SEANCE DU 28 NOVEMBRE 2002


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la jeunesse, l'éducation nationale et la recherche : II. - Enseignement supérieur.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, je rapporte pour la septième fois les crédits de l'enseignement supérieur, et je m'adresserai à vous comme je m'étais adressé à vos prédécesseurs, sans reprendre d'ailleurs l'ensemble des informations figurant dans le rapport écrit, parce que je suppose que tous les participants à ce débat l'ont lu de manière approfondie. Je centrerai donc mon propos sur le développement du sous-titre que j'ai donné à ce rapport : « Le moment de vérité ».
C'est en effet, au commencement de l'année universitaire et à la veille de l'exercice 2003, le moment de vérité. Je voudrais tout d'abord vous remercier, monsieur le ministre, de l'avoir saisi pour dire la réalité de la situation universitaire en France, d'avoir fourni à la commission des finances l'ensemble des informations qu'elle vous avait demandées, d'avoir marqué votre souci de mettre en oeuvre les dispositions de la loi organique relative aux finances.
Vous avez reconnu que la situation universitaire française était faite d'ombres et de lumières, qu'elle comportait des contrastes, avec des aspects positifs extrêmement importants, traduits dans les mesures budgétaires nouvelles que vous nous présentez, mais aussi des problèmes fondamentaux qui subsistent, n'ayant pas, jusqu'à présent, trouvé de solution, alors que vous avez exprimé la volonté de les résoudre.
Cet effort de vérité et de sincérité, nous l'avons apprécié, notamment lorsque vous nous avez indiqué, à l'occasion de votre conférence de presse et des réponses que vous avez apportées à la commission des finances, qu'une sorte de ralentissement, de blocage de l'effort d'investissement universitaire et de requalification du patrimoine se manifeste ; vous avez reconnu aussi, et c'est un autre effort de vérité que nous apprécions, que des difficultés importantes se font jour, dans le premier cycle universitaire, en matière d'orientation et d'efficience ; vous avez enfin reconnu, et c'était à mes yeux un moment de vérité important, que, dans le domaine de l'action sociale, un certain retard existe en ce qui concerne notamment les conditions de vie des étudiants et les aides indirectes qui leur sont accordées par le biais des résidences et de la restauration universitaires.
A l'heure de la présentation du projet de budget pour 2003, moment privilégié du dialogue entre le Sénat et votre ministère, le même impératif de vérité me guidera pour vous poser quatre questions fondamentales. La procédure des questions et des réponses suivie ce matin ne s'applique pas à notre débat, mais j'ai pensé que celui-ci serait plus vivant si j'adoptais cette démarche.
Ma première question sera la suivante : comment relancer vraiment l'effort d'investissement universitaire, comment requalifier vraiment le patrimoine en développant les crédits d'entretien et de maintenance, comment améliorer vraiment le taux actuel, qui est très insuffisant, de réalisation des contrats de plan liant l'Etat et les régions, principalement dans le cadre de ce que l'on a appelé le plan U 3 M ou plan université du troisième millénaire ?
Ma deuxième question concernera l'efficience du premier cycle. Vous avez rappelé, lors de votre conférence de presse d'octobre dernier, que des lacunes en matière d'orientation, de monitorat, d'encadrement et de soutien, ainsi que des taux d'échec trop élevés, composaient une situation intolérable et qu'il fallait concentrer les efforts afin de l'améliorer. Comment pensez-vous pouvoir progresser dans ce domaine essentiel de l'efficacité du système universitaire ?
Ma troisième question est fondamentale. Nous croyons à l'autonomie des établissements publics universitaires dans le cadre du service public national de l'université : il faut donc développer cette autonomie, mais aussi le contrôle et l'efficacité, sur les plans de la pédagogie, de la recherche et de la gestion. Comment, monsieur le ministre, comptez-vous procéder ? Sera-ce par une réforme de la loi sur l'enseignement supérieur de 1984, ou par le biais d'un ensemble de dispositifs concernant la vie quotidienne et les projets de développement de chacun des établissements publics ? Nous sommes favorables, comme nous l'avons toujours dit ces dernières années, à l'autonomie des établissements publics universitaires, dans le respect du service public national. Comment progresser vers cet objectif qui, je crois le savoir, est aussi le vôtre ?
Enfin, ma quatrième question sera relative à la décentralisation : comment aborder dans de meilleures conditions le débat sur ce thème ? En effet, le rapport fait apparaître que le débat sur la décentralisation - ce n'est ni votre faute, monsieur le ministre, ni celle des collectivités locales - s'amorce dans des conditions quelque peu délicates.
D'une part, les collectivités locales gardent le souvenir des transferts de compétences pour les collèges, en ce qui concerne les départements, et pour les lycées, en ce qui concerne les régions. Elles font donc preuve, et cela peut se comprendre, d'une certaine prudence. Le débat sur la décentralisation s'est aussi engagé dans des conditions difficiles parce que, malheureusement, tout esprit objectif peut observer une disqualification d'une partie du patrimoine, pour lequel des problèmes de contamination par l'amiante ou de sécurité se posent.
D'autre part, l'effort d'investissement, la programmation partenariale et l'efficacité du programme d'investissement des universités demeurent insuffisants.
Ces conditions défavorables ne nous empêchent pas de croire à la décentralisation, à la nécessité de consentir un effort. Nous souhaitons, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur les perspectives du dialogue qui va s'engager avec les collectivités locales des différents niveaux pour déterminer dans quels domaines la décentralisation pourra s'exercer, dans quel cadre contractuel et selon quel calendrier d'éventuelles expérimentations pourront se dérouler. Quels sont les axes de votre réflexion au regard de ce grand débat national sur la décentralisation ? Bien entendu, des principes fondamentaux, tels que le service public national universitaire, le partage des responsabilités, le partenariat, qui existe déjà pour les divers niveaux d'enseignement et qui doit être étendu à l'enseignement supérieur, et l'exercice de responsabilités dans un cadre financier acceptable et permettant un développement de la qualité de l'université, devront être respectés.
Nous avons une grande ambition pour l'université française. Nous souhaitons que l'effort public et national pour l'université soit une priorité, nous souhaitons que les universités françaises, dans un climat de réelle compétition, soient de véritables pôles d'excellence, en matière de pédagogie, de recherche et aussi de gestion. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que moins expérimenté que mon excellent collègue Jean-Philippe Lachenaud, je vous ferai part de quelques réflexions, qui sont également autant de questions.
Avec 8,8 milliards d'euros, le projet de budget de l'enseignement supérieur pour 2003 marque une progression de 1,05 % par rapport à 2002, ...
M. Jean-Pierre Sueur. Il régresse !
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis. ... soit une augmentation inférieure de moitié à celle de l'exercice précédent, ainsi qu'à celle du budget de l'enseignement scolaire pour 2003.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait ! C'est une régression !
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis. Cette progression limitée, qui n'est pas condamnable en soi, résulte pour l'essentiel, comme vous le savez, de l'ajustement, au demeurant légitime, des crédits d'investissement, qui sont consommés depuis plusieurs années avec retard, et de l'évolution des crédits d'aide sociale directe, qui tendent à plafonner du fait de l'achèvement du plan social étudiant.
A tous égards, ce projet de budget apparaît donc comme un exercice de transition qui, à l'exception de quelques mesures significatives tendant à réduire l'échec universitaire en premier cycle et à introduire davantage de parité entre l'enseignement supérieur public et l'enseignement supérieur privé, problème qu'il faudrait d'ailleurs poser de manière globale, ne porte pas encore la marque d'orientations nouvelles et vise, pour l'essentiel, les objectifs fixés depuis 1995.
S'agissant des crédits, 500 emplois d'enseignant et 1 450 emplois de personnel IATOS - ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et de service - seront créés en 2003. Je rappellerai que la CPU, la Conférence des présidents d'université, s'est inquiétée de l'abandon du plan pluriannuel de recrutement, en soulignant le sous-encadrement des établissements en personnels non enseignants.
Les subventions de fonctionnement aux établissements enregistreront une hausse de 4,4 %, tandis que les crédits d'investissement diminueront de 7,4 %, ce qui peut conduire à s'interroger sur le rythme de financement, par l'Etat, des contrats de plan, mais peut s'expliquer par la dégradation de la consommation de ces crédits d'investissement. A n'en pas douter, cette sous-utilisation des moyens traduit aussi une maîtrise d'ouvrage défaillante et un suivi approximatif par la centrale de la gestion des crédits dans les régions.
J'évoquerai ensuite le programme de restructuration et de réhabilitation des universités parisiennes, qui ont été oubliées dans le plan Université 2000 : 473 millions d'euros sont prévus, au total, pour l'ensemble de ces opérations, dont 424,5 millions d'euros inscrits au contrat de plan.
S'agissant de Jussieu, plus de 680 millions d'euros de crédits d'Etat sont prévus jusqu'en 2009 pour le désamiantage, la mise en sécurité et la rénovation de ce campus controversé, ce qui est considérable et même supérieur au total des crédits prévus pour les autres opérations universitaires parisiennes. Le projet de budget pour 2003 prévoit 21 millions d'euros en autorisations de programme pour Jussieu, et aucun crédit de paiement compte tenu des retards constatés dans le déroulement du programme de mise en sécurité.
Force est également de constater que la restructuration des universités parisiennes se traduira par des superficies nouvelles qui risquent d'attirer les étudiants des universités de la grande couronne, voire de la très grande couronne, dont l'équilibre est susceptible d'être sérieusement compromis compte tenu de l'évolution démographique globale.
S'agissant des aides sociales directes, dont les crédits seront quasiment stables en 2003, et des aides indirectes, celles-ci représenteront, au total, près de 1,6 milliard d'euros en 2003, alors que les aides accessoires - allocation de logement sociale, aide personnalisée au logement, aides fiscales aux familles, aides des collectivités locales, contributions des régimes sociaux... - s'élèvent, au total, à plus de 3 milliards d'euros. A l'évidence, le système d'aides sociales aux étudiants doit être revu, afin, notamment, de privilégier celles qui sont accordées sous conditions de ressources.
Il convient en revanche de se féliciter des progrès réalisés en matière d'harmonisation européenne des cursus, qu'il s'agisse de l'évaluation du mastère par les grandes écoles, du succès des licences professionnelles, de la prise en compte des BTS et des classes préparatoires dans le cursus européen 3-5-8, et de la généralisation du système de points ou de crédits capitalisables, dit ECTS. Il serait toutefois souhaitable, monsieur le ministre, que vous vous assuriez que les crédits acquis, notamment à l'étranger, selon des évaluations nationales, ne menacent pas l'homogénéité et le niveau de nos formations supérieures.
Je crois, ensuite, qu'il nous faut poser le problème de l'utilisation des bâtiments universitaires. C'est l'un des soucis de la mission d'information qui a été créée sur l'initiative de M. Jacques Valade, compte tenu notamment de la baisse des effectifs étudiants, qui est appelée à se poursuivre au cours de la décennie à venir. A n'en pas douter, l'université doit s'ouvrir à de nouveaux publics pour éviter le développement futur de véritables friches universitaires.
L'accueil des étudiants étrangers, qui représentent 12,4 % des étudiants, doit donc être amélioré, en veillant toutefois à ce que les besoins nationaux en matière d'hébergement et d'aides directes soient également satisfaits, ce qui n'est pas encore le cas.
Dans le même sens, la formation continue, qui ne représente que 3 % des diplômes délivrés par l'université, doit être développée : cet objectif, qui est de nature à procurer des ressources non négligeables aux établissements, suppose sans doute que cette activité soit équitablement prise en compte dans la carrière des enseignants-chercheurs.
Par ailleurs, la commission des affaires culturelles se félicite des mesures annoncées pour réduire l'échec en premier cycle, en y développant des modules de culture générale indispensables dans le cadre de l'évolution de la gestion d'une carrière, mesures qui témoignent d'une certaine faillite de l'enseignement scolaire dans l'acquisition des fondamentaux. Force est de constater que, à cet égard, la France se rapproche du système américain, dans lequel le secondaire est le maillon faible du système éducatif.
Je terminerai, monsieur le ministre, en regrettant que la création de nouvelles filières, comme les licences professionnelles, ne s'accompagne pas d'un examen des filières existantes, pouvant aboutir à leur éventuelle remise en cause lorsqu'elles font double emploi, et devant entraîner une nécessaire redistribution des postes.
Enfin, si nous ne pouvons que nous féliciter de la poursuite de l'effort de professionnalisation de l'enseignement supérieur, notamment par la voie de l'apprentissage, il nous faut réfléchir, dans un souci d'équité et d'image, à un statut de l'apprenti qui se rapprocherait du statut des étudiants.
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur pour l'exercice 2003.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 20 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le ministre, au moment où l'Université des Antilles et de la Guyane, l'UAG, réfléchit sur son développement et sur sa restructuration, qu'il me soit permis d'attirer votre attention sur les difficultés qu'elle rencontre dans la mise en oeuvre de son programme.
En effet, s'agissant de la Guyane, nul n'ignore l'ampleur de l'investissement intellectuel nécessaire pour former les cadres dont l'économie a besoin et pour que les enseignants puissent s'adapter aux contraintes locales d'éducation.
Pour cela, il faut donc rendre plus attrayante la formation. Ce n'est qu'à cette condition, et à cette seule condition, que sera assuré le devenir de la Guyane, qui manque actuellement de cadres pour son développement. C'est pourquoi j'apprécierais que vous me confirmiez la volonté du Gouvernement de mettre en place un pôle universitaire en Guyane.
Votre budget, monsieur le ministre, nourrit l'autonomie des universités et prépare l'avenir. Si l'Etat reste le garant de l'équité entre les territoires et de la qualité de l'enseignement et de la recherche, alors je suis persuadé que vous saurez entendre notre cri, au sens où l'entendait le professeur Bertène Juminer.
L'Université des Antilles et de la Guyane, pour reprendre la classification du ministère de l'éducation nationale, figure dans la catégorie « pluridisciplinaire avec santé ». Souvent, d'ailleurs, elle se situe en dessous de la moyenne nationale. Cela témoigne de l'effort qu'il reste à accomplir pour rattraper ce retard.
La situation tripolaire de notre université - Martinique, Guadeloupe, Guyane - induit des surcoûts de fonctionnement nettement identifiés, qui ont d'ailleurs fait l'objet d'un dossier déposé au ministère de l'éducation nationale.
L'UAG fait partie, des universités qui ont un déficit important en ce qui concerne tant les personnels enseignants que les personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service.
Ce déficit est largement reconnu, mais, malgré les efforts consentis, le retard est loin d'être comblé. Cela entraîne d'ailleurs des frais supplémentaires de fonctionnement, particulièrement pour les personnels IATOS.
Parallèlement à ce problème de surcoût, l'UAG est également pénalisée par la faiblesse des moyens qui lui sont attribués pour la maintenance et la mise en sécurité de ses infrastructures.
Les problèmes que j'évoque ont été soulevés à plusieurs reprises. La réponse budgétaire apportée par le ministère de l'éducation nationale consistait à nous accorder 120 % de la dotation San Remo, système analytique de répartition des moyens. Cette dotation, d'un montant de 3,35 millions d'euros, s'est révélée notoirement insuffisante et n'a pas été réévaluée depuis plusieurs années.
On devrait d'ailleurs se pencher sur l'adéquation des critères San Remo, même rénovés, à la situation particulière de notre établissement qu'est l'Université des Antilles et de la Guyane.
Au moment où je m'adresse à vous, monsieur le ministre, le personnel de l'UAG est en grève en Guadeloupe et la situation de trésorerie de l'UAG est catastrophique. Puisque vous n'avez pas encore eu le temps de répondre à la récente correspondance que je vous ai fait parvenir, laissez-moi vous dire combien est urgente une ligne de trésorerie auprès de La Poste ou une avance du ministère des finances pour arranger sérieusement la situation.
Monsieur le ministre, en nous apportant des réponses précises, vous apaiserez certainement nos inquiétudes et nous pourrons ensemble construire un avenir meilleur pour les étudiants de France, et singulièrement pour ceux de l'Université des Antilles et de la Guyane. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut beaucoup de rhétorique, monsieur le ministre, pour défendre ce budget ! J'ai entendu M. le rapporteur pour avis nous expliquer que la progression était limitée. C'est une manière de dire qu'il y a une régression. Alors, autant « régression » plutôt que dire « progression limitée ». En effet, autant appeler les choses par leur nom !
Le budget de 2001 pour l'enseignement supérieur avait augmenté de 2,6 % et le budget de 2002 de 2,33 %. Le budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, augmente, de 1,05 % en valeur, ce qui correspond à une diminution de 0,4 % en volume. Vous me rétorquerez sans doute qu'il ne s'agit que d'un facteur d'appréciation parmi beaucoup d'autres et que ce qui compte, c'est le « qualitatif ». Il s'agit d'un mot que vous employez souvent. C'est un mot que nous apprécions beaucoup. Nous sommes bien sûr pour le qualitatif. Mais il est un peu facile de brandir le qualitatif quand le quantitatif ne suit pas, quand les moyens sont en baisse, quand le budget est mauvais. Monsieur le ministre, la bonne qualité de l'enseignement supérieur est compatible avec un bon budget ! Si vous aviez un bon budget, rassurez-vous, cela ne porterait en rien préjudice à la qualité de l'enseignement.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Alors, vous le voteriez ! (Sourires.)
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Cum grano salis ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Vous le savez, monsieur le ministre, le budget de l'enseignement supérieur s'inscrit dans un vaste ensemble. En effet, dans le présent projet de loi de finances, et cela n'a échappé à personne, les efforts prioritaires ne portent pas sur l'éducation, la formation, la recherche, la culture et l'université. On constate même une rupture par rapport à la priorité des efforts.
Tout cela se traduit, en creux en quelque sorte, par un projet de société, par une conception de l'avenir qui, vous le savez bien, n'est pas la nôtre, et qui n'est peut-être pas non plus la vôtre, monsieur le ministre, mais qui est en tout cas celle que vous nous présentez aujourd'hui.
Des discours fleurissent abondamment sur la non-consommation des crédits - on verra qu'il en est de même pour la recherche scientifique -, sur les nécessaires ajustements, sur les phénomènes techniques qui, d'un budget à l'autre, font qu'il y a un certain nombre de reports, et sur les réserves des universités, qui, si j'ai bien compris, vont être mises à profit. Mais tout cela n'est pas convaincant, mes chers collègues. Je perçois si peu d'ardeur, de zèle et d'enthousiame dans le discours de ceux qui nous parlent de cela que je pressens qu'ils ne sont pas eux-mêmes très convaincus.
Monsieur le ministre, si vous le permettez, je voudrais, au cours de cette intervention, vous poser cinq questions.
La première concerne les étudiants - parce que les universités sont faites pour eux - et leur situation sociale. Grâce à l'action de vos deux prédécesseurs - nous avons d'ailleurs salué ce point en son temps -, aujourd'hui, 30 % des étudiants français sont boursiers. Un effort important a été fait et il faut le poursuivre.
Les organisations étudiantes, en particulier l'UNEF, attachent beaucoup d'importance à une revendication : l'allocation d'autonomie pour les étudiants. Lors d'un récent congrès de l'UNEF, où nous étions invités avec des représentants des différentes formations politiques, j'ai eu l'occasion de débattre sur cette proposition. J'ai regretté que vous y ayez répondu par une fin de non-recevoir. Vous avez dit que ce n'était pas possible, que cela ne vous intéressait pas et que votre réponse était : non !
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. C'est vraiment non !
M. Jean-Pierre Sueur. Or le principal syndicat d'étudiants avait posé une question et élaboré un certain nombre de propositions qui, pour le moins, méritent débat.
Quoi qu'il en soit, si je suis bien évidemment d'accord pour dire qu'il faut discuter des modalités, votre attitude de refus catégorique ne me paraît pas positive, alors que, vous le savez très bien, selon un rapport officiel commandé par votre ministère avant que vous ne preniez vos fonctions, plus de 100 000 étudiants vivent en-dessous du seuil de précarité, de pauvreté. Ce point constitue donc un vrai problème sur lequel je voulais vous interroger en premier lieu.
Ma deuxième question concerne le premier cycle, sur lequel votre discours est très intéressant, monsieur le ministre, et nous sommes un certain nombre à avoir, par le passé, approuvé des discours similaires. Il faut davantage d'enseignement par petits groupes, davantage d'enseignement individualisé, dites-vous, de manière à réduire l'échec, au cours et à l'issue de ce premier cycle, et vous avez cent fois raison.
L'ennui, c'est que je ne vois nulle part dans le budget que vous nous présentez - mais peut-être ai-je mal vu ! - la traduction concrète de cette intention. Vous créez 420 postes d'enseignant-chercheur, alors que 600 ont été créés pans ar le budget pour 2002. Vous créez 80 postes de PRAG, ou professeurs agrégés, alors que 100 ont été créés dans le budget pour 2002. Vous créez 700 postes d'IATOS, alors que 1 000 étaient inscrits dans le budget pour 2002. En bref, ces créations ne sont pas à la hauteur de ce que l'on pourrait attendre.
Je sais bien - on nous le dit abondamment - que c'est un « budget de transition ». Je constate cependant que, dans l'ensemble des budgets, tous ne sont pas « de transition ». Seuls certains n'ont droit qu'à ce faible statut !
Toujours est-il que, dans cette phase de transition, vous n'avez pas eu la possibilité de réfléchir à la programmation, qui est absolument nécessaire pour les emplois de l'enseignement supérieur : vous savez, en effet, que de nombreux départs à la retraite sont prévus, et seule une programmation peut nous donner la vision d'ensemble qui nous permettra de répondre au problème, que vous avez vous-même soulevé à très juste titre, des échecs dans le premier cycle.
Ma troisième question porte sur les bâtiments. Vos chiffres sont en baisse, monsieur le ministre, pour les opérations immobilières dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par l'Etat !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Oui, par rapport aux chiffres de Jack Lang !
M. Jean-Pierre Sueur. Non, par rapport aux chiffres du présent budget ! Comparons les chiffres de la loi de finances pour 2002 à ceux qui nous sont présentés pour 2003 : on observe une baisse de 7 %. Alors qu'il y a un large accord pour considérer - et, monsieur le rapporteur spécial, vous le remarquiez vous-même avec éloquence - qu'il faut plus de crédits pour la maintenance des bâtiments universitaires, regardez les chiffres : 231,4 millions d'euros y étaient consacrés en 2002, et seulement 227,7 millions d'euros sont prévues pour 2003. Les crédits sont donc en baisse !
La quatrième question est la question européenne. Elle est importante, et je sais tout le prix et tout l'intérêt que vous lui accordez, monsieur le ministre. Qu'allez-vous faire, concrètement, pour développer cette conception européenne de l'enseignement supérieur à laquelle vous êtes attaché, comme vos prédécesseurs ? Qu'allez-vous faire pour qu'un plus grand nombre d'étudiants puisse faire une année d'études dans un pays européen, ou encore pour favoriser l'accueil des étudiants d'Europe et du monde entier en France ? Monsieur le ministre, je suis parfois tout à fait navré de voir les grandes difficultés qu'éprouvent des étudiants du monde entier qui, voulant venir faire des études en France, se trouvent confrontés à des obstacles administratifs incroyables. A croire que le message qui leur est lancé est que nous ne sommes pas fiers de les accueillir dans notre pays !
Je terminerai par une question sur la décentralisation, à laquelle nous sommes très attachés. Nous pensons cependant qu'elle ne doit pas se traduire par des transferts de charges, ni par la tutelle d'une collectivité sur une autre. Quelles sont vos intentions à cet égard ? Comment concevez-vous en l'occurence une décentralisation qui soit effectivement compatible avec une conception de l'aménagement du territoire, en matière d'enseignement supérieur et de recherche, qui permette à chaque région de ce pays d'accueillir une université offrant des enseignements du premier, du second et du troisième cycle de grande qualité ?
Telles sont les questions que je me permets de poser avant que mon collègue Serge Lagauche ne vous interroge à son tour.
Pour conclure, monsieur le ministre, je dirai en un mot que nous sommes vraiment déçus que vous n'ayez pu nous proposer un budget tourné vers l'avenir. C'est un budget de transition, et nous espérons très vivement que les choses seront différentes l'année prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'enseignement supérieur n'échappe pas aux différentes crises qui secouent notre époque et notre système de société : crise des moyens, crises des contenus.
Là encore, faut-il soumettre les savoirs à un « usinage » - pour reprendre une expression des attardés mentaux du bizutage - formaté pour le marché du travail, ou doit-on se fixer l'ambition d'apporter une formation et une culture qui offriront au futur salarié une bonne autonomie et une grande souplesse d'action sur ce marché et dans la société ?
Pour l'instant, la première hypothèse semble l'emporter, et le ministère des finances va régir une échelle des valeurs très discutable : les sommes allouées aux universités sont fonction de la valeur estimée de telle ou telle discipline, si bien qu'un étudiant en sciences s'avère budgétairement plus fructueux qu'un étudiant en sciences humaines - exception faite de l'anglais, naturellement !
Les préjugés parasitent les esprits gestionnaires ! Comment, en effet, évaluer la perte de savoir et de connaissances liée à la disparition de disciplines étroites comme les langues mortes, anciennes ou rares ?
Sur le plan social, l'égalité républicaine d'accès à l'université a bien oeuvré ces trente dernières années, et des jeunes issus des couches populaires ont pu s'inscrire massivement dans l'enseignement supérieur et y poursuivre leur cursus. Mais aujourd'hui, la barrière officieuse de la démocratisation de l'accès au savoir a pris le nom de « taux d'échec en premier cycle » : 47 % des étudiants échouent au DEUG.
Monsieur le ministre, vous le savez bien, Les Héritiers, de Pierre Bourdieu, est un ouvrage qui garde toute son actualité : un enfant d'ouvrier ou d'employé, aujourd'hui encore, n'a pas les mêmes chances que les autres d'entrer, de suivre et surtout de réussir dans l'enseignement supérieur. Si les jeunes d'origine modeste ont, en théorie, le même droit de poursuivre leurs études que ceux des classes moyenne et privilégiée, ils n'ont pas, dans les faits, les mêmes chances de réussite, et ce pour des raisons le plus souvent économiques.
Tout le monde s'accorde à dire que les étudiants salariés, qui sont aujourd'hui au nombre de 700 000, ont moins de chances que les autres de réussir leurs études. Avec une paupérisation accrue des étudiants, qui s'endettent souvent auprès des banques pour se maintenir, les questions des bourses et du logement restent les plus sensibles : 150 000 places sont disponibles en résidences universitaires, pour 500 000 boursiers ; un tiers de la population étudiante bénéficie de bourses ; sept étudiants sur dix placent le manque d'argent et de temps au premier rang des obstacles à leur liberté de choix de vie et de formation ; 100 000 étudiants, parmi les seuls boursiers, vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Or, les crédits pour les bourses que vous nous soumettez n'augmentent que de 1 %, peut-être même moins si le gel que proposent nos collègues de la commission des finances devait les atteindre.
Les autorisations de programmes sont frappées par la régulation budgétaire, et le gel du plan pluriannuel s'applique en particulier au recrutement de personnel. Pourtant, un encadrement adéquat permettrait d'enrayer l'échec dans le premier cycle. Cette question du recrutement concerne d'ailleurs l'ensemble de notre enseignement supérieur, puisque, d'ici à 2010, la moitié des professeurs et le quart des maîtres de conférence, soit 16 000 enseignants-chercheurs, partiront à la retraite.
Le Gouvernement a choisi de ne pas embaucher, de ne pas réévaluer les salaires, en particulier pour les maîtres de conférence et les professeurs, de ne pas consolider ni harmoniser le réseau national de la connaissance et de la recherche. Ce faisant, il porte atteinte non seulement au service public, mais au potentiel intellectuel de la France.
Monsieur le ministre, la plupart des universités sont implantées dans les régions - depuis la loi Edgar Faure de 1968. Aujourd'hui, les régions, dans leur ensemble, soutiennent leurs universités. Il est question, puisque l'on parle de décentralisation, qu'elles s'impliquent davantage encore. Personnellement, je n'y vois pas d'inconvénient de fond, bien au contraire ; mais je crains que les projets que nourrit actuellement le Gouvernement de recomposer les formations supérieures ne s'inscrivent dans une démarche de déréglementation législative dont les risques sont évidents. Le droit à l'expérimentation régionale en matière de gestion des universités pourrait « balkaniser » la carte nationale universitaire pour aboutir à une France à la carte, hiérarchisée - à pauvres universités, pauvres diplômes pour régions pauvres -, dans laquelle les diplômes, qui n'auraient de nationaux que le nom, seraient adaptés au bassin régional de l'emploi et n'ouvriraient l'accès ni au marché national ni au marché international.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Ivan Renar. Ces formations dispensées dans les régions, très spécialisées, pourraient bien déboucher sur des qualifications qui, au gré de l'évolution de certains secteurs, et en l'absence de plan de formation continue de pointe, risqueraient de devenir rapidement obsolètes.
Bref, cela reviendrait à enfermer les étudiants dans des formations non échangeables et dans des mécanismes de sélection aggravée.
Le processus de décentralisation doit connaître un nouveau souffle, certes ; mais il doit s'appuyer sur un bilan des moyens existants et sur un débat portant sur ses conséquences pour le service public d'éducation, ses missions, ses personnels.
Monsieur le ministre, notre pays doit garder l'ambition de permettre au plus grand nombre possible de jeunes d'accéder à un enseignement supérieur de haut niveau et, bien entendu, de réussir. L'appropriation des savoirs scientifiques, techniques, culturels et professionnels par la jeunesse garantit son insertion dynamique dans la vie sociale, économique et culturelle. Or, toutes les comparaisons internationales attestent de la sous-dotation budgétaire de l'enseignement supérieur français.
Combler ce retard doit être une priorité. Cela conduit à plusieurs exigences : mener une politique ambitieuse de recrutement d'enseignants-chercheurs ; ouvrir plus largement l'université aux milieux populaires ; engager un véritable renouveau pédagogique englobant missions, contenus enseignés, méthodes de transmission des savoirs ; enfin, prendre des mesures sociales fortes allant dans le sens d'un véritable statut d'autonomie du jeune en formation. Or, monsieur le ministre, je ne retrouve de telles ambitions ni dans les chiffres de ce budget ni dans l'action gouvernementale.
Cessons de considérer l'enseignement supérieur comme un simple coût à diminuer, au mieux à partager avec les collectivités, et considérons-le enfin comme un véritable investissement appelant une mobilisation de tous.
Vous comprendrez donc que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen votent contre ce budget, et vous le comprendrez d'autant mieux quand vous aurez entendu les propositions de la commission des finances, qui tendent à l'aggravation de la situation, et l'annonce des gels budgétaires au mois de février prochain. Nous en reparlerons quand viendra en discussion l'amendement déposé sur les crédits figurant au budget de l'enseignement supérieur.
Je relève néanmoins, monsieur le ministre, que, aux trois éléments successifs de la pédagogie dont vous avez brillamment évoqué l'histoire ce matin, il faut désormais ajouter pour le xxie siècle un quatrième élément : les coups de marteau sur la tête.
M. Robert Calmejane. Avec la faucille !
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun s'accordera à reconnaître l'importance de l'enjeu que représentent la formation des jeunes et, plus largement, la formation à tous les âges de la vie. A ce titre, je souhaiterais tout d'abord, monsieur le ministre, m'associer aux remerciements que vous a adressés tout à l'heure M. le rapporteur spécial de la commission des finances.
Votre action s'inscrit en effet clairement en rupture avec celle du gouvernement précédent. Vous portez l'accent sur l'amélioration de la qualité de l'enseignement supérieur sans pour autant préconiser de grande réforme - ce ne serait que l'énième grande réforme ou promesse de grande réforme - et vous exprimez avec force votre détermination à mettre réellement en oeuvre les moyens qui seront mis à votre disposition.
Ces moyens sont en augmentation. Celle-ci est certes mesurée - de l'ordre de 1,05 % - mais elle tient compte de l'effectivité de la consommation des crédits au cours des exercices précédents ainsi que de la diminution, aujourd'hui constante, des effectifs étudiants. Il s'agit donc d'un budget fondé sur la sincérité et sur le pragmatisme, établi en tenant compte des possibilités réelles de mener à leur terme les opérations envisagées.
Une fois encore, si les crédits inscrits les années précédentes avaient été réellement consommés, la situation de l'enseignement supérieur serait moins préoccupante et les problèmes auxquels nous sommes à présent confrontés n'auraient pas l'ampleur que nous leur connaissons.
Depuis vingt ans, l'enseignement supérieur français accumule des retards qui se montrent de plus en plus invalidants. Cette évolution est d'autant plus inquiétante que notre système universitaire se trouve aujourd'hui à un tournant : confronté à l'obligation d'assumer sa vocation initiale, la transmission des savoirs, il est en même temps dans la nécessité de faire face à des contraintes souvent lourdes, comme l'entretien et la réhabilitation de son patrimoine immobilier, tout en devant s'adapter à des demandes nouvelles, notamment du fait de la refonte de l'organisation des études.
Vous héritez ainsi, monsieur le ministre, d'une situation qui fait de vous l'architecte d'un édifice gigantesque en même temps que son artisan, tout à la fois occupé à la construction des fondations, pour les années à venir, et contraint de tenir les murs les plus anciens, dont certains se fissurent, voire menacent de s'effondrer : c'est une situation inconfortable !
Le premier point qui me semble préoccupant concerne le retard que l'on peut déjà constater dans la réalisation du programme U3M, ou Université du troisième millénaire, et des contrats de plan Etat-région 2000-2006. Un retard succède ainsi à un autre, le programme Université 2000 ayant déjà souffert des mêmes travers.
Il semblerait ainsi que les contrats de plan Etat-région soient devenus les seuls contrats susceptibles de ne pas être respectés par l'un des signataires, toujours par le même : l'Etat.
L'attitude de l'Etat en ce domaine contraste fortement avec le dynamisme des collectivités territoriales : départements, régions, et même communes et intercommunalités contribuent de manière croissante au financement de l'enseignement supérieur. Leur participation s'élevait en effet, en 2001, à 754 millions d'euros pour les régions, à 155 millions d'euros pour les départements et à 139 millions d'euros pour les communes et intercommunalités, soit au total à plus de 1 milliard d'euros, alors même que l'université n'entre pas, ou du moins pas encore, dans les compétences qui leur sont dévolues par les lois de décentralisation.
Ce constat du désengagement de l'Etat est inquiétant au moins pour deux raisons.
D'une part, le parc immobilier des universités, qui date pour l'essentiel des années soixante-dix, est en cours de dégradation. Les réhabilitations, voire les reconstructions de bâtiments, seront de plus en plus lourdes dans les années à venir. De plus, bon nombre d'universités sont confrontées au problème du nécessaire désamiantage de leurs structures, opération indispensable pour la santé publique mais qui s'avère particulièrement onéreuse.
D'autre part, il est probable que les collectivités territoriales seront amenées à jouer un rôle de plus en plus important, dans les limites tracées par la réforme de la décentralisation. Dès aujourd'hui, certaines régions expriment leur intention de faire usage du droit à l'expérimentation qui résultera de la révision constitutionnelle en cours d'adoption pour étendre leur domaine de compétences à l'enseignement supérieur, dans le respect - cela va sans dire - de l'autonomie des universités.
Si de telles perspectives paraissent intéressantes sur le principe, il ne faudrait pas que les collectivités territoriales concernées héritent d'un patrimoine immobilier par trop dégradé et qui serait presque entièrement à reconstruire. L'expérience du transfert des collèges aux départements et des lycées aux régions, conformément aux lois de décentralisation de 1982 et de 1983, nous aura appris à faire preuve, sur ce point, d'une particulière vigilance.
La situation dégradée du patrimoine immobilier de l'enseignement supérieur doit donc nous conduire à la plus grande prudence ; tout transfert de compétences de l'Etat devrait bien évidemment s'accompagner du transfert des moyens correspondants, établis sur le fondement d'un diagnostic extrêmement précis de l'état des bâtiments concernés.
Le second problème sur lequel je souhaiterais attirer l'attention du Gouvernement est celui de la pérennité de la qualité de l'enseignement dispensé dans les universités.
Un préalable s'impose à toute volonté réformatrice, aussi pragmatique soit-elle dans ses intentions : il est aujourd'hui indispensable d'améliorer le système d'évaluation des universités.
Les instruments d'évaluation existent, du moins en théorie, qui pourraient permettre aux établissements de disposer d'indicateurs fiables et précis, et de comparer leurs résultats respectifs. La systématisation de l'évaluation pourrait constituer le socle d'une répartition plus équitable des moyens entre les différentes universités. Elle permettrait également de définir une meilleure correspondance entre les moyens et les objectifs recherchés, et l'élaboration des modalités de contractualisation entre les universités et l'Etat pourrait ainsi prendre en compte le plus fidèlement possible les besoins et les perspectives de développement de chaque établissement concerné.
L'évaluation pourrait devenir un outil d'aide à la décision. Elle permettrait également de mieux préparer l'avenir à partir des données statistiques qu'elle comporterait.
Actuellement, aussi surprenant que cela paraisse, nous ne disposons pas de véritable méthode d'estimation de l'évolution des effectifs d'étudiants pour les prochaines années. Il serait pourtant indispensable d'être en mesure de prévoir, au moins pour les dix années à venir, les évolutions de la population étudiante, à la fois géographiquement et par filière. L'enjeu est en effet essentiel, eu égard aux investissements à réaliser dans la construction ou la réhabilitation des locaux, aux recrutements d'enseignants qu'il faudra planifier pour la prochaine décennie, en tenant compte notamment des départs massifs à la retraite, et à la nécessité, qui apparaît aujourd'hui urgente, de mieux adapter les filières universitaires à la demande des étudiants ainsi qu'aux réalités du marché de l'emploi.
Soulever le problème de la qualité de l'enseignement supérieur conduit aussi à poser la question de la répartition géographique des universités. Depuis vingt ans, on a pu assister à l'éclosion d'antennes universitaires sur l'ensemble du territoire, à tel point que, bientôt, il n'y aura plus de chef-lieu d'arrondissement qui n'ait son site universitaire.
Cette situation, qui a été engendrée pour l'essentiel par une interprétation extensive de l'esprit de la décentralisation, se traduit aujourd'hui par un éparpillement des moyens et, par voie de conséquence, par une diminution de la qualité de l'enseignement dispensé dans certains établissements.
Peut-on encore parler de valeur nationale des diplômes lorsque, dans certains départements universitaires, leurs titulaires n'ont aucune chance d'accéder au marché de l'emploi correspondant ou de réussir quelque concours d'entrée à tel institut ou à telle école de réputation nationale ou même régionale ?
Le localisme du recrutement érigé en dogme conforte parfois encore ces dérives, aussi pénalisantes pour les deniers publics que pour l'intérêt bien compris des étudiants. Lorsque la crédibilité du diplôme s'estompe, c'est toute la démocratisation de l'enseignement supérieur, et de notre société tout entière, qui ne peut qu'en souffrir.
Il est de notre responsabilité de faire preuve d'une attention particulière sur ce point, notamment dans la perspective prochaine d'une relance souhaitable du processus de décentralisation, qui ne devrait en aucun cas aggraver l'éparpillement des universités.
L'échec des étudiants au premier cycle universitaire constitue un autre aspect essentiel des enjeux que pose le problème, que l'on soulève depuis longremps, de l'orientation des lycéens, et plus particulièrement - c'est une question délicate - du niveau du baccalauréat d'enseignement général. Mais il s'agit là d'un autre débat.
Le troisième point qui me semble essentiel concerne l'environnement social de l'étudiant, qu'il s'agisse de son logement ou du système d'aide financière.
Depuis 1997, la situation du logement étudiant a subi une dégradation qui se traduit aujourd'hui par une augmentation du loyer résiduel en résidence universitaire, par une augmentation du prix du repas, par la diminution du nombre de lits créés et rénovés, enfin, par la pénurie de logements. Les besoins dans ce domaine sont criants. Le système des bourses devrait être reconsidéré.
Le dernier point que je souhaiterais aborder, et qui me tient particulièrement à coeur, concerne l'enseignement supérieur privé. Nous avons, dans le Nord, une université catholique dont l'implantation est ancienne et le succès constant. Cette université assure une mission de service public, dans le cadre de ses facultés et de ses grandes écoles, la plupart du temps en complétement des formations assurées par l'enseignement public.
Dans certains cas, l'université catholique dispense des enseignements que le secteur public n'assure pas : il s'agit plus particulièrement de formations d'ingénieurs, dont la qualité est largement reconnue et qui forment chaque année des centaines de jeunes, dont beaucoup ne sont pas originaires de la région et qui repartent, diplôme en poche, pour exercer leur savoir-faire un peu partout sur le territoire national ou à l'étranger.
Dans ce cas de figure, il ne serait anormal que l'enseignement privé bénéficie d'un niveau d'aide de l'Etat plus élevé que la dotation habituellement accordée aux institutions privées de l'enseignement supérieur, dans la mesure où la formation dispensée n'est assurée par aucun établissement public de l'académie.
Je prends acte, sur ce point, de l'effort qui est réalisé par l'Etat pour 2003 en vue de réévaluer les subventions attribuées aux établissements supérieurs privés. Cette augmentation vient en partie compenser la stagnation des crédits qui a caractérisé la période 1997-2002, et, en ce sens, il faut s'en féliciter.
Certes, il reste beaucoup à faire, mais le budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, va dans la bonne direction. L'exercice est d'autant plus méritoire qu'il s'inscrit dans un contexte de transition. Nous y voyons des signes fort encourageants pour l'avenir. Le groupe du RPR vous apportera un total soutien. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Le budget de l'enseignement supérieur pour 2003, que vous nous avez présenté, monsieur le ministre, est un budget de rupture.
Il y a rupture, d'abord, avec la hausse continue que ce budget a connue sous le gouvernement Jospin, car la hausse annoncée de 1,05 % ne trompe personne : compte tenu de l'inflation, ce budget présente en réalité une baisse de 0,4 %, sans compter ce qui nous est proposé par amendement.
Il y a également rupture avec la politique volontariste du précédent gouvernement, en particulier concernant la gestion prévisionnelle et pluriannuelle des emplois.
Dans les années à venir, l'enseignement supérieur, comme d'autres secteurs, devra faire face à des départs massifs à la retraite : on estime qu'ils concerneront 16 000 enseignants-chercheurs. Et que faites-vous ? Vous ne créez que 500 postes d'enseignants au lieu des 1 000 prévus, que 660 emplois non enseignants au lieu des 1 000 prévus là encore.
C'est la même logique que celle qui est mise à l'oeuvre dans l'enseignement scolaire : réduire l'échec, tout en réduisant l'encadrement. Je ne vois pas comment vous y parviendrez sans une véritable politique de recrutement.
Ce budget de rupture inquiète d'autant plus le monde universitaire qu'il s'inscrit dans le projet plutôt flou, il faut bien l'avouer, de la réforme de la décentralisation.
Pour nous, l'Etat doit rester le garant de la qualité de l'enseignement et de la recherche, de l'égalité des chances, de la cohérence de l'aménagement du territoire et de l'équité entre les territoires. D'ailleurs, la conférence des présidents d'université ne s'y est pas trompée en refusant d'emblée la création d'universités régionales et en demandant que les établissements d'enseignement supérieur restent sous tutelle de l'Etat.
Nous refuserons aussi que, dans un contexte budgétaire en baisse, l'Etat se décharge de ses responsabilités, par exemple en transférant des secteurs très déficitaires comme le logement étudiant, sans accompagner ces transferts des moyens nécessaires et sans garantir leur évolution en fonction des dépenses engagées par les collectivités. L'Etat devra garantir les mêmes conditions d'accueil dans les différentes régions, en prenant en compte les différences de coût de la vie, notamment en matière de logement étudiant, dont le coût est bien supérieur en Ile-de-France que dans les autres régions.
Je regrette d'ailleurs que les crédits affectés à l'aide sociale baissent de 0,6 %. Aucune mesure nouvelle n'est prévue en dehors de l'attribution de bourses de DEA, sur critères sociaux.
Je rappelle que le plan social étudiant du précédent gouvernement, qui est désormais achevé, a permis que le nombre d'étudiants boursiers augmente de 22,72 % en cinq ans, que le nombre de bourses sur critères sociaux progresse de 12,5 % et le nombre de bourses sur critère universitaire de 17,5 %.
Il est dommage de ne pas aller plus loin, y compris en matière d'information et d'accessibilité, par exemple en développant de véritables bureaux d'aide sociale pour étudiants, qui regrouperaient les divers partenaires concernés : les assistantes sociales, les assistants pour personnes handicapées, etc.
Ce recul des aides directes est d'autant plus préoccupant qu'il doit être mis en parallèle avec la suppression de 5 600 maîtres d'internat et surveillants d'externat.
Même si ce système n'était pas parfait, les étudiants en étaient les premiers bénéficiaires, et il constituait une aide importante à la poursuite d'études supérieures.
Comme vous avez annoncé, dans une grande confusion, la suppression des MI-SE sans être en mesure de donner des informations crédibles sur le dispositif devant les remplacer, l'inquiétude est grande chez les étudiants. Ce n'est pas la table ronde d'hier qui va les rassurer puisque toutes les organisations, hormis l'UNI, l'Union nationale interuniversitaire, ont claqué la porte en réaction à vos propositions. La priorité sera-t-elle bien donnée aux étudiants ? Un nombre équivalent d'étudiants bénéficieront-ils du nouveau dispositif ? Avec quel financement, quel statut et quelle mission ?

S'agissant de la vie étudiante, le précédent gouvernement avait fait un effort de création de postes de personnels médico-sociaux. Pour 2003, il n'est prévu que douze postes d'infirmières contre vingt-six en 2002 et trente en 2001. Là encore, on ne peut qu'observer un net recul.
Alors que le docteur Bernard Lelu, médecin directeur des universités de l'académie de Créteil, a remis en avril son rapport sur l'état des lieux des services de médecine préventive et de promotion de la santé, les SMPPS, rien ne figure dans votre budget en ce domaine. Il s'agit là pourtant d'un domaine prioritaire, où l'action est urgente.
J'attends donc le collectif budgétaire qui a été annoncé ; mais il faudrait que ce soit un collectif qui ne gèle pas les crédits, qui intègre une meilleure prise en charge médicale et sociale des étudiants et ne manque pas de mettre l'accent sur la médecine préventive universitaire, qui a vu les besoins des étudiants considérablement évoluer et se diversifier ces dernières années, notamment en matière de lutte contre le suicide et les conduites addictives, ou sur une meilleure prise en charge médicale et sociale des étudiants.
Par ailleurs, je regrette l'abandon de toute idée d'allocation ou de contrat d'autonomie en faveur de la jeunesse étudiante.
Pour finir, je voudrais aborder un sujet qui préoccupe nombre de parlementaires : il s'agit de la désaffection des étudiants pour certaines disciplines scientifiques, essentiellement la physique-chimie et les mathématiques, et ce dans un contexte où la science est de plus en plus indispensable dans la bataille de l'intelligence et dans la compétitivité économique. En novembre 2001, M. Lang avait chargé M. Porchet, professeur de biologie à l'université de Lille-I, d'une mission sur ce sujet.
Ce rapport est particulièrement instructif, car M. Porchet passe en revue la diversité et la complexité des éléments de détermination de l'orientation - y compris les éléments de nature sociologique - vers les filières scientifiques et, à l'intérieur de celles-ci, de ceux qui dirigent vers les filières courtes et professionnalisantes au détriment des premiers cycles universitaires. Il en appelle à notre responsabilité d'élu en considérant que la science doit reprendre sa place dans le débat politique. Il nous invite à une « réflexion sur la place des sciences dans le système éducatif actuel » et à « bâtir pour notre pays un projet global et cohérent de l'enseignement des sciences, du primaire au supérieur ».
Concernant la place des filles dans les filières scientifiques, c'est à la sphère politique de promouvoir l'objectif de mixité des métiers. Nous devons nous demander comment travailler sur les mentalités, car c'est véritablement une révolution culturelle qui doit s'accomplir.
J'en veux pour preuve les études menées par Mme Mosconi, professeur en sciences sociales à Nanterre, qui montre que les choses se jouent dès le primaire, ne serait-ce qu'à travers la sollicitation des élèves. Elle explique ainsi que les professeurs ne sollicitent pas de la même manière les garçons et les filles : « Avec ces dernières, on évalue, on vérifie les savoirs acquis. Les garçons sont plus sollicités pour l'acquisition de nouvelles connaissances. » Ainsi, en cours de mathématiques, deux tiers des interventions sont destinés aux garçons, le tiers restant s'adressant aux filles. Il s'agit d'une dimension à prendre en compte dans la formation des enseignants.
J'espère que nous pourrons réfléchir sur ces problèmes lors du débat sur les missions de l'école que vous avez annoncé, mais également avec l'ensemble des acteurs concernés.
Même si notre collègue Jean-Léonce Dupont estime qu'un bon budget n'est pas nécessairement un budget en hausse,...
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Il a raison !
M. Serge Lagauche. ... il reconnaît malgré tout que le budget pour l'enseignement supérieur ne porte pas la marque d'orientations nouvelles.
Outre la baisse des crédits, aucune perspective vis-à-vis de cette jeunesse étudiante, dont vous avez la charge à double titre, n'est perceptible.
Dans ces conditions, vous comprendrez aisément, monsieur le ministre, que le groupe socialiste s'oppose à votre budget pour l'enseignement supérieur, d'autant que ce budget de rupture assombrit l'avenir, tout particulièrement en matière de gestion des ressources humaines. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais revenir sur quelques points qui ont été évoqués par les orateurs précédents.
Mon cher collègue Sueur, nous avons toujours la même conception de ce que doit être l'éducation, la formation et la recherche. C'est pour nous, vous le savez bien, une ardente obligation. Mais cette obligation ne se traduit pas forcément par des budgets en perpétuelle augmentation ; je rejoins sur cette analyse Jean-Léonce Dupont.
A Serge Lagauche, je répondrai que ce budget est bien un budget de rupture mais de rupture, avec les comportements précédents : il tend vers le réalisme et la sincérité. C'est pour cela d'ailleurs, monsieur le ministre, que la commission des affaires culturelles du Sénat vous apporte à la fois tout son concours et tout son soutien.
En écho aux propos tenus par le rapporteur de la commission des affaires culturelles et après Pierre Laffitte, qui a évoqué ce matin la mission sur la diffusion de la culture scientifique, je voudrais parler du patrimoine immobilier universitaire.
Nous avons décidé qu'à partir du mois de janvier prochain, nous tenterions de dresser le bilan du patrimoine universitaire français actuel. Nous aurons le plaisir de vous le présenter, monsieur le ministre, quoique avec quelques inquiétudes.
En fait, comment se présente la situation ?
Le patrimoine universitaire est considérable ; c'est sans doute le patrimoine public le plus important de France.
Le doublement des superficies en quinze ans a été effectif, mais ce dans des conditions parfois « acrobatiques », pour ne pas dire contestables.
Ce patrimoine est sous-utilisé. Il ne sert que le jour ; il ne sert ni la nuit ni pendant les vacances scolaires, qui sont assez importantes. Si nous voulions qu'il soit mieux utilisé, il faudrait que l'université accepte de s'ouvrir à l'environnement des villes et des communautés alentour.
En fait, ce qui est essentiel pour nous, c'est l'état de dégradation dans lequel se trouve ce patrimoine qui provient d'origines diverses.
A Paris, par exemple, des immeubles superbes accueillent l'université. Je ne conteste pas du tout cette utilisation, mais cela entraîne des charges particulières. Or il est clair que les moyens investis par l'Etat ou par les collectivités, qui sont sollicitées de plus en plus, ne sont pas suffisants.
Ce patrimoine étant dégradé, ce n'est pas maintenant qu'il faut relâcher l'effort. Nous avons besoin des crédits que vous attribuez à ce poste dans votre budget. Ils ne sont peut-être pas à la hauteur ni des besoins ni des espérance, mais vous faites pour le mieux et nous apprécions votre effort.
Nous nous préoccupons également de l'aspect social de la vie des étudiants, notamment de leurs conditions d'hébergement et de restauration. Nous devons, en encourageant la construction de nouvelles résidences universitaires, veiller au respect d'un bon équilibre entre l'offre d'hébergement publique et la possibilité pour les étudiants de se loger dans le privé. A l'heure actuelle, le rapport entre ces deux options n'est pas satisfaisant.
Comme l'ont souligné de nombreux orateurs, ces questions doivent être traitées dans le cadre de la décentralisation. Comment faire pour que l'Etat et les collectivités territoriales assument pleinement leurs responsabilités et, serais-je tenté de dire, y trouvent leur compte ?
L'Etat est le garant d'une certaine homogénéité, que ce soit à l'égard des diplômes délivrés ou à l'égard de l'égalité des chances entre les étudiants des différentes régions.
Toutefois, si l'Etat doit avoir sa place et toute sa place, il n'en demeure pas moins que les régions, les départements, les villes ou groupements de communes doivent savoir quel rôle leur échoit.
Quel élu, maire, président de conseil général, président de conseil régional, élu régional ou élu national peut résister à la pression des familles, des enfants, des adolescents, du corps enseignant, notamment du corps enseignant universitaire ? Quel élu peut résister aux chefs d'entreprise qui viennent le voir en disant : « nous avons besoin que telle formation spécifique soit dispensée parce que notre activité est liée à cette formation ? »
C'est dans ce sens que la commission des affaires culturelles a développé ses réflexions.
Il se trouve, par un heureux hasard, que Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour l'enseignement supérieur, est également rapporteur de la mission d'information. Je me suis moi-même beaucoup investi dans ce travail, ne serait-ce que pour l'avoir initié. Pour terminer, je voudrais vous faire part, monsieur le ministre, de notre préoccupation au sujet des universités parisiennes, et j'englobe sous cette expression les universités de Paris et celles d'Ile-de-France.
Je ne dis pas que nous avons découvert les problèmes, parce qu'ils existent depuis longtemps, mais la situation actuelle mérite qu'on s'y penche d'une façon très approfondie. Les décisions nécessaires, qu'il s'agisse de confirmations ou de modifications, doivent être prises. Mais il faut surtout que soit mis au point un plan d'amélioration des établissements - Jussieu est à ce titre un exemple cruel - et qu'une redistribution des cartes ait lieu au niveau des différentes disciplines - je pense notamment à Paris-VI et à Paris-VII, que vous connaissez bien.
M. le président. La parole est à M. le ministre. M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord exprimer mes remerciements les plus chaleureux aux rapporteurs, qui ont fait preuve d'une très grande acuité dans l'analyse des problèmes auxquels nous nous heurtons aujourd'hui, ainsi que dans l'analyse de ce budget, qui n'est pas un simple budget de transition mais qui répond véritablement aux priorités que je me suis fixées ; c'est ce que j'aimerais montrer dans mon intervention.
Il faut, mesdames, messieurs les sénateurs, très bien manier la réthorique pour arriver à faire croire qu'un budget qui augmente, certes de façon modérée mais tout de même de 1,05 %, est un budget en régression !
M. Jean-Pierre Sueur. Il diminue en réalité !
M. Luc Ferry, ministre. A la rigueur, on pourrait dire que la progression est moins grande que par le passé - cela, je veux bien le reconnaître et je l'assume très volontiers -, mais une progression de 1,05 %...
M. Jean-Pierre Sueur. C'est le chiffre de l'inflation !
M. Luc Ferry, ministre. ... reste une progression, je voulais le relever.
Les crédits de fonctionnement progressent de 4,5 % et l'effort qui est réalisé en faveur de la maintenance des bâtiments universitaires - même s'il est insuffisant, je le reconnais, monsieur Valade, au regard des besoins - atteint tout de même 10 %, ce qui représente une augmentation substantielle.
Monsieur Renar, si je suis un héritier, hélas ! c'est bien en matière de bâtiments universitaires ! Vous ne pourrez pas faire croire à ceux qui nous écoutent aujourd'hui que je suis à l'origine de la situation dans laquelle nous nous trouvons, qui est en effet calamiteuse, il faut bien le reconnaître.
Héritier, je le suis également de la situation qui prévaut en Guyane et que vous avez, monsieur Othily, parfaitement décrite, avec beaucoup d'objectivité.
Je profite de l'occasion pour vous faire part du projet que nous avons - et dont j'aimerais beaucoup parler plus en détail avec vous - de mettre en place, au sein de l'université Antilles-Guyane, un pôle regroupant des thématiques spécifiques. Nous allons également réfléchir à la constitution d'un GIP qui matérialiserait, pour le développement de la recherche, l'association des collectivités, de l'université Antilles-Guyane et des organismes de recherche.
Il faut que nous avancions très vite sur ce dossier, que vous avez, malheureusement, fort bien décrit.
J'ai également hérité du dossier du désamiantage de Jussieu, dossier particulièrement délicat. Le phasage de l'opération est établi ; les crédits seront débloqués au fur et à mesure.
Etant moi-même professeur à Jussieu, vous pensez bien que je ferai tout pour que cette université soit désamiantée avant d'y retrouver la chaire dont je suis titulaire ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Déjà fatigué d'être au Gouvernement ? (Nouveaux sourires.)
M. Luc Ferry, ministre. Ce projet de budget est lié à des orientations prioritaires. En cet instant, j'en retiendrai simplement trois.
S'agissant, tout d'abord, de la politique en faveur des étudiants, j'aimerais rappeler en premier lieu - parce que, sur ce point, la réalité a été déformée dans quelques-unes des interventions - la création de 7 400 bourses de DEA sur critères sociaux,... M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Très bien !
M. Luc Ferry, ministre. ... que vous vous êtes contenté, monsieur Sueur, d'évoquer simplement au passage. Or c'est tout de même extrêmement important.
Je rappelle également la création de 1 000 monitorats, ce qui n'est pas rien dans la période actuelle, ...
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Très bien aussi !
M. Luc Ferry, ministre. ... destinés à favoriser l'orientation des meilleurs étudiants vers les carrières d'enseignement et de recherche.
Je précise en outre que, dans le cadre de l'harmonisation des diplômes européens, nous augmentons de 9 000 mois le nombre des bourses de mobilité, ce qui constitue, là encore, un effort considérable. J'ajoute que les allocations de recherche sont revalorisées de 5,5 % et qu'un plan en faveur des étudiants handicapés a été élaboré.
Je vous le dis très franchement, monsieur Sueur, monsieur Lagauche, je n'irai pas dans le sens de l'allocation d'autonomie généralisée, ce qu'on appelle le « salaire étudiant ». Au demeurant, si l'idée était tellement géniale et grandiose et puisque vous y teniez tant, pourquoi mes deux prédécesseurs, Claude Allègre et Jack Lang, ne l'ont-ils pas mise en pratique entre 1997 et 2002, alors qu'ils appartiennent à la même famille politique que vous ?
M. Adrien Gouteyron. Oui, c'est curieux !
M. Luc Ferry, ministre. En fait, la raison est très simple : mes prédécesseurs, bien qu'appartenant à votre famille politique, avaient néanmoins beaucoup de bon sens et ils ont compris que la mise en place de cette allocation généralisée pour les étudiants aurait été une injustice grave vis-à-vis des autres jeunes de la même classe d'âge.
M. Renar, évoquant Pierre Bourdieu, rappelait très justement tout à l'heure que nous n'avions pas beaucoup progressé dans la démocratisation de l'enseignement. Faut-il donc accentuer les inégalités en attribuant un « salaire étudiant » à ceux qui sont, malgré tout, les plus favorisés dans une classe d'âge ? J'observe d'ailleurs que la commission présidée par Jean-Baptiste de Foucauld - autant que je sache, ce n'est pas un fasciste ! - a conclu à l'unanimité, à l'exception de l'UNEF, qu'il ne fallait pas aller dans le sens de cette mesure, qu'elle a considérée comme inique.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Très bien !
M. Luc Ferry, ministre. Ce qu'il faut faire, c'est mettre en place une aide importante en faveur des étudiants.
Je rappelle à cet égard que, au cours des quatre dernières années, la réhabilitation du logement étudiant s'est faite au rythme de 2000 à 2 200 logements par an chaque année. Or nous avons prévu d'en réhabiliter 7 000 par an pour les années qui viennent ! Voilà une mesure concrète qui prouve l'engagement du Gouvernement en direction des étudiants.
M. François Trucy. Très bien !
M. Luc Ferry, ministre. On agite encore et toujours la question des MI-SE. Force m'est donc de dire une fois de plus que le dispositif était calamiteux ; vous avez été obligés d'en convenir à mots couverts mais tout le monde le savait.
M. Jean-Pierre Sueur. Personne n'a dit cela !
M. Luc Ferry, ministre. Dès lors, il eût été parfaitement absurde de remettre des personnels dans un tel dispositif. Il est beaucoup plus intelligent de mettre en place un nouveau système, celui des assistants d'éducation, qui permettra d'aider bien plus d'étudiants à la rentrée de 2003.
Au demeurant, c'est proférer une singulière contre vérité de dire que je supprime le système des MI-SE puisque les 40 000 MI-SE qui sont en place aujurd'hui sont évidemment maintenus.
S'agissant des mesures en faveur des étudiants, je veux également évoquer la question de l'échec scolaire dans les premiers cycles universitaires.
Nous nous heurtons là à des dysfonctionnements qui sont en grande partie liés à des problèmes d'orientation.
Un simple chiffre : près de 80 % des bacheliers technologiques vont échouer ou être en position très difficile dans les premiers cycles universitaires.
Je redis très clairement que je ne souhaite pas introduire une sélection à l'entrée de l'université : le baccalauréat doit rester le ticket d'entrée dans le premier cycle universitaire. Néanmoins est-il raisonnable de refuser à 50 % des bacheliers technologiques qui se trouvent aujourd'hui inscrits en premier cycle universitaire l'affectation qu'ils avaient demandée au préalable en filière STS, ou sections de techniciens supérieurs, et qui leur a été refusée ? Il faut corriger ce terrible facteur d'échec scolaire dès la rentrée prochaine !
C'est pourquoi j'ai demandé aux recteurs de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les bacheliers technologiques qui avaient demandé une affectation en STS voient leur voeu satisfait en priorité. C'est d'ailleurs relativement simple à faire : il suffit que les recteurs réunissent préalablement les directeurs d'IUT et les proviseurs des établissements préparant aux BTS. On sait parfaitement que, si la filière STS est encombrée au mois de juin, des places sont vacantes au mois de septembre.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. C'est vrai !
M. Luc Ferry, ministre. Une simple bonne gestion devrait donc permettre de régler ces problèmes d'orientation en faveur des étudiants qui proviennent des voies technologiques ou, a fortiori, des voies professionnelles.
Pour faire en sorte que les étudiants réussissent davantage leurs examens de premier cycle, en dehors des mesures de validation des acquis de l'expérience qui sont mises en place pour les assistants d'éducation, il convient aussi d'organiser une formation en culture générale.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Eh oui !
M. Luc Ferry, ministre. J'ajouterai à ce qu'ont fort justement affirmé MM. les rapporteurs à ce sujet qu'il ne s'agit nullement de donner un « supplément d'âme ». Il s'agit d'inviter les enseignants de premier cycle à réfléchir sur les besoins en formation générale de leurs étudiants en fonction de la spécificité des voies dans lesquelles ils se trouvent. Il va de soi, par exemple, que des étudiants en médecine ont besoin d'un enseignement en économie et sociologie de la santé ou en bioéthique, mais que les étudiants en histoire ou en philosophie n'ont pas exactement les mêmes besoins.
Il faut donc que les universitaires eux-mêmes nous informent des besoins de leurs étudiants en matière de culture générale, afin d'égaliser leurs chances avec celles des élèves qui, issus des classes préparatoires, réussissent en moyenne davantage, il faut bien le dire, à l'agrégation, au CAPES ou à d'autres concours, précisément grâce à leur meilleur niveau de culture générale. Pour améliorer les chances des étudiants, il convient donc de ne pas les précipiter trop tôt dans des voies très spécialisées.
J'en viens au deuxième grand axe de cette politique budgétaire : les mesures en faveur de la recherche universitaire.
L'université est, dans notre système éducatif, le seul lieu où les professeurs sont à la fois ceux qui transmettent le savoir et ceux qui le fabriquent : ce sont donc bien - la formule consacrée - n'est pas vaine des « enseignants-chercheurs ».
Il est par conséquent nécessaire de veiller à ce que la recherche universitaire se développe dans des conditions favorables. A ce propos, je tiens à rappeler que les soutiens de base aux laboratoires de recherche des universités progresseront de 5,4 % en 2003.
La question du « 3-5-8 » a été évoquée à plusieurs reprises, là encore, c'est un dossier que j'ai trouvé dans un état assez lamentable à mon arrivée au ministère.
Claude Allègre avait eu l'heureuse idée de mettre en place ce système, ce pour quoi je lui rends très volontiers hommage. Néanmoins, rien n'avait été fait pour régler les problèmes qui demeuraient, d'une part, entre les grandes écoles et les universités et, d'autre part, entre les grandes écoles elles-mêmes.
Le problème, je vous prie de le croire, n'était pas simple à résoudre !
D'abord, à la rentrée 2003, les grandes écoles étaient censées ne plus avoir le droit de délivrer des mastères, ce qui était calamiteux pour elles ; c'est pourquoi il y avait un conflit latent entre grandes écoles et universités. Par ailleurs, les grandes écoles de commerce et les grandes écoles d'ingénieurs étaient également en désaccord entre elles sur la procédure d'habilitation, car les écoles d'ingénieurs disposaient d'une commission des titres mise en place dans les années trente et donc pourvue d'une grande légitimité, tandis que les écoles de commerce et de gestion ne disposaient que de la commission présidée par M. Helfer, de création bien plus récente et à laquelle s'attachait une moindre légitimité.
Il était, par conséquent, nécessaire de mettre un terme aux différends très graves qui divisaient les divers acteurs.
Il fallait également mettre en place un système d'habilitation des diplômes universitaires délivrés sur notre territoire qui en garantisse le caractère national, conforme aux exigences du service public.
Nous avons trouvé un principe simple, qui a permis à tous les acteurs de s'accorder : à diplôme national, évaluation nationale.
Cette évaluation sera réalisée selon une procédure unique, désormais confiée à la MSU, que nous rebaptiserons MSTP, mission scientifique, technique et pédagogique, en lui conférant la dimension interministérielle qui convient pour habiliter les mastères délivrés par les grandes écoles dépendant d'autres ministères que celui de l'éducation nationale.
Ainsi, pour la première fois, les diplômes délivrés par les universités auront un caractère véritablement national, infiniment plus, soyons clairs, que ce n'est le cas aujourd'hui avec les maîtrises ou les DEA, les diplômes d'études approfondies.
En tant que professeur d'université, j'ai eu à habiliter des DEA ou des maîtrises : disons-le franchement, c'est une procédure qui est absolument formelle et qui ne garantit en rien l'égalité des diplômes sur tout le territoire. Cela ressemble un peu à ce que fait un constructeur de voitures quand il confie ses véhicules au service des Mines, dont les critères sont strictement formels : il suffit que la voiture ait quatre roues, des freins et que ses phares soient situés à quatre-vingts centimètres de la route pour qu'elle soit jugée apte à circuler !
C'était à peu près la situation qui prévalait pour les maîtrises et les DEA.
Désormais, nous aurons une habilitation commune, avec une procédure commune, qui sera confiée à une mission d'évaluation, laquelle se cantonnera à cette fonction, avant que les dossiers d'habilitation ne parviennent à la direction de l'enseignement supérieur et ne terminent leur cheminement, comme il est normal dans un Etat républicain, sur le bureau du ministre.
Le troisième axe de ce projet de budget, c'est la décentralisation.
La décentralisation comportera deux volets : d'une part, ce qu'on appelle, dans le jargon de la science administrative, la « décentralisation fonctionnelle », c'est-à-dire l'autonomie des universités, et, d'autre part, la décentralisation territoriale, c'est-à-dire celle qu'un certain nombre d'orateurs ont évoquée avec une inquiétude feinte ou réelle, je ne sais, mais qui me paraît en tout cas tout à fait infondée.
Concernant l'autonomie des universités, il nous faut procéder à une réforme du code de 1984, certes modérée en nombre d'articles mais extrêmement importante sur le fond.
Un texte sera donc présenté au Parlement au printemps prochain.
Il s'agit de renforcer l'autonomie des universités dans des domaines qui peuvent apparaître très techniques à ceux qui ne connaissent pas les procédures universitaires, mais qui sont, en vérité, tout à fait majeurs.
Nous souhaitons d'abord - cela fait actuellement l'objet d'une discussion avec les partenaires - assouplir les quorums dans les conseils d'administration et donc mettre en place des procédures qui permettent véritablement aux universités de prendre des décisions sans être en permanence bloquées.
Nous souhaitons également faciliter les délégations de signature des présidents d'universités, notamment aux directeurs de laboratoires.
Il s'agira, par ailleurs, de mettre en place, dans tous les établissements de recherche et d'enseignement supérieur, les SAIC, les services d'activités industrielles et commerciales, qui permettent de donner une véritable signification à la loi sur l'innovation et la valorisation de la recherche. Mais il faudra aussi aider les universités à gérer ces services, ce qui n'est pas, dans l'état actuel des choses, très facile pour elles.
Nous voulons en outre permettre aux universités de modifier les structures internes sans faire appel nécessairement à l'autorisation du ministre.
Il s'agira aussi de modifier les comités techniques paritaires.
Il conviendra enfin de régler la question des mandats des présidents d'université et aussi - pourquoi pas ? - d'accorder à la Conférence des présidents d'université l'autonomie à laquelle elle aspire et, me semble-t-il, elle a droit au regard de la situation qui est celle d'organismes analogues dans les autres pays de l'Union européenne.
Derrière ces dispositions en apparence techniques, il s'agit, en vérité, de permettre aux universités d'accroître véritablement leur autonomie, ce qui est absolument indispensable, non seulement dans le cadre de la décentralisation territoriale, mais aussi et surtout dans le cadre de l'harmonisation européenne, afin que nos universités puissent véritablement défendre leurs chances face aux universités étrangères et entrer avec elles dans des liens féconds pour former des réseaux d'excellence. Je pense à des dispositifs comme ERASMUS World, qui invite les universités européennes à entrer en réseau pour concurrencer, notamment, la puissance des universités américaines.
En ce qui concerne la décentralisation territoriale, pour l'essentiel, deux dossiers sont ouverts actuellement, sur lesquels il convient de laisser encore la créativité s'exprimer.
Les régions vont formuler leurs propositions, et c'est au ministre qu'il reviendra, en fin de parcours, de décider ce qui peut faire partie de l'expérimentation ou de déterminer éventuellement, comme c'est le cas pour l'autonomie, ce qui peut faire directement l'objet d'un transfert de compétence.
Pour l'instant, les propositions des régions tournent donc autour de deux projets fondamentaux, qui ne me paraissent justifier aucune inquiétude.
Il s'agit, d'abord, d'associer davantage les collectivités territoriales à l'élaboration des schémas de formation professionnelle jusqu'à la licence. En quoi cela peut-il être inquiétant ? Il s'agit au contraire d'excellentes mesures. Il faudrait que nous créions des dispositifs tels que les recteurs, les présidents d'université et les élus puissent travailler de concert à l'élaboration de ces schémas de formation professionnelle, et cela doit se faire dans le cadre d'une politique contractuelle. Il faut passer de la planification à la contractualisation, c'est l'évidence et c'est l'intérêt des étudiants.
Il s'agit, ensuite, de tout ce qui concerne la vie des étudiants. Un certain nombre de régions sont intéressées, par exemple, par la gestion des CROUS et par celle du logement étudiant. Pourquoi pas ? Cela peut être très intéressant pour des régions, notamment celles qui sont en concurrence avec des universités étrangères situées à proximité.
Sur ces sujets, encore une fois, je ne vois pas de motif d'inquiétude et je rappelle, s'il en était besoin, qu'en ce qui concerne les personnels non enseignants le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche n'est pas particulièrement demandeur.
Si certaines régions sont intéressées et si cela se fait avec l'accord des personnels en question, je ne m'y opposerai évidemment pas. Mme Hélène Luc. Donc, monsieur le ministre, cela ne se fera pas sans l'accord des personnels ?...
M. Luc Ferry, ministre. Je souhaiterais, en conclusion, évoquer le sujet des IUFM, dont on a peu parlé, mais qui, à mes yeux, est extrêmement important. Il me paraît souhaitable que, sur cette question de la formation des maîtres, le ministère et les recteurs reprennent la main et que nous ayons le courage de redresser la barre et d'afficher très clairement, même si la formation universitaire est importante - en tant qu'universitaire, j'y suis évidemment très attaché -, la nécessité pour les jeunes professeurs de recevoir une formation véritablement professionnelle.
Les jeunes professeurs ne connaissent pas la réalité des établissements, ni le public qu'ils vont y rencontrer. Il y a un décalage parfois abyssal entre leurs études, dans une discipline qui les passionne, et la réalité du métier qu'ils vont devoir exercer sur le terrain. La formation qui leur est dispensée doit, pour mieux les y préparer, je le dis franchement, être beaucoup plus professionnelle qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Nous proposerons donc, dès le mois de janvier, sur cette question des IUFM un certain nombre de mesures et de réformes importantes. Il s'agit non pas de faire la révolution ni de supprimer les IUFM, mais de les engager très vigoureusement dans la voie d'une formation bien plus professionnalisante qu'elle ne l'est aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant la jeunesse, l'éducation nationale et la recherche : II. - Enseignement supérieur.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 79 812 601 euros. »