SEANCE DU 3 DECEMBRE 2002


M. le président. Le Sénat va examiner tout d'abord les dispositions du projet de loi de finances concernant la sécurité.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentale fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis, et enfin à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devra pas dépasser cinq minutes ; le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés à la sécurité et à la lutte contre l'insécurité avaient fait l'objet de vives critiques au cours de la précédente législature. En effet, les Français étaient très inquiets - ils avaient même peur, parfois - et les engagements de l'Etat n'étaient pas tenus.
De plus, alors qu'il avait été annoncé que la lutte contre l'insécurité serait une priorité du Gouvernement, les moyens mis en oeuvre n'avaient pas suivi. La délinquance avait augmenté, et le nombre de policiers sur le terrain avait diminué.
De surcroît, confrontés aux promesses non tenues et à un sentiment croissant d'impuissance, les policiers et même les gendarmes avaient fini par descendre dans la rue.
Face à une situation de crise, que le résultat du premier tour de l'élection présidentielle a cruellement mise en lumière, la mise en oeuvre d'une véritable politique de lutte contre l'insécurité s'imposait comme une nécessité.
Le projet de budget s'inscrit cette année dans un contexte législatif particulier. Le vote, cet été, de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, et l'adoption du projet de loi pour la sécurité intérieure en première lecture nous ont permis de débattre de la politique de lutte contre l'insécurité et de ses moyens juridiques et matériels.
L'opposition avait dénoncé, lors de la discussion de la LOPSI, le caractère de « catalogue d'intentions » de ce texte, considérant sans doute que, à l'instar de la plupart des lois de programmation dans le passé, les moyens annoncés ne seraient jamais accordés.
Le projet de budget pour 2003 constituait donc un rendez-vous capital : le Gouvernement allait-il se donner les moyens des ambitions affichées, dans un contexte budgétaire difficile ?
J'ai choisi d'intituler mon rapport « La Révolution tranquille », car vous mettez en oeuvre, monsieur le ministre, des changements radicaux tant dans l'organisation que dans les esprits. Cette révolution se déroule sereinement, car elle s'appuie sur le bon sens.
Je commencerai donc par les lignes de force du budget de la sécurité intérieure pour 2003.
Il s'élèvera à 9,82 milliards d'euros, soit une progression de 5 % à structure constante. Les dépenses ordinaires représentent 96 % des moyens budgétaires, et les dépenses en capital 4 %. Ce montant peut sembler insignifiant et donc dérisoire à première vue. Pourtant, les investissements progressent de manière très importante par rapport à l'année 2002. En effet, le montant des crédits de paiement augmente de 58 %, et celui des autorisations de programme, de 64 %. A titre de comparaison, les dépenses en capital n'avaient progressé que de 1,2 % par an en moyenne sur l'ensemble de la précédente législature.
Cette progression de valeur était largement insuffisante pour éviter une dégradation sensible du patrimoine immobilier du ministère de l'intérieur. J'avais d'ailleurs souligné le mauvais état général des commissariats de police, son effet sur les conditions de travail, sur l'accueil des victimes, sur la motivation des personnels, et l'image très négative que ce délabrement donnait de l'Etat.
Avant d'aborder les crédits consacrés à la sécurité civile, je voudrais rendre hommage aux cinq sapeurs-pompiers volontaires victimes d'un conducteur inconscient et irresponsable.
Ces crédits consacrés à la sécurité civile augmentent de manière importante dans le projet de budget pour 2003, notamment en dépenses en capital. Je note avec satisfaction la livraison des premiers hélicoptères EC 145, attendus depuis plusieurs années. S'ajoutent à cela des mesures de revalorisation indemnitaire des professionnels, en particulier pour les démineurs.
Cette augmentation des moyens consacrés à la sécurité civile est nécessaire, car, face aux catastrophes naturelles, la population exige des moyens d'alerte et d'intervention à la fois rapides et fiables.
En ce qui concerne les effectifs, le nombre d'emplois budgétaires augmentera de 1 864, à structure constante. Ces nouveaux emplois, ajoutés au rachat d'une partie des jours accordés par le précédent gouvernement au titre de la réduction du temps de travail, permettront de mettre fin au « paradoxe Vaillant » que je soulignais l'an passé : le nombre de policiers augmentait, tandis que le nombre d'heures travaillées et, surtout, la présence policière sur le terrain diminuaient !
J'ajoute que les postes d'adjoint de sécurité sont maintenus en 2003. Des contrats de trois ans, renouvelables une fois, leur seront proposés, et ils pourront présenter les concours de recrutement organisés par la police nationale au cours des années à venir.
Le projet de budget pour 2003 appelle une observation principale : il concrétise les engagements pris dans la LOPSI. En effet, les créations d'emplois pour la police nationale représentent près de 30 % du total des créations d'emplois annoncées sur cinq ans. S'agissant des crédits, l'ensemble des moyens supplémentaires accordés aux forces de sécurité intérieure, gendarmerie comprise, représente près de 40 % du total des crédits supplémentaires annoncés dans la LOPSI, et ce dès sa première année d'application. C'est la preuve de la détermination du Gouvernement à respecter ses engagements.
La lutte contre l'insécurité, et contre le sentiment d'insécurité, passe au premier chef par une plus grande présence policière sur le terrain.
Il s'agit d'être pragmatique : en réformant les procédures et les modes de fonctionnement de l'administration, on peut améliorer la productivité des services et libérer des emplois. Ainsi, la réforme des conditions d'emploi des forces mobiles devrait dégager près de 4 000 emplois équivalent temps plein. C'est considérable, et pourtant cela ne coûte presque rien au contribuable. Rationaliser les procédures permettra, dans ce cas comme dans bien d'autres, d'assurer au mieux le service public fondamental qu'est la sécurité.
Je souhaite que d'autres gisements d'emplois soient explorés à l'avenir. Je pense notamment au transfèrement des détenus, qui pourrait être confié à l'administration pénitentiaire, et à la suppression de certaines opérations de transfèrement inutiles. Il serait plus rationnel de demander aux magistrats de tenir des audiences foraines dans les lieux mêmes de détention plutôt que de multiplier les transferts de prisonniers, qui mobilisent un nombre considérable de policiers et de gendarmes. Je citerai l'exemple de Marseille, où deux cents policiers sont ainsi mobilisés.
Je pense également à la délégation de la surveillance des ambassades et des bâtiments publics protégés à Paris pour un emploi des effectifs de police qui soit plus judicieux que celui de « plantes vertes », pour reprendre l'expression par laquelle les agents se désignent eux-mêmes.
Ce sera l'objet de ma première question : où en est aujourd'hui l'externalisation de certaines fonctions dans la police nationale ? En particulier, quel est l'état d'avancement de l'idée des audiences foraines ?
Les créations d'emplois et les mesures visant à améliorer la présence policière sur le terrain s'accompagnent, dans le projet de budget pour 2003, de mesures importantes de revalorisation indemnitaire. C'est, à mon sens, la condition nécessaire pour développer la mobilité et, surtout, pour introduire une culture du résultat au sein de la police nationale. Les moyens supplémentaires dont vous disposez, monsieur le ministre, sont indispensables aux réformes importantes que vous défendez.
L'ensemble de ces mesures viendra redonner aux forces de sécurité intérieure une confiance et une motivation mises à mal au cours des dernières années. L'amélioration des conditions de travail favorisera également l'attractivité des concours, et donc la qualité des recrutements qui seront effectués à l'avenir.
J'en viens à ma deuxième question : quels dispositifs sont envisagés pour développer la culture du résultat au sein du ministère de l'intérieur et, de manière plus spécifique, pour mettre en place un avancement au mérite ?
Je souhaite également évoquer les progrès notables accomplis par le ministère de l'intérieur en matière de contrôle de gestion ainsi que de transparence sur ses moyens et ses résultats. Sur ce point, je suis tout à fait favorable à la réintroduction du dispositif d'évaluation opérée par l'Assemblée nationale en première lecture, à l'article 73. Ce dispositif d'évaluation annuelle de l'application de la loi d'orientation et de programmation, qui était destiné à mesurer les résultats obtenus au regard des objectifs fixés et de les rapporter aux moyens engagés, figurait initialement dans la LOPSI, mais il avait été censuré pour des motifs de forme par le Conseil constitutionnel.
Des efforts importants ont été réalisés par le ministère de l'intérieur pour mieux programmer ses dépenses immobilières, ainsi que pour accroître la souplesse de gestion des crédits. Avec l'expérience de globalisation des crédits des préfectures, la mise en oeuvre comme ministère pilote du progiciel ACCORD et l'introduction d'une culture de performance, le ministère de l'intérieur semble particulièrement bien préparé pour mettre en oeuvre la loi organique relative aux lois de finances.
Je me dois cependant, monsieur le ministre, d'évoquer certaines réserves.
Un récent rapport de l'Inspection générale de l'administration se montre très critique sur la manière dont a été géré le développement du système de communication ACROPOL. J'aimerais connaître vos réactions sur ce sujet, ainsi que les mesures que vous comptez prendre pour améliorer la conduite de ce projet.
Je voudrais également souligner que les indicateurs figurant dans le bleu budgétaire sont encore peu satisfaisants, car ils décrivent trop souvent l'activité des services plutôt que leur performance. Il serait donc utile de compléter l'information disponible sur les résultats de la lutte contre l'insécurité par des enquêtes de « victimation », ainsi que des enquêtes régulières sur l'évolution du sentiment d'insécurité.
Ces enquêtes, dont l'intérêt avait été mis en lumière par la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs, permettraient de mieux connaître la propension des personnes à signaler les faits dont elles ont été victimes, ainsi que d'avoir une vision qualitative de l'évolution de la situation. Cette propension est proportionnelle à la confiance que portent nos concitoyens en la capacité de la police et de la justice à mener à bien une enquête et à punir les coupables.
Ce sera ma quatrième question : quelle est votre position, monsieur le ministre, sur la réalisation d'enquêtes de victimation sur une base régulière qui viendraient utilement compléter les données statistiques, mesurant l'activité des services et même l'évolution réelle de la délinquance ?
Je conclurai en soulignant que l'actualité internationale appelle un renforcement de l'efficacité de la lutte contre l'insécurité, car des informations récentes montrent que le territoire français constitue une des cibles potentielles des organisations terroristes. Afin d'améliorer la prévention des actes terroristes, je souhaite qu'une réorganisation de tous nos services de renseignement soit étudiée pour mettre en oeuvre une coordination plus étroite et un partage de l'information accru entre les renseignements généraux, la direction de la surveillance du territoire, ou DST, et la direction générale de la sécurité extérieure, ou DGSE, qui pourrait se concrétiser par la création d'un « conseil de sécurité ». Le développement d'une filière de formation spécifique ouverte sur des profils et des compétences variés serait également souhaitable.
Les prévisions de recettes fiscales pour 2003 sont inférieures de 700 millions d'euros à celles qui sont prévues dans le projet de loi de finances. La commission des finances a souhaité, dans ce contexte, réduire les dépenses de l'Etat, à l'exception de celles qui concernent ses missions régaliennes.
Assurer la sécurité de nos concitoyens est l'une des missions régaliennes de l'Etat. En qualité de rapporteur spécial, je constate que le prix de cette sécurité est une augmentation de moyens sans précédent. Cette forte hausse des crédits de la sécurité intérieure pour 2003 doit, dans ces circonstances, inciter plus que jamais à être vigilant et à s'assurer de l'efficacité de la dépense publique.
La commission des finances a pris acte du fait que le projet de budget pour 2003 traduit fidèlement les engagements pris par le Gouvernement lors de la discussion de la loi d'orientation pour la sécurité intérieure. Il donne les moyens au Gouvernement de faire face à la menace terroriste et d'améliorer la sécurité quotidienne de nos concitoyens.
La commission des finances est favorable à l'adoption des crédits pour la sécurité intérieure. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le rapporteur spécial, je tiens tout d'abord à vous remercier pour la précision de vos analyses et pour le soutien que vous apportez à l'action du Gouvernement.
Il était en effet nécessaire de rappeler quelle était la situation de la sécurité intérieure voilà encore huit mois. Il est bon de s'entendre rappeler un passé encore récent. Vous connaissez tous le proverbe : quand je m'ausculte, je m'inquiète ; quand je me compare, je me rassure ! En l'occurrence, la comparaison devrait nous mettre en joie.
Ce souvenir donne au Gouvernement une raison supplémentaire de poursuivre son action et de tenter de faire le meilleur usage des moyens supplémentaires qui sont mis à sa disposition et que vous avez parfaitement décrits.
Vous m'avez posé plusieurs questions précises ; je vais essayer d'y répondre avec la même précision.
La première portait sur l'externalisation dans la police nationale et sur les audiences foraines.
Sur ce dernier point, soyons clairs, il faut impérativement revoir l'organisation des transferts de détenus...
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... pour éviter les transferts inutiles qui font perdre du temps à la fois aux magistrats et aux services de la police et de la gendarmerie. Il existe des petites villes dans lesquelles la police n'est plus disponible pour assurer la sécurité de la population lorsqu'un détenu doit être transféré. Ce n'est pas admissible ! En le disant, on ne fait que décrire une réalité.
Les audiences foraines, monsieur le rapporteur spécial, sont un moyen de parvenir à cet objectif. J'y suis donc favorable, sans pour autant sous-estimer la difficulté de leur organisation, qui devra être surmontée.
Monsieur le président, j'observe d'ailleurs qu'à chaque fois qu'un changement est nécessaire, on se plaint que ce soit difficile. Si ce n'était pas difficile, ce serait fait depuis longtemps !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la sécurité civile. C'est vrai !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. L'action gouvernementale doit, selon moi, s'attaquer aux problèmes difficiles ; les problèmes faciles, mesdames et messieurs les sénateurs, on ne nous a pas attendus pour les régler ! La difficulté technique n'est donc pas en soi un élément suffisant pour refuser d'agir. L'exemple de Sangatte me semble à cet égard particulièrement illustratif. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
C'est pourquoi le Premier ministre a récemment demandé à une mission commune de l'Inspection des services judiciaires et de l'Inspection générale d'administration de faire des propositions sur les moyens pratiques d'éviter les transferts inutiles. Elle rendra son rapport avant la fin du premier semestre 2003 et j'en tiendrai le plus grand compte.
Monsieur le rapporteur spécial, je souhaite également qu'une réflexion soit menée sur les soins hospitaliers pour les détenus.
M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il n'y a aucune raison, là encore, que la vie des personnels hospitaliers soit mise en danger parce qu'un détenu extrêmement dangereux a besoin d'être soigné - il ne s'agit nullement, naturellement, de ne pas le soigner. Je me demande toutefois s'il ne serait pas souhaitable que les grands centres régionaux hospitaliers prévoient une ou deux chambres équipées aux fins d'assurer la sécurité du personnel hospitalier et, dans le même temps, celle des policiers ou des gendarmes qui escortent ces individus dangereux. Récemment, à Nice, le drame a été évité de peu avec un jeune fonctionnaire de police. Il faut donc pouvoir garantir des mesures de sécurité à l'ensemble de ces travailleurs extrêmement dévoués.
S'agissant des prisons, je ne vais pas non plus, monsieur le rapporteur spécial, me cacher derrière mon petit doigt ! Il est temps que la France regarde les problèmes tels qu'ils se posent et non pas de façon tellement éthérée qu'elle reporte de dix ou quinze ans la solution de problèmes qu'elle connaît depuis dix ou quinze ans !
Je souhaite évoquer, comme vous, le cas de la zone d'attente de Roissy, où le ministère de l'intérieur a fait construire une salle d'audience qui n'est jamais utilisée, notamment parce que le barreau de Bobigny a objecté que cette salle, qui présente toutes les caractéristiques d'un tribunal, n'en est juridiquement pas un. C'est parfaitement exact. La solution me paraît simple, elle consiste à créer un tribunal à Roissy ! Le garde des sceaux m'a assuré de son soutien de principe pour ce projet, et des études sont engagées.
L'externalisation, cependant, ne se limite pas à la question des audiences foraines. Pour ne prendre qu'un exemple, j'ai décidé d'externaliser - enfin ! monsieur le rapporteur spécial - la maintenance et l'entretien automobiles dans la petite couronne parisienne,...
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... si tant est d'ailleurs qu'un policier soit fait pour réparer les voitures, ce qui serait une première ! Les garages de la police nationale ne suffisent pas à répondre à la demande et, tenez-vous bien, près d'un véhicule sur trois est en permanence immobilisé pour réparation. La police nationale, à ma demande, est en train de rédiger les appels d'offres qui permettront à cette expérimentation d'être mise en oeuvre dès la fin du premier trimestre de l'année 2003. Enfin un peu d'efficacité, de souplesse, de réactivité !
Votre deuxième question portait sur la mise en place d'une culture du résultat dans la police et dans la gendarmerie. Cette nouvelle culture se traduit déjà de plusieurs manières concrètes. Comme vous le savez, je reçois tous les mois les préfets et les directeurs de la sécurité publique ainsi que les commandants de groupements des départements dans lesquels la délinquance a le plus progressé et des départements qui ont connu les meilleurs résultats. Ces réunions sont l'occasion de mieux comprendre les raisons de l'évolution de la délinquance.
J'ai d'ailleurs découvert, monsieur le président, un département dans lequel la délinquance augmentait chaque mois depuis cinq ans ! Ce qui est étonnant, ce n'est pas que le ministre de l'intérieur reçoive les préfets, les directeurs et les commandants de groupements, c'est que jamais un ministre de l'intérieur ne se soit posé la question de savoir pourquoi la délinquance augmentait tous les mois depuis cinq ans dans un département et comment une aide pourrait être apportée !
La culture du résultat n'est pas faite pour sanctionner, elle est d'abord faite pour comprendre ce qui va et ce qui ne va pas, puis pour donner les moyens que cela aille mieux. Si cela va toujours aussi mal, il faut alors s'interroger sur l'adaptation des chefs que l'on a choisis pour conduire une politique qui ne produit pas les résultats attendus. Lorsqu'on utilise les impôts des contribuables, lorsqu'on sollicite nos concitoyens avec des moyens supplémentaires, la culture du résultat est une ardente obligation !
De ce point de vue, je veux vous dire, monsieur le rapporteur spécial, que la performance existe non pas seulement dans le secteur privé, mais aussi dans le secteur public, et que les fonctionnaires ont parfaitement le droit d'être reconnus pour leur travail, pour leurs qualités. La performance existe dans l'administration territoriale comme dans l'administration nationale, et il est bon que ce soit la majorité d'aujourd'hui qui rende cet hommage justifié aux fonctionnaires. Les fonctionnaires ont besoin de considération, et la considération ne se limite pas aux discours : elle doit aussi reconnaître la qualité du travail. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
C'est la raison pour laquelle, monsieur le rapporteur spécial, toujours dans le cadre de la culture du résultat, j'envisage de réformer le système de notation et d'évaluation ainsi que la nomenclature des postes pour offrir de meilleures perspectives d'avancement aux fonctionnaires qui fournissent les meilleurs résultats. Ce n'est pas un sujet tabou, et nous savons tous que la police, comme la gendarmerie, est une grande affaire humaine : cette « pâte humaine » doit être traitée non pas avec le seul souci du nivellement, mais avec celui de la considération du travail de chacun.
Ces trois réformes sont bien engagées. Les commissaires et les officiers de police seront désormais soumis à une évaluation portant autant sur leur activité, notamment managériale, que sur l'activité de leur service. J'ai demandé que la nomenclature des postes soit revue pour que les postes les mieux cotés soient effectivement ceux qui demandent le plus de capacités, ce qui n'était pas toujours le cas !
L'administration n'est pas condamnée à avoir dans les grades les plus élevés les fonctionnaires les plus anciens avec une conception minimale de la prise d'initiative et de risque. C'est une véritable révolution culturelle dans une administration qui ne demande que cela : nos collaborateurs veulent pouvoir faire davantage, pour peu qu'on leur en donne la liberté.
Il me paraît enfin normal de prévoir une récompense en espèces sonnantes et trébuchantes pour les services qui obtiennent les meilleurs résultats. Cette mesure ne figure pas encore dans le projet de budget pour 2003 pour une raison évidente : on ne peut récompenser que dans la mesure où l'on a fixé des objectifs et défini une méthode d'évaluation pour récompenser ceux qui le méritent. Ces objectifs figurent désormais dans l'agrégat « Police nationale » du document budgétaire.
L'Assemblée nationale a décidé de réinstaurer sous une autre forme la disposition de la LOPSI prévoyant l'évaluation annuelle qui avait été annulée par le Conseil constitutionnel.
La mise en place de cette prime au mérite sera une priorité du budget pour 2004. Je rappelle que la méritocratie est la première valeur républicaine. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Avant la République, pour réussir, il fallait être bien né ou bien doté. La République nous a amené une troisième voie de réussite, celle du mérite, celle de la compétence, celle de l'effort personnel.
M. Adrien Gouteyron. Oui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le mérite, la méritocratie, c'est une valeur profondément républicaine. Il convient que les républicains que nous sommes ne l'oublient pas.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Votre troisième question, monsieur le rapporteur spécial, porte sur le rapport de l'Inspection générale de l'administration sur la mise en oeuvre d'ACROPOL. Je voudrais vous signaler que ce rapport n'est pas aussi récent que vous l'indiquez puisqu'il ne prend pas en compte les mesures que j'ai décidées au cours des six derniers mois.
Le déploiement d'ACROPOL a été un succès dans la plupart des régions. Vous avez raison de le souligner, monsieur le rapporteur spécial, il présente deux faiblesses : la couverture des lieux souterrains et le fonctionnement du système à Paris et en petite couronne.
Sur le premier point, le projet de budget prévoit l'ouverture de 10 millions d'euros de crédits destinés à l'équipement des lieux souterrains. Il était en effet profondément anormal que les fonctionnaires se trouvent privés de tout contact avec leur base ; ce problème est désormais réglé.
Deux problèmes se posaient en outre à Paris : des coupures trop longues aux changements de relais et l'absence de couverture de certains points. Le premier d'entre eux a déjà entièrement disparu grâce à une amélioration du logiciel que j'ai obtenue après une réunion que je qualifierai de « franche » avec le constructeur, cet été.
Pour résoudre le deuxième problème, j'ai décidé de doubler le nombre de relais en petite couronne et à Paris. Ce travail a déjà bien progressé et je peux vous annoncer que la couverture de la petite couronne sera intégrale, monsieur le rapporteur spécial, dès le mois de février prochain.
Enfin, vous m'avez demandé si je serais favorable à la réalisation d'enquêtes de victimation. Ma réponse est oui. Ces enquêtes sont un bon complément à la publication de l'état 4001, même si ce dernier, je veux le rappeler, est l'outil statistique le plus perfectionné d'Europe.
Les enquêtes de victimation permettraient de prendre en compte ce que cet état oublie, c'est-à-dire les agressions qui n'ont que la nature de contravention et non de délit, celles qui ne sont pas signalées aux services de police et celles qui ne donnent pas lieu à transmission au parquet mais qui sont inscrites en main courante.
Vous me permettrez de conclure en vous disant ceci : nos prédécesseurs trouvaient l'état 4001 injuste quand les chiffres de la délinquance augmentaient tous les mois, et ils venaient expliquer aux Français que cette progresssion était due au fait que la police travaillait plus. Nous savons ce que les Français ont pensé de ce curieux raisonnement !
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Eh oui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Or les chiffres de l'état 4001 diminuent. J'aimerais que l'on m'explique au nom de quoi l'état 4001 avait raison quand les chiffres montaient et aurait tort quand ils diminuent ! La vérité, vous l'avez compris, monsieur le rapporteur spécial, c'est que la politique de sécurité de la France a profondément changé, et je crois que c'était nécessaire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la police et la sécurité. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le premier budget de la police nationale de la nouvelle législature se devait de mettre en oeuvre les moyens prévus par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure que nous avons votée en juillet dernier, dite LOPSI.
La commission des lois s'est félicitée de la progression conséquente des crédits consacrés à la police nationale : s'établissant à 5,45 milliards d'euros, ils sont en effet en hausse de 5,8 % par rapport à l'année 2002.
La commission des lois a noté avec satisfaction que seraient créés, dès 2003, 1 900 emplois, soit près du tiers des emplois supplémentaires prévus par la LOPSI au titre de la police nationale.
Elle a observé que les crédits de fonctionnement seraient accrus de 45 millions d'euros et que les crédits immobiliers seraient doublés. Le projet de budget de la gendarmerie nationale, quant à lui, est également en nette progression.
Ce projet de loi de finances pour 2003 traduit donc sans conteste la priorité accordée par le Gouvernement à la sécurité. Il permet de garantir, dès 2003, que 40 % de l'enveloppe prévue par la LOPSI seront effectivement engagés.
Ces moyens nouveaux permettront de lutter plus efficacement contre la délinquance.
Chacun connaît la situation désastreuse laissée par vos prédécesseurs, monsieur le ministre. Lors des dernières échéances électorales, les Français ont exprimé leur inquiétude face à la montée persistante de l'insécurité.
Or, après une recrudescence de la criminalité sans précédent en 2001 et au début de cette année, la situation est en voie d'amélioration depuis le mois dernier.
Ces premiers résultats nous démontrent, s'il en était besoin, qu'il n'y a pas de fatalité à l'explosion de l'insécurité. Ils encouragent la poursuite d'une mobilisation de tous les instants sur le terrain dans une lutte déterminée contre la délinquance.
Dans un souci de transparence et afin de contrer à la source la propagation de rumeurs infondées, vous avez décidé, monsieur le ministre, de publier mensuellement les chiffres de la délinquance. Partisan de la culture du résultat, vous suivez attentivement l'action des forces de sécurité sur le terrain.
Il convient ici de témoigner notre soutien aux policiers qui se dévouent sur le terrain pour assurer notre sécurité au péril de leur vie. Qu'il me soit permis, en mon nom personnel et au nom de la commission des lois, de rendre un hommage particulier aux sept fonctionnaires de police décédés et aux 3 528 blessés au cours d'opérations de police en 2001.
Vous avez, monsieur le ministre, entrepris de mettre en oeuvre avec détermination des orientations fixées par la loi d'orientation et de programmation.
Le projet de loi pour la sécurité intérieure, adopté par le Sénat en première lecture le 19 novembre dernier, après un débat très riche, donnera aux forces de sécurité des moyens juridiques qui leur faisaient défaut.
Les orientations définies par la LOPSI tendent à une meilleure efficacité.
En premier lieu, elles prévoient une nouvelle architecture institutionnelle donnant un rôle élargi aux élus locaux. Les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, présidés par les maires, commencent à se mettre en place. Ils sont destinés à assurer l'ancrage des forces de sécurité dans la démocratie locale.
Le décret du 17 juillet 2002 précise en outre que les maires sont informés sans délai des actes graves de délinquance commis dans leur commune et qu'ils sont informés, au moins une fois par an, de l'ensemble des moyens mis en oeuvre par l'Etat dans leur commune.
Comme l'avait souhaité le Sénat lors de la discussion de la loi relative à la sécurité quotidienne, les maires sont ainsi dotés d'un véritable droit à l'information sur les questions de sécurité.
En second lieu, la recherche d'une meilleure efficacité conduit à favoriser la synergie entre les forces de sécurité. A cet effet, monsieur le ministre, vous avez reçu autorité tant sur la police que sur la gendarmerie nationales.
Les résultats spectaculaires obtenus par les vingt-huit groupes d'intervention régionaux, les GIR, sont emblématiques de l'efficacité sur le terrain de la coopération entre les forces de sécurité. Ces groupes permettent une lutte en profondeur contre l'économie souterraine et la délinquance organisée.
La collaboration entre la police nationale et la gendarmerie nationale impliquera, bien entendu, la mise en commun de moyens logistiques. Il faudra également prévoir un accès réciproque aux fichiers tenus par chacune des institutions. Je pense en particulier aux fichiers STIC, ou système de traitement de l'information criminelle, et JUDEX. Il faudra en outre harmoniser les réseaux de communication ACROPOL et RUBIS.
Une plus grande efficacité suppose également une implantation plus rationnelle des forces de sécurité sur notre territoire, dans la ligne des propositions faites en 1998 par nos collègues parlementaires, MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le ministre, vous avez marqué votre volonté de réussir là où le gouvernement précédent a échoué. Repartant sur de nouvelles bases, vous avez affirmé à maintes reprises que, contrairement à 1998, il s'agirait non pas d'imposer un plan préétabli, mais de définir les meilleures solutions au plus près du terrain, en concertation avec les élus locaux.
Vous avez indiqué qu'il ne s'agirait plus de gérer la pénurie de personnels, puisque le redéploiement s'inscrirait dans un contexte de création de 13 500 emplois sur la durée de la législature.
Lors de votre audition devant la commission des lois, il y a quinze jours, vous avez indiqué que vous disposiez de 85 % des propositions des préfets et qu'un premier redéploiement aurait lieu dans le département de l'Aube.
Pourriez-vous faire le point de la situation ? Disposez-vous à ce jour d'une synthèse des propositions reçues des préfets ? De nouveaux redéploiements sont-ils d'ores et déjà envisagés ?
Pouvez-vous, afin de dissiper certaines inquiétudes, nous confirmer que les élus seront associés à la définition de solutions concrètes sur le terrain ?
Pouvez-vous, enfin, nous assurer de la mise en oeuvre de moyens suffisants pour garantir que le redéploiement n'altérera en rien la qualité du service rendu à nos concitoyens ?
Une meilleure efficacité implique en outre un renforcement de la police judiciaire, qui a été fortement négligée au cours des dernières années.
Le nombre d'officiers de police judiciaire sera augmenté et le projet de loi sur la sécurité intérieure prévoit d'étendre leur zone de compétence. La qualification d'officier de police judiciaire, ou OPJ, sera ainsi attribuée en 2003 à 2 000 agents du corps de maîtrise et d'application supplémentaires.
L'indemnité correspondante passera de 400 à 600 euros par an, comme je le souhaite depuis plusieurs années. Le surcroît de responsabilités généré par l'exercice de la qualité d'officier de police judiciaire doit en effet être mieux rémunéré. Il serait souhaitable que l'attribution de cette qualité s'accompagne en outre d'une évolution favorable de la carrière.
La police judiciaire s'appuiera sur des moyens juridiques nouveaux.
Le fichier national des empreintes génétiques est essentiel au travail des enquêteurs, comme le démontre l'élucidation du crime de Patricia Leclercq dans la Somme.
Ce fichier était au départ réservé aux personnes condamnées pour infractions sexuelles. Dans le projet de loi pour la sécurité intérieure, nous avons approuvé son extension aux auteurs de nouvelles infractions et aux suspects.
Il a été mis en place avec beaucoup de difficultés. Quatre ans après sa création, il ne comporte que 1 200 enregistrements. Or, 535 000 personnes mises en cause en 2001 répondaient aux critères qui permettront désormais l'inscription dans le fichier.
Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que les moyens nécesssaires seront mis en oeuvre dès 2003 pour assurer l'alimentation du fichier d'empreintes génétiques à une tout autre échelle ?
Une meilleure efficacité passe également par une utilisation plus rationnelle des compétences sur le terrain.
Je pense, en premier lieu, au recrutement d'agents administratifs qui permettront de remettre sur le terrain des policiers actifs occupés à des tâches administratives.
La création de 1 000 emplois nouveaux, dont une partie a déjà été recrutée par anticipation, et le dégel de 1 000 autres emplois permettront à la police nationale de bénéficier, en 2003, de 2 000 agents administratifs, scientifiques ou techniques supplémentaires. Nous nous en félicitons.
Les 30 000 hommes des forces mobiles seront utilisés en appui des missions de sécurité quotidienne au plus près de leur casernement ; je me félicite également de cette rationalisation.
Enfin, nous vous savons gré, monsieur le ministre, d'avoir pris les mesures nécessaires pour compenser la perte de capacité opérationnelle engendrée par la mise en place, par votre prédécesseur, de la réduction du temps de travail. Le rachat de cinq jours supplémentaires permettra en effet de restituer à la police nationale une capacité opérationnelle équivalant à 4 000 emplois à temps plein.
Une plus grande efficacité exige enfin une intensification de la coopération policière internationale, qui seule permettra de lutter contre le terrorisme et les réseaux de trafiquants.
Cette coopération doit s'inscrire en premier lieu au sein des organes créés dans le cadre de l'Union européenne, à savoir EUROPOL et EUROJUST, ou dans un espace plus large, comme INTERPOL. La France et l'Allemagne viennent d'ailleurs de faire des propositions de renforcement de la coopération policière dans le cadre de l'Union européenne.
Vous avez souhaité par ailleurs, monsieur le ministre, réactiver les accords de coopération transfrontalière entre la France et les pays voisins, en favorisant l'installation de centres de coopération policière et douanière.
La question de l'immigration clandestine vers la Grande-Bretagne, à l'origine du difficile problème du centre de Sangatte, a été résolue en coopération avec les autorités britanniques. Vous revenez d'ailleurs de Grande-Bretagne, et nous vous félicitons des résultats que vous y avez obtenus.
Des coopérations bilatérales renforcées avec les pays « sources » ou de transit permettraient de lutter efficacement contre la traite des êtres humains, que le Sénat a érigée en délit dans le projet de loi pour la sécurité intérieure.
Monsieur le ministre, pouvez-vous faire le point sur les moyens nouveaux que vous avez décidé de mettre en oeuvre pour assurer le renforcement de la coopération policière internationale ?
La commission des lois a estimé que les crédits inscrits au titre de la police nationale dans le projet de loi de finances pour 2003 permettraient d'accompagner efficacement votre politique déterminée de lutte contre toutes les formes de délinquance. Elle a donc émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la sécurité civile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la progression de 29,7 % des crédits du ministère de l'intérieur pour la sécurité civile en 2003, soit une progression de 11,57 % à périmètre constant, constitue une avancée remarquable au regard de la stagnation de ces crédits en 2002. Elle souligne en outre le caractère prioritaire des missions de défense et de sécurité civiles, éléments incontournables de la sécurité intérieure aujourd'hui.
L'attachement profond de nos compatriotes à la qualité des interventions, toujours plus nombreuses et toujours plus dangereuses, des services de la sécurité civile est renforcé par le professionnalisme, l'efficacité et le dévouement dont ces personnels font preuve, au quotidien comme lors des catastrophes exceptionnelles. L'action des services de secours pour soulager les victimes des inondations qui ont encore récemment bouleversé notre pays en témoigne.
Je tiens, une nouvelle fois, à rendre hommage à tous les secouristes morts en service cette année. Je pense aux six sapeurs-pompiers décédés à l'automne, qui, tous, ont incarné jusqu'au bout la devise « sauver ou périr » des sapeurs-pompiers de Paris, et aux cinq malheureux pompiers, fauchés dans les conditions tragiques sur l'autoroute A 7, auxquels un hommage sera rendu cet après-midi.
Monsieur le ministre, le budget de la sécurité civile pour 2003 est la première étape de l'indispensable réforme de la sécurité civile en France : il prend en considération les personnels, vise à la remise à niveau des équipements, tout en tenant compte de l'émergence de nouveaux risques.
Monsieur le ministre, vous avez confirmé dans les faits les mesures que vous aviez annoncées. Ce n'est pas une surprise, mais il fallait le souligner.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. En premier lieu, vous avez augmenté les crédits de personnel de plus de 9 %. Une quarantaine d'emplois supplémentaires seront ainsi affectés à la sécurité civile, tandis que 5,34 millions d'euros sont destinés à compenser les contraintes spécifiques des personnels.
En second lieu, les crédits de fonctionnement augmenteront de 6,91 % par rapport à 2002, ce qui permettra notamment de répondre aux besoins de financement du groupement des moyens aériens et de poursuivre les travaux de sécurisation des centres de déminage.
Les investissements connaîtront également une forte progression : le montant des autorisations de programme relatives à l'équipement matériel de la direction de la défense et de la sécurité civiles, la DDSC, progressera de 50 %, tandis que le crédits de paiement augmenteront de 25,9 % par rapport à 2002.
De votre projet de budget se dégagent quelques axes prioritaires.
Je veux tout d'abord saluer la création d'un fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, qui sera doté de 45 millions d'euros, afin de remplacer la majoration exceptionnelle de la dotation globale d'équipement, la DGE, dont ces services bénéficiaient depuis l'année 2000.
J'insiste aussi sur le renforcement des capacités opérationnelles du groupement des moyens aériens : dix-huit créations d'emploi et vingt-deux emplois budgétaires consolidés accroîtront ses effectifs.
Par ailleurs, les crédits destinés à la maintenance des aéronefs sont fortement revalorisés puisqu'ils augmentent de 55 %. Ce nécessaire effort avait été trop longtemps retardé.
Je veux souligner également la mise en oeuvre de la deuxième tranche du plan de modernisation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, plan qui doit être appliqué entre 2002 et 2007. L'enveloppe budgétaire de 1,85 million d'euros devrait permettre l'acquisition de nouveaux équipements et la création de 125 emplois supplémentaires. La poursuite de ce plan était, elle aussi, une ardente obligation pour faire face à la hausse rapide du nombre des interventions. En 2001, les sapeurs-pompiers de Paris ont ainsi effectué 450 000 interventions, soit plus de 1 200 par jour !
Enfin, je me réjouis de l'effort visant à améliorer la formation des services de secours que vous avez entrepris. Vous aviez annoncé dès le mois de juin la création d'un pôle de sécurité civile, autour du nouveau site de l'école nationale des officiers de sapeurs-pompiers, à Aix-les-Milles, et celle d'un pôle de défense civile à Cambrai. En mettant les infrastructures les plus modernes à la disposition des personnels - aires d'entraînement et de simulation pratique, centres de recherche, etc. - et en favorisant la coopération et l'échange des différents acteurs des secours, vous posez les bases d'une sécurité civile plus efficace et mieux coordonnée.
Ces mesures interviennent, il faut le souligner, avant la discussion du projet de loi sur la modernisation de la sécurité civile que vous avez annoncée pour l'année prochaine.
Tirant les conséquences des événements exceptionnels qui ont touché notre pays ces dernières années - tempêtes de 1999, naufrage de l' Erika , inondations récurrentes, explosion de l'usine AZF de Toulouse, la liste complète serait, hélas ! trop longue -, ce texte dont l'objet est de dessiner la sécurité civile de demain, devra actualiser la loi du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile en améliorant la capacité de l'Etat à prévenir les risques et à gérer les crises, en clarifiant les responsabilités des acteurs des secours et en définissant les obligations de chacun, car la sécurité civile, mes chers collègues, est l'affaire de tous.
Avant même, je l'ai dit, le dépôt du projet de loi sur la modernisation de la sécurité civile, le présent projet de budget tend à répondre aux besoins des services de la sécurité civile afin de satisfaire au mieux les attentes de la population. Plus généralement, monsieur le ministre, votre action contribue à faire émerger une véritable culture de la sécurité civile en France.
Je souhaite cependant attirer votre attention, monsieur le ministre, sur quelques points qui mériteraient des précisions de votre part afin d'éclairer le Sénat.
Tout d'abord, si le projet de budget pour la sécurité civile instaure un fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours, il intervient également après l'adoption de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, dont l'application suscite certaines inquiétudes. Pourriez-vous, par conséquent, nous indiquer quelles sont vos intentions à l'égard des services départementaux d'incendie et de secours ?
Quant au volontariat des sapeurs-pompiers, il se heurte aujourd'hui, vous le savez, à des difficultés importantes : le nombre de volontaires reste stable depuis quelques années, alors que la durée de leur engagement diminue. Rappelons que les sapeurs-pompiers volontaires représentent 85 % des effectifs de sapeurs-pompiers sur l'ensemble du pays.
Là encore, monsieur le ministre, vous avez choisi de faire face aux difficultés plutôt que de les éviter. Vous avez donc installé, le 25 juillet dernier, une mission autour du maire de Nîmes, M. Jean-Paul Fournier, chargée de faire des propositions pour faciliter la fidélisation des volontaires.
Par ailleurs, lors de votre audition devant la commission des lois, en réponse à l'une de mes interrogations, vous avez indiqué que vous étiez favorable au rétablissement à seize ans de l'âge d'engagement des sapeurs-pompiers volontaires. C'est en effet indispensable.
M. Adrien Gouteyron. C'est très important !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Pourriez-vous nous préciser vos intentions en la matière, monsieur le ministre ?
Autre sujet d'importance : le stockage des munitions chimiques. En 2001, la dégradation des conditions de stockage des munitions chimiques entreposées à Vimy, dans le Pas-de-Calais, avait nécessité - chacun s'en souvient - une opération d'évacuation de grande ampleur. La question de la sécurisation des sites de stockage de munitions se pose toujours aujourd'hui.
On aurait pu craindre que, par une sorte de transfert qui ne nous est pas inconnue, la nécessaire politique de sécurité, ne soit menée aux dépens de la sécurité civile. Il n'en est rien, et je salue dans ce projet de budget le signe clair de votre engagement en faveur d'une sécurité civile efficace et adaptée à son temps.
La commission des lois, comme les autres commissions, est rarement unanime, vous le savez. Elle l'a été pour rendre un avis favorable à l'adoption des crédits pour la sécurité civile. C'est un signe fort ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l'amélioration de la sécurité que nous enregistrons depuis quelques mois ne peut être qu'un premier pas, et il n'est pas question que le Gouvernement s'en contente. C'est précisément parce que la situation s'améliore qu'il faut aller plus loin, plus vite, plus fort.
Ce qui est en jeu, c'est la sécurité des Français et leur tranquillité, c'est-à-dire leur dignité. Il faut pouvoir sortir de chez soi sans crainte, sans peur, rentrer chez soi sans devoir baisser les yeux ou la tête devant les voyous qui rendent la vie impossible dans certains quartiers.
On ne pourra parler de droit de l'homme tant que l'un de nos concitoyens aura peur, et c'est d'autant plus vrai que nos concitoyens les plus fragiles sont aussi les plus exposés.
Mais il est une chose que nous ne devons jamais oublier : quelles que soient les lois que nous votons et quels que soit les crédits que nous ouvrons, ce n'est pas nous qui faisons reculer la délinquance.
Ce sont les gendarmes, les policiers et les sapeurs-pompiers dans le cadre de la sécurité civile. Ils le font avec un professionnalisme, une détermination et surtout un courage auquel je veux rendre aujourd'hui un hommage particulier.
Ce sont ces femmes et ces hommes qui connaissent parfaitement les risques qu'ils prennent et qui acceptent de les prendre pour garantir notre sécurité.
Je veux saluer tous ceux qui ont été blessés ou tués en service au cours de l'année qui s'achève.
Je veux, comme vous, rendre un hommage particulier aux cinq sapeurs-pompiers volontaires qu'un chauffard irresponsable a assassinés - il n'y a pas d'autre mot - vendredi dernier dans le département de la Drôme.
Je voudrais d'ailleurs que chacun de nous maîtrise son expression quand il s'agit des forces de l'ordre ou des sapeurs-pompiers. Lorsqu'un délinquant est abattu, on a vite fait de parler de « bavure », mais, lorsqu'un policier ou un gendarme est blessé ou tué, on invoque « les risques du métier ». Or il n'y a pas de risque du métier qui justifie qu'un policier ou un gendarme soit abattu ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Ce sont des pères de famille, des mères de famille comme les autres ! Et, dans le vocabulaire que nous employons, j'aimerais que nous tenions compte aussi de cette réalité.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce qui se dit à la Haute Assemblée a d'ailleurs, croyez-le, beaucoup d'importance pour nos collaborateurs sur le terrain qui ressentent comme blessants les mots utilisés parfois.
M. Jean Chérioux. Notamment dans les médias !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. N'oublions pas qu'il s'agit de la police républicaine et de la gendarmerie nationale.
Le temps m'est compté, et je veux répondre aux questions qui m'ont été posées, à commencer par celles de M. Courtois, qui m'a demandé de faire le point sur le redéploiement.
Depuis notre dernière rencontre en commission des lois, monsieur le rapporteur pour avis, ce dossier a beaucoup progressé. Toutes les propositions des préfets me sont parvenues. Leur examen est aujourd'hui largement avancé.
J'annoncerai donc dans les jours qui viennent une dizaine de nouveaux redéploiements, et avant la fin de l'année, je ferai une troisième annonce concernant trente à quarante opérations supplémentaires.
Que les choses soient claires entre nous. Dans cette affaire, nos concitoyens de la ruralité veulent bénéficier de la même sécurité que celle qui devrait exister dans les villes.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il faut donc, premièrement, veiller à garantir les effectifs : on ne remplace pas un commissariat avec quarante-quatre policiers par une gendarmerie avec douze gendarmes ! C'était le projet de 1998, ce n'est pas le mien.
M. Claude Biwer. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. L'équivalence de la qualité du service est un minimum.
Deuxièmement, et c'est très important, on ne remplace pas un commissariat ouvert jour et nuit par une gendarmerie qui ferme à dix-huit heures. Le « H 24 » vaut pour les policiers et les gendarmes !
Chaque élu doit en être convaincu, ma préoccupation est d'abord de renforcer la sécurité en soirée et de nuit - je pourrais d'ailleurs faire plusieurs remarques et je les ferai un autre jour - sur le système de téléphone départemental pour les gendarmeries. Quoi qu'il en soit, lorsque nous ouvrirons une gendarmerie là où il y avait un commissariat, nous l'ouvrirons vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. La méthode compte beaucoup, monsieur le rapporteur pour avis. Je m'en suis d'ailleurs expliqué devant 3 000 maires lors du congrès de l'Association des maires de France. Vous avez parfaitement raison d'affirmer que des inquiétudes se manifestent encore sur le terrain, mais nous progressons car les élus voient l'honnêteté de la démarche gouvernementale, qui n'a d'autre fin que d'améliorer la sécurité dans les zones rurales. Depuis des années, on constate un taux d'augmentation à deux chiffres des statistiques de la violence dans ces zones : devons-nous rester les bras ballants devant cette réalité intolérable et inadmissible ou essayons-nous de faire quelque chose ?
La répartition des forces de police et de gendarmerie remonte à soixante et un ans : j'observe que c'est le gouvernement de Vichy qui l'avait décidée et je trouve étonnant que l'on puisse défendre avec un tel acharnement les mesures qu'il avait arrêtées ! Il est peut-être temps de décider d'agir ! (Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Delfau. Ce n'est pas digne, cela !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Votre deuxième question, monsieur Courtois, portait sur l'alimentation du fichier d'empreintes génétiques.
Vous avez évoqué un fait divers qui m'a bouleversé, comme un certain nombre d'entre vous. J'ai reçu les familles des trois jeunes filles qui ont été torturées, violées et assassinées. Je les recevrai une nouvelle fois, la semaine prochaine, car il est de mon devoir de tenir compte de la souffrance très profonde de ces familles.
A cet égard, je n'oublierai pas ce que m'a dit cette policière, comptant dix-huit années de service, que j'ai rencontrée à Lyon, au siège de la police scientifique et technique : « Monsieur le ministre, c'est la première fois que j'ai pleuré. » Elle a pleuré en écoutant les vingt-six dernières secondes enregistrées par la mémoire du téléphone portable de l'une des victimes. Je n'oublierai pas la conversation que j'ai eue avec cette femme, qui a ajouté : « Vous savez, j'ai mis vingt-quatre heures à passer outre ma souffrance d'avoir entendu ce que j'ai entendu, et j'y suis parvenue parce qu'il faut les retrouver, monsieur le ministre. »
Voyez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, quand je vous propose d'élargir le fichier des empreintes génétiques, je pense à toutes les victimes d'hier, à leurs familles et à tous les drames qui pourraient se produire demain, hélas ! Je n'oublie pas que le suspect, qui a été arrêté, avait déjà été condamné pour un viol sur mineure et avait passé treize années en prison.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cet homme était sorti au mois de mai et la jeune fille a été violée et assassinée le 8 juillet : j'ai ce fait bien présent à l'esprit lorsque je relève que le suspect ne figurait pas dans le fichier des empreintes génétiques de la police. C'est de cela dont j'ai voulu parler tout au long de trois jours et de trois nuits de débat. Chacun d'entre vous, quelles que soient ses convictions politiques, doit savoir que j'ai ces images dans la tête et dans le coeur, comme n'importe quel père ou mère. Il ne s'agit absolument pas de faire de ce sujet une question politique ; ce serait indigne. Mais le fichier des empreintes génétiques français comprend 1 000 noms, tandis que le fichier britannique en contient 1,6 million : alors, de grâce, faisons-nous réciproquement confiance et donnons à la police et à la gendarmerie les moyens d'arrêter des malades qui commettent des actes monstrueux, car notre premier devoir est de protéger les victimes potentielles, partout en France et pas seulement dans la Somme. Telle est, hélas ! la réalité de la situation actuelle. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Monsieur le rapporteur pour avis, j'ai prévu d'affecter soixante-cinq agents supplémentaires à la gestion du futur fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG. Il ne s'agit pas de mots, il s'agit de décisions !
J'ai prévu de doubler la surface des locaux dans lesquelles les données seront saisies, et le nombre des ordinateurs de saisie passera de seize à dix-huit, avant d'être triplé. Tous les laboratoires de police seront désormais équipés de chaînes automatisées d'analyse des profils génétiques. Dans certains laboratoires, des unités pourront se consacrer entièrement à l'alimentation du fichier, à l'instar de ce qui se pratique depuis plusieurs années en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas.
Nous le devons à toutes les familles. En effet, comment pourrait-on expliquer aux parents d'une victime que l'Etat a laissé sortir de prison un monstre sans se donner les moyens de le surveiller ? Nous avons tous un devoir de protection.
Votre dernière question, monsieur le rapporteur pour avis, portait sur les moyens de la coopération internationale. Celle-ci est pour moi une priorité absolue. Depuis sept mois que je suis au ministère de l'intérieur, j'ai ouvert et développé un centre de coopération policière et douanière, ou CCPD, avec la Belgique - les élus du Nord peuvent témoigner que la délinquance a régressé depuis que des patrouilles mixtes franco-belges ont été constituées - et un autre avec l'Espagne. Aujourd'hui, des patrouilles mixtes franco-espagnoles luttent contre le terrorisme et le trafic de drogue : vingt-quatre tonnes de cannabis ont ainsi été saisies à la frontière pyrénéenne en 2001. En outre, j'inaugurerai au mois de décembre un CCPD avec l'Allemagne, puis un autre encore avec le Luxembourg. J'ai par ailleurs mis en place des patrouilles communes avec la Grande-Bretagne, parce qu'il ne peut y avoir de protection efficace de notre territoire national sans un renforcement de la coopération policière et douanière.
La première question de M. Jean-Pierre Schosteck concernait l'évolution du statut des SDIS. Les charges afférentes à ceux-ci ont fortement augmenté au cours des dernières années, mais je rappellerai qu'il ne s'agit pas d'une compétence nouvelle dévolue par l'Etat aux collectivités territoriales : le secours et la lutte contre l'incendie ont toujours été une compétence décentralisée.
En revanche, vous avez raison d'affirmer, monsieur Schosteck, que les auteurs de la loi relative à la démocratie de proximité du 27 février dernier ont commis une erreur en faisant peser sur les seuls départements toute la charge du dynamisme des dépenses. La sécurité civile concerne l'ensemble des Français, et son financement et sa gestion ne peuvent donc pas être confiés à un seul acteur, qu'il s'agisse de l'Etat ou des départements. La forme de l'établissement public, dont le conseil d'administration associe plusieurs acteurs, me semble devoir être préservée.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. La répartition précise des responsabilités entre les différents acteurs variera d'ailleurs d'un département à l'autre, car elle ne peut être la même, en matière de secours, dans un département comme celui de M. le président qu'en Vendée ou dans les Ardennes. Que l'on tienne enfin compte de la diversité des situations en France !
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est la rigidité de notre organisation qui met en cause notre unité !
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est l'absence de souplesse qui nous fait perdre en efficacité.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le département, monsieur Schosteck, doit naturellement jouer un rôle déterminant, mais les communes doivent pouvoir, si elles le souhaitent, participer à la gestion, car leur action est irremplaçable pour encourager les vocations de sapeur-pompier volontaire. Il faut aussi pouvoir associer, selon les cas, d'autres acteurs publics et privés intéressés par la prévention des risques : je pense ici aux sociétés d'autoroute, aux agences régionales de l'hospitalisation, aux assureurs ou aux industries à risques.
L'Etat prendra lui aussi sa part dans le financement de la sécurité civile, et vous avez relevé, monsieur le rapporteur pour avis, que le projet de budget pour 2003 amorce le mouvement, avec l'instauration d'un fonds d'aide à l'investissement des SDIS.
Au cours des prochaines années, les décisions que j'ai récemment prises se traduiront par un effort supplémentaire, notamment avec l'implantation de l'Ecole nationale des officiers de sapeurs-pompiers à Aix-les-Milles, monsieur le président (Sourires), ou la création à Cambrai, cher Jacques Legendre (Nouveaux sourires), d'un pôle de défense civile spécialisé dans la lutte contre les risques nucléaire, biologique et chimique.
Je répondrai brièvement, monsieur Schosteck, à votre deuxième question, relative au développement du volontariat. Il s'agit d'un problème considérable. En effet, le nombre des volontaires stagne alors que celui des interventions se multiplie, et les volontaires renoncent plus rapidement alors que la technicité des interventions exigerait qu'ils restent plus longtemps et puissent recevoir une formation plus poussée. J'estime comme vous, monsieur le rapporteur pour avis, que ramener à seize ans l'âge légal pour devenir sapeur-pompier volontaire est une priorité. A cet égard, que l'on parle davantage de celles et ceux de nos jeunes qui se dévouent pour les autres, et un peu moins de celles et ceux qui empêchent les autres de vivre !
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Par ailleurs, être volontaire, cela signifie être prêt à travailler sans être payé. Cependant, il est tout à fait anormal qu'être volontaire entraîne des dépenses. Si être volontaire ne rapporte rien, cela ne doit pas non plus coûter ! Je souhaite donc que les années d'engagement puissent permettre une bonification de la retraite des sapeurs-pompiers volontaires. Ce ne serait que justice.
Enfin, je souhaite que ceux qui consacrent tous leurs samedis à se former comme pompiers volontaires puissent être avantagés dans leurs études pour cette raison. Ainsi, la formation à la sécurité civile doit pouvoir constituer l'une des spécialisations du baccalauréat.
Après tout, donner pour une fois une priorité et un avantage à ceux qui se dévouent pour les autres n'aurait rien d'illogique !
Le précédent gouvernement avait déposé un projet de loi de modernisation de la sécurité civile. Je reprendrai ce texte et j'essaierai de l'enrichir, afin notamment de répondre aux deux préoccupations que vous avez exprimées, monsieur Schosteck, en modernisant le statut des SDIS et en prenant des mesures en faveur des volontaires.
S'agissant de la question des munitions, je vous avais déjà donné de nombreux éléments d'information lors de mon audition par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Avant de poser ma question, je voudrais, monsieur le président, à la suite des terribles drames qui se sont produits ces derniers jours et qui ont fait plusieurs morts et disparus, rendre un hommage solennel à ces soldats du feu qui interviennent, en toutes circonstances, pour sauver des vies humaines, au mépris même des leurs.
Au nom de mon groupe, je tiens à présenter à leurs proches, à leurs familles et à leurs collègues nos plus sincères condoléances.
Les crédits du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales pour 2003 marquent une progression significative, à hauteur de 11 % par rapport à 2002, en s'établissant à 19,5 milliards d'euros.
Les crédits de la police nationale augmentent également de façon notable, puisqu'ils atteignent 5,45 milliards d'euros, soit une hausse de 5,8 %.
En ce qui concerne les effectifs, vous prévoyez de créer 13 500 emplois sur cinq ans, police et gendarmerie confondues. A la suite de M. Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois, je souhaite vous interpeller sur le plan de redéploiement des forces de police et de gendarmerie, qui soulève justement la question des effectifs et de leur réorganisation.
La carte des compétences respectives entre police et gendarmerie est, nous sommes d'accord avec vous sur ce point, désuète. Vous avez rappelé que la carte des commissariats de police datait de 1941 et celle des brigades de gendarmerie du xixe siècle. Nous reconnaissons volontiers que la France a bien changé depuis !
Cette carte ne tient pas compte de la désertification de certaines zones rurales et, surtout, de l'urbanisation intense des communes proches des grandes villes. Deux autorités différentes s'exercent, deux services inégaux sont assurés, et de nombreuses anomalies ont été constatées.
Ce redéploiement prévoit la fermeture de commissariats au moment même, monsieur le ministre, où vous prévoyez une hausse des effectifs ! On peut donc s'interroger sur la pertinence de la fermeture de certains commissariats dans des zones où la délinquance est en baisse.
En effet, les zones de police enregistrent, de manière générale, une stabilité du nombre des faits constatés et une régression sensible de la délinquance de voie publique. Mais cela a induit un effet pervers, à savoir que la délinquance s'est déplacée vers des zones géographiques plus isolées, situées en milieu rural et où l'on constate une montée de la violence.
Il est certes nécessaire d'implanter de nouvelles brigades de gendarmerie nationale ; mais est-il cohérent de supprimer des commissariats là où la délinquance est en baisse ? Si la police est efficace, pourquoi lui couper l'herbe sous le pied ? Si la délinquance recule, c'est aussi parce que le service de la sécurité est bien assuré. C'est cette efficacité que nous souhaitons renforcer. Nous voulons une police véritablement républicaine, qui protège nos concitoyens sur l'ensemble du territoire. Le risque existe, en effet, avec un redéploiement privant des communes de leur commissariat, que les délinquants réinvestissent les anciennes zones de police.
Nous refusons une dégradation du service public de sécurité dans les petites villes, et ce n'est pas non plus ce que souhaitent les syndicats de policiers, notamment dans le département des Bouches-du-Rhône où il est prévu que la police nationale se retire de deux communes, Tarascon et Châteaurenard, alors que les policiers y démontrent vingt-quatre heures sur vingt-quatre et chaque jour de l'année leur capacité à assurer la sécurité. Nombre de maires, dont ceux de Dinan, dans les Côtes-d'Armor, ou de Tarascon s'inquiètent de voir remplacer leur cinquantaine de policiers par une vingtaine de gendarmes. Je vous ai entendu, monsieur le ministre, vous engager sur un maintien des effectifs, mais que pensez-vous, par exemple, de la proposition d'une organisation syndicale visant à privilégier la mise en place de commissariats subdivisionnaires ?
Par ailleurs, des interrogations subsistent quant à l'avenir des policiers qui seront délocalisés pour être remplacés par des gendarmes. Les syndicats de police restent d'ailleurs vigilants s'agissant de l'accompagnement social de ce plan de redéploiement. Nous-mêmes nous inquiétons du coût humain de ce dernier. Comment seront traités, concrètement, les policiers fortement attachés à leur région, ayant investi dans une maison, ainsi que leurs conjoints et leurs familles ? Nous souhaitons, monsieur le ministre, que vous nous apportiez le plus de garanties possibles s'agissant de l'avenir des policiers et des gendarmes concernés par ce plan de redéploiement et par les fermetures de commissariats et de brigades qu'entraîne sa mise en oeuvre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Bret, une fois n'est pas coutume, je puis faire miens, pour l'essentiel, vos propos.
Je vous remercie de votre hommage aux sapeurs-pompiers. Il est toujours très important, pour ceux qui nous écoutent, de pouvoir constater que l'ensemble du personnel politique partage la même compassion pour les victimes.
Je n'ai rien à redire à vos analyses sur le redéploiement. Il est exact que la carte de la répartition des compétences est désuète. Ainsi, pour la gendarmerie, l'organisation remonte à 1850 exactement.
Vous m'avez interrogé sur l'accompagnement social du redéploiement, question que je n'avais effectivement pas évoquée. J'en ai longuement débattu avec les syndicats, et encore hier après-midi avec les représentants du syndical national des policiers en tenue, le SNPT.
Qu'est-ce que l'accompagnement social ?
Tout d'abord, s'agissant des conséquences du déménagement, le ministère prendra en charge celui-ci à chaque fois qu'il le devra.
Ensuite, pour décider l'affectation des personnels dans d'autres commissariats, les distances sont toujours prises en compte. Ainsi, lors de mon déplacement dans l'Aube, à Troyes et à Romilly-sur-Seine, j'ai constaté que sur les quarante-quatre policiers déplacés, onze ont demandé à être affectés à Provins, soit à trente-sept kilomètres de leur précédent lieu de travail - ce qui n'est pas énorme, vous en conviendrez -, et huit ont souhaité être mutés à Troyes, à trente-huit kilomètres. Dans la mesure du possible, nous essayons de satisfaire les autres demandes d'affectation, par exemple à Lourdes ou à Arcachon.
Par ailleurs, dans un certain nombre de commissariats à faible activité, l'âge des fonctionnaires est souvent élevé. Il suffira alors, si par exemple les trois quarts des personnels du commissariat doivent partir à la retraite dans les deux ans qui viennent, d'attendre deux ans pour fermer le commissariat en question.
Comme vous le voyez, monsieur Bret, nous ferons du « sur mesure » en matière d'accompagnement social, en faisant preuve d'esprit d'innovation.
J'ajouterai, pour conclure, que lorsqu'on ferme un commissariat, on ouvre une gendarmerie. Or si j'éprouve parfois beaucoup d'inquiétudes quand il s'agit de fermer un commissariat pour le remplacer par une gendarmerie, nombre d'élus, à l'inverse, sont très attachés à leur gendarmerie et ne veulent pas d'un commissariat. En tout cas, aucun secteur ne sera laissé à l'abandon. Il s'agit de procéder à un remplacement, avec une amélioration du service.
A cet égard, M. Bret a dit que les statistiques enregistrent bien un recul ou une stabilisation de la délinquance en zone police, mais que l'on constate, en parallèle, une aggravation en zone gendarmerie. Soyons honnêtes et objectifs jusqu'au bout : ces dernières années, le nombre des faits de délinquance a explosé en zone gendarmerie et a augmenté en zone police ; ce n'est que depuis sept mois qu'il baisse en zone police et qu'il commence à se stabiliser en zone gendarmerie. Le transfert de la délinquance d'une zone à l'autre n'est donc pas une fatalité, mais il reste vrai que nous devons renforcer les effectifs dans les zones rurales. (Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Quoi qu'il en soit, monsieur Bret, au vu de votre analyse de la situation, je me demande pourquoi vous n'avez pas voté les augmentations d'effectifs prévues dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure ! (Sourires et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Adrien Gouteyron. Très bonne question !
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Pour répondre à votre question, monsieur le ministre, je vous indiquerai que c'est moins sur les effectifs qu'il y a débat, et vous le savez très bien, que sur la conception d'ensemble de votre texte. Nous avons toujours été, pour notre part, favorables à un grand service de sécurité, pourvu d'effectifs suffisants.
Cela dit, je tiens à vous remercier de vos réponses, qui sont, je le crois, de nature à rassurer les maires et les populations concernés par ce redéploiement des forces de sécurité. Nous resterons toutefois vigilants s'agissant du maintien des effectifs.
En ce qui concerne les mesures sociales d'accompagnement du redéploiement, elles seront sans doute appréciées des personnels, qui éprouvent des inquiétudes. Tenir compte des voeux exprimés en matière d'affectations et mener une concertation avec les organisations syndicales me semble effectivement une bonne chose.
Quant à la prise en compte des frais de déménagement et au fait de jouer sur les départs à la retraite, il s'agit également de dispositions positives.
Par conséquent, vos réponses sont satisfaisantes dans l'ensemble, monsieur le ministre. Nous allons maintenant contrôler leur mise en oeuvre.
M. le président. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Mes premiers mots, monsieur le ministre, seront pour saluer un projet de budget conforme à l'image dont vous bénéficiez dans l'opinion : volontariste, il vise à la restauration de l'autorité de l'Etat ; réaliste, il rompt avec une approche trop idéologique des problèmes de sécurité ; crédible, il donne, par les moyens mis en oeuvre comme par la clarté des objectifs, la priorité au respect de la loi et au résultat.
A cet égard, il est de nature à redonner confiance aux forces de l'ordre, tout d'abord, mais aussi à nos collègues élus de terrain, légitimement soucieux de faire face à l'une de leurs responsabilités essentielles : le maintien de l'ordre et de la tranquillité publics. Soyez-en remercié !
Mon département, monsieur le ministre, est à l'image de bien d'autres : certains quartiers urbains, où, en dépit de l'inversion très nette de tendance que l'on doit depuis le mois de juin à votre action, voyous et dealers persistent trop fréquemment à bafouer l'état de droit ; des zones périurbaines souvent « polluées » par le comportement de « grands circulants », pour beaucoup en voie de sédentarisation, qui débarquent sans préavis sur des terrains municipaux, des parcs d'activité, des terrains privés ; des secteurs de ruralité, touchés à leur tour par la montée de l'insécurité.
Votre budget prévoit la création de 1 900 postes dans la police et de 1 200 postes dans la gendarmerie. Chacun s'en félicite.
Mais à côté du problème des effectifs, il y a le problème de leur utilisation.
Le gouvernement d'hier a entendu privilégier la police de proximité. Intention louable, sauf que sa généralisation paraît s'être faite au détriment des tâches d'enquêtes et d'investigations, voire au détriment des brigades anti-criminalité, dont chacun connaît l'efficacité dans ces heures de non-droit que favorise la nuit.
Les groupements d'intervention régionaux que vous avez créés sont « gourmands » en termes d'effectifs. La seule conclusion du démantèlement spectaculaire, début octobre, d'un réseau qui sévissait à partir de Nantes a exigé le concours de près de 200 policiers et gendarmes.
Certes, vous avez, dans de nombreux cas, substitué aux gardes statiques un dispositif, plus économe, de rondes et de patrouilles.
Vous avez défini une nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles, qui permet d'affecter des milliers de CRS et de gendarmes mobiles à des tâches de sécurité publique.
Mais le combat contre la criminalité et la délinquance exige d'affecter le maximum d'effectifs sur le terrain.
Or, dans l'administration, dans les commissariats et dans les brigades, de nombreux fonctionnaires me paraissent être absorbés par des tâches administratives de paperasserie que pourraient tout aussi bien assurer des personnels civils.
Votre budget, je le sais, prévoit la création d'un millier d'emplois administratifs, de nature à permettre le renforcement des effectifs sur le terrain. Ces postes administratifs présentent deux avantages : d'un moindre coût, ils peuvent, en outre, être plus rapidement pourvus.
D'où ma question, monsieur le ministre : envisagez-vous d'accentuer, pour l'exercice 2004, le mouvement entamé sur ce point cette année ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je vous remercie de votre soutien, monsieur le sénateur. C'est un soutien qui compte, parce que c'est celui d'un homme de terrain, et donc c'est l'expression de ce qu'il a entendu et vécu sur le terrain.
Vous parlez de votre département, la Loire-Atlantique. Je citerai un exemple de redéploiement étonnant : Nantes. C'est la ville de France qui, à ma connaissance, a le périphérique le plus long : quarante-deux kilomètres. Savez-vous qu'à Nantes, les trois quarts du périphérique sont en zone police et un quart en zone gendarmerie. Qui peut me dire que cette organisation est normale et efficiente ? Quand un délinquant prend ce périphérique, on doit le suivre avec un véhicule de police pour les trois quarts et avec un véhicule de gendarmerie pour le quart restant. Dans les projets que je vais annoncer dans quelques jours, voire dans quelques heures, Nantes sera un de ces projets de redéploiement. On va renforcer les effectifs du commissariat central de Nantes pour lui permettre de prendre en charge tout le périphérique. Les gendarmes qui avaient la responsabilité d'un quart du périphérique vont être redéployés au service de la péri-urbanité ou de la ruralité du département de Loire-Atlantique. Je sais que tel n'était pas tout à fait l'objet de votre question, mais j'en ai profité pour donner cet exemple, car c'est celui qui illustre le mieux ce que nous voulons faire.
La police de proximité, monsieur Trillard, je n'ai rien contre, sauf quand elle se fait au détriment de la police d'investigation, notamment des BAC, les brigades anticriminalité.
Lors de la dernière réunion des préfets, voilà quelques jours, je leur ai donné pour instruction de garder les secteurs de la police de proximité ; mais s'ils veulent redessiner les secteurs de la police de proximité pour renforcer les BAC en créant une BAC supplémentaire et en supprimant un secteur de police de proximité, je suis pleinement d'accord et même - oserais-je le dire ? - je suis même demandeur.
Je dirai un mot sur les GIR. Ils ne sont pas gourmands en termes d'effectifs, monsieur Trillard. Les GIR, ce sont deux structures : la structure UOC, unité d'organisation et de commandement - une dizaine de personnes : douaniers, agents du fisc, gendarmes et policiers -, et la structure dite réserve. Dans l'affaire dont vous parlez, le démantèlement du réseau mafieux de Roumains qui a produit des résultats considérables - et qui a valu une explication sympathique entre le maire de Nantes et moi-même ! (Sourires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
L'unité de réserve, les deux cents personnels, ce sont des personnes que nous avons mobilisées pendant les deux jours d'intervention mais qui sont, tout au long de l'année, dans leur service. Elles ne sont donc pas affectées définitivement aux GIR, elles servent autant que de besoin l'unité de commandement.
S'agissant de la tâche administrative, vous avez mille fois raison. Permettez-moi d'apporter une précision. Dans le budget, vont être créés non pas 1 000 postes, mais, en vérité, 2 000. En effet, en devenant ministre de l'intérieur, j'ai eu la surprise de constater que mon prédécesseur avait dans son budget l'argent pour créer 1 000 postes administratifs mais que l'on avait oublié d'organiser le concours ! Ce sont donc 2 000 postes administratifs qui, en 2003, seront mis à la disposition du ministère de l'intérieur ; vous aurez donc 2 000 policiers de plus au service de la sécurité dans vos départements. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Je voudrais remercier M. le ministre de ses explications et de ses objectifs clairs et précis : le jeune sénateur que je suis comprend depuis six mois !
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le ministre, je me réjouis, comme tous mes collègues sans doute, de constater que la France revient à ses tâches régaliennes. Je suis en particulier heureux de voir que les notions de protection et de sécurité reçoivent dans ce budget les moyens financiers qui vont de pair avec la proportion morale que vous avez redonnée à nos corps d'intervention, quels qu'ils soient.
Cependant, monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur un point. La protection est une bonne chose, mais les risques encourus par notre population viennent de l'extérieur. Ils émanent non pas, comme ce fut le cas autrefois, d'Etats organisés, mais d'organisations diffuses à caractère varié, allant de l'extrémisme religieux à la mafia dévoyée, en passant par d'autres types de délinquance internationalisée.
Cela nous amène à réfléchir sur la notion de « défense ». Je suis de ceux qui déplorent que, dans notre pays, au niveau gouvernemental, le terme « défense » soit réservé au ministère des forces armées, ce qui conduit nos concitoyens à considérer que la défense du pays est exclusivement assurée par les militaires.
Dès 1959, dans son ordonnance portant organisation générale de la défense, le général de Gaulle avait engagé autre chose. Il avait également prévu une défense civile dont la responsabilité était confiée au ministère de l'intérieur. A ce niveau-là, monsieur le ministre, vous avez un rôle éminent à jouer, que le public cerne mal à travers l'existence d'une direction de la défense et de la sécurité civile. On parle tout le temps de sécurité, on parle tout le temps de protection, mais on parle rarement de défense. D'autant que, au sein du Gouvernement, existe un autre organisme - nous l'avons évoqué hier soir -, qui est le Secrétariat général de la défense nationale, ou SGDN, dont le rôle n'est, à mon avis, pas suffisamment connu.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Paul Girod. Aussi, j'en viens à ma question, monsieur le ministre. La notion de défense doit impliquer tous les citoyens dans leur vie quotidienne, par la préparation, par le sang-froid et par l'alerte. A cet égard, j'ose à peine évoquer notre réseau actuel de sirènes. En effet, il n'existe pas sur plus des deux tiers du territoire et, là où il existe, nos concitoyens ne sont pas capables de décoder les signaux des sirènes. S'ils les entendaient à vingt-deux heures, ils s'étonneraient qu'on soit le premier mercredi du mois à midi ! Voilà très exactement ce qu'ils penseraient !
Sur le plan de la défense, il y a tout une action à mener, votre ministère étant au premier plan. Comment, à l'échelon gouvernemental en général et au niveau de votre ministère en particulier, allez-vous vous employer pour faire passer ce message organisationnel mais, surtout, psychologique et de préparation auprès de la population, afin qu'elle comprenne que la défense est l'affaire de tous et que chacun doit s'y préparer ? En effet, si l'organisation d'Etat est, certes, importante, la mobilisation a priori des esprits l'est tout autant !
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Girod, une nouvelle fois, vous faites oeuvre de lucidité, en vous spécialisant, depuis de nombreuses années, sur la question de la défense civile.
Je n'irai pas par quatre chemins : la France a pris du retard en la matière. La défense civile doit devenir, pour nous, une priorité. C'est d'ailleurs à ce titre que je vous ai demandé, dans le cadre du projet de loi pour la sécurité intérieure, la possibilité de créer une réserve de la police nationale, car il s'agit d'un ensemble.
La défense civile doit être une priorité compte tenu des risques qui pèsent sur la France, risques qui sont bien différents de ceux que nous avons connus au cours des années passées. Cela a été l'objet, et je crois que c'était important, du rendez-vous Euratox 2002, à Canjuers, le 28 octobre dernier. Pour la première fois depuis bien longtemps, il ne s'agissait pas simplement d'un exercice d'état-major, il s'agissait d'un exercice que la France avait pris la responsabilité d'organiser pour voir en réel quelles étaient les failles de notre dispositif. Or ces failles existent. C'est bien la raison pour laquelle j'ai décidé de mettre en place un plan d'équipement doté de 25 millions d'euros, pour financer l'acquisition de moyens de protection, de décontamination et de neutralisation des produits dangereux. Quand on sait qu'une rame de métro transporte environ 2 000 personnes, il faut absolument que nous ayons les équipements nécessaires, et pas simplement dans les deux ou trois plus grandes villes, pour avoir un rythme de décontamination à la hauteur des risques. C'est pourquoi j'ai annoncé, le 27 juin dernier, la création du pôle de formation à Cambrai.
Monsieur Girod, je suis convaincu de la justesse de vos propos. C'est une mobilisation de tous les instants. M. le Président de la République a d'ailleurs évoqué ces questions lors d'un récent conseil de sécurité intérieure. Vous le savez, on n'a pas le droit de communiquer sur ce qui se dit au conseil de sécurité intérieure, mais je puis vous assurer que votre préoccupation est prise en compte au plus haut niveau de l'Etat. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le ministre, pour être tout à fait franc, je m'attendais à cette réponse, car, je le sais, la volonté existe en ce domaine. Toutefois, il faut que cela suive sur le terrain.
Vous venez de citer l'exercice Euratox 2002. C'est effectivement l'un des premiers exercices visant à constater les failles. Car malheureusement, trop souvent en la matière, les exercices consistent plutôt à lire un ouvrage sur le sujet, à trouver à la fin de la journée que tout est bien, mais en oubliant d'y associer la population.
Monsieur le ministre, je souhaite, pour ma part, que l'on ait la franchise de dire aux Français que, si les Américains ont réussi à sortir 25 000 personnes des Twin Towers lors de l'attentat du 11 septembre, c'est parce qu'elles avaient l'habitude de faire cet exercice. Or un tel exercice d'évacuation sérieux et impromptu n'a jamais été organisé dans les grandes tours de notre pays.
M. le président. La parole est à M. Bernard Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la sécurité s'est imposée de façon aussi forte dans le débat politique, c'est parce que, pendant trop longtemps, il n'y a pas eu de réponse politique à l'angoisse croissante des Français devant les dangers quotidiens. Aucune véritable volonté politique ne se manifestait, tandis que l'Etat était en panne s'agissant de la production de sécurité. Nous avons pu mesurer les dégâts causés par l'idéologie : chaîne de production de sécurité ne fonctionnant plus, justice bafouée, police découragée, victimes abandonnées, citoyens exaspérés et délinquants encouragés. Toutefois, comme le disait Camus, l'évidence a une force terrible, et la réalité avait fini par s'imposer à tous. Malheureusement, il ne suffit pas d'afficher des intentions pour résoudre un problème. S'est alors installée la politique du verbe. (M. Jean-Claude Peyronnet s'exclame.) C'était, en réalité, du vent derrière des mots. Politique de proximité, adjoints de sécurité, contrats locaux de sécurité, agents d'ambiance : beaucoup de mots prononcés pour ne pas faire la chose.
Pour inverser la tendance, le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, avez opté pour une politique d'action, inspirée par le bon sens, lequel se révèle, finalement, la chose la mieux partagée dans le peuple. Ce dernier, d'ailleurs, vous en voue une reconnaissance qui se manifeste jour après jour.
Vous avez décidé de mobiliser les forces de sécurité en développant ce que vous avez appelé une « culture du résultat ». Il s'agit, là aussi, d'une véritable révolution, qui remet enfin les choses à l'endroit.
Surtout, monsieur le ministre, vous avez doté votre politique de sécurité des moyens budgétaires adéquats. Vous avez donc relevé le défi des crédits. Le budget que vous nous présentez est à la hauteur des engagements pris dans la loi de programmation, et le rapporteur, pour la commission des lois, notre excellent collègue M. Jean-Patrick Courtois, en a fort bien analysé le contenu.
Je dois vous dire toute ma satisfaction de voir que l'augmentation des crédits permettra de créer 1 900 emplois dès 2003. Vos prédécesseurs en parlaient, vous, vous l'avez fait ! Cela est d'autant plus méritoire que vous êtes contraint de réparer les erreurs passées. La loi du 21 janvier 1995 avait, en effet, prévu le recrutement d'agents administratifs et la suppression des fameuses tâches indues. Pourquoi ce programme a-t-il été arrêté dès 1997, alors même que chacun reconnaît qu'il est indispensable de recentrer l'activité des policiers et des gendarmes sur des missions réellement liées à la sécurité ?
Cela étant dit, monsieur le ministre, si l'augmentation des effectifs a pour objet d'accroître la présence policière sur le terrain, elle doit aussi permettre une meilleure efficacité des services, en ce qui concerne tant la prévention des actes de délinquance que l'identification de leurs auteurs. Pour ce faire, il est primordial que les personnels soient bien formés. C'est pourquoi je vous remercie de bien vouloir nous indiquer les grandes lignes de la politique de formation que vous entendez développer, en matière, bien sûr, de formation initiale, mais aussi, et surtout, de formation continue, notamment dans la perspective de la création d'une réserve civile de la police.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Plasait, je pourrais vous apporter de nombreuses réponses, tant votre intervention était riche et cohérente eu égard au soutien que vous avez toujours apporté aux textes que le Gouvernement a défendus.
La formation est un point essentiel. J'ai étudié les différents événements dramatiques qu'a connus la police dans les dernières années - ceux que j'évoquais voilà un instant et que l'on qualifie de « bavures » - afin d'appréhender le cadre dans lequel ils se produisaient. Je me suis rendu compte que, bien souvent, au paroxysme d'une situation dangereuse, les fonctionnaires ont peur parce qu'ils n'ont pas reçu la formation adéquate.
Nombre des problèmes que nous avons connus dans le passé sont dus à l'inadéquation entre l'emploi de certains fonctionnaires à un moment donné, dans une situation paroxysmique, et la formation qui leur a été dispensée. Ainsi, un événement dramatique était survenu dans la banlieue de Lille, à l'époque de mon prédécesseur. Cela montre bien que ce n'est pas le soutien que l'on apporte aux forces de police qui fait qu'il y a un risque. Même quand on les soutient fort peu, il arrive des événements dramatiques. Pourquoi un fonctionnaire de police, en pleine nuit, surprenant deux voleurs de voiture a-t-il tiré ? Il a eu peur. Il était membre non d'une BAC mais d'une brigade canine. Si un membre d'une BAC avait été envoyé sur place, compte tenu de la formation qui est la sienne, le risque de panique et de peur aurait été bien inférieur. Mettons-nous à la place des fonctionnaires qui sont dépêchés dans la nuit afin d'affronter des voleurs de voiture. Certes, on ne doit pas mourir parce qu'on vole une voiture, mais, si on ne vole pas une voiture, on n'a pas d'ennuis avec la police. Les deux choses doivent être dites, pas une seule ! Mais il s'agit là d'un événement dramatique, car ce jeune a été tué. Cela n'aurait jamais dû se passer.
J'ai donc décidé de mettre la formation au coeur de mes priorités. Par quoi cela va-t-il se traduire ? D'abord, nous allons améliorer la qualification des officiers de police judiciaire. Dès 2003, il y aura 2 000 officiers de police judiciaire de plus. Cela présente aussi l'avantage d'améliorer le salaire.
Ensuite, nous allons rapprocher les formations de la police et de la gendarmerie. Je ne veux pas avoir deux systèmes totalement opaques, qui ne se parlent pas, ne se confrontent jamais. Enrichissons-nous de nos cultures différentes ! C'est le moins que l'on puisse attendre.
Enfin, nous allons lutter contre les violences urbaines. J'ai réuni l'ensemble des commandants de compagnies républicaines de sécurité, les CRS, et des responsables d'escadrons de gendarmes mobiles. Je souhaite spécialiser les forces mobiles pour qu'elles interviennent le soir, la nuit et dans les cas de violences urbaines. Leurs techniques d'intervention devant s'adapter aux nouvelles techniques des voyous, je conduirai un effort de formation très important en la matière.
Je vous demande, monsieur Bernard Plasait, de ne pas me tenir rigueur de ma concision, car j'aurais bien d'autres choses à dire, mais mon temps de parole est limité ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. La parole est à M. Alex Türk.
M. Alex Turk. Monsieur le ministre, je vous interrogerai sur les problèmes relatifs à l'Office européen de police, EUROPOL. Ils sont peu souvent évoqués, mais sont sans doute appelés à l'être de plus en plus dans les années à venir.
Membre depuis sa fondation de l'Autorité de contrôle commune de l'office et la présidant depuis deux ans, je suis aux premières loges pour constater à quel point EUROPOL se trouve actuellement dans une impasse. J'avais interrogé vos prédécesseurs, M. Chevènement il y a trois ans et, le 4 décembre de l'année dernière, au cours d'un exercice semblable à celui d'aujourd'hui, M. Vaillant. Mes questions, qui concernaient l'utilisation du système EUROPOL, étaient restées sans réponse.
Or, deux événements viennent renforcer ma préoccupation. D'une part, un grand quotidien national a consacré hier une page entière aux déclarations, à certains égards surprenantes, du directeur d'EUROPOL, qui se plaint de l'attitude de la France ces dernières années. D'autre part, une contribution franco-allemande a été versée au dossier de la Convention européenne par les deux ministres des affaires étrangères, qui reconnaissent la nécessité d'un grand développement des compétences d'EUROPOL et évoquent même la notion d'« autorité coercitive européenne ».
Il est donc devenu absolument nécessaire que vous répondiez, et je ne doute pas que vous le ferez, puisque vous avez inscrit dans la transparence dans votre stratégie.
Je vous poserai donc trois questions.
Première question : où en est le système d'informations d'EUROPOL ? Vous le savez, ce système repose sur deux piliers : des fichiers aux fins d'analyse criminelle, d'une part, et un grand fichier d'informations générales, d'autre part. Or, depuis quelques années, nous sommes nombreux à nous plaindre que ce dernier n'ait pas été réellement mis en place. Il serait peut-être opérationnel, nous dit-on, au milieu de l'année 2003. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur ce point ?
Ma deuxième question concerne la présence française au sein d'EUROPOL. Nous avions commis de nombreuses erreurs, ces dernières années, mais nous avions - enfin ! - réussi à voir un grand professionnel intégrer la hiérarchie d'EUROPOL : il semble qu'il soit désormais appelé à d'autres fonctions. Est-il possible de renforcer la présence française au sein d'EUROPOL ? Je rappelle que la Grande-Bretagne, l'Allemagne et les Pays-Bas monopolisent l'essentiel des postes. La Grande-Bretagne, à elle seule, n'occupe pas loin du quart des postes stratégiques, alors que, depuis quatre ou cinq ans, nous en sommes quasiment absents.
Troisième question : que faire pour convaincre la police française, qui depuis quelques années se montre très réservée, de profiter du système EUROPOL, qui va probablement se développer ? Il nous coûte tout de même quelques dizaines de millions de francs par an ! Cette réticence est d'autant plus regrettable que la France est le troisième contributeur, loin devant les suivants, et que EUROPOL, nous le savons, est la cheville ouvrière de toutes les négociations avec les Etats-Unis en matière de terrorisme. Il est donc indispensable que les policiers et les gendarmes français profitent du système et l'alimentent, non pas seulement pour ne plus essuyer les reproches du directeur de l'office, à certains égards malvenus, mais surtout pour donner une dimension supplémentaire à l'action internationale, que vous avez jugée prioritaire, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Türk, comme toujours, qu'il s'agisse d'EUROPOL ou des fichiers, vos questions témoignent du très grand soin avec lequel vous suivez vos dossiers.
La question d'EUROPOL, à laquelle, croyez-le bien, j'attache une attention particulière, n'est pas très simple. J'ai trouvé une situation à bien des égards complexe sur les plans à la fois psychologique et technique.
Je préciserai d'abord que EUROPOL compte aujourd'hui 338 personnes au total, dont 31 Français. La France assume 17 % du budget de l'office, qui s'élève à 48 millions d'euros. Il est vrai que l'équipe dirigeante ne comprend plus de Français depuis que j'ai nommé le directeur-adjoint français, M. Gilles Leclair, homme de très grande qualité, à la tête de l'Unité de coordination de la lutte anti-terroriste, l'UCLAT. Peut-on me reprocher, monsieur Türk - ce que vous ne faites pas ! -, de vouloir les meilleurs à la tête des services les plus emblématiques de la police française ? Je crois savoir que M. Leclair a vécu sa nomination à la tête de l'UCLAT comme un retour dans un service opérationnel. Car, si EUROPOL assume des fonctions très importantes, ses missions n'ont pas le même caractère opérationnel, chacun peut le comprendre, que celles d'un grand service de la police française comme l'UCLAT. Au demeurant, M. Leclair est unanimement reconnu comme un grand professionnel.
Je suis en train de réfléchir au choix de son successeur comme directeur-adjoint d'EUROPOL - en tout état de cause, ce sera une personne de grande qualité -, car nous devons être plus présents dans le fonctionnement de cet organisme.
Je tiens à réaffirmer devant la Haute Assemblée que les gouvernements doivent rester maîtres des processus de sélection des dirigeants d'EUROPOL et qu'ils doivent nommer les meilleurs. Je ne veux pas que EUROPOL devienne un « machin » technocratique sur lequel on ne sait qui aurait la haute main.
Quant au système d'informations, je souhaite comme vous que le ficher soit opérationnel dès 2003, et les éléments qui m'ont été communiqués sont plus optimistes que par le passé. Cette évolution est liée à l'après 11-Septembre : la création d'une task force anti-terroriste a permis d'améliorer la quantité et la qualité des informations échangées et, surtout, la vitesse de leur transmission.
Je suis prêt à favoriser la fluidité de l'information, car il serait gravement irresponsable, dans l'ambiance actuelle, qu'un service secret, quel qu'il soit, garde les informations qu'il possède. Ainsi, j'ai autorisé un certain nombre de services européens à venir consulter des éléments très précis liés à des arrestations récentes. Je ne peux malheureusement pas entrer plus avant dans le détail, même devant la Haute Assemblée.
Dans une semaine, l'Inspection générale de la police nationale, que j'ai saisie, me transmettra ses propositions pour améliorer le fonctionnement d'EUROPOL et la contribution qu'y apporte la France. J'aurai l'occasion de les évoquer avec vous, si vous le voulez bien, mais en particulier, monsieur le sénateur. Vous aurez ainsi l'assurance que vos préoccupations, qui portent sur un enjeu majeur pour la région Nord - Pas-de-Calais, notamment, sont vraiment prises en compte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, il nous est difficile - c'est pourquoi nous ne le ferons pas - de vous reprocher d'afficher un mauvais budget, si l'on s'en tient aux chiffres avancés, notamment pour ce qui est des effectifs.
Cependant, ce budget suscite en nous quelques craintes que je voudrais mentionner ici et qui portent principalement sur trois aspects : les effectifs, la culture du résultat et les bâtiments.
S'agissant des effectifs, tout d'abord, la politique de police de proximité, mise en place par M. Vaillant après que M. Pasqua l'eut, en quelque sorte, « inventée », s'est développée grâce aux adjoints de sécurité. Or, on annonce la suppression de plusieurs milliers de postes, ce qui entraînerait, d'après les chiffres avancés, la disparition de 9 500 policiers de terrain. Cela n'est pas sans nous inquiéter. Certes, vous accordez un moratoire d'une année : qu'adviendra-t-il au terme de ce moratoire ? Le problème sera-t-il résolu ou seulement différé ? Cet aspect nous préoccupe fortement.
J'évoquerai un deuxième aspect : les conséquences que pourrait avoir ce que l'on peut nommer la politique budgétaire des vases communicants. J'entends par là que la forte augmentation de certains budgets, notamment du vôtre, peut se traduire par la diminution de certains autres ou avoir des effets négatifs sur d'autres politiques. Ainsi, la suppression massive de postes d'aides-éducateurs et de postes de surveillants dans le budget de l'éducation nationale n'est-elle pas préoccupante pour vous ? Ces aides-éducateurs, ces surveillants, jouent un rôle essentiel dans les établissements, voire autour des établissements. Ils constituent un élément majeur de l'encadrement des jeunes et contribuent à assurer la sécurité. Si les jeunes qui pratiquent volontiers l'absentéisme ne sont pas encadrés, vous les retrouverez de toute évidence dans la rue - sinon vous, du moins vos fonctionnaires. Sans doute y avez-vous réfléchi.
Notre inquiétude porte également sur les contrats locaux de sécurité, les CLS. La baisse du budget de la politique de la ville amène de nombreux maires à ne pas les reconduire, faute d'engagement de l'Etat. Cela signifie-t-il, monsieur le ministre, la fin ou du moins le ralentissement d'une politique globale de sécurité intégrant en particulier une forte dimension préventive, à côté ou en amont de la dimension répressive ?
Notre deuxième grand sujet de crainte réside dans la culture du résultat que vous êtes en train d'introduire dans les services de sécurité départementaux. Vous l'avez rappelé ce matin, vous recevez chaque mois les préfets qui ont obtenu les meilleurs et les moins bons résultats. Je suppose que vous ne vous contentez pas, tel Napoléon, de caresser la joue des meilleurs et de tirer les oreilles des plus mauvais. Vous vous inspirez de la politique new-yorkaise, je le sais bien.
On peut cependant s'interroger sur l'intérêt de votre méthode et, surtout, sur la pertinence de certains critères. Ainsi, vous mesurez les résultats en pourcentages. Or, une variation de la délinquance de 20 % correspond dans le Var à 2 000 faits constatés, alors qu'une variation de 22 % correspond dans le Lot à 140 faits constatés ! C'est évidemment différent ! J'aimerais donc, monsieur le ministre, que vous m'expliquiez le choix de ce critère.
On peut surtout s'interroger sur la notion même de fait constaté : pour pousser le raisonnement à l'extrême, les résultats d'un commissariat qui fermerait ses portes pendant un mois connaîtraient une amélioration vertigineuse, avec un coefficient proche de l'infini ! A l'inverse, plus on cherche, plus on trouve !
Je fais bien sûr confiance aux fonctionnaires de sécurité, qu'ils soient policiers ou gendarmes, pour faire état de leur travail avec le maximum de loyauté. Mais enfin ! Un tableau d'honneur, c'est très bien en classe, lorsque c'est le maître qui juge l'élève à partir de critères qu'il a définis. Mais si l'élève procède lui-même à son évaluation, cela nécessite à tout le moins une forte correction des résultats par le maître. Monsieur le ministre, vous êtes le maître ; assurerez-vous cette correction ?
Au demeurant, le moment ne serait-il pas venu de mettre en place l'observatoire de la délinquance intérieure que préconisaient conjointement M. Caresche et M. Pandraud ? Il vous permettrait de vous appuyer sur des données uniformes et objectives pour juger de l'évolution de l'insécurité, que ce soit de façon globale ou en tel point précis du territoire.
Ma troisième crainte porte sur une question qui préoccupe nombre de maires, en particulier dans les milieux ruraux : la construction et le financement des casernes de gendarmerie. Le 30 juillet dernier, vous avez déclaré ceci devant le Sénat : « Les collectivités qui choisiront de prendre en charge la maîtrise d'ouvrage pour aller plus vite pourront bénéficier de deux avantages.
« Tout d'abord, [...] la TVA versée sur ces opérations sera remboursée.
« Ensuite, la participation de l'Etat à la construction sera soumise aux règles générales du décret de 1999 sur les subventions, et non pas aux règles plus rigoureuses du décret de 1993. Dans le décret de 1993, la subvention est limitée [...] à 18 % ou 20 % [...], alors que le décret de 1999 permet d'aller beaucoup plus loin. »
Monsieur le ministre, nous connaissons bien le système actuel en matière de constructions de casernes de gendarmerie : elles sont subventionnées à hauteur de 18 %, et les gendarmes acquittent un loyer. C'est toujours le seul système que connaissent vos services aujourd'hui. Vous évoquez des subventions plus élevées : vos services nous répondent que les décrets ne sont pas parus. Pouvez-vous nous dire à combien s'élèveront finalement ces subventions ? En outre, vous n'avez en aucune façon mentionné, au mois de juillet, la suppression du loyer : vos services nous répondent que ce n'est pas « fromage et dessert ». Ce serait plutôt subvention, dont on ne connaît pas le montant, et loyer, ou bien subvention et récupération de TVA sans loyer !
Croyez-vous, monsieur le ministre, que le nouveau système, qui s'accompagnerait de la suppression des loyers, sera plus avantageux que l'ancien ? Tout dépendra du montant de la subvention, sur lequel il faudrait donc que vous nous éclairiez.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je vous remercie, monsieur Peyronnet, du ton extrêmement courtois avec lequel vous avez posé votre question.
Vous avez commencé votre propos par ces mots, que j'ai appréciés : « Il nous est difficile de vous reprocher d'afficher un mauvais budget... » Allons, un petit effort, monsieur Peyronnet ! Dites qu'il est bon ! (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Ne faites pas de périphrases, cela ne sied pas à un homme de votre qualité ! Au lieu de dire qu'il est difficile de prétendre qu'il s'agit d'un mauvais budget, il est plus rapide, plus franc et plus utile de dire qu'il est bon, monsieur Peyronnet ! Si vous le faisiez, nous serions nombreux à vous applaudir. Vous voyez, il ne vous reste qu'un tout petit effort à faire ! Les améliorations peuvent venir de tous les côtés !
Vous m'avez interrogé sur les adjoints de sécurité : il est clair qu'aucun poste ne sera supprimé. Ce que nous modifions, c'est la nature des contrats. Je l'ai dit à plusieurs reprises, et j'aurai l'occasion de le répéter au cours d'autres débats : c'est une mesure qu'il convenait de prendre !
Votre préoccupation portait sur les effectifs, et vous m'avez très courtoisement demandé, bien que plus gentiment - mais cela revenait au même -, si je n'allais pas supprimer d'un côté ce que je créais de l'autre. Ma réponse est simple : aucun emploi d'adjoint de sécurité ne sera supprimé.
En ce qui concerne les éducateurs, je laisserai à M. Ferry, qui travaille à un dispositif qui les intéresse, le soin de répondre lui-même. Dans cette attente, laissez-moi vous dire une chose, monsieur Peyronnet. A Strasbourg, dans le quartier de Hautepierre, où je me suis rendu voilà peu, un éducateur - mais je sais bien que vous parliez des aides-éducateurs employés par l'éducation nationale - me disait : « Monsieur le ministre, la situation de la sécurité est devenue si intolérable que nous ne pouvons plus faire notre travail de prévention. »
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je soulignerai devant la Haute Assemblée qu'il ne sert à rien de parler de la prévention, de rendre hommage au travail admirable des éducateurs et du mouvement associatif si vous ne garantissez pas la sécurité à laquelle ces éducateurs, à laquelle ce mouvement associatif ont le droit. Les premières victimes de l'insécurité dans nos quartiers, ce sont les éducateurs. La prévention - vous le savez, monsieur Peyronnet, comme chacun d'entre nous - ne peut se développer que lorsque la sécurité règne dans les quartiers où les éducateurs exercent. Or, malheureusement, ce n'est pas toujours le cas.
Vous m'interrogez sur le choix des pourcentages comme critère d'évaluation, en attirant mon attention sur le fait que tel pourcentage de diminution de la délinquance représente une baisse de quelques centaines de faits constatés dans le Var et de quelques dizaines seulement ailleurs - et vous auriez pu prendre l'exemple de la Lozère. C'est exactement l'argument qu'a défendu le préfet du département concerné : je l'ai tout de suite arrêté. Car 40 faits supplémentaires dans un département rural, c'est une véritable révolution, qu'il s'agisse du Cantal, de la Lozère ou de tout autre département, alors que 2 000 faits supplémentaires dans un département urbanisé passent pour un effet statistique.
Dans un département où il ne passe jamais rien, quand surviennent quarante faits de plus, c'est un drame ! J'ai donc demandé aux préfets de ne pas tenir ce raisonnement et j'ai répondu à celui qui me l'opposait : « Monsieur le préfet, les quarante faits supplémentaires, ce n'est pas vous, ce n'est pas votre épouse, ce ne sont pas vos enfants qu'ils touchent ! Car s'il s'agissait de vous-même, de votre épouse ou de vos enfants, vous ne me diriez pas que quarante faits supplémentaires, ce n'est rien ! »
En ce qui me concerne, je ne néglige rien. La tolérance zéro, c'est que la pagaille n'arrive pas dans des départements où elle n'existait pas jusqu'à présent.
J'ajoute une question, monsieur Peyronnet : quelle conception avez-vous de la police ? Je ne suis pas le « maître » ! Je suis le responsable, et la culture du résultat s'appliquera d'abord à moi-même. Si échec il y a, il est normal que l'échec le plus cinglant, le plus immédiat, le plus brutal soit celui du numéro un.
Je ne suis pas un maître qui fait défiler ses élèves. Je suis un responsable qui parle avec ses collaborateurs.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Oui, chaque mois, je consacrerai une matinée pour comprendre pourquoi certains ont pris des initiatives et obtiennent des résultats, et pourquoi d'autres n'ont pas pris les mêmes initiatives et s'enfoncent dans l'absence de résultats. C'est mon devoir de le faire.
J'admets bien volontiers, monsieur Peyronnet, que cela représente un grand changement par rapport à ce qui existait auparavant : les Français jugeront si ce changement est positif ou non.
Pour ce qui est de la gendarmerie et de la LOPSI, je ne peux vous répondre pour l'instant, et vous prie de bien vouloir m'en excuser. Je le ferai donc à l'issue de cette séance ou par écrit. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, sur la question précise des casernes de gendarmerie, je me contenterai volontiers d'une réponse écrite. Il s'agit d'un sujet très technique, et je comprends que vous ne puissiez y répondre dans l'immédiat !
Je reviendrai sur l'une de vos remarques. Un maître n'est pas forcément répressif : il écoute aussi ses élèves, et je suis heureux de constater que c'est là votre état d'esprit.
Je prends acte que vous ne supprimerez pas de postes, mais c'était bien aux aides-éducateurs des établissements scolaires que je pensais,...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Oui, bien sûr !
M. Jean-Claude Peyronnet. ... et non pas aux éducateurs que, par ailleurs, je connais bien puisque, en tant que président du conseil général, je les rencontre fréquemment sur le terrain.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne poserai pas de question sur la police et la gendarmerie : j'évoquerai la sécurité civile. Il faut bien, quelquefois, changer de thème, et vous savez, monsieur le ministre, que la sécurité civile, est l'une de mes passions !
Si nous nous réjouissons, bien évidemment, de l'augmentation sensible du budget de la sécurité civile, il n'en reste pas moins que celui-ci ne représente que la partie visible de l'action de la sécurité civile. La protection des biens et les secours reposent essentiellement sur le maillage territorial dessiné par les SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours, dont le fonctionnement est fondé sur la compétence et le dévouement des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires.
M. le président du Sénat rendra hommage, cet après-midi, aux malheureux sapeurs-pompiers volontaires qui ont été tués dans un accident de la circulation. Après les sapeurs-pompiers de Paris, c'est un lourd tribut qu'ont payé ces hommes à leur dévouement.
Monsieur le ministre, les crédits destinés à la sécurité civile dans votre budget s'élèvent à 323 millions d'euros alors qu'en fait la sécurité civile coûte en France 2,7 milliards d'euros. La différence est donc supportée par les collectivités locales ; il faut le rappeler de temps en temps.
Or les budgets des services départementaux ont subi une véritable explosion des dépenses, et ce pour de nombreux motifs.
Après les textes, certes légitimes, sur la revalorisation des carrières et la réforme du régime indemnitaire est intervenu le décret du 31 décembre 2001 sur la réduction du temps de travail, qui n'a pas donné satisfaction aux sapeurs-pompiers de par sa rigidité tout en imposant des recrutements supplémentaires, souvent insupportables par leur coût.
En dehors de toute amélioration du service rendu, on peut estimer à près de 10 % le surcoût engendré par les modifications réglementaires intervenues au cours des dernières années, sans parler des nouvelles normes en matière d'équipement. Les nouvelles vestes de feu, c'est bien, mais il va falloir les payer ; quant aux nouvelles normes pour les véhicules de secours, il faut s'y adapter. En tout cas, tout cela coûte très cher et les collectivités locales sont obligées de supporter des augmentations de coûts sans avoir rien pu prévoir.
Ne serait-il pas temps de freiner cette tendance à la réglementation excessive en laissant plus d'initiative aux acteurs locaux, l'expérimentation qui a eu lieu pour les services d'incendie ayant souvent donné de bons résultats ?
Autre cause d'augmentation des dépenses : la croissance des interventions en matière de secours aux personnes.
Dans mon département, ces interventions ont augmenté de 10 % en un an. Il est évident que la défaillance généralisée des services d'urgence à caractère médical ajouté au caractère gratuit des interventions des sapeurs-pompiers font que ceux-ci sont de plus en plus sollicités en dehors de leur champ de compétences : 30 % environ des secours apportés aux personnes n'en relèvent pas.
Il serait temps, monsieur le ministre, de mettre en application les textes votés par le Parlement prévoyant le remboursement de ces charges indues.
Quelles sont les intentions du Gouvernement à cet égard ?
Enfin, monsieur le ministre, vous me permettrez d'évoquer brièvement - mais vous avez déjà développé largement le sujet - la formation des officiers, notamment la création d'une véritable école nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers et, bien sûr, le financement de celle-ci.
Par ailleurs, je souhaiterais que vous nous fassiez part de votre sentiment sur le recrutement dès seize ans de jeunes sapeurs-pompiers volontaires, possibilité ayant été supprimée depuis 2000, ce qui a démobilisé les jeunes formés dans les sections de cadets. C'est pourtant une bonne pépinière. Il serait temps que nous revenions à des dispositions plus raisonnables.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Hyest, vous avez mille fois raison : la production de normes, au cours de l'année 2000 notamment, a été gigantesque. Admettez toutefois que certaines de ces normes étaient attendues par la profession, même si d'autres ont été subies.
Le Gouvernement partage pleinement votre avis sur la nécessité de faire une pause. C'est pour cela que j'ai repoussé la discussion du projet de loi de modernisation de la sécurité civile, non pas que le texte présenté par le précédent gouvernement soit mauvais, je trouve qu'il contient beaucoup de bonnes choses, mais il fallait marquer un temps d'arrêt. Convenez toutefois, monsieur Hyest, que cette interruption ne doit pas concerner la modernisation des équipements ni la protection des personnels.
Quel est le problème ? C'est très simple : tout coûte de plus en plus cher, parce que le besoin de sécurité de nos concitoyens croît de plus en plus, mais aussi parce que l'exigence de protection des pompiers militaires, professionnels ou volontaires tend vers l'absolu.
Pour l'instant, en effet, ce sont les départements qui supportent l'accroissement des dépenses. Il faut donc trouver une solution à ce problème, ce qui n'est pas simple.
Moi, je crois à l'établissement public,...
M. Jean-Jacques Hyest. Moi aussi !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... parce qu'il permet de ne pas faire peser cette tâche de sécurité civile sur une seule entité. Comme vous le savez en tant qu'élus locaux, les communes ne veulent pas être exclues de l'effort de sécurité civile, même si ce sont les départements qui ont le cadre et les moyens pour l'assumer.
Parallèlement, qui peut penser que l'Etat puisse se désintéresser de la sécurité civile ?
Nous sommes donc dans un total conflit de compétences. Je vais engager une concertation pour essayer de trouver comment on peut s'en sortir. Je crois vraiment que ce pourrait être par le biais des établissements publics.
Vous avez évoqué l'école d'Aix-les-Milles, je souhaite que l'on en fasse un établissement de référence nationale et internationale.
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Située au coeur de la Méditerranée, cette école pourra tirer profit de l'expérience des sapeurs-pompiers d'autres pays. Il y a de quoi faire quelque chose d'extrêmement intéressant. J'en avais discuté à l'époque avec M. Legendre.
En tout cas, je crois qu'il est bon que l'école des sapeurs-pompiers soit implantée à proximité des zones d'incendie ou des zones pouvant être soumises à des risques chimiques, encore que, dans le Nord - Pas-de-Calais, les risques existent aussi...
Nous reviendrons sur son budget. Naturellement, je l'annonce d'ores et déjà, l'Etat apportera sa contribution.
En ce qui concerne le recrutement dès seize ans, je dirai seulement, par souci de concision, que j'y suis favorable. Je vais prendre toutes les mesures nécessaires pour que vous puissiez recruter le plus tôt possible de jeunes sapeurs-pompiers à partir de cet âge.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je partage la conception de M. le ministre sur les établissements publics. Il faut continuer à associer les maires, mais il faut bien dire qu'au cours de débats récents nous avons quelque peu compliqué la tâche.
Je rappelle que les interventions que doivent effectuer les services de secours, compte tenu de la défaillance des services médicaux, posent de graves problèmes dans les départements. Il nous faudra, dans de brefs délais, mener une réflexion pour éviter que les départements n'aient à assumer plusieurs services de secours : celui qui assurera le secours banal aux personnes, par exemple à la grand-mère qui s'est cassé la jambe et celui qui sera assuré par les sapeurs-pompiers avec tout ce que cela implique comme capacité opérationnelle, comme formation, comme risques. Le département ne pourra pas prendre en charge les deux aspects. Il faudra que chacun, à tous les niveaux, prennent ses responsabilités : services publics, SAMU, SMUR, et médecine libérale.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Je vais aborder un sujet qui est trop souvent absent de votre discours sécuritaire, monsieur le ministre, celui de la lutte contre le blanchiment de l'argent sale, cette lutte qui devrait d'ailleurs s'étendre aux machines à sous clandestines, aux salles de jeux et autres casinos servant d'écrans à des opérations de blanchiment. Il s'agit là d'une clé essentielle de mise en cause des systèmes mafieux.
Le rapport parlementaire d'Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, remis en avril dernier, est très critique à ce sujet.
Quelques pays voisins, tels que la Suisse, Monaco, le Lichtenstein, la Grande-Bretagne, ont été remarqués pour leur tolérance à l'égard de l'argent sale. Dans ce domaine, la coopération judiciaire est trop limitée et les voies de recours contre les demandes de magistrats étrangers trop importantes.
Toutefois, la France est bien loin de montrer l'exemple. En effet, le rapport décrit notre pays comme une place de choix pour l'investissement et le placement de l'argent sale. Même si de nombreux efforts ont été effectués, notamment par la mise en place de la cellule TRACFIN à Bercy, qui est chargée de centraliser les déclarations de soupçon enregistrées par les organismes financiers, il reste des lacunes dans la lutte contre la délinquance financière, qui constitue l'arrière-scène de la délinquance que je qualifierai d'ordinaire.
La France souffre d'un réel manque de volonté dans sa traque de l'argent sale. La déclaration de soupçon, qui fait obligation de signaler à la cellule TRACFIN toute opération financière douteuse, ne se révèle pas suffisamment efficace.
Le secret bancaire pèse encore trop lourd alors que le combat contre le blanchiment repose largement sur la contribution du monde bancaire, qui est le mieux placé pour déclencher la procédure d'alerte à partir d'un soupçon.
Certaines sociétés immobilières, compagnies d'assurances et casinos peuvent servir de façades à de nombreuses opérations de blanchiment. Elles sont utilisées par les mafias et les réseaux criminels, notamment dans le sud-est de la France, aux fins de blanchiment de sommes considérables dans l'économie locale. Cette région est particulièrement concernée.
M. le président. Pas Marseille !
Mme Josiane Mathon. Toutefois, nous ne souhaitons pas diaboliser ces départements car, bien entendu, c'est l'ensemble du territoire tout entier qui est touché. Il n'empêche, monsieur le ministre, que nous nous trouvons confrontés à un problème de grande ampleur, auquel il va falloir nous attaquer.
L'absence de volonté de lutter contre cette criminalité ainsi que l'insuffisance des contrôles limitent les investigations policières et judiciaires.
Les mafias ont encore de beaux jours devant elles, d'autant qu'elles profitent largement du développement des nouvelles technologies, notamment de celui des services bancaires en ligne, qui favorisent les transferts de capitaux.
Comment ne pas voir qu'il existe un manque réel de moyens humains et matériels ?
Les policiers ne sont pas suffisamment équipés pour lutter contre les nouvelles formes de délinquance organisée - par nature transfrontalière -, qui utilisent une combinaison des anciennes et des nouvelles techniques de blanchiment, compliquant d'autant la tâche des contrôleurs.
Que proposez-vous, monsieur le ministre, pour lutter efficacement contre cette grande délinquance financière ?
Alors que le blanchiment est, par définition, invisible, il serait utile de prévoir des effectifs supplémentaires nécessaires aux techniques d'investigations spécifiques, telles que des opérations d'infiltration, qui constituent l'une des réponses les plus efficaces au blanchiment.
Il est temps de s'attaquer à cette corruption passive. Il est temps de construire des coopérations policières et judiciaires particulières pour affirmer, en Europe et dans le monde, des règles de droit. Il est temps d'engager la France plus avant dans cette éthique.
Nous avons tout entendu sur la petite délinquance et sur les moyens de la combattre ; mais votre discours fait trop discrètement l'impasse sur cette criminalité. Cela est d'autant plus regrettable que c'est cette mafia qui tire profit des produits de l'exploitation sexuelle, du trafic de drogue et du trafic d'armes.
Monsieur le ministre, votre étonnante énergie si médiatique, placez-la donc dans cette lutte, qui est celle de la morale contre le crime !
M. Christian Demuynck. Quel compliment !
M. Gérard Longuet. Elle a raison pour l'énergie ! Pour le reste...
M. le président. En tout cas, je signale à Mme Mathon qu'il n'y a pas de casino à Marseille.
M. Gérard Longuet. C'est dommage ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Madame Mathon, pour le coup, c'est vous qui m'étonnez ! A quel moment, à quel endroit, ai-je fait preuve de la moindre faiblesse à l'endroit de la lutte contre le blanchiment de l'argent sale ?
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. S'il y a un mot, une initiative, un fait qui peuvent semer le doute, indiquez-le moi, j'en rendrai compte tout de suite.
Bien au contraire, madame Mathon, la mise en place des groupes d'intervention régionaux, c'est-à-dire l'association des agents du fisc, des agents des douanes, des fonctionnaires de la répression des fraudes, de la police et de la gendarmerie, répond précisément à cet objectif de lutte contre l'économie souterraine,...
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... et de démantèlement des mafias. Or le parti communiste français a été à la tête de la lutte contre ces groupes. Alors que leur principal objectif était le démantèlement de l'économie souterraine, la traque de l'argent de la drogue, l'argent des mafias, pourquoi ne les avez-vous pas soutenus madame ?
Vous me demandez ce que j'ai fait depuis sept mois avec mon « étonnante énergie » ? Eh bien, justement, les GIR ! M'inspirant de ce qui a été fait pour TRACFIN, que j'ai dirigé pendant deux ans en tant que ministre du budget, et qui réalise - vous avez parfaitement raison sur ce point, madame Mathon - un travail considérable, j'ai voulu que les GIR rassemblent les efforts d'administrations différentes afin de lutter contre l'argent sale. Ainsi, dans toutes les régions, les GIR démantèlent l'économie souterraine.
Qu'est-ce que c'est l'argent sale ? Ce n'est pas simplement celui que détient le gros monsieur avec un gros cigare ! L'argent sale, c'est l'argent de la drogue. C'est l'argent du proxénétisme, dont on a parlé bien souvent, et l'on ne peut pas me reprocher de me désintéresser de la prostitution, du proxénétisme et de tout ce qui en découle. C'est également l'argent de l'intégrisme. En effet, derrière le fondamentalisme, derrière l'intégrisme, se profile l'argent de la drogue, l'argent des mafias. Derrière les beaux principes généreux ou théologiques, il y a bien souvent l'argent sale. Je puis vous dire, madame Mathon, que la détermination du Gouvernement est totale en la matière.
Je terminerai par un petit clin d'oeil.
Lorsqu'il a été question des fichiers, il y a peu, dans cette enceinte, M. Bret s'est levé, telle l'incarnation de la vertu républicaine (Sourires) , pour me dire - je l'entends encore ! : monsieur Sarkozy, quelle société nous préparez-vous ? Eh bien, madame Mathon, lorsque vous avez affirmé qu'il fallait lever le secret bancaire pour faire connaître toute la vérité aux Français, je me suis dit en moi-même : quelle société imaginez-vous, madame Mathon ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. La société que j'imagine, monsieur le ministre, est une société plus juste et plus équitable.
Au demeurant, vous n'avez pas vraiment répondu à ma question.
Certes, les GIR visent à lutter contre l'économie parallèle, mais qu'en est-il sur le plan européen, voire sur le plan mondial ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je ne suis pas un dirigeant à l'échelon mondial ! (Sourires.)
Mme Josiane Mathon. Vous vous entretenez souvent - ce fut le cas encore récemment - avec M. Tony Blair. Je suppose que, lors d'une prochaine rencontre, vous aborderez ces sujets avec lui, comme vous le ferez, dès que vous en aurez l'occasion, avec vos collègues européens.
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, depuis plusieurs années, même si tout le monde ne s'en était pas aperçu, la sécurité quotidienne est l'une des préoccupations majeures de nos concitoyens.
Le projet de budget du ministère de l'intérieur constitue l'un des axes prioritaires de la politique du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
Cette capacité de réaction, cette adéquation des moyens financiers, matériels et humains aux difficultés quotidiennes à résoudre avec efficacité est à mettre à votre crédit.
La discussion budgétaire qui nous occupe aujourd'hui est le prolongement direct de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002, qui a permis - nous le savons d'ores et déjà - de nets progrès en matière de lutte contre la délinquance.
De ce projet de loi de finances, je retiendrai tout particulièrement l'importance des crédits accordés à la direction de la défense et de la sécurité civile, qui s'élèvent à 323 200 000 euros, affichant une progression globale de 29,7 %.
L'actualité la plus récente, de Bali à Mombasa, illustre à quel point les nations occidentales à la pointe du combat contre le terrorisme international sont susceptibles de constituer des cibles pour la violence aveugle de groupements armés fanatiques.
Face à ces nouvelles menaces et compte tenu des risques potentiels que peuvent faire courir à la population civile les grandes catastrophes naturelles, semblables aux inondations du mois de septembre 2002, les mesures prévues par le Gouvernement sont indispensables. La modernisation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, à laquelle est affectée une somme de 3 millions d'euros, la création de 125 emplois supplémentaires, ainsi que l'instauration d'un nouveau fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours, dotés de 45 millions d'euros, sont susceptibles de combler les lacunes de notre système de sécurité civile.
Au cours des différents échanges que nous avons pu avoir ces derniers mois à propos des possibilités d'amélioration des techniques de radiocommunications des services publics de sécurité et d'assistance, vous avez témoigné, monsieur le ministre, de votre attachement à la modernisation et à la globalisation des réseaux existants en dotant ceux-ci d'infrastructures communes, performantes et polyvalentes.
L'évolution des autorisations de programme affichant une augmentation de 32 % pour une enveloppe de 80 millions d'euros, marque un progrès certain.
L'ensemble des services de sécurité, de défense civile et d'assistance médicale ne peuvent toutefois, dans le contexte actuel, demeurer plus longtemps isolés les uns des autres. Leur coordination sera la clé de leur efficacité et de la protection de nos compatriotes.
Monsieur le ministre, ma question porte sur les moyens mobilisés afin de permettre la mise en oeuvre du programme ACROPOL dans les meilleurs délais et dans les meilleures conditions d'exécution.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est pas la moindre des singularités françaises que les trois forces que constituent la police, la gendarmerie et les sapeurs-pompiers disposent de trois réseaux de transmission différents. C'est proprement extravagant.
Que pouvons-nous faire ?
Je vais tenter une expérimentation. Je vais faire en sorte, que, dès 2003, les SDIS de deux départements puissent se raccrocher à ACROPOL. J'ai reçu les candidatures d'un certain nombre de départements : la Seine-et-Marne, les Vosges, l'Eure-et-Loir, le Vaucluse, la Loire et la Gironde. J'essaierai de choisir des départements très différents pour que l'expérimentation soit plus intéressante. A terme, je souhaite que toutes nos forces puissent communiquer sur le même réseau. Quelle perte d'énergie qu'il n'en soit pas ainsi !
J'ai d'ailleurs été très heureux de constater que les Espagnols avaient choisi la technologie TETRAPOL. Nous disposerons ainsi de systèmes compatibles de part et d'autre des Pyrénées. Le Gouvernement français souhaite au demeurant que, à terme, on puisse communiquer non seulement entre services français mais aussi, par-delà nos frontières, avec les services des pays voisins.
Monsieur Demuynck, vous le voyez, la préoccupation du Gouvernement rejoint totalement la vôtre.
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Une fois de plus, vous allez dans le sens de l'efficacité.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je vous interrogerai sur votre politique relative aux missions, aux effectifs et à la réorganisation territoriale de la gendarmerie.
Je formulerai tout d'abord une crainte : la double tutelle exercée par le ministère de l'intérieur et par le ministère de la défense sur ce corps de militaires ne risque-t-elle pas d'être cause de dysfonctionnements, voire de frustrations chez ces personnels, quel que soit leur grade ? Je tiens à préciser que, disant cela, je ne récuse nullement la validité de cette orientation ; je m'interroge simplement sur sa mise en pratique.
Ma deuxième question concerne l'affectation des 1 200 postes supplémentaires inscrits à votre budget. Vous avez rappelé tout à l'heure encore que l'insécurité et la délinquance frappaient désormais les zones péri-urbaines et même les territoires ruraux, pour peu qu'ils soient à portée d'une agglomération. Quelle conséquence en tirez-vous sur la répartition des emplois créés ?
Plus concrètement, ne pensez-vous pas que la notion de périmètre péri-urbain, qui conditionne le barème d'affectation des postes - un gendarme pour 800 habitants, au lieu de un pour 1 000 en zone rurale - doit évoluer ? L'affectation des postes ne doit-elle pas se faire désormais en fonction du taux de délinquance et de l'appartenance à l'aire géographique de l'agglomération urbaine, conformément, d'ailleurs, à la procédure de l'INSEE pour le classement des communes ? Ne croyez-vous pas, par exemple, qu'un chapelet de petites villes de 4 000 à 6 000 habitants situées à un quart d'heure de la capitale régionale et reliées à elle par une autoroute fait désormais partie du « péri-urbain » ?
Par ailleurs, dans les brigades rurales, des gendarmes volontaires, qui sont moins bien formés et n'ont pas le statut d'officier de police judiciaire, remplacent trop souvent des officiers ou des sous-officiers. Je suis sûr, monsieur le ministre, que vous mettrez un terme à cette situation qui défavorise gravement ces communes. J'aimerais connaître vos intentions et, surtout, le calendrier prévu à cet égard.
La mise en place des communautés de brigades ne fait que prolonger une évolution ancienne, qui confie à une seule brigade la surveillance, la nuit, de tout un territoire. La population se plaint souvent auprès des maires du retard pris par les gendarmes, du fait de distances importantes et d'une moindre connaissance de la topographie. Il arrive même que, faute d'effectifs suffisants, la gendarmerie refuse de se déplacer. Votre réorganisation ne risque-t-elle pas d'aggraver cette situation, au détriment d'une partie de la population ?
Vous avez pris récemment une circulaire qui a supprimé les conseils communaux ou intercommunaux de prévention de la délinquance, créés dans les années quatre-vingt-dix, et qui a étendu la formule du contrat local de sécurité, jusqu'ici réservé aux quartiers sensibles.
D'une part, je regrette la disparition de l'accent mis sur la prévention au profit de la seule politique de répression. C'est en effet ce que cette simple décision de votre part risque de signifier alors que - vous l'avez dit vous-même tout à l'heure - l'une ne va pas sans l'autre.
D'autre part, que va-t-il advenir des sommes qui étaient affectées par l'Etat aux actions des conseils intercommunaux de prévention de la délinquance et qui sont désormais disponibles ? Allez-vous financer les initiatives que pourrait prendre un conseil local de sécurité, par exemple, pour faire vivre un « club d'ados » ou faciliter la mise en place des travaux d'intérêt général avec l'appui des municipalités ?
S'agissant de la police municipale, ne faut-il pas réformer la loi récente qui réserve la signature d'une convention entre la municipalité et le préfet aux postes de police municipale dotés d'un effectif d'au moins cinq gardiens assermentés ? Cela exclut des communes de 4 000 à 5 000 habitants qui n'ont pas les moyens financiers de recruter autant de policiers municipaux et dont les personnels se trouvent ainsi privés d'armes défensives, y compris en situation dangereuse.
Enfin, s'agissant du financement des gendarmeries, mes questions, qui ne sont pas seulement techniques, sur l'accélération des constructions et le renforcement financier de l'intervention de l'Etat sont les mêmes que celles qu'a posées mon collègue Jean-Claude Peyronnet. Je souhaiterais donc avoir communication de la réponse que vous lui ferez par écrit.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Delfau, c'est un foisonnement de questions ! La matinée n'y suffirait pas ! Or, je vous le rappelle, je ne dispose que de trois minutes.
Je note que vous n'êtes pas opposé au principe de la double tutelle, qui, jusqu'à présent, depuis sept mois, fonctionne très bien. Cela dit, je précise que l'emploi des forces de gendarmerie à des tâches de sécurité intérieure relève du ministère de la sécurité intérieure et de lui seul. C'est d'ailleurs ce que le Sénat a d'ores et déjà voté en adoptant le projet de loi pour la sécurité intérieure, qui met la gendarmerie sous l'autorité des préfets au même titre que la police.
En revanche, bien entendu, lorsque les gendarmes accomplissent des tâches qui ressortissent à la défense, leur emploi relève du ministère de la défense.
Sur le barème d'affectation, vous avez mille fois raison. Personnellement, j'aimerais que nous ne tenions plus compte du tout des schémas nationaux et des barèmes d'affectation. Toutes les villes de 10 000 habitants ne se trouvent pas dans la même situation : celle qui est en périphérie d'une ville de 200 000 habitants n'a rien à voir avec celle qui est, elle-même, capitale d'un territoire, la seule a avoir un cinéma, un conservatoire, une piscine. Je souhaite donc que l'on n'affecte pas les gendarmes, comme les policiers, simplement « au poids », en fonction du nombre d'habitants, mais en tenant compte d'une réalité très différenciée. Je me bats avec mon administration pour que l'on sorte de cette vision selon laquelle une commune de 8 000 habitants a droit à tant de gendarmes, une commune de 8 500 habitants, à tant, etc. Il faut évidemment s'adapter à la situation spécifique de telle ou telle commune.
MM. Jacques Legendre et Jean-François Le Grand. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. La question de la qualité des affectations, à laquelle je suis très attentif, ne se résume pas au problème des gendarmes adjoints. Les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie, les PSIG, sont à la gendarmerie ce que les BAC sont à la police. Chaque fois que je négocie un redéploiement, j'explique aux élus que le nombre de gendarmes qui sera retenu n'est pas seul en cause et qu'ils doivent aussi tenir compte de la qualité des gendarmes affectés à la surveillance de leur territoire. Cela ne signifie pas qu'un gendarme adjoint est moins bien qu'un gendarme ou qu'un gendarme membre d'un PSIG est mieux qu'un gendarme. L'essentiel, c'est que la brigade soit complète et adaptée à la situation d'insécurité du territoire concerné.
Les communautés de brigades contribuent à renforcer l'efficacité. L'idée est de faire la séparation entre le logement des gendarmes et leur territoire d'intervention. S'il y a deux ou trois brigades dans un canton, on ne va pas obliger certains gendarmes à déménager, mais on va les placer sous commandement commun. En effet, 60 % des brigades comptent moins de six gendarmes. Comment voulez-vous que six gendarmes assurent une présence sur le terrain, de jour comme de nuit, sept jours sur sept ? La communauté de brigades permettra d'assurer la présence du service public de la gendarmerie de jour comme de nuit.
Vous me dites, monsieur Delfau, qu'en supprimant un organisme je vais supprimer la prévention. Non ! J'ai allégé les structures. Ce qu'un organisme de prévention va faire, trois ne le faisaient pas !
Croyez-moi, monsieur le sénateur, je suis convaincu de la nécessité de la prévention. Mais convenez que, ces dernières années, on a beaucoup parlé de prévention sans en faire et que l'on a un peu oublié que la première des préventions consistait à induire chez le délinquant la certitude qu'il serait pris et puni. Or la crainte de la sanction reste malgré tout la meilleure façon de décourager les vocations de délinquants.
Enfin, monsieur Delfau, je répondrai par écrit à votre dernière question, comme je me suis déjà engagé à le faire auprès de M. Peyronnet.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Nous n'entrerons pas dans le débat de fond sur la prévention et la répression. Je dirai simplement que l'une et l'autre sont intimement liées.
Monsieur le ministre, je voudrais de nouveau attirer votre attention sur deux questions auxquelles vous n'avez pas pu répondre eu égard aux modalités du débat.
Tout d'abord, la convention qui lie la commune et le préfet lors de la création d'un service de police municipale est régie par un texte assez récent. L'expérience en révèle des effets pervers qui me paraissent justifier sa révision.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Absolument !
M. Gérard Delfau. Mon deuxième point concerne le contrat local de sécurité.
Je suis maire d'une commune de 4 000 habitants. Après un long travail de prévention, mené en liaison étroite avec la gendarmerie, je souhaite pouvoir travailler sous l'autorité du sous-préfet pour tenter de mieux endiguer la montée de la délinquance. Je puis vous assurer que c'est difficile, sans doute parce que cela bouscule les habitudes mais aussi parce que les gendarmes sont débordés et les magistrats lointains.
C'est pourquoi il faudrait vraiment que la notion de contrat local de sécurité entre dans la réalité de nos communes, du moins de toutes celles dont les élus sont volontaires pour cette coopération.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question a trait à la restructuration des services de police et de gendarmerie. Je prendrai l'exemple de la Lorraine, celui que je connais évidemment le mieux, mais je pense que mon propos a une portée générale.
En réorganisant le service public, monsieur le ministre, vous vous lancez dans un exercice extrêmement délicat mais, à coup sûr, salutaire. Vous abordez le problème de la sécurité selon une approche territoriale, ce qui nous crée, me semble-t-il, le devoir de vous aider et de vous accompagner.
Si nous ne réussissons pas à l'échelon territorial du service public de la sécurité, comment pourrons-nous envisager de réorganiser le service public territorial en général ? Dans un domaine où le sens de l'autorité et le sens du service public existent, il devrait être possible d'être exemplaire.
On peut facilement décrire la situation en Lorraine. D'après nos informations, les projets préfectoraux visent à élargir les territoires de police de Metz et de Nancy : celui de Metz au détriment des brigades de gendarmerie d'Hagondange et de Woippy ; celui de Nancy au détriment des brigades de gendarmerie de Ludres, de Pompey et de Frouard, et accessoirement du commissariat de Neufmaisons.
Un double mouvement est amorcé. D'une part, des commissariats seraient sacrifiés : à Creutzwald, au profit de la gendarmerie de Freyming-Merlebach ; à Commercy au profit de la brigade Commercy, car il s'agit en quelque sorte d'un changement sur place.
D'autre part, des restructurations ont lieu dans le Pays haut, concernant en particulier les commissariats de Conflans-Jarny, Joeuf, Briey, Homécourt : celui de Conflans-Jarny serait supprimé ; les autres fusionnent mais leur localisation est maintenue, selon une formule qui est effectivement intéressante.
Pour ce qui concerne la gendarmerie, la restructuration de la compagnie de Montmédy est prévue.
Sur ce mouvement, nous souhaitons d'abord que le ministre s'exprime vite. Il faut aussi que la situation des fonctionnaires concernés, qu'il s'agisse de personnels de la gendarmerie ou de fonctionnaires de la police nationale, fasse l'objet d'un suivi individuel. Enfin, nous voulons avoir la certitude que, en milieu urbain, où les besoins sont forts, les moyens nouveaux que vous proposez à la France seront en effet affectés à ceux qui font l'effort d'une restructuration et que, en milieu rural, pour le moins, la qualité du service sera maintenue lorsque ce service est réputé être de qualité, ce qui est le cas, par exemple, du commissariat de Commercy, qui s'effacerait au profit de la gendarmerie si vous suiviez les propositions du préfet de la Meuse.
Après ces trois questions, qui concernent en fait toutes les régions de France, monsieur le ministre, je formule le voeu que vous consacriez au moins une partie de votre inlassable énergie à la région lorraine pour présenter et expliquer cette réforme aux élus eux-mêmes. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Longuet, il se trouve - c'est un hasard - que je travaillais hier soir sur le dossier de la Meuse. J'essaie - ce n'est pas toujours facile - de suivre les dossiers les uns après les autres, non par méfiance à l'endroit de mon administration, mais parce que je veux être sûr d'être capable de porter tous les projets que je vous présenterai, y compris celui de la Meuse, et de m'expliquer à leur sujet.
Les propositions qui ont été faites m'ont paru intelligentes. Toutefois, les compensations qui étaient prévues n'étaient pas, de mon point de vue, tout à fait suffisantes.
Pour être franc, monsieur Longuet, je préférerais qu'on ne mène à bien que 70 % de la réforme - jusqu'à présent, c'est 0 % ! - et qu'on en abandonne 30 %, mais que les 70 % réalisés soient exemplaires ! Tel est mon état d'esprit en lançant cette opération. Il faut sortir de cette logique si française qui veut que l'on n'aime la réforme que si elle est totale, complète et parfaite. Or, comme elle n'est jamais totale, jamais complète et jamais parfaite, on ne la fait jamais ! Ce qui m'intéresse, c'est le contraire. Je veux que l'on passe de l'incantation à l'action. Tous les hommes d'action le savent bien : l'action n'est jamais parfaite. Mais peu importe ! Ce qui compte, c'est d'améliorer la situation au quotidien. Tel est très exactement mon état d'esprit.
Vous m'avez demandé d'aller vite. Bien sûr ! Mais, en même temps, de nombreux élus me disent de faire attention, de prendre le temps de la concertation. Il faut donc agir vite, mais dans la concertation. Il faut aller vite pour ne laisser personne dans l'incertitude, mais il me faut disposer de suffisamment de temps pour aller présenter et expliquer quarante projets. Cela ne peut se faire d'un seul coup !
Il convient d'avoir bien en tête le calendrier : je vais annoncer dix à douze projets dans les jours qui viennent. Ils seront suivis de trente à quarante autres. Je tiens en effet à en présenter moi-même un certain nombre pour bien faire ressortir la démarche, l'honnêteté intellectuelle qui les sous-tend.
Vous avez parlé du suivi individuel des fonctionnaires et des militaires, et vous avez eu mille fois raison. Là encore, le statut n'est d'aucun secours. Il faut faire du « cousu main ». Il ne faut absolument pas braquer les personnels : il faut les associer. C'est très important dans la mesure où des militaires sont parfois blessés parce qu'un commissariat est maintenu coûte que coûte, où des fonctionnaires sont parfois inquiets parce qu'ils ont fait construire un pavillon, parce que leurs enfants sont scolarisés dans une école ou parce qu'il n'y a qu'une voiture dans la famille, alors que les deux conjoints travaillent, et qu'un déménagement leur poserait un problème. Je regarde chaque projet, monsieur le sénateur, en me faisant communiquer l'exacte différence de trajet qu'induirait le déplacement de chaque fonctionnaire. Mais l'étude des cas individuels n'est, elle non plus, guère facile à concilier avec la nécessité d'aller vite !
Enfin, vous avez employé le mot de « certitude ». Ce qui est certain, c'est qu'il ne doit pas s'agir d'un marché de dupes. Les élus doivent avoir confiance dans la parole de l'Etat, qui doit être exprimée sans ambiguïté. On ne remplace pas quarante-quatre policiers par douze gendarmes, et c'est toute la différence avec la réforme de 1988, celle de M. Chevènement. On avait alors expliqué que l'on remplaçait trois policiers par un gendarme : il n'y pas eu un maire pour l'accepter car, quelle que soit la qualité des gendarmes, on savait bien que le compte n'y était pas ! D'où l'importance de la création d'effectifs.
Monsieur Longuet, j'ai aussi compris votre intervention comme une invitation. Je l'accepte bien volontiers : rendez-vous dans la Meuse ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Longuet. Qu'ajouter après une telle conclusion ? (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez certainement constaté, comme moi, que les médias ne relataient plus avec la même régularité et sous le même éclairage qu'il y a quelques mois les agressions dont sont victimes nos concitoyens. Et cette constatation commence aussi à être faite dans la rue.
L'insécurité fait pourtant toujours partie de notre quotidien, hélas ! Nul ne peut être assuré d'être à l'abri d'une agression, d'un vol, d'un crime. La tranquillité relative est toujours une situation fragile, précaire. Il faut souvent peu de choses pour ouvrir les portes de l'insécurité. C'est ce que nous ressentons dans le monde rural.
Monsieur le ministre, vos déclarations, vos déplacements médiatisés, votre budget en progression ne suffisent pas à nous tranquilliser.
Le monde rural craint, notamment, d'être la victime de la mise en place des communautés de brigades et du redéploiement des forces de sécurité.
Les élus ruraux s'interrogent sur les critères qui vont guider ces changements, qui pourraient d'ailleurs se muer - mais, j'espère qu'il s'en sera rien - en bouleversements. Pouvez-vous me préciser, monsieur le ministre, quels sont ces critères ? C'est ma première question.
La prévention ne paraît pas être votre préoccupation essentielle. Allez-vous la sacrifier aux interventions plus spectaculaires et plus faciles à traduire en statistiques ?
Une brigade, un commissariat comptabilisant peu d'interventions ne doivent pas être considérés comme inutiles. Une prévention efficace réduit, rend même parfois inutiles les opérations de répression, les interventions.
Monsieur le ministre, allez-vous prendre en compte cette situation propre au monde rural ? C'est ma deuxième question.
L'augmentation annoncée des effectifs devrait permettre de conforter le maillage actuel. Les préfets doivent vous proposer des regroupements et des redéploiements. J'ai bien compris que cela avait déjà été fait ; mais les élus directement intéressés ont-ils été associés à ces propositions ? Si ces élus sont en désaccord avec les mesures arrêtées par le préfet, que se passera-t-il, monsieur le ministre ? C'est ma troisième question.
Le milieu rural redoute de constater à ses dépens que, pour mieux habiller Pierre, on déshabille Paul. Or la sécurité par la prévention exige la proximité des forces de l'ordre. Tout éloignement favorisera la délinquance, qui se déplace vite, opère vite et se retire plus vite encore. Ce serait une erreur de créer des zones dont la protection éloignée affaiblirait la sécurité actuelle et engendrerait ainsi de nouveaux espaces d'insécurité. La ruralité souffre de nombreux handicaps. Monsieur le ministre, allez-vous y ajouter celui de l'insécurité ? C'est ma quatrième et dernière question.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je répondrai rapidement à M. Rouvière - et j'espère qu'il ne m'en voudra pas -, car j'ai ressenti son intervention plus comme l'expression de son opinion que comme une véritable interrogation.
D'abord, M. Rouvière me dit que c'est la faute des médias ! Curieuse conception ! Les médias m'obéiraient donc ; ils auraient décidé de me faciliter la tâche ; les médias, qui étaient contre le gouvernement précédent, seraient pour moi !
Vous devriez ajouter, monsieur Rouvière, que les sondages ont tort, que les Français ont tort, qu'ils n'ont rien compris. Continuez à penser ainsi, cela nous va très bien, car, plus vous serez persuadé d'avoir raison, plus nous resterons au pouvoir. Vous savez, quand les élus pensent que le peuple a tort, ils ne restent pas longtemps élus ; de la même façon que les pays ne changent pas d'adresse, les peuples ne changent pas ! Quand leurs gouvernants ou leurs représentants ne les écoutent pas, ils en tirent des conclusions sévères - cela nous est arrivé dans le passé, craignez que cela ne vous arrive aussi ! Rassurez-vous, je ne contrôle pas les médias, ils sont si versatiles et ont servi des maîtres si différents que je ne me fonde pas sur eux pour déterminer une politique !
La prévention, me dites-vous, c'est le plus efficace des dispositifs, et vous m'accusez de l'avoir abandonnée. Mais je ne comprends pas : pourquoi vos amis n'ont-ils pas recueilli les fruits de la prévention si efficace qu'ils ont menée pendant les cinq années où ils ont été au pouvoir ?
Enfin, en cas de désaccord avec les élus, je tiens à préciser que la police et la gendarmerie ne font pas et ne feront jamais partie, en tout cas de mon point de vue, des compétences municipales ; il s'agit, en effet, d'une compétence régalienne, d'une compétence de l'Etat, qui doit donc se concerter avec les élus.
Je tiendrai le plus grand compte des avis des uns et des autres, mais l'utilisation des forces de l'ordre n'est pas entre les mains de chacun des 36 500 maires de France, car, si tel était le cas, il n'y aurait plus de police nationale !
Chacun d'entre nous est attaché au caractère national de la police. La police et la gendarmerie ne sont pas à la disposition des maires de France, elles ont une mission qui doit être conduite. Si les élus sont d'accord et le comprennent, cela me facilitera la tâche - j'en tiendrai le plus grand compte -, mais cela ne peut pas être le seul critère de jugement. L'attitude d'un maire, aussi respectable soit-elle, ne peut à elle seule résumer la pertinence de la carte de déploiement. Et je ne crains pas de tenir un tel propos, qui peut-être choquera certains, devant la Haute Assemblée. L'avenir nous départagera. Nous verrons bien, au résultat, qui avait raison, vous ou moi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le ministre, je n'ai pas exprimé ma seule opinion, ce que je ne me serais pas permis de faire. Je ne fais que répercuter l'angoisse des élus ruraux et de la population rurale.
Par ailleurs, je n'ai pas accusé les médias. Je fais un constat, que la population est également en train de faire. Si nous avions eu le temps, je vous aurais cité quelques exemples d'agressions caractérisées et tout à fait exceptionnelles dont les médias n'ont même pas fait état, ce qui n'était pas le cas il y a quelque temps.
Je ne vous accuse pas non plus, monsieur le ministre. Il ne faudrait pas qu'à chaque fois que nous sommes en désaccord avec vous vous le preniez comme une agression. C'est simplement une constatation qui ne vous met pas du tout en cause. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)