Mme la présidente. Je rappelle que, pour la clarté des débats, il a été décidé, à la demande de la commission des affaires sociales de procéder à l’examen séparé de l’amendement no 169 de suppression de l’article 2.

L'amendement n° 169, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Le revenu de solidarité active, défendu par le Président de la République, M. le Premier ministre et l’ensemble du Gouvernement, devait reposer sur une taxe sur les revenus de l’épargne et du patrimoine.

Un temps, nous avons cru que le Gouvernement, pourtant connu pour ses doctrines libérales, envisageait réellement de taxer les revenus du patrimoine au sens où nous l’entendions, comme une immense majorité des Français, à savoir les stock-options, les actions en bourses. Selon nous, c’était bien entendu cette catégorie de Français, dont certains sont immensément riches, qui devaient participer à cet effort de solidarité nationale.

On s’est même pris à rêver d’une mesure visant à taxer les importantes sommes d’argent placées par certains de nos compatriotes dans les paradis fiscaux, mais l’appel de M. Accoyer n’a pas été entendu…

De tout cela, naturellement, il n’en est rien puisque le projet de loi prévoit une taxation de 1,1 % sur le patrimoine des classes moyennes, c’est-à-dire de ceux qui disposent d’une épargne de précaution très répandue, à savoir l’assurance-vie.

En somme, vous taxez l’épargne plus que le capital. Or, l’argent de l’épargne a déjà fait l’objet de divers prélèvements sociaux et fiscaux, entre autres au titre de la contribution sociale généralisée, la CSG, la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, ou, lorsqu’elle atteint 4 200 euros, par une taxe supplémentaire de 7,5 %.

Mais, surtout, cette épargne est issue du travail des salariés. À ce titre, elle a déjà fait l’objet d’une taxation et d’une récupération par le biais de l’impôt sur le revenu. Cela est tellement vrai qu’aujourd’hui, en raison des multiples exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises – 32 milliards d’euros – les salariés cotisent plus que les employeurs.

Bref, le gouvernement de M  le Président de la République, qui voulait revaloriser la valeur travail, taxera donc non pas une fois, ni même deux fois, mais trois fois les revenus issus du travail.

De l’autre côté, l’argent de la finance, de la spéculation, continuera à profiter d’une imposition réduite. À la lumière de la crise financière, cela prend une tout autre connotation.

On l’aura compris, lorsque le Président de la République dit vouloir taxer les revenus du patrimoine, il fait l’inverse et taxe ceux du travail. Il a alors beau jeu de soumettre au Parlement un projet de loi en urgence, intitulé projet de loi en faveur des revenus du travail, que nous examinerons la semaine prochaine.

Au reste, monsieur le haut-commissaire, vous êtes assuré de trouver une majorité de sénateurs de l’UMP pour voter votre projet de loi. Vous disposerez bien des 1,5 milliard d’euros pour financer le RSA.

Toutefois, selon une personne que nous connaissons bien tous les deux, M. Christophe Deltombe, l’actuel président d’Emmaüs, cette somme ne suffira pas puisque, en année pleine, ce dispositif coûtera 3 milliards d’euros.

Curieusement, le projet de loi que nous examinons vise non pas à développer le financement du RSA, mais bel et bien à le réduire, puisque la fameuse taxe de 1,1 % est appelée à diminuer d’année en année et que le financement par les niches fiscales est d’ores et déjà gelé.

Autant dire que les plus riches de nos concitoyens qui viennent de récupérer, grâce à la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, la loi TEPA, 10 milliards d’euros – et vous pouvez constater que je suis honnête, je ne dis pas 15 milliards d’euros –…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Comme d’autres, qui sont malhonnêtes ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. Je dirai entre dix et quinze milliards, cela dépend du moment ou de l’ambiance… (Nouveaux sourires.)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Disons entre un milliard et quinze milliards !

M. Guy Fischer. Nos concitoyens, disais-je, qui, grâce à la loi TEPA, ont récupéré des sommes importantes, ne se laisseront pas impunément dérober un milliard d’euros. Ils se sont mobilisés, ont invoqué les grands principes, et ils ont obtenu que le financement du RSA soit, comme l’impôt sur le revenu, comme la CSG et la CRDS, comme la taxe d’habitation, comme la taxation sur les stock-options, intégré au bouclier fiscal. M. Arthuis a allumé des contrefeux en réponse aux arguments développés par M. Jean-Pierre Godefroy, mais il ne nous convaincra pas.

C’est à croire que le Gouvernement mène une véritable politique de classe, comme l’indique Jean Desessard. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder quelles ont été les premières propositions gouvernementales pour résorber la crise immobilière issue de la crise financière. Écoutez bien, mes chers collègues : la taxation du livret A, puis des livrets d’épargne populaire, c’est-à-dire de deux modes d’épargne qui, vous en conviendrez, ne sont pas les placements préférés des contribuables les plus riches.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, car on ne peut pas supprimer l’article 2 du projet de loi, qui organise toute la mise en œuvre du RSA.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement pour les raisons que je viens d’évoquer.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Je n’aurai pas l’outrecuidance de déposer une demande de scrutin public qui, pour nous, aurait été symbolique. En contrepartie, nous développerons nos arguments tout au long de la discussion.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oh non ! Nous préférons le scrutin public. (Sourires.)

M. Guy Fischer. Dans ces conditions, je demande un scrutin public. (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 169.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin no 21 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 223
Majorité absolue des suffrages exprimés 112
Pour l’adoption 24
Contre 199

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement no 170, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par cet article pour l’article L. 262-1 du code de l’action et des familles, remplacer les mots :

d’inciter à

par les mots :

de favoriser

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec celui que nous avons déposé à l’article 1er.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous avons déjà dit que nous étions opposés !

M. Guy Fischer. Comme le précédent, il a pour objet de préciser que ce ne sont pas les bénéficiaires du revenu minimum d’activité qu’il faut stigmatiser. Il est au contraire impérieux de réviser la politique générale de notre pays en matière d’emploi et d’insertion et, surtout, de changer le regard que nous portons sur les bénéficiaires de minima sociaux, sous peine de créer une fracture irrémédiable entre les bénéficiaires des aides sociales et les travailleurs qui n’en perçoivent pas. Il nous faut changer de regard et de discours afin d’éviter la multiplication des accusations sans fondement et, surtout, de ne pas prendre le risque de nourrir les diverses formes de populisme.

Nous considérons que, dans leur très grande majorité, les bénéficiaires de minima sociaux sont victimes d’une logique de recherche effrénée de profits dont les conséquences sont toujours payées par les salariés et nos concitoyens en général.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Il est défavorable. J’ai déjà répondu hier : « inciter » n’a pas de connotation péjorative, c’est le contraire de « décourager ».

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Même avis défavorable que la commission, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement no 170.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement no 5, présenté par Mme B. Dupont, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles :

Il est complété, le cas échéant, par l’aide personnalisée de retour à l’emploi mentionnée à l’article L. 5133-8 du code du travail.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Cet amendement rédactionnel a pour objet de préciser une référence, par coordination avec l’article 3 bis.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement no 5.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement no 173, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le texte proposé par cet article pour l’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. L’article 2 du projet de loi est au cœur de nos préoccupations et de nos débats, et les dispositions qui y sont prévues pour ce qui devrait être demain l’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles nous semblent inacceptables dans la situation actuelle.

En effet, cet article, s’il était adopté en l’état, pourrait avoir pour conséquence d’exclure du bénéfice du revenu de solidarité active celles et ceux de nos concitoyens qui sont allocataires de l’aide au logement ou qui, en raison d’un héritage ou d’une situation professionnelle passée, disposent d’un bien immobilier.

Mes chers collègues, une fois retiré le bénéfice de ce logement, les personnes concernées n’en sont pas plus riches pour autant !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est tout de même une protection !

M. Guy Fischer. Je pense tout particulièrement aux habitants de la région parisienne, mais aussi, paradoxalement, des régions rurales.

Pour les premiers, ceux qui résident en région parisienne, il est vrai que le fait de pouvoir disposer d’un logement sans avoir à payer de loyer peut constituer un avantage certain. Mais cela reste un avantage tout mesuré face à l’explosion des prix à la location ! Ainsi, ces propriétaires pourraient se voir contraints de vendre leurs biens pour bénéficier du RSA ! Je pousse le raisonnement à l’extrême, j’en suis bien conscient.

Aussi curieux que cela puisse paraître, on peut être propriétaire et pauvre à la fois.

M. Jean Desessard. Bien sûr !

M. Guy Fischer. D’autant que la crise des subprimes

M. Jean Desessard. …a mis les banquiers sur la paille !

M. Guy Fischer. Quant à ceux qui vivent dans les zones rurales, le fait qu’ils possèdent un bien immobilier, surtout s’il est modeste, n’est pas signe de richesse.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. C’est vrai !

M. Guy Fischer. Je connais de nombreux agriculteurs qui sont propriétaires de leur maison – c’est le patrimoine familial transmis au fil des générations – sans être riches pour autant. Tous les paysans ne sont pas riches…

M. Jean Desessard. Absolument !

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Nous sommes tous d’accord là-dessus !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Par exemple, M. Vasselle possède une charrue !

M. Guy Fischer. …sauf en Île-de-France !

Je dois dire, monsieur le haut-commissaire, que je ne comprends pas la logique de votre gouvernement. Vous savez que le logement est en crise ; vous savez pertinemment que votre collègue Mme Boutin a fait adopter une loi dans laquelle il est prévu que les salariés gagnant plus de deux fois le plafond d’attribution ne pourront plus prétendre à un logement social. Comment, dans ces conditions, concevoir que les bénéficiaires de l’APL puissent, en tant que tels, se voir refuser le bénéfice du RSA ?

Mais il semble que l’APL n’entre plus dans le calcul du RSA. Pourriez-vous, monsieur le haut-commissaire, nous le confirmer ?

Mme la présidente. L’amendement no 6, présenté par Mme B. Dupont, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles, remplacer les mots :

du revenu minimum garanti

par les mots :

forfaitaire mentionné au 2° de l’article L. 262-2

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec la nouvelle rédaction de l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 173 ?

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement no 173, parce que ce qui a été dénoncé n’est pas vrai : les règles s’appliquant aux aides au logement sont les mêmes pour le RSA qu’elles l’étaient pour le RMI, et elles sont bonnes.

Le Gouvernement est en revanche favorable à l’amendement no 6 de la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l’amendement no 173.

M. Jean Desessard. Je m’associe aux propos de mon collègue communiste.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous persistez dans l’erreur, alors !

M. Jean Desessard. On verra ! La crise financière n’est pas finie !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Je ne vois pas le rapport !

M. Jean Desessard. On verra où nous conduisent le capitalisme d’aujourd’hui et cette société, disons « amorale », pour reprendre le terme employé tout à l’heure par M. Arthuis.

Monsieur le haut-commissaire, vous qui avez côtoyé les personnes en situation de pauvreté, vous savez parfaitement que c’est très difficile pour elles, même lorsqu’elles sont propriétaires de leur logement.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. C’est bien pour cela que nous sommes ici aujourd’hui !

M. Jean Desessard. Il est donc nécessaire que le RSA soit un droit à la fois inconditionnel et individuel.

Je reviendrai tout à l’heure sur le caractère individuel que doit revêtir ce droit ; dans l’immédiat, je voudrais insister sur son caractère inconditionnel.

Vous êtes sur le point, mes chers collègues, d’instaurer un système de contrôle des ressources, de contrôle du patrimoine, et tout cela pour 450 euros ! Vous instaurez un contrôle social pour économiser quelques euros sur le dos de personnes qui ont réellement besoin de cet argent ? Ce n’est pas parce qu’on est propriétaire de son logement qu’on arrête de manger, de se déplacer, de se vêtir ! Vous feriez mieux d’instaurer ce contrôle quand sont en jeu des sommes plus importantes, quand il y va de 2,5 millions ou de 3,5 millions d’euros ! Mais je ne vais pas reprendre le débat d’hier soir.

Vous vous apprêtez à entrer dans un système de contrôle social pour presque rien, alors que, cela a été souligné hier, l’argent ainsi distribué, l’argent que nous donnerons en tant que contribuables, sera immédiatement réinjecté dans le processus économique. À quoi servira tout ce contrôle ? À rien ! Il sera compliqué et, dans la mesure où souvent – vous le savez très bien, monsieur le haut-commissaire – les personnes qui ont du mal à vivre changent d’adresse, dissimulent…, il créera les conditions d’un processus de fraude que l’on pourra qualifier d’autorisée, puisqu’elle sera ressentie comme moralement acceptable.

En rendant le RSA inconditionnel, nous gagnerions beaucoup de temps et d’énergie.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement no 173.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement no 6.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement no 174 rectifié bis, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Avant le texte proposé par cet article pour l’article L. 262-4 du code de l’action sociale et des familles, insérer un article ainsi rédigé :

« Art. L. … – Il est créé une Commission nationale pour l’autonomie des jeunes, placée auprès du Premier ministre. Cette commission, dont la composition est arrêtée par voie réglementaire, comprend des parlementaires, des élus locaux, des représentants de l’État, des organisations représentatives des employeurs et des salariés, d’associations de chômeurs, des mutuelles, de la Caisse nationale des allocations familiales, du Conseil national de la jeunesse, des organisations représentatives des étudiants et des lycéens, des fédérations de parents d’élèves, et des personnalités qualifiées.

« Cette commission a pour mission :

« – de faire le bilan des dispositifs assurant des ressources propres aux jeunes de seize à vingt-cinq ans ;

« – d’étudier la création d’une allocation d’autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans, ainsi que les critères de son attribution sur la base notamment d’un projet personnel de formation et d’accès à l’emploi ;

« – de proposer la mise en place d’un dispositif expérimental dans plusieurs départements, après consultation des conseils départementaux de la jeunesse, et dont l’évaluation servira de base à ses travaux et à la généralisation de ce principe.

« Elle consulte le Conseil national de la jeunesse précité.

« Elle remettra son rapport au Premier ministre avant le 30 juin 2009. Ce rapport est transmis au Parlement. »

II. – En conséquence, supprimer le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 262-4 du code de l’action sociale et des familles.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Lorsque j’ai travaillé sur cet amendement, M. le haut-commissaire n’avait pas encore formulé sa proposition de créer un fonds national d’expérimentations pour les jeunes.

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Donc, vous retirez votre amendement ! Quelle bonne idée ! J’allais vous le demander !

M. Guy Fischer. Outre sa dangerosité, le dispositif du RSA…

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Le RSA est dangereux ! C’est un véritable poison ! (Sourires.)

Un sénateur sur les travées de l’UMP. Il est tellement dangereux qu’ils veulent le donner sans conditions !

M. Guy Fischer. … est non seulement moins avantageux dans plusieurs cas de figure, mais surtout il ne traite pas l’un des grands problèmes qui se posent : celui des jeunes de 18 à 25 ans, dont la précarité est un phénomène particulièrement inquiétant.

Je souligne au passage que cette précarité, si elle touche plus particulièrement les jeunes, s’étend désormais à d’autres catégories, notamment aux seniors. Un problème est en train de naître en France : nous connaissons maintenant des retraités pauvres ! Et, si l’on décrypte davantage les éléments dont on dispose, on observe que les femmes aussi sont de plus en plus touchées par les problèmes de précarité, surtout quand elles sont seules pour élever leurs enfants.

J’en reviens aux jeunes : leur taux d’activité est l’un des plus bas d’Europe, leur taux de chômage l’un des plus élevés, de même que leur taux de pauvreté. Ainsi, plus de 100 000 jeunes vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté et ne bénéficient d’aucune protection sociale. Leur taux de chômage, en 2007, s’élevait à 19 % des actifs, contre 5 % pour les 50 ans et plus.

Par conséquent, en l’absence d’un véritable statut, les jeunes sont bloqués entre la dépendance au détriment des parents –il faut faire vivre la famille – et la précarité. Majeurs civilement, ils sont condamnés à rester des mineurs socialement.

M. Jean Desessard. Absolument !

M. Guy Fischer. D’ailleurs, lors de la vingt et unième journée du refus de la misère, la précarité grandissante chez les jeunes a été fortement dénoncée, ce qui vous a conduit, monsieur le haut-commissaire, à indiquer que le Gouvernement allait « mettre de l’argent sur un fonds d’expérimentation » en faveur des jeunes, afin d’apporter « de véritables réponses à leurs besoins de revenus, d’emploi et de formation ».

Pour les jeunes des grands quartiers populaires, comme les Minguettes, la proportion serait encore plus importante.

M. Jean Desessard. Je ne connais pas les Minguettes, mais j’imagine !

M. Guy Fischer. Je pense que vous connaissez les grands quartiers populaires, monsieur Desessard !

Pourquoi ne pas avoir saisi l’opportunité de ce texte, monsieur le haut-commissaire ? Il aurait pu être l’occasion d’offrir aux jeunes un véritable statut qui leur garantirait de nouveaux droits pour les sortir véritablement de la précarité et leur faciliter l’accès à un emploi durable.

Mais quand la jeunesse est évoquée par votre gouvernement, c’est essentiellement pour en faire la principale responsable de la montée de l’insécurité et de la violence,…

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Il mélange tout !

M. Guy Fischer. … alors qu’elle se rebelle contre les mesures libérales et les plans d’austérité qui se succèdent.

Pour notre part, nous estimons que notre jeunesse mérite mieux ! Tel est l’objet de cet amendement dans lequel nous proposons la création d’une commission nationale pour l’autonomie des jeunes…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Avec ça ils sont tranquilles ! Une commission, et on enterre le dossier !

M. Guy Fischer. … dont la mission porterait sur la mise en œuvre d’une allocation d’autonomie jeunesse, afin d’offrir à nos jeunes un véritable statut et les libérer de la seule alternative qui s’offre à eux aujourd’hui : la dépendance ou la précarité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. La commission émet un avis tout à fait défavorable car la proposition de M. le haut-commissaire visant à créer un fonds d’expérimentation est préférable à la création d’une commission nationale dont on peut déjà imaginer que le dossier n’aboutira pas.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Le Gouvernement est pour les jeunes, il approuve l’expérimentation et il propose de la financer. Il émet donc un avis défavorable sur la création d’une commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. J’avais déposé un amendement qui a été refusé par la commission des finances au titre de l’article 40 de la Constitution.

M. Joël Bourdin. Elle a bien fait ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Mes chers collègues, à quoi sert le Sénat s’il ne peut pas modifier les lois ?

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Il y a une Constitution, monsieur Desessard !

M. Jean Desessard. Où est la démocratie ? Où est le pouvoir du Sénat ? Où est le pouvoir du Parlement ?

Lors de l’examen du projet de loi de finances, on ne nous accordera que de toutes petites modifications. (M. le secrétaire d’État rit.)

On n’aura pas le droit par exemple de vouloir imposer davantage les banquiers, les parachutes dorés et on continuera à taxer les plus pauvres.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous avez toujours le droit de créer des recettes !

M. Jean Desessard. Où est le pouvoir du Parlement, mes chers collègues ?

Mme Catherine Procaccia. Il y a une Constitution, il faut la respecter !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Oui !

M. Jean Desessard. Puisque vous parlez du respect de la Constitution et que l’on m’a empêché de déposer cet amendement, sachez qu’il y a eu deux votes anticonstitutionnels ce matin.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Allons bon !

M. Jean Desessard. Il est écrit dans la Constitution, que nous avons collectivement votée en juillet (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. Jean Desessard. Je n’ai pas dit que tout le monde l’avait individuellement votée…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je n’en ai pas le souvenir s’agissant de vous, monsieur Desessard !

M. Jean Desessard. Il est dit en substance dans la Constitution que le vote des membres du Parlement est personnel…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État et M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !

M. Jean Desessard. … et qu’un parlementaire ne peut donner qu’une seule délégation.

Or, à deux reprises ce matin, j’ai vu les porteurs de mandat voter pour plus d’une personne. C’est anticonstitutionnel…

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis. Mais non !

M. Jean Desessard. … et j’espère que le règlement intérieur changera cette pratique ; nous le verrons dans les prochaines semaines.

Pour en revenir aux jeunes de 18 à 25 ans, je me demande sur quels arguments se fonde votre refus de leur attribuer le RSA ?

Ils ont le droit de travailler, ils ont le droit de voter, ils ont le droit d’aller faire la guerre en Afghanistan,…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. S’ils sont volontaires !

M. Jean Desessard. … et ils n’auraient pas les mêmes droits que le reste de la population ? À quel titre ? Y a-t-il plusieurs âges pour la majorité en France ?

Monsieur le haut-commissaire, cette non-application du droit commun est une atteinte anticonstitutionnelle aux droits des jeunes de 18 à 25 ans.

Quelle est cette vision paternaliste dont sont victimes les jeunes ? Pourquoi considérez-vous que ces jeunes ne sont pas responsables et qu’ils ne chercheront pas de travail si on leur attribue un salaire de substitution ? Au contraire, quand on est jeune, on a beaucoup plus envie de s’investir.

Les Verts approuvent donc la proposition de M. Guy Fischer et ils voteront l’amendement.

Par ailleurs, j’espère que la proposition de M. le haut-commissaire ira dans le même sens, c'est-à-dire que les jeunes de 18 à 25 ans auront des droits semblables aux autres citoyens et qu’ils pourront bénéficier des dispositions du RSA.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous approuvons l’amendement de notre collègue Guy Fischer, peut-être pas dans tous ses termes, mais nous pensons, nous aussi, qu’il n’est pas possible d’exclure a priori les 16-25 ans.

Monsieur le haut-commissaire, vous l’avez si bien compris que vous avez annoncé hier une expérimentation dans le Val-d’Oise.

J’estime, pour ma part, que la proposition de nos collègues du groupe CRC est intéressante, parce que je ne suis pas convaincu non plus qu’il faille systématiquement intégrer les 16-25 ans dans le RSA : certains oui, d’autres non.