SEANCE DU 18 DECEMBRE 2002


LOI DE FINANCES POUR 2003

Discussion des conclusions du rapport
d'une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 96, 2002-2003) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2003.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s'est réunie le 12 décembre à l'Assemblée nationale pour examiner le projet de loi de finances pour 2003 est parvenue, à la suite d'un dialogue très constructif et très cordial, à un texte commun sur les soixante-quatre articles restant en discussion.
Mes chers collègues, l'expérience de ce bon dialogue nous fait oublier les séances si arides, si rapides et peu constructives de ces dernières années. Le changement mérite d'être salué dans cet hémicycle.
Il faut tout d'abord remarquer que la commission mixte paritaire a validé la quasi-totalité des apports du Sénat. Vous en trouverez le détail dans le rapport écrit ; je me bornerai donc à pointer les dispositions principales.
En premier lieu, je rappelle que le Sénat avait voté une série d'amendements sur les crédits des différents ministères pour tenter de réduire le déficit budgétaire. Nous voulions surtout, monsieur le secrétaire d'Etat, par cette démarche pédagogique, indiquer aux gestionnaires de crédits publics que, dans une période où les recettes sont incertaines, les dépenses doivent être tenues et contenues.
L'adoption de cette série d'amendements s'est traduite par une réduction globale - modeste à la vérité par rapport aux efforts déployés -, de 31 millions d'euros. Toutes les économies proposées ont été validées par la commission mixte paritaire, nos collègues de l'Assemblée nationale nous ayant apporté, dans cette entreprise difficile et ingrate, leur plein soutien et leur approbation sur le fond.
En second lieu, en termes de politique fiscale, les apports du Sénat dans le domaine de la fiscalité de l'épargne en période de crise ont été validés par la commission mixte paritaire, qu'il s'agisse du relèvement du seuil de cession des valeurs mobilières, de l'augmentation du plafond du plan d'épargne en actions, ou de la possibilité de reporter sur dix ans les moins-values sur valeurs mobilières. De même, les améliorations concernant la fiscalité de l'immobilier que nous avons proposées ont été validées, qu'il s'agisse des modifications apportées au régime du micro-foncier, de la réforme, avec le rendement budgétaire correspondant, des sociétés d'investissement immobilier cotées, de la « reliaison », des primes versées aux titulaires de plan d'épargne logement et du prêt immobilier, ou encore du relèvement de la déduction forfaitaire dont bénéficient les investisseurs en produit immobilier locatif dans le cadre de la loi Besson.
Ces apports, mes chers collègues, sont loin d'être négligeables ; ils constituent des retouches significatives en matière de fiscalité de l'immobilier.
En troisième lieu, dans le domaine de la fiscalité locale, la commission mixte paritaire a approuvé l'augmentation des crédits de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, de la dotation de solidarité rurale, la DSR, et du Fonds national de péréquation ; elle a également adopté l'amendement technique sur la déliaison des taux qui avait été initié dans cet hémicycle.
En quatrième lieu, la commission mixte paritaire a souscrit à une série d'apports de méthode, s'agissant du rapport sur la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, surtout, et de l'article qui initie un vrai processus de comptes consolidés des participations industrielles et commerciales de l'Etat.
Enfin, au titre des mesures diverses, l'amendement de M. Chérioux concernant l'application de l'avoir fiscal aux fondations reconnues d'utilité publique a été adopté. Les députés et les sénateurs se sont accordés sur de nombreuses mesures, telle l'affectation à la fondation du patrimoine d'une partie des produits résultant de la gestion des successions vacantes et sans maître. Une solution a également été apportée au problème, cher à notre collègue de la Haute-Marne, de la TVA due par les osiériculteurs-vanniers... L'inventaire serait long, je m'en tiendrai à ces quelques exemples.
Mes chers collègues, il convient à présent d'aborder les amendements que nous propose le Gouvernement sur les conclusions de la commission mixte paritaire. Pour la plupart, ce sont des amendements de coordination qui traduisent, dans le projet de loi de finances pour 2003, les conséquences des décisions prises dans la loi de finances rectificative, non encore arrivée à son terme, pour la fin de l'année 2002.
Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est une méthode que nous souhaitons saluer. Elle est très positive. C'est la première fois, à ma connaissance, du moins depuis dix ans que je suis les budgets, que l'on réalise cette coordination et que l'on ajuste le solde de la loi de finances de l'exercice n + 1 en fonction des votes intervenus lors de la discussion du collectif de la fin de l'année n . C'est un pas supplémentaire dans le sens de la sincérité et de la transparence. Nous ne pouvons naturellement que nous en féliciter.
La commission des finances a donc examiné ces amendements. Outre les coordinations avec nos votes, que je viens d'évoquer, ils visent à supprimer quelques scories rédactionnelles ou à lever des gages qui n'ont plus lieu d'être. Il s'agit enfin de constater que le jeu des dispositions prises dans le collectif de 2002 se traduit par une aggravation du déficit pour 2003 de 34 millions d'euros.
Telles sont, mes chers collègues, les quelques indications que j'étais en mesure de vous donner. Mais cet exposé, à la fois synthétique et comptable, est tout à fait insuffisant pour refléter l'excellent climat qui a régné à l'occasion de cette discussion budgétaire avec nos collègues de l'Assemblée nationale. Ce climat, j'en suis certain, présidera également, demain matin, aux travaux de notre dernière commission mixte paritaire de l'année, qui portera sur le collectif budgétaire de la fin de l'année 2002. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord excuser mon collègue M. Alain Lambert.
Je tiens à saluer, en son nom et au nom du Gouvernement, au terme du processus d'élaboration de ce projet de loi de finances, le travail parlementaire considérable effectué tout au long de ces trois mois et qui aura permis de transformer en loi le projet de loi de finances.
Ce travail s'est achevé, ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur général, par un succès de la commission mixte paritaire dont je me félicite. Le dialoque entre l'Assemblée nationale et le Sénat aura donc été marqué par la même qualité que le dialogue entre le Gouvernement et le Sénat.
Le nombre d'amendements adoptés par les deux chambres du Parlement s'élève, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur général, à 140 au total, hors seconde délibération. Le travail parlementaire a ainsi considérablement amélioré le projet initial, et le Gouvernement s'en félicite. J'observe notamment que le nombre des articles de la seconde partie a plus que doublé à l'issue des débats.
Je voudrais, à cette occasion, saluer tout particulièrement le travail de la commission des finances, de son président, Jean Arthuis, et de son rapporteur général, Philippe Marini, qui ont été présents tout au long de ces semaines de discussion budgétaire. Le talent et, surtout, le sens de l'Etat ne leur ont jamais fait défaut.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci !
M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Revenons quelques instants, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les principales lignes de force de ce projet de loi de finances.
Tout d'abord, ce projet est celui du respect des engagements pris devant les Français.
Engagement de redéploiement des crédits au profit des priorités du Gouvernement, tout d'abord : nul n'a pu, sur ce point, faire le moindre reproche au Gouvernement ; ce qui avait été annoncé a été mis en oeuvre.
Engagement, également, de libérer les énergies et de favoriser l'initiative et l'emploi : nous avons abaissé les charges des entreprises, nous avons achevé la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle et nous avons poursuivi la baisse de l'impôt sur le revenu engagée cet été.
Engagement, enfin, de transparence et de sincérité.
Je rappelle que nos recettes étaient, dès le projet initial du Gouvernement, très prudemment évaluées, puisque leur élasticité par rapport au taux de croissance prévisionnel s'établissait à 0,8. Nous avons fait des évaluations encore plus prudentes.
Je rappelle aussi que le Gouvernement a traduit, par amendement devant votre Haute Assemblée, les dernières informations résultant du collectif budgétaire de fin d'année. Cette démarche est à l'opposé des pratiques habituelles consistant à maintenir jusqu'au bout des évaluations datant de près de six mois, quelles que soient les évolutions de la conjoncture.
Je rappelle également que tous les postes de dépenses sources de dérapages potentiels ont été rebasés dans cette loi de finances, qu'il s'agisse des dotations sociales ou de la charge de la dette.
Au-delà des diverses autorisations qu'elle comporte, l'élément essentiel d'une loi de finances est son équilibre. Celui-ci s'établit, à l'issue de vos votes, à un niveau légèrement inférieur à 44,6 milliards d'euros. Le contrat que le Gouvernement doit passer avec vous consiste à faire sous ses efforts pour que cet équilibre soit respecté en exécution.
Cela me conduit à revenir sur la question de la régulation de 2003, dont le principe a été annoncé, là encore par souci de transparence absolue à votre égard, dès la présentation du projet de loi de finances.
La régulation a été pratiquée par tous les gouvernements, mais de manière opaque. Elle a été systématiquement pratiquée, parce que l'exécution d'une loi de finances est soumise à des aléas, tant sur les recettes que sur les dépenses, et que ces aléas doivent être financés. Elle débouche, pour partie, sur des annulations de crédits, lorsque les aléas se transforment en dépenses supplémentaires imprévues ou en pertes de recettes.
A ce propos, je veux appeler votre attention sur le fait que le montant des annulations hors dette effectuées ces dernières années mérite d'être relevé : 3,9 milliards d'euros en 1997, 3,3 milliards d'euros en 1998, 3,9 milliards en 1999 comme en 2000, 3,3 milliards, d'euros en 2001. Ces montants sont d'autant plus intéressants que ces années étaient, cela n'a échappé à personne, des années de bonne conjoncture économique.
La pratique n'est donc pas nouvelle. Ce qui est nouveau, en revanche, c'est, d'une part, d'opérer la régulation très tôt dans l'année afin de permettre aux gestionnaires de s'organiser et, d'autre part, d'y associer de manière systématique le Parlement en l'informant à l'avance. La régulation de cet été a été communiquée à votre commission des finances, celle qui interviendra dans le courant du mois de janvier lui sera également présentée.
L'aternative, en ce domaine, est extrêmement simple : soit le Gouvernement laisse les aléas de la gestion dégrader le solde bugétaire voté par le Parlement ; soit le Gouvernement prend des mesures pour assurer le respect de ce solde, comme le prévoit expressément la loi organique du 1er août 2001
Le Gouvernement accepte pleinement les travaux de la commission mixte paritaire. Les quelques amendements que vous examinerez tout à l'heure sont purement techniques ou de coordination.
A l'occasion de la discussion du collectif de fin d'année, le Gouvernement a accepté de nombreux amendements. Ces amendements auront nécessairement une incidence sur l'exercice 2003, de même que les différents dispositifs proposés dans le projet initial, notamment la décristallisation des pensions des anciens combattants. C'est pourquoi je vous proposerai dans quelques instants un amendement à l'article d'équilibre constatant, en dépenses et en recettes, des évolutions s'élevant à 37 millions d'euros au total. J'observe néanmoins que ce montant demeure inférieur à la somme des mesures améliorant le déficit votées par l'Assemblée nationale et le Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances. Grâce à ces mesures, le déficit budgétaire s'établit, même après la prise en compte du collectif, à un niveau inférieur à celui du projet initial du Gouvernement.
Les autres amendements du Gouvernement tendent à lever les gages qui subsistent ou à apporter des coordinations techniques.
Le Gouvernement, sous réserve des ces amendements techniques, vous demande d'adopter sans aucune réserve le texte issu des travaux de votre émis commission mixte paritaire. Vous confirmerez ainsi l'ensemble de vos votes émis ces dernières semaines et vous donnerez à notre pays le budget dont il a besoin et que les Français attendent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous devons examiner les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2003 tel qu'il ressort des deux lectures effectuées par nos deux assemblées : soixante-quatre articles du projet de loi de finances, qui a singulièrement gonflé pendant la navette, étaient au coeur de la réunion de la commission mixte paritaire ; quarante-trois articles sont rédigés dans la forme voulue par le Sénat.
Chers collègues, je me pose une question : le Sénat serait-il devenu le fer de lance de la politique du Gouvernement ?
Le contexte politique ayant profondément changé, le même groupe parlementaire dispose de la majorité dans les deux chambres. L'UMP peut décider sans obstacles, des choix faits par le Gouvernement, ce qui pose d'ailleurs le problème du rôle du Parlement dans le débat budgétaire. L'appel, trop souvent entendu, au retrait systématique de tout amendement, notamment de l'Union centriste, est là pour le prouver.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quel est le rapport ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Peu d'amendements d'importance ont été retenus. L'UMP a bien travaillé pour devancer, renforcer et aggraver les choix du Gouvernement. Pour nous, ces choix n'ont rien à voir avec la manière dont les Français vont payer des impôts - de façon d'ailleurs inéquitable -, rien à voir non plus avec la manière dont ces impôts vont être utilisés.
Je vais citer quelques exemples. Nous avons droit, entre autres, à une série de mesures, toutes plus injustes les unes que les autres fiscalement et socialement, sur la défiscalisation des investissements boursiers.
On observera avec intérêt que l'on relève de 12 000 euros au-dessus de 120 000 euros - c'est-à-dire de 800 000 francs d'épargne ! Le plafond de placement sur les plans d'épargne en actions et que l'on décide de pénaliser les dénouements anticipés des futurs plans d'épargne logement en conditionnant le versement de la prime d'Etat à l'acquisition effective d'un logement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certes !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le problème est que l'on sait pertinemment, monsieur le président de la commission des finances, que l'on ne s'adresse pas tout à fait aux mêmes épargnants et que la manière de frapper ainsi les petits épargnants... M. Philippe Marini, rapporteur général. Petits, petits !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voyons madame Beaudeau !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... et que la manière de frapper ainsi les petits épargnants disais-je, parfois contraints de liquider leur PEL pour des nécessités financières immédiates, est parfaitement inéquitable par rapport à la sollicitude dont vous entourez, monsieur le rapporteur général, tous les apprentis sorciers de la spéculation qui enregistrent des pertes boursières en raison de la chute du CAC 40.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous préférez, madame, les placements subventionnés par l'Etat !
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est la même logique qui a conduit le Sénat à aménager encore plus le dispositif de soutien à l'investissement immobilier des particuliers, montrant, là encore, que l'on préfère défendre les intêrets des propriétaires bailleurs de logement que ceux des primo-accédants à la propriété.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les intérêts des employeurs du secteur du bâtiment !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Dans un autre ordre d'idées, je relève que les réductions de crédits votées au Sénat ont finalement été validées par la commission mixte paritaire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est si peu !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Elles frappent pourtant très précisément des dépenses socialement utiles, comme le financement des tarifs sociaux dans les transports parisiens, la dotation de fonctionnement des universités...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas la dotation de fonctionnement, les réserves des universités !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... ou encore les crédits destinés à l'enrichissement du patrimoine de la nation.
Et les coupes claires opérées dans les crédits affectés aux droits des femmes et à la lutte contre la toxicomanie - alors même que nous allons débattre ici, demain matin, d'une proposition de loi réprimant l'usage des stupéfiants au volant - ont été quelque peu corrigées par la commission mixte paritaire sans être remises en question dans leur principe.
Si l'on poursuit l'analyse du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, on observe encore des mesures d'allégement de la contrainte fiscale pesant sur les contribuables en redressement. Une autre mesure soulève une profonde inquiétude : elle figure à l'article 59 quater relatif à la redevance d'archéologie préventive due par les aménageurs et par les promoteurs immobiliers.
Il est évident que les dispositions concernées n'ont pas été guidées par le souci de respecter l'intérêt général, ce qui devrait être, par principe, le bien-fondé de la loi. Elles découlent uniquement de considérations de caractère local et circonstanciel.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dépenser moins d'argent public, ce n'est pas aller contre l'intérêt général !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le cadre juridique dans lequel évolue actuellement la profession a peut-être quelques imperfections, mais pourquoi une telle précipitation sans aucune concertation avec la communauté scientifique concernée ?
Pour notre part, nous sommes persuadés que les dispositions prévues vont à l'encontre du développement économique et d'un aménagement du territoire respectueux du patrimoine national.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le développement économique par les fouilles !...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il est regretable de ne pas avoir eu communication des conclusions de la mission d'évaluation commanditée par M. le ministre de la culture, alors que le développement de cette activité est essentiel pour que les Français aient connaissance de leur propre patrimoine et de leur propre histoire.
En outre, le projet de loi de finances pour 2003 demeure étroitement placé sous la surveillance du MEDEF,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pourtant il n'est pas content !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... dont de nombreuses revendications ont été sagement entendues, et il est guidé par des préoccupations idéologiques étroites, favorisant les ménages aux revenus les plus importants et les comportements financiers prédateurs au détriment de l'emploi, de la dépense publique utile et de la croissance. Enfin, il semble bien que l'hiver soit la saison des grands gels.
En effet, la presse nationale s'est fait l'écho de l'annonce d'un gel des crédits à hauteur de 3 milliards à 5 milliards d'euros dès la promulgation de la loi, ce qui correspond à peu près au volume des mesures nouvelles des dépenses civiles prévues par le présent projet de loi de finances.
On en connaît les implications concrètes : on repousse l'ouverture des chantiers de construction de logements, on repousse la date de nomination des nouveaux fonctionnaires ayant réussi les concours externes, on noie dans les procédures les demandes de subvention des associations, on prive les plus démunis de l'attribution de leurs allocations : voilà ce que signifie le gel de la dépense publique !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est Zola !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cette politique, on le sait, est validée par la majorité sénatoriale, qui voit là, en général, un exercice courageux de révision des services votés.
Pour notre part, nous n'y voyons que la manifestation du plus parfait mépris à l'encontre de la représentation parlementaire et de l'absence d'écoute des besoins de la population, ce qui est, en définitive, le plus important.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après avoir clairement exprimé ces observations, je vous indique que le groupe communiste républicain et citoyen votera contre l'ensemble du projet de loi de finances pour 2003.
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention portera sur l'archéologie préventive, sujet qui nous préoccupe tous, me semble-t-il, et qui a fait l'objet de discussions au Sénat.
En première lecture de ce projet de loi, les sénateurs socialistes avaient déposé un amendement de suppression de l'article 59 quater, et je dois saluer la sagesse du Sénat, qui avait considéré qu'il était nécessaire de supprimer cet article et de s'en tenir à la loi de 2001.
Vous connaissez la suite et les différents épisodes qui se sont succédé. L'affaire avait commencé ici, un soir, à l'occasion du débat sur la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU : le Gouvernement avait tenté de s'opposer à une disposition que le Sénat, à l'époque, avait estimé utile de mettre en place.
Toujours est-il qu'après une série d'aller et retour nous nous trouvons ce soir devant une situation que je trouve désolante et inquiétante.
Tout à l'heure, à l'Assemblée nationale, M. le secrétaire d'Etat a proposé un amendement de sagesse visant à repousser l'application du dispositif de réduction de 25 % des redevances d'archéologie préventive, prévu par la commission mixte paritaire, de façon à nous laisser le temps de mettre au point les améliorations nécessaires.
Finalement, l'amendement du Gouvernement n'a pas été adopté par l'Assemblée nationale, si bien que nous nous trouvons devant cet accord de la commission mixte paritaire qui, partant d'un abattement de 50 % des redevances, a négocié un accord au terme duquel la réduction a été portée à 25 %.
Vous avez peut-être rencontré, les uns et les autres, les archéologues, les représentants de l'Institut national de recherche d'archéologie préventive, l'INRAP. Ces aller et retour, ces discussions, ces marchandages autour des redevances, alors même que nous devons traiter de vraies questions, sont du plus mauvais effet. On a l'impression que personne ne prend vraiment au sérieux l'archéologie préventive, alors qu'en fait tel n'est pas le cas. Je ne ferai pas l'injure au Sénat de dire qu'il considère que ce n'est pas un vrai sujet. Dans ce domaine, la France a des références. Elle a une politique, qui est ancienne.
La loi actuelle représente incontestablement un progrès. Elle a été l'objet de nombreuses discussions. Son article 14 prévoyait qu'on évaluerait les mécanismes et qu'on en reparlerait au bout de six mois. Les décrets d'application ont été publiés voilà à peine six mois. Et l'on a assisté à ce jeu d'aller et retour entre l'Assemblée nationale et le Sénat d'amendements et de réductions de crédits.
Je trouve que cette affaire est désolante et sur le plan de la méthode et sur le plan du contenu.
Il est sûr que les élus, puisque je parle en cette qualité, et non pas en tant qu'aménageur, éprouvent un certain agacement, pour ne pas dire plus, à l'égard des délais et des coûts : les délais sont trop longs et les coûts trop élevés ; ils sont également injustes.
En milieu rural, notamment, les coûts sont trop élevés parce que les critères de calcul n'ont sans doute pas été suffisamment étudiés. Mais proposer brutalement un abattement systématique de 50 % ou de 25 % sur toutes les redevances, cela n'a pas de sens, car, justement, les coûts sont trop élevés ici, et pas assez là. Ce ne sont pas des dispositions de ce type qui régleront le problème.
En outre, cela ressemble à une provocation à l'égard de l'INRAP. Il ne faut tout de même pas oublier que cet institut emploie environ 1 500 personnes et que son fonctionnement nécessitera bientôt 1 milliard de francs. Or, un beau jour, on diminue ses crédits de 25 % ! Si l'on veut réduire les délais et améliorer le fonctionnement du dispositif, c'est la pire des solutions, monsieur le secrétaire d'Etat !
J'entends de nombreuses louanges sur la concertation, tout le monde se félicite du travail effectué. Je suis d'accord ! Mais, je vous le dis très solennellement : je trouve désolant que, sur un sujet aussi essentiel, on prenne une telle mesure. Je n'accuse pas le Gouvernement puisque, manifestement, vous avez voulu éviter cette situation, monsieur le secrétaire d'Etat, mais vous n'y êtes pas parvenu. Le Sénat avait eu la sagesse d'envisager d'en parler de nouveau dans quelque temps. Or, ce soir, nous sommes saisis d'une disposition désastreuse. Je connais bien ce monde-là : je pense que c'est une quasi provocation, je le répète, et que cela va créer des difficultés. Des manifestations ont eu lieu devant le ministère de la culture, dont je connais la position, comme vous sans doute.
Alors que tout le monde parle de concertation, de dialogue et se félicite des bonnes méthodes qui ont été utilisées cette année, franchement, cette situation est regretable et je la déplore vivement.
Telles sont les remarques que je souhaitais vous adresser ce soir, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Je serai bref.
Madame Beaudeau, il n'est plus temps de réouvrir ce débat : nous l'avons eu tout au long de la discussion budgétaire. Au travers de vos propos, je mesure les différences qui nous opposent en termes de philosophie et de politique économique, et cela explique, bien entendu, que nous aboutissions à des conclusions très différentes.
Vous ne pouvez pas dire, de manière aussi affirmative, que notre politique se réduirait à favoriser tel ou tel ménage aisé, ni nous expliquer que, ici ou là, nous conduirions une politique pour les uns et pas pour les autres. C'est une vision très caricaturale des choses !
Je rappellerai simplement, à l'instar de M. le rapporteur général, que l'ensemble de la politique économique et le budget sont tout à fait cohérents : nous voulons financer par priorité la sécurité, la justice et la défense - domaines régaliens - et procéder à une baisse des prélèvements, qu'il s'agisse des impôts ou des charges sociales, pour favoriser le pouvoir d'achat et l'emploi. Bien entendu, nous aurons d'autres rendez-vous dans ce domaine tout au long de cette année 2003.
Monsieur Dauge, vous avez évoqué l'archéologie préventive. Je sais combien vous connaissez ce sujet. Je me contenterai donc simplement d'apporter quelques précisions.
Le Gouvernement est très attaché à la préservation du patrimoine et je considère que c'est également le cas de l'ensemble de la représentation nationale, à savoir l'Assemblée nationale et le Sénat, et ce, je crois pouvoir le dire, toutes tendances politiques confondues.
L'archéologique préventive a pour ambition d'assurer le recueil des éléments de notre patrimoine qui, enfouis, risqueraient d'être détruits à l'occasion de travaux d'aménagement et de construction.
De ce point de vue, la France doit, bien sûr, respecter la convention de Malte. Pour autant, le Gouvernement a considéré, comme le Parlement et comme les élus locaux, que la loi du 17 janvier 2001 sur l'archéologie préventive comportait un certain nombre d'incohérences. J'en rappelle au moins trois.
Tout d'abord, les modalités de calcul de la redevance, qui est payée par l'aménageur ou les collectivités locales, se traduisent par des charges souvent excessives, notamment en zones rurales. Tous les élus de cet hémicycle savent que cela peut conduire à bloquer des projets d'aménagement parfois essentiels pour l'intérêt général.
La deuxième source d'incohérence tient au fait que le dispositif prévu dans la loi de 2001 ne permet pas de confronter le prescripteur des fouilles, le préfet, l'opérateur des fouilles, l'INRA, et l'aménageur ou la collectivité.
Enfin, la troisième source d'incohérence du système est liée à une absence globale de maîtrise et de régulation.
Une réflexion de fond est indispensable pour remédier à cette situation. Comme vous le savez sans doute, dès le mois d'octobre dernier, le ministre de la culture et de la communication, Jean-Jacques Aillagon, a diligenté une mission d'expertises et de propositions de réforme de la loi sur l'archéologie préventive. Cette mission s'achève et ses conclusions vont être rendues publiques. Elles permettront au Gouvernement de déposer sur le bureau des assemblées, dès les premières semaines de l'année 2003, un projet de loi réformant la loi du 17 janvier 2001 de façon globale, maîtrisée et équitable.
Il est vrai, vous l'avez rappelé, que l'amendement proposé par le Gouvernement n'a pas été retenu. Il n'en demeure pas moins que nous avons à coeur de travailler en profondeur sur un tel sujet. En effet, il touche, je le répète, nombre de ceux qui sont directement concernés par les questions locales, questions qui, je tiens à le réaffirmer devant le Sénat, ne sont ni médiocres, ni aléatoires, ni circonstancielles. Elles relèvent tout autant de l'intérêt général, car l'intérêt général peut être local ; chacun doit en avoir conscience.
C'est dans cet esprit que travaille le Gouvernement, animé par une volonté de concertation que vous avez bien voulu rappeler.
Le Gouvernement s'appuiera sur les conclusions de cette mission, afin d'être en mesure de présenter très rapidement au Parlement un dispositif d'ensemble cohérent, maîtrisé, qui prendra en compte toutes les préoccupations, aussi bien la préservation du patrimoine que les dysfonctionnements du système actuel qui ont été dénoncés par un certain nombre de parlementaires.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements ayant reçu l'accord du Gouvernement.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire.