepté ce dépassement. Finalement, l'excès des dépenses administratives liées à l'élargissement devrait être financé par le redéploiement des crédits inemployés en 2002.
Ce budget est le dernier avant le prochain élargissement qui, si tout se passe comme prévu, devrait intervenir le 1er mai 2004. L'impact budgétaire de cet événement est de mieux en mieux cerné.
La Commission a adopté un cadre budgétaire pour l'élargissement qui montre que celui-ci serait compatible avec le respect des perspectives financières jusqu'à leur terme, en 2006. Toutefois, cette projection suppose qu'une fraction seulement des aides directes agricoles sera versée aux agriculteurs des futurs Etats membres, ce que ceux-ci contestent vigoureusement. Mais l'accord auquel sont parvenus le Président Jacques Chirac et le Chancelier Gerhard Schröder au sommet de Bruxelles afin de plafonner les dépenses agricoles peut rendre plausible une véritable réforme de la politique agricole commune.
Toujours dans la perspective de l'élargissement, la Commission a calculé quelles seront les positions nettes des futurs Etats membres. Paradoxalement, ceux-ci perdront au change par rapport à la situation actuelle, au moins pendant les deux ou trois premières années. En effet, les pays candidats bénéficient aujourd'hui des aides de préadhésion, sans rien verser au budget communautaire. A leur entrée dans l'Union européenne, ils contribueront aussitôt au financement du budget dans la mesure de leurs moyens, mais ils ne bénéficieront des retours des politiques communautaires qu'avec un décalage dans le temps. Trois des pays candidats - la Slovénie, Chypre et Malte - devraient même demeurer structurellement des contributeurs nets.
Pour éviter cette détérioration du solde budgétaire des pays candidats lors de leur adhésion, la Commission a proposé de mettre en place un mécanisme transitoire de compensation financé par les Etats membres actuels. Ceux-ci en ont accepté le principe, mais doivent encore décider selon quelles modalités ils s'en répartiront le financement. L'une des questions, notamment, est de savoir s'il faut tenir compte, ou non, de la ristourne britannique qui, comme l'a rappelé récemment le Président Jacques Chirac, n'a pas vocation à durer éternellement.
Je crois qu'on ne doit pas hésiter à discuter franchement des implications budgétaires de l'élargissement. Les équilibres actuels, qui sont déjà contestés, vont se trouver modifiés dans une Union européenne aux écarts de richesse accrus. Il faut tenir un langage de vérité : l'élargissement de l'Union européenne représentera un coût net pour les Etats membres actuels, et cela pendant de nombreuses années. Les bénéfices attendus sont extrabudgétaires, en termes de prospérité économique partagée et de stabilité politique. Il s'agit d'arguments que peuvent comprendre les citoyens européens. Mais rien ne serait plus dangereux que de leur faire croire que l'élargissement se fera sans coûts supplémentaires.
Enfin, je voudrais évoquer le contexte institutionnel dans lequel s'inscrit ce projet de budget. Pour l'instant, la Convention pour l'avenir de l'Europe n'a pas déçu les espoirs placés en elle. Si elle parvient à garder son cap, cette enceinte de discussion présidée par Valéry Giscard d'Estaing devrait pouvoir présenter à la Conférence intergouvernementale des orientations claires, voire un projet de Constitution clefs en main.
Pourquoi ne pas profiter de cette occasion, madame la ministre, pour apporter certaines modifications à la procédure budgétaire européenne ? Je pense tout particulièrement à des moyens d'associer les parlements nationaux. Ceux-ci votent les recettes, tandis que le Parlement européen vote les dépenses, comme a coutume de le rappeler notre excellent rapporteur spécial, Denis Badré.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. En effet, ils sont déjà associés : sans eux, il n'y a pas de budget européen !
M. Lucien Lanier, vice-président de la délégation pour l'Union européenne. Cette situation n'est pas très satisfaisante.
Aujourd'hui, une majorité semble se dégager au sein de la convention pour renforcer le rôle des parlements nationaux. Ceux-ci pourraient être représentés au sein d'une COSAC - qui serait, bien sûr, rénovée -, ou au sein d'un congrès spécialement créé à cet effet. Dans tous les cas, il me semble que les membres de cette instance devraient se voir confier des compétences budgétaires. J'envisage trois stades de la procédure où ils pourraient intervenir.
Premièrement, les représentants des parlements nationaux pourraient se prononcer lors du débat d'orientation budgétaire pour indiquer leurs propres priorités, comme le font le Conseil et le Parlement européens. La Commission pourrait alors tenir compte de leur avis en établissant l'avant-projet de budget.
Deuxièmement, les représentants des parlements nationaux pourraient exercer un contrôle de subsidiarité. Lorsqu'ils estimeraient que des crédits sont proposés pour une action que l'Union européenne ne devrait pas engager, ils pourraient recourir à un mécanisme d'alerte. Il serait même concevable qu'ils puissent exercer un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes.
Troisièmement, les représentants des parlements nationaux pourraient intervenir lors de la détermination pluriannuelle des grandes enveloppes du budget européen. Certes, les parlements nationaux sont déjà juridiquement compétents pour approuver les perspectives financières, puisqu'il s'agit d'un accord intergouvernemental, mais ils ne peuvent qu'accepter ou refuser un accord négocié en dehors d'eux. On pourrait imaginer de les associer, en amont, à la discussion des plafonds des rubriques des perspectives financières.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Très bien !
M. Lucien Lanier, vice-président de la délégation pour l'Union européenne. Je sais bien que les auteurs de toute proposition tendant à accroître le rôle des parlements nationaux au sein des institutions communautaires se voient aussitôt reprocher de compliquer inutilement les choses, mais ce souci de simplicité me paraît suspect.
Pour ma part, je considère que renforcer le rôle des parlements nationaux, qui sont encore les principaux détenteurs de la légitimité démocratique en Europe, c'est non pas compliquer mais simplifier la construction européenne, en la rendant plus proche et, surtout, plus compréhensible. Or tel est bien l'un des objectifs que doit s'assigner l'Europe élargie de demain. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 22 minutes ;
Groupe socialiste, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de budget de l'Union européenne pour 2003 revêt un caractère essentiel, puisque c'est une année charnière pour la future Europe que nous voulons construire. Dix nouveaux pays vont nous rejoindre dès 2004 ; c'est un véritable défi que nous devons relever et réussir.
Préparer l'accueil des nouveaux candidats à l'élargissement, consolider notre stabilité économique et politique et développer la cohésion économique et sociale de l'Europe, tels sont, je le rappelle, les trois axes prioritaires que s'est fixé la Commission européenne lors de la présentation de son avant-projet de budget. Mais, pour mener à bien ces trois missions, il faut s'en donner les moyens.
Ce sont justement les moyens attribués à la construction européenne qui appellent notre désapprobation.
Pour 2003, les crédits d'engagement augmentent de 0,9 % et les crédits de paiement de 1,4 %. La faiblesse de ces augmentations ne peut répondre d'une manière satisfaisante à la préparation de l'élargissement à dix nouveaux pays.
Quant à notre contribution, contrairement aux années précédentes, où la tacite reconduction de l'augmentation soulignait l'engagement politique de la France, elle s'élève en 2003 à 15,8 milliards d'euros contre 16,8 milliards d'euros en 2002, soit une diminution de un milliard d'euros et une baisse de 6,3 % par rapport à la loi de finances initiale. Nous pensons, là encore, ne pas être à la hauteur des nécessités et des ambitions que l'Europe s'est fixées.
Enfin, la baisse de 1,5 % des aides accordées aux pays candidats au titre de la préadhésion nous paraît injuste. Compte tenu des difficultés que ces pays rencontrent pour tenir leurs engagements économiques fixés par la commission, et malgré les immenses efforts que certains d'entre eux déploient, cette diminution ne les place pas dans les meilleures conditions pour nous rejoindre et risque de remettre en cause le principe de l'égalité des droits économiques et sociaux pour tous les citoyens européens.
Revenant d'une mission en Slovaquie, pays que, en tant que membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, je suis chargée de suivre, j'ai pu constater les efforts considérables, et couronnés de succès, entrepris par ce pays.
Je citerai trois exemples qui soulignent les incohérences de l'Union européenne et, partant, les difficultés que nos futurs partenaires doivent surmonter.
Le premier exemple concerne l'agriculture. On impose une période transitoire de dix ans avant de bénéficier de la totalité des aides. Cet impératif, particulièrement sévère, loin de favoriser l'esprit d'initiative, bloque, au contraire, d'éventuels projets, car, de l'avis de tous, il est impossible de prévoir les évolutions à partir de 2006.
Nos interlocuteurs auraient souhaité des rendez-vous intermédiaires, tous les deux ou trois ans, par exemple, permettant à chaque étape de faire le point et de prendre en compte les évolutions pour actualiser la situation. Cette proposition peut-elle être soutenue par notre pays ?
Le deuxième exemple concerne les fonds européens déjà versés, qui risquent, malgré les besoins immenses, de ne pas être utilisés en totalité à cause de la faiblesse des capacités administratives des pays concernés. Il faudrait embaucher et former des fonctionnaires supplémentaires, mais nous ne nous investissons ni assez ni de manière suffisamment concrète pour les aider à surmonter ce handicap.
Le troisième exemple porte sur les disparités régionales, qui sont importantes en Slovaquie. En effet, la région de Bratislava a une économie qui la situe à 90 % du produit intérieur brut moyen européen, alors que celle de la province orientale de Prechov correspond à peine à 35 %. Enfin, alors que le taux de chômage national est de l'ordre de 20 %, il atteint plus de 50 % dans les régions orientales.
Ne faudrait-il pas satisfaire le besoin essentiel d'aides concrètes plutôt que de chercher à appliquer des mesures de sanction ?
Nous avons eu l'occasion de débattre ici même, il y a deux semaines, des propositions de la convention sur l'élargissement qui doit porter un nouvel élan pour une Europe sociale, démocratique et solidaire, et faire l'objet d'un traité réellement nouveau, intégrant toutes les revendications des citoyens.
Alors que la croissance européenne est au plus bas, que les moteurs de la consommation et de l'exportation sont enrayés, il s'agit de financer autrement l'arrivée de nos futurs partenaires en tablant sur les investissements d'avenir que sont l'emploi, la formation et la recherche.
Pour y parvenir, et nous l'avons déjà dit, il faudrait reconsidérer le rôle et le fonctionnement de la Banque centrale européenne en la soumettant à un véritable contrôle démocratique et en réorientant sa politique monétaire, notamment ses taux d'intérêt.
Cela devrait entraîner également une révision en profondeur du pacte de stabilité, qui est de plus en plus contesté. Les critères retenus sont un véritable carcan : ils freinent considérablement les dépenses publiques, pourtant indispensables à des services de qualité, et accentuent un vaste mouvement de déréglementation et de privatisation dans ce domaine.
Tout cela suppose des moyens budgétaires accrus, une politique sélective du crédit en Europe qui pénaliserait les crédits réservés à des opérations financières en privilégiant ceux qui sont destinés à la création d'emplois, à la formation, à la recherche et au développement.
L'Assemblée nationale, l'an dernier, avait, par amendement, instauré le principe d'une taxation sur les marchés de devises. Le Gouvernement avait proposé alors une étude de faisabilité et la taxation des flux spéculatifs en Europe qui devait être réalisée par la commission européenne. Il serait intéressant d'avoir les résultats de cette étude. Qu'en est-il, madame la ministre ?
La reconstruction devrait se traduire également par l'ouverture de grands chantiers en matière d'infrastructures, tels que les transports et les réseaux transeuropéens, en matière de santé et d'environnement. La nouvelle catastrophe écologique qui touche les côtes espagnoles, après celle qui avait touché les côtes françaises, démontre éloquemment la faiblesse des contrôles existants et la nécessité de dégager - enfin ! - des moyens pour la sécurité du transport maritime.
Une réflexion afin de définir de nouveaux principes directeurs pour la PAC est également nécessaire, si l'on veut que la production agricole européenne s'inscrive dans le développement durable et le respect de l'environnement, avec des prix rémunérateurs pour les agriculteurs.
S'agissant de la défense européenne, nous pensons qu'elle doit être autonome et ne pas se calquer sur le modèle et la stratégie des Etats-Unis. L'Union européenne doit privilégier, en s'appuyant sur les Nations unies, une solution politique à l'intervention militaire. Elle doit être respectueuse du droit international et du droit des peuples. Alors que les inspecteurs de l'ONU sont désormais en Irak et que les Etats-Unis ne cachent pas qu'ils veulent une intervention militaire, l'Union européenne doit garder son unité pour empêcher la guerre. Elle doit également montrer plus de dynamisme pour soutenir la solution juste dans le conflit israélo-palestinien.
L'Europe, par ses valeurs, doit encourager une mondialisation solidaire. Au lieu de les diminuer, elle devrait accroître, par ses actions extérieures, les crédits réservés au développement. Elle devrait oeuvrer pour un développement qui corrige le déséquilibre nord-sud et réduise les drames que sont la faim, l'ignorance et la maladie.
Compte tenu d'une nouvelle dégradation par rapport au budget de l'an dernier, que nous n'avions pas voté, le groupe CRC ne pourra approuver la contribution de la France au budget européen de 2003.
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Madame la ministre, je ne vais pas revenir sur tous les chiffres cités par notre rapporteur spécial et par M. le vice-président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne ; je me limiterai à quelques réflexion politiques et à quelques questions.
Je suis moins pessimiste que notre éminente collègue, Mme Danielle Bidard-Reydet, qui m'a précédé à cette tribune. Je considère pour ma part que la construction européenne a avancé à grands pas au cours des derniers mois, et je crois qu'il faut s'en réjouir.
Je citerai quelques exemples. Au mois d'octobre, M. Valéry Giscard d'Estaing, président de la Convention sur l'avenir de l'Europe, a présenté l'avant-projet de Constitution européenne, les Irlandais ont répondu massivement « oui » au référendum sur le traité de Nice et dix pays candidats ont été jugés prêts à conclure les négociations d'adhésion lors du sommet européen de Copenhague de décembre prochain.
Bien sûr, cette perspective d'élargissement est une chance pour les Quinze, sur le plan tant politique qu'économique et culturel.
L'intégration européenne a assuré un demi-siècle de stabilité, de paix et de prospérité économique. Elle a contribué à la hausse du niveau de vie et à la construction d'un marché intérieur. Elle a donné naissance à l'euro, rappelons-le, et renforcé la présence de l'Union européenne sur la scène internationale.
Toutefois, l'élargissement qui portera l'Union à vingt-cinq Etats membres le 1er mai 2004 ne se fera pas sans conséquences budgétaires et une redéfinition de la participation des Etats membres au budget européen sera nécessaire.
Force est de constater que, depuis plusieurs années, la contribution française ne cesse de croître et que cette tendance n'est pas près de s'inverser.
Sur les 14 milliards d'euros annuels prévus entre 2004 et 2006 pour financer le coût de l'élargissement, la France devrait verser, me dit-on, 2,4 milliards d'euros dès l'an prochain.
Il faut rappeler que, en moyenne, le PIB par habitant, dans les dix pays qui devraient rentrer dans l'Union européenne en 2004, représente plus de 50 % de la moyenne des Quinze.
Dans combien d'années prévoyez-vous, madame la ministre - s'il est toutefois possible de le prévoir - que les nouveaux Etats membres auront rejoint la moyenne de l'Union européenne et que les vingt-cinq pays auront un PIB par habitant plus ou moins comparable ?
Faudra-t-il que pendant ce laps de temps la contribution des Quinze au budget de l'Union européenne croisse de façon substantielle ?
Quelle projection peut-on faire, en particulier sur la participation de la France pour les prochaines années ? C'est, me semble-t-il, le sujet qui nous intéresse tous.
Le moment semble opportun pour procéder à un juste rééquilibrage de la participation des pays membres au budget de l'Union européenne. Faut-il rappeler le récent différend qui a opposé la France au Royaume-Uni à propos du fameux « chèque britannique » ?
Le Royaume-Uni bénéficie depuis 1984 d'un mécanisme dérogatoire de correction qui lui permet de se faire rembourser par les autres Etats membres les deux tiers du déficit entre sa contribution au budget de l'Union européenne et les versements communautaires reçus !
La France doit financer à elle seule 30,4 % du mécanisme selon le projet de budget présenté pour 2003. Est-il prévu de mettre fin un jour à cette exception britannique dont on ne comprend plus très bien les justifications objectives ?
On constate, depuis 1989, le manque de fiabilité des prévisions communautaires, qui conduit à des prélèvements lourds pour les Etats membres avec, en parallèle, une sous-exécution des crédits de paiement, des fonds structurels en particulier.
Peut-on espérer que les nouveaux mécanismes de gestion de ces fonds structurels mis en place en juillet dernier par le gouvernement français seront en mesure d'avoir une action efficace sur la consommation des crédits ? Peut-on espérer aussi, comme l'a dit Mme Bidard-Reydet, une utilisation réelle et pleine du FED, le fonds européen de développement, dont le budget n'est utilisé qu'en partie, faute de projets concrets ?
Pour en revenir à l'élargissement, madame la ministre, je ne peux manquer d'évoquer le problème de la Turquie en ma qualité de chargé du suivi du processus d'adhésion au sein de la délégation pour l'Union européenne du Sénat. M. Tayyip Erdogan, aujourd'hui à Paris, doit aussi s'entretenir avec le Président de la République. La question est donc d'actualité.
Lors du Conseil européen de Bruxelles, fin octobre, la Turquie a été fortement encouragée à poursuivre son processus de réformes. Les remarquables progrès accomplis montrent la volonté et la capacité d'évolution du système politique turc. Il est bien sûr trop tôt pour affirmer que le nouveau gouvernement persévérera dans cette voie, mais tel semble être l'engagement qui a été pris.
Lors du sommet de l'OTAN qui s'est tenu la semaine dernière, le Président de la République, M. Jacques Chirac, a affirmé que la Turquie avait « toute sa place en Europe », même si elle avait encore des progrès à faire pour remplir les critères européens en matière de droits de l'homme en particulier.
Le commissaire européen à l'élargissement, M. Günter Verheugen, a cependant déclaré, après les récentes élections qui ont porté les islamistes au pouvoir, que la question de l'adhésion de la Turquie ne deviendrait vraiment pertinente qu'à partir du moment où l'Union européenne aurait affaire à « une tout autre Turquie ».
Certes, aujourd'hui, le pays ne remplit pas pleinement les critères de Copenhague, mais, sur le principe, peut-on imaginer que le contexte culturel et religieux de la Turquie puisse être pris en compte lors de l'examen de l'étape suivante de sa candidature au sommet européen des 12 et 13 décembre prochain ?
La question des limites géographiques de l'Europe est certes soulevée, mais peut-être y a-t-il aussi des questions d'ordre budgétaire, liées au coût de l'élargissement. Nous ne pourrons, en tout cas, faire l'économie d'une réflexion.
La Convention sur l'avenir de l'Europe a par ailleurs examiné au mois d'octobre les conclusions du groupe de travail sur la subsidiarité.
Nous avons pu noter avec satisfaction la place donnée aux parlements nationaux dans le contrôle du principe de subsidiarité grâce au mécanisme d'« alerte précoce » qui peut être déclenché par chaque Parlement national ou par chaque chambre quand le Parlement est bicaméral.
Dans ce cadre, comment envisagez-vous les compétences respectives du Sénat et de l'Assemblée ? Les deux chambres devront-elles être saisies ? Un débat serait-il instauré successivement dans chaque chambre ? Une chambre primera-t-elle sur l'autre en cas de divergence d'appréciation ? Beaucoup de questions restent posées.
Par ailleurs, madame la ministre, on peut s'interroger sur la place du citoyen au sein de cette nouvelle Europe élargie.
En effet, l'avant-projet du traité constitutionnel, dans son article 5, institue et définit la citoyenneté de l'Union en ces termes : « Tout national d'un Etat membre est citoyen de l'Union. Il dispose d'une double citoyenneté, la citoyenneté nationale et la citoyenneté européenne, et utilise librement l'une ou l'autre, à sa convenance, avec les droits et les devoirs attachés à chacune d'elle. »
Le citoyen français devra-t-il se sentir plus citoyen européen que citoyen français ? Il faut rappeler que, sur les quelque deux millions de Français établis hors de France, près de la moitié résident dans l'Union européenne, ce qui me concerne directement en qualité de sénateur des Français établis hors de France.
Dans ce contexte, comment évoluera le statut des Français résidant dans l'Union européenne, qui sont dans une situation particulière puisque à la fois citoyens français et citoyens européen, mais aussi « Français établis hors de France » ? Continueront-ils à être considérés comme des « Français de l'étranger » ?
Enfin, à l'heure où l'élargissement est la première priorité, il ne faudrait malgré tout pas oublier la défense européenne. Après l'avancée franco-britannique de Saint-Malo, l'Europe de la défense a fait un nouveau grand pas voilà quelques jours à peine puisque, on le sait, la France et l'Allemagne ont présenté pour la première fois à Prague un projet commun à la Convention, en marge du sommet de l'OTAN.
Paris et Berlin ont d'abord proposé de créer une « Union européenne de sécurité et de défense » impliquant une solidarité face aux menaces comme le terrorisme. Ils ont ensuite évoqué la possibilité de mettre sur pied des « coopérations renforcées » dans le domaine militaire avec les Etats qui le souhaiteraient.
Comme cela a assez bien réussi pour l'euro, la France et l'Allemagne envisagent enfin de créer une « agence européenne de l'armement ».
D'une manière plus globale, les deux partenaires estiment qu'il est nécessaire de combler le retard de l'Union face aux Etats-Unis afin que la défense européenne ait toute sa place sur la scène internationale. Cela impliquera, bien sûr, une dépense budgétaire.
C'est dans ce nouvel état d'esprit, qui tend à faire avancer l'Europe dans le cadre des vues du Président de la République et du Premier ministre, que s'inscrit aujourd'hui la Convention.
Si les différentes questions évoquées aujourd'hui appellent quelques précisions, il n'en reste pas moins que la participation de la France au budget européen que vous nous proposez anticipe les grands objectifs de la future Europe élargie. C'est pourquoi, madame la ministre, certains de l'attention que vous porterez à la bonne exécution des crédits, nous voterons avec confiance la contribution de la France. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'Europe est, hélas ! perçue, parfois à juste titre, comme étant dirigée par une technocratie éloignée des préoccupations de nos concitoyens. Elle est jugée non démocratique, voire menaçante, par certains. L'Europe s'immisce trop souvent dans des domaines où elle n'a rien à faire, au mépris du principe de subsidiarité, et elle est absente là où on l'attend le plus. La belle machine dont on avait rêvé s'est grippée, l'élan a disparu, l'indifférence ou l'agacement l'ont supplanté.
Il est donc urgent de réconcilier les Français avec l'Europe, de retrouver l'espoir, l'enthousiasme et la volonté des pères fondateurs. Notre objectif d'une fédération d'Etats-nations doit permettre de « faire l'Europe sans défaire la France ».
Aujourd'hui, il importe de s'atteler à trois chantiers décisifs : il s'agit de réformer la gestion du budget européen, de redéfinir les priorités européennes et, enfin, de réconcilier les Français avec l'Europe.
L'accord, inattendu pour beaucoup, qui est intervenu entre le président Chirac et le chancelier Schröder sur la politique agricole commune, la PAC, est de première importance et mérite d'être salué pour au moins deux raisons.
Il démontre tout d'abord que le couple franco-allemand, malgré des désamours passagers, fonctionne et demeure décisif pour la réussite de la construction européenne. La conclusion de cet accord était la condition sine qua non à remplir pour lever les blocages relatifs au financement de l'élargissement.
Par ailleurs, le Président Jacques Chirac considère avec raison que notre culture, notre histoire, nos traditions sont profondément liées à un monde agricole qui constitue, de plus, un élément essentiel de notre économie. C'est pourquoi les deux délais qui nous sont accordés, le premier jusqu'à 2006 pour le maintien des aides agricoles, le second jusqu'à 2013 pour la stabilisation des dépenses agricoles réelles, nous permettront d'imaginer et de construire sereinement l'agriculture française de demain.
Parallèlement, notre premier chantier doit être la réforme de la gestion du budget européen. Nous devons absolument mettre fin aux distorsions de plus en plus graves qui apparaissent entre les prévisions et l'exécution du budget européen. Comme le souligne la Cour des comptes européenne, une non-consommation budgétaire très élevée, à hauteur de 15,4 milliards d'euros, a été relevée pour l'exercice 2001.
Madame la ministre, cette situation n'est pas acceptable, parce qu'elle est absurde. Les Etats, en effet, sont soumis dans le même temps à un ralentissement de l'activité économique et aux contraintes, même assouplies, du pacte de stabilité.
Cette situation est imputable, en partie, à une mauvaise gestion de la Commission, qui n'utilise pas, en particulier, tous les crédits de paiement des fonds structurels et des actions extérieures.
Elle est également imputable aux Etats membres, et ce pour deux raisons.
D'une part, s'agissant de la « gestion partagée », les systèmes de gestion des fonds communautaires structurels et agricoles sont défaillants et les contrôles exercés par certains pays sont insuffisants.
D'autre part, l'inertie juridique en matière de transposition des directives constitue un problème. A cet égard, je m'autorise à penser que ma proposition de loi constitutionnelle tendant à supprimer les retards dans les transpositions des directives communautaires a incité le Gouvernement à prendre, sous votre impulsion, madame la ministre, des mesures en ce sens. Je vous en remercie.
L'avant-projet de traité constitutionnel de la Convention sur l'avenir de l'Europe prévoit quant à lui, à juste titre, de créer, à l'article 38, des « ressources propres » pour l'Europe et réaffirme, à l'article 39, le « principe de l'équilibre budgétaire ». Nous approuvons également les réformes présentées dans le Livre blanc, à savoir la budgétisation par activité, la responsabilisation accrue des ordonnateurs et la rationalisation de la gestion. Nous observerons avec beaucoup d'intérêt leur mise en oeuvre.
Le deuxième chantier doit être la redéfinition des priorités de l'Europe. Je pense, en particulier, au budget consacré à la justice, qui ne représente que 2 % de la rubrique des dépenses liées aux politiques internes, ce qui me semble très faible au vu de l'importance qu'attachent nos concitoyens à ce domaine.
Cette redéfinition des priorités européennes doit aller de pair avec une volonté de « lisibilité » accrue de l'Europe, car les Français ont besoin de symboles fédérateurs pour régénérer leur patriotisme européen. Je pense, en l'occurrence, à la proposition de notre collègue Hubert Haenel d'instituer un haut représentant européen pour la justice et les affaires intérieures, ou à celle de notre collègue Denis Badré d'inciter la Commission européenne à cofinancer de façon majoritaire des projets emblématiques pour l'Europe.
J'en viens au troisième chantier : il convient de changer la perception de l'Europe par nos concitoyens. Il faut leur rappeler que la France est le premier bénéficiaire des politiques européennes, avec 12 milliards d'euros reçus en 2000. Néanmoins, il ne faut pas se limiter à cette vision comptable trop restrictive, qui risque d'exacerber les égoïsmes nationaux et de masquer les bénéfices communs, indirects et parfois non mesurables de l'intégration européenne. Ce sentiment d'appartenance, ce patriotisme européen ne pourront revivre que si l'on comble le « déficit démocratique » dont souffre l'Europe. Nous pourrons alors rendre vivante la « commuanuté de destins » européenne.
Européens convaincus, les membres du groupe du Rassemblement démocratique social et européen voteront la contribution française au budget communautaire. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, j'ai eu à plusieurs reprises le plaisir d'intervenir dans ce débat, désormais rituel, qui nous permet d'apprécier le montant de la contribution française au budget communautaire, au regard des principales orientations budgétaires de l'Union européenne pour 2003.
On connaît les limites de cet exercice difficile. Les dernières conciliations avec le Parlement européen ne sont intervenues, en effet, que lundi soir, ce qui, on en conviendra, ne nous laisse que peu de temps pour nous prononcer sur un projet de budget communautaire définitif.
Aussi serait-il utile de nous interroger sur la possibilité de nous exprimer à l'avenir en séance publique dès les premières propositions de la Commission connues, et de discuter en amont des positions que le Gouvernement défendra devant le Conseil de l'Union européenne. Nous pourrions ainsi - c'est notre rôle de parlementaires -, nous faire les relais de cette position dans nos départements et susciter le dialogue avec les citoyens français et européens. C'est là une proposition qui m'est chère, madame la ministre, et dont la mise en oeuvre me semblerait de nature à donner plus de sens à notre appartenance européenne.
Je ne discuterai pas le montant même de la contribution française au budget communautaire, d'une part, parce que les précédents orateurs ont largement commenté les chiffres et donné les explications techniques qui s'imposaient, d'autre part, parce que j'estime que les politiques communes européennes valent bien que nous leur consacrions 1 % de notre budget. N'oublions pas, d'ailleurs, que la France restera, en 2003, le deuxième bénéficiaire net des fonds communautaires, malgré la mise en oeuvre de la décision « ressources propres », qui ne lui est pas favorable.
Chaque jour, des fonds européens permettent d'améliorer concrètement la vie des Français. Je profite ainsi de l'occasion qui m'est donnée pour vous demander, madame la ministre, des précisions sur les fonds d'urgence qui ont pu être mobilisés afin d'aider les sinistrés des dernières inondations du sud-est de la France. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quelles sommes pourront être débloquées au profit des habitants du Gard, mais aussi de ceux du Vaucluse et de l'Hérault, eux aussi très durement touchés ? Voilà bien, en effet, une illustration de ce que l'Europe peut apporter dans la vie quotidienne de nos concitoyens.
Pour autant, je reste réaliste et j'ai, tout comme vous sans doute, mes chers collègues, le souci de remédier au fait que la France ne consomme pas assez ou consomme mal les crédits européens qui sont gérés localement. En effet, il ne faudrait pas que cette « sous-consommation » soit le prétexte à des économies aveubles. Ce risque n'est pas à écarter.
Je ne doute pas que nous trouvions, comme nous avions déjà commencé à le faire sous le gouvernement de M. Jospin, des solutions tendant à plus d'efficacité, de lisibilité et de démocratie.
Vous comprendrez donc que je souhaite que cette analyse ne soit pas limitée aux seuls fonds structurels. Un inventaire très précis des conditions d'utilisation des crédits de la PAC, qui constitue l'essentiel de notre bénéfice européen, devra ainsi être établi, et ce sans tabou aucun. Nous ne pouvons, mes chers collègues, faire l'économie de ces réflexions si nous souhaitons aborder efficacement les prochaines négociations sur les perspectives financières.
J'en viens maintenant à mon second point : si je n'ai pas d'états d'âme s'agissant de notre « 1 % européen », je suis beaucoup plus réservé à l'égard du budget communautaire pour 2003.
On nous présente, à juste titre - M. le rapporteur spécial l'a fait avant moi -, ce budget comme « le » budget de transition, précédant l'élargissement de l'Union européenne à vingt-cinq membres. Pourtant, ce budget est avant tout placé sous le signe de la maîtrise à tout prix de la dépense communautaire, de la chasse aux marges de manoeuvre budgétaires, et ce dans un seul dessein affirmé : faire face au financement à très court terme de l'élargissement de l'Union européenne.
Certes, les résultats sont là : les dépenses communautaires se situent bien en deçà du plafond de 1,27 % défini à Berlin, et nous sommes désormais assurés de pouvoir financer l'intégration de futurs membres de l'Union, du moins dans un premier temps.
Est-ce là, pour autant, une vraie source de satisfaction ? Ce « sacrifice » budgétaire doit-il tenir lieu de projet européen ? Est-ce là la seule perspective que nous sommes en mesure de proposer aux peuples de l'Europe, qu'il s'agisse de ceux des pays membres ou de ceux des pays candidats ? Je ne le crois pas et, pour ma part, je ne le souhaite pas !
L'élargissement de l'Union européenne est une aventure enthousiasmante, que je soutiens sans réserve. L'Europe unie est, à mes yeux, à la fois une belle revanche sur l'histoire, un facteur de paix et de stabilité et un pari sur l'avenir.
Pour autant, l'Europe unie n'est pas une fin en soi. L'élargissement est non pas le terme de la construction européenne, mais un moyen d'action au service d'ambitions communes.
En ce qui me concerne, je refuse de limiter l'« Europe unie » à une simple considération géographique. L'Europe unie est un projet vivant, que nous devons confronter aux réalités, faire évoluer et alimenter sans cesse : c'est là tout le sens de la construction européenne que j'appelle de mes voeux.
Nous ne manquons pas d'objectifs politiques susceptibles d'unir et de mobiliser les Européens.
J'en veux pour exemple les actions en faveur de la croissance et de l'emploi. Tandis que l'Europe, toute l'Europe, se trouve confrontée à un ralentissement de sa croissance, nous aurions souhaité trouver, dans ce projet de budget, des mesures d'envergure permettant de recréer les conditions de la croissance et de la confiance, de relancer les investissements, d'encourager l'action des PME, d'assurer l'égalité des chances, de soutenir plus encore la formation continue.
Une autre ambition commune tient à la place de l'Europe dans le monde. On ne peut, d'un côté, vouloir faire de l'Europe des Vingt-Cinq une concrétisation de l'« Europe puissance », et, de l'autre, consacrer 4 % des dépenses communautaires à des actions extérieures diffuses et sans grande visibilité. Il y a là une contradiction majeure, qu'il est urgent de résoudre.
C'est là tout le sens des réserves que j'ai formulées sur ce projet de budget. Nous savons que l'élargissement a un coût, qui sera sans doute - et je rejoins sur ce point l'intervenant précédent - supérieur à 0,08 % du budget communautaire, chiffre initialement annoncé par la Commission européenne. Sommes-nous prêts à en accepter toutes les conséquences ?
Il y a tout juste cinquante ans, Jean Monnet faisait le pari que la Communauté économique du charbon et de l'acier constituerait le fondement de la construction politique européenne. Tirant les enseignements de notre histoire commune, nous devons garder à l'esprit que, sans une union économique volontariste et décemment financée, l'aventure européenne risque de s'éteindre. Avons-nous aujourd'hui le droit de décevoir, en nous satisfaisant de modestes aménagements financiers, celles et ceux qui veulent nous rejoindre ?
L'Europe a besoin, aujourd'hui plus que jamais, d'une coordination efficace des politiques économiques européennes, l'Europe a besoin d'un gouvernement économique européen, l'Europe a besoin d'un véritable budget européen.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Très bien !
M. Bernard Angels. Etes-vous prête, madame la ministre, à défendre ces priorités ? Bien entendu, comme vous vous en doutiez, le groupe socialiste votera l'article 33 du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, que je suis heureux d'accueillir à cette tribune, dans cette maison qu'elle connaît bien !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le vice-président de la délégation parlementaire pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureuse, pour les raisons que vous venez d'évoquer, d'être parmi vous aujourd'hui pour vous proposer d'approuver le prélèvement sur recettes au profit du budget communautaire.
Au-delà du débat sur ce prélèvement, qui représente 6,3 % de nos recettes fiscales nettes, ce rendez-vous annuel avec la Haute Assemblée nous est particulièrement utile pour définir l'orientation de la politique européenne de la France.
Plusieurs orateurs l'ont souligné : ce débat est tout particulièrement important aujourd'hui, à la veille de deux échéances décisives, pour ne pas dire vitales, qui sont d'ailleurs liées : l'élargissement de l'Union européenne, d'une part, l'élaboration d'une nouvelle Constitution dans le cadre des propositions de la Convention sur l'avenir de l'Europe, d'autre part.
Je voudrais, tout d'abord, remercier très chaleureusement M. Badré, rapporteur spécial qui est, en France, l'un des meilleurs connaisseurs non seulement des politiques européennes, mais également des grands enjeux de l'avenir de l'Europe.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est vrai !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Je constate, monsieur le rapporteur spécial, que vous vous livrez aujourd'hui pour la huitième fois à cet exercice de présentation de la contribution française au budget des Communautés européennes.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Je ne m'en lasse pas ! (Sourires.)
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Croyez bien, monsieur le rapporteur spécial, que tant vos suggestions que vos observations seront prises en compte par le Gouvernement.
Je voudrais également remercier M. Lanier, vice-président de la délégation parlementaire pour l'Union européenne, délégation avec laquelle j'ai le privilège d'avoir des contacts très étroits et très réguliers. Ces échanges me permettent d'étudier plus en profondeur les questions que soulève la politique européenne de la France.
Je tiens enfin remercier l'ensemble des orateurs de leurs interventions de très grande qualité et de leurs questions très pertinentes.
Je vais maintenant vous faire part, mesdames, messieurs les sénateurs, de nos préoccupations s'agissant de l'avenir de l'Europe et essayer de répondre à vos interrogations. Réussir l'élargissement, construire une Europe plus forte, plus démocratique et plus lisible pour les citoyens, donner à l'Europe les moyens de ses ambitions politiques grâce à un budget communautaire plus en rapport avec celles-ci : tels sont les thèmes sur lesquels je voudrais revenir.
En ce qui concerne plus précisément le budget, que l'on me permette tout d'abord de dresser un bref panorama des enjeux. Comme cela a déjà été souligné, sa progression est apparemment modérée, la contribution française pour 2003 étant de 15,8 milliards d'euros. Cette dernière paraît même être en régression par rapport à la loi de finances initiale de 2002, en raison de prévisions de solde divergentes.
Le moindre dynamisme du budget communautaire correspond, comme l'a fort justement souligné M. Badré, à des facteurs plus conjoncturels que structurels, mais il est bienvenu dans la période actuelle. Le montant total des ressources propres inscrit dans le projet de budget des Communautés européennes pour 2003 est légèrement inférieur à 100 milliards d'euros, soit 1 % du PNB communautaire : je crois qu'il faut souligner, à l'adresse de nos concitoyens, que la charge reste modeste.
Ce projet de budget s'articule autour de sept rubriques, dont les deux premières, relatives à la politique agricole commune, d'une part, et aux fonds structurels, d'autre part, revêtent pour nous une très grande importance et représentent 80 % des dotations.
L'enjeu du financement de la politique agricole commune est simple : il s'agit de maintenir les ressources de la principale politique commune de l'Union, une politique qui constitue un grand succès, y compris au regard des engagements financiers qu'elle a exigés, une politique qui profite particulièrement à notre pays, cela est vrai, mais aussi à l'Europe tout entière, et il convient d'insister sur ce point. L'objectif du maintien de la PAC est rempli pour ce qui est du budget 2003 qui vous est présenté, avec une progression de 1,3 % des dépenses agricoles. Pour le moyen terme, vous le savez, le Conseil européen de Bruxelles, après l'accord franco-allemand, permet de sauvegarder la politique agricole commune pour les années à venir. J'y reviendrai tout à l'heure.
Les fonds structurels, deuxième poste du budget de l'Union, représentent 34 % des dépenses. C'est aussi une politique extrêmement importante, qui participe d'ailleurs à une meilleure visibilité de l'Europe. Il y a une sous-exécution des fonds structurels, qui n'est pas acceptable. Elle est imputable à un échéancier bien trop optimiste, mais, surtout, à des lourdeurs administratives, à Bruxelles, c'est vrai, mais à Paris principalement. C'est une source d'insatisfaction : d'une part, pour l'autorité budgétaire qui vote de ce fait des budgets qui ne sont ensuite réalisés qu'en faible partie ; d'autre part, pour les élus locaux, surtout - et là est l'essentiel -, qui souffrent de délais trop longs dans la mise en oeuvre de leurs projets.
A cet égard, je partage pleinement les critiques qui ont été formulées par plusieurs orateurs, notamment par M. de Montesquiou.
Le budget qui vous est présenté constitue, vous l'admettrez, un effort de réalisme, puisque nous avons limité l'augmentation du budget. En outre, le Gouvernement français s'est engagé dans une réforme, que nous voulons mettre en oeuvre le plus tôt possible et que nous souhaitons la plus efficace possible, visant à une meilleure gestion déconcentrée des fonds structurels, notamment avec une expérimentation de décentralisation qui est menée en Alsace. Nous espérons très vite pouvoir tirer des enseignements bénéfiques des mesures qui ont été prises. Nous éviterons ainsi que les crédits non dépensés ne soient retirés. Nous éviterons aussi que des sanctions découlant de la règle dite du dégagement d'office ne nous soient infligées. Ce risque a été anticipé et ne concerne que les régions dites d'objectif 1, c'est-à-dire la Corse et les départements d'outre-mer, pour l'échéance du 1er janvier 2003.
Venons-en aux politiques dites internes, qui constituent la troisième rubrique du budget communautaire. Avec quelque 6,7 milliards d'euros, elles représentent 6 % du budget total.
Il s'agit effectivement d'un ensemble composite. Au sein de celui-ci, nous devons affirmer très fortement deux priorités.
La première, c'est la recherche. Chacun est conscient que, sans recherche, sans innovation, une civilisation, une société décline. C'est la raison pour laquelle nous accueillons très favorablement l'adoption récente du sixième programme-cadre européen de recherche et de développement, qui représente désormais, nous nous en félicitons, deux tiers de la dotation des politiques internes. Il marque un souci bienvenu de développer ce qu'il appelle des « réseaux d'excellence » à l'échelon européen. Cependant, l'adoption de ce budget s'est faite au prix d'un moratoire, car la recherche, dans les sciences de la vie tout particulièrement, porte sur des domaines extrêmement sensibles. Ce moratoire porte sur le financement européen des recherches sur les cellules souches embryonnaires, dans l'attente d'une analyse éthique plus approfondie de ces recherches. En 2003, auront lieu plusieurs grands débats éthiques : en France, avec la révision de la loi sur la bioéthique - enfin ! -, et en Allemagne, mais également en Espagne - nous l'avons appris hier au sommet de Malaga -, et dans le cadre de la conduite des recherches au niveau communautaire. Nous devons nous en féliciter. Le Sénat s'est toujours montré très sensibilisé à ces débats éthiques.
La seconde priorité, ce sont les réseaux transeuropéens. Je sais, monsieur Badré, que vous êtes très sensible à ce domaine, qui est évidemment un des domaines les plus structurants au niveau de la construction européenne, de l'aménagement du territoire à l'échelle de l'Europe et des liaisons entre les Etats, entre les bassins d'emploi et entre les bassins économiques de l'Europe. Ces réseaux concernent les transports et l'énergie. Ils concernent également les télécommunications. Vous avez eu raison, monsieur Badré, de souligner la faiblesse des crédits alloués à ce secteur - à peine 0,7 % du budget communautaire -, même s'ils augmentent légèrement.
En tant que grand pays de transit, la France a, et nous en sommes conscients, un rôle majeur à jouer pour dynamiser ces réseaux transeuropéens, qui ont un rôle dans le fonctionnement du marché intérieur et qui sont d'un intérêt vital pour la croissance économique.
La circulation par notre territoire du fret routier, du fret ferroviaire ou de l'électricité, pour ne citer que ces cas, a effectivement un intérêt vital.
Nous souhaitons que, à terme, les réseaux transeuropéens puissent bénéficier de crédits plus importants qu'aujourd'hui, notamment pour des grands projets d'infrastructures d'intérêt européen. Je citerai, par exemple, l'axe Perpignan-Figueras et le TGV Est, qui sont actuellement handicapés par la faiblesse des ressources nationales. Ces infrastructures, qui ont, si je puis dire, une rentabilité qualitative, ne sont pas profitables à court terme sur le plan quantitatif. Ce sont des projets d'intérêt général communautaire, comme nous nous efforçons de le faire comprendre à nos partenaires. Nous nous heurtons à certaines résistances et rencontrons des réticences, mais nous entendons poursuivre hic et nunc notre entreprise de persuasion pour que les réseaux transeuropéens deviennent une véritable priorité communautaire, selon votre souhait, monsieur le rapporteur spécial.
Les actions extérieures de l'Union européenne, regroupées dans la quatrième rubrique, s'établissent, en crédits d'engagement, à 4,9 milliards d'euros. Cette rubrique n'est pas négligeable. Elle permettra notamment de financer des actions de l'Union dans les Balkans, comme la mission de police en Bosnie qui débutera en janvier. S'agissant de la politique étrangère et de sécurité commune, il faut se réjouir du dialogue entre les deux branches de l'autorité budgétaire - le Parlement européen et le Conseil -, qui a permis de parvenir, le 25 novembre dernier, à un accord au terme d'un débat dans lequel le Parlement européen a d'ailleurs revendiqué plus de compétence, une compétence politique sur la PESC. Monsieur Lanier, cette compétence n'appartient pas au Parlement.
Néanmoins est posé le problème d'une extension, d'un renforcement de la PESC, dont le budget, qui s'élève à 35 millions d'euros, est actuellement minime.
La cinquième rubrique concerne les dépenses administratives, qui représentent 5,4 % du budget communautaire. L'approche de l'élargissement avait conduit les institutions communautaires à solliciter une hausse très importante du budget administratif mais, dans le cadre d'une approche maîtrisée des dépenses, le Conseil a retenu une hausse plus modeste, que le Sénat, à travers la résolution déposée au mois de juillet par M. Badré, avait lui-même proposée. Ainsi, la hausse des dépenses administratives est limitée à 3,6 %, tandis que les institutions ont été incitées à préparer l'élargissement, pour l'essentiel, par un redéploiement des moyens. De même que nous pensons à une réforme de l'Etat, une réforme des moyens des institutions communautaires est engagée à l'occasion de l'élargissement, ce qui est positif.
La dernière rubrique regroupe les aides de préadhésion. Dotées en crédits d'engagement d'un peu plus de 3 milliards d'euros, ces aides sont destinées à favoriser le rattrapage économique des pays candidats. C'est un investissement essentiel, à long terme, qui commence à produire ses fruits, pour la prospérité de ces pays qui connaissent, comme vous le savez, un taux de croissance important, évalué à plus de 4 % pour 2003. C'est également un investissement essentiel pour la prospérité de l'ensemble des pays de l'Union. J'y reviendrai, monsieur Angels.
Je terminerai ce tour d'horizon budgétaire par un événement qui modifie l'exécution budgétaire pour 2002 et qui la modifiera peut-être en 2003 : les catastrophes naturelles, qui ont été évoquées par plusieurs d'entre vous, notamment par M. Angels.
Il faut se féliciter de la réaction rapide de l'Union face aux événements tragiques qu'ont connus, dans un premier temps, plusieurs pays de l'Europe centrale, puis notre pays. Les fonds structurels et les crédits de préadhésion ont en effet pu, de manière souple et rapide, être réorientés afin de reconstruire les zones sinistrées, ce qui vaudra pour les trois départements que vous avez cités, monsieur Angels. L'ampleur des inondations a en outre suscité la mise en place d'un instrument nouveau, un fonds européen spécifique, doté d'un milliard d'euros. Celui-ci joue à plein dans deux cas : d'une part, lorsque les Etats membres sont confrontés, comme cela a été le cas en Allemagne ou en Autriche, à des tragédies d'ampleur exceptionnelle dépassant un certain seuil ; d'autre part, lorsqu'il est nécessaire de compléter la réorientation des fonds par des interventions plus mesurées, au cas par cas. Au titre de ce fonds, les sinistrés du Gard vont pouvoir bénéficier de 22 millions d'euros. Ce mécanisme, qui s'ajoute à la solidarité nationale et aux dispositifs d'assurance qui existent dans nos pays, constitue, à l'évidence, un exemple concret de solidarité européenne. Il a joué pour les Etats membres comme pour les Etats candidats, ce qui montre bien que l'Europe élargie est déjà en grande partie une réalité.
J'en viens à l'élargissement.
Dans moins d'un mois, les négociations d'adhésion des six nouveaux membres de l'Europe pour le 1er mai 2004 devraient s'achever. Le traité unique d'adhésion devrait être signé à Athènes, le 16 avril 2003. Ainsi, les citoyens des futurs partenaires de l'Europe pourront, en principe, participer aux élections européennes de juin 2004.
Ce cinquième élargissement, le plus important, à la fois quantitativement et politiquement, quinze ans après la chute du mur de Berlin, tourne la page de la division du continent ; c'est donc une date historique. Nous devons - et c'est l'esprit dans lequel le Gouvernement conduit ces négociations en vue de l'élargissement - l'envisager avec tout l'enthousiasme que justifie le retour de nos nouveaux partenaires dans la famille de l'Union, dans la famille des démocraties de l'Union européenne.
Après le résultat positif du second référendum irlandais sur la ratification du traité de Nice, le Conseil européen a, dans la dynamique ainsi créée, levé les derniers obstacles véritables à la conclusion des négociations. L'accord préalable entre le Président de la République française et le Chancelier allemand a permis de dégager une position à laquelle les treize autres partenaires de l'Union se sont ralliés sans hésitation. Il s'agit d'une position commune sur le « paquet » financier de l'élargissement. C'est la base de la négociation qui sera conclue les 12 et 13 décembre prochain à Copenhague, et qui porte sur trois points.
Le premier, c'est l'octroi des aides directes aux agriculteurs des futurs Etats membres, qui était essentiel pour eux compte tenu de l'importance de cette population dans la plupart de ces pays.
Le deuxième point, c'est l'offre de l'Union aux candidats pour des actions structurelles. L'exemple de l'Espagne montre, à l'évidence, l'importance que revêt, pour l'intégration à l'Union, les actions menées sur le terrain du développement régional.
Le troisième point, c'est la compensation budgétaire qui sera accordée aux nouveaux membres dont le solde net viendrait à se dégrader au moment de l'adhésion par rapport au montant des aides de préadhésion perçues en 2003. Lors de mes contacts très fréquents avec mes homologues des pays candidats, j'ai pu observer qu'ils craignaient d'être des contributeurs nets. En effet, la difficulté est aussi, pour eux, de « vendre », si je puis dire, à leurs opinions publiques tout l'intérêt de l'élargissement. Or une contribution nette ne leur permettrait pas de promouvoir, comme ils le souhaitent, leur future adhésion à l'Europe.
Par ailleurs, et cela a été acté à Bruxelles, un principe de globalité a été posé de manière générale par une référence à la discipline budgétaire que chaque pays doit consentir. Soutenue par la France et par l'Allemagne, cette approche pèsera sur la négociation des prochaines perspectives financières 2007-2013, prévue en 2006 et, pour la première fois, je le redis ici, la question de la compensation britannique est clairement sur la table.
S'agissant de l'agriculture - je serai brève puisque cela a déjà été dit - le Conseil européen a pris plusieurs décisions. Il a décidé l'accroissement progressif des aides directes agricoles aux nouveaux Etats membres d'ici à 2013. Il a également décidé une stabilisation du budget du premier pilier de la politique agricole commune - dépenses de marché et aides directes - en euros constants, avec, néanmoins, la prise en compte d'un taux d'inflation évalué à 1 %, ce que demandaient notamment les Pays-Bas, puisque, à l'origine, était envisagé 1,5 %. Enfin, le Conseil a décidé la sauvegarde de la conception actuelle de la PAC. La France ne souhaite pas une révision anticipée de cette politique commune, qui fragiliserait inutilement notre agriculture dans le contexte actuel. Nous souhaitons donc - et cela a été acté - maintenir l'échéancier des accords qui ont été passés à Berlin sur le « paquet » financier de la PAC jusqu'à la fin de 2006.
Cet accord a ainsi permis de réaffirmer ce calendrier, de recadrer l'exercice technique de la revue à mi-parcours, qui devra intervenir prochainement, et, surtout, de faire échec à la volonté de certains de nos partenaires de provoquer, à la hâte et de manière anticipée, une réforme radicale de la PAC en tirant prétexte de l'élargissement et, surtout - mais la tâche est devant nous -, en s'appuyant sur les débats qui auront lieu dans le cadre des négociations de l'Organisation mondiale du commerce, le cycle de Doha, s'agissant des rapports entre les pays en développement et l'Europe. Le sujet est posé et je retiens les suggestions faites par certains d'accentuer l'oeuvre de l'Union européenne d'aide à ces pays dans le cadre des accords ACP, Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Il s'agit, certes, d'une logique légèrement différente, mais elle s'inscrit aussi dans les préoccupations qui sont les nôtres s'agissant des liens de coopération avec les pays en développement.
En ce qui concerne les actions structurelles et la compensation budgétaire, le Conseil européen a décidé que l'offre de l'Union aux candidats pour les fonds structurels s'élèverait à 23 milliards d'euros pour la période 2004-2006, soit 2,5 milliards d'euros de moins que la proposition de la Commission, et que les candidats auraient droit à une compensation par la dépense s'ils devaient se trouver contributeurs nets. Ces paiements seront dégressifs et temporaires. Sur cette période, je le dis notamment à l'attention de Mme Bidard-Reydet, les nouveaux entrants de l'Union, y compris la Slovaquie, seront donc gagnants en termes budgétaires.
Qu'en est-il du coût de l'élargissement ? On peut dire qu'il est modéré. Il est théoriquement - c'est la somme qui a été arrêtée - de 25 milliards d'euros pour les engagements de la période 2004-2006, dont 5 milliards d'euros à la charge de la France. Vous le constatez, cette participation est modérée eu égard à notre contribution annuelle au budget de la Communauté. La dépense devrait même être inférieure, puique près de 2 milliards d'euros seulement seront effectivement déboursés par le budget national d'ici à 2006, soit moins de 1 milliard d'euros par an. Au-delà, le coût dépendra, bien sûr, de l'issue des prochaines négociations financières, qui porteront sur la période 2007-2013. Comme MM. Lanier et Del Picchia l'ont fort bien dit, si l'élargissement a un coût budgétaire, celui-ci doit être assumé, car il est pleinement compensé par les bénéfices de la réunification du continent en termes de paix et de prospérité, et donc d'obtention de nouveaux débouchés pour nos entreprises. Celles-ci ont déjà très largement investi dans ces pays. Nous sommes, par exemple, le premier investisseur en Pologne. L'expérience de l'Espagne montre que le rattrapage des pays se fait à une vitesse accélérée. C'est l'affaire de plus d'une dizaine d'années. Peut-être le rattrapage complet ne sera-t-il effectif que dans quinze ou vingt ans. Je rappelle que, depuis 1970, pour prendre l'exemple de l'Espagne qui avait ce rattrapage à effectuer, les parts de marché de la France dans ce pays sont passées de 2,5 % à plus de 9 %.
Les conclusions du Conseil européen de Bruxelles laissent, vous le constatez, une marge très réduite de négociation. Les pays candidats, c'est, à mes yeux, un signe très encourageant, font preuve de compréhension et de réalisme. Ils sont parfaitement conscients des limites de l'engagement financier possible des pays qui les accueillent.
Les discussions se concentrent essentiellement sur le volet budgétaire et sur l'agriculture.
Sur ce dernier point, les pays candidats savent parfaitement que seuls sont envisageables des ajustements limités, portant notamment sur les quotas laitiers et sur la possibilité pour les futurs membres, pendant la période de montée en puissance des aides directes agricoles, d'abonder à l'échelon national les aides perçues par leurs agriculteurs. Nous leur permettons donc d'octroyer 100 % des aides, au lieu de les limiter à 25 % la première année et de les augmenter ensuite de 5 % par an jusqu'à la fin de 2006.
Le Conseil européen devrait par ailleurs adresser un signal politique fort à la Bulgarie et à la Roumanie, qui ont fait des efforts tout à fait considérables depuis quelques années pour intégrer l'acquis communautaire. Les Français seront particulièrement attentifs à ce que ce signal comporte comme objectif l'année d'adhésion 2007. Nous souhaitons que le message soit véritablement encourageant pour ces pays, qui sont un peu « laissés au bord de la route » et qui, vous le savez, sont de grands amis de la France. En Roumanie par exemple, qui compte 22 millions d'habitants, plus du quart de la population parle le français.
Nous veillerons néanmoins, pour ces pays comme pour les autres, à ce que la mise en oeuvre de l'acquis communautaire se fasse de manière très stricte, en insistant tout particulièrement sur le volet justice-affaires intérieures. Ainsi, la mise à niveau des capacités juridictionnelles, notamment en termes de formation des magistrats, nous paraît essentielle au bon fonctionnement du marché intérieur et, pour la Bulgarie et la Roumanie, à la bonne conduite des démarches en vue de l'adhésion. Le suivi de ce volet devrait d'ailleurs être assorti d'une augmentation des aides de pré-adhésion pour ces deux pays.
Au-delà de la conclusion des négociations avec les dix pays candidats, au-delà même du message qui devra être adressé à la Bulgarie et la Roumanie, la préparation du Conseil européen de Copenhague, vous le savez, porte sur deux autres questions beaucoup plus sensibles, celle du règlement de la crise chypriote, d'une part, et celle de la détermination de la prochaine étape de la candidature de la Turquie, d'autre part.
S'agissant de Chypre, le plan de règlement global qui a été présenté le 11 novembre dernier par le secrétaire général des Nations unies laisse entrevoir, pour la première fois depuis longtemps, une possibilité réelle de mettre enfin un terme à une division de l'île qui est un non-sens par rapport à l'idée de réconciliation qui est à la base même de la construction européenne. Vous le savez, l'Union européenne a toujours marqué sa préférence pour l'adhésion de Chypre réunifiée, sans toutefois faire de cette réunification un préalable absolu. Il faut maintenant espérer que les parties parviendront à un accord avant le sommet, avant le 12 décembre. Le délai imparti peut paraître court au regard de la durée du conflit, qui a commencé il y a plus de vingt-huit ans, mais tous les paramètres et toutes les solutions envisageables et acceptables sont connus : c'est maintenant la volonté politique qui doit être au rendez-vous, et la France en appelle très solennellement aux différentes parties pour la manifester.
Si, comme nous le souhaitons, les parties chypriotes parviennent à un accord, l'Union européenne devra le prendre en compte dans le traité d'adhésion et, en conséquence, débloquer une aide substantielle afin d'en accompagner la mise en oeuvre ; elle a déjà provisionné 206 millions d'euros à cet effet.
La question relative à la Turquie, M. Del Picchia l'a relevé, est particulièrement délicate, non seulement pour la France, mais aussi pour nos quatorze partenaires européens.
Quelles seront les prochaines étapes de la candidature de la Turquie, qui, rappelons-le, a été acceptée par le Conseil européen en 1999 ?
Nous sommes parfaitement conscients du souhait d'Ankara d'obtenir à Copenhague une date précise pour l'ouverture des négociations d'adhésion. Les dirigeants du nouveau parti au pouvoir, l'AKP, ont réaffirmé cet objectif avec force le jour même de leur victoire électorale, le 3 novembre dernier, et M. Erdogan, qui est reçu aujourd'hui par M. le Président de la République à l'Elysée, s'en entretiendra très certainement avec lui.
La condition qui est posée à la Turquie pour l'ouverture de ces négociations, comme aux autres pays - et comme d'ailleurs, avant elle, à tous les autres pays dont la candidature à l'adhésion à l'Union a été retenue -, est le respect des critères politiques définis à Copenhague en 1993.
La Turquie - le Conseil européen de Bruxelles l'a reconnu, et le Président de la République l'avait indiqué dans sa conférence de presse à Bruxelles le 25 octobre dernier - a fait des progrès extrêmement importants et tout à fait encourageants, bien qu'encore insuffisants. Nous prenons acte des deux facettes de l'évolution de ce pays.
Le nouveau gouvernement turc, c'est notre sentiment, devra donc être jugé sur son programme et sur ses actes. Nous prendrons également en compte sa volonté d'oeuvrer concrètement en faveur d'un règlement à Chypre et de lever, d'ici au sommet de Copenhague, les obstacles qu'il met encore aux arrangements permanents entre l'Union européenne et l'OTAN. Ces arrangements permanents sont en effet absolument indispensables à la conduite de l'opération que l'Union européenne souhaite conduire en Macédoine pour prendre la relève, le 15 décembre prochain, de l'opération Amber Fox, menée par les Etats-Unis encore aujourd'hui.
Il faut être clair : l'intérêt de l'Union est évidemment de renforcer l'ancrage européen de la Turquie ; mais elle n'a jamais transigé, et c'est un aspect tout aussi essentiel, sur le respect effectif des critères politiques de l'Etat de droit comme préalable à l'ouverture des négociations d'adhésion.
J'en arrive au troisième point : la Convention sur l'avenir de l'Europe. Comme l'a indiqué tout à l'heure M. le rapporteur spécial, il ne s'agit pas ici de conduire un débat sur cette Convention, et mon propos sera bref.
La Convention a ouvert une nouvelle phase extrêmement importante de ses travaux puisque, depuis quelques semaines, voire depuis quelques jours, se multiplient les contributions des Etats : la Belgique et les Pays-Bas sont intervenus ; le 15 décembre, les pays du Benelux feront connaître leur position par une contribution commune ; le 5 décembre, la Commission européenne fera elle-même part de ses propositions. La France, vous le savez, a déposé sur la défense des contributions élaborées avec son partenaire allemand, et des contributions franco-allemandes portant sur le volet justice-affaires intérieures sont également à l'étude et seront vraisemblablement présentées dans huit jours. Par ailleurs, M. de Villepin et M. Fischer préparent une déclaration conjointe sur l'avenir de l'Europe et l'architecture institutionnelle de la nouvelle Europe qui devrait être rendue publique à la fin du mois de janvier, à l'occasion de la célébration du quarantième anniversaire du traité de l'Elysée.
Toutes ces questions font l'objet de débats et, comme M. de Villepin le rappelait hier encore, lors du sommet franco-espagnol de Malaga, à son homologue Mme Ana de Palacio, elles restent ouvertes.
Les principales interrogations portent sur l'exécutif européen, sur le président du Conseil, sur le président de la Commission : faut-il un président unique pour ces deux instances ? Nous avons pris une option pour un président du Conseil, désigné par celui-ci à la majorité qualifiée, qui pourrait incarner sur la scène internationale l'idée d'une Union qui ait un poids dans le monde, mais cette proposition est très discutée et n'a pas reçu l'approbation de la majorité des Etats.
La question du futur ministre des affaires étrangères de l'Europe recueille un beaucoup plus large assentiment de la part de nos partenaires et des pays candidats, mais des incertitudes subsistent. Quel sera son statut ? Quels seront ses pouvoirs ? De quels moyens budgétaires diposera-t-il ?
La proposition de créer un Congrès, qui émanait du président de la Convention et que nous avons reprise parce qu'elle nous appararaissait comme une très bonne façon d'associer davantage les parlements nationaux à la démarche communautaire, n'a pas la faveur de nos partenaires. Nous insistons néanmoins sur le fait qu'il s'agissait non pas d'une nouvelle institution, mais de la réunion des parlements nationaux et des parlementaires européens pour débattre, notamment, de l'état de l'Union européenne. Mais cette question aussi reste ouverte.
M. Del Picchia a soulevé le problème de la défense : c'est pour nous une idée majeure, et nous progressons grâce à la formulation de propositions en matière de coopération renforcée et d'accroissement des capacités et des équipements militaires utiles à l'Europe. Ce point a été d'ailleurs abordé avec nos partenaires espagnols, hier encore, au sommet de Malaga.
Justice et affaires intérieures, coopération policière, parquet européen : toutes ces questions font également l'objet de larges conversations. Nos partenaires font preuve à cet égard d'une grande ouverture d'esprit, car qui dit espace de liberté dit aussi, malheureusement, espace de criminalité. Gouvernements ou parlements nationaux, nous avons tous le sentiment que l'Europe ne peut se construire que si nous renforçons très sensiblement la sécurité tant sur notre territoire qu'à nos frontières. Il est envisagé de déposer des propositions communes en la matière et de mener un travail avec, notamment, nos amis espagnols et nos amis hollandais.
En ce qui concerne la gouvernance économique, M. Lanier a souligné que les travaux de la Convention restaient tout à fait insuffisants. On ne peut pas créer une monnaie unique et s'arrêter au milieu du chemin, sans pouvoir assurer toute la stabilité nécessaire ni tirer tous les bienfaits de cette monnaie unique. Il faut une meilleure coopération, une meilleure coordination des politiques économiques et budgétaires. Là aussi, nos propositions vont assez loin, et nous cherchons à recueillir l'accord de nos partenaires, que ce soit pour mieux coordonner les grandes orientations économiques et les lignes directrices de l'emploi - la politique économique ne peut pas être aveugle -, pour conforter l'institutionnalisation de l'Eurogroupe, qui doit prendre des décisions, en obtenant qu'il soit au moins mentionné dans le traité, ou encore pour améliorer les mécanismes de surveillance de la discipline économique et budgétaire des Etats.
Nous menons actuellement des discussions approfondies sur tous ces sujets, et je dois dire que nous sommes souvent plus ambitieux que nos partenaires.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Nous souhaitons aussi élargir le champ des discussions pour inclure l'Europe sociale, l'Europe de la culture, l'Europe de la santé : tout ce qui permettra à l'Europe de devenir un élément de la vie quotidienne. La sécurité maritime en est un exemple.
Nous ne pouvons justifier l'oeuvre que nous accomplissons en construisant cette Union des Etats, cette Union des peuples de l'Europe, que si ces derniers en ressentent l'effet bénéfique sur leur vie quotidienne. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé une contribution sur l'Europe sociale et obtenu de la Convention la création d'un groupe sur l'Europe sociale : il ne s'agit pas de transformer l'Europe en un simple marché de libre-échange susceptible d'entraîner, au contraire, une déstabilisation de la société et un approfondissement des inégalités.
M. Jean Chérioux. Très bien !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. S'agissant d'une autre gouvernance économique, celle de la mondialisation, Mme Bidard-Reydet m'a interrogée sur le rapport de la Commission relatif à la taxe Tobin. Ce rapport, plutôt critique, a été rendu public en février dernier, et le Conseil Ecofin a adopté en mars des conclusions qui mettent l'accent sur l'importance de la lutte contre les abus de la mondialisation, sans toutefois, vous le savez, retenir sur la taxe Tobin.
Nous sommes très sensibles à tout ce qui a trait au développement durable, car la croissance, en effet, ne doit pas entraîner des ruptures et des dommages qui rendraient inacceptables les conditions mêmes de son accélération. Nous insistons donc tout particulièrement, y compris auprès de nos partenaires européens, sur les enjeux du développement durable.
Les travaux de la Convention nous donnent l'occasion de proposer une rénovation des procédures budgétaires, dont MM. Badré et Lanier ont à juste titre souligné à quel point elles empêchaient le consentement éclairé à l'octroi des ressources nécessaires au budget et, plus encore, au suivi de leur emploi, alors que l'un et l'autre figurent au coeur même de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Les résolutions que votre assemblée a déposées sur l'avant-projet de budget constituent une première réponse, et je suis heureuse que M. Angels ait souhaité que la Haute Assemblée puisse alimenter le débat, très haut en amont.
Nous sommes favorables à une telle rénovation, car il est effectivement nécessaire de revoir la procédure budgétaire européenne : elle est beaucoup trop ésotérique, qu'il s'agisse des dépenses obligatoires ou non obligatoires, d'ailleurs. Il est temps de les simplifier et de les rendre plus lisibles pour éviter une dilution des responsabilités qui irait à l'encontre tant de nos intérêts nationaux que de l'intérêt communautaire.
Nous souhaitons d'ailleurs, en soutenant la création d'un Congrès qui débattrait annuellement de l'état de l'Union, que figure à l'ordre du jour des travaux de cette instance une discussion sur les grandes orientations budgétaires de l'Union à laquelle pourraient participer les parlementaires nationaux des différents pays membres.
Vous avez eu raison de souligner, monsieur le rapporteur spécial, que l'impôt européen ne pourrait se concevoir, en l'absence de compétences nouvelles, qu'en remplacement d'une autre taxation nationale, et non comme une charge additionnelle. La majorité des pays ne souhaitent pas instaurer un tel impôt, mais une réflexion globale est engagée à laquelle nous participerons, bien sûr, très activement.
L'Europe doit rénover ses institutions, y compris en matière budgétaire. Le débat budgétaire est en effet la marque de l'adhésion à une communauté politique, et c'est la seule. Il s'agit là de l'un des grands enjeux de l'avenir de l'Europe.
L'autre grand enjeu qui a été souligné ici est celui de la citoyenneté et, surtout, du sentiment d'appartenance à l'Europe que nos concitoyens doivent éprouver. Nous ne pouvons pas conduire cette démarche européenne, qui est exigeante en termes de solidarité, sans que cette solidarité soit assumée par chaque citoyen et par chaque citoyenne. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre lancera prochainement une campagne d'information et que, parallèlement, je me rendrai sur le terrain pour expliquer l'Europe, pour parler de l'Europe. J'ai également donné le départ, il y a quelques jours, à un convoi de jeunes qui vont se rendre dans toutes les régions et dans tous les territoires de France pour expliquer l'Europe qu'ils connaissent.
Mais il faut aller plus loin, tant il est vrai que l'on ne peut se contenter de campagnes d'information et de communication, et mener une réflexion plus approfondie sur la notion de citoyenneté européenne, comme l'évoquait M. Del Picchia. Cette notion figure déjà dans le traité de Maastricht de 1992, mais elle mérite d'être mieux éclairée, du fait de la circulation des ressortissants nationaux, notamment français, dans les différents pays de l'Union : les investisseurs, les travailleurs, les étudiants. Il faudra préciser la citoyenneté européenne, car elle rend son bénéficiaire titulaire de droits et d'obligations qui devront faire l'objet de débats et, pourquoi pas, être beaucoup plus clairement mentionnés dans le futur traité constitutionnel.
De même, nous souhaitons que la France soit exemplaire tant dans sa gestion des fonds structurels - j'ai évoqué ce point tout à l'heure - que par sa façon de respecter ses engagements à transposer les directives. En effet, il n'est plus possible que nous adhérions à des directives si nous ne sommes pas d'accord pour les transposer ensuite. Mieux vaut s'opposer à l'adoption d'une directive, en amont, plutôt que de résister à sa transposition quand il est trop tard et que cela nous expose à des procédures d'infraction. Vous le savez, nous sommes les champions européens du nombre de procédures d'infraction diligentées contre nous pour non-transposition des directives dans les délais !
A cet égard, je partage les suggestions que M. de Montesquiou avait formulées dans une proposition de loi, et le Gouvernement s'en est fortement inspiré, comme il s'est inspiré des débats du Sénat en prenant l'engagement que soit organisé régulièrement au Parlement, si possible chaque mois, un débat sur la transposition législative des directives européennes.
Il faut absolument que nous prenions nos responsabilités, car nous serons ainsi beaucoup plus forts pour discuter, voire pour nous opposer aux directives que nous ne souhaitons pas ensuite voir transposer.
En conclusion, je dirai que le débat d'aujourd'hui est essentiellement un débat budgétaire. Mais ce débat doit nous faire prendre conscience, à nous Français, en tant que pionniers de l'Europe depuis son origine - puisque cette construction tout à fait hors du commun qui est devenue l'Union européenne est un peu sortie, après la guerre, de l'imagination de nos concitoyens visionnaires, qu'il s'agisse de chefs d'Etat, de diplomates ou de ministres -, que la politique européenne requiert un véritable travail de pédagogie.
Ce travail a déjà commencé ici, au Parlement, par cette discussion sur les moyens de l'Europe et ses ambitions politiques. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 33.

(L'article 33 est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen de l'article 33 relatif à la participation de la France au budget des Communautés européennes.

Recettes des collectivités locales (suite)