Sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

1. Procès-verbal

2. Questions d'actualité au Gouvernement

L'évolution du prix du pétrole

M. Gérard César, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Pouvoir d'achat

M. François Marc, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Réforme des institutions

MM. André Vallet, François Fillon, Premier ministre.

pouvoir d'achat

MM. Thierry Foucaud, François Fillon, Premier ministre.

situation des marins pêcheurs

MM. Georges Othily, Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.

statut des ong

MM. Joël Bourdin, Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

pouvoir d'achat

Mmes Raymonde Le Texier, Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

régimes spéciaux de retraite

MM. Dominique Mortemousque, Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

pouvoir d'achat des handicapés

MM. Charles Gautier, Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

politique autoroutière

MM. Jean Louis Masson, Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

3. Déclaration de l'urgence de deux projets de loi

4. Candidatures à un organisme extraparlementaire

5. Organisme extraparlementaire

6. Modification de l'ordre du jour

7. Mission d'information

8. Prélèvements obligatoires. - Débat sur une déclaration du Gouvernement

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ; M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux de la loi de financement de la sécurité sociale ; Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Marc Massion, Gérard Longuet, Guy Fischer, Georges Othily, Christian Gaudin.

Mme la ministre.

Clôture du débat.

9. Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire

10. Dépôt de projets de loi

11. Dépôt d'une proposition de loi

12. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

13. Dépôt d'un rapport d'information

14. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, je vous remercie d'être parmi nous à cette occasion.

Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que l'auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

L'évolution du prix du pétrole

M. le président. La parole est à M. Gérard César. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard César. Ma question s'adresse à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

La hausse du prix du baril de pétrole fait l'actualité, suscitant commentaires divers et surtout inquiétudes chez tous les Français, qu'ils soient consommateurs particuliers ou professionnels. En effet, un baril de pétrole dont le prix frôle les 100 dollars et a plus que doublé depuis trois ans apparaît plutôt comme une menace que comme une opportunité, même si personne ne peut dire, aujourd'hui, comment évoluera le marché à court terme.

Certains y voient une occasion de changer radicalement nos habitudes, voire nos modes de vie ! Un document télévisé vient d'être diffusé au Royaume-Uni, présentant la vision d'une apocalypse pétrolière, augurant, ni plus ni moins, une rupture de civilisation.

Les causes de cette fièvre se trouvent d'abord dans le déséquilibre de l'offre et de la demande - la croissance chinoise, par exemple, engendre la consommation de quatre à cinq fois plus d'énergie par unité de PIB que chez nous - ensuite dans le jeu des spéculateurs, qui, momentanément, délaissent le marché des actions pour celui de l'énergie, dans les réalités géopolitiques dont on connaît la force d'impact, enfin dans des aléas climatiques.

La situation n'est cependant nullement comparable à celle qu'engendra le second choc pétrolier qui, en 1978, fut à l'origine d'une grave crise économique. Le contexte est aujourd'hui différent.

Cela étant, le prix des carburants qui grimpe de plus belle est un handicap supplémentaire pour les professionnels qui en consomment beaucoup - pêcheurs, chauffeurs de taxi, transporteurs, agriculteurs - mais aussi pour les particuliers. Chacun réagit en fonction de ses propres intérêts. Des demandes de solutions adaptées se font jour. Les marins pêcheurs ont obtenu une réponse. Qu'en sera-t-il pour les autres ?

Toutes ces interrogations, qui dépassent largement nos frontières, appellent des réponses à plusieurs niveaux, à court comme à plus long terme.

Madame la ministre, quelle est votre stratégie et comment entendez-vous répondre aux défis de la hausse du prix du pétrole ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le sénateur, je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir évoqué une question aussi importante pour l'ensemble de nos concitoyens : l'augmentation des prix du pétrole à la pompe.

Permettez-moi de rappeler un certain nombre d'éléments chiffrés.

Depuis le début de l'année 2007, le prix du baril de pétrole a connu une augmentation très forte - de l'ordre de 50 % environ -, passant ainsi au dernier recensement à 98 dollars, ce qui ne correspond pas à l'augmentation du prix constatée à la pompe, laquelle n'a été que de 11 % environ depuis le début de l'année.

Cet écart est dû, d'une part, au fait que nous payons nos achats en euros, ce qui nous prémunit contre la hausse de produits dont le prix est libellé en dollars, d'autre part, au fait qu'une partie du prix du carburant est composée de taxes, dont le volume constitue une espèce d'amortisseur. (Murmures sur les travées socialistes.)

Face à une telle situation, il faut réagir de deux façons.

En premier lieu, il convient de faire jouer la concurrence. À cet égard, je souhaite, au-delà des membres de votre assemblée, attirer l'attention de tous nos concitoyens sur l'existence d'un site internet qui est de plus en plus consulté et dont je vous communique l'adresse : < www.prix-carburants.gouv.fr > (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Christine Lagarde, ministre. Ce site recense 80 % des stations-service en France et permet à ceux qui le consultent de réaliser une économie en coût de carburant allant jusqu'à 20 % sur les trajets qu'ils effectuent. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Une telle économie n'est pas négligeable !

M. Guy Fischer. C'est le système « débrouille » !

Mme Christine Lagarde, ministre. La concurrence doit jouer entre l'ensemble des opérateurs. À cet effet, je convoque samedi matin, à neuf heures trente, l'ensemble des producteurs de pétrole et des compagnies distributrices de produits pétroliers...

Mme Christine Lagarde, ministre.... pour chercher avec eux comment atténuer les effets de la hausse des prix du carburant pour le consommateur.

En second lieu, une action structurelle sur le long terme s'impose. Souhaitée par l'ensemble du Gouvernement, cette action doit, sous la direction du Premier ministre, M. François Fillon, s'inscrire dans les mesures du Grenelle de l'environnement, qui, telles que précisées par le Président de la République, visent à changer notre mode de consommation. Le Gouvernement va s'atteler à ce travail. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Pouvoir d'achat

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. René-Pierre Signé. Enfin quelques vérités !

M. François Marc. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

La crise qui touche aujourd'hui le secteur de la pêche, en Bretagne et ailleurs, illustre à quel point la hausse vertigineuse du prix du pétrole déstabilise notre économie et pénalise les revenus. Lorsque le baril de brut atteignait 80 dollars voilà deux mois, on parlait de record historique : il est aujourd'hui à près de 100 dollars. Et pas d'accalmie en vue !

Outre les marins pêcheurs, de nombreux professionnels sont fragilisés, par exemple les agriculteurs, les transporteurs routiers ou les chauffeurs de taxi... En réalité, ce sont tous les Français, en particulier les plus modestes, qui souffrent de cette explosion du prix des carburants. Savez-vous que la cuve de fuel coûtera cet hiver 40 %, voire 50 % de plus que l'an passé ?

Madame la ministre, vous me répondrez que le Gouvernement n'est pas responsable de la hausse. Pourtant, aux yeux des Français, il est coupable d'imprévoyance, car si les temps sont durs aujourd'hui, ils ne semblaient pas l'être aux mois de juillet et août, lorsqu'avec vos cadeaux fiscaux de 15 milliards d'euros vous faisiez chanter les cigales sous les fenêtres des plus fortunés ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)

Vous savez vous-même que votre projet de budget pour 2008, actuellement en discussion à l'Assemblée nationale, est totalement irréaliste, puisqu'il est établi sur un prix du baril de pétrole à 73 dollars ! Or un écart de 20 dollars équivaut à un point de croissance en moins.

Le nouveau Président de la République devait être, selon ses dires, « le Président de l'augmentation du pouvoir d'achat ».

M. Guy Fischer. Mensonge !

M. François Marc. Or, si quelque chose a augmenté depuis six mois, ce sont bien les prix : ceux du carburant, certes, mais aussi ceux des produits alimentaires - le pain, les pâtes, le riz... - ou encore le montant des loyers !

Madame la ministre, vous n'avez pas le droit de traiter par la désinvolture le constat accablant de baisse du pouvoir d'achat que subit le plus grand nombre. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Roland du Luart. C'est excessif !

M. François Marc. Nous n'acceptons ni votre fatalisme ni votre constat d'impuissance. Des mesures urgentes sont à prendre à l'égard de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, du chèque-transport, de la prime pour l'emploi, de la maîtrise des loyers...

Voilà six mois, on nous disait que les Français verraient à l'automne les premiers résultats en termes de pouvoir d'achat.

M. René-Pierre Signé. C'est gagné !

M. François Marc. Nous y sommes et les résultats sont à ce jour plus que décevants.

M. le président. Posez votre question, monsieur Marc !

M. François Marc. La voici, monsieur le président !

Madame la ministre, le pouvoir d'achat, c'est votre pouvoir. Alors, quand et comment allez-vous l'exercer ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Malheureusement, je constate une fois de plus que les vieilles recettes semblent toujours à l'ordre du jour.

M. Charles Gautier. Les nouvelles recettes, c'est quoi ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Face à la situation présente, évoquer encore la TIPP, le chèque-transport ou la prime pour l'emploi n'est pas nécessairement la bonne solution...

M. Yannick Bodin. Donnez-nous la bonne solution !

Mme Christine Lagarde, ministre. Cela dit, puisque vous l'avez évoquée, monsieur le sénateur, je voudrais apporter quelques éléments d'information sur la TIPP.

Vous vous en souvenez, la TIPP flottante a été expérimentée pendant à peine deux ans. Elle a coûté à peu près 2,7 milliards d'euros au budget de la nation et n'a rapporté en tout et pour tout à la pompe que 3 centimes d'euro par litre au consommateur.

M. Didier Boulaud. Ce n'est pas rien !

M. Yannick Bodin. Donnez-nous donc vos recettes !

Mme Christine Lagarde, ministre. Le rapport entre la dépense et le bénéfice pour le consommateur était-il véritablement à la hauteur des enjeux ? Probablement pas !

Ce n'est donc certainement pas dans cette direction que nous devons aller et ce n'est pas cette piste qu'il nous faut creuser pour que les Français voient leur pouvoir d'achat augmenter.

M. Yannick Bodin. Et alors ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Quant au chèque-transport prévu par la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social du 30 décembre 2006, il permet à l'employeur de distribuer à ses salariés des chèques pour prendre en charge une partie de leurs frais de déplacement, l'État consentant en contrepartie un certain nombre d'exonérations. Le dispositif est en place : quatre émetteurs de chèque-transport ont été agréés et les entreprises pourraient d'ores et déjà y recourir.

Force est de constater que les acteurs économiques et sociaux estiment que ce produit ne peut être mobilisé en l'état. En effet, pour être efficace, le coût de gestion du dispositif ne doit pas être excessif ; or, aujourd'hui, il le serait.

Mme Nicole Bricq. C'est de l'arnaque !

Mme Christine Lagarde, ministre. C'est la raison pour laquelle Dominique Bussereau, secrétaire d'État aux transports, et moi-même avons diligenté une mission conjointe du contrôle général économique et financier et du conseil général des ponts et chaussées, qui doit nous remettre très rapidement des propositions afin que le chèque-transport puisse faire converger nos objectifs environnementaux, qui privilégient le transport collectif, et l'amélioration du pouvoir d'achat des ménages. Un rapport intermédiaire nous sera remis avant la fin du mois de novembre.

Monsieur le sénateur, vous avez stigmatisé les moyens prétendument dilatoires que j'aurais préconisés. Je tiens à indiquer qu'ils s'inscrivent dans les objectifs fondamentaux de changements de comportement que nous visons tous.

M. Jacques Mahéas. La bicyclette !

Mme Christine Lagarde, ministre. Il est malvenu à mon sens de tirer partie d'un exemple particulier pour vilipender une politique que les Français doivent mettre en oeuvre tous ensemble. Quand il s'agit de changer notre comportement vis-à-vis d'une denrée de plus en plus rare, il n'est pas de gestes anodins. ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Boulaud. Le Gouvernement est venu en bus ou en vélo ? (Sourires.)

Réforme des institutions

M. le président. La parole est à M. André Vallet.

M. André Vallet. Monsieur le Premier ministre, le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par M. Balladur, a remis le 29 octobre dernier son rapport à M. le Président de la République.

Ce rapport contient un certain nombre de réflexions et de propositions et je tiens à saluer, au nom du groupe UC-UDF, la qualité du travail qui a été fourni et à dire à ses membres qu'ils se sont remarquablement acquittés de la mission que le Président de la République leur avait confiée.

Le comité préconise soixante-dix-sept révisions ou articles nouveaux, parmi lesquels quarante et un concernent la Constitution. Il est convaincu qu'un changement est nécessaire et laisse au Gouvernement le soin d'apprécier dans quelle mesure, selon quelle procédure et dans quels délais celui-ci soumettra ses projets au Parlement.

Il est difficile, monsieur le Premier ministre, que vous répondiez brièvement à toutes ces propositions, mais les membres du groupe UC-UDF aimeraient connaître votre réponse sur un certain nombre d'entre elles, qui interpellent les élus locaux et les parlementaires.

Êtes-vous, monsieur le Premier ministre, favorable à la suppression de tout cumul entre un mandat de parlementaire et une fonction exécutive locale ?

Plusieurs sénateurs socialistes. Ah !

M. André Vallet. Êtes-vous, monsieur le Premier ministre, partisan de ne plus permettre à un membre du Gouvernement de conserver une fonction élective, quelle qu'en soit la nature ?

Plusieurs sénateurs socialistes. Ah !

M. André Vallet. Êtes-vous, monsieur le Premier ministre, favorable à l'élection de trente députés supplémentaires au scrutin proportionnel sur des listes nationales ?

M. Guy Fischer. Au moins !

M. André Vallet. Êtes-vous, monsieur le Premier ministre, favorable à la création d'un collège de 120 000 grands électeurs pour la désignation des candidats à l'élection présidentielle ?

Êtes-vous, monsieur le Premier ministre, favorable au référendum d'initiative populaire à la demande d'un cinquième des membres du Parlement et d'un dixième des électeurs ?

Pourriez-vous, par ailleurs, nous indiquer si le calendrier de ces éventuelles réformes permettra une discussion parlementaire avant les prochaines élections municipales ?

Les membres du groupe UC-UDF seront très attentifs à vos réponses, monsieur le Premier ministre. Ils ne comprendraient pas que le Gouvernement ne réponde pas rapidement aux sollicitations du comité Balladur. Peut-être attendez-vous les choix du Président de la République ? (Exclamations amusées sur les travées socialistes.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la Constitution de la Ve République a apporté à notre pays une stabilité qu'il a rarement connue dans son histoire. Cette stabilité a été obtenue au prix de contraintes très fortes imposées au Parlement, contraintes qui s'expliquent par notre histoire. La société française comme les démocraties voisines ont changé. Aussi est-il temps de moderniser notre Constitution, en particulier de rééquilibrer les pouvoirs entre le législatif et l'exécutif.

La commission Balladur a bien travaillé. Elle a formulé des propositions dont 80 % visent à accroître les pouvoirs du Parlement. Elle préconise, par exemple, que soient examinés en séance les textes issus des travaux des commissions et non ceux que le Gouvernement a initialement présentés. Qui pourrait être contre ?

La commission Balladur propose que le Parlement soit associé au contrôle des nominations aux emplois de la fonction publique d'un certain niveau. Qui pourrait être contre ?

La commission Balladur propose que le nombre des commissions soit augmenté pour tenir compte de l'évolution et des problèmes nouveaux dont le Parlement est saisi.

La commission Balladur propose un véritable partage de l'ordre du jour des assemblées. Qui pourrait être contre ?

La commission Balladur propose que de nouveaux droits soient offerts aux citoyens, en particulier la possibilité de soulever l'exception d'inconstitutionnalité ou le recours au référendum d'initiative populaire.

Certes, certaines questions sont moins consensuelles que celles que je viens d'évoquer. Il en est ainsi de l'articulation des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier ministre. Sur ce point, la commission Balladur propose de mettre les textes en conformité avec la réalité, réalité qui n'est pas seulement apparue sous la présidence de Nicolas Sarkozy mais qui a prévalu depuis le début de la Ve République. Je vous invite à relire les Mémoires de Michel Debré pour constater quelle conception avait le général de Gaulle des fonctions de Président de la République et de Premier ministre. Nous allons bien évidemment débattre de cette question.

Par ailleurs, la commission Balladur propose d'introduire une dose de proportionnelle à l'Assemblée nationale, comme vous venez de l'évoquer, ou encore de limiter le cumul des mandats.

Comment le Gouvernement va-t-il procéder ? Dans quelques jours, il va proposer un texte d'orientation qui sera soumis à une concertation avec les forces politiques. L'objectif du Président de la République et du Gouvernement est de trouver un consensus. On ne change pas les institutions de la République en opposant un camp contre l'autre.

MM. Jean-Pierre Fourcade et Jean-Pierre Raffarin. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. On ne peut modifier les institutions de la Ve République que si se dégage une très large majorité autour d'un texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) D'ici à la fin de l'année, nous allons donc travailler ensemble à ce consensus. Chacun devra prendre ses responsabilités. Les propositions de la commission Balladur comportent des avancées démocratiques très intéressantes. Il faudra dire si on les accepte ou non.

À défaut de consensus, aucune réforme des institutions ne sera possible et donc aucune avancée démocratique. Il faudra que chacun fasse un effort pour aller dans le sens de l'autre. Telle est la mission à laquelle je vais m'employer avec M. le Président de la République pendant les prochaines semaines. Nous souhaitons qu'une première lecture de ce texte puisse avoir lieu au mois de février. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. René-Pierre Signé. On n'a rien appris !

pouvoir d'achat

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Durant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy s'est présenté comme le candidat du pouvoir d'achat. Depuis son élection, les mesures prises sont en faveur des plus riches. Je citerai, à titre d'exemple, l'allègement des droits de succession, l'abaissement du bouclier fiscal, parmi bien d'autres dispositions.

La fracture est de plus en plus importante ; les riches sont toujours plus riches et les pauvres encore plus pauvres. C'est une politique qui divise.

M. Alain Vasselle. Caricature !

M. Thierry Foucaud. La colère, légitime, monte. L'annonce de l'augmentation considérable du salaire présidentiel, alors que les autres salaires ne progressent pas, la hausse des prix de l'énergie, de l'essence, du gazole, du fuel - cette dernière augmentation alourdit également les factures de chauffage -, l'envolée des prix des produits de première nécessité, l'augmentation des loyers, de l'accès aux soins, toutes ces hausses creusent les inégalités.

Depuis quelques semaines, le climat social se durcit. Plusieurs conflits sociaux motivés par la revendication de meilleurs salaires ont vu le jour, notamment à Air France, chez Total, Conforama, au Crédit lyonnais. La réponse apportée à la crise grave que traversent les marins pêcheurs et leurs familles est le reflet de la politique du Gouvernement. Notons l'« exonération gadget » de cotisations patronales alors que les entreprises du CAC 40 réalisent des bénéfices record. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Je rappelle qu'ils s'élèvent à 97 milliards d'euros pour 2006. Madame la ministre, quand allez-vous instaurer une taxe sur les supers profits ?

Le projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs ne suffira pas à soulager les 15 % de la population rémunérés au SMIC et les 7 millions de travailleurs pauvres. L'octroi d'un euro au titre des allocations familiales constitue une véritable provocation au regard des besoins.

M. Guy Fischer. Une insulte aux familles !

M. Thierry Foucaud. Augmenter le pouvoir d'achat, madame la ministre, contribuera à relancer la croissance.

Allez-vous enfin prendre les premières mesures concrètes, à savoir alléger la TVA sur les biens de consommation courante, revaloriser le SMIC et adopter des dispositions d'urgence pour endiguer les effets de la flambée du prix du pétrole en taxant les profits considérables réalisés sur le dos des consommateurs ? Total, ayant réalisé 3 milliards d'euros de profits au troisième trimestre 2007, peut payer !

M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !

M. Thierry Foucaud. Madame la ministre, quand on a su trouver, lors de l'adoption de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, 14 milliards d'euros pour les favorisés, peut-on soutenir devant le peuple que les caisses de l'État sont vides lorsqu'il s'agit de soulager le plus grand nombre ? Votre réponse confirmera ou non que les Françaises et les Français ont été victimes de promesses électorales sans lendemain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. François Fillon, Premier ministre. Je souhaite répondre à cette question, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le sénateur, répéter inlassablement un mensonge n'en fait pas une vérité ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Répéter inlassablement que le Gouvernement a distribué 14 milliards d'euros aux plus favorisés est un mensonge ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.) Les deux tiers de cette somme sont destinés à financer les heures supplémentaires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Qui peut prétendre que ce sont les plus favorisés qui font des heures supplémentaires ?

M. Guy Fischer. Cela ne marchera pas !

M. François Fillon, Premier ministre. Vous dites que cela ne marchera pas ; on verra ! Même si tel était le cas, ce ne serait pas de l'argent dépensé inutilement.

M. Jacques Mahéas. Les patrons n'en veulent pas !

M. François Fillon, Premier ministre. Les exonérations qui ont été proposées par le Gouvernement en faveur de ceux qui s'endettent en vue d'acquérir leur domicile ont pour objet d'aider les familles moyennes, modestes. Enfin, les mesures qui ont été prises dans le domaine des droits de succession sont plafonnées, vous le savez parfaitement. Elles bénéficient donc à des Français moyens qui, jusqu'à maintenant, acquittaient deux fois l'impôt, une fois sur leurs revenus et une seconde fois sur les successions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. François Fillon, Premier ministre. Cessez de dire des contrevérités parce qu'une telle attitude ne fait pas avancer le débat ! Permettez-moi de vous faire remarquer que vous êtes dans l'opposition depuis un certain temps et que vous tenez toujours le même discours. Peut-être pourriez-vous l'analyser et en déduire les raisons pour lesquelles vous avez échoué aux dernières élections présidentielles et législatives ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

J'en viens maintenant au pouvoir d'achat. Trois leviers permettent d'agir en la matière et le Gouvernement y a recours.

Le premier d'entre eux concerne le travail. Dire aux Français qu'ils peuvent avoir plus de pouvoir d'achat en travaillant moins ou sans travailler plus est une démonstration de démagogie. Il faut travailler plus, produire plus pour pouvoir distribuer plus de revenus. C'est la raison pour laquelle nous encourageons le recours aux heures supplémentaires pour essayer de sortir des contraintes que vous avez fait peser en instaurant les 35 heures.

M. David Assouline. Cela ne marchera pas !

M. Jacques Mahéas. Cela ne fonctionne pas !

M. David Assouline. Vous n'y croyez pas vous-même !

M. François Fillon, Premier ministre. On verra ! Et si tel est le cas, il faudra aller plus loin. Le Gouvernement vous proposera alors d'autres solutions.

Le deuxième levier concerne la lutte contre le chômage, car moins il y a de chômeurs, plus il y a de pouvoir d'achat. (Murmures dubitatifs sur les travées du groupe socialistes et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Et la précarité !

M. François Fillon, Premier ministre. Je veux vous faire remarquer que le chômage a baissé au mois de septembre de 1,4 %. Il atteint aujourd'hui un taux historiquement bas depuis vingt-cinq ans. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. David Assouline. Tout va bien, en quelque sorte !

M. François Fillon, Premier ministre. Enfin, nous voulons encourager les entreprises à ouvrir de véritables négociations salariales. Dans notre pays, pour des raisons liées à des décisions que vous avez soutenues dans le passé, les négociations salariales sont rompues depuis des années.

Un sénateur de l'UMP. Eh oui !

M. Jacques Mahéas. Cela fait six ans que vous êtes au pouvoir !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous sommes en train, avec Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, de moduler les allégements de charges en fonction de la politique salariale des entreprises et de leur volonté d'ouvrir de véritables négociations.

M. Jacques Mahéas. C'est du pipeau !

M. François Fillon, Premier ministre. Je veux maintenant dire quelques mots sur le logement.

Pour que les prix cessent d'augmenter dans ce secteur, il faut qu'il y ait plus de logements. Pourquoi y a-t-il si peu de logements en France ?

M. Jacques Mahéas. Parce que les municipalités ne respectent pas la loi !

M. François Fillon, Premier ministre. Parce que, au cours des années 2000, les mises en chantier de logements ont atteint leur plus bas niveau depuis le début de la Ve République.

M. Dominique Braye. 38 000 logements sociaux !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons relancé la construction de logements. L'objectif de mon gouvernement est la construction de 500 000 logements par an. Nous l'atteindrons et nous pourrons alors faire baisser les prix du logement dans notre pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

situation des marins pêcheurs

M. le président. La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le ministre, les pêcheurs connaissent depuis quelques années des difficultés liées à la diminution des ressources et à l'augmentation de leurs charges de fonctionnement.

Le prix du baril de pétrole, à près de 98 dollars, atteint des sommets et engendre l'augmentation de celui du gazole, qui est passé à plus de 55 centimes d'euro le litre. Chacun doit savoir que le poste carburant représente 30 % à 35 %, parfois plus, de la mise à terre, c'est-à-dire du chiffre d'affaires réalisé par les navires.

Contrairement à d'autres professionnels, les marins pêcheurs ne peuvent pas répercuter ces surcoûts sur les produits débarqués. Il en résulte une diminution sensible de la rentabilité des embarcations. Nombre d'entre eux sont au bord du dépôt de bilan, et le versement du salaire des équipages ne peut plus être assuré. Je comprends et je partage leur inquiétude, d'autant qu'ils ont investi des sommes importantes dans leur outil de travail ; ils se demandent quel sera leur avenir.

Les pêcheurs n'acceptent plus d'aller en mer pour des salaires si chaotiques, dans des conditions de pénibilité et de dangerosité reconnues sur toutes les travées de cet hémicycle.

En Guadeloupe, sur les 930 professionnels recensés, 800 marins pêcheurs sont en activité et font vivre plus de 3 000 familles. Leur situation est catastrophique et la pression de la concurrence de l'importation est insoutenable. L'hypothèse de la répercussion de la hausse des prix du pétrole sur les consommateurs représenterait la mort certaine d'une profession. La situation est la même en Guyane, tant pour le secteur du poisson que pour la pêche crevettière. En Martinique, la situation n'est pas meilleure.

Dans le prolongement de la visite que vous avez effectuée au Guilvinec, au côté du Président de la République, et à la suite de votre invitation, monsieur le ministre, les représentants des professionnels de la pêche se sont réunis auprès de vous hier matin. Les gestes que vous avez ainsi accomplis démontrent votre attachement à la pêche et prouvent, s'il en était besoin, que vous êtes non seulement le ministre de l'agriculture et de la pêche mais aussi et surtout le ministre des agriculteurs et des pêcheurs.

Monsieur le ministre, ma question est simple : à la suite des orientations arrêtées par le Président de la République mardi dernier, quelles décisions définitives ont été prises à l'occasion de la réunion nationale d'hier ? Le secteur de la pêche pour la zone Caraïbes-Amérique en profitera-t-il ? Et, au-delà de ces décisions, quel peut être l'avenir pour les hommes et les femmes de la pêche française ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, je n'ai pas oublié le dialogue que j'ai eu récemment avec les pêcheurs à Petit Havre, en Guadeloupe, au Vauclin, en Martinique, ou encore sur le site de la nouvelle darse de pêche de la Réunion.

Les difficultés, les angoisses, les dangers - vous les avez évoqués - étant les mêmes pour les pêcheurs des quatre départements d'outre-mer que pour les pêcheurs de métropole, les réponses du Gouvernement seront les mêmes.

Le prix du gazole - vous en avez parlé, les uns et les autres - compromet durablement et gravement la viabilité des bateaux et les revenus des marins pêcheurs.

C'est pour cette raison que, mardi, le Président de la République est allé lui-même, au Guilvinec, à la rencontre de tous les marins pêcheurs de France, afin de leur faire part du respect qu'éprouvent pour eux leurs concitoyens et de la solidarité dont ceux-ci doivent faire preuve envers eux.

Hier, j'ai donc réuni l'ensemble des représentants des marins pêcheurs de France, afin de mettre en oeuvre rapidement, en concertation avec eux et sous l'autorité du Premier ministre, les mesures annoncées par le chef de l'État.

Certaines mesures seront effectives immédiatement : il en va ainsi de l'exonération des charges sociales, patronales et salariales. Il ne s'agit pas de gadgets !

Nous travaillerons également, au cours des mois qui viennent, à la mise en place rapide de mécanismes de compensation du surcoût du gazole au-delà du prix moyen sur une année, soit 30 centimes d'euro le litre.

Le système devra être compatible avec les règles européennes et garantir la viabilité des bateaux sans pénaliser les consommateurs.

Parallèlement, nous réfléchirons à des mesures plus structurelles : la pêche française a un avenir, et c'est pour cela que la flottille doit être modernisée ; elle doit consommer moins et consommer mieux. Nous devons l'aider à mieux gérer la ressource, et je veillerai à ce qu'un revenu minimum soit garanti aux marins pêcheurs, pour qu'il n'y ait plus de salaires négatifs.

Toutes ces préoccupations sont au coeur de la mission que je viens de confier à M. Paul Roncière.

Le Gouvernement veut, en concertation avec les marins pêcheurs, relever le défi réglementaire, le défi écologique, le défi économique. Il sera attentif, mesdames, messieurs les sénateurs, aux propositions du Parlement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

statut des ong

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.

M. Joël Bourdin. Ma question s'adresse à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

La triste histoire de l'Arche de Zoé, au Tchad, qui sème le doute sur le rôle des ONG dans les pays en souffrance, doit nous inciter à la réflexion sur les limites de l'action de ces organismes.

Dans les pays en proie à de graves conflits, aux guerres, ou qui subissent des catastrophes naturelles, le travail des organisations non gouvernementales auprès des populations et des victimes est remarquable. Les exemples sont légion, de l'Afghanistan à Haïti, en passant par de nombreux pays du continent africain, de leur rôle apaisant et efficace. L'action des personnels humanitaires est aussi admirable que difficile, surtout lorsqu'elle est accomplie par de véritables bénévoles, et ce parfois au prix de leur vie.

À ce titre, il convient de rendre hommage aux ONG, véritables relais de la solidarité internationale, et de continuer à soutenir leurs actions lorsqu'elles s'inscrivent dans un véritable schéma déontologique.

Certes, les ONG interviennent le plus souvent dans des territoires ou dans des parties de territoires où la loi ne s'applique pas ou ne s'applique plus ; certes, l'urgence humanitaire peut engendrer des improvisations, mais il est primordial qu'elles respectent les principes fondamentaux de notre droit international, public ou privé.

Monsieur le ministre, ne serait-il pas souhaitable, avant qu'une ONG d'origine française ne soit enregistrée dans un consulat général de France, qu'elle ratifie une charte rappelant les principes qu'elle devrait respecter en France et qu'elle doit impérativement respecter à l'étranger ?

Permettez-moi de vous demander également si, dans les mois à venir, une évaluation globale des ONG françaises ne pourrait pas être réalisée par nos ambassades ou par une instance indépendante, évaluation qui devrait être transmise au Parlement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir parlé des ONG de cette manière et de leur avoir rendu hommage : il était temps ! Je partage votre sentiment à ce propos.

Cette triste aventure, cette dérive humanitaire, qui a provoqué un grand émoi, est inacceptable. Je crois toutefois à la sincérité de certains membres de cette organisation qui auront été abusés.

Au demeurant, les ONG sont déjà soumises à des contrôles ; un certain nombre de garde-fous existent déjà, notamment des garde-fous économiques.

Les ONG qui sont déclarées en France et qui reçoivent des subventions soit de l'État français, soit, par exemple, d'une organisation européenne, doivent rendre des comptes. Elles sont notamment contrôlées - certes d'une manière un peu arbitraire, mais néanmoins très régulière -, par votre commission des finances et par la Cour des comptes. Les conclusions de ces contrôles sont rendues publiques.

Parallèlement à l'aspect comptable, il y a la déontologie, même si elle n'est pas très codifiée. Il existe certains organismes comme le Comité de la charte, auquel ont adhéré de nombreuses associations regroupées sous le nom de Coordination Sud. Toutes les ONG ne sont malheureusement pas affiliées au Comité de la charte

Cela dit, j'insiste sur le fait que ces organisations sont non gouvernementales et qu'il ne s'agit en aucune façon de les enrégimenter et de leur imposer des normes qui leur ôteraient leur caractère critique, mobile, inventif.

De toute façon, pour moi, l'essentiel est d'abord le respect des populations, ensuite, la capacité d'écoute ; il faut savoir ne pas s'imposer, car on n'est pas chez soi, on est chez les autres.

M. Charles Gautier. Et le droit d'ingérence !

M. Bernard Kouchner, ministre. Le droit d'ingérence, c'est autre chose, et je vous remercie de l'évoquer. En effet, aujourd'hui dénommé « responsabilité de protéger », c'est une proposition française ancienne, qui ne fut pas assez soutenue à l'époque, mais qui depuis a été acceptée par l'ONU, ce dont nous pouvons être fiers : il autorise un État à porter secours à un autre, en cas de situation exceptionnelle et en l'absence de toute autre solution. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UC-UDF.)

Votre suggestion, monsieur le sénateur, doit être examinée avec beaucoup d'attention.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. Bernard Kouchner, ministre. Je proposerai aux secrétaires d'État Mme Rama Yade et M. Jean-Marie Bockel de se concerter avec les représentants des ONG et de leur soumettre quelques propositions. La tâche n'est pas facile, car il faut conserver à ces organisations leur caractère entièrement libre, mais, puisqu'elles sont échaudées par cette triste affaire, nous pouvons essayer d'aller plus loin avec elles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. René-Pierre Signé. On n'a pas appris grand-chose !

pouvoir d'achat

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Raymonde Le Texier. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

M. François Autain. Elle est très sollicitée, aujourd'hui !

Mme Raymonde Le Texier. Les Français trouvent l'essence trop chère. « Qu'ils utilisent leurs deux pieds et leurs deux roues ! » : telle a été, madame la ministre, votre réponse.

Mme Raymonde Le Texier. Venant de quelqu'un qui ne se déplace qu'avec une voiture et un chauffeur, la leçon est quelque peu déplacée, voire indécente. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

L'augmentation du prix à la pompe représente, pour le budget des ménages, une charge qui s'ajoute à l'explosion du montant des loyers et à la hausse des prix des produits de consommation courante, auxquelles viendront s'ajouter demain les franchises médicales, le tout dans un contexte de stagnation salariale.

Sans doute, madame la ministre, vous a-t-il échappé que les plus modestes de nos concitoyens et ceux des classes moyennes sont contraints d'habiter de plus en plus loin du coeur des villes. Pour ceux-là, la voiture est, la plupart du temps, indispensable, que ce soit pour faire les courses, amener un enfant à la crèche, les autres à l'école et, surtout, aller travailler.

Vous semblez également oublier que le pétrole ne sert pas uniquement à se déplacer, mais aussi à se chauffer.

Ce sont des millions de personnes qui vont voir leur facture de chauffage ou leurs charges locatives s'accroître. Peut-être, à celles-là, allez-vous conseiller de tricoter des pull-overs ? C'est chaud, c'est doux, c'est écologique, et ça occupe. (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye. Ces propos sont du niveau Café du commerce !

M. Éric Doligé. Très nuls !

Mme Raymonde Le Texier. Confronté à l'envolée des prix du pétrole en 2000, Lionel Jospin avait instauré la TIPP flottante pour épargner le budget des Français. Vous avez dit tout à l'heure tout le mal que vous pensiez de cette mesure.

Dans une situation similaire, que fait le gouvernement actuel ? « Nous évoluons avec des contraintes financières qui ne nous permettent pas d'écraser les sources de revenus pour le budget de l'État », dites-vous.

Pourtant, c'est ce même gouvernement qui a fait, cet été, des cadeaux fiscaux aux plus privilégiés, c'est ce même gouvernement qui, face au déficit de la sécurité sociale, ose à peine taxer les stocks-options,...

MM. François Fillon, Premier ministre, et Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Vous ne l'avez jamais fait !

Mme Raymonde Le Texier.... se privant ainsi d'une recette évaluée à 3 milliards d'euros.

Confrontée à la réalité, la droite décomplexée montre son vrai visage. Elle méprise les citoyens, fait preuve d'indifférence face à l'injustice, d'inaction face aux inégalités.

J'en viens à l'amélioration du pouvoir d'achat : avec une augmentation de son salaire de 206 %, M. Sarkozy est bien le seul à voir se concrétiser le slogan « travailler plus pour gagner plus » ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. C'est vraiment une question de fond !

M. Jean-Pierre Bel. Cela vous gêne ?

M. Dominique Braye. Ce sont des propos dignes d'une poissonnerie de Dieppe !

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, ça commence à bien faire !

Mme Raymonde Le Texier. Ma question est simple : si l'amélioration du pouvoir d'achat est une priorité pour le Gouvernement, quand passerons-nous des rodomontades du Président de la République et des leçons de morale déplacées de ses ministres à l'action concrète ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Madame la sénatrice, ne tournez pas en dérision un mode de transport qui, lorsqu'il est prôné par M. Gaudin, M. Collomb ou encore M. Delanoë, est paré de toutes les vertus !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. C'est sûr !

M. René-Pierre Signé. C'est vraiment une petite réforme !

Mme Christine Lagarde, ministre. Ne tournez pas en dérision ce mode de transport, qui est plébiscité par les Français !

M. David Assouline. Ce sont vos propos que l'on critique !

Mme Christine Lagarde, ministre. Je vous rappelle que, selon un sondage SOFRES de mercredi dernier, 87 % des Français souhaiteraient marcher plus et utiliser davantage leur bicyclette.

Ne dénigrez donc pas ce mode de transport, qui constitue un des multiples moyens qui nous permettront de changer nos comportements ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

Nous avons, au début des années soixante-dix, grâce à une politique visionnaire, su restructurer notre production d'électricité, de telle sorte qu'aujourd'hui elle est à 90 % d'origine nucléaire et hydraulique, ce qui nous confère une indépendance que n'ont pas les autres pays d'Europe.

M. Guy Fischer. C'était grâce au général de Gaulle !

Mme Christine Lagarde, ministre. Oui, il avait eu raison, il était visionnaire.

M. René-Pierre Signé. C'est de l'adoration mutuelle ! On s'auto-congratule !

Mme Christine Lagarde, ministre. La politique qu'il préconisait a été mise en oeuvre.

Aujourd'hui, à la suite du Grenelle de l'environnement, qui s'est déroulé sous l'autorité de M. Jean-Louis Borloo, un certain nombre de modifications profondes, structurelles, visant le comportement de nos concitoyens, sont à l'étude : utilisation de véhicules plus propres, de modes de chauffage plus efficaces, de conditionnements plus économiques ou, tout simplement, promotion d'un habitat plus adapté à la raréfaction de la ressource énergétique fossile.

Dans ces conditions, votre question, madame la sénatrice, ne me paraît pas très raisonnable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Bel. Les insultes de M. Braye ne sont pas raisonnables non plus !

M. David Assouline. Chez lui, c'est une habitude !

M. Jean-Pierre Bel. Il y a des limites, monsieur le président !

Mme Nicole Bricq. M. Braye est un chien dangereux !

régimes spéciaux de retraite

M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque.

Monsieur Braye, vous êtes prié d'écouter calmement.

M. Dominique Mortemousque. Ma question s'adresse à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

À la veille du grand rendez-vous des retraites de 2008 et conformément à l'engagement pris par Nicolas Sarkozy lors de sa campagne présidentielle, la réforme des régimes spéciaux est aujourd'hui engagée.

Selon un sondage réalisé récemment, cette réforme est approuvée par les deux tiers des Français : nos concitoyens ont bien compris que l'effort de chacun est nécessaire pour contribuer à sauvegarder la retraite de tous.

Avec l'allongement de l'espérance de vie, le nombre de personnes âgées de plus de soixante ans en France augmentera de 10 millions d'ici à 2040, alors que la population totale est actuellement d'environ 60 millions d'habitants.

Dans le cadre de cette nécessaire remise à plat des régimes spéciaux, motivée par un souci de justice et d'équité, force est de constater qu'il « existe des régimes spéciaux de retraite qui ne correspondent pas à des métiers pénibles et qu'il existe des métiers pénibles qui ne correspondent pas à un régime spécial de retraite. »

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Dominique Mortemousque. Ce constat est, mot pour mot, celui que le Président de la République a dressé lors de son discours au salon de l'élevage de Rennes le 11 septembre dernier.

En effet, mes chers collègues, aujourd'hui, certaines professions sont encore réellement pénibles et nécessitent, par exemple, de travailler toute l'année à l'extérieur en s'exposant aux intempéries. C'est le cas notamment des artisans maçons et des agriculteurs,...

M. Guy Fischer. Les tracteurs ont tout de même évolué depuis le temps !

M. Dominique Mortemousque.... qui ne perçoivent, dans certains cas, qu'une retraite dérisoire, inférieure à 400 euros par mois.

M. Dominique Mortemousque. Cette situation est indigne de notre République.

Aussi, au regard d'un tel constat, partagé par M. le Président de la République, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer si le problème de la revalorisation de ces petites pensions sera abordé lors de la discussion sur les retraites en 2008 ?

M. Jacques Mahéas. Et l'augmentation du salaire de Sarkozy ?

M. Dominique Mortemousque. Tous les secteurs doivent être solidaires, y compris les régimes spéciaux. Il y va de la confiance et de la cohésion au sein de notre société.

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Dominique Mortemousque. Pouvez-vous également nous indiquer si la réforme des régimes spéciaux va aboutir, conformément à l'engagement du Président de la République et à la volonté d'une grande majorité de Français ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. René-Pierre Signé. Faire des promesses, ce n'est pas très difficile !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Monsieur le sénateur, je réponds « oui » à vos deux questions.

Oui, la revalorisation des petites pensions, qui figurait effectivement dans le programme électoral du Président de la République, sera bien étudiée lors du grand rendez-vous de 2008. Ne l'oublions pas, sur ce sujet, la majorité a déjà voté un texte important en 2003, présenté à l'époque par François Fillon, qui a institué une pension à 85 % du SMIC au profit des salariés les plus modestes ayant perçu le revenu minimum tout au long de leur carrière. Cette disposition va d'ailleurs se traduire par un relèvement du minimum contributif de 3 % dès le 1er janvier 2008.

Oui, monsieur le sénateur, les engagements pris, nous les tenons !

M. Guy Fischer. Bien sûr...

M. David Assouline. Ce n'est pas vrai !

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous le devons aux Français, et c'est justement sur cette voie que nous nous engageons ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

En 2008, l'ensemble des petites pensions, le minimum vieillesse, les pensions de réversion figureront bien au coeur de nos préoccupations.

M. Jacques Mahéas. Et le déficit, qui s'élève à 107 milliards ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Cela implique, et vous venez vous-même de l'évoquer, d'être au rendez-vous de la justice sociale pour tous et de la part de tous.

Autrement dit, les Français doivent être mis sur un pied d'égalité. Vous l'aurez compris, cela suppose que chacun justifie de quarante années de cotisation. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Cela nécessite aussi d'accepter le principe d'une décote, sans quoi l'allongement de la durée de cotisation n'a pas de sens. Mais il faut aussi que les pensions soient indexées sur les prix, ce qui permettra de garantir le pouvoir d'achat.

M. Jacques Mahéas. Et les parachutes dorés ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Conformément à ce qu'a annoncé le Gouvernement, la réforme des régimes spéciaux est aujourd'hui clairement engagée et nous tenons à respecter tous les engagements que nous avons fixés. Il s'agit pour nous, non pas d'en faire une question de principe, mais bien d'assurer la justice sociale, voulue, attendue et exigée par les Français.

M. Guy Fischer. On en reparlera !

M. Xavier Bertrand, ministre. Si le dossier des régimes spéciaux est aujourd'hui d'actualité, ce n'est ni un hasard ni une surprise : il était au coeur de la campagne présidentielle et a fait l'objet d'un engagement clair et précis.

M. René-Pierre Signé. Rien que des promesses !

M. Jean-Luc Mélenchon. Réservées à une seule classe de la population !

M. Xavier Bertrand, ministre. Si nous devons être à l'écoute des agents et répondre à leurs inquiétudes, nous devons également entendre clairement le message des Français, qui réclament la justice sociale pour tous et de la part de tous. Et vous aussi, vous la voulez ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. L'étape suivante est d'ores et déjà engagée. Je rencontrerai ainsi tout à l'heure l'ensemble des dirigeants des entreprises publiques, afin d'étudier précisément avec eux les moyens d'engager, et de faire aboutir, les négociations dans les entreprises.

Pour autant, je veux être clair : ces négociations ne sauraient avoir pour objet d'annuler le passage à quarante années de cotisation, car c'est une question de justice sociale à l'égard de l'ensemble des salariés de notre pays.

L'étape à venir, c'est donc de s'assurer que les négociations d'entreprises s'ouvriront le plus rapidement possible. Nous en avons bien conscience, les agents des régimes spéciaux attendent de leurs organisations syndicales qu'elles s'engagent dans ces négociations non seulement pour évoquer la pénibilité et la spécificité des métiers, mais aussi pour aborder la question des fins de carrière. Tous ces sujets sont aujourd'hui sur la table de négociation dans les entreprises.

Chacun doit comprendre que, dans la France de 2007, on a plus à gagner dans la négociation que dans le conflit. Voilà la vérité !

M. David Assouline. Il n'y a jamais eu autant de conflits que depuis que vous êtes au pouvoir !

M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà comment le Gouvernement a écouté, et entendu, les organisations syndicales, lesquelles ont d'ailleurs accepté de faire des propositions en retour.

M. le président. Monsieur le ministre, il faut conclure !

M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà comment nous garantissons le pouvoir d'achat des agents des régimes spéciaux et, plus largement, celui de tous les Français, en gardant à l'esprit l'exigence de justice sociale que tous revendiquent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. David Assouline. C'est plutôt la fracture sociale que vous favorisez !

pouvoir d'achat des handicapés

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Ma question s'adresse à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

« Je ferai de ce quinquennat celui du pouvoir d'achat » : telle a été l'une des promesses, répétée à maintes reprises, de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle.

M. Dominique Braye. Il n'est président que depuis six mois !

M. Charles Gautier. Six mois après les élections, les Français attendent des résultats.

M. Dominique Braye. Il reste quatre ans et demi !

M. David Assouline. La droite est au pouvoir depuis six ans !

M. Charles Gautier. D'un côté, des milliards d'euros sont distribués aux plus favorisés.

M. Charles Gautier. De l'autre, une régression généralisée du pouvoir d'achat, à la suite de l'augmentation du prix de nombreux produits de première nécessité, touche les laissés-pour-compte et les plus fragiles, qui voient leur sort s'aggraver. Tel est le cas, en particulier, des personnes en situation de handicap.

Monsieur le ministre, je rappelle que l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, est de 621 euros par mois. Pour les personnes au chômage ou qui sont dans l'incapacité de travailler, elle est complétée par un certain nombre de majorations qui leur permettent d'obtenir une garantie de ressources de 800 euros par mois.

Plusieurs fois lors de sa campagne, le candidat à la présidence de la République a évoqué ce problème et s'est même engagé, après son élection, dans un discours prononcé le 9 juin dernier, à revaloriser le montant de cette allocation.

Pourtant, monsieur le ministre, quelques semaines plus tard, le 26 juin, vous annonciez devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées que l'AAH serait revalorisée non pas au 1er juillet, mais vraisemblablement au 1er janvier.

M. Sarkozy, pendant sa campagne électorale, s'était pourtant engagé sur une augmentation de 25 % en cinq ans. Or, en 2007, l'AAH n'a été revalorisée que de 0,2 %. Selon les prévisions figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, elle augmentera de 2,1 % l'année prochaine.

Nous sommes donc bien loin des promesses du candidat devenu Président de la République.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC. Eh oui !

M. Guy Fischer. Voilà la réalité !

M. Charles Gautier. Les personnes en situation de handicap sont inquiètes et lasses : inquiètes de constater l'inertie malgré les promesses, lasses de vivre avec si peu de moyens.

M. David Assouline. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est l'évidence !

M. Charles Gautier. Bien loin de revendiquer une augmentation de 172 % de leurs revenus,...

MM. David Assouline et Jean-Pierre Michel. Et même de 206 % !

M. Charles Gautier.... comme l'exemple en a été donné au plus haut niveau de l'État, elles demandent seulement le respect des engagements pris.

Monsieur le ministre, nous souhaiterions donc connaître vos intentions quant à la façon dont vous envisagez la nécessaire revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés. Et ne me répondez pas qu'un énième groupe de travail pourrait, à cette occasion, être constitué ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. David Assouline. Il n'a rien à nous annoncer !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Monsieur le sénateur, puisque vous voulez savoir si nous tiendrons nos engagements, je réponds : « oui » ! Je comprends que vous en doutiez, car vous avez été habitué aux pratiques des gouvernements socialistes (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste), qui, eux, n'étaient pas connus pour tenir leurs engagements ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. André Rouvière. Monsieur le ministre, c'est mesquin !

M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas beau !

M. André Rouvière. C'est même minable !

M. David Assouline. M. de Villepin serait-il socialiste ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Puisque vous faites aujourd'hui ce constat, il serait intéressant d'entendre ce que vous proposez en la matière. (Brouhaha persistant sur les travées du groupe socialiste.) Pour notre part, nous avons dit très clairement ce que nous ferions.

Oui, monsieur le sénateur, le pouvoir d'achat sera augmenté, et ce sur cinq années, comme vous l'avez vous-même rappelé. Pour commencer, dès le 1er janvier prochain, il y aura une première augmentation de l'AAH, qui sera égale au montant de l'inflation. Puis, au 1er septembre, conformément à ce qui a été annoncé aux associations concernées, le Gouvernement donnera un deuxième coup de pouce de 1 %.

M. Charles Gautier. C'est ainsi que vous comptez arriver aux 25 % ?

M. Jacques Mahéas. Cela va être dur !

M. Xavier Bertrand, ministre. Au demeurant, vous le savez pertinemment, le relèvement de l'AAH n'est pas la seule réponse qu'il convient d'apporter à la question de l'accès à l'activité et à l'emploi des personnes handicapées.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Vous ne répondez pas à la question !

M. Xavier Bertrand, ministre. Bien évidemment, il faut aider celles et ceux qui ne sont pas en mesure de reprendre un emploi, tout en réfléchissant aux moyens de faire sauter les barrières à cette reprise d'emploi.

M. David Assouline. Il faut créer des emplois !

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, le taux de chômage des personnes handicapées est deux fois plus important que celui de l'ensemble de la population, reconnaissez-le ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Répondez à la question !

M. Xavier Bertrand, ministre. Reconnaissez aussi que, sur un tel sujet, nous devons être capables de dépasser les clivages politiques. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Vous semblez refuser la création d'un groupe de travail, alors même que les associations réclament l'ouverture d'un chantier sur la question des ressources des personnes handicapées, rejointes en cela par quelqu'un qui connaît très bien le sujet, votre collègue Paul Blanc.

Dans le cadre du suivi de la loi de 2005, Valérie Létard et moi-même avons décidé non seulement d'ouvrir un tel chantier, mais aussi d'aborder cette question de façon globale et transversale, en la reliant à celle de l'insertion et du retour vers l'emploi des personnes handicapées.

M. David Assouline. Un groupe de travail : on voit bien qu'il n'y a pas d'urgence pour vous !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, sur tous ces sujets, vous pouvez toujours chercher à faire de la démagogie. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Xavier Bertrand, ministre. En tout cas, les personnes handicapées le savent, nous serons au rendez-vous et nous tiendrons nos engagements. Au même titre que les régimes spéciaux de retraite, il s'agit d'une question de justice sociale ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. André Rouvière. Monsieur le président, cette réponse est minable !

M. Jean-Pierre Sueur. M. le ministre n'a pas répondu !

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Il ne répond jamais aux questions !

politique autoroutière

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Ma question s'adresse à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

Monsieur le ministre, les participants au Grenelle de l'environnement suggèrent, et je m'en réjouis, de ne plus créer d'autoroutes, sauf cas particulier, pour désengorger la périphérie des agglomérations. Dès 1993, au niveau local, j'ai moi-même lancé, puis animé le combat des populations et des associations contre le projet de tracé Est de l'autoroute A32, qui prévoit de relier Toul à Longwy en passant par l'est de Metz. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'un tel chemin n'est pas le plus court.

Les Lorrains ont d'ailleurs d'ores et déjà exprimé leur rejet massif du projet. Ainsi, lors des élections régionales de 2004, la liste élue a clairement pris position contre cette autoroute. De même, lors des élections législatives de juin dernier, la seule députée élue au premier tour depuis plus de quarante ans dans la région messine,...

M. David Assouline. Il faut un renouvellement ! (Sourires.)

M. Jean Louis Masson.... a fait de l'abandon du projet de tracé de l'A32 sa priorité absolue.

Partout, en France et en Europe, lorsqu'une autoroute à 2 x 2 voies est saturée, on commence par la mettre à 2 x 3 voies. Ainsi, pour remédier à la saturation de l'autoroute A31, un consensus très large préconise sa mise à 2 x 3 voies à partir de Toul et jusqu'à la frontière luxembourgeoise, avec, pour corollaire, le bouclage du contournement Sud-Ouest de Metz. De la sorte, tous les problèmes de circulation seraient réglés pour au moins cinquante ans.

Monsieur le ministre, ma question est donc simple : conformément aux conclusions du Grenelle de l'environnement, êtes-vous d'accord pour privilégier le projet beaucoup moins coûteux de mise à 2 x 3 voies de l'autoroute A31, dont l'étude a d'ailleurs été engagée voilà deux ans à la demande de votre prédécesseur.

M. René-Pierre Signé. C'est une question téléphonée !

M. Jean Louis Masson. Par ailleurs, depuis des années, la députée Marie-Jo Zimmermann et moi-même demandons, que, dans l'attente de la décision finale, les poids lourds en transit sur l'autoroute A31 soient soumis à un péage et, surtout, qu'ils aient l'interdiction d'y doubler sur les sections à 2 x 2 voies.

M. René-Pierre Signé. Arrêtez ! Cela n'est pas un sujet pour une question d'actualité ! Il faut présenter une telle question le mardi matin, lors de la séance de questions orales.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Masson !

M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, je souhaiterais donc savoir si, à titre expérimental, il ne serait pas possible de mettre dès à présent en oeuvre cette interdiction de doubler pour les poids lourds sur l'autoroute A31 entre Toul et la frontière luxembourgeoise.

M. René-Pierre Signé. On s'en moque !

M. Jean Louis Masson. Je suis sûr que tous les usagers en constateraient immédiatement les effets bénéfiques.

M. David Assouline. Il n'a pas vraiment parlé pour l'intérêt général !

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables. Monsieur le sénateur, à l'issue du Grenelle de l'environnement, des propositions de modification stratégique pour notre pays ont été émises. Dans aucun domaine, les participants n'ont suivi une logique de mise en place d'un moratoire généralisé. Ils ont simplement cherché à dégager des changements stratégiques. Il a ainsi été proposé d'améliorer, dans les années qui viennent, le caractère intermodal des transports de voyageurs et des transports de fret.

S'agissant des transports urbains, un programme est actuellement à l'étude, en concertation avec le groupement des autorités responsables de transport, le GART, avec lequel Dominique Bussereau travaille, cet après-midi, à Clermont-Ferrand, sur le projet d'allongement du réseau de tramway de 320 à 1 500 kilomètres dans nos agglomérations.

Outre l'amélioration du réseau de transport routier et autoroutier, nous envisageons de développer les lignes ferroviaires à grande vitesse et régionales, ainsi que les autoroutes ferroviaires.

C'est dans cette logique que nous travaillons, avec l'ensemble des acteurs - régions, agglomérations et professionnels, notamment de la route -, sur la nouvelle organisation de la carte française des transports. Nous examinerons l'étude commandée par mon prédécesseur en accord avec les élus locaux, qui sera achevée à la fin de l'année, en tenant compte des conclusions du Grenelle de l'environnement.

J'en viens à la question particulière de la voie réservée aux poids lourds. Il semble, en effet, que cette solution ait donné satisfaction sur l'autoroute A7. Nous étudierons donc l'éventualité de son application en Lorraine, en concertation avec vous, monsieur le sénateur, et avec les acteurs du transport routier.

Pour ma part, j'ai été frappé de constater, s'agissant d'un sujet qui suscite a priori des oppositions extrêmement fortes, que les préconisations et les règles de fonctionnement proposées de façon méthodique à l'occasion du Grenelle de l'environnement ont été approuvées à l'unanimité de tous les participants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Philippe Richert.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Déclaration de l'urgence de deux projets de loi

M. le président. Par lettre en date du 8 novembre 2007, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le Président du Sénat, qu'en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence :

- du projet de loi organique (n° 61, 2007-2008) tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française ;

- et du projet de loi (n° 62, 2007-2008) tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.

4

Candidatures à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein de l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et d'enseignement supérieur.

La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose les candidatures de MM. Jean-Luc Miraux et Pierre Martin pour siéger respectivement comme membre titulaire et comme membre suppléant au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

5

Organisme extraparlementaire

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois.

Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires économiques à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

6

Modification de l'ordre du jour

M. le président. J'informe le Sénat que la question orale n° 68 de M. Georges Mouly est retirée de l'ordre du jour de la séance du 20 novembre, à la demande de son auteur, et remplacée par sa question n° 67 adressée au M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

7

Mission d'information

M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen d'une demande présentée par la commission des affaires économiques tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information portant sur les infrastructures, le fonctionnement et le financement des transports terrestres.

Il a été donné connaissance au Sénat de cette demande au cours de sa séance du 18 septembre 2007.

Je vais consulter sur cette demande.

Il n'y a pas d'opposition ?....

En conséquence, la commission des affaires économiques est autorisée, en application de l'article 21 du règlement, à désigner cette mission d'information.

8

Prélèvements obligatoires

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'article xiii de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen justifie l'impôt par deux raisons : « l'entretien de la force publique » et « les dépenses d'administration ».

Je suggérerais que nous y ajoutions une troisième dimension, celle de la compétition internationale, dans laquelle l'impôt s'inscrit comme un véritable élément d'attractivité.

L'impôt n'est en effet pas seulement un outil propre à assurer le bon fonctionnement de l'État à l'intérieur de nos frontières ; c'est aussi une arme qui nous permet de mieux lutter contre nos concurrents, et je suis heureuse de venir défendre cette idée devant vous ce soir, en vous présentant le rapport 2008 sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.

À l'heure où nos amis Anglais s'apprêtent à discuter un budget qui taxe plus lourdement certains étrangers résidant sur leur sol, ceux qu'on appelle les « non domiciliés résidents », je crois très opportun de rendre notre système de prélèvements obligatoires plus séduisant pour les investisseurs internationaux, plus incitatif pour les entrepreneurs et plus juste pour nos concitoyens.

La loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat que vous avez adoptée, voilà un peu plus de trois mois, comporte déjà de nombreuses dispositions qui manifestent clairement notre souci d'attractivité.

Le projet de budget pour 2008, que vous examinerez bientôt, constitue une nouvelle étape pour rendre notre fiscalité plus compétitive et, par là, notre territoire plus attractif. Il joue sur deux plans : le niveau des prélèvements obligatoires et leur structure.

En premier lieu, je n'hésite pas à affirmer que les impôts doivent diminuer autant que possible.

Le constat est sans appel. Avec un taux de prélèvements obligatoires égal à 44,2 % du produit intérieur brut en 2006, la France se classe parmi les pays où la pression fiscale est la plus élevée au monde. La moyenne pour les pays de l'Union européenne est inférieure à 40 %, tandis que celle des pays de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, se rapproche de 35 %.

Pour pouvoir rivaliser avec des pays tels que l'Allemagne, la Grande-Bretagne ou les États-Unis, nous devons avoir en tête cette barre des 40 %. Après avoir instauré un bouclier fiscal pour les individus, on pourrait imaginer faire de même pour l'État.

Nous sommes sur la bonne voie : après le record historique de l'année 1999, à près de 45 % du produit intérieur brut, le taux de prélèvements obligatoires s'est stabilisé ces dernières années entre 43 % et 44 %.

La tendance est désormais nettement à la baisse.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes.

En 2006, je le rappelle, le taux de prélèvements obligatoires était de 44,2 % du produit intérieur brut. En 2007, il devrait reculer jusqu'à 44 % du produit intérieur brut sous l'effet des baisses d'impôt, malgré le dynamisme spontané des recettes lié à la croissance de l'activité. Chaque ménage a ainsi vu sa déclaration d'impôts diminuer, à revenu égal, de 275 euros en moyenne.

En 2008, le taux de prélèvements obligatoires reculera à nouveau pour s'inscrire à 43,7 % du produit intérieur brut, principalement sous l'effet des allégements d'impôts et de charges prévus dans la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

Même si nous avons encore bien des efforts à fournir pour rejoindre les évolutions spectaculaires de l'Allemagne et des Pays-Bas, qui, en moins de cinq ans, ont baissé le taux de leurs prélèvements obligatoires respectivement de 3 % et de 2 %, je suis convaincue que nous sommes engagés dans la bonne direction : nous diminuerons notre taux de prélèvements obligatoires autant que le permettra l'équilibre de nos finances publiques.

Moins d'impôt, c'est plus d'opportunités pour les investisseurs, plus de pouvoir d'achat pour nos concitoyens et plus de liberté.

En deuxième lieu, il faut évidemment combiner ce « moins d'impôts » avec un « mieux d'impôts ».

Pour améliorer notre compétitivité, nous devons moderniser la structure de notre système fiscal : un impôt intelligent est un impôt qui se met au service de la politique de croissance.

À titre d'observation préliminaire, je rappellerai qu'aujourd'hui la part de l'État dans les prélèvements obligatoires a tendance à reculer au profit de celle des collectivités territoriales et des administrations de sécurité sociale, qui voient chacune leur part augmenter de 0,1 point de produit intérieur brut en 2007.

L'impôt, je le disais, doit se mettre au service de la croissance. Le projet de loi de finances pour 2008 traduit clairement notre volonté de modifier en profondeur la répartition de l'impôt en ce sens, et trois exemples l'illustrent.

Ainsi, pour promouvoir l'innovation, nous n'avons pas hésité à tripler le taux du crédit d'impôt recherche ou à assouplir considérablement la fiscalité des brevets.

De même, pour encourager l'accès à la propriété, nous avons doublé le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt pour la première année.

Enfin, pour mieux récompenser ceux qui veulent travailler plus, nous avons entièrement défiscalisé les heures supplémentaires pour les salariés et, en partie, pour les employeurs.

Jouer sur les taux et les assiettes des différents impôts contribue ainsi à l'efficacité de notre politique économique.

Au-delà de ces priorités, nous devons en troisième lieu repenser, sereinement et sans tarder, l'ensemble de notre système fiscal, afin de le rendre plus simple, plus stable et plus cohérent.

J'aimerais aborder immédiatement et sans détour deux questions sensibles.

Première question, faut-il instaurer un impôt minimum ?

Nous avons remis au Parlement, le 15 octobre dernier, un rapport qui passait en revue quatre options possibles. Les mécanismes les plus simples créeraient une imposition nouvelle dépassant largement le simple cas des « niches fiscales » et touchant injustement une trop large catégorie de contribuables, ce qui n'est pas l'objet de l'exercice, tandis que des dispositifs plus sophistiqués, comme l'imposition minimale proportionnelle à une cotisation d'impôt de référence, conduiraient à une complexité excessive et manqueraient ainsi l'effet symbolique de l'impôt minimal.

Ces inconvénients nous ont conduits à répondre par la négative à cette première question. Nous ne proposerons donc pas d'impôt minimum.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. En revanche, nous nous montrerons très scrupuleux dans l'examen, au cas par cas, des différentes niches fiscales.

La deuxième question, celle que nous nous posons tous, est - je n'en ferai pas mystère - la suivante : faut-il instaurer une TVA sociale ?

Je préférerais pour ma part la dénomination « TVA anti-délocalisation », puisque tel serait bien son but : alléger pour nos entreprises les charges sur les salaires pour renforcer leur compétitivité sur la scène internationale et donc relancer l'activité et l'emploi en France.

Malheureusement, une telle mesure pèserait sur le pouvoir d'achat des consommateurs et risquerait, en l'état des circonstances économiques, de produire de l'inflation, obérant ainsi une croissance à laquelle nous sommes attachés.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous avons démontré le contraire !

Mme Christine Lagarde, ministre. La question est donc complexe et, comme pour toute question complexe, nous devons recueillir autant d'avis que nécessaire avant de décider.

Je me réjouis que Philippe Marini et Alain Vasselle nous aient fourni leur contribution dans d'excellents rapports, évidemment rédigés selon des points de vue différents, (Sourires)...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On peut le dire !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. C'est même le moins que l'on puisse dire !

Mme Christine Lagarde, ministre.... mais très complémentaires dans le détail de leurs analyses.

Éric Besson et moi-même nous sommes pliés à l'exercice en remettant au Premier ministre, le 11 septembre dernier, nos rapports sur le sujet. À la demande de ce dernier, ces rapports sont désormais entre les mains du Conseil économique et social, qui doit se prononcer avant la fin de l'année dans le cadre plus général du financement de la protection sociale.

Le temps est donc, bien entendu, encore au débat, et je me réjouis qu'il puisse avoir lieu devant votre Haute Assemblée.

J'aimerais cependant souligner d'emblée deux limites de cette TVA sociale ou TVA anti-délocalisation.

Première limite, la TVA sociale ne peut pas être un prétexte pour baisser toutes les charges. L'analyse économique de mes services montre que, pour défendre efficacement l'emploi, l'éventuel supplément de TVA devrait être prioritairement affecté à des allégements de charges employeurs ciblés en particulier sur les bas salaires, au voisinage du SMIC. Comme le rapport de Philippe Marini le rappelle, c'est en effet au niveau des plus bas salaires que se trouvent le plus grand nombre de créations d'emplois potentielles.

Dans l'hypothèse où le taux de TVA serait relevé de 1,5 point - c'est une des multiples hypothèses, mais d'autres, je n'en doute pas, devraient être considérées -, les 9 milliards d'euros correspondants permettraient un allégement maximal de 28 % sur les salaires compris entre 1 et 1,1 SMIC, ce qui pourrait, toujours d'après les calculs effectués par mes services, générer jusqu'à 100 000 nouveaux emplois.

Deuxième limite, finement relevée par Alain Vasselle dans son rapport, il ne faut pas, en l'état actuel des circonstances économiques, sous-estimer le risque inflationniste d'une telle mesure. Ce serait particulièrement maladroit à l'heure où les Français pensent que les prix ont augmenté de manière exagérée.

J'ai moi-même demandé à l'INSEE de mettre au point de nouveaux indicateurs, qui ne viennent pas se substituer aux indicateurs existants mais les affinent, pour tenir compte de ce sentiment d'augmentation du coût de la vie, dont il convient de savoir dans quelle mesure il correspond à une réalité.

Dans ces conditions, la mise en place d'une TVA sociale ne serait envisageable que si elle était accompagnée d'une action extrêmement vigoureuse et bien visible sur le niveau des prix.

Ce débat sur la TVA sociale, qui reste, comme vous le voyez, entièrement ouvert, s'inscrira tout naturellement aux côtés de la revue générale des prélèvements obligatoires que j'animerai dans les prochains mois et qui sera « bouclée » à la fin du printemps 2008.

Les thèmes de la compétitivité des entreprises, du coût du travail, de la consommation seront approfondis dans le cadre d'une réflexion plus globale sur notre fiscalité.

Je travaillerai en étroite collaboration avec Éric Besson, secrétaire d'État chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques, à qui j'ai demandé de commencer à travailler sur un élément de cadrage correspondant à la stratégie de développement de l'économie française sur les années à venir, ainsi, évidemment, qu'avec Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sans hésiter à consulter les élus, les partenaires sociaux, les consommateurs et, bien entendu, les experts, y compris d'ailleurs les experts étrangers.

Cette revue générale des prélèvements obligatoires se déroulera en trois temps.

Dans un premier temps, nous établirons un diagnostic, que je rendrai public à la fin de l'année, sous la forme d'un document d'orientation déterminant les principaux enjeux d'une réforme globale à l'aune de ce que sera la stratégie de développement de l'économie française. L'ensemble des prélèvements, qu'ils soient sociaux ou fiscaux dès lors qu'ils ont un caractère obligatoire, sera remis à plat.

Dans un deuxième temps, il faudra imaginer un traitement et proposer un certain nombre de modifications. Sur la base des orientations retenues, je constituerai un ou, plutôt, plusieurs groupes de travail dont la mission sera d'organiser la concertation sur les modalités concrètes des réformes et sur leur calendrier.

Le troisième temps sera celui de la mise en oeuvre. Avant l'été prochain, le Gouvernement disposera d'une véritable stratégie pluriannuelle en matière de prélèvements obligatoires, assortie d'un calendrier pour l'ensemble de la législature.

Naturellement, cet exercice de revue des prélèvements obligatoires n'a pas vocation à se substituer aux initiatives prises jusqu'à présent, mais, bien au contraire, à s'articuler avec elles au sein d'un cadre cohérent. Nous prendrons ainsi en compte les résultats du Grenelle de l'environnement, ainsi que les orientations retenues par le Gouvernement, en matière de finances publiques comme en matière de politique publique, telles que celles qui ont été évoquées par le Premier ministre tout à l'heure, en réponse à une question d'actualité, dans le cadre de la revue générale des politiques publiques et des procédures de réforme en cours.

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre action fiscale s'inscrit donc dans le long terme et repose sur des principes clairs. Nous souhaitons encourager ceux qui veulent innover, ceux qui veulent travailler, ceux qui veulent investir, ceux qui veulent embaucher en France. Moins d'impôts, mieux d'impôts, ce sera plus d'espace pour l'esprit d'entreprise et pour la croissance que nous appelons de nos voeux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les prélèvements obligatoires mesurent la solidarité qui unit nos concitoyens. Au-delà des chiffres, ils renvoient donc à la cohésion de notre société et à son projet collectif. C'est pourquoi je remercie le Sénat d'avoir organisé ce débat qui concerne très directement l'avenir de notre pays.

Christine Lagarde a abordé l'ensemble des enjeux qui sont au coeur de la révision générale des prélèvements obligatoires. Je voudrais, quant à moi, revenir plus précisément sur la question des prélèvements sociaux.

C'est une question essentielle puisque les prélèvements sociaux représentent la moitié des prélèvements obligatoires.

C'est également une question essentielle étant donné les contraintes très fortes auxquels ces prélèvements sont soumis aujourd'hui, contraintes qui tiennent à la situation dégradée de nos comptes sociaux, dont nous parlerons abondamment lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi qu'au vieillissement de la population, lequel accroît les dépenses de retraite, de santé et de prise en charge de la dépendance.

Que voulons-nous exactement s'agissant des prélèvements sociaux ? Nous voulons tout simplement qu'ils soient efficaces et justes, c'est-à-dire qu'ils soient répartis de façon équitable, qu'ils soient le moins élevés possible tout en assurant un haut niveau de protection sociale et qu'ils nuisent le moins possible à l'emploi et à la compétitivité.

Au cours des vingt dernières années, nous avons considérablement réformé le mode de financement de notre protection sociale pour favoriser l'emploi et la compétitivité. Je pense notamment à l'effort réalisé en matière de cotisations patronales pesant sur les bas salaires, qui représentent désormais moins de 4 % du coût du travail pour les salaires au niveau du SMIC. Ce fait, peu connu, mérite d'être souligné, car l'effort de l'État dans ce domaine est considérable.

Les études économiques convergent pour montrer que les allégements généraux de charges sont les mesures les plus efficaces pour soutenir l'emploi. Ces allégements ont joué un rôle non négligeable dans la stabilisation de l'emploi peu qualifié dans notre pays. Le coût du travail non qualifié n'est donc plus un obstacle à l'emploi comme il pouvait l'être il y a encore vingt ans.

Ce sujet demeure néanmoins pendant. Tout à l'heure, lors de la séance des questions d'actualité au Gouvernement, le Premier ministre a d'ailleurs fixé un certain nombre d'orientations pour 2008 en matière d'allégements de cotisations sociales.

Pour traiter de la question de l'efficacité de nos prélèvements sociaux, je vous propose de les examiner sous quatre angles : leur type, tout d'abord, c'est-à-dire en fait, essentiellement, la question de leur assiette ; leur affectation, c'est-à-dire le point de savoir ce qu'ils financent ; leur limitation, c'est-à-dire l'enjeu de la maîtrise des dépenses ; leur respect, enfin, et c'est tout le problème de la fraude.

L'évolution de l'assiette doit être examinée sans tabou ; c'est d'ailleurs le parti qu'ont pris Philippe Marini et Alain Vasselle dans leurs rapports respectifs. Ainsi que l'a dit Christine Lagarde, tout doit être passé en revue, aussi bien la TVA sociale et la fiscalité écologique que la pertinence des niches sociales.

Je n'ignore pas que ces questions, sensibles et controversées, font débat, y compris au sein même de la majorité, car elles sont au coeur de notre pacte républicain. Je ne les trancherai pas aujourd'hui, d'autant que la réflexion continue dans d'autres enceintes, notamment au Conseil économique et social. Je formulerai néanmoins un certain nombre de remarques.

Tout d'abord, une réforme de l'assiette doit être conforme aux qualités attendues du prélèvement social. Quelles sont-elles ?

Le prélèvement doit être dynamique, afin de permettre de faire face durablement aux dépenses futures. Il doit être compatible avec la compétitivité de notre économie et avec l'emploi. Enfin, il doit être lisible pour que l'assuré puisse facilement identifier la dépense sociale qu'il finance.

Malheureusement, comme le rappelle Alain Vasselle, il n'y a pas d'assiette idéale. Sinon, on l'aurait inventée ! Chaque taxe a ses avantages et ses inconvénients et les choix doivent être faits en fonction des priorités que nous nous assignons. Pour moi, en tant que ministre des comptes, la priorité est évidemment la résorption des déficits sociaux. Pour cela, nous devons explorer toutes les pistes, sans exclusive.

La TVA sociale, ou « TVA anti-délocalisation », ou « TVA-compétitivité », est l'une de ces pistes. Christine Lagarde vient de résumer parfaitement les enjeux la question, au coeur de laquelle se trouvent bien l'éventualité et l'ampleur de son effet inflationniste et, le cas échéant, ses répercussions via les mécanismes d'indexation.

Les taxes dites « comportementales » constituent une autre piste. Le lien entre certains comportements et les dépenses d'assurance maladie est parfaitement établi. L'affectation à la sécurité sociale des droits sur le tabac et de droits sur les alcools semble, en conséquence, tout à fait légitime.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement a d'ailleurs prévu dans le projet de loi de finances pour 2008 d'affecter l'intégralité des droits sur le tabac à la sécurité sociale.

Les rapports Marini et Vasselle restent très prudents quant au niveau de la fiscalité sur les alcools...

S'agissant de la taxe nutritionnelle que propose d'instaurer la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, il ne faut pas sous-estimer les difficultés juridiques et techniques que soulèveraient la détermination de son assiette et l'organisation de son recouvrement. C'est un sujet qui doit encore être approfondi et sans doute replacé dans un contexte plus global de santé publique, en l'occurrence la prévention de l'obésité.

Vos rapports, monsieur le rapporteur général, monsieur Vasselle, invitent en outre à réfléchir à l'affectation d'une partie du produit d'éventuelles taxes environnementales à l'assurance maladie. La prise en charge des conséquences de la pollution sur la santé étant assumée par l'assurance maladie, il ne paraît pas anormal que celle-ci puisse bénéficier d'une fraction de ces taxes. C'est même du bon sens ! Néanmoins, comme l'a rappelé le Président de la République lors du Grenelle de l'environnement, tout impôt nouveau doit être compensé. Mieux vaut utiliser le produit de nouvelles taxes écologiques pour réduire les charges pesant sur le travail que l'affecter à de nouvelles dépenses. On fera ainsi d'une pierre deux coups : tant l'environnement que la compétitivité de notre pays y gagneront.

Enfin, nous devons examiner les niches sociales. Je suis convaincu qu'une bonne taxe est une taxe dont l'assiette est la plus large et le taux le plus faible. La multiplication des niches nuit fortement non seulement au rendement du prélèvement, mais aussi à sa légitimité. Le dernier rapport de la Cour des comptes apporte des éléments chiffrés sur la perte d'assiette que ces dispositifs représentent pour la sécurité sociale. À cet égard, nous vous transmettrons prochainement un rapport sur l'état et l'évaluation de ces pertes d'assiette qui vous donnera des compléments d'analyse sur le sujet.

Concernant ces niches, deux dispositions importantes ont été adoptées par l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

La première concerne les organismes d'intérêt général en zone de revitalisation rurale. Nous mettons fin progressivement au dispositif dérogatoire pour revenir aux exonérations de droit commun.

La seconde vise à créer une contribution sur les attributions d'actions gratuites et de stock-options, qui n'étaient pas jusqu'à présent soumises à cotisations sociales patronales.

Cela étant, je comprends tout à fait le principe de prudence mis en avant par Philippe Marini : certaines niches, certaines exonérations ayant bien évidemment une pertinence économique et sociale, il convient de veiller à ne pas mettre en péril des dispositifs susceptibles de contribuer à l'attractivité de notre territoire ou de favoriser l'emploi.

Enfin, il faut désormais faire preuve de la plus grande vigilance en ce qui concerne la création de nouveaux dispositifs. Ils sont rarement évalués a priori et leur efficacité est tout sauf évidente a posteriori.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre. Le cas des organismes d'intérêt général dans les zones de revitalisation rurale en est une illustration !

Or chacun sait ici à quel point il est ensuite difficile d'y mettre un terme.

M. Vasselle évoque dans le rapport de la MECCS la piste d'une validation par la loi de financement de la sécurité sociale d'exonérations ciblées dont la création ou la modification auraient été décidées par une loi ordinaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Elles pourraient être aussi validées par la loi de finances !

M. Éric Woerth, ministre. Cette solution contribuerait utilement à un meilleur contrôle. Elle devra être examinée.

Voyons maintenant la question de l'affectation des prélèvements sociaux. Compte tenu de l'ampleur des besoins de financement, il me paraît indispensable d'étudier avec la plus grande attention toutes les pistes de réallocation des ressources au sein de la sphère publique. C'est tout l'intérêt de la création d'un ministère des comptes publics synthétisant l'ensemble des dépenses publiques que de permettre une réflexion cohérente sur ces choix.

Nous savons ainsi que le rythme de croissance des recettes de la branche famille est structurellement supérieur à celui de ses dépenses. Je partage l'avis de la MECSS quand elle met en garde contre la tentation d'utiliser cette tendance structurelle à l'excédent pour engager de nouvelles dépenses.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Surtout quand elles le sont des années auparavant !

M. Éric Woerth, ministre. C'est un sport national !

Il faudrait sans doute étudier la mise en jeu d'une solidarité au sein du régime général, en étroite concertation, bien sûr, avec les partenaires sociaux et les associations familiales. Cette solidarité pourrait, par exemple, prendre la forme d'un transfert de cotisations en direction de la branche vieillesse. Ce sujet ne doit pas être tabou.

De la même façon, des marges de manoeuvre pourraient être dégagées du côté de l'assurance chômage.

Enfin, une meilleure maîtrise des dépenses de l'État doit aussi permettre de financer plus de dépenses sociales et de s'adapter aux besoins collectifs.

Toutes ces pistes de réallocation méritent d'être discutées.

S'agissant maintenant de la limitation de ces prélèvements, la priorité doit être plus que jamais accordée à la maîtrise de la dépense. Cette maîtrise est particulièrement nécessaire en matière d'assurance maladie, dont les dépenses sont les plus dynamiques et les plus difficiles et délicates à réguler.

Cet effort est à notre portée, ainsi que l'attestent de nombreux exemples à l'étranger. Ainsi, la Suède a obtenu des résultats remarquables en une quinzaine d'années. En 1990, ses dépenses de santé se situaient à un niveau proche de celles de la France ou de l'Allemagne. Aujourd'hui, elles sont inférieures de deux points de PIB à celles de ces deux pays.

Comment les Suédois ont-ils enrayé la croissance de leurs dépenses de santé ? Ils y sont parvenus, d'une part, par une politique active de maîtrise des dépenses de médicaments. En 2004, ces dépenses étaient, pour chaque habitant, près de deux fois plus faibles en Suède qu'en France. Ils y sont parvenus, d'autre part, par de fortes restructurations hospitalières : au cours des années quatre-vingt-dix, 45 % des lits d'hôpitaux ont été fermés, contre 19 % en France.

La loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a permis de renforcer considérablement nos instruments d'alerte et de pilotage. Il faut poursuivre dans cette voie. À cet égard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 renforce, avec une ampleur inégalée jusqu'à présent, les mécanismes de régulation et d'organisation de l'offre de soins.

Enfin, en complément de la maîtrise de la dépense, figure évidemment la lutte contre la fraude,...

M. Éric Woerth, ministre. ...qui devrait sans doute pouvoir faire l'objet d'un consensus national.

Elle constitue un élément déterminant dans la confiance accordée par le contribuable à notre système de prélèvements. C'est pourquoi, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, je suis en train de mettre en place un plan global de lutte contre la fraude sociale et fiscale dont je ferai l'une des priorités de la présidence française de l'Union européenne.

Un certain nombre de mesures vous seront d'ores et déjà proposées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

J'ai noté avec intérêt les propositions de Philippe Marini dans le domaine de la fraude aux prélèvements obligatoires, et notamment le renforcement des actions de prévention, dont le rescrit.

Vous avez raison de souligner le nécessaire équilibre entre la dissuasion de la fraude et la facilitation des procédures pour le contribuable de bonne foi. L'idée est de traquer la fraude de grande ampleur, la délinquance financière, et non de harceler celles et ceux qui peuvent commettre des erreurs. Les erreurs, on les rectifie, les fraudes importantes, on les combat et on les sanctionne.

Avant de conclure, je voudrais aborder la question du pilotage global des finances publiques.

Je suis particulièrement sensible à l'exigence d'un pilotage coordonné et cohérent des finances publiques, lesquelles sont « unes et indivisibles ». Cela exige de la clarté et de la sincérité.

Clarté et sincérité dans les comptes, tout d'abord. Vous l'avez noté, la création d'un ministère en charge de l'ensemble des comptes publics a déjà permis, en l'espace de quelques mois seulement, de changer la donne dans les relations entre l'État et la sécurité sociale. Nous avons pacifié ces relations, trop souvent envenimées par des enjeux périphériques par rapport à l'enjeu central, qui est celui de la maîtrise et de la stabilisation de la dépense.

Je rappellerai ici quelques-unes des décisions qui ont contribué à cette amélioration.

Tout d'abord, l'État a remboursé, le 5 octobre, sa dette de 5,1 milliards d'euros - arrêtée à la fin de 2006 - à l'égard du régime général.

M. Jean-Jacques Jégou. Mais de quelle façon ?

M. Éric Woerth, ministre. Nous reprendrons, en projet de loi de finances rectificative, la dette héritée du BAPSA, pour un montant de 620 millions d'euros.

M. Jean-Jacques Jégou. Tout cela s'est ajouté à la dette !

M. Éric Woerth, ministre. Nous l'avons fait de très bonne façon, monsieur Jégou. Nous l'avons fait, car nous en avions la possibilité, sachant que nous aurions pu utiliser différemment cet argent. Ce n'est jamais bien quand on agit, c'est toujours mal quand on n'agit pas... J'ajoute qu'il est tout à fait vertueux d'affecter les recettes de privatisations à la réduction de la dette.

Toujours en loi de finances rectificative, nous remettrons aussi à niveau le panier des recettes fiscales destinées à la compensation des allégements généraux de cotisations patronales.

Conformément aux engagements pris par Christine Lagarde lors de la discussion de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, la « loi TEPA », les exonérations sur les heures supplémentaires seront intégralement compensées à la sécurité sociale, via l'affectation de nouvelles recettes fiscales.

Nous irons plus loin : je me suis engagé non seulement à solder le passé, mais aussi à ne pas laisser une telle situation se reproduire, et la tâche n'est pas aisée ! C'est pourquoi nous remettons à niveau les crédits destinés, dans le projet de loi de finances, aux dispositifs qui sont financés par l'État mais gérés par la sécurité sociale.

La clarté doit aussi être de mise en ce qui concerne les instruments de pilotage.

Le ministère des comptes publics assure le pilotage commun des finances de l'État et des finances sociales, dans un souci de coordination et de cohérence.

Je suis convaincu de la pertinence de l'existence de deux instruments distincts, à savoir la loi de finances et la loi de financement, car ils respectent, chacun dans son environnement propre, la nature particulière de chaque ordre de dépenses.

En effet, il faut relativiser la complexité créée par cette dualité. Les mécanismes de coordination entre les deux textes existent, et ils peuvent encore être améliorés. La MECSS a d'ailleurs émis à ce sujet une série de propositions intéressantes, notamment en ce qui concerne le champ qui est le plus partagé, c'est-à-dire celui de la politique familiale.

Je crois que l'amélioration de ce pilotage global devrait figurer au coeur des questions abordées par la conférence des finances publiques, dont je souhaite la réunion prochaine. En effet, ce pourrait être une occasion pour l'État et la sécurité sociale d'avancer de façon coordonnée dans la mise en oeuvre de la pluriannualité budgétaire, qui constitue, à mon avis, un élément clef pour suivre la trajectoire de nos finances publiques.

On peut aussi - vos rapports y invitent - réfléchir à une clarification des champs d'intervention respectifs de l'État et de la sécurité sociale.

Je ne pense pas qu'il faille opter pour la budgétisation de la branche famille, mais il existe, en revanche, du côté du financement de la politique du logement, des pistes de clarification à explorer : s'agissant des allocations logement, faut-il vraiment conserver l'actuel financement croisé entre la sécurité sociale et l'État, selon la nature des prestations, en courant le risque d'une perte de vision globale des financements ? Les prestations peuvent très bien être gérées par les caisses d'allocations familiales, sans que nous y ajoutions la complexité de financements croisés.

Le débat mérite en tout cas d'être posé et approfondi avec les partenaires sociaux et la représentation nationale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que cette discussion nous permette de creuser toutes ces questions et d'aller plus loin. Nous en aurons d'ailleurs l'occasion lors du cycle budgétaire qui commencera bientôt au Sénat.

L'enjeu, vous le savez, est essentiel : il s'agit d'adapter nos prélèvements sociaux afin de pouvoir faire face aux enjeux qui conditionnent l'avenir de notre protection sociale, tout en tenant compte des exigences de l'emploi et de la compétitivité.

C'est grâce à cette adaptation, accompagnée de réformes structurelles et d'une maîtrise rigoureuse des dépenses, que nous pourrons léguer aux générations futures une protection sociale performante et financièrement assainie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Nous avons le plaisir d'aborder cette année cette discussion budgétaire en présence de deux membres du Gouvernement : d'un côté, si j'ose m'exprimer ainsi, le ministre de la cohérence, et de l'autre, celui de la compétitivité. Tels sont, en effet, si je ne me trompe, madame le ministre, monsieur le ministre, les deux axes que vous avez suivis, et qui sont naturellement complémentaires, dans l'une et l'autre de vos interventions.

Mes chers collègues, c'est bien la première fois que, dans le cadre d'un même ministère, se trouvent abordés et préparés à la fois les comptes de l'État et ceux de la sécurité sociale. En effet, notre double discussion d'autonome, qui portera successivement sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et sur le projet de loi de finances initial, se déroulera en présence d'un ministre des comptes publics, chargé du budget, bien sûr, mais aussi, et surtout, de cette vision d'ensemble cohérente qui commence à apparaître avec le présent débat sur les prélèvements obligatoires.

Vous le savez, la commission des finances du Sénat plaide, depuis de nombreuses années, pour une telle cohérence. Quand, naguère, au cours de l'élaboration de la loi organique sur les lois de finances, nous avons obtenu, grâce à Alain Lambert, qui était le rapporteur de ce texte, que le présent rendez-vous soit fixé, chaque année, à l'ouverture de nos débats budgétaires de l'automne, c'était bien parce que nous avions conscience de ce besoin impératif de cohérence et de mise en perspective.

Au demeurant, deux exercices sont aujourd'hui lancés, qui nous permettront d'explorer véritablement et tout à la fois les chemins de la cohérence et ceux de la compétitivité.

D'une part, la revue générale des politiques publiques est menée sous l'égide du Président de la République. Éric Woerth est l'un des acteurs majeurs - le « rapporteur général », allais-je dire ! (Sourires) - de cet exercice exceptionnellement important et utile, dont nous attendons beaucoup.

Il s'agit d'une mise en perspective des grands enjeux, des objectifs, des moyens et des structures, sans aucun tabou, en vue d'aboutir, domaine par domaine, programme par programme, mission par mission, à de nouveaux arbitrages, clairs, précédés de la communication qui est indispensable pour poser clairement chacun des enjeux devant l'opinion publique.

D'autre part, Mme le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi se trouve chargée d'animer la revue générale des prélèvements obligatoires, car telle est la mission qui, parmi d'autres, lui a été impartie par le Président de la République.

Elle accomplira cette tâche, elle nous l'a précisé, en ayant en vue non seulement l'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui impose de faire constater par les citoyens la nécessité de la contribution publique, mais aussi le monde d'aujourd'hui, qui est ouvert, global, où nulle action et aucun progrès ne sont concevables si l'on s'entoure de barrières illusoires et si l'on refuse, tout simplement, de regarder la réalité quotidienne de l'attractivité et de la compétitivité du territoire, qui sont les conditions de tout !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, c'est dans cette même logique que s'inscrit la commission des finances du Sénat quand elle vous appelle à réfléchir à quelques thèmes centraux, qui sont relatifs à la fois aux dépenses et aux ressources, à la sécurité sociale, au budget de l'État et même, quelque peu, aux collectivités territoriales.

Tout d'abord, il s'agit de trouver des financements pérennes pour notre protection sociale. Comment compléter les ressources variées qui permettent à notre protection sociale de jouer pleinement son rôle, dans le cadre des différentes branches qui ont été instituées, tout en faisant preuve de sens des responsabilités et en mettant en oeuvre les mécanismes les plus vertueux possibles ?

Le deuxième thème central, qui prend beaucoup d'ampleur aujourd'hui, est celui de l'écofiscalité. Nous nous sommes livrés à quelques réflexions sur ce sujet.

Enfin, la dynamique de l'assiette fiscale constitue une troisième question essentielle. Comment faire en sorte que les ressources fiscales et les contributions sociales bénéficient d'un rendement croissant, ce qui est indispensable pour que nous puissions faire face à nos besoins, sans pour autant entrer en conflit avec les logiques d'attractivité et de compétitivité du territoire ?

Dans le cadre ainsi tracé, la recherche du bon mode de prélèvement pour la protection sociale constitue un enjeu crucial. Or, vous le savez, madame le ministre, monsieur le ministre, notre commission des finances a acquis depuis plusieurs années, sous l'impulsion, notamment, de son président, Jean Arthuis, une conviction très forte en ce qui concerne l'impôt de consommation : parmi toutes les assiettes concevables en matière de fiscalité et de taxation, deux seulement ne sont pas susceptibles de s'évader ou de se délocaliser.

La première, dont il est déjà fait largement usage dans notre fiscalité, c'est le foncier, l'immobilier, qui ne saurait s'en aller, s'agissant du moins de l'immobilier physique.

La seconde, c'est naturellement le flux de consommation sur notre territoire.

Nous avons examiné de très près l'ensemble des contributions récentes au débat relatif à la « TVA sociale », à la « TVA anti-délocalisation » ou à la « TVA de compétitivité », comme on voudra l'appeler. Or, à ce stade, nous faisons deux observations.

Tout d'abord, et nous nous inspirons ici, notamment, des travaux conduits sous la responsabilité d'Éric Besson, l'impact sur l'emploi, qui constitue la véritable justification d'une telle mutation, se révèle très important au voisinage des plus bas salaires.

Mme le ministre évoquait elle aussi ce constat : la concentration des baisses de charges sur les bas salaires et dans leur voisinage immédiat constitue sans doute la formule la plus opérante, celle qui, comme elle a la chance d'être le levier le plus efficace de création d'emplois, permettra aussi, par là même, de faire comprendre au mieux les justifications et l'utilité d'une telle politique.

Par ailleurs, nombre de commentaires portent sur le niveau général des prix, les risques d'inflation, le pouvoir d'achat et la consommation. Toutefois, j'ai tendance à lier les craintes qui s'expriment dans ces domaines à une attitude trop souvent présente en France, me semble-t-il, et que je qualifierai de politiquement ou d'économiquement correcte, tant elle relève d'une sorte de pensée unique, conçue en d'autres temps,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !

M. Philippe Marini, rapporteur général. ... à une époque où le monde n'était pas globalisé comme il l'est aujourd'hui.

Il suffit, pourtant, de comparer, dans les rayons de nos hypermarchés, les prix de nombreux produits proposés, notamment les équipements ménagers et audiovisuels, avec ce qu'ils étaient voilà trois ans, cinq ans ou dix ans, et pour une satisfaction de besoin exactement identique.

Mme Nicole Bricq. Mais on n'achète pas tous les jours une chaîne hi-fi !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous savons bien que la mondialisation permet aux pays qui produisent en masse un grand nombre de biens utiles à nos concitoyens de peser de manière extrêmement efficace sur le niveau général des prix.

Ce phénomène est d'ailleurs observé par un grand nombre d'économistes et nous pouvons, par exemple, nous demander si, lorsqu'on définit les objectifs essentiels d'une banque centrale et d'une politique monétaire, il est aussi utile et justifié qu'à la fin des années quatre-vingt de placer la lutte contre l'inflation au centre de tout ?

J'ai lu d'excellents auteurs qui contestent cette idée et il en est même qui sont classés à gauche, vous le savez très bien, mes chers collègues.

Sans doute faut-il reconnaître au débat sur la TVA sociale de grands mérites, car il nous permet enfin de nous libérer de schémas un peu trop stéréotypés, peut-être un peu trop datés pour rechercher les voies de l'avenir, et c'est surtout cela que je voudrais dire à nos excellents collègues de la commission des affaires sociales.

Si l'on se limitait au temps t et à la vision des choses aujourd'hui, combien d'argent manquerait-il pour équilibrer les comptes de la sécurité sociale ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et le budget de l'État ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il manquerait l'équivalent de 1,1  point de contribution sociale généralisée.

Dès lors, tout est simple ! Il suffit de voter une augmentation de 1,1 point de la CSG et le problème est réglé !

M. Jean-Pierre Fourcade. Pour l'année !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais l'est-il réellement ? Si nous procédions ainsi, ne nous mettrions-nous pas en contradiction flagrante avec nous-mêmes ? Oui, sans doute, puisque depuis 2002 la majorité a travaillé, me semble-t-il, à la baisse de l'impôt sur la personne. Or, qu'est la CSG sinon la part proportionnelle de cet impôt sur la personne, payée par la même personne sur les mêmes revenus, mais affectée à une caisse différente ? Cela, au demeurant, n'a aucune importance : ce n'est qu'une donnée administrative. Ne regardons que la donnée économique qui seule compte, au moins au regard de la compétitivité.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oh, cela ne responsabilise pas grand monde !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur About, je vous écouterai tout à l'heure avec grand intérêt, mais le raisonnement que je m'efforce de tenir est un raisonnement global !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et la sécurité sociale ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne nie pas que la sécurité sociale ait une réalité organique et ses propres comptes, mais vous ne pouvez pas non plus nier que l'impôt sur la personne est une seule et même réalité socio-économique. Ce n'est pas une affaire budgétaire, ce n'est pas une affaire administrative, ce n'est pas une affaire juridique, c'est une réalité.

MM. Alain Lambert et Gérard Longuet. C'est le bon sens !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est une lapalissade !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Les mêmes contributeurs paient sur les mêmes revenus. Ils paient d'un côté et d'un autre. Depuis 2002, nous avons allégé cette contribution globale. Serions-nous prêts à faire le mouvement inverse ? Serions-nous prêts à revaloriser cet impôt sur la personne en nous mettant en contradiction avec nous-mêmes ? Je pose la question.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si le budget de l'État va bien, la sécurité sociale aussi !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Enfin, je m'interroge surtout, bien que cela ne semble pas plaire à M. le président de la commission des affaires sociales...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas du tout, je suis heureux de l'intérêt que vous portez aux finances sociales !

M. Alain Lambert. C'est l'intérêt du contribuable !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas un intérêt improvisé d'aujourd'hui ! Un débat, à mon sens, consiste à partager et non pas à segmenter, et aucune commission n'est propriétaire de son champ de compétence.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. N'est-ce pas ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je m'interroge enfin, disais-je, sur le sujet qui est plus spécialement le nôtre : nous raisonnons au temps t, mais quel est l'essentiel ? L'essentiel, c'est bien l'avenir.

Si l'on montre aujourd'hui qu'il est si facile d'augmenter la CSG d'un point, que fera-t-on demain et après-demain ? N'est-ce pas une facilité vraiment coupable que l'on se donnerait dans un monde ouvert, sachant bien que les agents économiques comparent d'un territoire à l'autre les fiscalités dont ils sont l'objet ?

Il me reste, avant de conclure, à évoquer très brièvement les considérations de la commission des finances sur la fiscalité écologique, que vous trouverez dans mon rapport écrit, mes chers collègues.

Le principe majeur développé par la commission est celui selon lequel la véritable écofiscalité vise à changer les comportements. Autrement dit, si elle est efficace, c'est une fiscalité qui tend à détruire son assiette.

M. Gérard Longuet. C'est exact !

M. Philippe Marini, rapporteur général. A contrario, si elle ne détruit pas son assiette, c'est qu'elle est inefficace et ce n'est pas une bonne écofiscalité.

Par voie de conséquence, l'écofiscalité ne peut pas être associée à des besoins budgétaires ou sociaux croissants. Il faut faire très attention à assurer une bonne cohérence de la nature de la ressource et de la nature de la dépense, et j'espère que, sur ce point, le président About abondera dans le même sens.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est pourquoi on a donné l'impôt sur les tabacs à la sécurité sociale : c'est pour être sûr qu'il y a toujours des financements...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà ! C'est en même temps une limite du raisonnement que vous êtes fondé à évoquer, monsieur le président, et, sur cet aspect, me semble-t-il, nous cheminons de la même façon ; je m'en réjouis !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est tellement logique !

M. Alain Lambert. La véritable assiette, c'est la démagogie, car elle est incommensurable !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mon cher collègue, c'est un risque permanent dont il faut, bien entendu, nous défier autant que faire se peut.

En ce qui concerne l'écofiscalité, ayons bien en tête ce principe et évitons aussi de laisser se développer une écofiscalité qui se traduirait par une réelle augmentation du taux de prélèvements obligatoires.

Je terminerai par les niches fiscales et sociales, insistant plus particulièrement sur les niches fiscales.

Monsieur le ministre du budget, j'en ai dénombré 650 dans le projet de loi de finances pour 2008. Elles relèvent, à mes yeux, de deux catégories.

Les unes ont un caractère horizontal et ont pour objet de modifier les conditions de calcul de l'impôt. À certains égards, le crédit d'impôt recherche ou le régime du bénéfice consolidé peuvent en faire partie.

Par ailleurs, il est des niches sectorielles, corporatives, verticales, et ce sont ces dernières qu'il faudrait, nous semble-t-il, aborder avec le plus d'esprit critique.

On pourrait distinguer - c'est une idée que je me permets de livrer au Sénat - des NDI, des niches à durée indéterminée, et des NDD, des niches à durée déterminée. (Sourires.) Il serait tout à fait concevable, madame le ministre, monsieur le ministre, si vous vous prêtiez à cette expérience dans le projet de loi de finances pour 2008, appliquant le principe du Guépard, de tout changer pour ne rien changer, c'est-à-dire de transformer, au 1er janvier, toutes les niches sectorielles en NDD.

Quel serait l'avantage ? Ce serait de les rendre temporaires, d'être obligé de les réévaluer périodiquement et de pouvoir les remettre en cause. Car, vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre du budget - je tiens à rendre hommage à cette déclaration -, l'évaluation des dépenses fiscales est un très lourd sujet.

La représentation parlementaire est souvent terriblement frustrée par les évaluations qui lui sont données, bien sûr de bonne foi, par votre administration. Et pourtant, un euro de dépense fiscale équivaut à un euro de dépense budgétaire. Du point de vue du solde et de la maîtrise de celui-ci, l'un et l'autre jouent le même rôle. Il serait donc indispensable de faire entrer dans la norme de dépense la dépense fiscale aussi bien que la dépense budgétaire et de se préparer à le faire en évaluant mieux ces différents dispositifs.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous le voyez, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances n'est jamais à court d'idées, de propositions. Elle s'efforce de conduire ses travaux dans un climat de liberté, et je voudrais à cet égard remercier, une nouvelle fois le président Jean Arthuis qui sait faire prévaloir ce climat de liberté, qui sait animer nos débats en permettant à chacun d'entre nous de donner le meilleur de lui-même. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux de la loi de financement de la sécurité sociale. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur les prélèvements obligatoires ouvre traditionnellement la phase financière de la session, qui voit se succéder l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, celui du projet de loi de finances et celui du projet de loi de finances rectificative. Il est l'occasion, pour le Sénat, et surtout pour la commission des affaires sociales et la commission des finances, d'aborder les finances publiques dans un cadre consolidé et non artificiellement cloisonné entre l'État et la sécurité sociale.

Mes chers collègues, un cap symbolique a été franchi cette année pour aller vers une vision d'ensemble de ces deux hémisphères - comme vient de le rappeler très justement au début de son propos notre collègue Philippe Marini, rapporteur général -, en ayant donc une approche à la fois des comptes de l'État et des comptes sociaux : la création d'un ministère des comptes publics, dont la MECSS a souligné tout l'intérêt pour favoriser l'articulation entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, et nous ne pouvons que nous en féliciter.

Monsieur le ministre du budget, vos premiers pas ont montré, avec le remboursement par l'État de sa dette à la sécurité sociale, avec la compensation intégrale à l'euro près des charges, avec les engagements que Mme Lagarde et vous-même avez pris avec lors de la discussion du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat - engagements dont le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 porte la concrétisation-, votre volonté de respecter le périmètre de la loi de finances, d'un côté, et celui de la loi de financement de la sécurité sociale, de l'autre. Cela est de nature à conforter tant la commission des affaires sociales que la commission des finances - je ne doute pas que son rapporteur général, Philippe Marini, et son président, Jean Arthuis, partagent ce sentiment - quant à la pertinence de l'existence d'un ministre des comptes publics pour promouvoir cette approche globale que ces deux commissions appellent depuis longtemps de leurs voeux.

Nicolas About et moi-même n'avons jamais contesté la nécessité de cette approche globale. Cependant, là où il y avait débat, c'était sur l'idée qui avait été lancée à la suite de la présentation du rapport cosigné par notre collègue Alain Lambert et par le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Didier Migaud, et relayée en son temps par Jean-François Copé, idée d'une fusion éventuelle de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale. Depuis, le débat a permis à chacun de mesurer l'intérêt de maintenir ces périmètres et je me réjouis d'avoir entendu M. le rapporteur général le confirmer voilà quelques instants en réagissant aux interpellations amicales de Nicolas About.

Nous avons besoin de cette approche d'ensemble pour assurer le respect des spécificités de chacun et, en particulier, du financement de la sécurité sociale ; vous me pardonnerez de prendre un peu parti en le disant !

J'en viens maintenant à notre sujet.

Pour résumer, la question des prélèvements obligatoires que nous nous posons aujourd'hui revêt un double aspect.

D'abord, peut-on éviter le recours à de nouveaux prélèvements lorsque la croissance de la dépense publique est largement alimentée par le vieillissement de la population, sans que l'on puisse espérer mieux que contenir l'évolution de la demande ?

Ensuite, quelles sont les ressources les plus pertinentes, les plus « dynamiques » - pour reprendre le terme utilisé par Mme le ministre, par M. le ministre des comptes publics et également par M. le rapporteur général - pour faire face aux besoins dans une économie globalisée, mondialisée, où la matière taxable est susceptible de se déplacer à la recherche de l'environnement le plus favorable, même si M. le rapporteur général a rappelé qu'il y avait au moins deux assiettes qui ne devraient pas être délocalisables : celle du patrimoine immobilier et celle du flux de la consommation.

Le rapport Pébereau et plus récemment le rapport Carrez, rédigé pour le Conseil d'orientation des finances publiques, ont bien résumé les enjeux.

À l'horizon 2050, le surcoût dû aux dépenses de retraite est évalué à deux points du PIB. Il est au minimum de 1,8 point pour la santé, mais l'OCDE envisage des chiffres pouvant aller jusqu'à 3,6 points de richesse nationale.

Enfin, il faut prendre en considération le surcoût engendré par les dépenses de dépendance, qui est estimé à 0,2 point de PIB ; cependant, là encore, l'OCDE envisage l'éventualité d'une fourchette allant de 1 point à 1,7 point.

Même en tenant compte d'une décroissance relative de nos dépenses d'éducation et de chômage, la part supplémentaire des dépenses publiques dans la production nationale sera tendanciellement de 4 à 6 points supérieure à celle que nous connaissons aujourd'hui. Et la quasi-totalité en sera imputable aux dépenses à caractère social, le trio « retraites, santé, dépendance ».

Pour affronter cette situation - et je rejoins sur ce point les propos de M. le rapporteur général -, notre première réponse n'est pas, et ne peut pas être, d'augmenter l'impôt ou la cotisation, alors que le niveau de nos prélèvements par rapport à la richesse nationale nous place déjà en tête des nations. Est-il pertinent d'en ajouter d'autres ?

Dès lors que nous sommes confrontés aux déficits accumulés, notre premier devoir est de réformer et d'agir sur la dépense, ...

M. Alain Vasselle, rapporteur. ... afin d'empêcher que d'autres déficits n'apparaissent, dont nos enfants devraient assumer le coût exorbitant.

On le sait, cette démarche a déjà produit des effets. Sans la réforme des retraites de 2003 - un excellent exemple de notre capacité à agir sur la dépense quand nous en avons la volonté politique -, la part des pensions dans le produit intérieur brut n'aurait pas été de deux points supplémentaires en 2050, comme on le pense aujourd'hui, mais de près du double, soit environ quatre points.

La réflexion sur les marges de manoeuvre que nous devons dégager pour assurer la pérennité de notre protection sociale a été relancée, dès cet été, par le Président de la République. La santé est ainsi l'un des premiers domaines de l'action publique passés au crible dans le cadre de la nouvelle procédure de révision générale des politiques publiques. Gérard Larcher a également été désigné pour présider la commission sur les missions de l'hôpital public, qui devrait remettre un rapport d'étape dès le mois de décembre prochain et ses propositions au début de l'année prochaine.

Enfin, l'année 2008 sera également l'année du rendez-vous sur les retraites, qui doit permettre de fixer les conditions d'un retour à un équilibre durable de la branche vieillesse. C'est bien la preuve que nous voulons agir sur les dépenses.

Pour autant, la question de la ressource demeure posée, et ce pour deux raisons.

D'abord, notre assiette, qui repose encore majoritairement sur le travail, paraît en partie inadaptée dans le contexte d'ouverture qui caractérise notre économie. Hormis les deux exceptions qui ont été rappelées tout à l'heure par le rapporteur général, quelle est donc la meilleure ressource dans une économie globalisée, où la matière taxable peut être extrêmement volatile ?

Ensuite, une fraction des nouveaux besoins devra bien être financée par de nouvelles recettes, quels que soient, par ailleurs, nos efforts pour infléchir la tendance spontanément haussière de nos dépenses en matière de protection sociale. Cette situation n'est d'ailleurs pas propre à notre économie.

Nous ne pouvons pas envisager une augmentation des prélèvements obligatoires si nous n'avons pas démontré à nos concitoyens que nous avons la capacité de maîtriser, dans des conditions optimales, nos dépenses publiques et les dépenses de la sécurité sociale. Dès lors, si nous constatons un delta financier entre le niveau des dépenses et celui des recettes, nous devrons nous demander s'il nous faut prévoir une recette nouvelle ou opérer un redéploiement de certaines recettes au profit de la sécurité sociale.

Une partie de la ressource devra bien sûr être trouvée auprès des assurés eux-mêmes, mais il est clair que, compte tenu de notre tradition sociale et culturelle, nous ne pourrons pas réduire de façon drastique la part de la dépense prise en charge par la collectivité. Il n'est pas envisageable, par exemple, de geler les dépenses d'assurance maladie. Il en résulterait, en quelques années, une baisse spectaculaire du taux de prise en charge socialisée de la dépense de santé, qui passerait de 77 %, taux observé aujourd'hui, à 50 %, soit précisément le taux en vigueur lors de la mise en place du régime de la sécurité sociale, dans les années cinquante.

Mes chers collègues, comment imaginer que l'adhésion de nos concitoyens au système de protection sociale ne s'en trouverait pas inévitablement remise en cause ?

Mais alors, quelles ressources mobiliser ?

Vous êtes engagée, madame le ministre, dans un processus de revue générale des prélèvements obligatoires qui doit aboutir au début de l'année prochaine, et dont nous attendons les conclusions avec intérêt.

Comme vous l'avez indiqué, la MECSS, que j'ai l'honneur de présider, a, de son côté, lancé au début de cette année un cycle de réflexion qui l'a conduite à procéder à une trentaine d'auditions : elle a ainsi entendu les représentants des principales institutions de la protection sociale et des corps de contrôle, des hauts fonctionnaires, des universitaires, des économistes et des praticiens du secteur social. Autant dire que nous avons recueilli un maximum de points de vue. Or nous avons été frappés de constater le très large consensus qui s'est dégagé pour nous alerter sur les difficultés réelles posées par les solutions en vogue, notamment le basculement des cotisations, actuellement assises sur les salaires, vers une base plus large tenant compte de la valeur ajoutée.

Venons-en tout de suite à la formule la plus souvent envisagée et qui a été évoquée par les précédents intervenants : la TVA sociale.

Nous disposons sur le sujet d'une « littérature » abondante, dont plusieurs rapports administratifs établis en 2006 à la demande du précédent Président de la République ; s'y sont ajoutés plus récemment le rapport Besson, le vôtre, madame le ministre, ainsi que nos propres auditions. Chaque fois, les mêmes doutes ont été exprimés.

Pour le dire simplement, la TVA sociale repose sur un pari qui est loin d'être gagné d'avance. Selon ses défenseurs, que nous avons entendus - et nous en entendrons certainement un autre dans un instant ! (Sourires.) -, ...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vraisemblable !

M. Alain Vasselle, rapporteur. ... son effet potentiellement inflationniste serait compensé par la baisse du coût du travail engendrée par la diminution, ou la disparition, des cotisations patronales. En d'autres termes, tout repose sur le fait que l'employeur répercutera sur ses prix de vente la baisse des cotisations dont il bénéficie, contrebalançant ainsi la hausse de la TVA.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Par ailleurs, la baisse du coût du travail l'incitera à embaucher. Le pari est donc le suivant : éviter l'inflation et créer des emplois.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Or deux phénomènes sont susceptibles de faire dérailler ce scénario et de créer une inflation, sans avoir sur l'emploi d'effet aussi positif qu'on le pense.

Tout d'abord, les entreprises françaises affichant aujourd'hui des marges très faibles, elles auront spontanément tendance à les reconstituer si elles retrouvent un peu d'air grâce à une diminution des cotisations patronales. Le risque est donc qu'elles ne baissent pas les prix et que l'augmentation de la TVA soit intégralement à la charge du consommateur.

L'exemple allemand incite, de ce point de vue, à la plus extrême prudence. Vous le savez, nos voisins ont instillé, au début de l'année, une petite dose de TVA sociale.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Trop peu !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Or, avec des entreprises en meilleure forme que les nôtres, on constate déjà en Allemagne des tensions inflationnistes, même si leurs effets restent pour l'instant relativement maîtrisés.

Ensuite, tout le monde en convient, l'impact de la TVA sociale sur l'emploi est réputé d'autant plus fort que la mesure est ciblée, comme cela a été rappelé avec pertinence tout à l'heure, sur les entreprises employant des salariés payés au SMIC, ou proches du SMIC. Or, je vous rappelle, mes chers collègues, que, aux allégements Fillon, il n'existe d'ores et déjà quasiment plus de cotisations patronales à ce niveau.

M. Guy Fischer. Eh oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Pour ces entreprises, la hausse de la TVA aura évidemment un effet nul en termes d'emplois et leur perte de compétitivité sera immédiate, sauf à créer pour elles des cotisations sociales négatives, ce qui serait, à mon avis, malvenu compte tenu du déficit actuel de la sécurité sociale.

Cet obstacle technique majeur à la mise en place de la TVA sociale - qui est particulièrement bien développé, je vous l'accorde, dans le rapport Besson et dans le vôtre, madame le ministre - est trop rarement évoqué.

À ce stade du débat, je me retrouve donc à mon point de départ : que faire ?

Voilà un an - permettez-moi de m'en enorgueillir -, notre commission des affaires sociales s'était montrée visionnaire, en lançant le débat sur les « niches sociales ». Nous avions été peu écoutés lorsque nous avions défendu un amendement visant à remettre en cause l'exonération des stock-options. Nous nous étions, hélas, heurtés à l'opposition du gouvernement de l'époque.

Depuis lors, la Cour des comptes a relancé le débat en révélant que le montant des sommes qui ne reviennent pas à la sécurité sociale du fait des exonérations non compensées serait de l'ordre de 30 milliards à 35 milliards d'euros par an.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Certes, les niches sociales sont moins nombreuses - une cinquantaine environ - que les 650 niches fiscales dont a parlé tout à l'heure le rapporteur général en introduisant les notions de NDI et de NDD, mais elles représentent presque le montant cumulé du besoin de trésorerie de l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Le déficit global cumulé de la sécurité sociale de l'exercice 2008 avoisinera les 40 milliards d'euros !

En d'autres termes, nous n'en serions sans doute pas à une telle dégradation de nos comptes sociaux si une partie au moins de cette manne avait été utilisée.

Deux méthodes sont dès lors possibles : soit remettre en cause certaines de ces niches, en les taxant dans des « conditions normales », dirai-je ; soit appliquer une flat tax, comme M. le ministre y a fait allusion tout à l'heure, en taxant faiblement toutes les niches, ou du moins le plus grand nombre possible.

Sur les niches sociales, il faut avoir une démarche aussi pragmatique que celle qui a été préconisée tout à l'heure par Philippe Marini sur les niches fiscales. Sans doute certaines niches sociales ont-elles leur pertinence dans le cadre d'une politique économique et sociale, mais il y a lieu de revenir sur l'existence de certaines autres ou, à tout le moins, de leur conférer un caractère temporaire.

Rien n'empêche, d'ailleurs, de combiner les deux méthodes. À cet égard, la commission des affaires sociales a déposé hier un amendement sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale permettant d'aller au-delà du mécanisme de taxation des seules stock-options et des actions gratuites adopté par l'Assemblée nationale, en soumettant au taux de 2 % l'ensemble de l'assiette aujourd'hui exonérée de charges. Certes, cela ne rapporterait pas des sommes phénoménales, ...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce ne serait déjà pas mal !

M. Alain Vasselle, rapporteur. ... mais il s'agit tout de même, d'après nos estimations, de 400 millions d'euros environ. Ce serait un premier pas. Il nous appartiendrait ensuite de décider si nous déplaçons le curseur.

Cela étant, d'autres ressources doivent être mobilisées et, sur ce point, trois voies me paraissent pouvoir également être explorées.

D'abord, M. le rapporteur général y a fait allusion, nous pourrions créer des taxes nutritionnelles, ciblées sur les produits alimentaires les plus néfastes pour la santé, notamment les sodas et sucreries. Certains avaient d'ailleurs envisagé que cette ressource soit mobilisée pour sortir le FFIPSA, le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, de l'ornière ; la commission des affaires sociales a également déposé un amendement tendant à instituer une telle taxe.

Ensuite, s'agissant de la nouvelle fiscalité écologique, il va de soi qu'une partie au moins des recettes devra être consacrée au financement de l'assurance maladie. Madame le ministre, vous aviez vous-même évoqué, dans votre rapport, une taxe de lutte contre le changement climatique comme une alternative sérieuse à la TVA sociale ; nous attendons avec le plus grand intérêt vos conclusions à ce sujet.

Cependant, je le reconnais bien volontiers -  et les propos tenus tout à l'heure par Philippe Marini ne peuvent être contestés -, ces taxes, qui visent à changer les comportements, conduisent à terme à la destruction de leur assiette. Nous en faisons d'ailleurs l'expérience, à notre grand dam, avec les droits sur le tabac, sujet qui a été évoqué tout à l'heure et a fait réagir le président Nicolas About : le succès est tel que le produit de la taxe tend à diminuer et ne contribue donc pas à équilibrer les dépenses de la branche maladie. Ainsi, il ne s'agit certainement pas là de recettes dynamiques de nature à alimenter durablement le financement de l'assurance maladie. Il reste qu'elles peuvent avoir un rôle vertueux pour le comportement de tout un chacun. Encore faut-il en évaluer les effets.

Enfin, la plupart des interlocuteurs de la MECSS ont insisté sur les avantages de la CSG, qui est simple d'utilisation et bien acceptée par les Français, car ceux-ci savent clairement qu'elle contribue au financement de la protection sociale, essentiellement de la branche maladie, et que, à la différence de la taxe sur la valeur ajoutée, elle ne peut avoir un impact potentiellement dépressif sur l'économie.

Si nous devions opter pour un impôt déjà existant - ce n'est qu'une hypothèse, monsieur le rapporteur général, dans le cas où aucune autre piste ne serait retenue, car j'ai bien noté que vous étiez formellement contre -, nous devrions préférer, à mon sens, la CSG à la TVA sociale.

Certes, la CSG pèse sur les ménages, mais tel sera aussi le cas de la TVA sociale, sauf à réussir le pari selon lequel les entreprises baisseront leurs prix pour compenser la hausse de la TVA ; Jean Arthuis évoquera sans doute ce point dans un instant.

Mes chers collègues, je reviendrai, lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur les sujets qui ont été évoqués par M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Nous reparlerons des dépenses liées à la branche famille, de la dynamique des dépenses des branches vieillesse et maladie, car nous pouvons évidemment trouver des solutions en faisant jouer la solidarité au sein du régime général, par redéploiement de certaines charges, par exemple en faisant en sorte que la part patronale versée à la branche famille aille vers les branches déficitaires. Nous serons également amenés à parler du plan de maîtrise des dépenses de l'assurance maladie qui a été mis en place en Suède.

Tous ces éléments doivent enrichir notre réflexion et nous conduire à esquisser les pistes qui, demain, nous permettront de rassurer les Français quant au déficit dont nous souffrons aujourd'hui et auquel nous voudrions donner un terme.

Mes chers collègues, voilà résumées à grands traits les options retenues par la commission des affaires sociales. En les défendant, nous n'avons cherché, j'en conviens, à faire preuve d'audace ; nous avons sincèrement voulu faire preuve de bon sens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, rarement ce débat aura autant mérité son nom.

Il se déroule en effet au seuil d'un nouveau quinquennat, à l'heure où des choix cruciaux vont devoir être faits, notamment pour affermir dans la durée notre « modèle social ». Il permet ainsi à notre commission des finances de réaffirmer ses priorités qui, si elles sont partagées par beaucoup, ne le sont pas toutes, à l'évidence, par la commission des affaires sociales. Débattons-en donc !

S'agissant des prélèvements, et notamment de la part de ceux-ci qui est affectée au financement de la protection sociale, le constat est implacable : c'est celui de la fiscalisation de notre système de prélèvements sociaux dans une proportion croissante d'année en année. Ainsi, 40 % de ses ressources sont désormais issus de prélèvements fiscaux, alors que cette part était résiduelle voilà vingt ans. Pendant le même temps, les missions de la sécurité sociale ont perdu en clarté, mais aussi, me semble-t-il, en légitimité.

À la logique d'assurance reposant sur des cotisations versées par les seuls salariés se mêle de plus en plus une logique de solidarité qui s'appuie, elle, sur des prélèvements fiscaux acquittés par tous les contribuables.

Ayons donc la lucidité de voir la réalité en face pour refonder sur des bases claires notre pacte social, en conservant à l'esprit le fait qu'aucun système de prélèvements ne peut être conçu indépendamment de la mondialisation. La globalisation s'impose à nous chaque jour davantage comme une évidence. Faute pour nous de la reconnaître, notre système de prélèvements ne sera qu'un objet d'études savantes et totalement désincarnées.

Le débat de cet après-midi doit donc permettre de préserver les atouts de notre système de sécurité sociale. En effet, ce dernier ne pourra pas être durablement maintenu en l'état, car il doit s'adapter pour prendre en compte la réalité d'une économie désormais globalisée.

C'est à une autre opération vérité que la commission des finances vous appelle une fois encore aujourd'hui, car il convient de repenser les fondements de notre système de prélèvements qui repose sur des concepts d'un autre âge.

Le consensus semble désormais établi pour estimer qu'il n'est plus concevable, sauf à vouloir délocaliser la plupart des emplois marchands, après avoir laissé liquider la plupart des emplois industriels, de financer plus longtemps la branche santé et la branche famille par des cotisations assises sur les salaires et les revenus du travail perçus par les travailleurs indépendants, les commerçants, les artisans, les industriels, les agriculteurs.

Madame la ministre, monsieur le ministre, les gouvernements successifs proclament qu'ils ont deux objectifs : se battre contre la vie chère et pour le plein-emploi. Permettez-moi de vous dire que, dans une économie globalisée, sans réforme structurelle, notamment des prélèvements obligatoires, ces deux objectifs sont totalement incompatibles.

Mes chers collègues, puis-je considérer que la commission des affaires sociales et la commission des finances sont au moins d'accord sur ce constat et sur un diagnostic, celui de la nécessaire fiscalisation des recettes ? D'ailleurs, Alain Vasselle, dans son rapport, l'écrit très clairement : « la fiscalisation des financements de la protection sociale est un mouvement inéluctable ». Je me réjouis de cette convergence, cher collègue Nicolas About. C'est au moins un acquis commun à nos deux commissions.

Si nous sommes d'accord pour financer autrement la santé et la politique familiale, nous devons convenir qu'il s'agit bien d'aller jusqu'au bout de la fiscalisation en cours, telle que nous l'appelons de nos voeux.

Mais alors, quel impôt choisir ? Imaginons un instant qu'il puisse s'agir d'un impôt mis à la charge des entreprises. Monsieur le ministre des comptes publics, lors de la présentation du budget de l'État, il est de bon ton de dire qu'un effort est demandé aux ménages et qu'un autre est demandé aux entreprises. Mais existe-t-il un seul impôt payé par les entreprises qui, en définitive, ne serait pas répercuté dans le prix de vente aux consommateurs ? Osons affirmer que les impôts, tous les impôts, sont payés par nos concitoyens !

Certains avaient imaginé une taxe sur la valeur ajoutée qui était une version relookée de la taxe professionnelle. Notre analyse nous invite à rompre avec la convention politiquement correcte qui proclame que certains impôts sont payés par les ménages et d'autres, par les entreprises. À la vérité, tous les impôts sont à la charge des ménages.

Quel impôt peut donc répondre tout à la fois à un objectif de compétitivité - car c'est bien la compétitivité qui nous permettra de retrouver des marges de manoeuvre - et à l'idée que nous nous faisons de l'équité sociale ? Il est évident que le choix est difficile !

Si, rompant avec le politiquement correct, on admet que ce sont les ménages qui paient, quelles sont les assiettes possibles ? Elles sont au nombre de trois : la fortune, le revenu et la consommation.

S'agissant de la première, l'augmentation du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune est une impasse, une chimère. Notre dispositif est une singularité qui pousse hors du territoire national une partie du patrimoine délocalisable, et cela au détriment de la croissance et de l'emploi.

Quant au revenu, peut-il faire l'objet d'un supplément de prélèvements par un rehaussement de notre barème, alors même que nous venons tout juste de le ramener au niveau de ceux qui sont en vigueur dans les pays comparables à la France ?

Nous voulons éviter de susciter de nouvelles tentations de délocalisations fiscales, des vocations de « réfugiés fiscaux », comme l'on dit en Belgique. O tout rehaussement du barème de l'impôt sur le revenu ne manquerait pas d'entraîner de nouveaux exils fiscaux, que ce soit en Belgique, en Suisse ou ailleurs.

Seule la remise en cause des niches fiscales nous offre un potentiel de ressources nouvelles. Sans doute existait-il chez nous une culture de la niche fiscale : pour réduire l'impact d'un barème très élevé, on a en effet multiplié les dérogations, les exonérations, les réductions, les abattements, les crédits d'impôt.

Tout cela doit faire l'objet d'une révision objective et courageuse. Mais il serait toutefois aventureux de penser qu'un plafonnement des avantages procurés par ces niches fiscales se traduirait par plus d'une dizaine de milliards d'euros de supplément d'impôt.

À défaut de réviser à la hausse le barème de l'impôt sur le revenu, pouvons-nous demander plus à la CSG ? J'en doute pour les mêmes motifs. Au surplus, un tel prélèvement porterait directement atteinte au pouvoir d'achat des ménages français. Ce seul argument me semble presque définitivement condamner une telle initiative.

Alors, que reste-t-il ? Il reste l'impôt de consommation, c'est-à-dire la TVA, que l'on peut dénommer « TVA anti-délocalisation », « TVA-emploi » ou « TVA sociale ». Malheureusement, la réputation de cet impôt rend son maniement extrêmement délicat. Mes chers collègues, brisons les tabous et faisons justice du mauvais procès qui inspire la tentation de ne rien faire et de camper dans la pusillanimité.

La TVA sociale, c'est l'augmentation des taux en vigueur pour compenser l'exonération des cotisations d'assurance maladie et d'allocations familiales. Il n'y a donc, en aucun cas, accroissement des prélèvements pesant sur les Français. Aussi, je voudrais vous en convaincre, les trois critiques qui sont faites à la TVA sociale sont infondées.

La première critique est que la hausse de la TVA est un facteur d'inflation. Je crois très sincèrement que l'on a tort de redouter l'inflation. D'abord, l'exonération des charges sociales fera baisser mécaniquement le prix hors taxes des biens et des services issus du travail des Français d'au moins 5 %, surtout dans un pays dont le PIB est aux deux tiers constitué par les salaires et les charges sociales !

Autrement dit, un article vendu 100 euros hors TVA, et payé 119,6 euros par le consommateur, sera vendu 95 euros hors TVA. Si le taux est porté de 19,6 % à 25 %, la taxe s'élèvera à 23,75 euros et le prix TTC sera de 118,75 euros, c'est-à-dire moins que le prix payé aujourd'hui.

Il est évident qu'à l'exportation le prix offert aux clients étrangers sera ramené de 100 euros à 95 euros. Seuls les biens importés subiront une hausse, le supplément de TVA. Mais mon hypothèse est la suivante et vous disposez de tous les éléments d'information pour en juger : ceux qui mettent sur le marché des produits importés sont ceux qui dégagent les marges les plus consistantes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'ose espérer que, dès lors, les importateurs n'auront pas l'audace de répercuter l'intégralité de la TVA dans le prix demandé aux consommateurs !

Par conséquent, madame la ministre, monsieur le ministre, la crainte que vous avez exprimée concernant l'inflation me paraît infondée.

J'ajoute que la concurrence ne s'arrêtera pas avec l'institution d'une TVA sociale. La vigilance des consommateurs sera totale.

M. Guy Fischer. On voit déjà ce qu'il en est !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. De plus, madame la ministre, vous aurez le souci de demander à vos 4 000 agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes d'aller sur le terrain vérifier qu'il n'y a pas d'incompréhension de la part des acteurs économiques...

M. Guy Fischer. Utopie !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... et que l'on répercute effectivement dans le prix cette baisse des cotisations sociales.

Par conséquent, je récuse la critique laissant à penser qu'il y aurait de l'inflation.

La deuxième critique qui me semble infondée est que la TVA serait un impôt injuste. En vérité, contrairement à ceux qui achètent des produits ou des services français, ceux qui consomment des biens importés ne participent aucunement au financement de la protection sociale à laquelle nous entendons tous avoir accès. À mes yeux, c'est là la principale injustice !

La troisième critique que l'on entend ici et là est que la hausse de la TVA briserait la croissance. Au 1er janvier 2007, cela a été rappelé, l'Allemagne a augmenté de trois points son taux de TVA. Un seul de ces trois points correspond à une TVA sociale ; il est destiné à réduire les cotisations d'assurance chômage.

Sur ce sujet, madame la ministre, je me souviens des propos tenus par votre prédécesseur, M. Thierry Breton, qui nous disait à cette tribune que la croissance serait « robuste » en 2007. Sa seule crainte était que la décision prise par les Allemands d'augmenter de trois points la TVA ne « brise » la croissance en Allemagne et ne porte ainsi atteinte à celle de la France.

Or les Allemands, que je sache, vont atteindre en 2007 un taux de croissance supérieur aux prévisions qu'ils faisaient voilà tout juste un an !

Mme Nicole Bricq. Leur croissance est tirée par le niveau de la demande !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Par ailleurs, le Danemark, en 1987, a supprimé ses cotisations sociales et porté simultanément son taux de TVA à 25 %. Vingt ans plus tard, ce pays connaît le plein-emploi et le « suréquilibre » de ses comptes publics.

Vous avez évoqué l'efficacité totale des allégements de cotisations sociales dès lors qu'ils portent sur les bas salaires. Je voudrais, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous rendre attentifs au fait que ce type d'exonérations crée des trappes à bas salaires.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dans ces conditions, nous risquons d'enfermer les politiques salariales dans des limites toutes proches du SMIC, ce qui n'est pas notre idéal social.

Méfions-nous donc de mesures qui, selon moi, ne peuvent être que temporaires. Si nous optons pour un régime d'exonération des cotisations sociales, ayons le courage d'aller jusqu'au bout de cette démarche.

À propos des délocalisations, permettez-moi de vous dire que les salaires modestes ne sont pas les seuls à être menacés. En effet, aujourd'hui, ce sont des services de recherche et des laboratoires qui sont délocalisés. Allez voir ce qui se passe en Inde ou en Chine ! Chassons donc l'idée selon laquelle les mesures à prendre devraient concerner exclusivement les bas salaires. À mon avis, nous devons aller vers une généralisation de ces exonérations.

Naturellement, la réforme que nous appelons de nos voeux doit s'accomplir à prélèvements constants. Il ne saurait être question d'augmenter le taux de TVA pour d'autres motifs que la compensation à l'euro près de l'exonération des cotisations sociales.

La globalisation de l'économie a rendu obsolètes des pans entiers de nos législations, de nos réglementations et de nos prélèvements obligatoires. Il n'est cependant pas question de nous résigner à la délocalisation de nos activités et de nos emplois. La TVA sociale constitue à nos yeux l'une des réponses nécessaires. Bien sûr, elle ne sera pas suffisante : d'autres mesures, notamment celles qui visent à redonner de la flexibilité, à réduire la complexité, à rétablir la confiance des entrepreneurs et à réconcilier nos concitoyens et l'esprit d'entreprise, sont également indispensables.

Je suis conscient que la réussite exige de la pédagogie. Mais ne sous-estimons pas l'énergie dont nous aurons besoin pour vaincre tous les tabous, tous les conservatismes ambiants. Sachons faire preuve d'audace, d'opiniâtreté et de courage.

Madame la ministre, monsieur le ministre, je le redis, sans des réformes qui seront lourdes et difficiles parce qu'elles doivent surmonter les tabous ambiants, vous aurez les plus grandes difficultés à rendre compatibles vos objectifs du plein d'emploi et de la lutte contre la vie chère.

Madame la ministre, sans doute aurez-vous à vous préoccuper de l'affectation des surliquidités mondiales et de ce que l'on appelle aujourd'hui les fonds souverains, qui représentent 3 000 ou 4 000 milliards de dollars cherchant à s'investir hors du territoire qui les a engendrés. Les pays qui détiennent ces liquidités, ce sont bien souvent ceux qui nous approvisionnent en énergie, pétrole et gaz en particulier, ou qui nous fournissent des biens de consommation.

À ce propos, je souhaite que cesse ce discours convenu et quelque peu anesthésiant qui consiste à dire que la France est dans une situation « formidable » parce que les capitaux du monde entier s'y investissent. Mais il s'agit essentiellement d'investissements immobiliers ! Vous parliez de l'inflation, mais que pensez-vous de l'inflation des actifs ?

M. Gérard Longuet. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ces capitaux s'investissent dans les bons du Trésor. Ce qui est « formidable », c'est que les pays qui nous fournissent l'énergie et les biens de consommation financent également nos déficits en souscrivant des bons du Trésor, ce qui nous permet de maintenir notre pouvoir d'achat.

M. Gérard Longuet. Exactement !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ces investisseurs prennent des positions sur le marché. Il est en effet probable que la moitié des entreprises du CAC 40 sont maintenant détenues directement ou indirectement par ces fonds internationaux.

Bien souvent, lorsqu'ils rachètent des PME, ils décident d'en améliorer les résultats, ce qui se traduit par la délocalisation immédiate de l'unité de production et des emplois vers des pays d'Europe centrale ou d'Asie.

Par conséquent, ces investissements, qui nourrissent nos discours anesthésiants, ne participent en aucune façon à l'accroissement du volume de production, ne contribuent en rien à la croissance et à l'emploi.

Voilà pour quels motifs, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite que nous avancions résolument dans le sens de la réforme des prélèvements obligatoires. Il s'agit pour nous de contribuer à un sursaut de compétitivité du travail sur nos territoires et dans nos entreprises. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient l'honneur de clore la première partie de notre discussion, avant de laisser la parole aux orateurs des groupes.

Je ne voudrais pas répéter ce qu'ont excellemment dit le président et le rapporteur général de la commission des finances, ainsi qu'Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres généraux des lois de financement de la sécurité sociale. Je vous ferai donc simplement part d'un certain nombre d'observations, en débutant par un point de méthode.

Le rapport sur les prélèvements obligatoires présenté l'an dernier par le Gouvernement juxtaposait de manière artificielle, d'une part, des analyses relatives à la politique fiscale de l'État, d'autre part, des réflexions sur les évolutions à long terme du financement de la sécurité sociale. Il n'offrait pas de présentation synthétique qui aurait témoigné d'une vision consolidée des ressources publiques.

Le document qui nous est soumis cette année procède, pour la première fois, à cette approche d'ensemble des deux sphères, État et sécurité sociale. C'est une évolution bienvenue, que nous saluons.

Cette façon de faire devrait, en effet, aller de soi : les finances publiques sont « unes » et les prélèvements obligatoires, qu'ils s'appellent impôts, contributions, taxes ou cotisations sont acquittés par les mêmes payeurs. Il n'y a, bien sûr, pas de fonds publics sans poches privées.

Ce décloisonnement a été à l'origine de la création d'un ministère des comptes publics, à moins qu'il n'en soit la conséquence. Nous nous en félicitons, monsieur le ministre, car cette création a eu des effets immédiatement bénéfiques sur les relations entre l'État et la sécurité sociale. Le remboursement de la dette de 5,1 milliards d'euros en est sans doute la preuve la plus symbolique.

La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, a fait de ce point un axe fort de son dernier rapport : les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale n'ont pas besoin d'être fusionnées. En revanche, il est nécessaire de mieux les articuler si l'on souhaite parvenir à un pilotage plus efficace de nos finances publiques. Dans ce cas, il faut à la barre un seul pilote, qui dispose d'une vision globale en ce qui concerne la fiscalité et les dépenses.

À ce sujet, nous saluons également l'initiative qui a été prise cette année de créer un nouveau « bleu » consacré à la dépense publique dans son ensemble et à son évolution, qui fait pendant au « bleu » sur les prélèvements obligatoires.

Si, en outre, au mois de juin prochain, le rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire donne enfin toute leur place aux finances sociales, nous aurons alors fait un grand pas, me semble-t-il, dans le sens de cette vision consolidée et équilibrée des finances publiques que nous appelons de nos voeux.

Ma deuxième observation portera sur le pilotage de la sécurité sociale.

L'un des arguments les plus convaincants qui militent contre la fusion ou contre la budgétisation, même partielle, de la sécurité sociale est le suivant : nous y perdrions les avantages tirés du pilotage de la sécurité sociale, qui permet d'établir des soldes individualisés pour chaque branche.

Prenons l'exemple de la branche famille, celle qui est le plus souvent choisie lorsqu'on envisage un rapatriement vers le budget de l'État. Je pense qu'après l'épisode de la PAJE, la prestation d'accueil du jeune enfant, qui a durablement pesé sur ses comptes, on hésitera désormais à prendre le risque de dégrader le solde de la Caisse nationale des allocations familiales par de nouvelles mesures. À l'inverse, j'en suis persuadé, le financement d'une réforme coûteuse dans le domaine de la famille pourrait se faire sans trop d'états d'âme si elle était « noyée » dans le budget de l'État et dans son déficit, dont les raisons sont multiples, et qui ne pourrait dès lors pas plus être imputé à cette réforme qu'à d'autres causes.

Ainsi, la gestion par les soldes non seulement facilite le repérage des origines du déficit, mais encore assure une fonction pédagogique essentielle.

D'abord, elle confronte des recettes et des dépenses, ce qui rend plus acceptable par le cotisant ou le contribuable l'effort qui lui est demandé.

Ensuite, elle donne aux gestionnaires, un instrument essentiel de négociation avec les acteurs concernés, par exemple les professionnels de santé s'agissant de l'assurance maladie, en montrant les limites de la ressource face à une dépense potentiellement dynamique.

Ma troisième observation est en fait une plaidoirie pour vous convaincre de l'importance qu'il y aurait à accorder une plus grande autonomie aux lois de financement de la sécurité sociale en matière de recettes.

Le rapport établi par la MECSS pour préparer le débat d'aujourd'hui en fait longuement état. Une meilleure maîtrise des recettes de la sécurité sociale par la loi de financement de la sécurité sociale offrirait plus de transparence et de clarté aux relations entre le budget de l'État et celui de la sécurité sociale.

Voici quelles sont nos principales propositions.

En premier lieu, nous considérons qu'il est tout à fait légitime d'instaurer le monopole des lois de financement de la sécurité sociale concernant l'autorisation des exonérations de cotisations et de contributions sociales ; à défaut, le minimum serait de prévoir un examen obligatoire, au moment de la discussion du projet de loi de financement de l'année, des décisions d'exonération qui auraient été adoptées en cours d'exercice. Trop de dispositions de ce genre, en effet, sont prises sans que la commission des affaires sociales en soit saisie, ni même officiellement informée ; nous le constatons encore cette année.

En second lieu, il existe une asymétrie singulière, qu'il convient de supprimer : actuellement - on le dit chaque année ! -, la loi de finances conserve une compétence de principe, dès lors qu'une fraction, même minime, d'une ressource reste attribuée au budget de l'État. En revanche, la loi de financement de la sécurité sociale ne permet d'examiner une recette que si celle-ci est intégralement affectée à la sécurité sociale. Ainsi, les droits sur les tabacs et la taxe sur les salaires, dont plus de 95 % abondent les recettes de la sécurité sociale et moins de 5 % celles de l'État, restent traités dans le projet de loi de finances et échappent à l'examen de la commission des affaires sociales !

Certes, l'intégralité de ces deux taxes sera affectée l'an prochain à la sécurité sociale et entrera donc dans le champ de la loi de financement, mais d'autres ressources, notamment au sein du panier de compensation des allégements « Fillon », restent partagées, et cette asymétrie demeure choquante dans son principe. La logique voudrait que l'une ou l'autre loi soit compétente dès lors que plus de 50 % de la ressource revient soit à l'État, soit à la sécurité sociale. J'aimerais donc connaître votre sentiment sur ce point, monsieur le ministre.

Enfin, je voudrais à mon tour dire un mot de la TVA sociale. Après tout, il n'y a pas de raison que je n'en parle pas, moi aussi ! (Sourires.)

Notre commission n'en fait ni une affaire idéologique ni une question de principe. Comme sur beaucoup de sujets, elle aborde la question d'une façon concrète et pragmatique.

Ce qui nous frappe, c'est la difficulté technique qu'il y aurait à mettre en place une telle mesure. En effet, si le taux global de cotisations payées par l'employeur au titre de l'assurance maladie, de l'assurance vieillesse et de la famille atteint actuellement 28,1 %, il n'est plus que de 2,1 % lorsque le salarié est payé au SMIC et même, depuis le 1er juillet dernier, de zéro lorsqu'il est employé dans une entreprise de moins de vingt salariés. Dès lors, comment baisser des cotisations patronales qui n'existent pas, puisque c'est le principe de la TVA sociale ? Alain Vasselle a déjà soulevé la question tout à l'heure.

Curieusement, cet obstacle technique, qui n'a rien de mineur, n'est que rarement abordé par les divers intervenants. Je mets à part, bien entendu, le rapport de M. Besson, et le vôtre, madame la ministre. Ma question est donc la suivante : comment fait-on, concrètement, pour surmonter cette difficulté ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est très simple !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faudra alors nous l'expliquer, pour que l'on comprenne bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est ce que j'ai essayé de faire !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'ai bien écouté, mais, aux affaires sociales, il nous faut du temps pour assimiler ! (Sourires.)

En tout cas, je suis heureux que, pour l'instant, notre dette soit encore inférieure à celle de l'État.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Parce que l'État finance la sécurité sociale !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais ce n'est pas la sécurité sociale qui décide des exonérations !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela forme un tout ! Ces distinctions sont très artificielles !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. S'il y a un transfert sur d'autres sources de financement, c'est par la volonté de l'État, qui décide des exonérations. Il s'agit donc d'une mécanique purement politique de transfert d'un système de cotisations à la fiscalité.

Le deuxième aspect du débat qui suscite mes interrogations concerne le nombre de créations d'emplois permises par la TVA sociale. Les différents modèles utilisés convergent vers un nombre de 20 000 à 30 000 à court terme, avec un effet neutre sur le long terme. Le chiffre est un peu plus élevé si les baisses de cotisations sont concentrées sur les bas salaires, mais on se heurte alors au problème technique qui a été évoqué et, bien sûr, au risque d'augmenter cette catégorie de travailleurs percevant de très bas salaires.

Peut-on vraiment se satisfaire de ce résultat ? Dieu merci, l'économie française crée spontanément bien plus d'emplois ! Au rythme actuel, on enregistre plus de 200 000 créations nettes d'emplois par an. En outre, d'autres facteurs ont une incidence encore plus importante sur l'emploi, en particulier les fluctuations de l'euro.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et la balance commerciale !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il convient donc de bien mesurer les enjeux et de déterminer clairement les objectifs que l'on souhaite atteindre avant de s'engager dans une telle réforme, à laquelle, je le répète, nous ne sommes pas opposés par principe.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour conclure en forme de clin d'oeil, je veux dire à nos amis de la commission des finances, compte tenu des remarques qu'ils viennent de formuler, combien je suis heureux de l'intérêt qu'ils portent aux finances sociales. J'ai noté que l'essentiel du rapport de notre collègue Philippe Marini y était consacré. Outre la TVA sociale, il évoque l'évolution des prélèvements obligatoires au profit de la sécurité sociale, le problème de l'affectation de la fiscalité écologique à la protection sociale, la question des « niches » et l'impératif de la lutte contre la fraude sociale.

En tant que président de la commission des affaires sociales, je ne peux que me réjouir de cette situation et constater - je l'ignorais - que l'essentiel des enjeux actuels en matière de finances publiques relève peu ou prou du domaine de compétence de notre commission. (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat sur les prélèvements obligatoires constitue chaque année un moment intéressant. Sur ce sujet, comme sur d'autres d'ailleurs, nous avons des divergences fortes.

En effet, la question est la suivante : devons-nous prôner la baisse des prélèvements obligatoires comme un objectif ultime ? Le Président de la République a fait de leur baisse un objectif chiffré, avec une volonté d'affichage électoraliste.

Pour ma part, je plaide tous les ans pour leur « désacralisation », au motif que l'étude de leur seul niveau ne suffit pas à déterminer si une politique fiscale est juste et efficace pour la nation. Je reviendrai sur ce point tout à l'heure, souhaitant dans un premier temps m'intéresser à vos promesses.

En effet, M. Nicolas Sarkozy avait fait de la baisse des prélèvements obligatoires un des thèmes privilégiés de sa campagne. Dans une interview accordée au journal Le Monde le 23 janvier 2007, il annonçait une « véritable révolution économique » destinée à réduire de 4 points de PIB le taux des prélèvements obligatoires. Puis, constatant certainement l'absence de crédibilité de cette promesse électorale, il est revenu sur ses déclarations en précisant, le 13 février 2007, qu'il s'agissait en réalité d'un objectif à l'horizon de dix ans.

Cependant, la réalité est tout autre, comme l'indique le rapport d'information élaboré par Philippe Marini, au nom de la commission des finances, en s'appuyant d'ailleurs sur les documents fournis par le Gouvernement, notamment sur le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2008.

Quel est donc le scénario prévu par le Gouvernement concernant le taux des prélèvements obligatoires ?

Selon le rapport de M. Marini, « le Gouvernement distingue deux scénarios : un scénario où la croissance du PIB à compter de 2009 serait de 2,5 % par an, et où l'équilibre serait atteint en 2012 », auquel cas « le taux de prélèvements obligatoires baisserait bien jusqu'à 43,4 % ». Il s'agit donc d'une baisse de 0,8 point seulement en cinq ans.

Madame la ministre, vous avez fait un rappel du passé en citant le taux de prélèvements obligatoires enregistré en 1999. Permettez-moi de rappeler à mon tour que ce taux s'élevait à 43,1 % en 2002, date où vos amis sont revenus au pouvoir, et qu'il n'a cessé de monter depuis.

Selon l'autre scénario, « la croissance serait de 3 % par an, et l'équilibre des comptes publics atteint dès 2010 ». Dans ce cas, « la diminution du taux de prélèvements obligatoires serait encore plus faible. » Ne croyant pas lui-même à l'hypothèse d'un retour à l'équilibre dès 2010, le Gouvernement n'a pas pris le soin de fournir une estimation chiffrée.

De ces deux scénarios, je ne retiens, pour vous être agréable, madame la ministre, que le plus favorable : selon une hypothèse d'élasticité des prélèvements obligatoires égale à 1, autrement dit si ces derniers évoluent au même rythme que la croissance, la baisse des prélèvements obligatoires ne serait, je le répète, que de 0,8 point en cinq ans. Vous le remarquerez comme moi, nous sommes très loin des 4 points promis par le candidat Sarkozy, même si l'on tient compte de l'ajustement qu'il a effectué quelques jours plus tard.

Si je me reporte à l'excellent graphique figurant à la page 25 du rapport de Philippe Marini, je constate un miracle : dès 2012, comme par enchantement, le taux des prélèvements obligatoires se met à baisser, jusqu'à tomber à 40 % en 2018. C'est un véritable prodige, tant l'absence de justification est criante et les hypothèses prises en compte sont loin d'être réalistes. Pourriez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur ce spectaculaire tour de magie ?

J'ignore s'il en est de même pour notre rapporteur général, mais le Président de la République, lui, semble croire aux miracles. La preuve, c'est qu'il pense encore que la libération de la croissance se décrète et qu'il peut, sur simple demande, d'un claquement de doigts, ramener le point de croissance qui nous fait tant défaut. Mais les méandres de l'économie semblent moins faciles à maîtriser que les techniques de la magie !

Pourquoi cette introduction, dont je vous prie d'excuser la longueur ? Tout simplement pour démystifier les promesses, plus qu'aventureuses, du Président de la République et dénoncer les mensonges. Les Français doivent maintenant savoir que, derrière son slogan selon lequel « Il faut que les Français en aient pour leur argent », la tromperie avançait masquée !

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

M. Marc Massion. Et c'est une discipline où prévaut, on peut l'affirmer, une certaine continuité au regard de la politique menée par les gouvernements précédents. N'en déplaise au président Sarkozy, il n'y a pas rupture, mais continuité, et l'inefficacité succède à l'inefficacité ! Je vais m'efforcer de vous le démontrer.

Force est de constater que la hausse des prélèvements obligatoires s'est poursuivie en 2006. Voilà un an, dans cette même enceinte, votre prédécesseur, madame la ministre, nous annonçait déjà que, comme par miracle, le taux des prélèvements se stabiliserait à 44 %. En dépit de ces engagements, nous n'avons assisté en 2006 ni à une baisse ni à une stabilisation, mais bien à une hausse. Pour cette période, le taux s'élève à 44,2 % du PIB, en hausse de 0,2 point par rapport à 2005, ce qui représente un montant de 792,5 milliards d'euros. Ce désaveu ne fait que confirmer la hausse continue des prélèvements obligatoires depuis 2003, avec une augmentation de 1,3 point de PIB.

Au-delà des taux, laissez-moi vous rappeler que, sur la période 2002-2006, la facture des prélèvements obligatoires s'est alourdie de plus de 116,8 milliards d'euros. Sur le volume total de prélèvements obligatoires, 15,3 % du PIB sont prélevés au profit de l'État et 5,7 % du PIB, au profit des collectivités territoriales.

S'agissant des prélèvements obligatoires au profit de l'État, leur baisse de 0,9 point est moins importante que celle qui a été prévue initialement par le Gouvernement, soit 1,2 point. Un tel revirement de situation s'explique principalement par le moindre impact des mesures nouvelles adoptées par le Gouvernement puisqu'elles ont permis une réduction de 0,2 point seulement du PIB, contre une prévision de baisse de 0,5 point du PIB.

Selon le rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution annexé au projet de loi de finances pour 2007, ces mesures devaient contribuer à une diminution de ces prélèvements de 5,1 milliards d'euros au bénéfice des ménages et des entreprises. Or elles n'ont permis qu'une baisse de 3,6 milliards d'euros

Ce simple constat démontre, s'il le fallait, l'inefficacité de la politique menée le Gouvernement, ajoutée à l'injustice de ces mesures. En effet, en cinq ans, le Gouvernement a modifié l'assiette des prélèvements obligatoires à sa guise, au service des personnes les plus aisées et au détriment de nos concitoyens les plus modestes.

Qui le Gouvernement doit-il remercier pour la diminution de ces prélèvements obligatoires ? La sécurité sociale ? Oui ! Les collectivités territoriales ? Oui ! En effet, le rapport annexé au projet de loi de finances indique que cette diminution est essentiellement imputable à des transferts de recettes fiscales.

La sécurité sociale et les collectivités territoriales voient leur taux de prélèvements augmenter, principalement à cause des transferts de fiscalité de l'État à leur charge.

S'agissant des collectivités territoriales, ces transferts correspondent à la compensation de transferts de compétences intervenant dans le cadre de l'acte II de la décentralisation. Toutefois, l'État ayant oublié sa promesse de compenser à l'euro près les charges transférées, les collectivités territoriales subissent un manque à gagner important qui les oblige à augmenter leurs taux de fiscalité locale. Néanmoins, dans un souci de maîtrise des dépenses et de bonne gestion, la hausse a été minime en 2006.

Mais laissons là le passé ! Parlons du présent et de l'avenir.

Pour 2007, le taux des prélèvements obligatoires serait ramené à 44 % du PIB, taux déjà promis en 2006. Le gouvernement actuel contredit ainsi ses prédécesseurs, qui prévoyaient 43,7 % pour 2007. Mais ce dernier taux nous est annoncé pour 2008 !

Ainsi, le montant des prélèvements obligatoires pour 2007 s'élèverait à 819 milliards d'euros, dont 276,6 milliards d'euros au profit de l'État, soit 14,9 % du PIB, et 107,1 milliards d'euros au profit des collectivités territoriales, soit 5,8 % du PIB.

S'agissant des prélèvements au profit de l'État, il est vrai que la faible croissance joue contre leur diminution, puisque leur élasticité est estimée à 1,9.

Cependant, la politique conduite par le Gouvernement, n'arrange en rien la situation. En effet, en faisant adopter, cet été, la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite « loi TEPA », vous n'avez fait que continuer la politique menée par vos prédécesseurs, dont on connaît les résultats plus que malheureux.

En multipliant les exonérations fiscales et en abaissant le bouclier fiscal à 50 %, ces mesures mettent à mal la progressivité de l'impôt sur le revenu, au détriment des ménages les plus modestes.

Pour l'année 2007, l'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires n'aura aucun effet pour le contribuable. Encore une fois, je ne fais que me référer aux chiffres du rapport déposé par le Gouvernement.

En 2008, l'effet de cette mesure sur l'impôt sur le revenu ne sera, au mieux, que de 400 millions d'euros, tandis que le bouclier fiscal et les dispositions en faveur de l'ISF rapporteront aux plus favorisés plus de 1,1 milliard d'euros.

En ce qui concerne les collectivités territoriales, l'histoire se répète, puisqu'en 2007 la hausse de 0,1 point de leurs prélèvements obligatoires est uniquement due au changement de périmètre effectué par l'État. Ce sont plus de 2,2 milliards d'euros émanant de la fiscalité qui seront attribués aux collectivités, en compensation des transferts de compétences.

Cette situation de faible hausse, à l'honneur des collectivités, résulte d'une stabilisation ou d'une augmentation minime et maîtrisée de leur taux d'imposition. Leurs efforts continueront en 2008, puisqu'il est prévu que leur taux de prélèvements obligatoires se stabilise à 5,8 %.

Quant aux prélèvements obligatoires au profit de l'État pour 2008, ils bénéficieront de nouveau d'un changement de périmètre de plus de 4,2 milliards d'euros, au détriment de la sécurité sociale, qui pâtira des exonérations adoptées dans le cadre de la loi TEPA.

Que dire sinon que la situation ne s'arrangera pas, puisque la politique que vous menez non seulement perpétue celle qui vous a précédés, mais aussi l'aggrave.

Je reviens à mon propos liminaire.

Non, la baisse des prélèvements obligatoires ne doit pas être un objectif ultime, le seul et unique but à atteindre. Bien plus qu'un simple chiffre, les prélèvements obligatoires traduisent le choix d'une politique fiscale.

Il n'est pas honteux, il est même normal de payer des impôts à l'État, aux collectivités locales, et de verser des cotisations à la sécurité sociale.

La bonne question est la suivante : sur qui prélève-t-on l'impôt et sur quelle assiette ? C'est la solidarité qui est en jeu. À ce sujet votre réponse est claire, madame le ministre. Vous modelez les prélèvements fiscaux à votre guise, au service des personnes les plus aisées et au détriment de nos concitoyens les plus modestes.

En baissant les impôts qu'aurait dû percevoir l'État - l'impôt sur le revenu, l'ISF -, vous réduisez la part des impôts progressifs au détriment d'une augmentation de la fiscalité locale, rendue nécessaire par la sous-compensation chronique des transferts de compétences, dont chacun sait le caractère injuste.

La seconde question est celle-ci : que faisons-nous de ces prélèvements obligatoires ? Quelle est leur finalité ? C'est un problème de justice et de redistribution.

Oui, il faut « désacraliser » l'importance du taux de prélèvements obligatoires, en ce sens qu'il reflète avant tout le choix d'une politique fiscale. Des prélèvements obligatoires équilibrés, en permettant de fournir un niveau élevé de services publics et de biens collectifs, participent à une meilleure redistribution et à une plus grande solidarité. Or la politique menée par le Gouvernement, comme je l'ai démontré, va à l'encontre de ces deux objectifs.

Les prélèvements obligatoires doivent, à notre sens, être affectés à deux priorités principales.

D'une part, ils doivent servir aux dépenses d'investissement, indispensables à une meilleure compétitivité de nos entreprises et à la création de richesses, et donc d'emplois. Est-il nécessaire de vous rappeler que les collectivités territoriales, avec un taux de prélèvements obligatoires de 5,8 % en 2007, bien inférieur à celui de l'État, participent pour plus de 72 % à l'investissement public ?

M. Marc Massion. D'autre part, les prélèvements obligatoires doivent être employés à la prise en charge des questions structurelles de l'emploi, de la santé et des retraites.

Enfin, face à cette situation critique, je vous demanderai un peu de sincérité. À quelles surprises fiscales devrons-nous faire face au printemps prochain ? (Mme Nicole Bricq s'exclame.)

Compte tenu du coût important des cadeaux fiscaux, qui ont été octroyés cet été par la loi TEPA, on peut se demander comment le Gouvernement pourra financer les politiques ambitieuses qui doivent être menées, tant au niveau social qu'au niveau écologique à la suite du Grenelle de l'environnement.

Une politique de rigueur, bien que formellement rejetée, sera appliquée l'année prochaine, probablement à la suite des élections municipales. Ce n'est pas un hasard !

L'idée de la TVA sociale est loin d'être définitivement enterrée. Il en a beaucoup été question cet après-midi. Peut-être prévoyez-vous déjà une augmentation de la TVA de 1,5 point, comme le préconisent le rapport d'Eric Besson et l'Inspection générale des finances. Peut-être ferez-vous plutôt le choix d'une TVA « pouvoir d'achat », intitulé pour le moins critiquable puisqu'une augmentation du taux de TVA entraînera une hausse des prix et le pouvoir d'achat en sera d'autant diminué.

Comment Nicolas Sarkozy et son gouvernement parviendront-ils à réaliser leur souhait de doubler la fiscalité écologique tout en maintenant le niveau des prélèvements obligatoires ? Ils pourraient alors accorder de nouveaux cadeaux fiscaux aux entreprises en instaurant, comme le demande le MEDEF, un bouclier fiscal à leur profit.

Bien d'autres hypothèses sont envisageables, dont certaines ont été évoquées cet après-midi : nouvelles franchises médicales, hausse de la CSG, réduction des dotations aux collectivités territoriales. Dans ces conditions, madame le ministre, il est temps de tomber le masque et de dévoiler enfin la réalité de vos projets aux Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà une heureuse alternance !

M. Gérard Longuet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je m'exprime au nom du groupe UMP. C'est une lourde responsabilité, et je voudrais présenter à mes collègues de ce groupe qui appartiennent à la commission des affaires sociales mes sentiments de modestie et de prudence. Les sujets que nous évoquons leur sont familiers. Pour ma part, je n'appartiens qu'à la commission des finances et je ne suis donc pas expert en ces questions.

Pour autant, ce débat, qui aurait pu paraître formel, est riche et suscite des discussions au sein même de la majorité. C'est peut-être ce qui le rend tout à fait passionnant. D'ailleurs, madame le ministre, vous aurez à mener cette réflexion dans les mois qui viennent au titre de la revue générale des prélèvements obligatoires, tout comme votre collègue Éric Woerth devra la conduire dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Madame le ministre, vous avez rappelé avec beaucoup de bon sens que le Premier ministre, François Fillon, avait décidé de saisir le Conseil économique et social sur cette affaire de la TVA sociale. Pourquoi ? Parce qu'à cet instant du débat il apparaît avec clarté que nous avons trois points d'accord et de vraies questions en suspens.

Premier point d'accord, le niveau atteint en France par les prélèvements obligatoires est élevé et il est inconcevable de le dépasser. Je ne reviens pas sur les chiffres ; ils ont été excellemment cités dans les rapports écrits de notre collègue Philippe Marini et vous les avez rappelés, madame le ministre. C'est en tous les cas un butoir, une discipline d'airain qui s'impose à nous.

Moyennant quoi, et c'est le deuxième élément du diagnostic partagé, les raisons d'être optimistes sont peu nombreuses, car deux faits sont évidents.

En premier lieu, nous ne pouvons pas compter sur une diminution spectaculaire des prélèvements publics de l'État car nous devons reconstruire l'équilibre budgétaire. Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a fixé un objectif : l'équilibre budgétaire en 2012. Cet objectif passe nécessairement par un maintien de la pression fiscale. On peut la rendre plus intelligente, on peut ne pas décourager ceux qui investissent - vous l'avez rappelé, madame le ministre, en ce qui concerne, par exemple, le crédit d'impôt recherche -, mais nous n'avons pas de faculté immense de déduction fiscale.

En second lieu, Alain Vasselle l'a rappelé en qualité de rapporteur, les dépenses sociales croîtront en raison de l'allongement de la durée de la vie. Celui-ci est d'ailleurs une grande source de satisfaction, car, après tout, il n'est pas désagréable de vieillir quand on a une espérance lointaine et qu'on peut le faire dans de bien meilleures conditions que nos aînés. Ceux-ci n'avaient souvent pas la chance de pouvoir vieillir et, en général, ils vieillissaient plus mal que nous.

Nous allons donc dépenser de l'argent sur le terrain de la santé et de l'assurance vieillesse, l'un et l'autre allant de pair. Il n'y a aucune raison de penser que la situation pourrait s'améliorer spontanément, et nous avons le devoir absolu non seulement d'anticiper des dépenses supplémentaires, mais également d'adopter une attitude différente à l'égard de la protection sociale : elle n'est pas simplement une réponse à un risque, elle est aussi synonyme d'espérance et d'amélioration notable des conditions de vie.

Troisième certitude que nous partageons - elle a été évoquée très largement -, notre réflexion ne peut pas faire abstraction de la mondialisation et de l'exigence de compétitivité. Comme l'a rappelé avec beaucoup d'esprit Philippe Marini, nous avons eu la chance d'être en présence à la fois du ministre de la compétitivité, vous, madame, et du ministre de la cohérence, l'un et l'autre ne s'opposant d'ailleurs pas. La compétitivité, c'est la politique de l'offre. Elle est à plus long terme. La politique des comptes est parfois à plus court terme, et il arrive même que le court terme compromette un peu le long terme. Quoi qu'il en soit, puisque vous étiez tous les deux présents ici, nous avons la certitude que cette globalisation qui impose la compétitivité est au coeur de la préoccupation gouvernementale.

Compte tenu de ces trois points du diagnostic partagé, on pourrait considérer que tout est parfait pour l'UMP, ses membres ont une position commune et le débat ne suscite de leur part aucune interrogation. Or, je vous surprendrai peut-être en vous l'apprenant, nous avons, au sein de notre groupe, des différences, qui ne sont pas des divergences. Elles reflètent une attitude responsable qui consiste, au moment où s'ouvre un débat, à tenter d'en fixer les limites.

J'évoquerai trois sujets.

Je commencerai, bien sûr, par la TVA sociale, c'est-à-dire en réalité la fiscalisation de la dépense sociale. J'examinerai ensuite les « fonds de tiroirs », les niches, qui sont importantes et posent d'autres problèmes. Enfin, je terminerai par cette éthique de responsabilité qui est au coeur des convictions communes de l'ensemble des élus de l'UMP et dont nous devons tenir compte dans notre conception des prélèvements sociaux et, surtout, des dépenses sociales.

En effet, et j'emprunte au tableau préliminaire du rapport de M. Vasselle cette observation de bon sens, la première règle en matière de prélèvements sociaux, c'est la maîtrise de la dépense - vous l'avez d'ailleurs écrit noir sur blanc, mon cher collègue -, ce qui suppose de fixer très clairement ce qui dépend de la solidarité et ce qui relève de la dépense naturelle. Nous sommes au coeur du sujet.

Mais revenons à la TVA sociale. Au fond, trois attitudes coexistent au sein de l'UMP : il y a ceux qui sont contre, ceux qui sont modérément pour et, cher Jean Arthuis, bien que vous n'apparteniez pas à notre famille, ceux qui sont résolument pour. Votre proposition de TVA sociale a d'ailleurs le mérite de la constance, puisque vous l'avez présentée dès 1993, dans votre rapport d'information sur le risque de délocalisations, risque qui est hélas ! avéré. Vous avez eu le courage de proposer des solutions, en particulier au lendemain de la mission d'étude de la commission des finances que vous avez notamment conduite au Danemark.

S'agissant de la fiscalisation de la protection sociale, je serai prêt à vous suivre, en émettant tout de même quelques bémols.

Selon vous, en définitive, c'est le consommateur qui paie. L'entreprise peut amortir une charge, mais elle la répercute à un moment ou à un autre sur ses prix, c'est-à-dire in fine sur le consommateur. En définitive, que l'on demande l'effort à l'entreprise ou directement au consommateur, le résultat est le même. Il est donc plus loyal de le faire supporter par celui-ci. D'autant que - et c'est sans doute la conséquence de la globalisation que j'évoquais à l'instant sur laquelle nous sommes d'accord concernant les exigences qu'elle fait peser sur notre appareil de production -, il vaut mieux - c'est un peu cynique, je le reconnais - frapper le consommateur, qui de toute façon paiera, plutôt que l'entreprise, laquelle est délocalisable directement ou indirectement, à travers les investissements de développement qu'elle fait non plus en France mais ailleurs.

Il n'y a pas si longtemps encore - j'en parlais à l'instant à Mme le ministre -, notre commerce extérieur était excédentaire et notre balance des paiements largement bénéficiaire grâce aux « invisibles » et aux touristes.

Je voudrais tout de même attirer votre attention sur un point. Certes, ce sont les consommateurs qui paient in fine, mais tous ne sont pas Français. Lorsque nous vendons des Airbus et des moteurs d'avions dans le monde entier ou que nous entretenons les 17 000 turboréacteurs installés par la SNECMA -  je m'y suis rendu ce matin -, nous gagnons de l'argent que nous facturons à des consommateurs étrangers.

Il ne me déplaît pas que ces consommateurs contribuent, lorsque nous sommes compétitifs, aux dépenses sociales françaises. C'est la raison pour laquelle le fait de demander aux entreprises de contribuer en partie à la dépense sociale a le mérite, dans la mesure où notre vocation - et c'est un sujet majeur - est d'être excédentaires sur le plan commercial, de faire supporter à des étrangers des dépenses sociales que nous ne pourrions pas financer si nous ne nous adressions qu'aux consommateurs français à travers la TVA sociale.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le sénateur ?

M. Gérard Longuet. Je vous en prie, monsieur le président de la commission.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le sénateur, j'entends bien vos propos sur ce point, mais, Mme la ministre peut en témoigner, dans nos relations commerciales avec la Chine, par exemple, du 1er janvier au 31 juillet, nos importations ont atteint 15,4 milliards d'euros et nos exportations 5 milliards d'euros.

Le déséquilibre ne cesse de se creuser. Lors d'une mission dans le Golfe, à laquelle j'ai participé avec M. Philippe Marini et d'autres membres de la commission des finances, nous avons constaté que les pays asiatiques sont en train de prendre nos parts de marché à l'étranger.

Il ne vous aura pas échappé que le précédent Président de la République, lors d'une visite en Chine, a inauguré une usine d'assemblage de l'Airbus A 320. Et dans quelque temps, on nous fera le coup de la Logan : d'abord, on déclare qu'il s'agit de fournir le marché asiatique, puis, on nous explique qu'il revient moins cher de voyager dans des Airbus fabriqués en Chine plutôt que dans des Airbus construits en France, pour peu que la relation franco-allemande soit un brin difficile.

Je comprends le sens de votre propos, mais nos positions commerciales s'érodent. Penser que nous pourrons durablement exporter le coût de notre protection sociale en l'incluant dans le prix de nos produits, c'est prendre un risque majeur.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Longuet.

M. Gérard Longuet. Je ne veux pas prolonger la présente discussion en cet instant, dans le cadre du temps de parole qui m'a été imparti. Cette question fait partie du débat que nous devrons conduire dans les mois à venir. Des consommateurs étrangers font confiance à la France, achètent les produits de nos entreprises et financent ainsi partiellement la dépense sociale de notre pays.

J'en viens à la position modérée, défendue notamment par M. le rapporteur général, d'une TVA sociale réduite, ciblée sur les salaires compris entre 1 et 1,1 SMIC -  et vous avez évoqué ce point, madame le ministre.

Je ne prétends pas épuiser le débat, mais je tiens, au nom de l'UMP, à poser une question qui, d'ailleurs, recoupe la précédente : quel modèle social voulons-nous ?

Si nous voulons à tout prix enrichir la croissance en emplois modestes, peu qualifiés, il faut sans doute adopter une telle disposition. En revanche, si nous avons une ambition à long terme de valeur ajoutée, ne risquons-nous pas, en favorisant trop les salaires les plus bas, de pénaliser les personnes plus qualifiées, qui iront alors exercer leur métier ailleurs ?

Je souhaite, moi aussi, enrichir la croissance en emplois, mais je suis préoccupé lorsque je vois que la moitié d'une promotion de jeunes diplômés d'une école de commerce part chercher un emploi en Grande-Bretagne ou aux États-Unis.

On ne peut pas trop frapper les informaticiens, les techniciens, les commerciaux - qui, c'est heureux ! perçoivent des salaires largement supérieurs à 1,1 SMIC -, sous peine de rendre leur situation excessivement difficile.

Aussi, je réitère ma question : quel modèle social voulons-nous ?

Il est vrai qu'il y a la Chine, son extraordinaire réservoir d'ateliers, une main-d'oeuvre apparemment illimitée, un savoir-faire considérable, des capitaux énormes. Vous avez évoqué les fonds souverains, monsieur le rapporteur général : 1 200 milliards de dollars sont à ce titre disponibles dans l'État chinois.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Longuet.

M. Gérard Longuet. Je vous en prie, monsieur le rapporteur général.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous remercie de me permettre de vous interrompre.

Il est très difficile de bien déterminer les objectifs à poursuivre. En effet, la réalité est tellement contradictoire que l'on peut hésiter.

Si j'ai indiqué tout à l'heure, notamment après avoir pris connaissance du rapport de l'Inspection générale des finances, que l'on pouvait retenir l'idée de concentrer sur les bas salaires le mouvement de transfert constitutif de la TVA sociale, c'est pour une simple raison d'opportunité liée au taux de chômage. Car l'un de nos objectifs, c'est bien de faire baisser le taux de chômage.

Des personnes très diplômées peuvent certes être conduites à quitter notre territoire, mais cela ne pèse ni sur le taux du chômage ni sur la composition de la population des demandeurs d'emploi.

C'est en vertu de l'impératif politique d'une baisse à court terme du chômage que j'ai rejoint quelques instants la proposition des services de Mme Lagarde. Mais, fondamentalement, je suis plutôt plus en accord avec la doctrine qui est développée par le président Arthuis.

M. Gérard Longuet. Je l'avais bien compris.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet aspect peut sembler contradictoire, car il y a un objectif à long terme, un objectif à court terme, un objectif économique, un objectif politique et nous devons parvenir à faire notre chemin parmi eux.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce n'est pas facile !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Longuet.

M. Gérard Longuet. Cela prouve, madame le ministre, que ce débat est important et que nous ne l'épuiserons pas cet après-midi.

J'aborde maintenant un deuxième point non pas de désaccord, mais de difficulté.

Il y a en effet des réserves dans les niches sociales - le rapport évoque 30 milliards d'euros - et dans les niches budgétaires, mais là, les chiffres varient. Certaines estimations font état de 70 milliards d'euros. Pour sa part, M. Marini évalue à 40 milliards d'euros la somme de toutes les niches de plus de 1  milliard d'euros.

Les niches les plus importantes, celles que vous appelez « NDI », concernent des domaines sur lesquels il sera sans doute difficile de revenir facilement. Je pense notamment à la TVA à 5,5 % dans le secteur du bâtiment, qui, à elle seule, représente une dépense fiscale de 5 milliards d'euros. Si l'on revenait sur cette disposition, bonjour les dégâts ! Il s'agit pourtant d'activités qui ne sont pas délocalisables.

D'ailleurs, les emplois soutenus, pour des salaires compris entre 1 et 1,1 SMIC, sont souvent des emplois de service à la personne qui ne sont pas non plus délocalisables et qui ne sont pas soumis à la concurrence.

En Lorraine, dans la filière du bois, M. Jean-Pierre Masseret aurait pu l'attester, les salaires sont faibles et la concurrence internationale est forte.

Les services aux personnes âgées - qui représenteront un nombre croissant d'emplois -, eux, ne sont pas délocalisables. Des allégements de charges sociales ciblés changeront-ils grand-chose ? Certes, la prestation sera plus accessible, mais vous risquez de créer un effet de NDI, car, après la TVA à 5,5 %, les emplois familiaux constituent l'une des niches les plus spectaculaires. Et pour revenir sur la déduction fiscale en faveur des emplois familiaux, là aussi, bonjour les dégâts !

Les niches recèlent bien sûr des réserves, mais chacun doit mesurer les conséquences politiques de telle ou telle décision à cet égard.

Je me tourne en cet instant vers Alain Vasselle puisque la Cour des comptes a envisagé de soumettre les stock-options aux charges sociales. Or celles-ci sont déjà assujetties, à travers l'impôt sur les plus-values, quelque 16 %, et la CSG, près de 10%. Il s'agirait de leur appliquer des taux comparables à ceux qui concernent les revenus salariaux.

J'attire votre attention sur le fait que les stock-options restent un moyen formidable pour fixer des cadres dynamiques et jeunes dans notre pays et pour permettre à des entreprises de les garder bien qu'elles n'aient pas les moyens de les rémunérer. Le développement de l'informatique et des nouvelles technologies a largement fonctionné sur l'anticipation de revenus. D'ailleurs, cela ne coûte rien au contribuable. C'est l'actionnaire qui paie, puisqu'il accepte une dilution du capital. Si vous lui demandez d'augmenter cette dilution, le risque est qu'il aille engager ses gens ailleurs, ce qui ne serait pas une très bonne affaire.

Telles sont les raisons pour laquelle il me paraît nécessaire de revenir sur les niches, à l'exception de quelques niches transversales qui constituent l'équilibre, l'architecture naturelle de l'impôt sur le revenu.

Je conclurai en évoquant l'éthique de responsabilité, que M. Alain Vasselle a formulée de manière explicite : un ministre mais deux budgets. M. Éric Woerth est le ministre unique des comptes, mais il y a bien deux budgets.

Sur ce point, monsieur le président de la commission des finances, je souscris à la démarche de la commission des affaires sociales.

Il est bien évident que certaines politiques sont profondément nationales, je pense notamment à la politique de la famille. La santé doit-elle relever de l'entreprise ? La réponse est sans doute négative. À quel moment doit-on mettre chacun en face de ses responsabilités ?

La retraite est une affaire individuelle.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. Gérard Longuet. L'État a l'obligation de fixer des règles afin que l'imprévoyance naturelle de chacun d'entre nous ne le conduise pas, les vieux jours venant, à se trouver dépourvu. Nous le savons, nous avons tous lu les Fables de La Fontaine.

Notre organisation publique, qui s'appuie sur la solidarité, fonctionne bien. Néanmoins, le nouveau risque social que constitue la dépendance est une affaire d'épargne.

Monsieur le président de la commission des finances, une taxation excessive de la fortune risque en effet de provoquer une fuite des capitaux. Mais, dans notre pays, il faut prendre l'habitude d'épargner pour ses vieux jours.

Je suis gêné, en tant que membre de l'UMP, que l'on présente la dépendance comme le cinquième risque. En fait, il ne s'agit pas d'un risque, c'est une consommation qui peut très bien entrer dans une économie de responsabilité individuelle.

Que l'on fasse appel à la solidarité pour aider ceux qui ne peuvent pas cotiser, nous en sommes tous d'accord. Mais la démarche première doit être de dire à chacun : prenez vos responsabilités.

Permettez à un sénateur qui est sans doute un peu conservateur de dire qu'à côté des responsabilités financières il y a aussi la responsabilité intergénérationnelle organisée dans le cadre de la famille.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr, comme pour l'aide sociale !

M. Gérard Longuet. Après tout, si l'on élève des enfants, c'est dans l'idée qu'un jour ils vous aideront à vieillir. Il ne me semble pas choquant de le rappeler et d'en tirer des conséquences en termes d'organisation des prélèvements publics et de fiscalité.

L'article 52 de la loi d'orientation sur la législation financière nous a permis, et je m'en réjouis, madame le ministre, d'ouvrir un débat qui n'est pas épuisé, y compris au sein de la famille UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis plusieurs années intervient avant le début de la discussion budgétaire le débat, devenu rituel, portant sur les prélèvements obligatoires, appuyé par la publication et la diffusion d'un rapport du Gouvernement.

Un tel débat prend un relief tout particulier aujourd'hui, alors que commence à peine une législature que d'aucuns veulent porteuse de réformes essentielles pour notre pays.

Certes, il conviendrait de s'entendre sur le sens que l'on donne au mot « réforme » tant il semble s'agir, à en juger par le peu que nous avons pu constater depuis le printemps, d'un démontage assez manifeste de ce qui constituait depuis la Libération le socle de la société française.

Ce débat sur les prélèvements dits obligatoires prend au demeurant un relief particulier du fait même de nombre des choix retenus et des orientations qui semblent imprimées à la politique que nous voyons se mettre en oeuvre depuis quelques mois.

Le premier élément du débat est le niveau des prélèvements obligatoires, que beaucoup estiment aujourd'hui trop élevé, voire intolérable, puisqu'il atteint et même dépasse le seuil des 44 % du produit intérieur brut marchand.

On pourrait se désoler de cette situation. Pourtant, mes chers collègues, il suffit de remettre ces prélèvements dans une perspective historique pour, entre autres constats, se rendre à l'évidence que, depuis 1982, leur progression n'est que relativement faible, puisqu'ils représentaient à cette date 41 % du PIB.

La hausse somme toute mesurée des prélèvements obligatoires n'est imputable qu'à la progression des prélèvements de caractère social, ceux-ci étant passés dans la même période de 44 % à 50 % du total.

Au-delà de l'augmentation de certaines cotisations spécifiques, le dynamisme des prélèvements sociaux doit beaucoup - faut-il le souligner ?- à l'émergence d'une fiscalité dédiée qui s'inscrit dans le droit-fil de la création de la contribution sociale généralisée, devenue aujourd'hui le principal impôt sur le revenu !

La part des prélèvements perçus au profit des collectivités locales est également relativement dynamique, l'ensemble représentant 13 % de la totalité des prélèvements.

Une telle évolution est pour une part essentielle une incidence de la décentralisation, qui a constitué un puissant accélérateur de la pression fiscale locale.

De fait, tandis que nous fiscalisions toujours plus la sécurité sociale - et ce soir le président de la commission des finances et le rapporteur général nous ont invités à franchir les derniers pas qui nous mèneront à sa fiscalisation globale -, la part de l'ensemble des prélèvements obligatoires allouée à l'État se réduisait au fur et à mesure de l'abandon de ses compétences et de la réduction organisée de son influence sur la vie économique et sociale de la nation.

Cela n'empêche que le besoin de financement de l'État est aujourd'hui plus important qu'il ne l'était en 1982 - ah ! l'heureuse époque où nous goûtions aux délices de l'inflation et d'un niveau de chômage et de précarité bien plus faible qu'aujourd'hui... (Sourires) -, alors même que la part des investissements publics n'a jamais été aussi faible dans les comptes de l'État.

Sur ce point, mes chers collègues, comment ne pas souligner que les déficits budgétaires les plus récents, malgré leur réduction relative, ne sauraient masquer que les crédits de fonctionnement et d'intervention de l'État persistent à connaître un déficit, compte tenu du très faible niveau de dépenses d'équipement public assumées par l'État ?

Au cours de la précédente législature, vous n'avez voté aucune loi de finances initiale, aucun collectif budgétaire, aucune loi de règlement, entérinant un déficit budgétaire inférieur à l'effort d'investissement de l'État. Nous sommes même parvenus, pour 2006, à une situation dans laquelle l'investissement public est passé sous la barre des 4 % de dépenses du budget général !

Nous sommes donc directement confrontés à la question de l'efficacité de notre système de prélèvements, question éminemment liée à celle de la lisibilité et des équilibres, en d'autres termes, de la transparence de ce système.

En vingt-cinq ans, les prélèvements libératoires ont changé de nature du fait de la baisse régulière de la contribution des entreprises, quelle qu'en soit la forme, au financement de l'action publique. Et voilà qu'aujourd'hui on nous enjoint d'aller jusqu'au bout et de libérer les entreprises de toute contrainte !

Qu'il s'agisse de l'impôt sur les sociétés, du financement de la sécurité sociale ou de la taxe professionnelle, les entreprises, au nom d'un encouragement fiscal de la compétitivité, ont été très largement dédouanées de toute obligation. Pour complaire aux attentes du MEDEF, moult mesures ont été prises depuis 1982 qui ont modifié durablement les équilibres de l'époque.

Au demeurant, une bonne part des prélèvements qui existent encore aujourd'hui, notamment le taux normal de la TVA, qui a été majoré, ou maintes taxes sur la consommation, continuent de connaître des taux d'imposition élevés au seul motif qu'il faut bien compenser les moins-values découlant de certains allégements fiscaux et sociaux !

J'ai vu nombre de nos collègues se lamenter devant une taxation prétendument élevée du capital ; je ne les ai jamais vus écrire la moindre ligne pour déplorer que la France ait l'un des taux normaux de TVA les plus élevés - et on nous demande d'aller un peu plus loin !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Au Danemark, avec un gouvernement social-démocrate, le taux normal est à 25 % !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Et depuis 1987 !

M. Guy Fischer. Mais ils semblent revenir sur ce point, et le climat social en Allemagne est en train de se détériorer - légitimement.

Cette évolution fondamentale des équilibres de nos prélèvements obligatoires va de pair avec la multiplication foisonnante des niches fiscales et sociales - et j'apprécie que le rapporteur général nous en trouve de nouvelles chaque année.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il y en a 650, et elles sont toujours plus nombreuses ! C'est la mauvaise herbe fiscale !

M. Guy Fischer. Oui, c'est le chiffre record, et vous y contribuez !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais si on vous laissait faire, vous y contribueriez encore davantage !

M. Guy Fischer. Je sais gré à notre collègue Alain Vasselle de pointer dans son rapport d'information que nombre de revenus échappent, notamment, à toute prise en compte au titre des prélèvements sociaux.

Le véritable pactole que constituent les stock-options, parachutes dorés et indemnités variées dont bénéficie une infime minorité de hauts cadres de l'industrie et des affaires est d'autant plus généreux qu'il déroge aujourd'hui au droit commun de la contribution au financement de la sécurité sociale.

La remarque vaut également pour l'impôt sur le revenu, où la multiplication des prélèvements libératoires, des traitements de faveur accordés aux revenus issus du capital et du patrimoine, fait supporter l'essentiel de l'effort aux couches salariées modestes et moyennes, déjà largement mises à contribution pour les prélèvements sociaux puisque ce sont actuellement ces catégories sociales qui voient leur pouvoir d'achat se dégrader le plus rapidement.

Avant que de s'interroger sur le devenir de nos prélèvements obligatoires, peut-être conviendrait-il de se poser des questions sur la pertinence absolue du droit existant, luxuriante végétation d'exceptions au droit commun dès qu'il s'agit des privilèges de la fortune !

La fiscalité incitative, elle existe déjà, monsieur le rapporteur général, quand les placements en assurance vie sont exonérés de droits de succession ou que les plus-values sont destinées à être, à l'échéance de 2014, totalement exonérées de la moindre imposition !

Le problème, c'est que les cadeaux faits à quelques-uns, quelques ménages fortunés ou quelques grands groupes, sont facturés en retour à la grande majorité, qu'il s'agisse des retraités, des salariés, de nos commerçants et artisans ou de nos PME.

Évidemment, on nous annonce à l'occasion de ce débat la mise en oeuvre d'une révision générale des prélèvements obligatoires, celle-ci, il va de soi, allant de pair, dans l'esprit de ses concepteurs, avec une révision tout aussi générale des politiques publiques.

En juin dernier, au détour d'une soirée électorale, un ministre des finances avait été pris sur le fait : il envisageait d'instaurer une TVA dite « sociale » en lieu et place de prélèvements existants. Le même ministre, aujourd'hui investi d'autres fonctions, semble avoir gardé la même orientation.

Les conclusions du récent Grenelle de l'environnement, quoi qu'on en dise pour le moment, semblent bien vouloir concourir à cette mission délicate. Il s'agirait de teindre de vert les habits passablement défraîchis de la TVA sociale, d'autant qu'une querelle - mais vous en avez largement discuté entre vous, mes chers collègues - semble opposer les élus de la majorité sur cette question. Ainsi, on justifierait par la protection de l'environnement de nouveaux cadeaux fiscaux et sociaux destinés aux entreprises.

On parle de taxe carbone, de taxe sur les voitures polluantes... Et on oublie soigneusement de rappeler que la fiscalité sur les produits pétroliers pourrait d'ores et déjà constituer un moyen de financer objectivement certains choix de développement économique plus respectueux de l'environnement.

Les prélèvements obligatoires n'auraient donc de qualités que lorsqu'ils frappent les salaires et la consommation, celle-ci étant d'ailleurs d'abord et avant tout le fait des salariés !

J'imagine que le Gouvernement relancera après les élections municipales et cantonales le débat sur la TVA sociale et que nous serons amenés à rediscuter cette question. Ce qui est certain, mes chers collègues, c'est qu'il faut concevoir enfin, et de manière définitive, un système de prélèvements obligatoires cohérent, juste et efficace. Nous sommes loin, très loin du compte en ces matières !

Puisqu'il me reste trop peu de temps pour exposer en détail des propositions alternatives, je me contenterai d'évoquer quelques points.

Oui, tous les revenus, quelle que soit leur nature, doivent contribuer de manière équitable au financement de la protection sociale comme de l'action de l'État !

Assez des niches fiscales et sociales et des exemptions qui profitent aux revenus du capital et du patrimoine et qui mettent à mal les principes d'égalité devant l'impôt et de justice fiscale ! Nous sommes prêts à débattre de ce dossier.

Oui, nous devons nous poser la question de la pertinence des compétences respectives de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales dans chacun des domaines d'intervention de la dépense publique !

Les interventions que nous avons entendues, que ce soit celle de M. Gérard Longuet, des rapporteurs ou des présidents des commissions concernées, montrent que le coeur du débat est bien de savoir quelle société nous voulons pour demain. Que ce soit en Allemagne, au Japon ou en Grande-Bretagne, bref, dans tous les grands pays industrialisés, nous assistons à l'institutionnalisation de la précarité, à une véritable explosion de la pauvreté, qui font voler en éclats les solidarités intergénérationnelles : est-ce la société que nous voulons ?

L'action en direction des plus démunis, la solidarité nationale, la couverture du risque dépendance, doivent être pleinement du ressort de la sécurité sociale afin que soit mis un terme à l'enchevêtrement fiscal que nous connaissons aujourd'hui, mais surtout pour que soit assurée la véritable solidarité.

Oui, nous devons revoir l'assiette des prélèvements fiscaux locaux, notamment en matière de taxe professionnelle, pour les rendre plus opératoires et socialement efficaces. Mais j'ai l'impression d'être là vraiment à contre-courant, quand j'entends prôner la suppression, notamment, de la taxe professionnelle.

Ce ne sont là, mes chers collègues, que quelques pistes de réflexion et, au nom de mon groupe, je me devais de vous les proposer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le débat sur l'évolution des prélèvements obligatoires revêt cette année une dimension particulière.

L'ouverture de la xiiie législature a été marquée par la volonté du Président de la République de rompre avec des méthodes de pilotage de l'action publique anciennes, trop souvent empreintes du sceau de l'insouciance budgétaire.

Pendant longtemps, on n'a jugé de la qualité d'un ministre qu'à sa capacité à obtenir une hausse de son budget. Cette époque de gabegie est révolue. La création en mai dernier d'un ministère « du budget, des comptes publics et de la fonction publique » a permis non seulement de donner au Parlement un interlocuteur unique, mais encore de rassembler sous une même autorité la gestion de l'ensemble des comptes publics, comptes sociaux compris.

Si le taux des prélèvements obligatoires reste un indicateur imparfait des ressources de l'État, il n'en apporte pas moins un éclairage intéressant sur l'intervention publique dans l'économie.

Selon le rapport économique, social et financier pour 2008 établi par le Gouvernement, le taux des prélèvements obligatoires s'établira à 43,7 %, soit une baisse annoncée de 0,3 point en un an. Sur le long terme, ce taux s'inscrit dans la stabilité, après l'augmentation sensible connue à la fin des années quatre-vingt-dix. La France se place ainsi au quatrième rang des pays de l'OCDE, avec 3,5 points au-dessus de la moyenne européenne. Cependant, alors que le poids des prélèvements obligatoires a été porté de 42,8 % à 43,7 % de notre PIB entre 1990 et 2000, il est passé aux États-Unis de 26,7 % à 26,4 % du PIB, avec une croissance moyenne sur quinze ans supérieure d'environ 1,2 point. Les seuls prélèvements directs sur les entreprises approchent les 17 %, contre moins de 10 % pour les autres grands pays européens.

En eux-mêmes, ces chiffres ne nous affecteraient pas si notre système fiscal contribuait à produire de la richesse. Hélas ! l'OCDE soulignait en 2005 que notre système de charges sociales, qui ponctionnait 15,8 % du PIB en 2006, est porteur de précarité. Cette critique met en avant le fait que les salariés peu ou pas qualifiés coûtent plus cher que dans n'importe quel autre pays de l'OCDE : un SMIC français coûte 54 % de plus qu'un salaire médian, contre 33 % de plus aux États-Unis, 40 % de plus en Belgique, 36 % de plus en Espagne.

Débattre dans cet hémicycle du poids de la fiscalité pourrait immanquablement réveiller de multiples passions. Cependant, il faut avant tout considérer la fiscalité comme un outil contribuant au développement pour tous de l'économie nationale. Le meilleur équilibre doit être trouvé entre intérêt de l'État - l'intérêt général - et intérêt des citoyens, c'est-à-dire l'épanouissement individuel contribuant à l'intérêt général.

Dans un système mondial de plus en plus ouvert où la volatilité des capitaux et de l'information s'accélère sans répit, l'attractivité des territoires est devenue un impératif. À ce titre, notre pays dispose de nombreux atouts, notamment en termes d'infrastructures, de qualité de la main-d'oeuvre et de qualité de vie. Mais notre système fiscal, à la logique si « franco-française », constitue aujourd'hui un handicap dont la remise à plat se révèle nécessaire.

Pourtant, les exemples de pays ayant réussi leur aggiornamento fiscal au service de leur compétitivité sont légion : la Suède, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande, l'Allemagne. Le Canada, dont la situation en 1993 était comparable à la nôtre aujourd'hui, a enregistré un excédent budgétaire de 16 milliards d'euros en 2006-2007. Ce surplus a permis au gouvernement de faire voter la réduction de sa fiscalité sur les revenus et sur les entreprises tout en continuant à se désendetter. Dans le même temps, le chômage reste bas - 5,8 % -, la consommation des ménages soutenue et l'investissement des entreprises vigoureux.

Madame la ministre, ce dernier exemple montre qu'une stratégie d'optimisation fiscale peut permettre, sur le moyen terme, d'utiliser la politique de prélèvements comme un puissant levier de progrès économique et social. Actuellement, la complexité et l'enchevêtrement des normes compromettent - c'est le moins que l'on puisse dire ! - la réalisation de cet objectif. Pourtant, une bonne politique fiscale ne consiste-t-elle pas à créer des impôts simples avec une assiette large et un taux réduit ?

C'est dans cette optique, madame la ministre, que s'impose une révision générale des multiples exceptions et régimes fiscaux particuliers, autrement appelés « niches fiscales », dont il a été beaucoup question au cours de ce débat. Comme le relève Philippe Marini dans son excellent rapport préparatoire à ce débat, « une révision des niches paraît en effet indispensable, tant l'efficacité de certaines d'entre elles est contestable, et leur développement incontrôlé ». Dans son rapport sur la fiscalité dérogatoire rendu en 2003, le Conseil des prélèvements obligatoires recensait 418 niches fiscales, dont le coût représentait 60 % de l'impôt sur le revenu. Notre éminent collègue rapporteur général relève quant à lui dans le projet de loi de finances pour 2008 près de 650 niches, dont 202 pour le seul impôt sur le revenu. L'impact en termes de dépenses fiscales s'élèverait ainsi à 72,3 milliards d'euros. De leur côté, les niches sociales représentent un manque à gagner net pour le régime général de 35,5 milliards d'euros, soit l'équivalent de 12,3 % de ses recettes de 2007.

Élu d'outre-mer, je ne vous dirai pas que toutes ces niches sont à proscrire. Leur suppression pure et simple n'est pas la solution miracle pour résorber nos déficits. À côté des dispositifs qui font la richesse des conseillers fiscaux, n'oublions pas que certaines niches atteignent leur objectif initial : orienter l'épargne là où elle est nécessaire, stimuler certains secteurs d'activité, encourager un type de comportement. La commission d'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer notait ainsi en 2006 que les dispositifs d'allégements sociaux et fiscaux consentis aux départements d'outre-mer avaient effectivement permis d'y développer l'emploi et l'investissement.

Toutefois, le risque qui nous guette est celui d'encourager la seule optimisation fiscale individuelle au détriment de la fonction d'orientation des flux d'argent que doit aussi jouer la politique fiscale. La multiplication de ces dispositifs nuit aujourd'hui aux impératifs d'équité fiscale et d'efficacité, l'effet de substitution jouant à plein dès qu'un gouvernement tente de limiter certains plafonnements. Le Conseil constitutionnel avait d'ailleurs censuré en 2005, pour défaut d'intelligibilité, l'incroyable dispositif de limitation des avantages liés aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager mis en place par le gouvernement Villepin. Cet exemple parmi d'autres illustre le fait qu'en persistant à accumuler les strates dérogatoires notre pays se place en situation désavantageuse dans le grand jeu de la concurrence fiscale internationale.

Il est temps, comme le demandait déjà l'année dernière mon collègue Aymeri de Montesquiou, d'inclure ces niches dans la norme de progression des dépenses de l'État pour les rendre enfin lisibles. Cette mesure permettrait d'abord d'opérer, selon des critères d'efficacité et d'équité, un véritable tri parmi toutes ces exceptions devenues la règle. Elle empêcherait également de prévenir les chevauchements indus entre dispositifs, au risque d'impacter excessivement le budget de l'État et des régimes sociaux. Cette nécessaire remise à plat ne constituerait qu'une première étape de la revue générale des prélèvements obligatoires.

Il est facile de clamer haut et fort qu'il suffit de taxer toujours plus les plus riches pour financer les dépenses de l'État. L'argument se heurte vite à la réalité de la fuite des capitaux et des cadres de haut niveau. Ce qui importe, c'est la santé de notre économie, premier facteur de redistribution des richesses et de fluidité sociale. Or les classes moyennes, si elles ne sont pas les plus audibles, n'en restent pas moins profondément mécontentes, comme le note l'Observatoire des inégalités. Ce groupe social dynamique contribue pourtant largement à la croissance. Cependant, il se sent aujourd'hui étouffé : plus de taxation du revenu et du patrimoine, si d'aventure il en a, pour moins de prestations sociales qu'il finance majoritairement. Gravir les échelons grâce au fruit de son travail n'a jamais été aussi difficile. En revanche, la menace de perdre son emploi s'accentue.

Madame la ministre, à l'orée de cette nouvelle législature, la tâche qui vous incombe est complexe, ardue, ingrate (Mme la ministre opine), titanesque même ! Mais elle est indispensable à la France. Je formule en tout cas des voeux sincères de réussite pour l'action que vous menez et vous saurez compter sur le soutien d'un grand nombre des membres du RDSE. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat sur les prélèvements obligatoires est l'occasion pour nous, parlementaires, de nous exprimer sur un sujet éminemment politique, peu de temps avant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances.

Les enjeux de ce débat sont multiples. L'étude des prélèvements obligatoires et de leur évolution permet, en effet, non seulement d'évaluer leur poids dans la richesse nationale, mais également d'en analyser la structure. Le taux de prélèvements obligatoires constitue un outil d'évaluation dans la compétition internationale. Il permet de mesurer, associé à d'autres indicateurs, l'attractivité de notre pays.

La notion de prélèvements obligatoires est naturellement très synthétique - peut-être trop - et favorise les comparaisons rapides - sans doute trop également. Leur utilisation apparaît ainsi parfois délicate.

Les prélèvements obligatoires ne couvrent pas en effet l'ensemble des recettes des administrations publiques. Ainsi, les versements considérés comme « volontaires », tels que la redevance audiovisuelle ou les amendes diverses, n'y figurent pas.

En conséquence, il existe une importante disparité entre tous les pays suivant la structure de leurs recettes publiques. Le niveau des prélèvements obligatoires dépend aussi du périmètre des administrations publiques. Il n'en demeure pas moins que notre pays ne doit pas se cacher derrière ce seul argument pour justifier son niveau de prélèvements obligatoires.

Par ailleurs, la situation de nos finances publiques est suffisamment alarmante pour que nous puissions tous en faire le constat et débattre sereinement de toutes les propositions qui peuvent être faites, d'où qu'elles viennent, pourvu qu'elles concourent au redressement de notre pays.

Pour 2006, la dette des administrations publiques atteint 64,2 % du PIB. Les prévisions la stabilisent à ce niveau pour 2007 et 2008. De plus, le déficit public qui nous sera présenté dans quelques jours à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2008 et qui a été à de nombreuses reprises rappelé cet après-midi atteint plus de 41,7 milliards d'euros. Il ne nous permet pas encore de réduire la dette.

Ces données globales nous prouvent à quel point les marges de manoeuvre économiques restent réduites pour le pays.

Concernant les prélèvements obligatoires à proprement parler, chacun l'a déjà rappelé, mais je tiens à insister une nouvelle fois, leur taux s'élève à 44,2 % du PIB pour 2006.

Le premier constat est que ce taux est élevé, d'un point de vue historique et géographique. Historiquement, tout d'abord, puisqu'il apparaît très proche de son sommet de 1999. Géographiquement, ensuite, car la France pointe à la quatrième place des pays de l'OCDE.

Le second constat est celui de l'évolution de la structure même des prélèvements obligatoires. Ceux de l'État tendent à la baisse, alors que les prélèvements des administrations de sécurité sociale sont à la hausse.

Ce basculement des prélèvements fiscaux vers les prélèvements sociaux explique finalement la relative stagnation de nos prélèvements obligatoires.

Les raisons structurelles de l'augmentation des prélèvements sociaux sont simples et toutes dépendantes les unes des autres : le vieillissement de la population entraîne inexorablement l'augmentation des dépenses de santé et de retraite, alors que le nombre d'actifs diminue. En parallèle, même si elle s'améliore mécaniquement, la situation de l'emploi reste dégradée.

Il est donc utile et nécessaire de prendre des décisions permettant de réformer en priorité et à long terme les prélèvements sociaux. Nous avons le devoir d'assurer le financement de la protection sociale, pour nous-mêmes, mais surtout pour les générations à venir.

Ce financement repose actuellement presque exclusivement sur la taxation du travail. Cela résulte de l'histoire sociale de notre pays. Ainsi, aujourd'hui, le coin fiscalo-social qui pèse sur le travail handicape l'emploi et ne correspond plus à la place qu'occupe le travail dans la société. Ce poids sur le travail pénalise la France en termes d'attractivité économique et fiscale.

Est-il encore naturel de financer à l'heure actuelle la politique familiale et tout le système de santé par les seuls fruits du travail ? Je ne le pense pas.

Face à cette question, plusieurs solutions ont émergé et font débat. On peut évoquer l'augmentation de la CSG, qui touche tous les types de revenus, dont l'assiette est très large et qui est globalement acceptée par les Français, mais aussi, et principalement, l'instauration de la TVA sociale.

Cette dernière est chère à ma famille politique, et ce n'est pas le président de la commission des finances qui me contredira.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh non !

M. Christian Gaudin. La TVA sociale fait aujourd'hui encore - et depuis les élections législatives - couler beaucoup d'encre, à commencer par celle des experts dont les rapports commencent à s'accumuler.

J'ai moi-même participé à ce débat, car j'ai présidé voilà un peu plus de trois ans un groupe de travail au nom de la commission des affaires économiques sur la délocalisation des industries de main-d'oeuvre. Le rapport établi par Francis Grignon évoquait la mise en place d'une TVA de « compétitivité », en tout point similaire à la TVA sociale.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien ! C'est plus sexy ! (Sourires.)

M. Christian Gaudin. L'objectif est d'arrêter de faire peser sur la production l'intégralité du financement de notre système de protection sociale, en augmentant la fiscalité pesant sur la consommation, à due concurrence d'une diminution des charges sociales pesant sur l'emploi.

Le premier avantage évident est la diminution directe du coût du travail. Le second avantage intervient en matière de localisation des bases productives. Le principe de la TVA sociale permet de fiscaliser plus fortement les importations face aux produits fabriqués sur le territoire national.

En creux, il apparaît ainsi que les exportations seront moins taxées et donc favorisées. Ce serait plutôt positif à l'heure où la balance commerciale de notre pays ne nous est pas favorable, cela a été rappelé tout à l'heure.

Tous ces arguments me semblent importants en matière de compétitivité internationale, ô combien primordiale dans un contexte mondialisé du travail ! La TVA de compétitivité permettrait de rétablir une certaine équité en matière de formation des prix.

Elle aurait également un effet sur l'emploi assez immédiat. Le rapporteur général note ainsi dans son rapport qu'il s'agit d'une création de 20 000 à 35 000 emplois, à moyen terme, pour une augmentation de 1,5 point de TVA.

J'entends, bien sûr, les critiques que suscite cette proposition. Elles sont principalement de deux ordres : la difficulté de mise oeuvre et l'inflation des prix. Il est nécessaire de ne pas balayer ces remarques, car les risques évoqués doivent être pris en compte pour être non seulement mieux maîtrisés, mais également mieux expliqués aux Français.

Ainsi, il me semble que la mise en oeuvre de la TVA sociale devrait être très encadrée. En premier lieu, des expérimentations devraient être menées, puis un contrôle très strict devrait être exercé sur l'évolution des prix des produits et sur celle des salaires. Ces deux données économiques, dont dépend le pouvoir d'achat des Français, sont essentielles.

Pour ma part, je ne pense pas que l'on puisse faire totalement confiance aux simples règles du marché pour réguler les prix. Dans un contexte aussi mouvant, le risque inflationniste existe. Par conséquent, si l'État perturbe le marché avec la TVA sociale, il doit le contrôler un minimum. Il est des moments où l'interventionnisme est nécessaire !

Je ne reviendrai pas plus longuement sur deux thèmes abordés par notre rapporteur général, à savoir la fiscalité écologique et la réduction des niches fiscales. Je partage en grande partie les analyses qu'il a exprimées. En revanche, je souhaite rappeler quelques mesures d'ordre fiscal que Philippe Marini et moi-même avions formulées, en juin dernier, au moment de la remise de notre rapport d'information intitulé « La bataille des centres de décisions : promouvoir la souveraineté économique de la France à l'heure de la mondialisation ».

Lors de nos travaux et des auditions auxquelles nous avons procédé, nous nous sommes appuyés sur un constat communément admis : la fiscalité française et son environnement sont complexes, instables et insuffisamment attractifs. Dans un contexte de mondialisation des échanges, il nous a paru intéressant de proposer quelque vingt-neuf pistes pour mieux agir sur les causes des déficits d'attractivité et d'efficacité de la France.

En matière de finances publiques, il est important de répéter de nombreuses fois les choses pour qu'elles soient entendues et, surtout, comprises. C'est pourquoi je vais faire preuve de pédagogie en revenant rapidement sur quelques propositions.

Tout d'abord, en matière d'impôt sur les sociétés, on peut proposer une diminution de son taux facial ainsi qu'une harmonisation et une consolidation de son assiette. La France ne peut se permettre de demeurer durablement hors jeu de la compétition fiscale. Nous avions ainsi suggéré l'objectif d'un taux légèrement inférieur à 30 %.

Concernant l'assiette de ce prélèvement, il nous semble opportun de faire aboutir l'initiative communautaire de l'assiette commune, optionnelle et consolidée d'impôt sur les sociétés. Cette harmonisation au niveau de l'Union européenne serait un premier pas vers la possibilité de légiférer, à l'unanimité, en matière de fiscalité des entreprises à l'échelon européen. Les débats sur les taux étant actuellement bloqués, ceux qui sont relatifs à l'assiette semblent moins problématiques.

On peut ensuite évoquer la mise en place d'un régime de résident fiscal temporaire, qui permettrait de déplafonner l'option d'exonération actuelle prévue par le régime fiscal des « impatriés », à destination, principalement, des cadres de haut niveau, ainsi que l'assouplissement ou la simplification du régime du bénéfice mondial consolidé, par dérogation au principe de territorialité de l'impôt sur les sociétés.

Enfin, je veux évoquer en quelques mots, malgré toutes ces propositions, le problème de la stabilité de nos règles fiscales. Comment ne pas rappeler le besoin, en ce domaine, de prévisibilité et de lisibilité de notre droit, principalement aux yeux de nos voisins étrangers ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellent rappel !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président, monsieur le président de commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier de cette réflexion d'excellente qualité, laquelle doit s'inscrire, comme un certain nombre d'entre vous l'ont rappelé, dans une perspective internationale qui prend en compte à la fois l'attractivité, la compétitivité, la concurrence fiscale et sociale, l'outil fiscal étant évidemment déterminant, vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur Othily, pour faire de la France un pays compétitif.

Cette réflexion doit s'inscrire également dans un contexte international, notamment en ce qui concerne l'assiette, la localisation de l'assiette, dans la mesure où de plus en plus de biens représentant des valeurs de plus en plus importantes ont un caractère incorporel. Elle doit être menée en suivant très attentivement les travaux actuellement en cours au sein de l'OCDE sur ces matières.

Malgré l'aridité du sujet abordé, l'intervention de nombreux membres de différentes commissions, notamment celles des finances et des affaires sociales - même si force est de constater que certains d'entre eux ont quelque peu déserté l'hémicycle, à cette heure avancée de l'après-midi -, prouve, si besoin était, les passions que suscite toujours la question des impôts et des prélèvements obligatoires.

Vous avez la charge, avec vos collègues de l'Assemblée nationale, de voter la levée de l'impôt. C'est une responsabilité importante, qui engage le fonctionnement même de l'État. Je ne peux donc que saluer l'intensité et la qualité des débats qui ont eu lieu, et, en particulier, les interventions des premiers orateurs, MM. Philippe Marini, Alain Vasselle, Jean Arthuis et Nicolas About, chacun dans leurs positions respectives de rapporteur général, de rapporteur ou de président de commission. Je les remercie d'avoir lancé le débat pour ensuite laisser la place aux orateurs des groupes. Je remercie également ces derniers de chacune de leurs propositions et de l'ouverture d'esprit dont ils ont su faire preuve en se plaçant parfois au-delà des frontières nationales.

Je souhaite revenir sur l'une des questions qui a concentré l'attention de la plupart d'entre vous, à savoir la TVA sociale, puis aborder plus rapidement certains points plus techniques.

S'agissant de la TVA sociale, vos discours ont bien témoigné de ce climat de liberté, de créativité, dont parlait le rapporteur général. À la question de savoir s'il convient d'instaurer une telle taxe, votre rapport, monsieur Marini, répond : « plutôt oui ». Le rapport de Jérôme Chartier, quant à lui, répond : « oui, mais différemment ». Le rapport d'Éric Besson répond : « sans doute pas ». Le rapport que m'a remis l'Inspection générale des finances, au début du mois de septembre, répond : « plutôt non ». Le rapport d'Alain Vasselle répond : « non ». Quant au président Arthuis, il affirme clairement : « oui ». Autant dire que la question n'est pas tranchée !

Le Conseil économique et social, à n'en point douter, nous apportera son analyse, avec la contribution des partenaires économiques et sociaux.

Il nous appartiendra de nous saisir à nouveau de ce projet et de faire progresser ce débat pour parvenir à le trancher en fonction des priorités que nous nous serons fixées ; j'y reviendrai dans un instant.

J'aimerais, à ce stade du débat, fournir un certain nombre d'indications complémentaires, portant moins sur les conclusions qui seront les nôtres que sur la manière dont nous devrons raisonner.

Je me permets de maintenir qu'il me semble que la mise en oeuvre de la TVA sociale présenterait en l'état des risques d'inflation. Certes, comme le dit Philippe Marini, on peut penser que la pression de la mondialisation fera mécaniquement baisser les prix. Mais je préfère dire qu'elle fait probablement baisser certains prix. À l'heure où les Français ont, semble-t-il, cruellement le sentiment que le coût de la vie est de plus en plus élevé, nous ne pouvons pas prendre le risque de fragiliser leur consommation, qui est l'un des moteurs vivants et actifs de la croissance de notre économie.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'est pas évident !

Mme Christine Lagarde, ministre. J'espère que la réalité des faits nous démontrera le contraire et que l'investissement voire les exportations iront en ce sens.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La consommation crée de l'emploi en Asie !

Mme Christine Lagarde, ministre. Il y a la concurrence d'une certaine partie de notre consommation intérieure, vous avez raison, monsieur Arthuis.

J'entends bien que la baisse des charges devra faire diminuer les prix hors taxe. En revanche, je doute du caractère d'automaticité et surtout d'immédiateté du rapport entre la baisse des charges et la baisse des prix. Je crains que cette répercussion ne puisse être immédiate. Pour ce qui concerne le pouvoir d'achat, en l'état actuel de notre croissance, les Français ne sont pas en mesure d'attendre et de subir les conséquences du laps de temps qui s'écoulera entre la baisse des charges et celle des prix. De surcroît, je crains fort que les quelque 3 000 agents de la DGCCRF ne suffisent pas pour assurer la concomitance de ces deux diminutions.

De manière plus générale, j'aimerais reprendre l'une des expressions du rapport d'Éric Besson, selon lequel le problème est « mal posé ». Pour la poursuite de nos débats, il conviendra de déterminer les questions que nous souhaitons véritablement formuler. S'agit-il de la question de la productivité, ou de celle de l'emploi ? Nous devrons arbitrer entre ces deux priorités. Cet arbitrage déterminera la manière dont nous aborderons la réponse à la question « Faut-il ? Ne faut-il pas ? ». Si nous allions dans le sens de « Il faut », quel serait le taux de cette TVA sociale ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est aussi la question du pouvoir d'achat !

Mme Christine Lagarde, ministre. Vous avez raison, monsieur Arthuis. Les trois priorités doivent être évoquées. Celle qui l'emportera déterminera l'établissement du pourcentage et la réponse à la question.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est le vrai pouvoir d'achat et non le pouvoir d'achat financé à crédit !

Mme Christine Lagarde, ministre. Je pense que le débat sur la TVA sociale ne peut guère être mené indépendamment d'une réflexion plus large sur notre fiscalité. Ce sera tout l'enjeu de la revue générale des prélèvements obligatoires. Nous devrons donc envisager la TVA sociale, mais également ce que certains appellent l'« écotaxe », que d'autres dénomment la « taxe carbone », qui, d'une certaine manière, peut apporter des avantages comparables à ceux de la TVA sociale en termes de baisse des charges, sans en présenter certains des inconvénients. Toutefois, je reconnais la pertinence, à ce sujet, des commentaires de Philippe Marini, qui rappelle que la fiscalité environnementale, si elle est réussie, entraîne nécessairement l'autoliquidation de son assiette, par la voie d'une espèce de « taxe liquidation »...

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un impôt vertueux, qui disparaît de lui-même !

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est sa vocation !

Mme Christine Lagarde, ministre. Absolument !

Je souhaite que nous puissions y réfléchir ensemble et examiner vos contributions dans les mois qui viennent, en tenant compte des excellentes auditions auxquelles la commission des affaires sociales a procédé, monsieur Alain Vasselle.

En matière de TVA sociale, vous avez, monsieur Christian Gaudin, évoqué la question de l'expérimentation. Il eut été tout à fait agréable de pouvoir expérimenter et même d'avoir la possibilité de sélectionner un certain nombre lignes ou de secteurs d'activité probablement plus exposés à la concurrence internationale pour déterminer si cette TVA sociale pouvait ou non fonctionner. Malheureusement, en l'état actuel de nos recherches, il semble bien que ni l'expérimentation, ni le caractère sélectif du champ d'application de ladite taxe ne soient compatibles avec le droit communautaire, ce que l'on ne peut que regretter.

Au-delà de la question de la TVA sociale, je veux revenir brièvement sur un certain nombre de points techniques.

En réponse au président About, qui avait proposé que la loi de financement de la sécurité sociale soit un passage obligé pour ratifier les exonérations créées, nous ne pouvons qu'être d'accord et nous souhaitons avancer sur ce sujet important pour nos finances publiques.

De même, nous partageons son analyse selon laquelle il faut que les recettes soient le moins partagées possible entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, pour la clarté de nos débats.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. C'est d'ailleurs ce que fait le Gouvernement dans le projet de loi de finances, vous l'avez rappelé, en affectant tous les droits sur les tabacs et la taxe sur les salaires à la sécurité sociale.

En ce qui concerne les niches sociales,...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ah !

Mme Christine Lagarde, ministre. ...c'est une question importante, à laquelle le Gouvernement est sensible. La démarche qui me semble la plus fructueuse est celle du pragmatisme. Nous devons procéder au cas par cas, en examinant l'intérêt économique et social de chacune des niches, l'opportunité de leur pérennité pouvant être parfaitement appréciée à l'aune de leur caractère à durée indéterminée ou déterminée, ainsi que vous le suggériez, monsieur le rapporteur général. Cette piste intéressante me paraît digne d'être explorée et appliquée.

M. Massion a ouvert le débat sur le caractère suffisant, insuffisant ou excessif des prélèvements obligatoires. En l'écoutant, je me disais que si le Gouvernement en faisait plus, ce ne serait pas bien ; s'il en faisait autant, ce serait probablement peu satisfaisant et s'il en faisait moins, ce ne serait pas satisfaisant. C'est pourquoi je suis un peu perplexe quant au niveau opportun des prélèvements obligatoires. Je constate cependant que nous devons impérativement être en concurrence avec l'ensemble de nos partenaires européens, dans un souci de compétitivité de l'économie française et d'attractivité de notre territoire. À cet égard, le taux de 43,7 %, même s'il est en diminution par rapport à l'exercice 2007, n'est pas satisfaisant. Nous devons aller vers une réduction des prélèvements obligatoires, tout simplement pour financer probablement un peu moins de dépenses publiques. Je rappelle que, là aussi, nous battons des records européens, comme s'était plu à le remarquer le président de la Banque centrale européenne lors de l'examen des finances publiques des différents pays membres de la zone euro.

S'agissant de la baisse des prélèvements obligatoires, j'estime que la voie progressive que nous avons choisie, même si elle aurait pu être plus efficace, comme au Canada, en Allemagne ou aux Pays-Bas, est la bonne. Augmenter la CSG, comme le préconise le rapporteur M. Vasselle, ne me semble pas la bonne solution. Je suis convaincue qu'il faut continuer à agir, comme nous le faisons, sur la dépense publique, plutôt que de risquer d'augmenter nos prélèvements obligatoires, qui sont encore bien au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE, comme je le rappelais tout à l'heure.

Notre politique est claire : nous choisissons de baisser le taux de prélèvements obligatoires autant que le permettra le rétablissement de nos finances publiques, dans un souci de diminution de la dépense publique de manière plus générale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Le débat est clos.

Acte est donnée de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 80 et distribuée.

9

Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires culturelles a proposé deux candidatures pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame MM. Jean-Luc Miraux et Pierre Martin respectivement membre titulaire et membre suppléant de l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et d'enseignement supérieur.

10

DÉpÔt de projets de loi

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d'Amérique relatif à la coopération dans le domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 77, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Turquie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 78, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification d'une convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 79, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

DÉpÔt d'une proposition de loi

M. le président. J'ai reçu de Mme Gisèle Printz, MM. Jean-Pierre Masseret et Jean-Marc Todeschini et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, une proposition de loi tendant à instituer le 27 mai comme journée nationale de la Résistance.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 75, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

12

Textes soumis au SÉnat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Conseil établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3678 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Conseil établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d'un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d'un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3679 et distribué.

13

DÉpÔt d'un rapport d'information

M. le président. J'ai reçu de M. Hubert Haenel un rapport d'information fait au nom de la délégation pour l'Union européenne sur le traité de Lisbonne.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 76 et distribué.

14

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 12 novembre 2007, à neuf heures, à quinze heures et le soir :

1. Discussion du projet de loi organique (n° 61, 2007-2008) et du projet de loi ordinaire (n° 62, 2007-2008) tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.

Rapport (n° 69, 2007-2008) de M. Christian Cointat, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

2. Discussion du projet de loi (n° 67, 2007-2008) de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Rapport (n° 72, 2007-2008) de MM. Alain Vasselle, André Lardeux, Dominique Leclerc et Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales.

Avis (n° 73, 2007-2008) de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 12 novembre 2007, à onze heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD