SEANCE DU 4 DECEMBRE 2002


M. le président. Dans la suite de l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les affaires étrangères, la parole est à M. Guy Penne.
M. Guy Penne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'interviendrai sur plusieurs points, et je commencerai par une question qui me semble fondamentale : ce débat budgétaire n'est-il pas surréaliste ?
Avant même de l'avoir fait voter par le Parlement, le Gouvernement informe que ce budget ne sera pas tenu ! On prépare à Matignon et à Bercy les coupes claires qui viendront alléger les crédits toujours trop minces du ministère des affaires étrangères. Et voilà que, devançant les ciseaux de Bercy, notre commission des finances fait du zèle et souhaite amputer, encore et encore, ce frêle budget !
Mme Danielle Bidard-Reydet. C'est honteux !
M. Guy Penne. Cette majorité sénatoriale qui critiquait hier les budgets de M. Védrine se prépare à voter aujourd'hui des crédits réduits en se prêtant elle-même au jeu de massacre !
Il s'agit d'un budget modeste, qui s'inscrit dans la continuité. Le budget des affaires étrangères ne représente pas, en effet, la totalité de l'action extérieure de la France. Celle-ci est caractérisée, depuis des années déjà, par la dispersion et la dilution au détriment de son efficacité. Je ferai donc les mêmes critiques que par le passé.
Les rapporteurs ont fait oeuvre utile en rappelant les points positifs du projet de budget, mais il faut aussi, pour être juste, rappeler les points négatifs.
Ainsi ont été évoquées les contributions obligatoires en augmentation. Il faut parler aussi des contributions volontaires qui restent au niveau de 2002 et qui sont donc insuffisantes pour assurer la présence et l'influence de la France dans les organisations internationales.
L'augmentation prévue des crédits destinés à la sécurité des Français de l'étranger reste très inférieure aux besoins et ne correspond pas aux annonces faites lors de la préparation du budget. Pensons à la situation actuelle de nos compatriotes dans certains pays africains où, ici et là, se multiplient des conflits dont ils sont directement les victimes.
Le budget de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger ne permettra pas à cette dernière de terminer l'année scolaire. Rien n'est venu me rassurer depuis l'intervention que j'ai faite en commission. Le fond de roulement épuisé ne permet une survie que de quelques jours.
La part relative des crédits de rémunération et de fonctionnement diminue : 37,4 % contre 41,2 % l'année dernière. La perte sèche est de cinquante-sept emplois.
La coopération décentralisée n'est pas bien lotie dans ce budget. Pourtant, le Président de la République l'avait mentionnée dans son programme en dix points sur la politique de coopération. Or nous pouvons constater que les crédits d'appui à la coopération privée ou décentralisée vont baisser de 2 % ! Les initiatives locales et le travail des ONG constituent un apport fondamental au renouveau de la coopération. Diminuer leurs crédits est un mauvais signal adressé aux collectivités locales et aux centaines de bénévoles qui animent le réseau associatif solidaire.
En ce qui concerne les crédits pour le fonds de solidarité prioritaire et pour l'Agence française de développement, s'il faut se féliciter de l'augmentation des autorisations de programme, il faut aussi rester vigilant quant à leur transformation ultérieure en crédits de paiement, ce qui n'est pas automatique.
Nous ne pensons pas que le budget pour 2003 contribue à donner une chance de réussite au voeu de M. le Président de la République sur les crédits d'aide au développement : - 50 % d'augmentation en cinq ans ! Actuellement, un gel des crédits important affecte les crédits pour 2002 de la coopération et de l'APD. On donne d'une main et on efface de l'autre. Ces crédits semblent être la variable d'ajustement choisie par le Gouvernement pour donner l'illusion de contenir les dépenses !
Nous constatons, encore une fois, hélas ! que ce budget n'est pas prioritaire aux yeux du Gouvernement. Les gouvernements passent et les mauvaises habitudes restent...
En dehors des augmentations dues aux contributions obligatoires, aux crédits du FED et au complexe mécanisme des contrats de désendettement-développement, le budget des affaires étrangères augmente de 1,9 %. On peut dire qu'il stagne !
Quel avenir pour la coopération militaire ?
L'évolution de la coopération militaire n'est pas claire. Cette année encore, les crédits diminuent et atteignent leur limite basse. Quel est le sens des mesures d'économie affichées sur la coopération militaire ? Celle-ci passera-t-elle sous contrôle exclusif du ministère de la défense ?
Une clarification s'impose, d'abord à l'égard de la politique de défense et de sécurité de la France, qui considérait naguère cette coopération comme faisant partie d'une stratégie de rayonnement extérieur et d'influence à l'étranger. Elle s'impose ensuite à l'égard de nos partenaires étrangers, qui pâtissent du manque d'intérêt français et qui devront aller chercher ailleurs ce que la France leur refuse.
Or nous avons peut-être une certaine spécificité à défendre en la matière. Il est évident qu'il faut revoir l'ensemble de la coopération militaire, comme d'ailleurs nous devrions nous pencher sérieusement sur les accords de défense liant notre pays à des pays tiers. Toutefois, cette révision ne peut pas se faire au détour d'une ligne budgétaire effacée d'un trait de plume. Il faudrait nous présenter un bilan global de cet aspect de notre coopération.
J'en viens à l'aide au développement, au FMI et au désordre mondial.
En ce qui concerne l'APD, signalons que, s'il est bon d'augmenter les crédits, il faut aussi, et de toute urgence, réfléchir à l'utilisation de l'aide. Vaste sujet sans doute ! On peut toutefois d'ores et déjà avancer une piste de réflexion en ce qui concerne le rôle important, trop important, pris par certaines instances internationales comme le FMI et la Banque mondiale.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères. Très bien !
M. Guy Penne. En effet, ces organismes à la légitimité douteuse ont aujourd'hui un pouvoir de vie et de mort - le mot n'est pas trop fort - sur les économies des pays émergeants et les pays les plus pauvres. Ces organismes arrivent à imposer leurs conditions ; l'APD des Etats passe après pour limiter, dans le meilleur des cas, les dégâts.
L'exemple dramatique de l'Argentine nous interpelle et nous contraint à un examen attentif et approfondi de cette question, de la place et du rôle du FMI et de la Banque mondiale dans la recherche d'un modèle de développement équilibré et respectueux des peuples.
Nous savons que les politiques prônées par les grandes organisations financières internationales ont mené plusieurs pays vers des catastrophes sociales ou ont contribué à accroître leur dépendance à l'égard des « grands pays développés ». Ajustements structurels, ouverture de leurs marchés, libéralisation à outrance, réduction de l'Etat, démantèlement des services publics et de la sécurité sociale ont conduit ces pays à s'enfoncer dans la pauvreté et à hypothéquer leur avenir. Cela a souvent été fait, il est vrai, avec la collaboration d'élites locales incompétentes ou corrompues, parfois même l'un et l'autre !
Face à ces drames, lourds de conflits à venir, le montant de notre APD semble bien dérisoire. Surtout, il nous semble que reprendre la main face aux organisations telles que le FMI et la Banque mondiale est aussi important qu'augmenter notre aide.
Nous nous honorerions à montrer une plus grande vigilance à l'égard de l'action des organisations financières internationales et des conséquences sociales et politiques de leur action.
La doctrine américaine d'aide au développement consiste à mettre en compétition les pays pauvres pour obtenir l'aide de Washington et à opérer une sélection à partir de critères établis par la Heritage Fondation , fondation de la droite extrême américaine. L'APD n'est pas une priorité du gouvernement des Etats-Unis : elle représente à peine 0,11 % du PIB. Nous ne partageons pas la même conception.
C'est sur le terreau de la pauvreté - cela a déjà été dit par d'autres collègues - que prolifèrent les désordres et les guerres, les terrorismes et les intégrismes. Nous avons, nous Européens, tout intérêt à combattre aujourd'hui la pauvreté en nous attaquant à ses racines pour assurer à nos enfants un monde meilleur.
J'en viens au moteur franco-allemand, qui a déjà été évoqué, notamment par M. Daniel Hoeffel. Nous devons saluer le redémarrage de cette pièce essentielle de la construction européenne. Deux propositions conjointes sont venues illustrer cette relance attendue : la première sur la politique européenne de sécurité et de défense, la seconde sur la justice et les affaires intérieures.
Ces deux textes proposés à la Convention revêtent bien entendu une grande importance : ils contiennent des propositions concrètes que nos partenaires peuvent accepter. Il faut s'attarder aussi sur la symbolique de cette action commune franco-allemande. On peut dire que, lorsque l'entente entre l'Allemagne et la France fonctionne, l'Europe va mieux. Il convient donc d'encourager toutes les actions et propositions communes du couple franco-allemand - je rejoindrai encore M. Daniel Hoeffel sur ce point - et notamment de porter un coup d'arrêt au démantèlement des centres culturels français en Allemagne.
J'évoquerai maintenant la Tchétchénie : petit Etat, petit peuple... grand malheur. La guerre s'y poursuit. Il s'agit bien d'une guerre menée, aujourd'hui, au nom de la lutte contre le terrorisme. Est-ce à dire que le terrorisme se trouve à l'origine de cette guerre ?
La population civile souffre du durcissement de la politique de la Russie : des milliers de civils sont touchés par des actions militaires, de graves violations des droits de l'homme sont commises. D'importantes organisations internationales dénoncent l'existence de crimes de guerre.
La nouvelle guerre de Tchétchénie se déroule depuis 1999 dans une grande indifférence internationale.
L'OSCE devrait pouvoir jouer un rôle dans le conflit du Caucase, avant que la régionalisation du conflit entraîne de graves conséquences pour l'Europe : déplacements de population, terrorisme, mafias, etc.
Peut-on envisager une commission internationale pour aborder la question de la guerre de Tchétchénie ?
On ne peut pas parler aujourd'hui de relations internationales sans aborder la question du blanchiment d'argent, mais le temps qui m'est imparti ne me permet pas de développer davantage.
Je tiens à évoquer la dégradation de la situation sur le continent africain, qui se généralise. Peut-être pourriez-vous nous indiquer quelles sont les conséquences du voyage de M. de Villepin en Côte d'Ivoire. Le rappel de notre ambassadeur, monsieur Vignal, fait-il partie de la relance de nos efforts diplomatiques ? Les perspectives d'installation d'une force militaire interafricaine qui permettrait de mettre fin à la mission de protection de l'armée française sont-elles proches ?
Enfin, quel accueil le Gouvernement français fait-il au rapport de l'ONU sur le pillage organisé de l'ancien Zaïre ? Quelle est notre attitude et quelles initiatives pensez-vous prendre pour aider l'ONU dans cette tâche ? Pour terminer, je voudrais dire que M. le ministre a bien voulu proroger la commission temporaire de réforme, qui avait été mise en place par M. Hubert Védrine.
Le travail des délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger s'est acru. Nous voulons renforcer leur rôle, mais, évidemment, cela aura un coût.
La représentativité du Conseil supérieur des Français de l'étranger a été évoquée dans le cadre de la loi de décentralisation. Le renfort du ministre des affaires étrangères nous est indispensable, d'autant que ce dernier préside actuellement le Conseil. Qu'en serait-il si le nouveau statut transformait ce Conseil en établissement public ? Quel serait le souhait de M. le ministre et quel serait le statut personnel du directeur de cet établissement public ?
Enfin, on critique ici et là le caractère réduit du Conseil supérieur des Français de l'étranger pour élire les sénateurs représentant les Français expatriés. Quelle proposition pourriez-vous faire étudier pour élargir ce collège électoral, par exemple par la création d'une circonscription unique ? Ne peut-on mieux faire entendre encore la voix de nos compatriotes expatriés en leur accordant également la possibilité d'élire des députés ?
En conclusion, le groupe socialiste m'a chargé de vous dire que nous nous abstiendrons sur ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la discussion annuelle de ce projet de budget est l'occasion pour moi de faire le point sur l'action sociale qui est menée à l'égard des deux millions de Français qui vivent hors de France, dont un certain nombre - malheureusement, ce nombre est croissant - se trouvent dans des situations difficiles du fait de leur âge ou de leur handicap. Ce sont eux qui, prioritairement, sont les bénéficiaires du fonds d'assistance du ministère des affaires étrangères, créé en 1977 sous l'impulsion du Premier ministre de l'époque, M. Raymond Barre.
En 2002, ce fonds d'assistance a connu un certain nombre d'aléas ; souhaitons que le projet de budget pour 2003 qui nous est soumis, et qui amorce une progression, ne connaisse pas les mêmes !
Revenons quelques instants sur l'année en cours. Le budget que nous avait présenté votre prédécesseur, monsieur le ministre, notamment le chapitre relatif à l'assistance aux Français de l'étranger, n'avait progressé que très faiblement - 1,8 % - s'établissant à 17,339 millions d'euros, ce qui a conduit la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger, au sein de laquelle je siège et qui fixe le montant des allocations « solidarité et handicapé » pour l'ensemble de nos postes consulaires, à n'accorder que des augmentations limitées en nombre et en montant lors de sa réunion du 5 mars 2002.
J'ajoute que, dans une vingtaine de postes, les taux de base ont même été révisés à la baisse. Je ne peux que regretter une telle situation, car si, depuis 1998, la ligne budgétaire affectée au fonds d'assistance a été revalorisée de 18 %, dans le même temps, les dépenses ont augmenté de 27 %, ce qui se traduit par un déficit des aides à nos compatriotes.
Dans votre intervention du 2 septembre 2002 devant le Conseil supérieur des Français de l'étranger, le ministre des affaires étrangères, M. Dominique de Villepin, nous avait annoncé une hausse de 500 000 euros des crédits du fonds d'assistance dans le projet de loi de finances pour 2003. En examinant ce dernier, j'ai pu constater que cette promesse était respectée puisque le titre IV, chapitre 46-94, fait état d'une augmentation de 1 000 000 d'euros, dont 500 000 euros pour la ligne budgétaire consacré à « l'assistance à l'étranger ».
Je m'en réjouis, car dans le contexte budgétaire actuel, c'est la marque de l'intérêt qui est porté aux Français vivant à l'étranger.
J'exprime le voeu, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette augmentation - dont nous nous félicitons - ne constitue qu'une première étape et que cet effort soit poursuivi dans les années à venir, afin que les expatriés disposent enfin d'aides comparables à celles de leurs compatriotes de métropole et que l'écart existant puisse, un jour, disparaître totalement.
Dans cette perspective, je formule un souhait particulier : il concerne les enfants français handicapés en résidence à l'étranger. Certes, ils bénéficient d'une allocation « enfant handicapé », mais son montant reste minime lorsqu'il s'agit d'enfants qui souffrent d'un handicap lourd. Aussi ces derniers sont-ils encore très nettement désavantagés par rapport aux handicapés mineurs de métropole. Une augmentation circonstanciée, adaptée aux besoins, serait donc la bienvenue.
Une autre ligne budgétaire du chapitre 46-94 a retenu mon attention ; je veux parler de celle qui est consacrée à la contribution à la couverture santé des personnes à faible revenu dans le cadre de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger. Il s'agit donc de l'aide qui est apportée par l'Etat aux expatriés désireux d'adhérer à l'assurance maladie de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, mais dont les revenus sont trop faibles. Cette aide est inscrite à l'article 19 de la loi de modernisation sociale.
Conformément aux engagements de l'Etat, cette ligne budgétaire demeure stable à 152 449 euros par an.
L'entrée en vigueur tardive, à la fin du mois d'avril 2002, des mesures contenues dans l'article 19 de la loi de modernisation sociale et, notamment, de celles qui sont relatives à la troisième catégorie aidée, ne nous permet pas encore de juger de l'impact réel de cette disposition.
Néanmoins, monsieur le ministre, afin qu'un plus grand nombre de nos compatriotes puissent en bénéficier, il est probable - comme je l'ai indiqué à votre collègue chargé de la santé - que le conseil d'administration de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger sera amené à proposer des aménagements. Je tenais à vous en informer, car nous devons, d'une part, poursuivre nos réflexions concernant les allocataires du fonds d'assistance - qui ne disposent ni des minima sociaux ni de la couverture maladie universelle qui leur est attachée - et, d'autre part, faire en sorte que tous puissent un jour bénéficier de la couverture maladie de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, ce qui est l'une de mes demandes constantes depuis de nombreuses années.
Il est donc absolument nécessaire de poursuivre l'effort entrepris cette année en renforçant les crédits d'assistance aux Français de l'étranger. Il s'agit, bien sûr, de répondre aux demandes croissantes de nos compatriotes et de leur assurer des allocations qui leur permettent d'avoir des conditions de vie décentes, mais aussi d'apporter une aide plus importante à ceux des allocataires qui ne peuvent toujours pas adhérer à la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger en raison de la faiblesse de leurs ressources, et ce malgré la création de la troisième catégorie aidée. Par exemple, la prise en charge de leur accès à l'assurance maladie des expatriés représente, en quelque sorte, un parallèle avec ce qui existe en métropole s'agissant de la couverture maladie universelle pour les bénéficiaires des minima sociaux.
Je veux dire un mot des retraites dues par les Etats africains aux expatriés retraités, retraites pour lesquelles ces derniers ont cotisé. De nombreux organismes africains de sécurité sociale sont défaillants, ce qui pénalise nos compatriotes. C'est un sujet récurrent, très longuement exposé à cette tribune par moi-même et par beaucoup de mes collègues. Nous attendons une action du Gouvernement en la matière.
Avant de conclure, je souhaite évoquer le sujet des sociétés françaises de bienfaisance, dont certaines reçoivent des subventions du ministère des affaires étrangères. Celles-ci leurs permettent d'apporter une aide matérielle aux Français expatriés les plus défavorisés et d'intervenir en complément des allocations versées par le ministère. Elles suppléent ainsi, de plus en plus fréquemment, l'action de nos postes consulaires, qui sont dans l'impossibilité, nous l'avons vu, de faire face, pour l'instant, à toutes les demandes.
Ces actions nécessitent donc des subventions ciblées plus importantes. Nous devons, là aussi, poursuivre nos efforts. Il s'agit d'apporter l'aide réelle que nos compatriotes français de l'étranger sont en droit d'attendre de l'Etat français, surtout pour les plus démunis qui, malheureusement, sont de plus en plus nombreux dans le monde.
Depuis une trentaine d'années, nous nous sommes mobilisés pour mettre en place une couverture sociale globale en faveur des Français de l'étranger : je pense aux assurances volontaires maladie, maternité, accidents du travail de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger ; je pense aux systèmes de retraite ; je pense, enfin, au fonds d'assistance du ministère. Certes, nous devons encore parfaire le système, mais le plus urgent me paraît être le fonds d'assistance, qui, aujourd'hui, ne joue pas pleinement le rôle qu'il devait avoir à l'origine auprès de nos compatriotes les plus démunis.
On peut comprendre que vous deviez prendre en compte certaines restrictions budgétaires. Mais, franchement, est-ce une raison pour que, dès qu'un problème de ce type se pose, on le fasse supporter aux plus désavantagés de nos expatriés, comme cela a failli être le cas cette année ?
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne pourrons aller de l'avant que si vous augmentez fortement le fonds d'assistance ; Alain Juppé et Hubert Védrine, deux de vos prédécesseurs, l'avaient compris. Ce doit être désormais notre objectif commun, comme M. de Villepin l'a indiqué devant l'Assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de l'étranger. D'autant que vous aurez à coeur, j'imagine, de mettre en oeuvre l'engagement du Président de la République : « la solidarité nationale s'exprime aussi - à l'égard des Français de l'étranger - dans le domaine de la protection sociale en abondant fortement le fonds d'action sociale au cours des cinq prochaines années, afin de faire face à l'afflux des demandes, et en améliorant le système d'assurance maladie de façon que le plus grand nombre de nos compatriotes n'en soient plus exclus ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous abordons la discussion des crédits consacrés à la coopération dans un monde empreint de violence, d'inégalités et de frustration qui nous montre combien les politiques mondiales ont échoué.
Cependant, il ne s'agit pas d'une fatalité. Ce système, fondé sur une vision capitalistique des relations dans laquelle le facteur économique prime sur le facteur humain, n'est pas l'issue obligée. L'avenir et la solution sont dans une plus juste répartition des richesses si nous voulons faire évoluer notre planète.
Koffi Annan, secrétaire général de l'ONU, l'a lui même rappelé, lors du sommet sur le millénaire : « le plus important, c'est que l'être humain soit au centre de tout ce que nous faisons ».
Pourtant, le fossé entre pays riches et pays pauvres ne fait que s'agrandir : 600 millions d'enfants vivent dans le dénuement le plus total ; 1,4 milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable et 2,6 milliards de personnes vivent sans installation d'assainissement.
La question de l'eau est un enjeu majeur de notre siècle. Pourtant, le sommet de Doha a entrepris de l'intégrer dans la sphère marchande et, à Johannesburg, en septembre dernier, les multinationales de l'eau étaient très présentes. Or nous travaillons pour que l'eau soit un bien commun de l'humanité. Ce thème, abordé lors du forum social de Florence, sera repris en novembre 2003 au forum social de Saint-Denis.
Les chiffres relatifs à la faim dans le monde sont, eux, aussi éloquents : 24 000 personnes meurent de faim chaque jour, soit une personne toutes les quatre secondes, alors que la planète produit suffisamment de céréales pour nourrir l'ensemble de la population mondiale. L'augmentation de 2 millions d'euros dans ce budget est appréciable, mais elle reste très insuffisante si la France veut respecter les engagements qu'elle a pris lors de la convention de Londres.
L'objectif de réduire de moitié le nombre de personnes qui souffrent de la faim sera atteint - comme l'a reconnu le directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO - avec quarante-cinq ans de retard ! Le sommet mondial de l'alimentation, qui s'est tenu récemment à Rome et dont l'objectif était de relancer la lutte contre la faim, nous laisse des plus perplexes sur les réelles intentions des pays industrialisés.
Une grande source d'inquiétude concerne le domaine de la santé. Le dernier rapport de l'ONUSIDA recense 42 millions de personnes porteuses du virus, 5 millions de nouvelles infections et 3,1 millions de décès, dont 610 000 enfants de moins de quinze ans. C'est une véritable pandémie dont les gouvernements du Nord et du Sud n'ont pas pris la pleine mesure.
La vie humaine ne doit pas être l'otage des grandes firmes pharmaceutiques qui réclament des sommes colossales. Des solutions sont envisageables, comme la prévention, la vaccination, la baisse des prix des médicaments, la diffusion sans restiction des génériques et, surtout, la mise en place d'une véritable politique mondiale de diffusion des thérapies. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes comptables devant l'humanité. Il faut agir vite !
En ce qui concerne le domaine de la culture et de l'éducation, dans le monde, plus de 100 millions d'enfants ne vont pas à l'école, dont une grande majorité de filles. Pourtant, la culture et l'éducation sont les remparts essentiels contre l'ignorance et l'intolérance. Elles sont les portes du progrès et de la tolérance. Albert Camus disait fort justement : « Une nation qui éduque est une nation qui se civilise. » Nous devons permettre un accès libre aux écoles et leur gratuité.
Je suis très heureuse d'avoir participé, avec tous les groupes politiques du Sénat et son président, à la reconstruction des lycées franco-afghans de Kaboul l'an dernier, en coopération avec le ministère des affaires étrangères et France Culture.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Hélène Luc. Mais il faut prolonger cette action en ouvrant des écoles primaires, des facultés et des hôpitaux. La France a été et doit rester un moteur essentiel en la matière. C'est pourquoi je déplore, dans ce projet de budget, la baisse des crédits octroyés à la francophonie et aux relations culturelles.
Qui plus est, il est inacceptable - j'y insiste - qu'un amendement vise à diminuer les crédits attribués à l'aide pour le développement et à la francophonie à hauteur de 2 millions d'euros. Bien évidemment, nous voterons contre cet amendement !
Par ailleurs, ces dernières années, les sommets pour le développement et la coopération ont été très fréquents. Qu'il s'agisse de Monterrey, de Rome ou de Johannesburg, un mouvement mondial s'est amorcé. Mais les participants ont avant tout adopté des résolutions, et il convient maintenant de les appliquer. Ils ont mis l'accent sur les désaccords existant entre les Etats-Unis, l'Europe et les pays du Sud.
La France s'est positionnée en faveur d'une politique de développement et de coopération plus humaniste. Nous devrons donc nous engager à l'échelle mondiale et européenne, car certains pays, comme la Roumanie, connaissent une véritable misère qui pousse des populations à s'expatrier massivement pour s'installer dans de véritables bidonvilles. Habitant à Choisy-le-Roi, j'en ai vu l'exemple douloureux.
Il convient donc au plus vite d'engager un travail approfondi de coopération et d'aide entre la France, l'Europe et ces pays afin d'apporter des réponses humaines et que ces hommes, ces femmes et ces enfants puissent vivre dans leur pays. Il faut défendre les droits de l'homme. Il faut le dire, la solution n'est pas de les expulser, mais au contraire d'aider à vivre en France ceux qui sont là.
Il est donc nécessaire de mettre en place un véritable plan mondial contre la pauvreté et pour le développement dans toutes ses dimensions.
Depuis plusieurs années, avec le groupe communiste républicain et citoyen, nous demandons l'instauration d'une taxe sur les mouvements financiers. Le Président de la République a repris cette idée récemment, il faut vite la concrétiser !
Il convient aussi d'être plus à l'écoute de la société civile et des collectivités locales. De nombreux conseils municipaux et généraux, à l'exemple de Paris, de Marseille, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, poursuivent une politique efficace en la matière. Bien que le Président de la République, lors du sommet de Johannesburg, ait souligné la nécessité d'appuyer de telles actions, ce projet de budget enregistre une baisse des crédits en faveur des initiatives privées et de la coopération décentralisée. La France, en accordant une part très faible de son aide publique au développement aux organisations non gouvernementales et aux collectivités locales, se trouve très mal placée par rapport aux autres pays européens.
La France, à elle seule, même si elle peut faire beaucoup, ne pourra renverser cette logique. Il est nécessaire que les Etats-Unis prennent enfin la part qui devrait être la leur. Malheureusement, ils viennent récemment d'annoncer la création d'une agence indépendante pour distribuer leur aide publique au développement suivant des critères hautement subjectifs fondés sur des concepts de « bonne gouvernance » et de « bonne gestion économique », accordant l'aide aux pays qui se soumettront aux injonctions du président Bush. C'est un autre défi qui est lancé, selon moi, à l'ONU.
Pour conclure, je souhaite l'adoption d'une loi de programmation en matière de coopération, comme en matière militaire, qui permettrait de définir le cadre nécessaire au seuil de 0,7 % du PIB et au financement des opérations de coopération, mais également de circonscrire des gels de crédits trop fréquents. Le Président de la République avait évoqué une telle loi ; maintenant, il faut s'y acheminer.
Le groupe communiste républicain et citoyen reconnaît, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, l'effort consenti en matière de coopération et de développement dans ce budget, mais, avec 0,4 % du PIB, nous sommes encore loin du compte et des 0,7 % prévus pour 2010. Il faudra y parvenir en temps voulu et pourquoi pas, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, en posant avec force cet objectif à l'ONU : y arriver avant 2010 ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia
M. Robert Del Picchia. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les problèmes mondiaux viennent d'être traités et je serai plus terre à terre.
Toutefois, avant d'aborder quelques points qui seront, vous vous en doutez, consacrés aux Français de l'étranger, je tiens à exprimer publiquement mes félicitations à votre ministère dans son ensemble, à vous-mêmes, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, et à Dominique de Villepin.
En effet, vous avez entendu et vous entendrez encore quelques remarques négatives, voire des plaintes, sur le fonctionnement de certains services du ministère, ambassades ou consulats, peut-être en partie justifiées, mais là n'est pas mon propos. En revanche, à titre personnel, j'ai envie de dire un grand « bravo » à la politique étrangère de la France, inspirée par le Président de la République, conduite par le ministre, suivie par vous-mêmes, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, et appliquée par les fonctionnaires.
Le consensus sur les succès diplomatiques des derniers mois n'est contesté ni à droite ni à gauche ni dans cette assemblée ni à l'Assemblée nationale. La liste des points les plus visibles est longue : l'affaire irako-américaine, les accords européens, la politique agricole commune, le financement de l'élargissment ; n'oublions pas, bien sûr, la coopération en matière de défense avec l'Allemagne, et même les progrès réalisés en Afrique.
Dominique de Villepin n'a pas ménagé son engagement, ses heures de sommeil ni ses kilomètres de voyages, tout comme Renaud Muselier aux quatre coins du monde, Pierre-André Wiltzer en Afrique et ailleurs, et Noëlle Lenoir dans les marathons européens.
L'image de la France et son retentissement à l'étranger en sont sortis grandis, ce dont nous vous remercions.
Permettez-moi de me féliciter particulièrement de la prise en compte de la sécurité des Français de l'étranger en tête des priorités, comme l'a rappelé Dominique de Villepin, dans ce monde incertain où plus rien n'est prévisible et où l'imprévisible est trop souvent catastrophique.
Je partage en outre les interrogations du président de la commission des affaires étrangères, André Dulait, en particulier sur l'Europe de la défense, la coopération renforcée avec l'Allemagne et les autres pays européens, et je m'associe aux propos de M. Hoeffel sur le couple franco-allemand et sur le Conseil de l'Europe.
Mais venons-en, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, à l'avenir des Français de l'étranger. J'exprimerai tout d'abord ma satisfaction sur l'avancée consacrée par le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République : je veux parler de la reconnaissance dans la Constitution des « instances représentatives des Français de l'étranger ».
Jusqu'à présent, il ne figurait qu'une seule référence aux Français de l'étranger dans la Constitution, à l'article 24 : « Les Français établis hors de France sont représentés au Sénat. »
Grâce aux efforts conjoints de votre ministère et des ministères de la justice et des libertés locales, l'article 39 de la Constitution devrait, dès l'adoption définitive du projet de loi constitutionnelle, consacrer le principe de l'existence de « projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français de l'étranger ».
Ce pas important en faveur des expatriés et de leurs représentants au Conseil supérieur des Français de l'étranger, le CSFE et au Sénat démontre l'ambition du Gouvernement en faveur d'une vraie réforme du CSFE.
La commission de la réforme, son président, Guy Penne, et l'ensemble des délégués souhaitent que le CSFE devienne l'« assemblée des Français de l'étranger », l'AFE.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de décentralisation, le garde des sceaux a annoncé au Sénat le dépôt d'un projet de loi organique qui devrait être soumis au Parlement au printemps 2003.
Serait-il raisonnable, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, d'envisager de faire de l'assemblée des Français de l'étranger un établissement public placé sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et, bien entendu, aux prérogatives partagées ? et établissement public pourrait avoir des compétences qui seraient déterminées en accord avec le ministère.
Par ailleurs, il est de notoriété publique, comme nous l'avons entendu à cette tribune, que l'agence pour l'enseignement français à l'étranger rencontre des difficultés financières. On connaît l'augmentation du budget et on sait qu'il est demandé un plan d'économies de 6,4 millions d'euros qui ne pourraient être réalisées que sur le budget de fonctionnement. Des économies trop lourdes risquent d'induire de graves conséquences pour les établissements, telles que des déconventionnements, des taxations sur les fonds de roulement, des restrictions dans les subventions aux établissements, au prix, dans certains cas, de la sécurité des élèves et des personnels.
De surcroît, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, l'Agence et l'image de la France à l'étranger n'en sortiraient pas indemnes. Ces mesures seraient perçues comme un désengagement et bloqueraient la confiance alors même que l'on resterait loin de l'objectif d'économies fixé.
Le ministre des affaires étrangères, bien conscient de ce problème, a déjà indiqué que ce plan d'économies pourrait être étalé sur plusieurs années.
Pour remédier aux difficultés budgétaires de l'Agence, l'une des pistes pourrait être la prise en charge partielle ou totale des bourses scolaires par le ministère de l'éducation nationale. Il faut savoir que l'extension de notre réseau et le maintien à son niveau de qualité ont conduit la plupart des établissements à augmenter régulièrement les frais de scolarité. Il est peut-être bon de rappeler à cette tribune, pour ceux de nos collègues qui ne le savent pas ou qui l'ont oublié, que l'école publique française à l'étranger est privée, payante et parfois chère.
Dans le passé, la gestion des bourses scolaires à l'étranger était assurée par le ministère de l'éducation nationale. Elle a été transmise à l'AEFE en 1990, au moment de sa création. Pourquoi n'envisagerions-nous pas un transfert de charges pour payer une partie des bourses qui viendrait en déduction du budget ?
Si l'enseignement est un sujet de préoccupation majeur pour les Français de l'étranger, il en est un autre qu'il ne faut pas négliger afin de préserver le lien qui les unit à la France : la chaîne d'information. Nous savons que le projet de budget pour 2003 n'y pourvoira pas, mais nous pouvons y réfléchir pour l'avenir. L'une des solutions consisterait à reprendre la chaîne européenne d'information Euronews, en augmentant tout simplement la participation de la France qui est, à l'heure actuelle, de 38 %, afin d'obtenir la majorité et de faire de la chaîne européenne une chaîne d'information française.
Je voudrais conclure, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétariat d'Etat, en abordant, après Jean-Pierre Cantegrit, le problème des retraites. Je tiens à remercier particulièrement votre ministère, puisque l'on vient d'apprendre que l'OPS, l'organisme en charge du paiement des retraites à Djibouti, avait enfin repris le paiement des pensions de nos compatriotes qui, après avoir cotisé parfois toute une vie, ne percevaient plus leur retraite depuis des années.
C'est une très bonne nouvelle. Néanmoins, de nombreux pays africains ne le font pas encore, aussi espérons-nous que vous obtiendrez le même succès dans le déblocage de ces pensions impayées.
Telles sont, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, les quelques réflexions complémentaires que je souhaitais apporter à ce débat. C'est avec plaisir et enthousiasme, comme le disait Hubert Durand-Chastel, que je voterai ce budget, et c'est avec grand intérêt que j'écouterai vos réponses qui, j'en suis sûr, seront tout aussi pertinentes que les questions qui vous ont été posées par nos collègues. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, par tradition, la France a une diplomatie forte et originale, une indépendance politique et une force de proposition unique. Elle est un acteur essentiel dans le débat international, tant au sein des Nations unies que par son action propre, dont la qualité est reconnue ; son rôle dans la crise irakienne en est un exemple éloquent.
Pour avoir les moyens de son ambition, notre pays doit disposer d'un outil diplomatique performant. La hausse du budget des affaires étrangères est un élément déterminant. En effet, ce budget a des incidences majeures non seulement politiques mais aussi économiques. Nous devons lui donner toute son efficacité en améliorant le fonctionnement du ministère et en ciblant notre action.
Pour ce qui est des réformes au niveau interministériel, des efforts pour rationaliser les actions extérieures de la France sont à saluer, qu'il s'agisse de la réforme comptable de 1997, de la fusion, en 1998, des ministères des affaires étrangères et de la coopération, ou de l'expérimentation des sept postes mixtes à vocation consulaire et commerciale.
Notre pays peut sans doute s'enorgueillir de disposer du deuxième réseau diplomatique et consulaire au monde, grâce à ses cent soixante-neuf ambassades et représentations permanentes. Mais ce réseau n'est pas pleinement adapté aux changements stratégiques mondiaux. La France doit être plus présente là où s'inscrit l'avenir, et non là où sa présence n'est qu'un héritage de l'histoire.
Pour ce qui concerne l'Union européenne, la recherche d'efficacité d'un redéploiement de nos effectifs diplomatiques et consulaires nous conduit à considérer l'ampleur de notre présence. Les vingt-quatre consulats français dans les pays de l'Union européenne emploient près de cinq cents personnes, soit le quart des effectifs diplomatiques et consulaires totaux, et coûtent près de 21 millions d'euros, ce qui représente 5 % des dépenses. Si l'Union européenne est une réalité, la suppression des consultats dans les pays de l'Union et l'exercice de leurs fonctions par les autorités locales en seraient la conséquence logique. Cette solution serait économique, et symboliquement très forte ; elle ferait de nos ressortissants des citoyens européens à part entière.
Nos ambassades en Allemagne, en Espagne, en Italie au Royaume-Uni emploient aussi près de cinq cents personnes. Sont-elles, aujourd'hui encore, toutes indispensables ?
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Non !
M. Aymeri de Montesquiou. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le rapporteur spécial.
Il existe un hiatus considérable entre la « demande de France » émanant des régions stratégiques pour les équilibres et économiques mondiaux et notre réactivité à celle-ci. Notre récente action en faveur de la paix a souligné combien cette demande était forte.
Pour illustrer cette affirmation, je choisirai la zone de la mer Caspienne, qui représente 20 % des réserves mondiales de pétrole et qui a été plus particulièrement sensible à l'action diplomatique de la France pour éviter la guerre en Irak.
Dans cette zone se trouve l'Iran, qui joue un rôle clé pour le Moyen-Orient et qui représente un marché de 65 millions d'habitants. Soyons-y plus présents, avant que les Américains n'y reprennent pied.
Cette zone comprend aussi l'Asie centrale, où nous ne sommes guère présents, et le Kazakhstan, en particulier, qui ne veut pas devenir un protectorat américain et qui produira 150 millions de tonnes de pétrole dans dix ans.
J'ajouterai à cette liste l'Afghanistan, petit marché, mais aussi lieu de confrontation entre diverses interprétations de l'Islam. Notre pays, reconnu comme respectueux de toutes les religions, peut y trouver l'occasion d'apparaître comme le pays occidental le plus à même d'être l'interlocuteur privilégié du monde musulman.
Dans un autre contexte, nous ne pouvons bien sûr abandonner l'Afrique, même si sa situation est parfois décourageante. Cependant, notre capacité financière ne nous permet pas d'agir sans partenaires : la Libye assagie ou le Canada francophone, monsieur le ministre délégué, pourrait être l'un de ceux-ci.
Notre action récente aux Nations unies a montré que nous refusions la loi du plus fort, acceptée sans doute au xixe siècle, mais qui ne doit plus avoir cours aujourd'hui. Dans le droit fil de cette politique, une action constante en faveur de l'application de toutes les résolutions des Nations unies accroîtrait notre capital de sympathie auprès des pays qui refusent tout hégémonisme.
Avant de conclure, je voudrais insister, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la faiblesse de notre action en faveur des étudiants étrangers. Nous en accueillons, c'est un exemple parmi d'autres, 50 % de moins que la Grande-Bretagne. C'est un point très faible de notre organisation interministérielle, car ces étudiants constituent des relais politiques et économiques essentiels pour le futur.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous comptons sur votre énergie pour que notre diplomatie demeure l'un de nos atouts majeurs pour diffuser nos valeurs humanistes et universelles. Nous comptons sur vous pour mener une diplomatie audacieuse, courageuse et visionnaire, en développant nos relations avec des pays qui seront, dans un avenir proche, sur le devant de la scène internationale, et en donnant toute son importance à l'Organisation des Nations unies.
Les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen voteront les crédits destinés à votre ministère. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge. Je voudrais attirer d'emblée l'attention de M. le ministre et de M. le secrétaire d'Etat sur un point : en votant les crédits de l'Agence française de développement, que je connais bien puisque j'ai siégé plusieurs années au sein de son conseil de surveillance, avec certains de mes collègues ici présents, nous lui accorderons 137 millions d'euros de crédits de paiement. Or il faut savoir que quelque 160 millions d'euros ont déjà été engagés ; par conséquent, l'Agence française de développement va se trouver, à la suite de notre vote, en cessation de paiements. Nous avions déjà connu cette situation l'an dernier, car l'Agence avait alors subi un gel de 20 % de ses crédits, que M. Charasse a qualifié tout à l'heure de « mal nécessaire ».
Pour ma part, je pense, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en ce qui concerne les interventions de la France à l'étranger, notamment dans le cadre des rapports étroits que nous entretenons avec des pays du tiers-monde en matière d'opérations de développement, il conviendrait de ne pas procéder à une régulation budgétaire. Sinon, nous nous plaçons dans une situation d'échec, ce qui est quand même grave. Je comprends que l'on pratique la régulation budgétaire, c'est parfois nécessaire, mais il est des domaines où il vaut mieux éviter de le faire : c'est une vieille histoire !
En tout cas, j'insiste sur le fait que, après le gel de 20 % des crédits en 2002, nous allons voter 137 millions d'euros de crédits de paiement, alors que les engagements atteignent d'ores et déjà 160 millions d'euros. Comment fera-t-on face à cette situation, techniquement et politiquement ? C'est un point qui m'inquiète beaucoup.
J'ajouterai, à propos de l'Agence française de développement, que celle-ci a consenti des prêts à des pays qui vont bénéficier de suspensions de dettes. L'Agence a donc besoin d'une garantie de l'Etat, laquelle s'élèverait, d'après mes informations, à 1,1 milliard d'euros, ce qui est nettement insuffisant. Là aussi, comment s'y prendra-t-on pour résoudre l'équation ? Soit on donne des chiffres, qui devront être exacts parce que l'on établit des budgets sincères, soit on se contente d'affirmer que la garantie sera apportée, sans autres précisions, mais on ne peut laisser l'Agence dans l'incertitude. Cela dit, l'annulation de la dette est évidemment une excellente chose.
Par ailleurs, M. Charasse a évoqué à juste titre le Fonds européen de développement, le FED. J'avais rédigé un rapport sur celui-ci voilà environ deux ans et il est vrai que la consommation des crédits n'est pas satisfaisante. Les raisons en sont multiples. Pour ma part, je crois qu'il faut revenir sur cette question de la non-consommation des crédits du FED et en débattre à l'échelon européen.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour l'aide au développement. C'est sûr !
M. Yves Dauge. M. Charasse propose de reprendre les crédits qui n'auront pas été consommés. Ce serait la solution idéale, évidemment, mais j'ignore si elle est applicable. L'année dernière, M. Charasse avait proposé une autre solution, consistant à ne pas attribuer les crédits et à attendre la suite des événements. En tout état de cause, il s'agit d'un vrai sujet, la France étant le premier contributeur au FED, à hauteur de 25 % des crédits. Comment peut-on aider l'Europe à dépenser cet argent ?
Mme Danielle Bidard-Reydet. C'est bien le problème !
M. Yves Dauge. On ne peut, à mon avis, se contenter de reprendre les crédits qui n'auront pas été utilisés. La France doit aider l'Europe à être efficace, et il n'est pas mauvais, en soi, que notre pays contribue à hauteur de 25 % au budget du Fonds européen de développement, à condition qu'il puisse, au travers de cette contribution, mener une vraie politique de développement. Cependant, la réflexion doit être conduite à l'échelon européen.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Bien sûr !
M. Yves Dauge. J'ai assisté à des réunions, en particulier à Londres, où l'on débattait des moyens de mieux dépenser, mais la discussion n'a pas abouti. Reprenons-la et faisons progresser l'Europe sur ce sujet, qui est quand même un beau sujet. En soi, il n'est pas mauvais, je le répète, que la France alimente le FED à hauteur de 25 %.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Nous ne disons pas le contraire !
M. Yves Dauge. Cela étant, la France doit obtenir, par le biais de cette contribution, que l'Europe conduise une politique de développement pour le tiers monde qui soit reconnue comme exemplaire. M. Charasse a soulevé une vraie question : le fonctionnement du FED n'est pas satisfaisant, il faut l'améliorer, mais quoi qu'il en soit on ne peut en rester là.
S'agissant toujours du développement, que le Gouvernement essaie de revaloriser, l'aide publique au développement est une bonne chose, je le reconnais. Cependant, que prendra-t-on en compte dans le calcul ? Quel sera l'effet de l'annulation de la dette ? Des prévisions ont été faites, nous verrons bien ce qu'il en sera, mais je souhaite pour ma part que le Gouvernement réussisse à accroître l'aide au développement. De ce point de vue, nous avons connu, dans le passé, des années vraiment mauvaises, et il faut rectifier le tir.
J'évoquerai maintenant le réseau des centres culturels français à l'étranger, sujet sur lequel j'ai eu l'occasion de travailler. Je suis toujours en relation étroite avec de nombreux directeurs de centre, et je puis vous dire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que la régulation budgétaire a été très durement ressentie.
Ainsi, beaucoup de centres se sont vus privés, dans les derniers mois de l'année, de crédits d'intervention : on continue à rémunérer les fonctionnaires ou les salariés, mais on n'a plus les moyens de mener aucune action, d'organiser une exposition, de travailler en partenariat ou de monter un projet. On ne peut plus rien faire !
Je n'accuse pas le ministère des affaires étrangères d'être responsable de cette situation, car il est victime d'une politique budgétaire aveugle. Tout cela n'a aucun sens : on laisse subsister une structure privée de moyens d'action, donc de vie. Tous les directeurs de centre culturel que je connais se désespèrent de cet état de choses. Certains d'entre eux, qui sont des personnes remarquables, ont décidé de renoncer à leurs fonctions pour regagner leur ministère d'origine, parce qu'ils n'acceptaient plus de travailler dans de telles conditions.
En ce qui me concerne, j'avais tenté d'estimer les besoins, que j'avais évalués à 500 millions d'euros supplémentaires sur cinq ans. L'an dernier, les crédits avaient été augmentés de 20 millions d'euros - c'était un petit pas dans la bonne direction -, mais, cette année, ils sont stables. Cela pourrait être pis, mais les responsables de centres culturels s'inquiètent fortement de la régulation budgétaire à venir. En fait, si ce projet de budget s'inscrit plutôt dans une tendance au redressement et comporte des éléments positifs, tout le monde redoute un « matraquage » par le biais d'une régulation budgétaire analogue à celle qu'a subie le budget du ministère de la culture : voilà quelques jours, nous avions vraiment de la peine pour M. Aillagon ! On craint cette régulation sauvage qui vient détruire toutes les politiques, surtout dans des domaines fragiles comme celui de la culture. Personnellement, je plaide pour notre réseau de centres culturels, qui est magnifique et animé par des gens remarquables, présents de longue date sur le terrain.
Je me ferai en outre l'écho de propos tenus par certains collègues sur le nécessaire réaménagement géographique du réseau, mais il ne s'agit pas de donner au ministère chargé du budget des armes pour réduire celui-ci ! En effet, dès que l'on veut procéder à une réorganisation, l'administration du budget en profite pour diminuer les crédits...
Il faut revoir l'implantation géographique des centres. Je me suis rendu en Allemagne, pays important, souvent évoqué, où j'ai rencontré l'ambassadeur et le conseiller culturel et étudié les problèmes de très près. A quoi sert un réseau culturel français en Europe, alors que l'on construit l'Europe, dont la dimension culturelle est considérable ? Qui décide dans notre pays ? J'ai eu l'impression que, finalement, personne ne pouvait rien faire ! Des gens à Berlin, prenaient des décisions, mais aucune directive politique claire n'était donnée ! On a laissé des personnes qui se croient investies d'une mission supérieure réorganiser le réseau culturel français.
Il s'agit pourtant d'une affaire d'importance ! L'histoire des relations entre la France et l'Allemagne est riche, notamment sur le plan culturel. Mais qui s'occupe de quoi ? Qui décide de supprimer des postes ici, d'implanter un centre là et selon quels critères ? J'ai alerté les pouvoirs publics sur cette situation, mais on m'a répondu qu'il est difficile d'intervenir et que les ambassadeurs font ce qu'ils veulent... Je trouve cela vraiment choquant ! Les ambassadeurs ont de grandes qualités, mais ils sont tout de même au service d'une politique. Je demande à nouveau qui décide quoi en Allemagne. Il est possible que le réseau culturel français dans ce pays doive être amélioré ou recalibré, mais cela doit être défini en fonction d'une véritable politique. C'est essentiel, et je pourrais tenir le même discours à propos de tous les pays européens.
Cela m'amène d'ailleurs à souligner que ce travail doit être accompli en Amérique latine, en Asie du Sud-Est, en Afrique : chaque continent, chaque pays doit faire l'objet d'une politique spécifique. Il faut faire du « sur mesure », car le système actuel fonctionne à l'aveugle, sous la menace des suppressions de crédits. Les personnels présents sur le terrain font ce qu'ils peuvent, et l'administration subit des contraintes trop fortes et, peut-être, une organisation insuffisamment adaptée.
Pour ma part, j'ai plaidé pour la création d'agences, parce qu'une souplesse de gestion me semble nécessaire, mais, en tout état de cause, je vous alerte, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la situation qui prévaut aujourd'hui. Il s'agit d'une question essentielle. Les personnels sont de qualité, certains moyens existent, mais la suppression, chaque année, de crédits de fonctionnement rend impossible toute action sérieuse. Nous nous trouvons, toutes tendances confondues, devant une contradiction fondamentale avec ce que nous voulons pour la France et pour le rayonnement de la France dans le monde. On ne peut continuer ainsi !
J'insiste enfin sur le fait que trop de salariés embauchés localement sont traités d'une manière inconcevable. Ils sont sous-payés, travaillent sous contrats précaires, alors que - pardonnez-moi de le dire, mes chers collègues, les expatriés sont sur payés !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ah ! Ah !
M. François Trucy. Ils vont être contents de l'apprendre !
M. Yves Dauge. C'est le constat que j'ai fait ! Trop, c'est trop !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. M. Dauge est courageux !
M. Yves Dauge. D'ailleurs, certains fonctionnaires m'ont dit eux-mêmes qu'ils étaient trop payés (Sourires), qu'il était inadmissible de recevoir autant d'argent alors que les autochtones étaient aussi mal traités. Les écarts sont trop importants ! Je voulais insister sur cette question, même si je sais qu'elle n'est pas facile à aborder.
En conclusion, je nourris néanmoins beaucoup d'espoir pour le réseau culturel français à l'étranger, et je pense que le ministère des affaires étrangères partage ce grand espoir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis un certain temps déjà, je formais à plus d'un titre le projet de solliciter un bref entretien avec le nouveau ministre de la coopération et de la francophonie pour lui exposer un sujet qui me tient à coeur et qui concerne le vaste secteur de la francophonie - je prends en quelque sorte ici ce soir le relais de notre excellent collègue M. Dauge. Cependant, des événements récents ont transformé ce qui n'était qu'un souhait en un impératif.
J'ai la modeste ambition de vous faire partager le témoignage et les remarques d'un élu local et européen - puisque je suis membre du Conseil de l'Europe -, président d'une association qui vient de diffuser 1 600 tonnes de livres, ce qui représente huit millions de volumes, dans 114 pays dans le monde.
Certes, les vicissitudes de leurs missions procurent à toutes les associations des satisfactions en même temps qu'elles leur imposent des contraintes. Mais que d'attentes s'expriment de la part de nos amis étrangers, ne serait-ce que du simple fait que, pour eux, tout est gratuit ! C'est sur les associations que pèsent les frais considérables de stockage et d'acheminement des documents, même si ceux-ci leur sont fournis gracieusement.
Je vous citerai un exemple. Le ministre de l'économie et des finances a fait collecter l'année dernière 150 000 livres dans ses services. C'est moi qui les ai reçus, mais personne ne m'a donné d'argent pour les acheminer à l'autre bout du monde. On évoquait tout à l'heure les relations privilégiées de la France et la dimension culturelle de notre pays : je veux indiquer là un moyen simple d'action. Il ne faut pas partir de grandes considérations, il faut simplement vivre au quotidien, et c'est ce que je tente d'illustrer.
Ce sont, tout simplement, les ambassades dans le monde, les Alliances françaises, qui sont démunies de moyens, que mon association essaie d'aider, monsieur le ministre. Alors, quand on parle de régulation, quand on parle de diminution de crédits, soit ! Mais priver une association comme celle que je préside de 150 000 francs, c'est la contraindre à mettre la clé sous la porte, à licencier le personnel et à se dissoudre. Voilà un exemple précis de la coopération vue par la France !
Je n'ai aucun pouvoir, je ne suis qu'un bénévole. Le conseil d'administration de mon association est constitué d'anciens ambassadeurs qui ont gardé la fibre de la francophonie ; on compte parmi ses membres des universitaires, des éditeurs, des transporteurs... Tous ont décidé de dissoudre l'association le 1er janvier prochain. Cela ne relève ni de votre responsabilité, monsieur le ministre, ni de celle du contrôleur financier. Alors qui est responsable ?
La francophonie illustre si parfaitement ce que l'on appelait jadis le « mal français » qu'elle constitue un cas d'école de cette pathologie. Vous héritez, monsieur le ministre, d'une administration morcelée, d'une communication et d'une harmonisation difficiles à cerner, de l'incapacité à assurer le suivi des actions engagées. Des dizaines de colloques et de rencontres sont organisés, certes ; des rapports sont rédigés, qui plus est avec intelligence, sans doute ; mais le tout sombre le plus souvent dans un oubli profond.
Cette longue énumération, j'imagine, ne vous apprend rien, et nous sommes déjà convaincus que votre désir est très grand de remédier à de telles situations. Assurément, nous pouvons vous en féliciter et vous faire confiance. La balle, si je puis dire, est maintenant dans votre camp !
Le cadre administratif de la francophonie se caractérise par l'éclatement des services entre les ministères de la culture et de la communication, des affaires étrangères, de l'économie et des finances. Il aurait dû être unifié par la création d'une délégation générale à la langue française chargée de coordonner les différentes actions des ministères concernés. Or, de coordination, il y en a peu, je le sais ; en revanche, la réglementation - et ce n'est pas toujours le plus utile ! - prolifère, tout comme les budgets et certains coûts de fonctionnement.
Les actions se multiplient ; chaque institution, ignorant l'autre, organise son colloque, diffuse son rapport, apporte sa pierre - je devrais dire son grain ! - à l'édifice, bientôt chancelant, si l'on n'y prend garde, de la francophonie.
C'est dans ce contexte que l'on voit actuellement telle ou telle direction chargée de la francophonie animée du désir de réformer le secteur associatif sans avoir pris auparavant la précaution de se réformer elle-même.
Comment imaginer, comment proposer la réorganisation d'un secteur, véritable mosaïque, qui, étant associatif, est par définition totalement libre et protégé par la Constitution ? Comment rendre un secteur efficace alors que souvent il ne fait que renvoyer l'image de certains de ses organes de tutelle ? Comment aider la francophonie sans décourager les bonnes intentions et les bénévoles, qui, parce qu'ils ne coûtent rien, sont si actifs ? Comment rendre son efficacité à un secteur où la réglementation prend le pas sur la protection et sur le soutien effectif de la langue ?
Comme jadis Martin Luther King, je me suis pris à rêver d'une francophonie regroupée en un seul lieu, sous l'égide d'une direction unique, donc cohérente, couvrant des sous-directions spécialisées et coordonnant leurs efforts dans le respect de l'altérité.
Monsieur le ministre, ne croyez-vous pas qu'il est plus que temps de réagir, face au désastre annoncé qui se dessine sous nos yeux ? Une chose est de ne pas gagner d'influence, de ne pas gagner de populations à la francophonie ; une autre chose est de perdre du terrain par négligence et par autosatisfaction !
Un exemple, parmi tant d'autres, m'a été rapporté par l'ambassadeur de Géorgie en France. Je vous le relate, parce que j'aime bien le concret. En 1996, l'université de Tbilissi, en Géorgie, a mis en place deux chaires de langues étrangères : l'une pour la langue allemande, l'autre pour le français. Les étudiants apprennent l'allemand, mais le professeur de français, réclamé à tous les niveaux et par tous les services, n'a toujours pas été nommé, ce qui a provoqué successivement l'interrogation, la surprise et, enfin, quatre ans après la demande initiale, la défiance de nos interlocuteurs.
La France qui ne répond pas à ces demandes simples est une France qui perd et qui, à terme, se discrédite.
Sans vouloir pratiquer la politique du « y-a-qu'à », je m'interroge : ne pourrait-on faire oeuvre utile dans ce secteur en rationalisant quelque peu son organisation ? Il n'est pas question de bousculer les ordres établis, certes, ni de faire de révolution, qui plus est au sein de plusieurs administrations à la fois. Ne pourrait-on cependant regrouper certains services, notamment les services de documentation ? Chaque direction ou organe dispose d'un service de documentation, que ce soit la délégation générale de la langue française, le Haut Conseil de la francophonie ou d'autres encore !
Monsieur le ministre, pour retrouver la place qui était la nôtre dans le concert des nations, il nous faut une vraie politique de la francophonie. Nous ne doutons pas que vous allez vous employer à la rétablir. Les moyens nécessaires à cette tâche ne sont pas seulement financiers : il s'agit de faire montre de volonté et de cohérence, et de suivre nos actions.
Bref, il est urgent de réorganiser le grand secteur de la francophonie, qui certes porte l'image de la France et de sa culture, mais qui constitue aussi l'« avant-pont » de relations économiques privilégiées. Vous ferez ainsi, sans aucun doute, monsieur le ministre, des économies financières, mais surtout, vous mettrez un peu de bon sens et d'efficacité dans un secteur qui en manque mais qui, fort de ses bénévoles et de leur amour de la France, est à mon sens déterminant pour assurer le rayonnement de notre pays, conformément aux voeux exprimés par le Président de la République, notamment lors du dernier sommet de Beyrouth.
Dans cette perspective, je vous apporte mon soutien total et sans équivoque, monsieur le ministre, afin que vous puissiez remplir votre difficile, mais ô combien importante mission ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Penne. La conclusion n'était pas cohérente avec les arguments exposés !
M. le président. La parole est à M. André Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la politique étrangère la plus efficace - l'histoire le montre - est celle qui tend à assurer une ligne politique indépendante, claire et déterminée.
Comment renforcer notre sphère d'influence et notre capacité de nous faire entendre ? Comment faire respecter les décisions de l'ONU partout dans le monde ? Bref, comment donner à la France la place qui est la sienne parmi les nations les plus développées ? Tels sont les défis que le projet de budget pour 2003 tente de relever ; telle est, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, la volonté du Gouvernement. Je vous en donne volontiers acte.
Notre outil diplomatique, cela a été souligné à plusieurs reprises, a impérativement besoin d'être rénové après avoir connu plusieurs années de déclin. En augmentant de 13,4 % les moyens d'intervention internationale de la France, le Gouvernement remet à niveau le deuxième réseau diplomatique du monde. Il est important, puisqu'il comporte 152 ambassades, 105 postes consulaires et 21 représentations. Soyons clairs : la politique étrangère, c'est la voix de la France, et c'est à l'Etat et à lui seul qu'il revient de remplir cette mission fondamentale.
Cela étant, si ce projet de budget est en forte augmentation, certains postes ne méritent pas la rigueur qui leur est imposée.
Ainsi, monsieur le ministre, je suis perplexe lorsque je constate une nouvelle baisse des effectifs du personnel, mais surtout une baisse des crédits affectés à l'enseignement français à l'étranger, ...
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. André Vallet. ... aux établissements culturels, aux opérateurs de l'action audiovisuelle et à la coopération militaire.
La France a en Méditerranée, au Proche-Orient et en Afrique des intérêts d'ordre économique, culturel, politique et stratégique auxquels sa vision du monde est conforme. Cela dérange parfois les puissants, mais suscite souvent une attente forte de la part de très nombreux peuples.
Ainsi, le continent africain, plus particulièrement l'Afrique francophone, traverse l'une des crises politiques et militaires les plus graves de son histoire. Du Maghreb à l'Afrique centrale, où la guerre fait rage, les gouvernements et les élites ne cessent de faire appel à notre pays. Ne laissons pas les autres nations, surtout les nations anglo-saxonnes, s'attribuer un droit de regard exclusif là où se porte traditionnellement et historiquement notre attention.
Dans le domaine de la sécurité militaire ou privée, par exemple la France possède un savoir-faire et une éthique propres qui s'opposent la plupart du temps aux conceptions anglo-saxonnes,...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et scandinaves ! Ces mormons de l'Europe du Nord ! Ces moralisateurs !
M. André Vallet. ... aussi bien par leur déontologie que par leur efficacité.
Depuis la décolonisation, le pré carré africain s'est construit sur des accords et une confiance réciproques. Au vu des événements tragiques qui frappent nos pays, et plus encore depuis le 11 septembre 2001, il serait navrant de persévérer et de continuer à le disloquer. Le dernier attentat au Kenya et la situation en Côte d'Ivoire, où les rebelles pourraient avoir été formés et entraînés par l'Arabie saoudite via le Burkina Faso, montrent que, face à l'internationalisation de nouvelles formes de terrorisme, il est indispensable de resserrer nos liens avec l'ensemble des pays francophones : il y va de la sécurité de tous.
Enfin, j'aimerais m'attarder un instant sur la situation au Moyen-Orient, tout particulièrement en Irak. Lorsque la France est déterminée et cohérente dans ses positions et dans son langage, elle peut tenir son rang de grande puissance et faire échec à des pays dont les intérêts ne sont pas obligatoirement les siens.
La représentation nationale - unanime, je l'espère - ne peut qu'approuver, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, l'action diplomatique qu'a déployée la France au cours de ces derniers mois.
C'est dans cette partie du monde que va se jouer la paix de l'humanité dans les années à venir. Or les causes de déstabilisation sont nombreuses : croissance démographique explosive, montée de l'islamisme, crise du pétrole... Il faut donc soutenir les forces démocratiques de l'Irak, surtout quand elles demeurent fidèles à l'esprit de laïcité et de modernité.
Nul n'ignore que des problèmes plus difficiles encore devront être résolus pour assurer la paix du monde au cours des prochaines années et pour garantir aux générations montantes le développement des richesses matérielles et spirituelles auxquelles elles peuvent légitimement prétendre. La défense de la morale internationale demeure l'arme la plus efficace dans ce monde où l'information peut agir puissamment sur l'opinion des peuples.
C'est cette morale que votre budget, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, propose de soutenir. M. de Montesquiou le disait il y a un instant : la majorité du groupe du RDSE est tout à fait en accord avec vous et vous apporte son total soutien. (Applaudissements sur les travées du RDSE de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Monsieur le président, cher collègue Daniel Hoeffel, vous avez tout à l'heure consacré une grande partie de votre propos au Conseil de l'Europe, ce qui est assez nouveau. Comme vous, nous sommes assez nombreux ici à y siéger. J'ai également choisi de l'évoquer : il n'est pas connu, alors, autant en parler quand l'occasion nous en est offerte !
Il s'agit d'une institution qui nous donne la possibilité de bien connaître les nombreux pays qui en sont membres. En effet, il compte quarante-quatre pays membres, bientôt quarante-cinq avec la République fédérale de Yougoslavie.
Dans le monde d'aujourd'hui, dont vous avez tous parlé, j'identifie trois menaces.
La première, bien sûr, c'est le terrorisme et toutes les formes de criminalité.
La deuxième, c'est le risque américain, incarné à la fois par le président Bush (M. Jean-Marie Poirier fait un signe dubitatif) et par la puissance militaire des Américains, face à laquelle l'Europe divisée est faible ; étant faible militairement, elle est peu considérée, et elle est humiliée. Quand on va aux Etats-Unis, on en revient choqué. J'y étais encore la semaine dernière, et j'avoue que j'ai du mal à m'en remettre.
C'est vrai, la politique de la France, ces derniers mois, ces dernières semaines, a été bien menée. Il est également vrai, hélas ! que l'on ressent à l'ONU une forte résignation du conseil de sécurité. Nous n'échapperons pas à cette guerre, et je crains que, malgré tous nos efforts, nous n'y soyons entraînés. Je suppose que les engagements financiers suivront, que des prévisions sont déjà établies. Peut-être, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ferez-vous part de votre sentiment.
La troisième menace est celle que nous percevons le plus nettement quand on vit en Europe : la montée des différentes formes de nationalisme, tous ces particularismes ethniques, identitaires, autonomistes, qui ont pour support l'espace qu'est la région.
Permettez-moi de dire que le débat que nous avons eu au Sénat sur la régionalisation, au cours duquel nous avons vu s'ouvrir dans un pays comme le nôtre, la France, ce type d'espace, suscite un certain nombre d'inquiétudes. En effet, dans toutes les régions de tous les pays de l'espace européen, que ce soit dans les Balkans, dans le Caucase, en Espagne, en Catalogne ou, tout près des Hautes-Pyrénées, dont je suis l'élue, au Pays basque, se développe ce que l'on craint, c'est-à-dire ces particularismes qui peuvent nous conduire très loin.
Oui, la Convention est une chance. J'espère que nous saurons aller au-delà : je crois que l'Europe de la défense et de la sécurité est vraiment indispensable. Dans l'immédiat, nous ébauchons et juxtaposons un certain nombre d'initiatives nationales, un certain nombre de budgets nationaux. A quand une initiative commune ? A quand un budget commun ? C'est une question !
Cette Europe politique, il faudra bien la faire. Nous avançons, tant mieux ! L'Europe sera sociale, et ce sera l'Europe des Etats, des nations et des peuples. En aucun cas elle ne sera l'Europe des régions.
M. Jacques Legendre. Très bien !
Mme Josette Durrieu. Au demeurant, les populations ne sont pas hostiles à l'Europe telle que nous la construisons. Le bon sens l'emporte, comme en a témoigné le passage à l'euro, qui s'est opéré, finalement, dans la facilité et même dans la joie. Quelle surprise ! Je suppose que nous l'avons tous ressenti ainsi.
L'Europe avance, disais-je, et, après la plupart de mes collègues, j'évoquerai brièvement l'élargissement. Je dois avouer, d'ailleurs, que je préfère le terme de « réunification ».
Oui, l'élargissement est un défi ! Oui, c'est sûrement une chance ! En tout cas, c'est une garantie pour la paix. La paix a un prix, mais s'il n'y a pas de paix, elle n'a plus de prix : cela revient au même.
Les Quinze symbolisent la réconciliation. Le bilan est-il positif ou non ? Pour nous, la France, et pour les autres pays - l'Espagne, le Portugal, la Grèce et l'Irlande -, à l'évidence, oui ! Si tel est le cas, pourquoi en irait-il autrement pour vingt-cinq pays, voire pour vingt-sept ? Ce serait aussi, pour eux, synonyme de paix et de stabilisation. Nous avons peur, parce qu'avec l'élargissement nous irons plus loin encore vers le coeur de l'Europe centrale. Mais la Hongrie serait-elle moins européenne que le Danemark ? Sûrement pas !
M. Bruno Sido. Et la Turquie ?
Mme Josette Durrieu. La Bulgarie, qui nous amène aux marges de l'Europe orientale, serait-elle moins européenne ? Je ne le crois pas !
L'Europe élargie comptera plus de 500 millions d'hommes ; elle verra sa superficie augmentée de plus de 30 %, sa population de plus de 30 %, et sa richesse d'à peine 5 %.
Tout cela suscite encore des peurs. Mais c'est l'Europe, c'est leur Europe, ils ne l'ont jamais quittée ! C'est leur espace autant que le nôtre, et nous qui, au Conseil de l'Europe, parlons tant du droit des peuples, du droit des hommes, devons le reconnaître : ils ont droit à l'Europe.
A l'évidence, la démocratie avance, et elle avance vite et bien dans ces pays. En quelque dix ans, treize ans, nous leur avons fait faire des progrès inespérés, des progrès immenses. Nous qui travaillons depuis un certain nombre d'années au sein de ce Conseil de l'Europe si mal connu, si injustement inconnu, y compris des parlementaires français, nous savons quel chemin nous faisons faire à ces pays, quel accompagnement nous offrons à ces peuples, à cette classe politique que nous côtoyons quotidiennement, à ces élus qui sont nos collègues, nos amis.
Le travail effectué au sein du Conseil de l'Europe à Strasbourg, à côté de la Cour européenne des droits de l'homme, dont les juges sont élus par les parlementaires du Conseil de l'Europe, est immense. Aussi, monsieur le ministre, je regrette que vous ayez choisi de diminuer de 5 % les crédits accordés à cette assemblée. J'en appelle à vous pour transformer votre vision de son travail, parce qu'il serait parfaitement injuste qu'il ne soit pas reconnu.
Il est absolument nécessaire qu'il soit poursuivi car il est essentiel, et notre démarche est extrêmement positive. Les crises politiques qui peuvent être évitées grâce à lui coûteraient bien plus cher que les 5 % que vous essayez d'économiser ! Je pense que vous reviendrez sur ce point, qui me paraît important.
L'élargissement aura un coût, c'est évident ; pensons à la solidarité, à la cohésion régionale dont les fonds structurels sont l'expression et qui sont l'un des principes de base du traité de Rome.
Ce coût a été estimé à 35 milliards d'euros ; je ne sais pas s'il sera revu à la hausse ou à la baisse. Je suppose que les budgets européens seront adaptés, de même que la progressivité et la pondération des aides.
Bref, s'il fallait satisfaire nos égoïsmes, nous pourrions dire qu'un nouveau marché s'ouvre avec un immense espace de croissance de 500 millions d'hommes.
J'ai envie de dire : les économies de ces pays sont dynamiques. En France, on vit sur un certain nombre de lieux communs et de clichés. Allons voir un peu ce qui se passe ailleurs !
Vous avez certainement lu comme moi, avec quelques regrets, que la compétitivité de la Hongrie - on le perçoit quand on s'y rend - est supérieure à celle de la France, qui, elle, est tombée au trentième rang. Quoi qu'il en soit, j'ai l'impression que la pauvreté de ces pays représente le plus grand risque d'instabilité.
Je vais aller un peu plus loin, et ce n'est pas de la provocation, au contraire, il me semble que c'est une évidence : l'Europe ne s'arrêtera pas là, si l'on veut la paix, si l'on ne veut pas la guerre.
On lit beaucoup de choses sur la Turquie, et j'en dirai deux mots. Mais il est évident qu'il faudrait que l'on parle davantage de l'intégration des Balkans ! En effet, l'intégration des Balkans sera l'une des conditions de la paix. Il faudra, de façon évidente, y parvenir, et peut-être plus vite qu'on ne le pense.
Les Balkans, c'est la Bosnie-Herzégovine, avec son noyau musulman, la Croatie, bien sûr, et la République fédérale de Yougoslavie, avec son Kosovo musulman, et ce sera, un jour aussi, l'Albanie musulmane et la Macédoine. Comment allons-nous sortir de cette affaire ? Dans l'Union européenne, il y a déjà dix millions de musulmans, mais ceux-là font partie intégrante de l'Europe. N'oublions pas que la guerre a souvent démarré dans cette partie du monde !
Il est un mot que nous répétons souvent ici, mais qui est parfaitement méconnu en Europe : c'est le mot « laïcité ». Dans cette grande Europe de quarante-cinq Etats que j'évoque, il n'y en a que quatre qui ont le mot « laïc » dans leur Constitution : la France, la Turquie, la Bulgarie et l'Azerbaïdjan. Ce mot, auquel nous devons donner toute sa force, n'a aucun sens pour tous les autres pays d'Europe.
Au sujet de la Turquie, je dirai que, géographiquement, elle ne fait pas partie de l'Europe. Cependant, derrière la géographie, qui n'a pas de sens, il y a l'histoire, il y a la stratégie, il y a la géopolitique, qu'elle soit européenne ou mondiale, il y a la mise en perspective du devenir géopolitique de l'Europe. La Turquie a toujours été un pays charnière. Elle est en effet située aux portes de la Russie, et la Russie restera toujours la Russie.
Je ne sais pas pourquoi nous imaginons toujours qu'elle puisse un jour intégrer l'Europe. En fait, elle voudra conserver sa force et la faire grandir chaque jour un peu plus. On oublie trop souvent les immenses richesses que contient la Sibérie !
Et puis, au sud, il y a la Méditerranée. Nous devrons préserver cet espace, comme nous l'avons toujours fait autrefois. Malte et Chypre en font également partie. Tout à l'heure, l'un de nos collègues a parlé de Malte, « si près de la Libye assagie ! ». Je ne sais pas si la Libye est assagie. En tout cas, Malte est très près de la Libye.
Un peu plus au sud-est, il y a le Moyen-Orient, avec la fameuse question d'Orient. Et l'on en revient à la Turquie, pays charnière qui a toujours maîtrisé le passage de la mer Noire par les détroits. Elle préservait l'espace méditerranéen de tout ce qui pouvait remonter du sud, de l'espace musulman, mais elle le protégeait aussi contre la puissance de la Russie.
En conclusion, je dirai que l'Europe doit faire de la politique pour créer son avenir. Elle doit avoir un projet : quel beau projet !
M. le président. La parole est à M. Michel Guerry.
M. Michel Guerry. Monsieur le ministre, mon propos s'articulera autour de deux thèmes : l'avenir de l'enseignement français à l'étranger et la sécurité de nos compatriotes hors de France.
Comme vous le savez, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger remplit une mission d'éducation des enfants français vivant à l'étranger qui est sans pareil : son réseau d'enseignement scolaire national est le premier dans le monde.
Sa mission, l'Agence la remplit dans des conditions financières qui, depuis trop longtemps, ont atteint leurs limites.
L'an dernier, le réajustement des rémunérations des enseignants titulaires de l'éducation nationale recrutés localement n'a pu être réalisé qu'en supprimant des postes d'expatriés et en asséchant les réserves financières de l'Agence.
Vous conviendrez, monsieur le ministre, qu'il est devenu aujourd'hui impératif, pour garantir un niveau pédagogique convenable dans nos établissements à l'étranger, que les postes d'enseignants expatriés soient non seulement maintenus mais renforcés.
M. Guy Penne. Très bien !
M. Michel Guerry. En effet, au-delà des finances de l'Agence, nous constatons que c'est la qualité même de l'enseignement dispensé qui est en péril.
En septembre dernier, M. Dominique de Villepin a évoqué, devant le Conseil supérieur des Français de l'étranger, la nécessité de « développer l'implication du ministère de l'éducation nationale » si l'on veut « stabiliser les ressources et la capacité à agir de l'Agence ».
Ces propos, nous les répétons depuis des années. En effet, pour sortir de l'impasse dans laquelle se trouve l'Agence, une implication réelle et concrète du ministère de l'éducation nationale nous semble indispensable !
Pourtant, rien ne se profile à l'horizon.
Est-il si difficile d'obtenir une collaboration interministérielle entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'éducation nationale, dans un domaine qui est traditionnellement le sien ?
A cette question, il m'a été régulièrement répondu que le problème était à l'étude. Pourtant, rien de concret n'a encore vu le jour.
Attend-on que la situation dégradée devienne irréversible ?
Envisage-t-on concrètement - et je reprendrai encore une formule de M. de Villepin - ce « développement de l'implication du ministère de l'éducation nationale » dans la gestion de l'Agence ?
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous aujourd'hui vous engager devant la Haute Assemblée à en faire un axe effectif de votre action en faveur de nos compatriotes à l'étranger ?
Autre thème que je souhaite aborder : la sécurité.
La sécurité a été un thème central pour les Français lors des campagnes présidentielle et législative.
A cette préoccupation légitime, nos compatriotes de l'étranger ajoutent celle qui concerne leurs biens, et parfois leur propre vie.
De l'attentat de Karachi aux événements de Côte d'Ivoire et de Centrafrique, l'histoire récente nous a cruellement rappelé que nos compatriotes pouvaient être la cible de tous les désordres.
Les évacuations de Français dans un pays à risque se déroulent en général de façon satisfaisante, comme j'ai pu moi-même m'en rendre compte.
A cet égard, je tiens à saluer l'efficacité de nos militaires et de nos représentants, ainsi que le dévouement des élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Toutefois, si ces évacuations se passent bien, elles ne règlent que l'urgence.
En effet, à leur retour en France, combien de nos compatriotes, ayant tout laissé derrière eux, rencontrent pour se réinsérer de telles difficultés - tant sociales que psychologiques - qu'ils en deviennent des étrangers dans leur propre pays !
Nous le savons tous fort bien, ceux qui rentrent dans de telles conditions ne retourneront pratiquement jamais s'installer à l'étranger, ni dans leur ancien pays de résidence ni même dans un autre pays.
Combien d'entre eux, pourtant, malgré les difficultés, seraient prêts à rester sur place, à entreprendre à nouveau, à refaire leur vie !
C'est l'intérêt même de notre pays, de sa vitalité et de son rayonnement !
Alors, comment leur permettre de le faire ?
L'aide aux Français de l'étranger les plus démunis est l'une des priorités que vous avez fixées dans le cadre de la loi de finances pour 2003.
Au-delà de la « réponse à la lancinante et douloureuse question de l'indemnisation », comme le rappelait le Président de la République, cette priorité doit comporter un volet de mesures incitatives qui permettraient à nombre d'entre eux de reprendre une activité économique.
Ce serait émettre un signal fort si notre pays affirmait envers et contre tous sa volonté de maintenir une communauté française dynamique dans des pays réputés à risque.
Nos communautés à l'étranger attendent du Gouvernement un geste politique sans ambiguïté qui leur montre que la solidarité nationale s'exerce de façon positive aussi pour eux.
Au-delà, demeure une question beaucoup plus profonde et préoccupante, celle de la présence de la France à l'étranger.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie à l'avance des réponses que vous pourrez apporter aux légitimes préoccupations de nos compatriotes.
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il convient d'abord de se féliciter de la reprise de l'effort d'aide publique au développement.
Alors que l'effort d'aide au développement s'était singulièrement amenuisé pendant la dernière décennie, passant de 0,63 % à 0,32 % du PIB, je ne puis que me féliciter du fait que la reprise amorcée en 2001 ait été confirmée par le Président de la République, d'abord au G8, ensuite à Johannesburg, avec des objectifs clairs : atteindre 0,5 % du PIB d'ici à cinq ans et 0,7 % du PIB d'ici à dix ans, conformément aux engagements internationaux que nous avions pris voilà déjà bien longtemps.
En 2002, l'aide publique a augmenté de près de 900 millions d'euros, notamment en raison de la forte hausse de l'aide bilatérale - 25 % -, et de la forte progression des annulations et consolidations de dettes - 30 %.
En 2003, l'aide publique devrait augmenter de 600 millions d'euros, principalement en raison de l'accroissement du volume des annulations de dettes accordées dans le cadre des allégements consentis aux pays pauvres très endettés, ce qui représente 594 millions d'euros, dont 91 millions d'euros prévus au titre des contrats de désendettement-développement.
Il ne faudrait pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'augmentation de l'aide publique soit due seulement aux annulations de dettes. L'aide publique devrait être en augmentation par rapport à ces annulations et non pas s'y substituer.
Je pense que, dans ce domaine, il faut que nous retrouvions de réelles marges de manoeuvre.
Dans le dernier rapport du PNUD - le programme des Nations unies pour le développement - sur le développement humain en 2002 il est rappelé que les objectifs du Sommet du millénaire sont loin d'être atteints : 2,8 milliards de personnes dans le monde vivent toujours avec moins de 2 dollars par jour.
Quant au rapport Zedillo, qui préparait la récente conférence de l'ONU sur le financement du développement qui s'est tenu à Monterrey en mars 2002, il estimait les besoins de financement des pays en développement à 50 milliards de dollars. Nous en sommes loin !
Il conviendra évidemment de veiller à ce que ces engagements ne soient pas remis en cause par les exercices de régulation budgétaire, dont le budget de l'aide au développement est souvent - et j'en sais quelque chose - l'un des premiers à souffrir alors qu'il devrait a priori en être préservé.
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l'aide au développement. Absolument !
M. Jacques Pelletier. Ne pourrait-on envisager, pour rester dans la ligne des engagements du Président de la République, que les dépenses d'aide au développement soient, en quelque sorte, « sanctuarisées » ?
Le relèvement de notre effort d'aide au développement devra aussi se traduire par un renforcement de l'efficacité de cette aide et par une forte amélioration de notre capacité à influencer les choix de nos partenaires bilatéraux, européens et multilatéraux. Il faut que la France fasse entendre une voix forte dans ces enceintes internationales, où nous devons entraîner tous les pays amis.
Je pense que le renforcement de l'efficacité de notre aide au développement passera, d'abord, par une clarification des objectifs qui lui sont assignés.
Le développement devrait être une véritable priorité par rapport à la politique culturelle extérieure ou aux objectifs commerciaux : toute activité d'aide au développement comporte, bien évidemment, à des degrés divers, des dimensions culturelles ou commerciales liées à nos intérêts, mais celles-ci devraient être subordonnées à l'action de développement et non l'inverse.
Dans le cadre des objectifs de développement du sommet du millénaire auxquels la France a souscrit, l'action de soutien au développement devrait, selon moi, s'orienter dans trois directions.
La première est la promotion des droits de l'homme, de la démocratie et de l'Etat de droit. Il s'agit, en d'autres termes, de favoriser la bonne gouvernance dans les pays aidés et de renforcer le partenariat avec les organisations des sociétés civiles locales.
La deuxième est la lutte contre la pauvreté et les inégalités, ce qui implique, notamment, de favoriser l'accès aux services élémentaires : éducation, eau potable, énergie, et surtout santé à l'heure où des dizaines de millions de personnes sont atteintes du sida dans de nombreux pays en développement et vont mourir si rien n'est fait rapidement.
Enfin, la troisième est la promotion du développement durable dans ses quatre dimensions : le soutien à la création et au développement des entreprises et l'incitation aux investissements privés, l'équité sociale, la sauvegarde de l'environnement, la promotion de la diversité culturelle.
Cette action de développement doit être conduite en pleine association avec les organisations des sociétés civiles des pays partenaires, notamment dans la mise en oeuvre des contrats de désendettement-développement déjà évoqués.
Dans un souci de transparence, de cohérence et de sensibilisation, il serait enfin souhaitable que le Gouvernement présente chaque année un rapport au Parlement sur sa politique en matière de coopération au développement.
Un tel rapport est réclamé depuis longtemps. Il permettrait de faire une présentation cohérente de l'action de la France en matière d'aide au développement et de faire ressortir les synergies entre nos engagements européens et multilatéraux et nos activités bilatérales, elles-mêmes éclatées entre plusieurs opérateurs. M. Michel Charasse, notre excellent rapporteur spécial, a parfaitement décrit les difficultés et les imperfections du système.
A partir d'un tel rapport, le Parlement pourrait à la fois débattre des orientations de la politique d'aide au développement, ce qu'il ne fait guère qu'à l'occasion de l'examen du budget des affaires étrangères - souvent, de surcroît, à une heure avancée ! (Sourires) - et sensibiliser nos concitoyens à ces questions par une meilleure information.
Une présentation ainsi rénovée irait d'ailleurs dans le sens de la réforme de l'ordonnance organique relative aux lois de finances adoptée l'an dernier grâce, notamment, aux travaux du Sénat et de sa commission des finances.
Enfin, un tel rapport, qui ne manquerait pas de susciter des débats, ne pourrait que contribuer à une meilleure évaluation de notre politique d'aide au développement, évaluation aujourd'hui difficile en raison de l'éclatement institutionnel qui préside à la définition et à la mise en oeuvre de cette politique.
Enfin, je souhaite, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'augmentation substantielle de l'aide au développement en France, dont je vous félicite, ait un effet d'entraînement sur nos partenaires du Nord. C'est une nécessité morale : nous ne pouvons pas laisser des milliards d'hommes vivre, que dis-je vivre, survivre, et souvent mourir, dans un sous-développement intolérable, bien au-dessous du seuil de pauvreté.
L'écart, grandissant, de niveau de vie entre pays du Nord et certains pays du Sud est source d'immigration clandestine et de conflits. C'est, de plus, un excellent terreau pour le terrorisme.
La France a toujours porté une très grande attention aux pays du tiers monde. La France doit appeler à nouveau à une croisade contre ce sous-développement qui engendre tant de misère. Un tel appel trouverait, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, un large écho sur toutes les travées de notre assemblée. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, on l'a déjà dit mais il est utile de le répéter, le budget des affaires étrangères n'est pas un budget comme les autres, car il symbolise notamment l'effort substantiel que la France est prête à fournir pour occuper son rang dans ce qu'on appelle les « affaires du monde ».
Le renforcement de la présence de la France dans le monde devient donc à la fois une priorité et un enjeu pour réaliser des ambitions nouvelles et pour atteindre les objectifs assignés à notre diplomatie, sous l'impulsion du Président de la République.
Le projet de budget des affaires étrangères pour 2003 devient ainsi le baromètre des ambitions extérieures de la France. Il est en augmentation de plus de 13 %, et nous ne pouvons que nous en réjouir, même s'il y a lieu de relativiser cette progression en raison de chapitres sous-financés, car sous-évalués dans le budget 2002.
Ce projet de budget représente bien une rupture avec les budgets des toutes dernières années par sa volonté d'accompagner l'action extérieure de la France là où les besoins sont définis, là où notre action s'impose, là où la France doit prendre sa place et retrouver sa voix.
J'ose croire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ayant adressé ces compliments sincères, que vous continuerez sur cette lancée après l'adoption de ce budget que beaucoup d'entre nous, au Parlement, considérons comme un budget de transition, une transition qui porte aujourd'hui les signes tangibles de l'espérance que nous plaçons dans votre volonté de réajuster nos besoins extérieurs à nos moyens intérieurs.
Somme toute, à l'analyse des chiffres et des faits, je suis tout de même interrogatif sur un point particulier, et néanmoins essentiel, qui concerne le rayonnement de la France au moyen de l'audiovisuel extérieur.
C'est un vecteur de développement primordial, sur les plans tant culturel qu'économique, les deux aspects étant indissociables. Il suffit de voyager pour être conforté dans cette idée.
Or, sur ce point fondamental, on ne peut pas dire que votre projet de budget soit porteur. Les crédits de l'action audiovisuelle extérieure ne tiennent aucunement compte de la création, indispensable, d'une nouvelle télévision française d'information internationale.
Est-il, en effet, compréhensible qu'année après année, comme l'affirme le Président de la République, nous en soyons encore à déplorer les insuffisances persistantes de l'information et de l'audiovisuel francophones sur la scène mondiale ?
Il faut reconnaître que, en dépit des efforts des uns et des autres, notamment de TV5, nous sommes encore loin de disposer d'une grande chaîne d'information internationale en français, capable - soyons ambitieux ! - de rivaliser avec la BBC ou CNN.
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Louis Duvernois. Notre problème, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, est relativement simple, et je ne doute pas que vous en soyez déjà conscients : c'est l'éparpillement des moyens publics qui pourraient être consacrés à la mise en oeuvre d'un grand projet audiovisuel extérieur.
A l'heure de la rationalisation budgétaire, des contraintes diverses exercées par la situation économique mondiale, européenne et nationale, l'esprit ne doit plus être aux querelles d'indépendance entre partenaires potentiels.
L'esprit est au regroupement des forces publiques et des talents des créateurs professionnels, nombreux dans notre pays, pour concevoir et animer une télévision internationale à l'image de la France, de sa diversité, de sa culture, de sa vision singulière d'un monde de plus en plus dominé par le « politiquement correct » de la pensée unique et forcément réductrice, parce que précisément unique. Il est grand temps de réagir et d'envisager dès maintenant des efforts importants pour mener à bien ce grand chantier de l'audiovisuel extérieur sans lequel, dans les années à venir, la France ne serait plus la France, celle qu'on écoute, qui influence l'humanité par sa langue universelle, sa manière d'être, sa pensée, face à des contradicteurs multiples.
Dans un environnement mondial où règne la concurrence, cette chaîne de télévision continue que nous appelons de nos voeux devra s'adosser sur des partenaires choisis et bien cibler son public : les Français expatriés ou en déplacement, les étrangers francophones et francophiles, les leaders d'opinion étrangers, francophones ou non, d'ailleurs, car on sait bien que le sous-titrage est une excellente méthode pour l'apprentissage d'une langue étrangère.
Cette chaîne devra défendre une vision de l'actualité internationale à la fois objective et originale, sans pour autant être la « voix officielle de la France », de manière à conférer une crédibilité maximale à ce moyen d'expression et de diffusion mondiale.
Le président de CNN International Networks, dans un surprenant point de vue publié dans Le Figaro du 1er décembre dernier, a souhaité textuellement « bonne chance au projet de CNN à la française », reconnaissant de facto, et probablement non sans quelques arrière-pensées compétitives ou politiques, qu'une télévision française internationale, se caractérisant par sa différence de regard, d'analyse, de ton et par son objectivité éditoriale, allait arriver tôt ou tard.
Le moment est venu de conduire une réflexion accélérée sur notre système audiovisuel extérieur, beaucoup trop morcelé, beaucoup trop complexe, dans lequel le manque de synergie verrouille toute ambition nationale orientée, régulée et constructive.
La réflexion actuellement menée sur cette question « patine », tandis que nos amis et concurrents, eux, s'organisent rapidement. A l'heure du numérique, les savoir-faire éditoriaux et les réseaux d'information comptent plus que la technique. Or notre pays possède en la matière de grands savoir-faire.
La récente décision du Gouvernement britannique de détacher la chaîne de télévision d'information internationale BBC World du reste de la BBC - celle-ci étant recentrée sur sa vocation domestique -, en la regroupant avec la radio internationale BBC World Service, montre à l'évidence le bien-fondé de cette affirmation.
Il faut que cette nouvelle télévision française internationale en devenir, par la diffusion d'images originales non disponibles sur les chaînes concurrentes, puisse s'imposer progressivement dans le paysage audiovisuel mondial, ces images étant en outre susceptibles d'être reprises sur des télévisions étrangères, ce qui démultiplierait largement son impact direct dans les pays de diffusion.
Un projet audiovisuel de cette envergure exige des pouvoirs publics qu'ils repensent prochainement les engagements financiers de l'Etat dans l'audiovisuel extérieur, dont le budget actuel s'élève à 165 millions d'euros.
Ne nous cachons pas derrière l'arbre qui, lui-même, cache la forêt ! Dressons un inventaire de la situation des opérateurs susceptibles de mettre en place cette chaîne appelée à être ensuite déclinée prioritairement en anglais et en arabe.
Ainsi, cette nouvelle télévision française internationale bénéficierait nécessairement, sur le plan tant structurel qu'éditorial d'un adossement à Radio France Internationale, qui compte aujourd'hui parmi les médias internationaux de référence. Il faut que cette nouvelle télévision devienne aussi une chaîne de référence concurrençant CNN, BBC World ou Al-Jazira, qui sont constamment citées par les médias. Une coopération réelle entre France Télévision, qui appartient au service public, et la nouvelle chaîne « tout info » est, en outre, l'un des fondements du projet.
Dans ce nouveau paysage audiovisuel extérieur, il est par ailleurs nécessaire de recentrer TV5 sur sa mission originale : celle d'une grande chaîne francophone - et non pas française - généraliste, prioritairement destinée aux publics des pays où la francophonie est réelle.
Là encore, méditons sur la coexistence outre-Manche entre BBC Prime, chaîne généraliste destinée aux expatriés et aux étrangers ayant conservé des liens étroits avec la Grande-Bretagne, et BBC World, chaîne d'information destinée aux décideurs, aux relais d'opinion et aux rédactions du monde entier.
Le recadrage de TV5 Monde, dont la France est le premier bailleur de fonds, s'imposerait d'autant plus que le caractère « tout info » de la télévision française internationale suivrait vraiment la ligne éditoriale ainsi définie, la promotion de la culture et les distractions de qualité convenant davantage à TV5 Monde, d'essence multilatérale, comme le montre Arte dans le domaine culturel.
D'autres partenaires doivent aussi être envisagés : l'Agence France-Presse, qui se trouve dans le peloton de tête des agences mondiales d'information généraliste et multimédia ; Canal France International, dont il faudra bien un jour définir l'avenir, mais dont le réseau satellitaire mondial peut en tout cas être utilisé immédiatement ; Euronews, enfin, pour ses réseaux satellitaires et à la condition que la société devienne à majorité française. En outre, il ne faut pas exclure des participations de divers partenaires du secteur privé.
Tel est, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, le grand chantier qui doit s'ouvrir au sein même de votre ministère, ainsi qu'à l'échelle interministérielle, afin que l'audiovisuel extérieur soit un outil de rayonnement et d'influence pour notre pays, appuyant votre action diplomatique et notre action culturelle extérieure.
Ce chantier n'est pas aujourd'hui inscrit dans le présent projet de budget, mais nous savons que vous n'y êtes pas indifférent et que, dès 2003, vous vous engagerez à le prendre financièrement en compte, tout comme vous soutenez déjà, en raison de la situation internationale, la création d'une chaîne de télévision régionale à destination du monde arabe.
Quoi qu'il en soit, pour la hausse qu'enregistre ce budget par rapport au précédent, pour son caractère de budget de transition par ses ambitions, pour votre volonté anticipée d'accompagner la création d'une chaîne de télévision française internationale au sein d'un pôle de communication extérieur regroupé et davantage performant, je voterai le projet de budget que vous proposez. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Pierre-André Wiltzer ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un honneur pour moi de présenter devant la Haute Assemblée, avec mon collègue Renaud Muselier, le projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2003.
A travers ce projet de budget, c'est toute l'action extérieure de la France qu'il vous est proposé d'examiner.
Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. le ministre des affaires étrangères, Dominique de Villepin, qui a dû quitter Paris, comme vous le savez, pour accompagner le Président de la République en Allemagne, et qui regrette de ne pas pouvoir, ce soir, vous présenter lui-même le projet de budget de son ministère.
Selon le souhait du président de la commission des finances, j'éviterai de me livrer à une présentation globale de ce projet de budget. Je consacrerai l'essentiel de mon intervention aux réflexions de vos rapporteurs et des orateurs qui viennent de s'exprimer. Elles ont été extrêmement riches, et le temps me manquera donc pour les évoquer toutes autant qu'elles le mériteraient. Je demande d'ailleurs l'indulgence de celles et ceux qui se sont exprimés si je n'ai pas, dans ce cadre, la possiblité de répondre à toutes leurs interrogations. Je reste, bien sûr, à leur disposition pour poursuivre notre dialogue en marge de ce débat.
J'aimerais rappeler brièvement le contexte de cet exercice budgétaire.
La France est confrontée à des défis redoutables, dans un monde qui est devenu très incertain. Elle doit être à la hauteur de la responsabilité particulière qui est la sienne et répondre à son devoir de solidarité.
Nous sommes confrontés à deux évolutions globales.
Tout d'abord, la fin de la guerre froide suppose que soient mis en place de nouveaux modes de régulation stratégique. Nous devons contribuer à bâtir un nouvel ordre international fondé sur les trois principes complémentaires de responsabilité collective, de légitimé et d'efficacité, et s'appuyant sur le rôle central que doit jouer le Conseil de sécurité de l'ONU.
Nous devons parallèlement assurer le développement d'une mondialisation maîtrisée, qui évite les exclusions, les déséquilibres et les violences. Si cette maîtrise n'était pas assurée, nous savons où cela risquerait de nous mener !
Pour cela, six priorités ont été fixées, qui doivent guider notre action à l'extérieur : premièrement, l'ambition européenne, sous ses deux aspects, qui sont la Convention sur l'avenir de l'Europe, présidée par M. Giscard d'Estaing, et la réussite de l'élargissement ; deuxièmement, notre capacité à répondre aux menaces, en particulier au terrorisme et aux armes de destruction massive ; troisièmement, la maîtrise de la mondialisation ; quatrièmement, notre capacité d'influence dans le règlement des crises régionales ; cinquièmement, la rénovation de nos partenariats avec les grands pôles mondiaux que sont, notamment, les Etats-Unis, le monde arabe, la Russie ; sixièmement, enfin, la fidélité à nos partenaires traditionnels, en particulier en Afrique, mais aussi dans le monde francophone, et cette action doit s'inscrire dans la perspective de notre combat en faveur de la diversité culturelle et du développement durable.
La fidélité à nos partenaires traditionnels concerne plus particulièrement notre politique de coopération et les nouvelles orientations qui découlent des engagements du Président de la République lui-même et du programme de Gouvernement présenté par le Premier ministre.
Je déclinerai l'ensemble de cette démarche dans les dix objectifs suivants : l'augmentation du volume de notre aide publique au développement ; le rééquilibrage de nos efforts en faveur de l'aide bilatérale ; l'accroissement de notre coopération avec l'Afrique ; la substitution du partenariat à l'assistance telle qu'elle était conçue traditionnellement ; le développement de la coopération décentralisée ; l'accentuation du partenariat avec la société civile, qu'il s'agisse des organisations non gouvernementales, des entreprises ou des fondations et associations ; la promotion du volontariat associatif ; le renforcement de l'expertise française en matière de coopération ; le renforcement des moyens administratifs, techniques et financiers, moyens qui doivent surtout devenir plus opérationnels ; enfin, l'accentuation de notre présence politique et diplomatique dans les pays avec lesquels nous coopérons.
Pour respecter les six grandes priorités de notre politique à l'extérieur, les modalités de notre action doivent répondre à une triple exigence : de cohérence, d'efficacité et de résultat.
S'agissant de l'exigence de cohérence, le ministère des affaires étrangères doit être un véritable centre de coordination, d'impulsion et de synthèse de l'action extérieure de l'Etat.
En ce qui concerne l'exigence d'efficacité, le ministère doit prendre part à l'effort général de l'Etat en termes de rationalisation de l'usage des moyens, en l'espèce des moyens consacrés à l'action extérieure, notamment par la réforme et la coordination des réseaux extérieurs de l'Etat.
Pour ce qui est de l'exigence de résultat, la loi organique relative aux lois de finances est un contrat d'objectifs et de moyens passé entre l'exécutif et le Parlement. Nous devons donc nous mettre en mesure de vous rendre compte des résultats obtenus, par l'évaluation des politiques conduites et le contrôle de gestion.
Le projet de loi de finances pour 2003 s'efforce d'apporter une première réponse à ces exigences. Il a été conçu dans un esprit de sincérité budgétaire. Il répond à quatre préoccupations : redynamiser notre action diplomatique, réaffirmer notre devoir de solidarité internationale, répondre aux attentes des Français de l'étranger et contribuer efficacement à la maîtrise des flux migratoires.
Après ce rappel du contexte, dont je n'ai gardé que l'architecture, j'en viens à l'essentiel, c'est-à-dire aux réflexions très nombreuses formulées par Mmes et MM. les rapporteurs ainsi que par les orateurs, que Renaud Muselier et moi-même avons écoutés très attentivement.
Je tiens à saluer la qualité et la pertinence des analyses et des observations présentées. Je souhaite, en particulier, remercier très sincèrement Mmes et MM. les rapporteurs pour le travail remarquable qu'ils ont produit.
Renaud Muselier et moi-même regrouperons nos réponses autour d'un certain nombre de thèmes. M. le sénataire d'Etat aux affaires étrangères évoquera le fonctionnement du ministère et les crédits y afférents, les contributions aux organisations internationales, notamment à l'ONU et à celles qui en dépendent, les affaires consulaires, l'immigration, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et quelques autres sujets qui ont été évoqués dans les différentes interventions.
Pour ma part, je centrerai mes réponses sur les moyens de nos interventions, leurs modalités et, enfin, l'organisation du ministère.
Je commencerai par les moyens financiers.
Ce projet de budget traduit la priorité accordée par le Président de la République et le Gouvernement à l'action extérieure de la France, puisqu'il est en hausse de 13,4 %, cela a été dit par plusieurs d'entre vous et par vos rapporteurs.
C'est un chiffre qui apparaît satisfaisant, mais je rappellerai que ce projet de budget des affaires étrangères a été élaboré, comme tous les autres, dans un contexte très contraignant, en raison de la conjoncture économique, et qu'il ne représente au total que 1,5 % du budget de l'Etat. C'est dire l'étroitesse des marges de manoeuvre.
A vrai dire et en vous écoutant, j'en étais d'autant plus convaincu tous les secteurs de ce budget ou presque auraient mérité une remise à niveau et nous avons dû être extrêmement sélectifs. C'est ainsi, par exemple, que les contributions volontaires à des organisations internationales sont restées à leur niveau, faible, alors qu'elles auraient dû être augmentées : Renaud Muselier y reviendra. Et l'on aurait pu, en écoutant les propos qui ont été tenus cet après-midi et ce soir, allonger la liste des besoins, des initiatives nouvelles à prendre, des réformes à entreprendre.
En outre, comme je l'ai indiqué, l'augmentation du volume de ce budget s'explique pour une part importante par la volonté du Gouvernement de vous présenter un budget sincère dès la loi de finances initiale, en rompant avec une pratique consistant à renvoyer à des lois de finances rectificatives certaines charges obligatoires et connues d'avance en réalité. MM. Jacques Chaumont, Michel Charasse et André Dulait ont évoqué cet aspect des choses dans leurs interventions.
Cela dit, ainsi que l'ont souligné Mmes Brisepierre et Cerisier-ben Guiga, MM. Charasse et Pelletier, notre aide publique au développement progresse de façon significative, conformément aux directives du Président de la République et du Premier ministre. Selon les estimations du ministère des finances, elle devrait atteindre 0,39 % de notre produit intérieur brut l'an prochain, inversant ainsi la tendance à la réduction continue qui avait été constatée au cours des dernières années.
Cette reprise de notre aide publique au développement était indispensable pour tenir les engagements internationaux de la France, pour permettre à notre pays d'assumer son devoir de solidarité, et aussi, comme l'a souhaité Mme Luc notamment, pour nous permettre de mobiliser la communauté internationale dans la lutte contre la pauvreté, contre la faim et contre la maladie dans le monde.
Comme je l'ai déjà dit, ce projet a été préparé dans un esprit de sincérité, et je remercie MM. Chaumont et Del Picchia de nous en avoir donné acte. La lisibilité pourrait en être améliorée, ainsi que l'ont relevé Mme Brisepierre et M. Charasse, notamment.
La perspective de la loi organique relative aux lois de finances et le rôle de synthèse que doit jouer le ministère des affaires étrangères doivent nous pousser à une présentation plus unifiée, plus claire de l'ensemble des crédits concourant à l'action extérieure de l'Etat. Tout ce qui a été dit à ce sujet est parfaitement exact.
Même sincère, même lisible, un budget ne vaut toutefois que s'il est effectivement mis en oeuvre. Je partage bien sûr les analyses présentées par M. Chaumont et plusieurs autres orateurs sur la difficulté que représentent les régulations budgétaires sur des actions qui bien souvent engagent la parole de la France.
Certes, une libération partielle des crédits gelés au cours de cette année 2002 a pu être obtenue.
Il faut espérer que le contexte économique permettra, en 2003, d'éviter le recours à cette procédure. Il faut de même assurer la disponibilité, en temps utile, des crédits de paiement nécessaires à la mise en oeuvre des autorisations de programme. C'est le sens des remarques de M. Charasse au sujet du fonds de solidarité prioritaire et de l'Agence française de développement. Nous espérons pouvoir compter sur le soutien du Parlement, notamment du Sénat, à cet égard.
Après les moyens financiers, j'en viens aux modalités de notre action et aux grands secteurs dans lesquels cette action se déploie.
Le premier de ces secteurs est la coopération pour le développement.
L'une des priorités fixées par le ministre des affaires étrangères, je l'ai indiqué au début de mon intervention, est celle de la fidélité à nos partenaires les plus anciens et les plus traditionnels, notamment en Afrique. A ce sujet, je veux rassurer M. Legendre sur la ferme volonté du Gouvernement de renforcer nos liens avec l'Afrique. J'y reviendrai plus tard mais, d'ores et déjà, je voudrais, puisqu'il a cité le titre du livre L'Afrique sans la France, lui dire que, que de mon côté, j'ai pu lire - et j'espère que cela compense - certains titres de journaux tels que « La France est de retour en Afrique ».
La traduction concrète et opérationnelle de cette démarche à l'égard du développement, notamment en Afrique, est l'inversion de la tendance qui nous a conduits, ces dernières années, à privilégier les canaux multilatéraux pour mettre en oeuvre notre aide. Je suis en plein accord, à ce sujet, avec les remarques formulées tant par Mme Brisepierre que par M. Charasse.
Le budget que nous vous soumettons permettra d'affecter l'augmentation de nos moyens en priorité à l'aide bilatérale et, à l'intérieur de celle-ci, à l'Afrique sub-saharienne.
S'agissant de la programmation, j'ai bien noté les critiques de M. Charasse, qui souhaite qu'une plus grande place soit faite à la lutte contre la pauvreté, même au détriment des actions culturelles et audiovisuelles. Je ne veux pas caricaturer son propos, mais je le résume de cette manière.
Notre devoir de solidarité est une priorité essentielle. Le combat pour la diversité culturelle ne doit pas être abandonné pour autant. Nos actions de coopération culturelle ou audiovisuelle en sont de plus en plus la base et l'instrument. Elles ne doivent donc pas être sacrifiées. Je suis en cela d'accord avec Mmes Cerisier-ben Guiga et Pourtaud.
Pris dans son ensemble, le projet de budget pour 2003 permet d'augmenter l'aide publique au développement, ce qui répond à l'appel lancé par M. Charasse, sans diminuer pour autant nos actions culturelles.
Les interrogations de M. Charasse au sujet de l'aide-projet sont intéressantes. Des projets bien circonscrits permettent des actions plus visibles. Cette formule ne doit donc pas être abandonnée. Ce n'est d'ailleurs pas notre intention. Inversement, l'aide sectorielle, lorsque les conditions de son emploi sont réunies, présente de réels avantages en termes d'efficacité. Nous ne devons pas l'exclure, mais nous devons au contraire rechercher, en fonction de la nature des programmes à réaliser, le meilleur équilibre entre les deux formes d'assistance.
Mme Brisepierre a craint que la baisse des crédits du chapitre 42-15 n'ait pour conséquence une réduction de nos actions d'assistance technique et la disparition d'un savoir-faire précieux. Ella a raison de s'intéresser à cet aspect de notre coopération. Je veux la rassurer : renforcer l'expertise française en matière de coopération est l'un des dix objectifs que j'ai cités tout à l'heure et qui constituent la feuille de route qui est la mienne. Notre tradition d'expertise dans de nombreux domaines - en Afrique, mais aussi en Asie, dans la Caraïbe et ailleurs - est ancienne et riche, et ce capital intellectuel scientifique doit être préservé et renouvelé.
Au sein du chapitre 42-15, la programmation des opérations de la direction générale de la coopération internationale et du développement a préservé les actions d'assistance technique, qui pourront également être financées par le fonds de solidarité prioritaire en accompagnement de projets, ainsi que dans le cadre des contrats de désendettement et de développement lorsqu'il s'agit de renforcer les capacités d'administration locale dans les pays partenaires pour la bonne mise en oeuvre des aides budgétaires.
Telles sont les précisions que je voulais brièvement vous apporter sur la coopération.
J'en viens maintenant au sida et à l'accès aux médicaments.
Mmes Luc et Bidard-Reydet ont exprimé leurs préoccupations au sujet du traitement de cette pandémie du sida dans les pays en développement, et plus particulièrement de l'accès aux médicaments. Comme vous le savez, et alors que les trithérapies n'étaient disponibles en France que depuis 1996, le Président de la République, M. Chirac, a prôné, dès 1997, un accès à ces médicaments pour les populations des pays en développement.
Dimanche dernier, il a une nouvelle fois marqué l'importance qu'il accorde à cette maladie et à la mobilisation pour la vaincre en se rendant au siège de l'association AIDES. Il y a annoncé sa décision d'inscrire l'accès aux médicaments à des prix accessibles pour les pays pauvres, spécialement en Afrique, à l'ordre du jour du prochain sommet du G8 à Evian, qui sera, vous le savez, présidé par la France. Je rappelle aussi que notre pays a soutenu la déclaration de Doha sur la propriété intellectuelle et la santé publique, dont les modalités précises de mise en oeuvre doivent être définies avant le 31 décembre 2002.
Je vous rappelle enfin, même s'ils ne figurent pas dans le budget que nous examinons ce soir, que le Gouvernement a inscrit les moyens financiers nécessaires à sa contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
J'évoquerai maintenant la question de l'aide alimentaire, qui a été soulevée par M. Charasse notamment.
Je partage à cet égard le souci de rationaliser l'organisation de l'aide alimentaire exprimé par M. Charasse. La gestion de cette aide est actuellement répartie, comme il l'a indiqué, entre l'agriculture et les affaires étrangères, selon des modalités qui ne sont pas satisfaisantes. Ce point devra être débattu lors de la session du comité interministériel de la coopération internationale et du développement - le CICID - prévue pour le 11 décembre.
Il est nécessaire de simplifier la gestion de l'aide, de diminuer les coûts globaux et de trouver une meilleure articulation entre la sécurité alimentaire comme objectif de réduction de la pauvreté et l'aide alimentaire comme instrument de l'aide humanitaire et, dans certains cas, de l'aide au développement.
J'en viens à la coopération militaire et de défense.
S'agissant de la coopération militaire, évoquée par Mme Brisepierre, MM. Chaumont, Charasse et Penne, nous demeurons dans la logique de la réforme de 1998 et de la fusion des ministères de la coopération et des affaires étrangères. L'Afrique subsaharienne, malgré le redéploiement d'une partie des crédits vers d'autres zones, reste une priorité puisqu'elle bénéficie à elle seule de 73 % du budget géré par la direction de la coopération militaire et de défense, la DCMD.
Mais, au vu de l'évolution des crédits attribués à la coopération militaire au cours des dernières années - et cette année encore - il convient effectivement d'être vigilant et de ne pas descendre en dessous d'un seuil de sécurité et d'efficacité.
Afin de renforcer la gestion des crises - l'une des six priorités que j'évoquais en commençant -, nos efforts portent en parallèle, d'une part, sur la formation des militaires dans d'autres pays et, d'autre part, sur le renforcement de la capacité des armées africaines à conduire elles-mêmes les opérations sous-régionales, comme on dit en Afrique, de maintien de la paix.
En matière de formation, les seize écoles militaires qui sont soutenues au titre de la coopération militaire forment environ mille stagiaires chaque année.
Quant au programme de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix - le RECAMP -, chacun de ses cycles rencontre un grand succès.
La coopération de défense demeure donc, à nos yeux, par sa contribution à la sécurité et au maintien de la paix, un instrument privilégié de l'aide au développement et un volet essentiel de notre coopération. Aider nos partenaires à se doter d'armées républicaines bien formées sur le plan professionnel et sur le plan civique est une démarche qui contribue à l'établissement d'un Etat de droit.
Le moment est certainement venu de dresser un bilan de la réforme et de donner une nouvelle impulsion qui est, à l'évidence, nécessaire. Ce sera l'objet du conseil de défense qui se tiendra au mois de février prochain.
La francophonie, qui a été évoquée à plusieurs reprises au cours de nos débats, est inscrite au coeur de la politique étrangère française. Le discours du Président de la République au sommet de Beyrouth l'a montré, comme chacun a pu s'en rendre compte.
Ainsi que l'a rappelé M. Jacques Legendre, le Président de la République a annoncé un plan de relance qui sera bientôt présenté au Parlement, dans le cadre de la loi de finances rectificatives pour 2002. Ses modalités pratiques sont en phase d'arbitrage et vous seront présentées incessamment.
J'ai bien écouté les propos qui ont été tenus, notamment par M. Goulet, sur le thème de la francophonie. J'ai pris connaissance du problème qu'il a évoqué concernant l'association qu'il anime et dont je vais me préoccuper. S'agissant de l'action menée en faveur de la francophonie, même si nous sommes tous conscients des lacunes, des difficultés, des lourdeurs existantes et de l'insuffisance des moyens en volume qui lui sont consacrés, je ne pense pas que nous ayons de véritables raisons d'être pessimistes. Il y a beaucoup à faire, la situation de certaines organisations doit être clarifiée, mais une dynamique existe, qui s'est manifestée de manière éclatante à Beyrouth.
La francophonie était souvent perçue jusque-là - à tort d'ailleurs - par nos concitoyens, par les médias ou par les pays non francophones comme la démarche d'une ancienne puissance, un peu repliée sur elle-même, qui pouvait s'enorgueillir au xviiie siècle de la prééminence du français dans les classes dirigeantes et cultivées, dans la diplomatie, dont c'était la langue exclusive. Cette francophonie-là, que nous avions au fond tendance à regretter, dans un réflexe défensif et dans une sorte de compétition quasi obsessionnelle avec l'anglais, appartient au passé.
Aujourd'hui, la francophonie a changé d'image. Elle est devenue la pionnière de la diversité des langues et des cultures, du droit de chaque langue et de chaque culture à être respectée, à exister. Elle est porteuse d'un message positif d'ouverture sur les autres. Au lieu d'être repliés sur nous-mêmes, nous sommes ouverts vers les autres et nous pouvons trouver des alliés dans cette démarche.
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué. J'ai la conviction profonde - je le dis à M. Goulet et à tous ceux qui se sont exprimés sur ce sujet qui m'est cher, beaucoup d'entre vous le savent, et pour lequel j'ai milité pendant longtemps - qu'un virage extrêmement positif à mes yeux a été pris. Il nous faut maintenant accompagner et organiser cette relance avec un esprit offensif.
J'en viens à ce qui fâche.
M. Legendre s'est inquiété, à juste titre, des conséquences d'un certain nombre de décisions européennes sur l'usage du français, notamment en matière d'étiquetage de produits vendus dans le commerce et de brevets. Ces décisions se sont inscrites dans le cadre des règles qui régissent les échanges commerciaux et le droit de la consommation.
Au-delà de ces questions, on observe d'ailleurs bien d'autres dérives inacceptables, au détriment de l'usage du français, dans le fonctionnement quotidien des institutions européennes. Il faut, bien entendu, dénoncer ces dérives, ces entorses aux règles - car il existe des règles qu'il faut respecter.
Cela a été dit par l'un d'entre vous dans la journée, sur le plan de l'Europe, terrain le plus difficile dans la pratique pour nous, je pense qu'une véritable protection de la langue française et des autres grandes langues européennes pourrait être assurée si l'Union européenne, dans les principes généraux qui la fondent - par exemple le préambule de la Constitution, le jour où elle en aura une, puisqu'on parle de lui en donner une -, garantissait la diversité des langues et des cultures des Etats membres. La garantie de cette diversité deviendrait un principe de base qui devrait être respecté par tout le monde. On éviterait alors ce qu'on a bien connu à plusieurs reprises, à savoir les directives techniques qui sortent des directions de la Commission ou les décisions de la Cour de justice européenne auxquelles il n'est pas aussi facile de s'opposer. Je soumets cette idée à votre réflexion.
J'ajoute qu'un effort important doit être poursuivi à l'intention des futurs membres de l'Union européenne. Des coopérations linguistiques, éducatives et administratives sont mises en oeuvre avec ces pays pour maintenir et développer leur pratique du français.
J'en viens à l'action culturelle extérieure.
M. Dauge s'est interrogé sur les suites données au rapport qu'il a rédigé au sujet des centres culturels. Les crédits qu'il jugeait indispensables à leur remise à flot sont malheureusement difficiles à dégager dans la conjoncture budgétaire que vous connaissez. Un effort sensible a cependant été fait, puisqu'une augmentation sur deux ans de 8,3 % des crédits de fonctionnement a été consentie au profit des centres dotés de l'autonomie financière.
J'ajouterai à l'attention de M. Dauge que le Gouvernement est tout à fait décidé à faire preuve de vigilance à l'égard du réseau des centres culturels. Nous connaissons tous, pour avoir circulé dans certains pays, la vétusté des locaux, la très grande modestie des moyens qui ne permet même pas d'utiliser intelligemment les sommes disponibles ni de rentabiliser l'investissement fait. Tout cela mérite donc un effort, qui sera poursuivi au cours des années qui viennent.
M. Hoeffel s'est inquiété de la fermeture de centres culturels en Allemagne. Effectivement, sept centres ou antennes ont été fermés en 2001 et en 2002. Il s'agit non pas d'une remise en cause de notre présence en Allemagne, mais d'une restructuration de notre dispositif. Les établissements fermés ont été remplacés, m'a-t-on assuré, par de nouvelles structures plus souples, implantées directement chez nos partenaires allemands. Huit postes de chargés de mission pour la culture et d'attachés de coopération universitaire ont été créés. Ils disposent d'un budget géré par le centre culturel le plus proche. Les économies engendrées par ce redéploiement ont été allouées à d'autres établissements. Au total, l'enveloppe de fonctionnement global de notre réseau en Allemagne, qui s'élève à 2,9 millions d'euros, demeure constante. Il n'y a donc aucun désengagement. Il s'agit d'un redéploiement. Je suis à la disposition de M. Hoeffel pour en faire le bilan.
J'en viens à l'action audiovisuelle extérieure.
L'importance du renforcement de la présence de la France en matière d'audiovisuel extérieur est évidente. Il s'agit d'un instrument stratégique de la diplomatie et, plus encore, de rayonnement de la France dans le monde. Je partage tout à fait l'analyse présentée par M. Duvernois. J'ai également écouté attentivement les propos de M. le président Dulait et de M. Chaumont sur ce sujet.
Les crédits qui vous sont présentés sont effectivement en légère baisse, mais, comme le souligne d'ailleurs M. Duvernois, il s'agit d'un budget de transition dans lequel il n'a pas été possible de prendre en compte le résultat de réflexions encore en cours.
Comme vous le savez, le Président de la République souhaite la création d'une chaîne de télévision mondiale en français. Il s'agit là d'un sujet très important, mais complexe, et dont les implications, notamment financières, sont considérables. Cela a été dit par beaucoup d'entre vous. Différentes options sont encore à l'étude. A ce jour, il ne m'est malheureusement pas possible d'anticiper sur les réflexions en cours.
Certaines prévoient de s'appuyer sur les opérateurs de l'audiovisuel public extérieur existants, y compris TV5, chaîne francophone qui dispose d'un réseau mondial, et de valoriser la capacité du service public de télévision à présenter l'information et la vision française des événements sur le plan international. D'autres options reposent sur la création d'un opérateur nouveau ou la reprise de l'opérateur existant. Dans chaque cas, les coûts et les montages juridiques et financiers sont très différents. En tout état de cause, le Gouvernement a choisi de se laisser le temps de la réflexion en raison des enjeux financiers en cause, mais il prend bien en compte la préoccupation exprimée par Mmes Cerisier-ben Guiga et Pourtaud et par M. del Picchia de tirer profit au maximum de l'existant.
S'agissant de TV5, Mme Pourtaud a très justement relevé les progrès importants qui ont été accomplis par cette chaîne francophone. Elle a eu raison de relever aussi que les crédits alloués ne permettent pas la réalisation de l'intégralité du plan stratégique 2002-2005. Il est effectivement regrettable que les autres partenaires n'aient pas souhaité aller plus loin dans leur soutien financier. La France accorde une subvention dont la hausse est plus forte que celles des autres bailleurs de fonds, mais elle ne peut pas supporter seule le poids financier du développement de TV5. Nous poursuivrons donc nos efforts pour mobiliser nos partenaires en faveur de la réalisation complète du plan stratégique au cours des prochaines années.
Je partage également la préoccupation de Mmes Pourtaud et Cerisier-ben Guiga au sujet de la situation de Radio France Internationale. Il est exact que les perspectives financières ne sont pas très faciles, notamment en ce qui concerne le financement de l'accord de réduction du temps de travail et l'évolution de la masse salariale en général. La conclusion d'un contrat d'objectifs et de moyens est indispensable pour donner un cadre à l'évolution de l'entreprise. La négociation de ce contrat sera relancée dans les prochains mois.
J'en viens, maintenant, à l'organisation de notre action.
Je l'aborderai en évoquant les principes sur lesquels doit reposer l'organisation du ministère.
Le premier d'entre eux est la cohérence.
Le ministère des affaires étrangères est responsable de la cohérence de l'action extérieure de l'Etat. Comme le relève M. Chaumont, l'organisation des implantations à l'étranger de l'ensemble des services de l'Etat doit faire l'objet d'une réflexion stratégique. Le Comité interministériel sur les moyens de l'Etat à l'étranger, le CIMEE, examinera cette question.
Quelle que soit la solution finalement retenue, le rôle de l'ambassadeur doit refléter, sur le terrain, la fonction de coordination du ministère des affaires étrangères ; je suis en plein accord avec MM. Branger et Charasse sur ce point. Cette fonction de synthèse est d'autant plus indispensable que, comme l'ont souligné Mme Brisepierre et MM. Chaumont et Charasse, les crédits concourant à l'aide publique au développement et à l'action extérieure de la France sont dispersés au sein de nombreux ministères, faisant peser le risque d'incohérence et de mauvais emploi des deniers publics.
Dans cette perspective, Mme Brisepierre s'est interrogée sur la coexistence de deux groupements d'intérêt public : France coopération internationale, au ministère des affaires étrangères, et Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières, l'ADETEF, au ministère des finances.
Bien entendu, nous sommes alertés sur ce problème. La coordination entre ces deux entités doit pouvoir se faire - nous semble-t-il - sans trop de difficultés grâce à un dialogue permanent qui s'est d'ores et déjà établi entre les deux cosecrétaires du comité interministériel de l'aide au développement.
J'en viens au second principe sur lequel doit reposer l'organisation du ministère, à savoir l'efficacité.
M. Charasse a porté sur le fonctionnement du Fonds de solidarité prioritaire, le FSP, un jugement quelque peu sévère. Il est exact que la durée moyenne de vie d'un projet du FSP est actuellement trop longue. Des éléments conjoncturels apportent toutefois une partie de l'explication : le passage à l'euro, la réforme comptable et les gels budgétaires ont retardé les décaissements. Il reste - c'est exact - qu'un effort doit être consenti en la matière. Et, comme M. Charasse l'a noté, un comité de suivi des projets a été institué à cet effet.
Le faible nombre de projets dans les nouveaux pays de la zone de solidarité prioritaire a été également regretté. Nous en sommes conscients. Des actions de formation sont organisées au profit des agents qui sont en poste dans ces pays et qui n'ont pas l'expérience de cette procédure. La situation est donc en train de s'améliorer.
M. Charasse a dressé le même constat de lenteur à l'égard de l'Agence française de développement, l'AFD. Outre les retards inévitables dus aux conditions de mise en oeuvre de projets parfois difficiles, je rappelle que l'AFD, en tant qu'établissement financier, a dû prévoir un régime de sanctions automatiques en cas d'impayé. Toute crise politique entraîne des difficultés financières, et le régime de sanction est alors appliqué, ce qui retarde évidemment les projets.
Toutefois, des améliorations sont possibles et nécessaires. Comme M. Charasse l'a lui-même indiqué, l'AFD a récemment engagé une réflexion stratégique de grande qualité, débouchant sur un plan d'orientation stratégique dont la mise en oeuvre est en cours. Cette réforme permettra à l'AFD de procéder à une plus grande sélectivité des projets qu'elle conduit et de recentrer son activité sur ses domaines d'excellence. On peut par conséquent espérer des retombées positives sur l'ensemble du fonctionnement de l'agence. Comme de nombreux orateurs l'ont indiqué, une part importante de notre aide publique au développement passe par le canal du Fonds européen de développement, le FED. Comme l'ont souligné Mme Brisepierre, MM. Charasse et Daugé, le FED est critiquable : lourdeur des procédures, ampleur des sommes non décaissées en fin d'année, manque de coordination avec les actions bilatérales, etc. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous souhaitons accorder une plus grande priorité à l'aide bilatérale.
Il n'est pas question de revenir sur les engagements de la France à l'égard du FED. En revanche, nous ne pouvons pas nous désintéresser de sommes aussi importantes, qui devraient être mises au service de la lutte contre la pauvreté. La réforme en cours à Bruxelles nous permet d'espérer une certaine amélioration du fonctionnement du FED, car la Commission a pris conscience de ses dysfonctionnements.
De premiers signes encourageants sont apparus, mais il faut rester attentifs à la mise en oeuvre de la réforme et à ses résultats.
Dernier des principes sur lequel repose l'organisation du ministère : l'obligation de résultat. Il est naturellement indispensable d'être en mesure d'évaluer notre action.
MM. Chaumont et Charasse ont noté à juste titre que les indicateurs de gestion seraient perfectibles. C'est un euphémisme ! Effectivement, ils le sont. Une réflexion va être engagée à ce sujet, des audits seront demandés à l'inspection générale des affaires étrangères et à l'inspection générale des finances. Là où c'est possible, une démarche de qualité et de certification sera engagée. Le processus d'évaluation de chacun sera également revu. Un groupe de travail a été créé au sein du ministère, sous la présidence du secrétaire général du ministère, et vos commissions compétentes seront associées à ces travaux.
J'en viens à la DGCID. Le jugement qui a été émis sur cette direction et sur la lourdeur de son fonctionnement est peut-être un peu sévère. La fusion des services des ministères s'est faite voilà maintenant quelques années, mais cela ne fait pas si longtemps. Le temps est venu d'en tirer un bilan et d'examiner si des ajustements sont nécessaires. C'est ce que nous allons faire dans le cadre de la réflexion engagée par M. Dominique de Villepin sur l'organisation du ministère.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les indications que je souhaitais vous présenter en réponse aux observations et aux questions des rapporteurs et des orateurs.
J'ajouterai brièvement, avant de terminer, quelques indications liées à l'actualité politique en réponse aux questions de plusieurs des orateurs, en particulier MM. André Dulait, Guy Penne et André Vallet, sur la situation en Côte d'Ivoire, dont je comprends qu'elle préoccupe la Haute Assemblée.
Afin d'appuyer le processus de sortie de crise en Côte d'Ivoire, M. Dominique de Villepin s'est rendu successivement à Lomé, Abidjan, Ouagadougou, Bamako, Libreville et Dakar, entre le 26 et le 28 novembre.
Face aux risques d'enlisement des négociations en cours à Lomé dans le cadre de la médiation pilotée par le Président du Togo et aux risques de reprise des affrontements sur le terrain, ce déplacement rapide avait pour objet de « faire bouger les lignes » et de souligner l'urgence d'une solution politique, pacifique et négociée.
Il s'est inscrit dans la droite ligne de la position adoptée par la France depuis le début de la crise, à savoir le soutien aux autorités et aux institutions légitimes, la préservation de la souveraineté de l'Etat et de l'intégrité du territoire, le maintien de la stabilité régionale et l'appui aux médiations africaines.
En l'état actuel des choses, nous pouvons établir un premier bilan de ce déplacement.
M. Alassane Ouattara, qui était à l'ambassade de France à Abidjan depuis plusieurs semaines, a pu la quitter.
Cela a d'ailleurs contribué à diminuer sensiblement les tensions antifrançaises qui s'étaient manifestées à Abidjan depuis plusieurs semaines.
Le 27 novembre dernier, à Lomé, la délégation représentant le gouvernement ivoirien et la délégation des rebelles du Nord ont rédigé une déclaration commune appelant à un règlement pacifique et énonçant les points pouvant faire désormais l'objet d'un dialogue politique élargi.
Ensuite, sous l'égide du président malien Touré, une rencontre a été organisée à Bamako hier, mardi, entre le président du Burkina Faso, Blaise Campaoré, et le président de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo. Cette rencontre, qui a duré cinq heures, a débouché sur un communiqué.
A ce propos, puisque M. Vallet a fait allusion à un certain nombre de rumeurs, de montages, sur des complots qui pourraient, ici ou là, être à l'origine de la crise très grave de la Côte d'Ivoire, j'en profite pour dire la nécessité d'être extrêmement méfiant à l'égard de toutes les rumeurs et de toutes les désinformations qui circulent. Il a notamment fait état de rumeurs mettant en cause un pays de la péninsule arabique et le Burkina Faso qui ne me paraissent pas être fondées sur des faits objectifs.
Les principaux points du communiqué dont je parlais sont les suivants : privilégier le dialogue pour parvenir à une paix durable, rechercher une solution pacifique, s'abstenir de tout acte d'agression contre l'intégrité territoriale de chacun des pays, accélérer le déploiement de la force de la CEDEAO, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, et, enfin, engager une réflexion approfondie pour des réformes politiques et institutionnelles en Côte d'Ivoire.
De son côté, le président Abdoulaye Wade, qui préside la force de la CEDEAO, a désigné l'officier général qui va prendre le commandement de cette force.
Une nouvelle réunion, prévue à Accra, de l'ensemble des chefs d'Etat de la CEDEAO devrait préciser les modalités d'envoi et la mission de la force de la CEDEAO, qui est attendue sur le terrain.
Je vous rappelle que les troupes françaises présentes en Côte d'Ivoire, dont les effectifs ont été plus que doublés pour atteindre près de 1 400 hommes, assurent depuis le début de la crise la sécurisation et, le cas échéant, l'évacuation de ressortissants français et étrangers qui seraient en danger. En outre, depuis le 19 octobre dernier, et à la demande des autorités ivoiriennes, elles assurent la sécurisation du cessez-le-feu qui est intervenu à cette date.
Ainsi, le mouvement d'accélération donné au processus politique de sortie de crise avait de bonnes raisons d'être jugé très positif. Toutefois, est apparue, de manière simultanée, une nouvelle zone de combats à l'ouest de la Côte d'Ivoire. Des rebelles, apparemment indépendants de ceux du Nord et appartenant au clan des partisans de feu le général Gueï, ont pris le contrôle de plusieurs localités à la frontière du Liberia.
C'est dans ces conditions que les troupes françaises ont procédé, entre samedi et lundi, à la sécurisation et à l'évacuation des ressortissants français et étrangers de Man et de Touba.
S'agissant de la défense européenne, je serai plus bref, bien que le sujet soit considérable. M. Dulait, président de la commission des affaires étrangères, a eu raison d'insister sur cette question essentielle pour l'avenir de l'Europe et d'indiquer que ce dossier connaissait des hauts et des bas.
Parmi les succès, citons la contribution commune de la France et de l'Allemagne à la Convention européenne, ainsi que notre loi de programmation militaire, qui nous permet d'accroître notre capacité d'intervention.
En dehors des succès, il existe également des limites, c'est vrai, qui résident surtout dans les difficultés à trouver un accord avec la Turquie pour permettre, demain, la coopération entre l'OTAN et la future force d'intervention européenne.
Mais il ne faut pas désespérer. Nous connaissons tous le processus européen, avec ses allers et retours. Une solution pourrait intervenir assez rapidement, peut-être au sommet de Copenhague.
En ce qui concerne le terrorisme, Mme Cerisier-ben Guiga et d'autres orateurs se sont exprimés. Je partage complètement leur point de vue et, par conséquent, je serai bref.
Je dirai simplement que, sur ce dossier, la France est active à l'égard de ses partenaires européens. Ainsi, au niveau européen, nous avons adopté le mandat d'arrêt unique. Nous avons renforcé Europol. Nous avons mis au point un système beaucoup plus performant d'échange de renseignements et nous avons établi une liste commune des organisations territoristes interdites.
Je ne reviens pas sur ce que j'ai dit tout à l'heure en ce qui concerne l'Afrique ; d'autres occasions se présenteront peut-être.
M. Dauge a évoqué un problème ponctuel, à savoir l'écart entre deux chiffres : celui des prévisions de décaissement qui seraient nécessaires pour l'Agence française de développement en 2003 - 160 millions d'euros - et celui des crédits inscrits au projet de budget, qui ne s'éléveraient qu'à 137 millions d'euros. En réalité, les 160 millions d'euros ne sont qu'une prévision, laquelle dépend évidemment du rythme de mise en oeuvre effective des projets et de la situation générale des pays bénéficiaires. L'expérience nous montre qu'il est peu probable que l'intégralité des projets se réalisera selon le calendrier prévu. Par conséquent, les 137 millions d'euros de crédits de paiement devraient suffire. Si, par bonheur, ils ne suffisaient pas, des mesures seraient prises en cours d'année.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai été plus long que je ne l'aurais voulu, mais le sujet est immense. Je vous demande de m'en excuser et je laisse la parole à mon collègue Renaud Muselier. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux d'être aujourd'hui parmi vous avec Pierre-André Wiltzer pour proposer à votre approbation le budget des affaires étrangères.
Je tiens à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, de la très grande qualité et de la pertinence de vos interventions, auxquelles je vais m'employer à répondre avec le plus de précision possible.
Le projet de budget pour 2003 du ministère des affaires étrangères s'élève à 4 113,9 millions d'euros, soit une augmentation de 13,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002.
Nous affichons, en toute sincérité, une forte augmentation de 484 millions d'euros de nos crédits. Plusieurs dotations, dont les insuffisances ont donné lieu, les années précédentes, à d'importantes ouvertures de crédits en loi de finances rectificative ont été remises à niveau. C'est le cas des crédits du fonds européen de développement - vous l'avez souligné, monsieur Charasse -, ou des contributions obligatoires.
De ce fait, par rapport à la loi de finances initiale pour 2002, augmentée des crédits ouverts en loi de finances rectificative, l'accroissement du budget ne s'élève qu'à 5,6 %.
Ainsi que l'ont souligné MM. Branger et Chaumont, ce budget ne répond pas totalement à nos attentes, mais il porte nos ambitions et s'efforce de répondre à quatre préoccupations : premièrement, redynamiser notre action diplomatique ; deuxièmement, réaffirmer notre devoir de solidarité internationale, ce dont Pierre-André Wiltzer vient de vous entretenir ; troisièmement, répondre aux attentes des Français de l'étranger ; enfin, quatrièmement, contribuer efficacement à la maîtrise des flux migratoires.
Je vous propose d'examiner d'abord les points que je viens d'indiquer, avant de répondre aux questions spécifiques sur notre action diplomatique qui m'ont été posées au cours de ce débat.
La première de nos préoccupations est de redynamiser notre action diplomatique.
J'évoquerai tout d'abord les moyens de fonctionnement.
Les crédits destinés aux rémunérations, aux missions et au fonctionnement des services et des postes augmentent de 3,2 %. Ces crédits conditionnent, notamment, la sécurité de nos postes, que je veux en priorité renforcer. Ainsi, quinze emplois nouveaux de gendarmes ont été ouverts.
Les crédits de fonctionnement font l'objet, habituellement, d'une régulation budgétaire importante. A l'avenir, ainsi que le suggèrent la Cour des comptes et M. Jacques Chaumont, un contrat d'objectifs et de moyens pourrait être envisagé avec le ministère du budget, comme l'a fait la direction des relations économiques extérieures, la DREE. Je suis convaincu que l'effort de réflexion sur nos missions, notre organisation et nos moyens exposé par Pierre-André Wiltzer débouchera sur une approche contractuelle de ce type.
Nous veillerons également à nos investissements immobiliers. J'ai demandé une meilleure maîtrise des coûts, la mise à niveau des installations techniques et de sécurité et l'insertion optimale dans le site. Ces objectifs sont dictés par trois priorités essentielles : la standardisation, l'unification et la sécurisation de nos emprises.
Nos crédits en autorisations de programme et en crédits de paiement reculent en apparence, mais cette baisse sera compensée par d'importants reports de crédits liés aux rythmes différents d'avancement des programmes de travaux.
J'en viens au réseau diplomatique et consulaire. Ces moyens sont dédiés à un réseau en constante adaptation. J'ai bien pris note des remarques formulées notamment MM. Chaumont, Branger, Charasse et de Montesquiou.
Vous le savez - vous l'avez dit, je le répète, mais on ne le dira jamais assez -, la France dispose du second réseau diplomatique et consulaire après celui des Etats-Unis. Membre permanent du Conseil de sécurité, elle est présente dans le monde avec cent cinquante-deux ambassades, vingt et une représentations permanentes et cent cinq postes consulaires.
La France est puissante et forte de son réseau. Ce réseau est régulièrement adapté aux évolutions et aux réalités internationales. Des postes sont créés ou transformés cette année à Kaboul, Gaborone ou Douchanbé.
Pierre-André Wiltzer, évoquant la réforme du ministère et de l'action extérieure de l'Etat, vous a indiqué qu'une réflexion d'ensemble sur la cohérence de notre réseau va être engagée, notamment en Europe, toutes administrations confondues.
Je veillerai tout particulièrement, à cette occasion, comme l'ont fort bien souligné le président Dulait et M. Branger, à ce que l'ambassadeur voie son autorité affirmée sur l'ensemble des services de l'Etat à l'étranger, comme le préfet dans son département. (Très bien ! sur les travées de l'Union centriste.)
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Enfin !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Notons que 5 716 agents, contre 3 993 à l'administration centrale, travaillent au sein du réseau à l'étranger, soit 4 201 dans le réseau diplomatique et consulaire et 1 515 dans le réseau culturel et de coopération. Par ailleurs, 5 874 agents de recrutement local sont également employés dans le réseau diplomatique et consulaire et 6 173 dans le réseau culturel. Le ministère des affaires étrangères s'attache, dans le cadre d'un plan d'action volontariste, à améliorer la situation sociale du personnel local.
Pour répondre plus précisément à M. de Montesquiou, comment envisageons-nous l'évolution du réseau consulaire ?
La France dispose de quatre-vingt-neuf consulats généraux, dont quelques postes mixtes avec la DREE ou l'action culturelle et de coopération, de dix consulats et de dix chancelleries détachées et antennes consulaires.
La coopération au sein de l'Union européenne modifie déjà la fonction consulaire, notamment dans son volet relatif à la protection des personnes. Il y a évidemment lieu de s'interroger sur le maintien de divers consulats en Europe, d'autant que des structures d'accueil sont créées - dans les centres culturels, les alliances françaises ou sous forme d'agences consulaires - et qu'un consul honoraire est nommé partout où le ministère des affaires étrangères ferme un poste. Il reste, nous le savons tous, que toute fermeture de poste consulaire est ressentie défavorablement par la communauté française.
Plus généralement, la réflexion sur le réseau consulaire portera sur plusieurs domaines : la fermeture des consulats dans certaines capitales, avec l'ouverture d'une section consulaire à l'ambassade ; le regroupement d'activités, telles que les visas - au Maroc, par exemple, les visas étudiants sont centralisés au consulat général à Casablanca - ; la spécialisation de certains consulats - ainsi, le consulat général à Bruxelles regroupera, en 2003, l'essentiel de l'activité consulaire, les autres postes consulaires en Belgique conservant une fonction de relations publiques, travail politique et presse, et des services de proximité - ; enfin, l'allégement des procédures, telle que l'harmonisation des frais de visas et la généralisation du réseau mondial des visas.
Toutes ces mesures sont examinées par le comité de pilotage de la réforme qui a été installé, voilà quelques semaines, par Dominique de Villepin.
J'en viens maintenant aux contributions obligatoires et volontaires, autre élément substantiel de notre présence internationale.
La France doit tenir son rang, notamment à l'égard du système des Nations unies. Cette ambition se traduit par une progression de 11 % des contributions obligatoires de la France pour le fonctionnement des organisations internationales et pour le financement des opérations de maintien de la paix. Ces contributions atteignent désormais 679 millions d'euros, soit 16,5 % des crédits du ministère.
En revanche, nos contributions volontaires ne représentent plus que la moitié de ce qu'elles étaient en 1992, alors qu'elles sont à 96 % comptabilisées dans l'aide publique au développement. Alors qu'elle est le quatrième contributeur obligatoire au système des Nations unies, la France, toutes administrations confondues, n'est plus que le douzième contributeur volontaire. La faiblesse de ces contributions remet désormais gravement en cause notre influence et notre présence dans ces organisations, Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Branger et Chaumont l'ont dit avec force et justesse.
Je souligne que nous avons fait le choix, cette année, d'honorer sans à-coup nos engagements à l'égard du système des Nations unies. Mais il faut que la France rejoigne rapidement les dix principaux contributeurs aux grandes agences humanitaires et de développement des Nations unies. Nous avons l'ambition de vous présenter un budget dans ce sens l'an prochain.
J'en viens aux conférences internationales en 2003. Autre signe de notre dynamisme international, la France accueillera, en 2003, deux grandes conférences internationales : le sommet des chefs d'Etat de France et d'Afrique, à Paris, du 19 au 21 février, et le sommet du G8, à Evian, du 1er au 3 juin. Les crédits destinés aux conférences internationales progressent donc de 7 millions d'euros, soit 37 % d'augmentation. Des moyens supplémentaires devront néanmoins être dégagés dès l'an prochain.
Ce budget tend également à répondre aux attentes des Français de l'étranger, notamment en ce qui concerne la représentation des Français à l'étranger.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Je dirai un mot, d'abord, sur ce qu'on appelle désormais la réforme du CSFE, que MM. Durand-Chastel et Del Picchia ont évoquée. Le Conseil supérieur des Français de l'étranger a lui-même lancé une réflexion sur son organisation et son fonctionnement, tant la nécessité d'une évolution se faisait sentir. Vous le savez, le ministère des affaires étrangères est prêt à participer à cette réflexion. Cette évolution peut contribuer, en effet, à l'esprit de réforme et de rénovation de nos méthodes que Dominique de Villepin veut insuffler à ce ministère.
Je souhaite que le mouvement en faveur d'une plus grande participation des élus à la gestion des affaires de la cité soit étendu, sous des formes appropriées, aux Français de l'étranger et à leurs élus.
M. Robert Del Picchia. Très bien!
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. En tout état de cause, la présence du Premier ministre, après-demain, à la réunion du CSFE est bien la preuve, mesdames, messieurs les sénateurs, de l'attention que le Gouvernement porte à cette institution.
J'en arrive à la sécurité des Français.
La sécurité de nos compatriotes est l'une des priorités du Gouvernement, à l'étranger comme en France. Je partage à ce sujet l'analyse de MM. Guerry et Durand-Chastel.
Depuis mai dernier, nous avons dû faire face à plusieurs crises : l'attentat de Karachi, la rébellion en Côte d'Ivoire, l'attentat contre le pétrolier Limbourg , le naufrage du Joola , l'attentat de Bali, la tentative de coup d'Etat en République centrafricaine. Presque toujours, des Français se trouvaient parmi les victimes. Nous avons réagi rapidement pour assurer la sécurité du plus grand nombre, entourer les familles des victimes et évacuer les personnes désemparées.
J'ai salué pour son efficacité la cellule de crise du Quai d'Orsay, qui a su, en toutes circonstances, apporter des réponses appropriées aux familles inquiètes. Je rends également hommage à l'action discrète, mais efficace, du comité d'entraide aux Français rapatriés, qui accueille et réinsère chaque année un millier de nos concitoyens revenant de l'étranger dans la précarité.
Face aux nouvelles menaces, il nous faut anticiper davantage et agir vite. Nos ambassades doivent disposer de moyens plus efficaces, notamment en matière de communication et d'équipements de protection individuels. Les crédits destinés à la sécurité de nos compatriotes à l'étranger bénéficient donc d'une augmentation de l'ordre de 9,3 %. C'est une première étape.
Dans le même temps, nous renforçons notre capacité d'analyse des risques et de la coopération entre services. Dominique de Villepin a confié cette tâche à un comité de sécurité interministériel, qui s'est réuni pour la première fois le 23 octobre 2002.
J'aborde maintenant l'action sociale.
Dans un esprit d'équité, il faut réduire l'écart entre la protection sociale apportée à nos compatriotes en France et à l'étranger. Nous avons obtenu le dégel intégral des crédits bloqués - soit 2,6 millions d'euros - du chapitre 46-94 qui soutient ces dépenses indispensables.
Par ailleurs, je prends pleinement en compte toutes les préoccupations exprimées par M. Cantegrit, et je salue à cette occasion l'action qu'il mène à la tête de la caisse des Français de l'étranger.
L'augmentation de 4,5 % des crédits du fonds d'action sociale inscrits au budget pour 2003 répond à la croissance continue des besoins sociaux et médicaux de nos ressortissants les plus démunis. En 2002, 5 750 Français ont perçu une aide sociale consulaire permanente, dont 3 500 personnes âgées et près de 1 500 personnes handicapées, soit, au total, une augmentation de la population assistée de 3 % par rapport à 2001. Le nombre de personnes rapatriées aux frais de l'Etat a fait un bond de 112 % en cinq ans !
Le montant des allocations a été revalorisé de façon significative, afin de pallier les conséquences d'un effet change/prix défavorable dans de nombreux postes.
Dans le même temps, à la suite du rapport de Mme Cerisier-ben Guiga, notre dispositif d'aide sociale a été adapté aux besoins : développement des aides à l'enfance, création de fonds de roulement pour l'avance des frais médicaux, amélioration des aides aux enfants handicapés, création à titre expérimental d'aides à l'insertion sociale et professionnelle. Des aides financières pour la formation professionnelle ou la création de micro-entreprises ont été expérimentées dans quelques consulats. Elles vont être étendues.
Enfin, l'enveloppe des subventions en faveur des sociétés françaises de bienfaisance a été revalorisée de 13 %. En 2002, près d'une centaine d'associations ont bénéficié d'une aide du département.
Parallèlement, nous menons une politique sociale plus active suivant trois axes : d'abord, l'évaluation équitable du montant des allocations servies aux personnes âgées et handicapées, avec la prise en compte plus juste du coût de la vie dans chaque pays ; ensuite, le développement des aides à la réinsertion de nos compatriotes en difficulté ; enfin, plus d'autonomie des postes consulaires dans la gestion de leurs aides sociales.
En ce qui concerne les retraités français des caisses africaines de sécurité sociale, MM. Del Picchia et Cantegrit l'ont dit, les intéressés rencontrent souvent des difficultés pour percevoir les pensions de retraite qui leurs sont dues par les caisses locales.
Nous intervenons, souvent en relais de vos propres démarches, messieurs les sénateurs, auprès des caisses africaines en négociant le transfert en France des cotisations versées localement. C'est ce qu'on appelle le droit d'option, il existe avec le Mali et la Côte d'Ivoire et il vient d'être négocié avec le Gabon ; il améliore sensiblement la situation des Français titulaires d'une pension africaine.
La question a été en partie réglée à Djibouti par l'utilisation de subventions d'ajustement structurelles de 1994 et 1997 pour payer les arriérés dus par l'Office de protection sociale.
La situation reste préoccupante au Cameroun, au Niger et au Congo et, dans une moindre mesure, au Tchad et en Centrafrique. Nous négocierons le droit d'option dès que possible.
Il reste que la meilleure garantie de nos compatriotes contre des défaillances de régimes étrangers de sécurité sociale est proposée par le système français de protection sociale sous la forme d'une adhésion à l'assurance volontaire vieillesse de la caisse des Français de l'étranger.
En dernier recours, nos compatriotes titulaires de pensions étrangères peuvent bénéficier, sous conditions de ressources, du minimum vieillesse s'ils résident en France et d'une allocation de solidarité différentielle s'ils vivent à l'étranger.
Mmes Pourtaud et Brisepierre, MM. Chaumont, Del Picchia, Durand-Chastel et Guerry, notamment, ont exprimé les préoccupations de la représentation nationale, des Français de l'étranger et des enseignants quant à l'avenir de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Madame Cerisier-ben Guiga, vous avez relayé avec force ces inquiétudes et vous vous êtes fait le porte-parole de l'ensemble de la commission des affaires étrangères. Le Gouvernement est particulièrement sensible à cette question et il s'emploie à apporter à ce problème une solution de fond.
Le réseau de l'enseignement français à l'étranger, qui scolarise chaque année près de mille enfants français supplémentaires, doit être préservé, et il convient de mener une réflexion sereine sur ses missions.
L'AEFE doit assumer pleinement sa mission de service public éducatif rendu à nos enfants à l'étranger et sa vocation de formation des élites tournées vers la France. Or nous avons trouvé, en prenant nos fonctions, une agence au bord de l'asphyxie financière, alors même que les enseignements dispensés sont de grande qualité.
Que proposons-nous ?
La réforme engagée du statut du personnel enseignant expatrié doit être menée à son terme. Le lien avec l'éducation nationale doit être raffermi, car cet ancrage est le garant de la qualité des enseignements. Il n'est pas exclu, même si je ne puis à ce stade l'affirmer, que l'éducation nationale soit appelée, en 2003, à contribuer au financement des bourses attribuées aux enfants des familles françaises nécessiteuses. Voilà l'amorce d'une réponse à M. Jacques Chaumont et ceux qui suggèrentl'élargissement du périmètre de financement de l'agence.
M. Guy Penne. On peut toujours rêver !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. De même, le maillage du réseau doit être examiné en prenant en compte les deux missions que je viens de rappeler. Nous n'avons pas vocation à nous substituer aux systèmes éducatifs nationaux ; nous ne devons pas nous maintenir là où nos établissements sont le legs de situations révolues.
Là où c'est justifié, nous ménagerons des financements transitoires et recourrons à des opérateurs reconnus, tels que la mission laïque, qui scolarise déjà vingt mille élèves dans soixante-huit établissements. Nous nous appuierons, bien sûr, sur les associations de parents d'élèves - je salue, à ce titre, l'engagement personnel, bénévole et précieux des membres de leurs bureaux - pour adapter sans heurts le réseau.
Il est évident qu'un tel plan - que nous sommes déterminés à mettre en oeuvre - ne peut être lancé dans la précipitation et sans concertation. Nous avons obtenu un aménagement de la mesure d'économie de 6,4 millions d'euros que prévoit le projet de loi de finances. Les 4 millions d'euros obtenus en loi de finances rectificative vont permettre de limiter la portée effective des économie à 2,4 millions d'euros seulement. Nous savons que l'Agence est bien gérée : un très récent rapport de la Cour des comptes vient de le confirmer.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Alors là, c'est bien ! (Sourires)
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Nous savons que l'Agence a fait des gains de productivité substantiels puisque, avec des effectifs en légère déminution depuis quelques années, elle accueille plus d'élèves, des enfants français notamment.
A la demande du ministre des affaires étrangères, la direction de l'Agence et sa tutelle vont proposer un plan stratégique d'adaptation du réseau qui se traduira non pas par des suppressions d'emplois, mais pas leur redéploiement là où notre présence éducative se justifie le plus. De même, lorsque nos établissements assument prioritairement une mission d'aide au développement, nous proposerons que les crédits de l'aide publique au développement prennent en tout ou partie le relais des financements de l'Agence. Ce pourrait être la préfiguration du contrat d'objectifs et de moyens que M. Jacques Chaumont propose pour tirer l'Agence du mauvais pas où elle se trouve.
Je voudrais à cet égard rassurer Mme Danièle Pourtaud : nous limiterons le recours à l'augmentation des droits d'écolage aux seules zones où le revenu moyen de nos concitoyens le permet effectivement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'aimerais que vous soyez convaincus qu'avec l'appui de M. le Premier ministre nous avons transformé une mesure aveugle d'économie en une démarche concertée d'adaptation du réseau de l'Agence. Il n'est pas question - je l'affirme avec la plus grande conviction - de sacrifier l'un des outils les plus pertinents et les plus efficaces de l'influence et du rayonnement de la culture française dans le monde.
Je voudrais enfin évoquer la contribution du ministère des affaires étrangères à la maîtrise des flux migratoires.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Ah !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. S'agissant des visas, nos consulats sont les premiers acteurs de la maîtrise des flux migratoires. L'examen des demandes de visas ne se limite toutefois pas à la seule mission de contrôle d'accès au territoire : soyez convaincus que cet examen a également pour but de faciliter la venue en France de ceux qui contribuent à la vitalité de nos échanges et de nos relations bilatérales. Les visas font pleinement partie de notre politique étrangère.
Les interrogations de MM. Chaumont et Branger sur l'insuffisance des moyens alloués à la fonction consulaire montrent combien vos rapporteurs sont conscients de son importance au sein de notre politique extérieure. Je voudrais souligner, à cet égard, que l'un des six chantiers ouverts par le comité de pilotage de la réforme du ministère est la revalorisation des métiers consulaires.
Les visas de moins de trois mois représentent 80 % du total des visas délivrés. Ils sont harmonisés dans le cadre des accords de Schengen. Dans ce domaine, la compétence nationale appartient au passé. Nos efforts communs, engagés lors du Conseil européen de Séville, sont également tournés vers le renforcement des mesures de sécurité liées aux menaces terroristes. A cet égard, nous comptons organiser rapidement avec le ministère de l'intérieur un partage de l'information sur les visas délivrés afin que ces derniers ne deviennent pas un moyen détourné d'immigration définitive.
Ce partage de l'information va permettre également de renforcer la lutte contre la falsification des documents d'identité. Nous travaillons sur ce point, en liaison avec la Commission européenne, à l'établissement de documents de voyage comportant des informations biométriques d'identification des personnes.
Notre réseau consulaire, c'est-à-dire 216 postes dans le monde, a enregistré près de 3 millions de demandes en 2001 et quelque 2,1 millions de visas ont été délivrés. La France est le pays de l'Union européenne qui reçoit, de loin, le plus de demandes.
Une douzaine de pays représentent à eux seuls près de la moitié des visas délivrés, au premier rang desquels on trouve l'Algérie, la Russie et le Maroc.
Cette activité mobilise des moyens humains et matériels importants. L'effectif total affecté à l'étranger représente 650 personnes, parmi lesquelles 236 expatriés et 316 recrutés locaux. Ce personnel est régulièrement formé. J'évalue le déficit actuel des effectifs dans ces services à quelque 80 agents : c'est une urgence à laquelle il faudra faire face sans tarder.
L'adaptation des locaux aux volumes d'activité et aux contraintes de sécurité, notamment en Afrique et en Chine, est également une nécessité. Le déploiement des moyens informatiques se poursuit ; l'ensemble du système sera équipé de la nouvelle version du « réseau mondial des visas » d'ici à juillet 2003.
La solution aux difficultés que rencontre le ministère dans le financement de cette activité stratégique réside sans doute dans l'extension du principe du paiement des services rendus. Au 1er janvier 2003, toutes les demandes de visas seront payantes, conformément aux règles communautaires. J'ai demandé que l'on étudie également les modalités du paiement des actes délivrés par le service central de l'état civil à Nantes et vous présenterai sans doute un projet en ce sens.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Je terminerai cet exposé par la réforme du droit d'asile, dont Dominique de Villepin a annoncé les grandes lignes le 25 septembre dernier.
Jacques Chaumont a réclamé plus de cohérence dans le dispositif de l'asile ; nous nous y employons.
La demande d'asile a triplé en trois ans en France. Notre pays est l'un des premiers pays d'accueil en Europe. Or l'allongement des délais de traitement des dossiers et le cumul des procédures ont détourné l'asile de son objet initial de protection, le transformant en vecteur d'immigration irrégulière. Il faut mettre un terme à ces dysfonctionnements.
La réforme doit permettre de raccourcir les délais d'instruction à deux mois maximum pour mettre fin aux maintiens injustifiés sur notre territoire. Elle repose sur un guichet unique, l'OFPRA, une procédure unique et un recours unique. La condition sociale des réfugiés va s'en trouver améliorée.
Le corollaire indispensable de cette réforme est la reconduite effective dans leur pays d'origine des étrangers déboutés du droit d'asile. Le ministère des affaires étrangères, dans le respect des conventions internationales et, le cas échéant, des accords passés avec les Etats d'origine, coopérera avec le ministère de l'intérieur afin que l'asile ne devienne pas un moyen détourné d'immigration irrégulière.
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les affaires étrangères. Très bien !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement soumettra ce projet de loi au Parlement au début du printemps 2003.
D'ici au 1er janvier 2004, le stock considérable de dossiers en attente va être résorbé et la gestion de l'OFPRA dynamisée pour améliorer sa productivité. Un contrat d'objectifs et de moyens avec sa tutelle concrétisera ces efforts de modernisation.
Les crédits ouverts pour l'OFPRA et la commission de recours des réfugiés augmentent donc de 24,6 % dans le projet de loi de finances pour 2003. A ces moyens supplémentaires s'ajoutent 6 millions d'euros obtenus dans le collectif budgétaire de la fin de l'année 2002. Ces moyens permettront de recruter quelque 180 agents supplémentaires et d'installer l'Office dans des locaux mieux adaptés à sa mission.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales orientations de ce premier budget, qui traduit déjà clairement nos ambitions de rayonnement, de solidarité et d'influence pour la France dans le monde.
J'en viens maintenant aux réponses que je souhaite apporter aux questions qui m'ont été posées sur certains aspects de notre activité diplomatique.
Permettez-moi de dire à M. Penne que le sourire, l'humour et la détermination sont des atouts qui renforcent mon travail.
En ce qui concerne la coopération franco-allemande, je peux vous assurer, monsieur Hoeffel, que le moteur franco-allemand tourne aujourd'hui « à plein régime ».
J'en veux pour preuve l'accord trouvé entre le Président de la République et le Chancelier, le 24 octobre dernier, en marge du Conseil européen de Bruxelles, sur le financement de la politique agricole commune. La France et l'Allemagne ont ainsi ouvert la voie de la conclusion, lors du Conseil européen de Copenhague, de l'élargissement de l'Union européenne.
Les ministres français et allemand des affaires étrangères, aujourd'hui membres de la Convention, ont déjà transmis à cette dernière deux contributions communes, l'une sur la défense, l'autre sur la justice et les affaires intérieures. Ces réalisations augurent bien du nouvel élan que nous entendons donner à la coopération franco-allemande dans le cadre du quarantième anniversaire du traité de l'Elysée.
A cette occasion se réunira une session commune de l'Assemblée nationale et du Bundestag à Versailles, devant laquelle le Président de la République et le Chancelier devraient exprimer leur vision commune de nos deux pays avançant ensemble pour l'Europe.
En tant qu'élu du Sud, je suis très attentif, pour ma part, à la politique euroméditerranéenne. Si je suis convaincu que l'Europe réussit et réussira, je sais aussi qu'elle doit se doter d'une véritable politique euroméditerranéenne. Nous devons tendre la main aux peuples du bassin méditerranéen, autour de cette mer Méditerranée appelée mare nostrum. (Applaudissements.)
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. S'agissant de votre question sur la charte européenne de l'autonomie locale, élaborée sous l'égide du Conseil de l'Europe pour renforcer le principe de la démocratie locale, je vous confirme que, ouverte à la signature en 1985 et entrée en vigueur en 1988, cette convention n'a pas pu être ratifiée par notre pays. Le Conseil d'Etat a en effet émis, le 5 décembre 1991, un avis négatif sur le projet de loi autorisant sa ratification. Il reste que la France applique déjà la plupart des dispositions prévues dans ce texte dans le cadre des lois de décentralisation et qu'un réexamen de cette question pourrait être envisagé à l'avenir.
S'agissant de la situation au Proche-Orient, évoquée en particulier par Mme Bidard-Reydet, permettez-moi de vous indiquer que la crise qui secoue aujourd'hui cette région doit être au coeur des préoccupations de la communauté internationale et mobiliser toutes nos énergies.
Sur le plan politique, tout paraît bloqué et nous sommes revenus à une situation bien pire qu'avant le processus d'Oslo. L'angoisse d'un côté, le sentiment d'injustice de l'autre, rendent les deux gouvernements incapables de se projeter dans l'avenir.
La communauté internationale doit donc se mobiliser davantage : les propositions de règlement discutées au sein du Quartet - Union européenne, Etats-Unis, ONU, Russie - sont bonnes. Il faut que la feuille de route vers le règlement du conflit discutée par le Quartet soit adoptée vers le 20 décembre.
Il faut cependant faire preuve de plus d'audace, parce que la crise irakienne rend plus que jamais indispensable le règlement du conflit israélo-arabe. Il ne doit pas y avoir deux poids, deux mesures au Moyen-Orient. En effet, seule une intervention extérieure forte peut amener Israéliens et Palestiniens à se diriger vers la coexistence dans la paix et la sécurité. La crise israélo-palestinienne est en outre emblématique des frustrations et des injustices du monde. En apportant une solution durable à cette crise, nous supprimerons un foyer essentiel d'instabilité dans le monde.
Mme Danielle Bidard-Reydet. C'est vrai !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. S'agissant précisément de la situation en Irak, sur laquelle MM. Dulait, Mathieu et Vallet ont attiré mon attention, la diplomatie française joue un rôle central depuis plus de deux mois : les objectifs de légitimité, d'efficacité et d'unité de la communauté internationale que la France s'était fixés ont prévalu. La résolution 1441, adoptée le 8 novembre 2002, respecte les prérogatives du Conseil de sécurité et entérine notre démarche en deux temps : l'automaticité du recours à la force ne figure pas dans la résolution et ce texte affirme clairement la détermination de la communauté internationale d'obtenir le respect par l'Irak de ses obligations en matière de désarmement. Il a été voté à l'unanimité des membres du Conseil.
L'Irak a accepté la résolution 1441 et coopère : les inspections ont repris le 27 novembre dernier et se passent bien jusqu'à présent.
Je précise qu'une intense mobilisation a permis ce résultat. Nous avons mobilisé notre réseau diplomatique auprès de nos partenaires du P5, des membres non permanents du Conseil et des pays arabes.
Pour l'avenir, la France entend continuer à jouer tout son rôle pour que la résolution soit mise en oeuvre. Elle doit pouvoir, notamment, affirmer pleinement sa présence dans les missions d'inspection. En termes de personnel, nous sommes le second contributeur à la mission d'inspection des Nations unies, après les Américains.
Enfin, s'agissant des zones de non-survol en Irak, que vous avez évoquées, monsieur Dulait, notre position n'a pas changé. Notre priorité aujourd'hui est la mise en oeuvre de la résolution 1441, qui prévoit qu'il appartient aux seuls inspecteurs de faire rapport au Conseil de sécurité en cas de manquement par l'Irak à ses obligations en matière de désarmement.
La France a par ailleurs fait valoir dernièrement que, dans la période actuelle, tout acte de la part de l'Irak susceptible d'aggraver la tension devrait être évité. Nous appelons l'Irak à assumer pleinement le choix de la coopération.
Permettez-moi de vous dire que la lutte contre le terrorisme ne souffre aucune faiblesse ni aucune complaisance. Nous devons continuer à faire preuve de la même détermination dans le combat que nous menons contre les organisations terroristes.
Monsieur Dulait, vous m'avez enfin interrogé sur la mission Amber Fox . L'OTAN a décidé de mettre fin à cette mission en Macédoine le 15 décembre prochain. Une présence militaire intérimaire sera néanmoins maintenue. L'OTAN procédera à l'examen de cette présence en février 2003, à la lumière des décisions prises par l'Union européenne. Par conséquent, l'option d'une relève par l'Union reste ouverte, conformément aux conclusions du Conseil européen de Bruxelles.
Il reste à finaliser les engagements entre l'Union européenne et l'OTAN sur la mise à disposition des moyens de l'Alliance pour une opération de l'Union. Les négociations à ce sujet se poursuivent sous l'égide du haut représentant, M. Javier Solana. Elles doivent respecter des lignes claires : le respect de l'autonomie de décision de l'Union européenne et la non-discrimination entre les membres de l'Union. C'est à l'aune de ces principes que nous examinerons les propositions qui nous seront faites, notamment dans la perspective du sommet de Copenhague.
Madame Bidard-Reydet, s'agissant de la Tchétchénie, la position française prend en compte la condamnation du terrorisme sous toutes ses formes, le respect de l'intégrité des frontières, y compris celles de la Russie, la vigilance sur les droits de l'homme - je rappelle la dernière démarche de l'Union européenne en la matière le 26 novembre, à Moscou - ainsi que la conviction qu'il n'y a pas d'autres solutions à ce conflit que politiques.
Cette position a été rappelée à nos interlocuteurs russes à tous les niveaux, dans le cadre tant des relations bilatérales lors du conseil franco-russe de coopération sur les questions de sécurité que du dialogue entre l'Union européenne et la Russie.
Monsieur Mathieu, vous m'avez interrogé sur l'Albanie, territoire que j'affectionne tout particulièrement.
J'ai pu constater, au cours d'un très récent déplacement, les efforts que les autorités albanaises ont accomplis pour contribuer à la stabilité et au développement de la région. Vous pouvez être assuré de l'attention que je porterai au suivi des projets de coopération entre la France et l'Albanie. Je tiens à cet égard à souligner à quel point ce pays a pu changer en moins de cinq ans.
Mesdames, messieurs les sénataeurs, je veux vous dire combien je suis honoré de contribuer, depuis six mois, auprès de M. le Président de la République, de M. Dominique de Villepin, de Mme Brigitte Girardin ainsi que de M. Pierre-André Wiltzer, à démultiplier la voix et l'action de la France à travers le monde. Que ce soit en Amérique latine, dans le sud du Caucase, en Asie centrale ou bien encore en Asie du Sud-Est, la France est sollicitée plus que jamais et nous devons être à la hauteur de ce défi.
Porteur d'une ambition pour l'Europe comme pour le monde, M. le Président de la République, par son autorité et par sa vision des grands enjeux de notre temps, a défini une politique étrangère d'action et de mouvement. Cette politique exige de nous un engagement plein et entier auquel je suis fier de participer, et je sais pouvoir compter sur votre soutien, notamment ce soir, mesdames, messieurs les sénateurs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant les affaires étrangères.

ÉTAT B