M. Gérard Larcher, ministre délégué. M. Godefroy sait bien d'ailleurs que ce point figure dans l'un des contrats d'objectifs et de moyens que nous avons signés avec vingt et une des vingt-deux régions métropolitaines.

Enfin, monsieur le président, parce que c'est un moment important du débat, je souhaiterais, comme le président de la commission des affaires sociales et le rapporteur, prendre du temps pour répondre aux orateurs.

Tout d'abord, monsieur Mercier, je souhaiterais vous rappeler que l'article portant sur le contrat première embauche a été largement et longuement débattu à l'Assemblée nationale et qu'il a fait l'objet d'un vote. Je peux vous dire, pour avoir contribué à animer les débats pendant quarante-trois heures trente, que nous en avons longuement discuté !

M. Michel Mercier. Vous vous êtes entraîné !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ensuite, concernant le dialogue social, je voudrais souligner combien il est difficile d'aborder la question des jeunes. Michel Rocard, parlant il est vrai des retraites, estimait qu'il fallait du courage à un gouvernement pour s'emparer de certains sujets.

M. Roland Courteau. Ce n'est pas comparable !

M. Roland Muzeau. Nous l'avons eu, ce courage !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est également vrai de la jeunesse, qui semble un sujet tabou : les problèmes sociaux des seniors bouleversent moins, car, même s'ils sont graves, les dispositifs de préretraite « maison », l'allocation spéciale du Fonds national de l'emploi, l'allocation de solidarité spécifique et autres, font qu'ils sont moins difficiles à appréhender pour notre société.

En revanche, parler du problème des jeunes exige une bonne dose de courage. Quand, le 30 juin 2004, Jean-Louis Borloo et moi-même avons demandé aux partenaires sociaux de parler de la situation au travail des jeunes comme de celle des seniors, certaines questions étant intergénérationnelles - il n'y a pas, d'un côté, le problème des jeunes et, de l'autre, celui des seniors, mais une conception globale de l'activité et de la solidarité intergénérationnelle dans notre société - je dois dire que nous avons rencontré un succès modéré.

Le Premier ministre est particulièrement attentif au dialogue social et, d'ailleurs, le 12 décembre, venu en personne devant la Commission nationale de la négociation collective, il a déclaré qu'il nous fallait aujourd'hui, entre les temps économiques et les temps du dialogue social, trouver le bon rythme. Il a donc chargé Jean-Dominique Chertier de lui remettre un rapport sur le dialogue social, en amont des décisions, rapport dont le contenu sera connu à la fin du mois de mars.

Enfin, concernant le droit, il convient de se rappeler que, chaque année, plus de 100 000 dossiers relatifs à des ruptures de CDD ou de CDI sont pendants devant les conseils de prud'hommes, ce qui signifie que le CDI n'est pas une espèce de garantie généralisée.

Je ne m'attarderai pas, monsieur Bel, sur le contentieux devant les prud'hommes, préférant, puisque vous avez soulevé la question, vous répondre en quelques mots sur le nombre de contrats.

Pour comparer ce qui est comparable, étant précisé que je parle de contrats portant affiliation à l'UNEDIC, c'est-à-dire de contrats en secteur marchand, il faut savoir qu'il y avait, au troisième trimestre 2001, 15 734 300 contrats et que, à la fin du troisième trimestre 2005, on en dénombrait 15 982 900, soit 250 000 de plus.

Si la période a été moins faste en termes de création, ces chiffres qui émanent de l'UNEDIC attestent que nous n'avons pas régressé.

J'aurai l'occasion, au cours du débat, de comparer le contrat de professionnalisation et la proposition de contrat sécurité formation, que vous avez évoquée. Vous pourrez ainsi constater qu'un certain nombre de redécouvertes valent bien une première découverte et la mise en oeuvre du contrat de professionnalisation.

Je voulais remercier Mme Procaccia d'avoir fait justice d'un certain nombre de contrevérités touchant aux droits nouveaux et à la sécurisation des parcours.

Monsieur Muzeau, je vous ai répondu à la fois sur le droit syndical et sur l'indemnité de fin de CPE, qui est identique à celle du CDD.

Pour sa part, M. Fischer a évoqué la règle des 33 % : si nous obtenons un tel pourcentage d'emplois nouveaux réellement créés, monsieur Fischer, je ne ferai pas la fine bouche !

Je répondrai à Mme Le Texier, et par là même à Mme Tasca, sur un sujet tout à fait essentiel, celui du logement des jeunes, en évoquant le rapport que m'a adressé l'Union des foyers de jeunes travailleurs. Il en ressort que 13,5 % de l'ensemble des jeunes logés dans ces foyers travaillent en CDI à plein temps. Croire que c'est une situation de rêve...

Mme Hélène Luc. Personne n'a jamais dit cela !

M. Gérard Larcher, ministre délégué... est une illusion : c'est la galère, et nous entendons y mettre un terme!

J'ai parlé du LOCA-PASS, mais il faut savoir qu'entre 1995 et 2004 le nombre de places en foyers de jeunes travailleurs a diminué : nous en comptons aujourd'hui 40 000, contre 50 000 en 1995.

L'objectif que nous fixe le Premier ministre pour 2006 et 2007 est d'augmenter ce parc. Certes, un certain nombre de foyers ont été modernisés,...

Mme Hélène Luc. Certains ont été construits par les régions et les départements !

M. Gérard Larcher, ministre délégué... mais le logement des apprentis dépend lui aussi de l'effort exceptionnel consenti pour le logement des jeunes. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre nous a confié, à Jean-Louis Borloo et à moi-même, le soin de signer cette année une convention ayant pour objectif de créer 20 000 places supplémentaires en foyers de jeunes travailleurs.

M. Guy Fischer. Personne n'en veut !

M. Roland Muzeau. À droite !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ce n'est pas exact ! Pour avoir visité un certain nombre de ces foyers, je peux vous dire qu'il faut rendre hommage à l'accompagnement qui y est assuré : l'image simpliste que vous en donnez ne correspond pas à la réalité !

J'ai évoqué, madame Tasca, la consolidation. Monsieur Sueur, je veux vous indiquer que notre démarche est bien fondée sur la confiance.

Monsieur Godefroy, les jeunes attendent non plus des paroles - il n'y en a eu que trop depuis vingt ans - mais bien des actes et une nouvelle chance.

En droit, aux termes de la convention n° 158 de l'OIT, la notion de qualifying period correspond bien à la phase de consolidation, notion que le Conseil d'État a d'ailleurs validée en ce qui concerne le CPE.

Il est vrai, monsieur Assouline, que le modèle de Boulogne-Billancourt n'est plus celui d'aujourd'hui ! À nous d'inventer un nouveau modèle social, adapté à la fois aux réalités du marché du travail et à la sécurisation du parcours professionnel tout au long de la vie.

M. Roland Muzeau. Alors, que faites-vous avec le CPE ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Or c'est la majorité actuelle qui a sans doute réalisé le plus grand progrès pour la sécurisation des parcours professionnels avec le droit individuel à la formation ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Vous pouvez protester, c'est la réalité !

Mme Catherine Tasca. Comment justifiez-vous la suppression du motif ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Mme Voynet a évoqué l'alternance. En fixant des seuils de 1 %, 2 % et 3 % pour les entreprises de plus de 250 salariés, nous demandons aux entreprises - qui avait osé le faire ? - de participer à la formation et à l'entrée dans l'emploi des jeunes. Par cette mesure, nous compterons, en 2009, plus de 700 000 jeunes en formation soit en contrat d'apprentissage, soit en contrat de professionnalisation. C'est probablement la meilleure garantie qui puisse être apportée.

Je rappellerai simplement à M. Mélenchon, qui n'est plus là,...

Mme Hélène Luc. Mme Procaccia est également partie, mais vous ne l'avez pas fait remarquer !

M. Roland Muzeau. Cela manque d'élégance !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...quelques données en matière de chômage. Ainsi, trois ans après leur sortie du système éducatif, parmi la génération 2001, 39 % des jeunes non qualifiés étaient chômeurs, contre 14 % des titulaires d'un CAP ou d'un BEP, et 9 % des diplômés de troisième cycle ou des grandes écoles.

Voilà pourquoi le combat pour la professionnalisation est le bon, et c'est celui que nous engageons ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Monsieur Marc, je pense vous avoir en partie répondu sur le CNE.

Mme Catherine Tasca. Une question demeure : comment justifiez-vous la suppression du motif ?

M. le président. Madame Tasca, je vous en prie ! Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous en reparlerons, madame Tasca. !

Enfin, la démonstration de Mme Le Texier selon laquelle il y avait peu de chômage chez les jeunes m'a paru singulièrement paradoxale et ne correspond pas à la réalité ; j'aurai l'occasion d'y revenir. Depuis vingt-cinq ans, malheureusement, le taux de chômage chez les jeunes de seize à vingt-six ans est assez dramatique,...

M. Alain Gournac, rapporteur. Dramatique !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...mettant en cause la cohésion sociale et la solidarité entre les générations dans notre pays.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d'excuser la longueur de mon propos, mais l'enjeu est majeur et je voulais, au nom du Gouvernement, répondre aussi précisément que possible aux questions des orateurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Dix-huit orateurs se sont exprimés sur l'article, dont seize émanant des groupes de la gauche de la Haute Assemblée, et deux seulement de la majorité. Nos collègues doivent être satisfaits. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Nous allons aborder l'examen des amendements.

Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 146 rectifié est présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz,  Demontès,  Alquier,  San Vicente et  Schillinger, MM. Cazeau,  Madec,  Bel,  Assouline et  Bodin, Mme Cerisier-ben Guiga, M. C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche,  Mélenchon,  Peyronnet,  Repentin,  Ries,  Sueur et  Frimat, Mme Tasca, M. Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 273 rectifié est présenté par MM. Delfau,  A. Boyer,  Baylet,  Collin,  Fortassin,  Alfonsi et  Vendasi.

L'amendement n° 440 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet.

L'amendement n° 648 est présenté par MM. Muzeau,  Fischer et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 146 rectifié.

Mme Raymonde Le Texier. Dans la grande bataille qui est au coeur de la mondialisation, entre ceux qui veulent réduire les protections des salariés et ceux qui veulent les ajuster et les renforcer, vous avez choisi votre camp. Vous avez choisi de vous en prendre au coût du travail, à la durée du travail, à la protection et à la représentation du travail, s'agissant notamment des salariés de moins de vingt-six ans, qui ne comptent plus dans le calcul des seuils déterminant la représentation du personnel. La ligne de clivage qui nous sépare intrinsèquement justifie l'opposition de fond qui nous mobilise aujourd'hui.

Si nous devions vous suivre, la réponse, paradoxale, qu'il serait juste d'apporter à la précarisation des conditions de vie serait une précarisation accentuée des conditions de travail, et la meilleure façon, non moins paradoxale, de favoriser l'entrée des jeunes les plus fragiles dans l'entreprise serait justement d'en faciliter l'exclusion.

C'est une politique qui réduit consciencieusement, concrètement, les droits des salariés, la place de la négociation collective et la portée de la norme sociale. Et c'est bien dans ce cadre et sous cet éclairage qu'il faut examiner le CNE comme le CPE, que l'on pourrait ainsi résumer en quelques mots : « moins de droits pour moins d'emplois », c'est-à-dire un recul pour les droits, mais sans le moindre progrès pour l'emploi. Voilà le slogan que nous pourrions attacher à la réforme que vous nous proposez !

S'il ne fait aucun doute que les résultats du CNE et les perspectives du CPE ont bien pour conséquence inéluctable de retirer aux salariés embauchés les protections que leur garantit aujourd'hui le code du travail, on peut en revanche exprimer les plus grandes réserves sur l'efficacité pour l'emploi de ces mesures.

Non seulement le passé ne plaide pas pour vous, non plus que votre bilan, et, de l'avis même de tous les économistes, les effets d'aubaine et de substitution seront massifs, mais, surtout, votre dispositif révèle une erreur de diagnostic, un vice de conception. Vous semblez persuadés que c'est le niveau de protection de l'emploi qui freine l'embauche, alors que celui-ci est en réalité la condition de la cohésion sociale et, par conséquent, de l'efficacité économique.

Le contrat première embauche ne peut être examiné indépendamment de la politique que vous avez conduite et qui vise à favoriser une dérégulation de plus en plus poussée du marché du travail.

C'est en effet un autre modèle social qui se dessine progressivement au travers des différentes législations que vous avez fait approuver par cette assemblée depuis quatre ans et, plus encore, depuis l'installation du gouvernement de M. de Villepin, selon une méthode aussi éprouvée que contestable.

Votre dernière initiative est de proposer aux jeunes de moins de vingt-six ans un véritable contrat disciplinaire puisque, pendant deux années, ils seront susceptibles d'être licenciés à tout moment et sans motif. Compte tenu du marché de l'emploi, des difficultés que rencontre tout un chacun pour trouver un travail, gageons que les jeunes recrutés en CPE ne s'autoriseront pas à réclamer le paiement de leurs heures supplémentaires et encore moins à prendre contact avec un syndicat, par crainte d'être licenciés !

M. Roland Courteau. C'est exact !

M. Christian Cambon. N'importe quoi !

M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas défendre les jeunes, c'est les prendre pour des imbéciles !

Mme Raymonde Le Texier. Cette loi est censée être une réponse aux émeutes qui ont secoué nos banlieues ; gageons qu'elle sera source d'amertume plus que de promesse d'avenir.

Encouragés par le MEDEF, mois après mois, vous brûlez le code du travail, page après page. Nous refusons que les jeunes deviennent les otages de votre idéologie. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Delfau, pour présenter l'amendement n° 273 rectifié.

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention et je voudrais, partageant pour partie le constat du chômage des jeunes, que nous replacions ensemble ce débat dans le contexte national et dans l'histoire du droit social ; il le mérite !

L'initiative du Gouvernement en faveur du CPE à l'Assemblée nationale fut brutale : elle s'est passée, de la part du Premier ministre, de toute concertation avec les partenaires sociaux.

M. Roland Courteau. À la hussarde !

M. Gérard Delfau. Mais, après tout, le sujet est tellement grave que le Gouvernement peut, dans certains cas, tenter de forcer la route.

L'opinion publique, dès le départ, fut sceptique, mais elle est devenue progressivement très majoritairement défavorable, au point d'ailleurs que, selon les commentateurs politiques, elle reproche désormais au Premier ministre cette initiative et pressent que le contrat première embauche constitue un danger, un risque pour la nation.

Elle en mesure les conséquences prévisibles : la précarité ne sera pas supprimée, elle sera généralisée et légalisée, mais seulement pour les jeunes de moins de vingt-six ans. Il s'agit donc bien d'une discrimination à l'encontre de notre jeunesse et, bien évidemment, d'abord celle qui est issue des couches les plus pauvres de la nation.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Gérard Delfau. L'effet d'aubaine, que vous connaissez bien, monsieur Larcher, en tant que ministre délégué au travail, sera forcément généralisé. Il est même prévu, au sein de cet article, un alinéa extraordinaire aux termes duquel le même employeur pourra, au bout de trois mois, signer un nouveau CPE avec le même jeune !

M. Roland Courteau. Un premier CPE, puis un deuxième CPE...

M. Gérard Delfau. C'est une incitation claire à ce que ce système remplace très rapidement le CDD et, surtout, le CDI. Manifestement, avec le CPE, une étape supplémentaire est franchie vers la disparition pure et simple du CDI.

Je lisais ces jours-ci dans la presse que l'Allemagne - qui s'était quelque peu moquée de nos débats sur le SMIC, voilà une quinzaine d'années, les partenaires sociaux estimant qu'ils n'avaient pas besoin de telles garanties pour assurer la cohésion sociale et l'efficacité économique - s'oriente désormais vers une forme de salaire minimum, reconnaissant justement la nécessité d'offrir une sécurité au salarié.

Telles sont les raisons pour lesquelles l'opinion publique est de plus en plus hostile. Elle sait que l'embauche dépend en premier lieu de la croissance, c'est-à-dire du climat créé par l'économie internationale et par la politique du Gouvernement.

L'opinion publique sait que le recrutement dépend aussi du niveau de qualification. Et l'Allemagne, que vous avez évoquée, se caractérise précisément par sa capacité à conduire ses jeunes à un haut niveau d'éducation générale, combinée avec un itinéraire de formation en alternance.

Voilà pourquoi, à la perplexité puis à l'hostilité de l'opinion publique s'ajoute de plus en plus - nous l'entendons murmurer dans nos circonscriptions - la réticence, pour ne pas dire l'inquiétude des chefs d'entreprise, qui craignent que votre projet ne dresse une partie de la jeunesse contre le monde de l'entreprise et que le résultat soit pire encore que la situation actuelle, dont nous vous accordons, hélas ! sans difficulté qu'elle n'est pas bonne et qu'il faut y remédier.

Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais dire sur le CPE, en insistant plus particulièrement sur un défaut majeur. La durée de consolidation - deux ans - en fait un contrat de « désembauche » à tout moment, sans motivation, soumis à l'arbitraire et à l'état d'esprit d'un chef d'entreprise qui n'aurait pas conscience de ce que représente sa mission dans la société d'aujourd'hui.

Comment accepter qu'un salarié, quel que soit son âge, puisse être licencié sans que soit motivée cette rupture du contrat de travail par l'employeur ?

Monsieur le ministre, je conclus d'une phrase : une société qui se défie de sa jeunesse est une société qui se ferme l'avenir. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.) Tel est le signal négatif que vous voulez donner à nos jeunes. C'est pourquoi les radicaux de gauche s'opposent à cet article et en demandent la suppression.

Nous devons reprendre posément, tranquillement, ce vrai sujet de débat afin de trouver des solutions plus respectueuses de nos jeunes et, dans le même temps, efficaces pour le marché du travail. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 440.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, j'ai été très attentive à vos explications. Permettez-moi de vous dire que le traitement discriminant porté par ce projet à l'encontre des jeunes me choque. En effet, proposer un contrat de travail précaire spécialement aux jeunes traduit une drôle de conception de la solidarité entre les générations.

Cette discrimination en fonction de l'âge va à l'encontre de ce que les jeunes sont en droit d'attendre en matière de cohésion sociale. Or ces jeunes ont le droit à la même considération que les autres salariés. Ils n'ont pas à être l'objet de votre mépris !

Ce projet de loi constitue un retour en arrière dramatique. Avec le contrat d'apprentissage, le Gouvernement tire un trait de facto sur le collège unique institué en France depuis 1975.

L'Assemblée nationale vient d'avaliser le travail de nuit pour les jeunes de quinze ans. Après le CNE, le CPE. Désormais, les employeurs ont les mains libres pour licencier sans motif.

Comme l'ont déjà dit nos collègues, ce dispositif contrevient à la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, qui date de 1982 et fut reconnue d'application directe par le Conseil d'État en 2005. C'est un retour à la toute-puissance de l'employeur.

Le rapport de force dans les entreprises, après vingt-cinq ans de chômage de masse, était déjà très défavorable aux salariés. Avec ce nouveau pas en avant, vous leur enlevez tout moyen de pression, tout moyen de défense. Vous leur laissez quelques droits, certes, mais sans aucun moyen de les défendre dans la pratique puisqu'ils sont entièrement soumis à l'arbitraire de leur patron.

Une autre norme internationale fondamentale est également bafouée en France aujourd'hui : la liberté de se syndiquer.

Un récent sondage de la SOFRES a révélé, en décembre dernier, que la première raison avancée par les personnes interrogées pour ne pas se syndiquer est, à 36 %, la peur des représailles. Avec le CPE, vous allez décupler cette crainte, à juste titre.

Ce que vous ne voyez pas, les patrons éclairés le voient très bien: Il faut du dialogue social, il faut des syndicats forts pour que les salariés puissent négocier. Or vous refusez cela !

Sans ces syndicats, les travailleurs plient, se courbent jusqu'à craquer. Le gouvernement auquel vous appartenez prépare aujourd'hui les explosions sociales de demain, minutieusement, loi après loi, d'ordonnances en 49-3.

C'est la raison pour laquelle votre contrat est tout à fait inacceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter l'amendement n° 648.

Mme Hélène Luc. Par cet amendement nous voulons démontrer qu'il est indispensable de supprimer l'article 3 bis créant le contrat première embauche.

La population, les jeunes, leurs parents et les salariés n'acceptent pas ce dispositif ! Les jeunes ont déjà exprimé leur colère dans la rue à maintes reprises. Aujourd'hui, la faculté de Jussieu, proche du Sénat, est en grève, ainsi que celle de Nanterre.

Les jeunes ne veulent plus de votre « contrat de précarité de l'emploi », comme ils l'appellent, qui leur impose deux ans, voire davantage, de précarité.

En effet, rien ne semble s'opposer à ce qu'un jeune de moins de vingt-six ans puisse enchaîner plusieurs contrats première embauche dans des entreprises différentes. Par ailleurs, un employeur peut également embaucher en CPE un jeune ayant déjà travaillé dans l'entreprise. Des exemples d'abus du CNE ont été cités non seulement dans l'Humanité, mais également dans Le Parisien.

M. Alain Gournac, rapporteur. Le Parisien ? C'est une référence !

Mme Hélène Luc. Une première condamnation par les prud'hommes est déjà intervenue et, avec le CPE, ce sera pire ! Il y a manifestement un effet d'aubaine dont bon nombre d'entreprises sauront tirer profit au maximum, alors que vous tentez de faire croire que cette flexibilité qui leur est offerte aura pour contrepartie de nouvelles garanties accordées aux salariés.

Nous ne nous y trompons pas : vous entendez apporter à notre société une transformation majeure, à savoir diminuer le coût du travail grâce à la précarité.

Mme Parisot a dit sa conviction que les difficultés traversées par l'économie française résidaient dans le coût du travail jugé encore trop élevé par les patrons.

Vous allez achever de désespérer les jeunes au sujet de leur avenir. Vous ne proposez que du travail précaire à ceux qui ont des diplômes - bac + 3, bac + 4 -, des stages, l'apprentissage et le travail de nuit à ceux qui ont quatorze ans et qui sont en échec scolaire.

Comment pouvez-vous dire que le CPE constitue une nouvelle chance pour les jeunes en difficulté ? Si le Gouvernement et vous, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, aviez la volonté d'aider les jeunes à exercer un métier qu'ils ont choisi, d'obtenir un travail qu'ils pratiquent avec goût en ayant des garanties, en un mot, si vous aviez la volonté de motiver les jeunes pour l'innovation, vous lutteriez pour la réussite scolaire des garçons et des filles de notre pays jusqu'à seize ans, comme l'exige la loi !

Au lieu de cela, vous tablez sur l'échec scolaire pour mettre les jeunes en apprentissage et vous proposez une précarité humiliante à ceux d'entre eux qui ont obtenu des diplômes au prix d'un travail leur ayant imposé de lourds sacrifices.

Les syndicats, les associations, les familles, tout le monde sait que la précarité est responsable du développement de la pauvreté et que les femmes et les jeunes filles sont les plus touchées.

Aujourd'hui, on peut avoir un emploi et être pauvre. Or que faites-vous en instituant un tel dispositif, sinon accroître la précarité pour les jeunes ?

Ces jeunes iront grossir les rangs sans cesse plus fournis des nouveaux exclus, de ceux qui, malgré leur travail, dorment dans des foyers, quand ce n'est pas dans des voitures ou dans les locaux du marché international de Rungis - c'est le cas d'une femme seule et de ses trois enfants ! - parce que leur travail partiel et précaire, leurs stages abusifs, leurs intérims, leur ôtent toute possibilité de vivre normalement, dignement.

Ce système tue l'espoir, et une société qui tue l'espoir est condamnée ! Est-ce cela que vous voulez pour notre jeunesse ? C'est une véritable condamnation ! Pas de logement, pas de ressources fixes : comment penser à créer une famille ? Comment peut-on s'insérer dans la société sans la moindre projection dans un avenir meilleur ? C'est l'angoisse permanente !

Prenons le droit fondamental du logement. Quelle régie acceptera de louer un logement à une personne pouvant être licenciée du jour au lendemain ? Qui acceptera de consentir un prêt à un couple en double précarité ?

Mme Procaccia parlait tout à l'heure des prêts de banques. Peut-elle me citer le nom de banques à Vincennes qui accepteraient de consentir des prêts à des jeunes ?

M. Christian Cambon. Oui, et plusieurs ! Renseignez-vous !

Mme Hélène Luc. Dans cette commune, qui n'atteint pas le quota de 20 % de logements sociaux et où le prix des logements est élevé, que feront ces jeunes ?

Vous dévoilez, au travers de ce CPE, votre véritable objectif : exonérer plus encore de charges sociales les entreprises, abaisser encore et toujours le coût du travail. Pour cela, il vous faut vous attaquer au code du travail. Mme Parisot l'a annoncé le 14 février dernier par la création d'une commission chargée de faire un « bilan », un « diagnostic » pour élaborer une synthèse de propositions.

Même au sein du patronat, que vous servez, des voix s'élèvent pour fustiger votre projet ; je pense aux réserves exprimées par Mme Laurence Parisot, patronne des patrons, et aux chefs d'entreprise qui vous reprochent de ne pas être allés assez loin. Mais il y a ceux qui reconnaissent que cette excessive précarité leur fera perdre des talents, et ils ont raison !

Votre projet s'appuie sur ce qui tire vers le bas, sur ce qui ne correspond pas aux exigences du développement de notre société. Mardi dernier, à l'Assemblée nationale, les députés communistes ont bien démontré, lors du débat sur la motion de censure, combien le bilan de votre gouvernement était calamiteux en matière d'emploi. Et ce nouveau contrat vient renforcer votre dispositif de flexibilité, de précarité.

Je n'oublie pas que nous avons commencé l'année sous le signe du démantèlement du droit du travail, avec les deux arrêts de la Cour de cassation du 11 janvier autorisant les licenciements économiques destinés à anticiper une mise en péril de la compétitivité de l'entreprise.

M. le président. Veuillez conclure, madame Luc !

Mme Hélène Luc. Je termine, monsieur le président !

À quand le contrat unique transformant les salariés en une marchandise corvéable à merci, que le patronat prend et jette au gré de ses envies ?

Pour en revenir à votre bilan, 70 % des offres d'emploi sont instables. Nous avons le triste privilège de recenser 2,5 millions de chômeurs et 3,5 millions de salariés précaires et travaillant à temps partiel. Et vous entendez alourdir encore la note !

Vous restez sourd à la colère qui gronde, mais vous avez tort, monsieur le ministre. Cela ne me donne pas envie de sourire !

La jeunesse et les salariés sauront, le 7 mars prochain, vous donner la mesure de leur mécontentement et de leur détermination à contrer votre politique.

Après le débat parlementaire, il reste la voix du peuple, ne l'oubliez pas ! Ce n'est pas la première fois qu'une loi votée ne serait pas appliquée : M. Balladur s'en souvient avec le CIP !

Quant à nous, parlementaires communistes, nous encourageons les jeunes à l'effort, à l'amour du travail, mais nous sommes conscients de nos responsabilités et nous irons jusqu'au bout dans cette lutte.

C'est pourquoi nous proposons, par notre amendement, de supprimer l'article 3 bis, qui instaure un contrat dérogatoire au code du travail.

Avec Bruno Julliard, le président de l'UNEF, nous disons qu'il faut obtenir le retrait de cette insulte faite à la jeunesse.

Alors, prenez vos responsabilités ! Le groupe communiste républicain et citoyen prendra les siennes ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Tout le monde le comprendra, les amendements de suppression n°s 146 rectifié, 273 rectifié, 440 et 648 s'inspirant d'une conception totalement différente de la nôtre, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable.

Mme Hélène Luc. Dites-nous pourquoi !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement s'est déjà longuement exprimé sur ce sujet. Il se contentera donc d'émettre un avis défavorable.

Cela étant, je voudrais préciser un point à l'intention de M. Delfau.

Au cours de la discussion qui vient d'avoir lieu, l'apprentissage en Allemagne a été évoqué, notamment le système de passerelle avec l'enseignement général. Or la coalition qui est aujourd'hui aux affaires dans ce pays a conclu un accord en date du 11  novembre, qui a été soumis au Bundestag, dans lequel il est prévu de permettre à un employeur de convenir avec la personne qu'il recrute une période d'essai de vingt-quatre mois au maximum pour tout nouveau CDI.

Ce n'est pas ce que nous prévoyons ! Pour notre part, nous avons choisi la consolidation. Je tenais simplement à rappeler la réalité du marché du travail dans toute l'Europe.

Mme Hélène Luc. Vous aggravez votre cas !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous ne sommes donc pas les seuls à prendre en compte la flexibilité ainsi que la sécurisation des parcours professionnels, qui est un véritable enjeu sur lequel nous aurons encore à travailler.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vendredi dernier, j'ai attiré sur moi la colère des groupes de l'opposition en proposant la suppression de la discussion commune des amendements déposés sur l'article 1er en raison de leur grande disparité et du fait que la moitié d'entre eux ne portaient pas sur cet article.

Aujourd'hui, force est de constater que tous les amendements portent bien sur l'article 3 bis, et je vous en donne acte, mes chers collègues.

M. Jean-Pierre Bel. C'est très bien !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En conséquence, pour rester logique, je souhaite qu'il y ait une discussion commune de l'ensemble des amendements déposés sur l'article 3 bis et je demande que leur vote soit réservé jusqu'à la fin de l'examen de l'article 3 bis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Bel. Là, c'est beaucoup moins bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement partage la même analyse que le président de la commission. Il émet donc un avis favorable.

M. le président. La réserve est ordonnée. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Sur quel article vous fondez-vous ?

M. Jean-Pierre Bel. Sur l'article 49 !

M. le président. Vous avez la parole !

M. Jean-Pierre Bel. Compte tenu de la demande de réserve que vient de formuler M. le président de la commission des affaires sociales, je demande une suspension de séance de dix minutes afin que nous puissions nous organiser en fonction de cette nouvelle donne. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je vous fais observer, monsieur Bel, que, depuis l'ouverture de la séance à quinze heures, j'ai scrupuleusement appliqué le règlement, d'ailleurs avec beaucoup de mansuétude à l'égard des groupes de l'opposition.

M. Jean-Pierre Bel. Nous vous en donnons acte !

Mme Hélène Luc. Absolument !

M. le président. Cela étant, lorsqu'un président de groupe demande une suspension de séance, il est d'usage de la lui accorder.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.