compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures dix.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR

M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Raymond Brun, qui fut sénateur de la Gironde de 1959 à 1989.

3

Candidature à un organISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la Commission centrale de classement des débits de tabac.

La commission des finances a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Auguste Cazalet pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

4

ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des trois sénateurs appelés à siéger au sein du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires sociales à présenter deux candidatures et la commission des finances à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

5

saisine du conseil constitutionnel

M. le président. M. le président a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 12 janvier 2007, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titre et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique et habilitant le Gouvernement à modifier les dispositions relatives aux soins psychiatriques sans consentement.

Acte est donné de cette communication.

Le texte de cette saisine est disponible au bureau de la distribution.

6

DÉPÔT DE RAPPORTS en application de lois

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre, en application de la loi n°2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, les rapports sur la mise en application des lois suivantes :

- loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ;

- loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires ;

- loi n° 2005-371 du 22 avril 2005 modifiant certaines dispositions législatives relatives aux modalités de l'exercice par l'État de ses pouvoirs de police en mer ;

- loi n° 2005-1550 du 12 décembre 2005 modifiant certaines dispositions relatives à la défense ;

- loi n° 2006-449 du 18 avril 2006 modifiant la loi n°99-984 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense ;

- loi n° 2006-457 du 21 avril 2006 sur l'accès des jeunes à la vie active en entreprise.

M. le président a reçu également en application de l'article L.125 du code des postes et des communications électroniques, le rapport annuel 2005-2006 de la Commission supérieure du service public des postes et communications électroniques.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Les premier et sixième rapports seront transmis à la commission des affaires sociales, le dernier à la commission des affaires économiques et les quatre autres à la commission des affaires étrangères.

Ils seront disponibles au bureau de la distribution.

7

Questions orales

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

imputation budgétaire des contributions aux organismes de regroupement

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 1140, adressée à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer une nouvelle fois votre attention et celle du Gouvernement sur le problème de l'imputation en section de fonctionnement des contributions aux organismes de regroupement.

Le développement de l'intercommunalité et des transferts de compétences des communes vers des groupements supra-communaux a pour objet de réaliser de manière rationnelle des investissements très lourds, notamment en matière de réseaux.

Mais ces transferts de compétences, nombreux, aboutissent de fait à un risque certain de déséquilibre de la section de fonctionnement. Le transfert d'une compétence communale à un organisme de regroupement conduit ainsi à requalifier, pour un même équipement, en dépenses de fonctionnement des dépenses comptabilisées auparavant en section d'investissement.

Des simulations très réalistes, que je tiens à votre disposition, monsieur le ministre, montrent que la part du chapitre 65 dans la section est facilement doublée avec seulement une ou deux opérations importantes, entraînant ainsi une dégradation de l'autofinancement, qui peut aboutir à un résultat négatif.

La possibilité de fiscalisation de ces contributions ne peut être qu'une réponse partielle, la fiscalité ne pouvant augmenter en proportion des dépenses en question. De plus, cette possibilité n'est actuellement pas offerte aux syndicats mixtes « ouverts ».

Le maintien des dispositions actuelles ne laisse donc aux communes qu'une alternative : soit dégrader le budget de la section de fonctionnement, et donc conduire une politique de mauvaise gestion ; soit demander aux organismes de regroupement de ne plus faire d'investissements lourds et ainsi pénaliser la réalisation ou le renouvellement d'installations et d'équipements, donc l'économie.

D'un point de vue législatif, l'amendement n° 88553 déposé sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie par M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, avait été adopté en septembre dernier par les députés, contre l'avis du Gouvernement.

Cet excellent amendement avait l'avantage de résoudre entièrement ce problème en permettant l'inscription des contributions équilibrant des dépenses d'investissement en section investissement.

En supprimant l'article 9 ter, contre l'avis de la commission des affaires économiques du Sénat, la Haute Assemblée a réintroduit ce problème. Après avoir écouté les explications de notre collègue Yves Fréville, la commission des affaires économiques du Sénat avait souhaité que cet article ne soit pas adopté conforme afin de poursuivre les réflexions sur ce sujet. Le rapporteur, Ladislas Poniatowski, avait reconnu que les situations évoquées pouvaient « avoir des conséquences très graves pour les budgets communaux ». Au final, la commission mixte paritaire a confirmé la suppression de cet article.

Enfin, je vous rappelle que les membres du comité syndical du syndicat intercommunal d'énergies du département de la Loire, que je préside, et qui représentent plus de 4 000 élus municipaux, ont présenté une motion au préfet le 5 décembre 2006 dans laquelle ils lui demandent de bien vouloir relayer leur action auprès des ministères concernés, dont le vôtre, monsieur le ministre, afin que les contributions versées aux organismes de regroupement correspondant à des travaux d'investissement soient imputées en section d'investissement.

En conséquence, je souhaiterais savoir si vous envisagez de résoudre ce problème crucial et, si oui, comment ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vous souhaitez savoir si le Gouvernement envisage de permettre l'inscription des contributions des membres d'un syndicat mixte ouvert dans leur propre section d'investissement lorsque ces dernières équilibrent des dépenses d'investissement du budget du syndicat.

Le Gouvernement, vous le savez, n'est pas favorable à cette proposition pour les raisons suivantes.

D'abord, le code général des collectivités territoriales - articles L. 5212-19 et L. 5212-20 - classe les contributions budgétaires des collectivités membres d'un syndicat comme dépenses de la section de fonctionnement.

Autoriser dès lors les membres d'un syndicat à imputer dans leur section d'investissement une partie de leur contribution les conduirait à pouvoir recourir à l'emprunt pour financer ce type de dépense au profit d'un tiers, le syndicat mixte.

Il m'appartient à cet égard d'attirer l'attention de la Haute Assemblée sur les conséquences d'un tel montage financier, qui peut s'avérer très dangereux pour les finances des collectivités concernées. En effet, cela reviendrait à financer l'emprunt mobilisé par le syndicat mixte pour asseoir ses investissements par de l'emprunt mobilisé par ses communes membres.

Cependant, je vous signale que ces syndicats peuvent utiliser d'autres solutions, parfaitement orthodoxes, pour financer leurs investissements. En application du principe d'exclusivité qui régit les établissements publics locaux, je vous rappelle qu'un syndicat mixte ouvert décide souverainement du mode de financement des travaux qu'il entreprend dans le cadre de l'exercice de ses compétences, notamment en matière de réseaux.

Il dispose en particulier de la possibilité d'étaler dans le temps la charge pour les budgets de ses membres. En effet, le syndicat peut décider de recourir à l'emprunt pour financer ses investissements et ainsi étaler son financement. La contribution des membres, imputable en section de fonctionnement, devra alors couvrir simplement la charge de remboursement de l'emprunt, mais de manière étalée et donc budgétairement parfaitement soutenable, et cela sans porter atteinte à la règle d'or des finances locales. Celle-ci conduit à ne mobiliser de l'emprunt que pour couvrir des dépenses d'investissement directes.

Je terminerai en vous rappelant, comme vous l'avez fait, monsieur le sénateur, que, lors de l'examen du projet de loi relatif au secteur de l'énergie, votre assemblée, saisie d'un dispositif similaire à votre proposition adopté à l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement, s'est finalement ralliée à la position du Gouvernement en supprimant cette disposition.

Cela étant, si j'ai bien compris, monsieur le sénateur, vous souhaitez qu'au-delà de ces réponses, qui ne peuvent vous satisfaire pleinement, nous puissions engager une réflexion sur un mécanisme qui permettrait, de manière plus opérationnelle et pragmatique, de régler durablement le problème de l'investissement par les syndicats mixtes concernant directement les communes.

Au nom du Gouvernement, je puis vous assurer que nous prenons pleinement en compte cette revendication. En l'état actuel, je ne peux vous faire d'autre réponse, car votre proposition nécessite une adaptation du code général des collectivités territoriales ; c'est donc dans cette voie qu'il nous appartient de réfléchir ensemble aujourd'hui.

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Monsieur le ministre, je suis quelque peu déçu par votre réponse.

J'ai essayé de vous expliquer les raisons qui incitaient les quatre mille élus municipaux de mon département adhérents au syndicat d'énergies à adopter cette démarche, car la façon de procéder qui nous est dorénavant imposée met à mal les budgets de certaines petites communes pour réaliser de lourds investissements, même si ceux-ci sont étalés dans le temps.

Dans la dernière partie de votre réponse, monsieur le ministre, j'ai noté que vous laissiez une place au dialogue, afin que nous parvenions à résoudre ce crucial problème. Je vous remercie de cette ouverture et je ne manquerai pas, dans les jours ou les semaines à venir, de reprendre contact avec vous-même ou avec votre cabinet afin que nous puissions trouver des solutions.

répartition du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers et des amendes de police

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 1153, adressée à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, il faut reconnaître que la multiplicité des contrôles ainsi que la mise en place des radars fixes, répartis sur l'ensemble du territoire, ont permis une vraie amélioration en matière de sécurité routière.

L'augmentation des contraventions assure des recettes supplémentaires dans le budget de l'État. La majeure partie de ce produit semble affectée à des aménagements allant dans le sens de l'objectif recherché.

Dans ce cadre précis, monsieur le ministre, pourriez-vous m'indiquer la part revenant aux collectivités locales ainsi que les conditions de son affectation ?

Les collectivités apprécient ces retombées sans lesquelles certains aménagements sécuritaires bien localisés ne pourraient être réalisés.

Par ailleurs, l'évolution sensible de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, liée directement à la hausse du prix du baril de pétrole, peut surprendre si l'on regarde le coût de la matière première et le coût pratiqué à la pompe.

Nous le savons tous, cette taxe est pour l'État une recette qui lui permet d'accorder des dotations aux collectivités. Afin d'appréhender avec plus de netteté les affectations fiscales, il me paraît nécessaire de donner à nos concitoyens une transparence plus grande en la matière.

Cela est d'autant plus important que les régions semblent pouvoir bénéficier dorénavant d'un pouvoir de décision déterminant sur le coût final. Qu'en est-il réellement ? Mieux connaître son utilisation permettrait aussi à nos compatriotes de bénéficier d'une plus grande compréhension face à ces écarts de prix.

L'amende de police et la taxe intérieure sur les produits pétroliers sont « deux mamelles » du financement local indispensable à la bonne concrétisation des projets et des initiatives municipales, monsieur le ministre.

Dans notre société actuelle, la transparence par la communication est une démarche nécessaire. Les deux éléments que j'évoque ce matin me semblent complémentaires et nécessaires à une information objective pour tous.

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre attachement à donner à nos concitoyens des réponses à leurs préoccupations quotidiennes.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je décèle dans votre intervention une préoccupation relative au financement des initiatives locales, mais aussi une réflexion plus profonde sur la recherche du niveau territorial le plus pertinent pour porter ces initiatives. Dans ce cadre, vous interrogez le ministre délégué aux collectivités territoriales sur les modes de répartition du produit des amendes de police et de la TIPP.

Vous relevez avec pertinence le poids croissant que le produit des amendes forfaitaires de police relatives à la circulation routière a pris depuis plusieurs années. Les collectivités bénéficiaires en sont les communes et les groupements de plus de 10 000 habitants, les communes et les groupements de moins de 10 000 habitants, la région Île-de-France et le Syndicat des transports d'Île-de-France.

En réponse à votre question, je vous indique que les masses mises en répartition au profit de ces collectivités locales ont quasiment doublé en quatre ans, puisqu'elles ont augmenté de 99,82 % entre 2002 et 2005. Sur la même période, le nombre d'amendes dressées sur le territoire a augmenté de 21,91 %. Pour 2006, le montant total à répartir atteint plus de 565 millions d'euros. Le Comité des finances locales les répartira en février prochain.

S'agissant des modalités de répartition, la moitié des sommes à répartir est principalement attribuée aux communes et groupements de plus de 10 000 habitants, ce qui représentait 54,69 % de l'enveloppe en 2002 et 57,16 % en 2005. Le Syndicat des transports d'Île-de-France recevait en moyenne 22 % de l'enveloppe à distribuer en 2005, les 23 % restants étant attribués pour moitié respectivement aux communes de moins de 10 000 habitants et à la région Île-de-France.

Le produit des amendes de police des communes de moins de 10 000 habitants est lui mutualisé au niveau départemental afin de permettre des taux de subvention significatifs. Les conseils généraux établissent la liste des projets bénéficiaires selon l'urgence et le coût des travaux à réaliser. Les préfets procèdent ensuite à l'élaboration des arrêtés attributifs correspondants. Cette mutualisation permet de disposer d'enveloppes financières suffisantes pour financer des opérations de transports en commun et d'amélioration de la sécurité routière.

À titre exceptionnel, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2006, le Parlement a adopté une disposition visant à affecter 100 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale pour 2006 et en loi de finances rectificative pour 2005 à d'autres politiques de développement local.

La péréquation en faveur des communes et des EPCI défavorisés sera tout d'abord confortée par l'affectation de 50 millions d'euros à la dotation d'aménagement des communes et de leurs groupements ; 50 millions d'euros reviendront également à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances afin de permettre la réalisation d'actions de prévention de la délinquance.

Je vous indique également que, comme Brice Hortefeux s'y était engagé devant votre assemblée le 28 novembre dernier lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, un groupe de travail sera prochainement créé afin d'examiner la possibilité de mettre en place une nouvelle clef de répartition du produit des amendes dressées par voie de radars automatiques.

Je vous rappelle que le Gouvernement avait accepté en 2005 qu'une partie des amendes perçues par ce biais soit affectée aux communes. Plusieurs voix se sont élevées depuis en faveur d'une répartition au bénéfice des départements. Dans la mesure où certaines routes nationales sont désormais de la compétence des départements, je comprends que les conseils généraux revendiquent la perception de ce produit. Nous devons en discuter, et ce sera l'objet du groupe de travail.

Vous vous interrogez également sur la répartition et l'utilisation de la TIPP.

Cette taxe est aujourd'hui partagée entre trois niveaux de collectivité : l'État, les départements et les régions.

La loi de finances pour 2004 a d'abord attribué aux départements une part du tarif de la TIPP en contrepartie de la décentralisation du revenu minimum d'insertion, le RMI, et du revenu minimum d'activité, le RMA, pour un montant annuel de 4,942 milliards d'euros.

La loi de finances pour 2005 a ensuite attribué, cette fois-ci aux régions, une autre quote-part du tarif de la TIPP en contrepartie des compétences décentralisées par la loi du 13 août 2004. Le montant des compétences transférées est évolutif, puisque le processus de transfert s'échelonnera jusqu'en 2008. Pour votre information, sachez que 1,4 milliard d'euros sont inscrits dans la loi de finances pour 2007.

Comme vous le savez certainement, l'assiette de la TIPP a été régionalisée à compter de 2006 afin de préparer le terrain à la modulation que les régions sont actuellement en train de décider. Dès 2007, les tarifs de TIPP seront donc différents d'une région à l'autre en fonction des décisions propres des conseils régionaux.

Conformément aux engagements du Gouvernement depuis le début du nouveau processus de décentralisation, il s'agit de donner aux régions des marges de manoeuvre supplémentaires en matière fiscale. Contrairement à ce qu'affirment les régions, il s'agit réellement de marges supplémentaires, car l'État remplit intégralement ses obligations constitutionnelles. Il est même allé au-delà des objectifs en termes de couverture des dépenses transférées, puisque, en acceptant de modifier la méthode d'évaluation du droit à compensation pour certains transferts, le Gouvernement a consenti au profit des régions un effort supplémentaire de 135,4 millions d'euros.

La modulation de la TIPP constitue donc bien un accroissement des marges des régions. On peut d'ailleurs l'estimer à environ 515 millions d'euros, soit environ 20 % de l'ensemble des charges transférées de 2005 à 2007. Ces marges supplémentaires s'ajoutent à l'autofinancement actuel des régions. Celui de 2006 n'est pas encore connu, mais je rappelle que celui de 2005 s'élevait déjà à 5,2 milliards d'euros.

J'ajoute qu'un récent rapport d'information de la commission des finances de l'Assemblée nationale rédigé par les députés Marc Laffineur et Augustin Bonrepaux, qui n'appartiennent pourtant pas au même groupe de pensée politique, indique que les transferts de compétences de l'État aux collectivités locales dans le cadre de l'acte II de la décentralisation, conformément à la loi constitutionnelle, se sont opérés à l'euro près, voire plus. Cela démontre bien que la marge de manoeuvre accordée avec la TIPP par le Gouvernement aux régions a été utilisée à d'autres fins que la compensation des nouvelles compétences transférées.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, j'ai apprécié votre réponse claire, précise et concrète. Il y a tant d'interprétations erronées de la réalité qu'elle était nécessaire.

Même si je connais votre trempe et votre compétence, je ne pensais pas que vous auriez répondu avec autant de netteté à mes questions. Je vous en remercie sincèrement.

Je me permets également de féliciter le Gouvernement pour son action dans le domaine de la sécurité routière. Même si la répression est parfois choquante, de nombreuses vies humaines sont ainsi sauvegardées.

finances locales et transferts de responsabilités vers les collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 1173, adressée à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, la fin de votre réponse à la question de mon collègue Jean Boyer pourrait servir en quelque sorte de conclusion à ma question, que je me permets néanmoins de développer.

Le processus de décentralisation, qui s'est considérablement accéléré au cours des dernières années, a permis de rapprocher le « pouvoir » des citoyens. Cette plus grande proximité est sans conteste une avancée majeure dans l'exercice de la démocratie. La décentralisation est une réalité dans notre pays !

Néanmoins, la décentralisation n'a pas toujours eu pour les contribuables toutes les conséquences espérées. Ainsi, je pense à la diminution des coûts, qui était l'un des objectifs recherchés, par une gestion plus proche du terrain.

Certes, le financement par l'État des transferts de compétences est aujourd'hui une réalité : la loi est respectée et la méthode d'évaluation des charges, je le reconnais, paraît satisfaisante. C'est du moins le constat formulé par un rapport d'information de l'Assemblée nationale. Lors de certains transferts, l'État est même allé au-delà de ses obligations légales.

Cependant, l'une des mesures phare de l'acte II de la décentralisation, prévue par la loi du 13 août 2004, provoque l'inquiétude des responsables politiques locaux en termes de charges financières nouvelles, directes ou indirectes : le transfert des personnels TOS, techniciens, ouvriers et de service, des collèges et lycées et celui des agents de la direction départementale de l'équipement, la DDE.

En réalité, grâce à l'exceptionnelle mobilisation des collectivités pour garantir la continuité du service public local, la réforme se déroule plutôt bien sur le terrain et les agents, malgré les réticences de syndicats, optent en majorité pour le statut de la fonction publique territoriale. Mais le transfert de ces personnels génère des coûts importants en raison, d'une part, d'un régime souvent plus favorable et d'un déficit de personnel de l'État, notamment de cadres - la majorité des départements et des régions envisagent de procéder à des recrutements supplémentaires après avoir fait le constat que les établissements transférés ne pouvaient fonctionner dans de bonnes conditions et, pour ce qui concerne les DDE, les élus évoquent une rétention des emplois d'encadrement par l'État - et, d'autre part, des incidences inéluctables sur le compte de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, avec l'arrivée massive des personnels TOS relativement plus âgés. C'est donc mathématique !

Les collectivités doivent gérer ces nouveaux transferts et poursuivre parallèlement la mise en oeuvre des transferts précédents qui font l'objet de surcoûts imprévus, mais que personne ne songerait à regretter - je pense au revenu minimum d'activité ou aux contrats d'avenir - ou qui sont susceptibles de connaître une augmentation importante, et là aussi c'est une affaire de chiffres, s'agissant des personnes âgées ou des personnes handicapées.

L'Observatoire de la décentralisation du Sénat a dressé un bilan encourageant des transferts des personnels TOS et des agents de la DDE, mais face aux perspectives inquiétantes pour les finances publiques locales, il avance des propositions intéressantes.

À ces surcoûts imprévus ou prévisibles s'ajoutent des disparités gommant l'image d'équilibre qui prévaut à l'échelle du pays. Certes, grâce au pacte de croissance et de stabilité, les collectivités disposent de marges de manoeuvre, mais les situations sont très variables : l'afflux de recettes ne se réalise pas toujours là où les dépenses sociales sont les plus fortes, et les ressources restent fragiles. S'imposent une mise en oeuvre du principe de péréquation, ce qui suppose un ciblage plus fin des collectivités les plus fragiles - c'est peut-être plus facile à énoncer qu'à faire, mais c'est bien le fond du problème -, notamment en zone rurale, ainsi qu'une prise en compte de leurs inégalités objectives de ressources et de charges.

Monsieur le ministre, quelles dispositions pourraient-elles être envisagées pour apaiser l'inquiétude des élus locaux face à l'ampleur des défis à relever dans le cadre d'une maîtrise de la dérive des dépenses publiques, tout en permettant de définir un lien véritable entre le contribuable et la collectivité, lien cher aux élus locaux, pour donner corps aux principes de péréquation et d'autonomie financière ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, la question de la compensation financière des transferts de compétences est effectivement sujette à de nombreux débats et rumeurs. Votre question me fournit donc l'occasion d'apporter les clarifications nécessaires.

Premièrement, l'acte II de la décentralisation ne peut en aucun cas être accusé de toutes les difficultés rencontrées par certaines collectivités.

Tout d'abord, parce que le Gouvernement a honoré ses obligations constitutionnelles et législatives en matière de compensation.

Ensuite, parce que l'impact des transferts issus de la loi relative aux libertés et responsabilités locales sur les finances des départements et des régions doit être ramené à ses exactes proportions : les charges transférées en 2005 et 2006 représentent 0,5 % des budgets départementaux et 5,9 % des budgets régionaux.

Enfin, parce que l'autofinancement des régions a progressé en 2005 de 15 % et celui des départements de 13 %. Le taux d'épargne qui rapporte l'autofinancement aux recettes de fonctionnement atteint 33,7 % pour les régions et 18,3 % pour les départements.

Plus que jamais auparavant, les gouvernements successifs depuis 2002 ont témoigné de leur volonté de soutenir fermement les collectivités territoriales et la décentralisation. En renouvelant le contrat de croissance et de solidarité, alors que l'État s'applique à lui-même des contraintes drastiques, en compensant de façon transparente et irréprochable les transferts issus de la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004, en accompagnant les départements dans la prise en charge du RMI, le Gouvernement continue d'en donner des gages incontestables.

M. René-Pierre Signé. C'est insuffisant !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Deuxièmement, les transferts de compétences effectués au profit des collectivités locales ont fait l'objet d'une compensation financière intégrale.

S'il en avait été autrement, le Conseil constitutionnel n'aurait pas manqué de le rappeler au Gouvernement et au Parlement en censurant les différentes lois dont il est saisi. Il ne l'a pas fait ! Il faut donc en conclure que le Gouvernement a respecté l'ensemble de ses obligations constitutionnelles en ce domaine.

En outre, 2007 sera la troisième année de mise en oeuvre des transferts de compétences prévus par cette loi. Au total, les charges ainsi transférées en trois ans, au titre de 2005, 2006 et 2007, s'élèvent à plus de 3,5 milliards d'euros.

Dans un certain nombre de cas, dans le cadre des débats au sein de la commission consultative sur l'évaluation des charges, la CCEC, le Gouvernement a accepté de déroger à la loi du 13 août 2004, dont l'article 119 prévoit une compensation des charges de fonctionnement sur la base de la moyenne des dépenses actualisées de l'État au cours des trois années précédant le transfert de compétences. Il a accepté une solution plus favorable adossant le droit à compensation à la dépense de l'État au cours de l'année précédant le transfert.

Au total, par rapport à un droit à compensation théorique, le Gouvernement a été conduit à faire un effort supplémentaire de 157,755 millions d'euros.

Enfin, s'agissant des transferts de personnels, plusieurs décisions favorables aux collectivités locales ont été prises : la compensation des personnels se fera, s'agissant des cotisations « patronales », sur la base des dépenses supportées par les collectivités territoriales ; ....

M. René-Pierre Signé. Mais il manquait des personnels !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... les dépenses sociales, les dépenses annexes liées au fonctionnement courant des structures ainsi que la nouvelle bonification indiciaire, la NBI, seront également intégrées dans le calcul du droit à compensation ; le 1 % formation sera compensé pour un montant supérieur à celui consacré par l'État au cours des trois années précédant le transfert ; les comptes épargne-temps, acquis au moment du transfert de services, seront compensés en une seule fois au moment du transfert effectif aux collectivités territoriales des premiers agents ayant pris leur option ; s'agissant des dépenses de médecine préventive, notamment de la compensation de la visite médicale, le droit à compensation sera calculé non pas sur la base des dépenses de l'État au cours des trois dernières années, mais dans le souci de permettre aux collectivités territoriales d'appliquer les obligations de la fonction publique territoriale en la matière.

Troisièmement, je tiens à vous rassurer quant à l'équilibre de la CNRACL.

Effectivement, les agents transférés qui opteront pour l'intégration dans la fonction publique territoriale seront affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. Celle-ci leur versera une pension pour l'ensemble de leur carrière dans la fonction publique, État et collectivité territoriale confondus.

En 2005, la caisse dénombrait 1,849182 million de cotisants. À supposer que les 125 000 fonctionnaires transférés optent pour l'intégration dans la fonction publique territoriale, cela se traduirait par une augmentation d'environ 7 % de ses affiliés.

L'âge moyen des personnels concernés se situe aux alentours de quarante-cinq ans.

Tout porte à croire que les personnels en fin de carrière opteront plutôt pour le détachement et que les personnels plus jeunes demanderont leur intégration. Nous nous situerons donc sur un volume et une moyenne d'âge inférieurs

S'agissant des agents qui conserveront leur statut de fonctionnaires d'État, à savoir ceux qui opteront pour le détachement, ils continueront de relever du code des pensions civiles et militaires de retraite ; en d'autres termes, c'est l'État qui continuera de payer leurs pensions.

Quant aux conséquences que cela aura sur l'équilibre général de la CNRACL, elles ne peuvent être appréciées tant qu'on ne connaît ni le volume exact ni le profil démographique des personnels transférés. Cependant tout laisse à penser qu'il s'agit pour la CNRACL plutôt de « bons clients » qui ne viendront pas modifier son équilibre.

Quoi qu'il en soit, il faut rappeler que l'État est garant de l'équilibre de la caisse et qu'il existe des mécanismes de solidarité entre les différents régimes.

Je vous précise, enfin, monsieur le sénateur, que l'État compense les dépenses sur la base des taux de cotisation de la fonction publique territoriale. Or les cotisations à la CNRACL, s'agissant des agents détachés sans limitation de durée, sont passées au 1er janvier 2007 de 33 % à 39,5 %. C'est donc sur cette nouvelle base que l'État compensera ces cotisations.

Par ailleurs, qu'il me soit permis sur ce sujet qui me passionne en tant qu'élu local de vous dire que je me suis toujours enthousiasmé pour les lois de décentralisation.

Vous l'avez très bien souligné, monsieur le sénateur, dans un certain nombre de domaines, plus on rapproche le lieu de décision et de compétence de l'ensemble de nos administrés, et mieux l'action publique est comprise !

M. Alain Dufaut. Et efficace !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'ai soutenu les premières lois de décentralisation de Gaston Defferre.

M. René-Pierre Signé. Cela n'a pas été le cas de tous les parlementaires de droite !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. En ce qui me concerne, je veux le dire devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui êtes des représentants des élus locaux, chaque loi de décentralisation dans notre pays, qu'elle ait été mise en place par un gouvernement de gauche ou par un gouvernement de droite, a largement contribué à la modernisation de la France.

Pourtant, les lois de décentralisation de Gaston Defferre, je le dis devant M. Jean-Claude Gaudin, n'ont jamais été compensées, ni en moyens humains, ni en moyens matériels, ni en moyens financiers !

Le transfert par l'État au 1er janvier 1986 des collèges aux conseils généraux et des lycées aux conseils régionaux sans les transferts de moyens, alors que le parc d'établissement scolaire dans notre pays n'avait pas évolué depuis trente ou quarante ans et se trouvait dans un état déplorable, témoigne combien cette loi a été porteuse de modernité en matière d'éducation nationale.

Pourquoi, d'ailleurs, les rectorats ont-ils conservé l'ensemble du personnel qui gérait ces établissements scolaires au lieu de le transférer vers les collectivités ? La charge a été énorme en matière de dépenses publiques, entre les personnels qui sont restés à tort affectés aux services de l'État et ceux qui ont été recrutés par les collectivités locales pour leur permettre de faire face à leurs nouvelles compétences !

Quoi qu'il en soit, cet état de fait n'a pas empêché les conseils généraux et les conseils régionaux de moderniser le patrimoine scolaire avec rapidité, j'en veux pour exemple la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, que présidait à l'époque M. Jean-Claude Gaudin, et son plan « lycées réussite ».

M. Alain Dufaut. Très bien !

M. René-Pierre Signé. Et les écoles primaires !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Regardons aujourd'hui les lycées et les collèges de France : dans chaque région, dans chaque département, il s'agit d'établissements qui, pour la plupart d'entre eux, satisfont aux exigences modernes en matière de sécurité et d'optimisation de l'accueil des élèves !

Cette loi, je me répète, a donc été porteuse de modernité pour ce qui concerne l'éducation nationale.

Nous sommes passés à l'acte II de la décentralisation et nous avons choisi de procéder de manière différente que lors des lois Defferre.

D'abord, nous avons fait adopter une loi constitutionnelle. Ensuite, nous avons garanti que tous les transferts de compétences seraient assortis des transferts de moyens humains, matériels et financiers.

Bref, là aussi, dans le prolongement des lois Defferre, notre pays ne pourra que se réjouir d'ici à quelques années de cet acte fort du gouvernement français et de l'État, acte qui contribuera, une fois de plus, à moderniser les territoires de France. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, je vous remercie vivement de votre réponse détaillée, précise et concrète !

Tout comme vous, je ne pense que du bien de la décentralisation dont on perçoit aujourd'hui, de façon tangible, les heureux résultats.

Je suis tellement partisan de la décentralisation que, à l'époque des lois Defferre, nouvellement arrivé au Sénat, j'avais été l'un des rares à les approuver !

C'est dire, quant au fond, que je suis tout à fait d'accord avec vous.

En tout état de cause, il est difficile d'aborder le problème des transferts de compétences et de charges tant ces derniers donnent lieu, vous l'avez dit, monsieur le ministre, parfois, voire souvent, à des rumeurs.

J'ai cru devoir traduire ici le sentiment des élus de terrain. Je suis heureux de pouvoir leur apporter en toute conscience cette réponse précise, détaillée concrète, dont, encore une fois, je vous remercie beaucoup.