M. Guy Fischer. Très bien, pour une fois !

M. le président. L'amendement n° 160, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

I. - Après les mots :

fixe par ailleurs,

rédiger comme suit la fin de la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121-41 du code du travail :

le nombre annuel maximal de jours travaillés qui ne peut excéder deux cent dix-huit jours.

II. - Rédiger comme suit la troisième phrase du même texte :

À défaut de mention dans l'accord de ce nombre maximal, il est fixé par l'employeur après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel lorsqu'ils existent.

III. - Compléter le même texte par un alinéa ainsi rédigé :

« Le nombre maximal annuel de jours travaillés doit être compatible avec les dispositions du titre III relatives au repos quotidien et au repos hebdomadaire et du titre IV relatives aux congés payés.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet article vise à porter de 218 jours à 235 jours le seuil maximal de jours de travail par an pour les salariés au forfait, sauf accord contraire conclu dans une entreprise ou une branche.

Afin d’éviter une régression sociale massive, nous proposons, par cet amendement, que l’on s’en tienne à 218 jours. Les cinq confédérations syndicales reconnues par l’arrêté de 1966 s’opposent, d’ailleurs, au dépassement de ce nombre.

Lors des négociations de la loi Aubry II, les 218 jours prenaient en compte tous les droits actuels des salariés : congés payés, jours de repos, jours fériés, possibilité de travailler plus avec, comme contrepartie, les jours de RTT.

Je tiens à rappeler que cette limite de 235 jours correspond à une année pleine, soit 365 jours, de laquelle on retire les 25 jours de congés, les 52 samedis, les 52 dimanches et le 1er mai.

Autrement dit, si le temps de travail quotidien n’est pas modifié pour les salariés qui bénéficient d’un tel forfait, les cadres, ainsi que certains salariés, pourraient être amenés à faire une croix sur leurs jours de RTT et leurs congés.

Je me demande, dès lors, ce que deviennent les congés d’ancienneté et les autres jours fériés.

Comment sera rémunéré le cadre qui travaillera dans le train le 1er mai, monsieur le ministre ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On lui paiera son billet de train !

M. Alain Gournac, rapporteur. On lui paiera son sandwich !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous voulez tout réglementer !

M. le président. L'amendement n° 255, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer la dernière phrase du texte proposé par le I cet article pour l'article L. 3121-41 du code du travail.

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 122, présenté par MM. Amoudry, Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121-41 du code du travail, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. ... - Lorsque le nombre de jours travaillés dépasse la durée annuelle de travail, le salarié bénéficie, au cours des trois premiers mois de l'année suivante, d'un nombre de jours égal à ce dépassement. Ce nombre de jours est calculé après déduction :

« 1° Du nombre de jours affectés sur un compte épargne-temps ou auxquels le salarié a renoncé dans les conditions prévues à l'article L. 3121-42 ;

« 2° Des congés payés reportés dans les conditions prévues à l'article L. 3141-21.

« Ce nombre de jours réduit le plafond annuel de l'année durant laquelle ils sont pris.

La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Toujours dans l’optique de protéger la santé et la vie de famille des salariés soumis au forfait en jours, les sénateurs du groupe de l’UC-UDF ont déposé cet amendement, qui prévoit l’octroi de jours de repos en contrepartie des jours travaillés en dépassement de leur forfait.

En vertu de cet amendement, le salarié bénéficierait, au cours des trois premiers mois de l’année suivant l’année de dépassement du forfait, d’un nombre de jours de repos égal au nombre de jours travaillés en dépassement du forfait, moins ceux que le salarié aura bien sûr désiré affecter à son compte épargne-temps et les congés payés reportés d’une année sur l’autre.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 91 est présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 256 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121-42 du code du travail.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 91.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement a été défendu.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 256.

Mme Annie David. Nous ne pouvons débattre de ce projet de loi sans avoir à l’esprit la directive européenne sur le temps de travail. Il nous faut en effet voir les incidences de cette directive européenne sur la dérégulation du droit du travail, notamment au travers de la légitimation de l’opting out, du gré à gré dans la relation employeur employé.

En effet, ce rapport que vous présentez comme libre et équilibré est en réalité profondément déséquilibré.

Aux termes des alinéas dont nous proposons la suppression, le salarié pourrait désormais renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de son salaire.

Comme le faisait remarquer très justement notre collègue Roland Muzeau, qui nous manque, aujourd’hui, dans cet hémicycle : « Cette disposition est un mauvais coup supplémentaire porté à l’ordre public social ».

Vous nous expliquez qu’il faut laisser au salarié la liberté de choisir entre prendre le repos qui lui est dû ou en obtenir une contrepartie salariale. Nous ne sommes pas de cet avis.

Cette conception démagogique et dangereuse de la liberté se heurte en effet à la nécessité de subordonner le « travailler plus pour gagner plus » aux exigences de la protection de la santé et de la sécurité des salariés.

Ces exigences humaines et sociales, comme toute disposition d’ordre public, ne sont pas négociables et ne doivent pas faire l’objet de dérogations conventionnelles ; je ne cesserai de le répéter.

Vous faites des 35 heures l’unique cause du gel des salaires dans notre pays. En réalité, et vous le savez, la cause structurelle de la modération salariale est le poids relatif exorbitant des revenus du capital au regard des revenus du travail.

Mme Annie David. Cette réalité-là est la grande absente de nos débats.

Les augmentations de salaires n’ont jamais été aussi faibles, alors que la productivité des salariés français n’a jamais été aussi forte. Nous n’allons pas refaire le débat qui vient d’avoir lieu.

Vos lois successives sur le pouvoir d’achat montrent l’échec patent de vos politiques pour donner aux Français les moyens de vivre décemment du revenu de leur travail.

Tout est mis en œuvre pour conforter les grands groupes et les grands patrons dans leur position dominante sur le marché.

Les débats sur la loi de modernisation de l’économie ont montré à quel point le discours gouvernemental sur la liberté cache, en réalité, de nouvelles servitudes.

Comme l’égalité entre salariés et employeurs est un mythe, la libre concurrence se fait au détriment des consommateurs et des petits producteurs artisans.

J’en veux pour preuve les chiffres suivants : 1 005 milliards d’euros pour le CAC 40 l’an dernier, avec un doublement en cinq ans ; 80 milliards d’euros pour les 500 familles les plus riches l’an dernier ; 72 milliards d’euros de niches fiscales ; 65 milliards d’euros d’exonérations de cotisations au bénéfice des chefs d’entreprises et des actionnaires, pour un résultat nul.

Au total, 148 milliards d’euros ont été pris aux salaires pour être reversés aux revenus de la rente financière.

Les consommateurs, qui ne savent plus comment faire face à l’augmentation des prix de l’énergie, des denrées alimentaires, et les salariés, à qui vous demandez de renoncer à leurs jours de repos pour gagner quelques euros de plus, ce sont les mêmes.

Parce que nous sommes fermement attachés à la protection des salariés et que nous refusons le modèle esclavagiste que vous nous proposez, nous vous proposons cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 257, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121-42 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le refus par le salarié d'exécuter les heures de travail au-delà de la durée annuelle fixée par la convention individuelle de forfait ou son refus de renoncer à une partie des ses jours de repos ne sont pas constitutifs d'une faute et ne peuvent être considérés comme un motif de licenciement.

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 119, présenté par MM. Amoudry, Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121-42 du code du travail :

« La rémunération majorée, qui ne peut être inférieure à la valeur afférente à ce temps de travail supplémentaire majorée de 25 % pour chacun des huit premiers jours de travail supplémentaires, est fixée par avenant à la convention de forfait conclue entre le salarié et l'employeur. Les jours suivants donnent lieu à une majoration de 50 %. »

La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. L’objet de cet amendement du groupe de l’UC-UDF est de garantir que la rémunération majorée des jours travaillés hors forfait obéisse au même régime de majoration que les heures supplémentaires et non seulement à une majoration minimale de 10 %, comme le prévoit actuellement le projet de loi.

L’application du régime de majoration des heures supplémentaires aux jours travaillés hors forfait est le minimum d’ordre public que le législateur doit garantir pour que le régime salarial de ces jours soit véritablement attractif, et ce sachant que la France a déjà été condamnée à propos du forfait annuel en jours pour rémunération inéquitable.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 164 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

L'amendement n° 258 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121-42 du code du travail, remplacer les mots :

de 10 %

par les mots:

du taux prévu au premier alinéa de l'article L. 3121-22

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 164.

M. Jean Desessard. La loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, avait rétabli les taux de majoration à 25 % et 50 % selon le nombre d’heures supplémentaires effectuées au-delà des 35 heures ou pour le forfait en jours. Revenir à une majoration de 10 % est donc une régression par rapport aux anciennes dispositions en la matière.

Cet amendement, en se référant à l’article L. 321-22 du code du travail, vise donc à rétablir les taux de majoration précédemment en vigueur, soit 25 % pour les huit premières heures supplémentaires et 50 % pour les suivantes.

De surcroît, dans le cadre de la convention de forfait en jours, compte tenu du nombre d’heures supplémentaires et de la lourdeur de la charge de travail, il semble indispensable de rémunérer les salariés en conséquence, donc de prévoir un taux de rémunération à la hauteur.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 258.

M. Guy Fischer. Cet amendement tend à modifier les dispositions relatives à la majoration des jours de travail dépassant la durée conventionnelle ou définie par décret.

En effet, il est prévu, dans la rédaction actuelle de ce projet de loi, une majoration de 10 %. Cette disposition est d’ailleurs particulièrement étonnante, puisque le Gouvernement ne cesse de répéter qu’il veut reconnaître et valoriser la valeur du travail en la récompensant comme il se doit. Les cadres, dont l’amplitude horaire journalière est de onze heures à treize heures en moyenne, apprécieront.

L’article L. 3121-22 du code du travail, relatif à la majoration des heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du temps de travail, est plus favorable que ce que vous nous proposez. En effet, le premier alinéa de cet article prévoit : « Les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l’article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %. »

Je ne peux que m’interroger, monsieur le ministre : comment justifiez-vous cette différence ? C’est à croire que, dans l’esprit des membres de l’UMP et du Gouvernement, le temps travaillé supplémentaire des cadres vaut moins que celui des autres salariés.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est à croire que vous vous réveillez seulement maintenant !

Mme Annie David. Ces dispositions datent de la loi TEPA !

M. Xavier Bertrand, ministre. Non, elles datent de 2003 !

M. Guy Fischer. Je n’ose imaginer que telle soit votre conception. Pour notre part, nous souhaitons vivement revenir sur cette disposition.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 92, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121-42 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

« Le refus du salarié d'exécuter des jours ou demi-journées de travail au-delà de la durée annuelle de travail fixée par la convention individuelle de forfaits en jours ou de renoncer à des jours de repos si son employeur le lui propose ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Il s’agit, certes, d’un amendement de précision, mais il est très important dans le contexte de l’article 17, qui laisse à l’employeur la possibilité de fixer unilatéralement le nombre de jours de travail de ses salariés au forfait.

Face à ce pouvoir exorbitant, il nous semble indispensable de prévoir que le refus du salarié d’exécuter des jours ou demi-journées de travail au-delà de la durée annuelle de travail fixée par la convention individuelle de forfaits en jours ou de renoncer à des jours de repos si son employeur le lui propose ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.

Il faut donner aux salariés la possibilité de dire non et rétablir l’équilibre du rapport de force entre les salariés et l’employeur dans l’entreprise, car, comme nous l’avons rappelé à maintes reprises au cours de ce débat, ce rapport de force est déséquilibré à l’avantage de l’employeur, et il le sera encore davantage avec cet article.

M. le président. L’amendement n° 123, présenté par MM. Amoudry, Mercier et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l’article L. 3121-42 du code du travail par deux alinéas ainsi rédigés :

« En outre, pour les salariés dont la durée annuelle de travail est fixée à deux cent dix-huit jours de travail par an, toute journée de travail effectuée au-delà de deux cent dix jours par an donne lieu à une majoration de salaire. La valeur afférente à ce temps de travail est majorée de 25 % à défaut d’accord collectif.

« Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir un taux de majoration différent. Ce taux ne peut être inférieur à 10 %. »

La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Cet amendement va dans le même sens que celui que nous avons précédemment défendu. Il a pour objet d’assurer une rémunération équitable aux salariés soumis au régime du forfait annuel en jours.

En l’occurrence, il s’agit de prévoir que les huit derniers jours travaillés dans le cadre des forfaits fixés à 218 jours annuels feront l’objet d’une majoration de rémunération : entre les 210e et 218jours, cette majoration serait de 25 % en l’absence d’accord collectif. En cas d’accord, celui-ci ne pourrait fixer ladite majoration à un taux inférieur à 10 %.

M. le président. L’amendement n° 259, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le texte proposé par le I de cet article pour l’article L. 3121-43 du code du travail.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement vise à supprimer le texte proposé par le I de l’article 17 pour l'article L. 3121-43 du code du travail, lequel précise : « Un entretien annuel individuel est organisé par l’employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise ainsi que l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale. »

Il s’agit d’un amendement de cohérence : puisque nous nous opposons à l'ensemble de l'article 17, nous nous opposons également à cet entretien annuel, d’autant que les sujets abordés à l’occasion de cette rencontre, tels que la charge de travail du salarié ou l'organisation du travail dans l'entreprise, ne devraient pas faire l’objet d’une relation individuelle : les précisions à cet égard devraient figurer dans la convention collective, voire dans l’accord d'entreprise.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 260, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121-43 du code du travail :

« Art. L. 3121-43. - Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, en présence d'un médecin du travail avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, les conséquences de cette application sur l'état de santé général du salarié, ainsi que l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale. »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Notre amendement tend à substituer au texte proposé par le I de l’article 17 pour l'article L. 3121-43 du code du travail une rédaction qui nous semble plus ambitieuse ; je vais m’en expliquer.

Nous suggérons que l’entretien prévu se déroule en présence du médecin du travail. Bien entendu, il reste encore à réfléchir aux modalités de son organisation. Néanmoins, notre proposition est cohérente avec les amendements que nous ne cessons de défendre. Nous considérons que la multiplication des forfaits et des jours supplémentaires travaillés sont néfastes pour la santé.

La présence du médecin du travail s’impose donc, afin de vérifier que la charge de travail du salarié n’est pas de nature à affecter sa santé ou sa sécurité. L’actualité récente nous a malheureusement montré la réalité des problèmes posés en termes de stress et de santé, qui poussent certains jusqu’au suicide.

M. le président. L'amendement n° 261, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121-43 du code du travail :

« Art. L. 3121-43. - Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. C’est le dernier d’une série de trois amendements visant à modifier le texte proposé par le I de l'article 17 pour l’article L. 3121-43 du code du travail. C’est dire combien celui-ci nous a intéressés ! Nous proposons de préciser que l’entretien annuel sur les conditions et la charge de travail soit également pour le salarié l’occasion d’aborder la question de la rémunération.

En effet, nous ne nous pouvons nous satisfaire d’un entretien dans lequel seraient évoqués les apports du salarié à l’entreprise – savoir-faire ou force de travail –, sans que puisse être abordée la contrepartie à cet apport, c'est-à-dire la rémunération.

Cet oubli est caractéristique de ce que nous ne cessons de dénoncer dans ce projet de loi, particulièrement au travers des conventions de forfait, à savoir la déconnexion savamment organisée entre le temps travaillé et le montant de la rémunération.

Lors de la réunion de la commission des affaires sociales, il nous a semblé qu’un avis de sagesse avait été émis sur notre amendement.

M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !

Mme Annie David. Cela m’amène, monsieur le président, à formuler une demande un peu particulière : afin qu’il soit tenu compte de cet avis, nous souhaitons transformer cet amendement en sous-amendement à l’amendement n° 43 de la commission, étant entendu qu’il portera sur l'article L. 3121-46 du code du travail et non sur l'article L. 3121-43.

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 261 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par l'amendement n° 43 pour l'article L. 3121-46 du code du travail :

« Art. L. 3121-46. - Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié. »

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 165 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

L'amendement n° 262 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3121-45 du code du travail.

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 165.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, je formulerai tout d’abord une remarque de forme : je pourrais très bien utiliser la même technique que Mme David et transformer l'ensemble de nos amendements en sous-amendements, comme le règlement du Sénat m’y autorise.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est vrai !

M. Jean Desessard. Cela nous permettrait d’avoir un réel débat, au lieu de nous retrouver, cela a été dit, dans un véritable tunnel, tout cela parce que M. le rapporteur a présenté, au nom de la commission, un amendement visant à rédiger l'ensemble du I de l'article 17 ; nous assistons ainsi à une série de monologues, sans pouvoir véritablement débattre.

M. Alain Gournac, rapporteur. C’est ainsi !

M. Jean Desessard. Rassurez-vous, je ne le ferai pas, car cela nous obligerait à discuter ces sous-amendements un par un, sans compter les éventuelles explications de vote. Comme vous le voyez, je n’utilise pas toutes les possibilités offertes par le règlement du Sénat !

Cela étant dit, convenez tout de même que la méthode employée, qui consiste à présenter un tel amendement pour nous contraindre à tenir quarante-trois monologues successifs, n’est pas pertinente.

J’en viens à l’objet de l’amendement n° 165.

Celui-ci vise à supprimer le texte proposé par le I de l'article 17 pour l'article L. 3121-45 du code du travail, lequel prévoit que les salariés ayant signé une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions du code du travail relatives aux 35 heures, aux 10 heures journalières et aux 48 heures maximales hebdomadaires.

Au-delà des considérations de santé, l’un des problèmes du forfait en jours est qu’il ne concerne que le temps de travail proprement dit. Or nombreux sont les salariés qui sont amenés à se déplacer, et pas simplement pour aller au bureau : certains se rendent chez leurs clients, qu’il s’agisse des salariés travaillant dans des bureaux d’études, dans la maintenance ou dans le domaine technico-commercial.

Autrefois, certains accords leur permettaient de décompter ces déplacements ou, au moins, une partie d’entre eux de leur temps de travail. Or une loi adoptée sur l’initiative de la majorité a supprimé cette possibilité. Désormais, le temps de déplacement s’ajoute au temps de travail. Un salarié au forfait en jours peut travailler jusqu’à treize heures par jour, durée à laquelle il faudrait donc ajouter le temps de déplacement pour l’aller et le retour. Que lui reste-t-il ?

Rappelons d’ailleurs que les temps d’astreinte ont été retirés du temps de travail effectif. Bref, les journées de ces salariés cadres et non cadres ayant signé des forfaits en jours commencent véritablement à être bien lourdes et bien longues.

Vous proposez que les 48 heures hebdomadaires de temps de travail ne leur soient pas opposables. Je tiens à rappeler que c’est la limite fixée par la législation européenne et que le fait d’en exclure les salariés concernés nous met sans doute en infraction par rapport au droit européen.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 262.

Mme Annie David. Cet amendement revêt à nos yeux une importance particulière. En effet, il vise à supprimer les trois alinéas prévus pour le texte proposé par le I de l'article 17 pour l'article L. 3121-45 du code du travail, qui justifient à eux seuls notre opposition à cet article et à ce projet de loi dans son ensemble.

Le premier alinéa prévoit que les salariés embauchés sous ce que l’on nomme les forfaits en jours ne sont pas soumis aux dispositions de l’article L. 3121-10 du code du travail, selon lequel la durée légale du temps de travail est fixée à 35 heures.

Le deuxième alinéa exclut les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours de l’application de l’article L. 3121-34, aux termes duquel la « durée quotidienne du travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures ».

Cela confirme ce que nous dénoncions en amont : puisque la seule limite légale en termes d’amplitude quotidienne de travail prévoit un repos quotidien de 11 heures, cela autorise tout de même des journées de travail de 13 heures.

Je ne sais pas si tous les sénateurs et sénatrices présents aujourd'hui, particulièrement ceux de l’UMP, mesurent réellement ce que veut dire une journée de travail de 13 heures. À cette durée déjà considérable, encore faut-il ajouter les temps de transports, évoqués par M. Desessard, qui peuvent être parfois très longs.

On ne peut raisonnablement envisager qu’un salarié soit tenu d’effectuer une journée de 13 heures, auxquelles il faudrait ajouter deux heures de transport, une pour l’aller et une pour le retour. Il lui faudrait alors supporter une journée de travail de 15 heures ! Imaginez les conséquences sur l’état de santé des salariés concernés, particulièrement s’ils devaient subir 282 jours de travail. Ils vivraient un vrai cauchemar !

Enfin, le dernier alinéa du texte proposé par le I de l’article 17 pour l’article L. 3121-45 du code du travail prévoit que les cadres et les salariés ayant conclu une convention de forfait ne peuvent se prévaloir de la durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de 12 semaines consécutives, durée qui ne peut dépasser 44 heures.

Vous le voyez, mes chers collègues, tout ce que nous dénoncions est confirmé par ces trois alinéas. C’est donc tout logiquement que nous réaffirmons solennellement notre opposition à ces dispositions destructrices, tant pour la santé des salariés que pour leur vie privée.

Les mesures précédentes relatives à l’entretien individuel portant sur l’organisation de la charge de travail et ses conséquences sur la vie privée et familiale, que vous adopterez peut-être, s’avèrent donc n’être, à la lecture de cet article, qu’une simple farce !