carte judiciaire

M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.

Mme Yolande Boyer. Ma question, qui s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, concerne la carte judiciaire, mais elle va bien au-delà dans la mesure où elle pose le problème du maintien des services publics en milieu rural et traduit le « ras-le-bol » des élus.

Après la suppression des hôpitaux ruraux et de classes dans les écoles, la restructuration des directions départementales de l'équipement, le regroupement des services des impôts avec les perceptions, le désengagement de La Poste, d'EDF, de France Télécom, voici venue la suppression des tribunaux.

À votre avis, madame la garde des sceaux, qui mieux que les élus de cette assemblée connaît en profondeur les territoires dont ils sont les représentants ?

Sur l'ensemble de ces travées, je crois pouvoir le dire, les sénateurs sont choqués par l'attitude que vous avez choisie d'adopter à leur encontre : la concertation fut factice, quand elle a eu lieu, ce qui n'est pas le cas partout. Ainsi, au mois de juillet dernier, vous aviez fait la promesse, qui n'a pas été tenue, d'une concertation avec le président de l'Association des petites villes de France. De même aviez-vous promis la mise en ligne des propositions émanant des cours d'appel, promesse qui, elle non plus, n'a pas été tenue.

Les élus ne sont pas stupides ; ils sont prêts à ce qu'une nouvelle carte judiciaire soit établie, mais ils veulent vraiment savoir quelle justice on veut mettre en place.

Nous défendons une justice de proximité, au service de l'ensemble de nos concitoyens, surtout des plus démunis. Nous défendons l'égalité des droits sur l'ensemble du territoire. Nous défendons un aménagement équilibré de ce dernier. Et parce que nous sommes les représentants des citoyens et des collectivités territoriales, nous entendons donner notre point de vue, être écoutés et respectés ; nous ne voulons pas de choix guidés par la seule logique mécanique et comptable.

En conséquence, madame le garde des sceaux, pouvez-vous définir ce qu'est, pour vous, une réelle concertation ?

M. Didier Boulaud. Ça va être dur !

Mme Yolande Boyer. Êtes-vous prête, avant toute décision, à organiser des états généraux de la justice, comme vous l'a demandé l'Association des petites villes de France ?

M. François Autain. C'est mal parti !

Mme Yolande Boyer. Que signifie, pour vous, une « justice de proximité », alors que vous affirmez ne plus vouloir de tribunaux « à chaque coin de rue » ?

Pensez-vous réellement aux justiciables les plus démunis quand vous « taillez à la hache » dans les tribunaux d'instance ? Ils sont un service public de proximité de qualité. Dans le Finistère, à Châteaulin, ma commune, comme à Quimperlé, ou partout ailleurs en France, ils sont l'un des maillons les plus efficaces de la justice.

M. Roland Courteau. C'est vrai !

Mme Yolande Boyer. M. le Premier ministre souhaite moins de services, moins de personnels et moins d'État sur le territoire : nous nous y refusons absolument ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame le sénateur, vous avez raison, la réforme de la carte judiciaire, que tout le monde souhaite, est impérative, comme l'attestent d'ailleurs de nombreux rapports publiés en 2000 et en 2001. En effet, cette carte n'a pas été revue depuis 1958. Avec 1 200 juridictions hébergées sur 800 sites, les moyens de la justice sont aujourd'hui dispersés au détriment de la qualité, comme l'affaire d'Outreau l'a révélé.

Dès le 27 juin dernier, j'ai mis en place un comité national consultatif sur la réforme de la carte judiciaire, qui apporte ses contributions et propositions à une réforme globale de la carte judiciaire. Les chefs de cour ont procédé, cour par cour, à une large concertation avec tous les acteurs judiciaires locaux. Les préfets ont également reçu les élus dans le cadre de cette consultation.

Dès le 30 septembre dernier, des rapports nous ont été adressés : nous les avons tous examinés, cour par cour, ville par ville, tribunal par tribunal. C'est dans ce cadre que M. le Premier ministre et moi-même sommes allés à la cour d'appel de Douai pour annoncer les schémas retenus, qui intègrent la réalité du terrain.

Ainsi, il m'avait été suggéré de supprimer le tribunal d'instance de Montreuil. Or, non pas au vu de son activité, mais pour des raisons d'aménagement du territoire, j'ai décidé de le maintenir. Madame le sénateur, notre réforme n'est donc pas purement mécanique.

Je prendrai un autre exemple. Concernant les tribunaux du ressort de la cour d'appel de Dijon, nous avons décidé de créer un tribunal d'instance à Montbard, pour des raisons démographiques et d'aménagement du territoire liées à l'implantation d'une gare de TGV à proximité.

Nous tenons donc compte, je le répète, des réalités du terrain et nous examinons, avec les élus et les acteurs de la justice, les nouveaux schémas retenus.

Madame le sénateur, le service public de la justice de proximité n'est pas remis en cause, bien au contraire ! Et j'y tiens absolument, notamment pour les personnes qui ne peuvent pas se déplacer, les plus modestes et les plus démunies.

Les tutelles, qui constituent la majeure partie des contentieux des tribunaux d'instance, ne sont pas remises en cause par la suppression des tribunaux d'instance. Le magistrat et le greffier iront directement auprès des personnes qui ne peuvent pas se déplacer, à leur domicile, à l'hôpital, dans les maisons de retraite ou les établissements spécialisés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations ironiques sur les travées socialistes.)

M. Didier Boulaud. Il va falloir leur acheter des mobylettes ! C'est n'importe quoi, on n'a même pas les moyens d'acheter des crayons et des gommes !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je vous rappelle simplement une réalité : aujourd'hui, si le juge d'instance ne peut pas se rendre auprès de la personne concernée, c'est parce qu'il est seul dans le tribunal. Mais si nous regroupons les moyens de la justice, l'un des juges d'instance pourra se déplacer plus facilement auprès des personnes placées sous tutelle.

M. Didier Boulaud. Quelle vision de technocrate !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. S'agissant des contentieux engagés par les personnes les plus modestes et les plus démunies, nous maintenons la justice de proximité par le biais des audiences foraines. Les maisons de justice et du droit sont conservées et, même développées, comme nous nous y sommes engagés.

M. Didier Boulaud. Comme pour les maisons de l'emploi ! Vous les avez promises et les avez supprimées !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Nous allons également multiplier les points d'accès au droit.

M. le président. Madame la garde des sceaux, je vous prie de conclure !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Vous indiquez, madame la sénatrice, que les élus souhaiteraient être entendus. Mais la seule réponse que j'ai pu obtenir de certains, c'est le refus de cette réforme, alors qu'elle est engagée et que nous voulons la poursuivre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. Didier Boulaud. On verra bien ce qui va se passer dans les départements !

M. Roland Courteau. Dans les départements, ils n'applaudissent pas !

M. Didier Boulaud. Et vous rasez les murs !

stages: état des lieux

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, porte sur l'encadrement des stages en entreprise.

M. François Autain. Et la rémunération des stagiaires !

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le ministre, à la suite de la proposition que vous avez faite de gratifier les stages étudiants en entreprise de 380 euros par mois à partir du quatrième mois de stage, des collectifs et des organisations syndicales, étudiantes ou non, ont manifesté, hier, leur mécontentement.

M. Jean-Pierre Godefroy. Ils ont raison !

M. Yves Pozzo di Borgo. Vous leur avez répondu que le projet de décret n'était pas définitif et qu'il pouvait être amélioré.

Sur l'initiative du groupe centriste, c'est dans la loi pour l'égalité des chances que la durée des stages en entreprise a pu être limitée à six mois.

M. Jean-Pierre Godefroy. Que n'avez-vous voté ma proposition de loi ?

M. Yves Pozzo di Borgo. Nous nous sommes réjouis que la convention de stage et la gratification afférente soient légalisées par le même texte.

Dès lors, a été ouvert le chantier de leur encadrement juridique. Le Gouvernement s'y est attelé non seulement avec le projet de décret que vous avez annoncé, monsieur le ministre, mais également avec l'installation, par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, du comité des stages et de la professionnalisation des cursus universitaire.

Cela permettra de lutter contre les nombreux abus passés et actuels et, surtout, de participer à la bataille de l'emploi. En effet, l'insertion des stages dans les cursus universitaires est un moyen supplémentaire de professionnaliser les diplômes délivrés qui, pour certains, en ont bien besoin pour s'adapter au monde actuel.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dresser un état des lieux de l'avancement des travaux en matière d'encadrement des stages en entreprise ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Monsieur le sénateur, c'est un sujet que vous connaissez bien Comme vous le savez, ce n'est qu'un projet de décret, en application de la loi de 2006 pour l'égalité des chances, que le Gouvernement a présenté hier, et non pas un projet de loi.

Ce décret concerne l'extension des stages aux associations et aux entreprises publiques, conformément aux souhaits qui avaient été exprimés. Il prévoit également la possibilité - qui existait déjà auparavant, mais à laquelle personne ne recourait - de tenir un registre des conventions de stages pour savoir exactement qui est stagiaire dans l'entreprise. Ainsi, suivant les recommandations que j'ai faites, l'inspection du travail pourra, dès 2008, contrôler beaucoup mieux les faux stages ou les stages longs qui auraient été « saucissonnés » pour contourner la réglementation. Tous ces points ont été salués par l'ensemble des organisations d'étudiants et de salariés.

Se pose ensuite la question de la gratification. Aujourd'hui, aucune disposition n'est prévue en la matière ; aucune garantie n'est apportée à l'étudiant. L'entreprise est totalement libre de lui donner ou non une gratification.

La solution de facilité, pour le Gouvernement, aurait été d'obliger les entreprises à accorder une gratification très importante. Mais on courait alors le risque de voir disparaître, comme par hasard, du jour au lendemain, tous les stages. Dès lors, à quoi bon se faire plaisir en prévoyant sur le papier une telle disposition si le résultat est nul ? Nous avons donc proposé que la gratification corresponde au montant de la franchise de cotisations de sécurité sociale fixée en 2006, c'est-à-dire 380 euros, à partir du quatrième mois, ce qui n'empêche pas une entreprise de donner plus dès le premier mois ou à partir du quatrième mois.

Ce point a fait l'objet de remarques de la part des organisations de salariés et d'étudiants. Quand nous pratiquons la concertation, nous ne faisons pas semblant. C'est ainsi que le comité des stages lui-même...

M. Xavier Bertrand, ministre. Je pense que chacun le respecte !

... a proposé de nous livrer ses observations et ses propositions dans les quinze jours qui viennent.

Ce décret devait être publié le 1er novembre. Il est important que sa publication intervienne avant la fin de l'année parce que c'est à partir du 1er janvier que les offres de stages sont les plus nombreuses. Nous devons donc trouver une solution qui apporte des garanties aux stagiaires en renforçant leur statut et non pas une solution qui, sous prétexte de favoriser leur rémunération, les pénaliserait en faisant disparaître les stages. C'est cet unique objectif qui nous guide, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

franchises médicales et protection sociale

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le Premier ministre, plus de 20 000 victimes de l'amiante manifestaient, samedi dernier, contre le travail qui tue, afin d'exiger de justes indemnités. Ils sont, aujourd'hui même, des dizaines de milliers à manifester contre la réforme scandaleuse des régimes spéciaux de retraite (Exclamations sur les travées de l'UMP.), premier pas d'une attaque sans précédent contre notre protection sociale et contre l'ensemble des retraites.

M. Guy Fischer. Comment parler de solidarité intergénérationnelle quand la seule solution proposée en matière de retraite est d'allonger la durée de cotisation, alors même que la taxation des stock-options et autres superprofits permettrait de pérenniser notre système de retraite par répartition ?

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Guy Fischer. Le Président de la République a dit vouloir construire un nouveau contrat qui n'a de social que le nom ! Il esquisse en fait la société de demain telle que la rêve le MEDEF, une société débarrassée de toute forme de solidarité et où la précarité régnerait en maître. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Déjà, la résistance s'organise autour des associations de malades, des syndicats et des mutuelles contre votre projet de franchise médicale.

Un sondage réalisé par le Collectif interassociatif sur la santé, le CISS, témoigne de l'impopularité de ce néfaste projet. Plus de 70 % des Français refusent la création des franchises médicales.

M. Roland Courteau. C'est clair et net !

M. Guy Fischer. Quelle conception de la solidarité faites-vous prévaloir quand la seule réponse formulée par le Gouvernement est de faire payer les malades eux-mêmes, en exonérant les bien-portants de toute contribution,...

M. Didier Boulaud. Quelle honte !

M. Guy Fischer. ... abandonnant ainsi le principe selon lequel chacun cotise à hauteur de ses ressources et reçoit à hauteur de ses besoins ?

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Guy Fischer. Déjà 32 % de nos concitoyens ont dû renoncer aux soins.

Monsieur le Premier ministre, madame la ministre, les franchises sont injustes, car elles accentueront les inégalités. Je pense particulièrement aux victimes de pathologies chroniques ou aggravées, pour qui cette franchise s'apparente clairement à un impôt maladie.

M. Charles Pasqua. Il faut conclure...

M. Guy Fischer. Les retraités modestes et les personnes âgées en seront les victimes toutes désignées.

M. Guy Fischer. Les franchises sont dangereuses pour la santé publique, ...

M. Charles Pasqua. Oui, la question !

M. Guy Fischer. ... car elles renvoient, pour les plus précaires de nos concitoyens, à la notion de soins nécessaires et de soins superflus.

M. le président. Posez votre question !

M. Guy Fischer. J'y viens, monsieur le président ! (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Deux minutes quarante et une, déjà !

M. Guy Fischer. Mais qui peut soutenir que les soins ophtalmologiques ou dentaires sont des soins de confort ?

Vos franchises seront inefficaces économiquement, car elles conduiront inévitablement une part non négligeable de la population à retarder l'accès aux soins...

M. Guy Fischer. ... et, par conséquent, à accroître au final les frais de santé.

J'en arrive à ma question. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

Nous dénonçons votre projet de démantèlement et de privatisation de la sécurité sociale (La question ! sur les travées de l'UMP.),...

M. le président. Monsieur Fischer, je vous prie de terminer ! Vous en êtes à trois minutes quatorze de temps de parole !

M. Guy Fischer. ... projet qui remet en cause les solidarités au profit d'un système individualiste et assurantiel.

Notre exigence, celle des Français, est simple : retirez votre projet de franchises médicales, qui aura pour seule conséquence de créer une protection sociale à plusieurs vitesses. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Charles Pasqua. C'est une question ?

M. le président. La question a duré trois minutes et trente et une secondes ! Certains de vos collègues seront donc pénalisés. Faites preuve d'un peu de solidarité ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quatre minutes pour Mme Catherine Procaccia ! Du temps pour les riches, mais deux minutes pour les pauvres...

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur Guy Fischer, il y a un point sur lequel nous serons d'accord, c'est l'absolue nécessité de prendre en compte de nouveaux besoins de santé. Le Président de la République les a décrits très précisément : la maladie d'Alzheimer, le cancer, les soins palliatifs.

Face à cette nécessité, nous avions plusieurs possibilités : soit augmenter les prélèvements obligatoires qui sont déjà les plus forts d'Europe, soit laisser dériver à nouveau le déficit - faut-il vous rappeler, monsieur le sénateur, que ce déficit pour l'assurance maladie s'établira entre 6,5 milliards d'euros et 7 milliards d'euros pour l'année en cours ? -, ...

M. Roland Courteau. La faute à qui ?

M. Didier Boulaud. Les comptes étaient équilibrés en 2002 !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... c'est-à-dire reporter sur vos enfants et vos petits-enfants l'obligation de prendre en compte ces nouveaux besoins de santé.

M. Didier Boulaud. Qui a creusé le trou de la sécurité sociale ? Vos amis, car c'est bien eux qui ont été au pouvoir pendant cinq ans !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous avons donc décidé un système de responsabilité ; mais nous avons aussi voulu établir des filets de sécurité pour protéger les plus malades et les plus fragiles.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez choisi de faire payer les malades !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. De quelle manière protéger les plus fragiles ? En exonérant du système des franchises près de 15 millions de Français les plus fragiles, soit un Français sur quatre.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous faites payer les malades !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous avons voulu établir un deuxième filet de sécurité, avec la limitation de cette franchise à 50 euros par an au maximum, c'est-à-dire 4 euros par mois.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Loin de moi, monsieur le sénateur, l'idée de dire que, pour certaines familles parmi les plus modestes concernées par les franchises, ce n'est pas une somme.

Mais c'est aussi pour ces malades les plus graves, ceux qui par ailleurs sont pris en charge à 100 % et totalement exonérés du ticket modérateur, la possibilité de retrouver, s'agissant de la prise en charge des maladies que je viens de citer, une juste redistribution...

M. Didier Boulaud. Comme pour les stock-options ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... dont ils seront les premiers bénéficiaires, car le montant de ces franchises - et j'en apporterai la preuve lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale - sera intégralement redistribué aux malades. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - MM. Jean Arthuis et Bernard Seillier applaudissent également.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous refusez l'impôt minimal pour les riches, mais vous faites payer les malades !

démographie médicale

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Rémy Pointereau. Madame la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, l'accès aux soins est, en milieu rural, le plus important des services publics.

Or la désertification médicale prend depuis plusieurs années une ampleur inquiétante, et, compte tenu de la pyramide des âges, cette situation risque de perdurer, voire de s'aggraver.

M. Didier Boulaud. On va créer des maisons médicales dans les tribunaux qui fermeront !

M. Rémy Pointereau. Dans le même temps évidemment, certaines régions de notre pays attirent un nombre excédentaire de médecins.

Depuis 2004, des solutions incitatives ont été proposées par le Gouvernement et votées par le Parlement, comme le relèvement du numerus clausus, la majoration des actes, une meilleure reconnaissance de la spécialité en médecine générale ou, enfin, le soutien au regroupement en maisons médicales pluridisciplinaires. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

Ces dernières années, des initiatives locales ont été prises. Certains conseils généraux ont voté l'attribution de bourses à des étudiants en médecine en contrepartie d'une installation de ces jeunes, une fois leur diplôme en poche, là où il existe un déficit de médecins ruraux.

M. Didier Boulaud. Résultat : zéro !

M. Rémy Pointereau. Dans mon département du Cher, le conseil général a voté en janvier dernier, sur l'initiative de mon groupe, un dispositif destiné à favoriser l'installation de jeunes médecins, en leur offrant une bourse de 600 euros par mois pendant trois ans, ...

M. Roland Courteau. C'est à l'État de le faire, pas au département !

M. Rémy Pointereau. ... et ce en contrepartie de leur engagement à exercer en zone sous-médicalisée du département pendant une durée d'au moins cinq ans.

M. Didier Boulaud. Et alors ?

M. Rémy Pointereau. Jusqu'à présent, ces mesures incitatives n'ont eu qu'un impact limité sur l'installation des médecins.

M. Didier Boulaud. Et dans l'Allier, c'est pareil !

Un sénateur sur les travées du groupe socialiste. C'est de la poudre aux yeux !

M. Rémy Pointereau. C'est ce que révèle un rapport de la Cour des comptes du 12 septembre dernier ainsi que les conclusions du rapport d'information de mon collègue Jean-Marc Juilhard. Ce dernier, dans ce rapport, rappelle d'ailleurs que de nombreuses institutions - l'Académie nationale de médecine, la Conférence nationale de santé, la Cour des Comptes, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie - considèrent que « cette politique de moindre contrainte » est insuffisante devant l'ampleur des défis à relever.

C'est dans ce contexte, madame la ministre, que vous avez présenté, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, un dispositif plus directif. Cette proposition a suscité la grogne des médecins, surtout des plus jeunes.

M. le président. Votre question !

M. Rémy Pointereau. Il est vrai que, dans ce domaine, l'équilibre est difficile à trouver, puisqu'il s'agit de concilier le respect du principe de la liberté d'installation avec la nécessité tout aussi impérieuse de répondre aux préoccupations concrètes des Français, qui sont en droit de prétendre, partout sur le territoire, à une médecine de proximité.

M. le président. Votre question !

M. Rémy Pointereau. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer comment vous envisagez l'articulation de ces axes de réformes ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Depuis combien de temps parle-t-il ?

M. Rémy Pointereau. Pouvez-vous aussi nous donner des éléments de méthode sur la négociation à venir, de manière à rassurer les jeunes médecins et les internes ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Jean Arthuis applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur Pointereau, le diagnostic est maintenant unanimement partagé. Vous avez d'ailleurs très justement rappelé le jugement de différentes institutions et cité le rapport de la Cour des comptes. Hier, j'ai reçu longuement votre collègue Jean-Marc Juilhard, qui a fait pour le Sénat un excellent rapport d'information sur la démographie médicale.

M. Charles Revet. C'est vrai, c'est un très bon rapport !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il faut savoir que les problèmes de démographie médicale ne se posent pas qu'en milieu rural. Ils commencent à quelques kilomètres du Sénat ! Il existe en effet, en région parisienne, des zones caractérisées par une sous-densité médicale, s'agissant tant des généralistes que des spécialistes.

Hélas ! face à cela, le constat est accablant : les mesures dites purement incitatives,...

M. Jean-Pierre Sueur. N'incitent pas !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ...vous l'avez très justement dit, ont montré une certaine limite. Bien entendu, la situation va encore s'aggraver, puisque les générations à faible densité d'étudiants vont arriver sur le marché professionnel.

Je veux préciser un certain nombre de choses.

Oui, nous sommes attachés à la liberté d'installation, et il n'est pas question de revenir sur ce principe fondateur.

Oui, il faut continuer les mesures incitatives. Certaines n'ont pas encore tenu pleinement leurs promesses.

M. Jean-Pierre Sueur. Que faisons-nous si elles ne marchent pas ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je pense, par exemple, à la question des maisons médicales de garde. Vous trouverez dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale des mesures à ce sujet. Il existe 214 maisons de ce type ; nous en voulons davantage. Vingt-quatre sont en cours d'installation.

Il faut aussi relever le nombre des médecins qui sortent du premier cycle des études médicales, ou PCEM. Nous avons encore relevé le numerus clausus.

M. Charles Pasqua. Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Prochainement, à l'occasion des états généraux de la démographie médicale, nous allons mener un large débat. L'article 33 du projet de loi de financement de la sécurité sociale servira de cadre. En plus des caisses d'assurance maladie et des syndicats représentatifs, nous allons pour la première fois ouvrir la discussion aux jeunes médecins.

M. le président. Terminez, madame !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ils seront largement associés au débat avec voix délibérative, et il sera donc tenu compte de leur avis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)

EADS

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre, et vous comprendrez pourquoi je tiens à l'identité du destinataire.

À la suite de la publication par la presse d'éléments du pré-rapport de l'Autorité des marchés financiers, EADS s'est retrouvée une nouvelle fois dans l'actualité le mercredi 3 octobre, avec une forte suspicion de délits d'initiés.

Mme Nicole Bricq. Si le Parlement n'a pas à interférer avec ce qui pourrait relever de poursuites judiciaires, son rôle est bien de comprendre ce qu'a été la gouvernance publique, l'État et son exécutif agissant comme acteur direct et indirect.

À cet effet, la commission des finances du Sénat a réagi avec célérité des le 5 octobre. Elle veut connaître et comprendre. L'actualité de ce dossier étant renouvelée quasi quotidiennement, la réactivité s'impose. Mais célérité et réactivité n'empêchent pas que nous soyons à la remorque de la presse. Les déclarations de M.  Arnaud Lagardère, ce dimanche, et l'affirmation de ses contacts directs avec les plus hautes autorités de l'État constituent l'épisode le plus récent de ce mauvais feuilleton.

Il est à cet égard regrettable que la création d'une commission d'enquête nous ait été refusée par deux fois, l'une en novembre 2006 sur les difficultés industrielles d'EADS, l'autre le 9 octobre dernier concernant les responsabilités de l'État, alors même que le Président de la République - et la chronologie a son importance ! -, lors de son déplacement a Mâcon le 8 octobre, affirmait : « je veux savoir la vérité s'agissant de ce qui s'est passé au niveau de l'État » ; « s'il y a des gens qui ont fraudé chez EADS, il faut que la justice aille jusqu'au bout, qu'on connaisse la vérité et que ceux qui se sont comportés de façon malhonnête soient punis à due proportion de ce qu'ils ont fait. » ; « j'irai jusqu'au bout de l'enquête pour savoir quelles ont été les responsabilités de l'État à ce moment-là », ajoutait-il.

La commission d'enquête permettrait à l'ensemble du Sénat, opposition et majorité, d'être à égalité de connaissance, ce qui est l'intérêt de tous les acteurs publics compte tenu des dégâts moraux causés par cette affaire dans l'opinion.

M. Roland Courteau. C'est vrai !

Mme Nicole Bricq. Et cela d'autant que la dépénalisation du droit des affaires est aussi entrée dans l'actualité, Mme  le garde des sceaux ayant en effet annoncé la création d'un groupe de travail sur cette question le 4 octobre dernier, soit le lendemain de la publication dans la presse du pré-rapport de l'AMF. Avouez que cette concomitance ajoute au trouble !

M. le président. Votre question !

Mme Nicole Bricq. Mme le ministre de la justice a précisé, dans le journal Le Monde daté du 16 octobre, que « naturellement, l'abus de bien sociaux et le délit d'initiés ne seront pas dépénalisés ». Pourquoi ce « naturellement » s'il n'y a pas de lien entre la réforme envisagée et le dossier EADS ? Il apparaît donc de plus en plus nécessaire que la lumière soit faite...

M. le président. Votre question !

Mme Nicole Bricq. ... et que le Gouvernement précise ce qu'il entend extraire de la sphère pénale. Il doit répondre aux interrogations de nos concitoyens sur cette concomitance, cette coïncidence des actes et des faits, afin de lever la suspicion dangereuse à l'encontre de l'action publique, particulièrement celle qui a trait à la responsabilité de l'État.

M. Charles Revet. Trois minutes quinze !

Mme Nicole Bricq. C'est pourquoi, je vous demande de préciser le champ que recouvrerait la dépénalisation du droit des affaires ainsi que la force de conviction dont vous comptez faire preuve en tant que chef de la majorité pour que celle-ci mette en place une commission d'enquête dans l'intérêt de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Trois minutes vingt-huit !

Monsieur Domeizel, je crains que votre question ne puisse être soit retransmise à la télévision !

La parole est à M. le secrétaire d'État. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Madame Bricq, vous souhaitez la transparence sur l'affaire EADS. Sachez que le Gouvernement joue bien la transparence. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. Il joue gros !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Mme  Christine Lagarde a été entendue par les commissions des finances de la Haute Assemblée et de l'Assemblée nationale. Elle a immédiatement demandé à l'Inspection générale des finances un rapport pour savoir si les services de l'État avaient ou non joué pleinement leur rôle. Ce rapport a été rendu public la semaine dernière.

M. Gérard Longuet. C'est vrai !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et la commission d'enquête ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Sa conclusion est la suivante : les services du ministère des finances ont parfaitement rempli leur rôle et ne peuvent aucunement être mis en cause.

M. Didier Boulaud. Et Matignon ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand on n'a rien à cacher, on accepte une commission d'enquête !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Vous évoquez, madame le sénateur, d'éventuels délits d'initiés. Or le rôle de la justice est justement de déterminer si, oui ou non, de tels délits ont été commis.

Je regrette, permettez-moi de vous le dire, que, au moment où des succès commerciaux exceptionnels sont annoncés (Très bien ! sur les travées de l'UMP.- Rires sarcastiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), au moment où le Premier ministre présente, à Marignane, un plan de soutien inégalé de la filière aéronautique (Nouveaux rires sur les mêmes travées.), vous n'ayez aucun mot pour ce qui fait la fierté de notre industrie aéronautique : cent quatre-vingt-cinq A 380, des commandes de près de quarante milliards d'euros ! J'imagine que c'est un simple oubli de votre part !

M. Didier Boulaud. Ce sont vos amis qui ont mis les mains dans la caisse !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Votre omission montre qu'il y a, d'un côté, ceux qui soutiennent cette entreprise et ses succès commerciaux et, d'un autre, ceux qui privilégient les dérives politiciennes ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Didier Boulaud. Il y a ceux qui bossent et ceux qui mettent les mains dans la caisse !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ceux qui se lèvent tôt à EADS vous regardent !