M. Guy Fischer. Les parlementaires que nous sommes doivent impérativement tenir compte des expériences passées…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

M. Guy Fischer. … afin d’éviter de reproduire les erreurs qui ont été commises.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Celles de l’APA, du RMI !

M. Guy Fischer. En effet, le transfert du RMI aux départements ne s’est pas accompagné, contrairement à ce que le Gouvernement affirme, du transfert des ressources correspondantes par l’État.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s’en faut de beaucoup !

M. Guy Fischer. La trentaine de présidents de conseils généraux que compte le Sénat partageront ce point de vue. C’est de toute façon une réalité que personne ne conteste. La compensation intégrale prévue à l’article 72-2 de la Constitution est restée un vœu pieu et les présidents de conseils généraux attendent toujours que l’État tienne réellement ses engagements.

Avec cet amendement, nous entendons rappeler au Gouvernement que les règles constitutionnelles s’appliquent à tous, y compris à l’État.

La polémique sur ce sujet est d’ailleurs infondée, chacun reconnaissant que l’État n’a compensé – et encore ! – que les sommes correspondant au nombre d’allocataires. Le personnel, les locaux, le matériel nécessaire ? À la charge des départements depuis 2003 ! Le financement des politiques d’insertion ? Idem ! Ce sont les contribuables départementaux qui financent ce dispositif depuis plusieurs années.

Pour l’État, tout est bon pour faire des économies ! Le comble, c’est qu’il se permet par ailleurs de dénoncer l’endettement des départements, ainsi que leur fiscalité, et qu’il entend engager un grand débat sur cette question.

Cet amendement, qui tend à prévoir que, conformément à la Constitution, l’instauration du RSA sera intégralement compensée, à l’euro près, aux départements, est donc aussi pour nous un amendement de résistance.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. La commission est partagée. On peut en effet comprendre les raisons qui ont motivé tous ces amendements. Je me suis moi-même inquiétée hier, lors de mon intervention dans la discussion générale, de la contribution qui sera demandée aux plus petits épargnants.

La commission a cependant émis un avis défavorable sur l’ensemble des amendements qui font l’objet de cette discussion commune parce que nous pensons qu’il faut garantir le financement du RSA.

Jean Arthuis l’a indiqué ce matin, il semble que l’Assemblée nationale ait trouvé une solution équilibrée pour réduire, le cas échéant, le taux de cette contribution.

Monsieur le haut-commissaire, permettez-moi de vous demander, comme je l’ai déjà fait hier, de veiller à ce que ce taux n’augmente pas subrepticement, sans que personne n’y prenne garde.

Cette solution équilibrée consisterait à plafonner les niches fiscales.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Cette question n’a rien d’anodin puisqu’il s’agit de sécuriser le financement du RSA et d’assurer aux millions de personnes qui attendent une augmentation de leurs revenus – de l’ordre de 100 euros par mois en moyenne pour les travailleurs pauvres – que nous ne sommes pas en train de brasser du vent.

De nombreux plans de réduction de la pauvreté ont été annoncés au cours des dernières années, sous différentes majorités, sans que le financement en ait été assuré. Il n’est jamais très confortable en effet – vos débats en témoignent – d’instaurer un financement, car il n’est jamais agréable de payer.

Je ne suis pas un « fan » des enquêtes d’opinion…

Mme Nicole Bricq. Bien sûr !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. … mais, puisque nous avons beaucoup été pris à partie sur le RSA, qu’il nous a beaucoup été dit que ce dispositif allait être épouvantablement impopulaire, permettez-moi d’attirer votre attention sur le fait que, selon ces enquêtes, les Français ont compris, de quelque milieu qu’ils soient issus, qu’ils soient de droite ou de gauche, que le revenu de solidarité active était nécessaire : ils sont 75 % ou 80 % à en approuver le principe. En outre, une majorité de l’électorat de droite comme de l’électorat de gauche considère que le mode de financement qui a été choisi est bon.

Je ferme cette parenthèse. Je tenais juste à dire qu’il est important de tenir compte des opinions sur des sujets tels que celui-ci.

Pourquoi avons-nous retenu cette solution ? Pourquoi est-ce si difficile ?

Notre première préoccupation, je viens de le dire, est de nous assurer que nous disposerons de l’argent qui nous permettra d’honorer l’engagement que la nation s’apprête à prendre envers les plus modestes de ses membres.

Notre deuxième préoccupation est de faire en sorte qu’il n’y ait pas de contradiction entre le mode de financement du RSA et ses objectifs. Ce que nous souhaitons, c’est sortir les plus pauvres de la pauvreté et favoriser leur retour à l’emploi. Il nous était donc interdit de mettre en œuvre un financement qui aurait pesé sur le coût du travail. Je m’en suis déjà expliqué tout à l’heure. On ne peut pas à la fois vouloir faire rentrer les plus modestes dans le monde du travail et peser sur le coût du travail.

C’est également pour cette raison que, malgré les propositions intéressantes qui nous ont été soumises et sur lesquelles nous pourrons revenir, nous avons fait en sorte que le dispositif soit neutre au regard des allégements de charges, même s’il n’est pas exclu d’ouvrir un chantier sur les allégements de charges pour les emplois à temps partiel. Mais, pour l’heure, nous ne voulions pas envoyer de signaux contradictoires, demander aux entreprises d’ouvrir plus largement leurs portes aux personnes en difficulté et, en même temps, les pénaliser pour cela.

Notre troisième préoccupation, après les débats sur la prime pour l’emploi, est de nous assurer que le financement du RSA pèsera pour l’essentiel sur les plus aisés.

Bien sûr, on peut toujours citer des exemples qui infirment la règle, mais il est incontestable que le milliard et demi pèsera en majorité sur les 10 % des ménages qui ont les patrimoines les plus élevés.

Récemment, une personne m’a apostrophé, comme vous, sur cette question en disant : « Pensez un peu à nous, pensez aux classes moyennes ! » Quand je lui ai demandé comment elle définissait les classes moyennes, elle a répondu qu’elle s’estimait dans les classes moyennes avec un revenu de 15 000 euros par mois. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Cela montre bien que l’on perçoit souvent les choses à travers un prisme.

Le patrimoine est, en France, concentré de telle manière que le prélèvement de 1,1 %, dont je rappelle quand même qu’il est en ligne avec la CSG, laquelle est contemporaine de la création du RMI - on ne peut donc pas toujours brûler ce que l’on a adoré ! - pèsera principalement sur les 10 % des ménages les plus aisés.

La quatrième préoccupation – qui a été introduite durant le débat – est d’essayer de profiter de cette occasion pour agir sur l’un des éléments les plus inéquitables du système, à savoir les niches fiscales non plafonnées. Des propositions vous seront présentées dans quelques jours qui permettront de s’assurer que les économies réalisées par les contribuables grâce à ces niches n’excéderont pas 15 % du revenu ou 40 000 d’euros, ce qui, par rapport aux situations actuelles, est un progrès considérable. L’effet en termes d’équité est, je le répète, par rapport à l’inclusion ou non de la taxe dans le bouclier, huit ou dix fois supérieur.

Permettez-moi, monsieur Desessard, de reprendre le chiffre que vous avez évoqué à propos d’une personne ayant reçu un bonus : 4 millions d’euros. Imaginons que la personne en question dispose, en outre, d’un revenu annuel de 200 000 euros. Aujourd’hui, elle acquitte 50 000 euros d’impôt sur le revenu, 30 000 euros d’ISF, 3 000 euros de taxe habitation, 2 000 euros de taxe foncière, soit un total de 85 000 euros de taxes. Elle est riche, a des revenus élevés et n’est pas concernée par le bouclier fiscal.

Cette personne peut, aujourd’hui, en toute légalité, investir dans un bien immobilier en secteur sauvegardé et faire 150 000 euros de travaux de réhabilitation, qui valorisent son bien et sont entièrement déductibles de ses revenus. Elle déclare donc maintenant un revenu de 50 000 euros : 200 000 euros moins les 150 000 euros. À ce titre, le Trésor public ne lui réclame plus que 3 000 d’impôts sur le revenu, 30 000 euros d’ISF, 3 000 euros de taxe d’habitation, 2 000 euros de taxe foncière.

D’un seul coup, grâce aux niches fiscales, elle est passée de 85 000 à 38 000 euros d’impôts ! Et, qui mieux est, elle bénéficie en outre du bouclier fiscal, ce qui n’était pas le cas auparavant ; par l’effet des niches, elle est doublement avantagée ! (Mme Nicole Bricq s’exclame.)

Madame Bricq, cela vous dérange peut-être, mais c’est la vérité.

Mme Nicole Bricq. Je vous répondrai dans un instant !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. C’est la réalité : cette personne bénéficie d’un double avantage par l’effet des niches, qui, du coup, la font entrer dans le bouclier.

Mme Nicole Bricq. Oh, les calculs de Bercy, on les connaît !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Ce ne sont pas les calculs de Bercy, madame Bricq : je tire ces chiffres de l’un de ces sites internet où l’on vous explique comment, grâce aux niches fiscales, payer moins d’impôt. Je les ai visités à cause de ce débat, et non en raison d’un intérêt personnel, je m’empresse de le dire ! (Rires.)

Grâce à ce système, le contribuable en question fait 71 % d’économies d’impôts. Par l’effet du plafonnement des niches qui va être mis en place, d’une part, il n’entrera pas dans le bouclier, et, d’autre part, il ne pourra plus réduire ses impôts dans de telles proportions.

Je suis un peu long dans mes explications, mais ce n’est pas moi qui le suis le plus (Murmures d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP.) J’ai en effet beaucoup plus entendu parler de taxe que du revenu de solidarité active.

Ainsi, nous aurons un financement assuré et répondant à un certain nombre de critères, de manière que la mise en œuvre du revenu de solidarité active se fasse la tête haute.

Je comprends tout à fait, par ailleurs, les arguments que vous avez utilisés. Vous, vous avez en tout cas compris l’idée qui sous-tend notre projet, qui est de trouver tout de suite le financement, de faire fonctionner cette réforme et d’enclencher deux mécanismes parallèles.

Le premier, c’est que, au fur et à mesure du retour d’un certain nombre de personnes vers l’emploi, les coûts sociaux diminueront. Ce n’est pas, pour une fois, une théorie puisque l’on commence effectivement à constater, là où le taux de retour à l’emploi s’accroît, une diminution du poids du RMI ; or celui-ci est aujourd'hui financé par un certain nombre de contributions pesant véritablement sur les classes moyennes et modestes. Aujourd’hui, en effet, le prix de la pauvreté est plus payé par les classes moyennes et par les classes modestes que par les autres.

Si nous parvenons à créer une telle dynamique, ce sera une dynamique vertueuse. Après avoir enclenché ce premier mécanisme, nous pourrons revoir les contributions nécessaires au financement de ces dépenses sociales et les alléger lorsque le Parlement l’estimera juste.

Nous vous donnons donc rendez-vous dans un an pour, ensemble, examiner ce point. J’imagine que M. Jean Bizet parlera alors des retraités agricoles qui cumulent leur pension et la petite rente foncière que leur procure le bien qu’ils possèdent. (M. Jean Bizet acquiesce.) Vous pourrez, à ce moment-là, reparler de tous ces sujets dans un contexte qui sera propice puisque nous aurons un recul d’un an sur les effets de cette réforme.

Le deuxième mécanisme qui sera enclenché est lié au fait que le plafonnement des niches produira une ressource supplémentaire qui sera, je le répète, bien plus importante que celle qu’entraînerait l’exclusion du bouclier fiscal. Vous pourrez, une fois que nous aurons engrangé 150 millions ou 200 millions d’euros, amorcer une substitution entre les taxes. Vous aurez alors le choix entre une diminution de 1,1 %, l’exonération pour certains, etc.

Ce mécanisme, que vous avez bien pris en compte et parfaitement traduit dans vos amendements, s’articule autour d’une priorité donnée aux plus pauvres, d’un financement sécurisé et qui tienne la route dans le respect des principes qui ont été définis ainsi que des engagements politiques qui ont été pris.

Pour faire progresser cette réforme, nous devons tous nous retrousser les manches, afin d’aider les gens à s’en sortir, à revenir dans l’emploi. C’est ainsi que nous pourrons ensuite recueillir les fruits de la réduction de la pauvreté.

Pour toutes ces raisons, sous le bénéfice de ces explications et de la grande compréhension qui est la mienne face à tous les arguments qui ont été développés, le Gouvernement demande que soient retirés l’ensemble de ces amendements ; sinon, il leur donnera un avis défavorable.

M. Jean Bizet. Je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 279 rectifié est retiré.

La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le haut-commissaire, votre conviction et votre talent nous sont toujours très agréables, mais je crois que vous défendez une cause difficile.

Je pars de trois constats.

Premier constat : nous sommes ici unanimes pour dire que l’institution du revenu de solidarité active est une bonne mesure,…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Fourcade. … qu’elle répond à un problème que nous observons tous sur nos territoires et qu’il faut la mettre en place le plus tôt possible. Dont acte !

Deuxième constat : il serait absurde, compte tenu des turbulences financières internationales que nous connaissons et de la mondialisation croissante, de commencer à faire des trous dans le bouclier fiscal pour faire plaisir à tel ou tel. Le bouclier fiscal est en effet la seule garantie contre les délocalisations…

M. Jean Bizet. Très juste !

Mme Raymonde Le Texier. Mais non, c’est du baratin !

M. Jean-Pierre Fourcade. … que nous risquons de subir tout au long des années qui viennent.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les entreprises délocalisent déjà à qui mieux mieux !

M. Jean-Pierre Fourcade. Lorsqu’on prend des mesures fiscales, on ne le fait pas pour le quart d’heure qui suit, on le fait pour un certain nombre d’années.

Toutefois, monsieur le haut-commissaire, et c’est le troisième constat, ce que le Gouvernement nous propose pour financer le RSA, c’est du bricolage.

M. Jean-Pierre Fourcade. En matière de fiscalité, le gouvernement auquel vous appartenez, comme ceux qui l’ont précédé, ne supprime des impôts que lorsqu’ils sont perçus par les collectivités territoriales. Il se refuse à toucher à ceux de l’État. Et encore aujourd’hui, on parle de réduction ou de suppression d’impôts perçus par les collectivités locales !

Ce que vous voulez, c’est un financement assuré. Je pense – mais c’est un avis tout à fait personnel – que ce financement doit venir de l’impôt sur le revenu. (Mme Nicole Bricq approuve.) Il est en effet normal que ce soit l’impôt sur le revenu qui finance une action essentielle en faveur des plus pauvres.

M. Guy Fischer. Parce qu’il est progressif !

M. Jean-Pierre Fourcade. En matière d’impôt sur le revenu, il y a deux formules. Ou bien on essaie, par un travail sérieux de réduction des niches fiscales, de trouver un milliard et demi d’euros, ou bien, si l’on n’a pas le courage de réaliser cette opération, il faut, en faisant finalement preuve d’encore plus de courage, majorer, à titre provisoire, pour sécuriser le RSA que vous voulez instituer, les trois tranches supérieures de l’impôt sur le revenu.

Mme Nicole Bricq. Exactement ! 

M. Jean-Pierre Fourcade. Il ne faut pas céder au dogme, ni se cacher derrière son petit doigt ; nous sommes dans une période difficile, et seul l’impôt sur le revenu des personnes physiques peut financer votre opération. Telle est la proposition que je vous fais. (M. Guy Fischer applaudit.)

L’amendement proposé par M. Philippe Dominati prévoit de supprimer le financement. Je ne le voterai pas, car je déséquilibrerais alors votre texte, monsieur le haut-commissaire, mais je demande que l’on réfléchisse, et je reviendrai sur ce débat lors de la discussion du projet de loi de finances. Une mesure comme celle que vous proposez nécessite un acte courageux soit sur les niches fiscales soit sur les taux de l’impôt sur le revenu. C’est comme cela que l’on pourra assurer le succès du RSA ! (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.)

M. Roland du Luart. Ou en agissant sur les deux à la fois !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Nous sommes effectivement à un moment important du débat sur le financement de la mesure qui nous est proposée et, puisqu’il est fait appel à l’impôt, sur la philosophie fiscale qui le sous-tend.

Monsieur le haut-commissaire, je n’accepte pas l’argument qui consiste à faire, pardonnez-moi l’expression, du « chantage à la pauvreté ».

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Ce n’est pas ce que je fais !

Mme Nicole Bricq. Le RMI, c’est nous qui l’avons créé. Donc, ne nous donnez pas de leçons !

M. Henri de Raincourt. Nous, nous l’avons voté !

Mme Nicole Bricq. Ce qui nous sépare sans doute, c’est que vous êtes engagé dans une démarche qui est - je le reconnais - charitable,…

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Nous n’avons jamais utilisé ce ton durant le débat !

Mme Nicole Bricq. … alors que nous sommes partisans d’une solidarité active.

M. Christian Cambon. Comme pour les impôts à Paris !

Mme Nicole Bricq. Vous vouliez certainement attacher votre nom à un texte (Vives protestations sur les travées de lUMP et de lUnion centriste), …

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !

Mme Nicole Bricq. … c’est votre affaire, et vous avez accepté un compromis bancal sur le financement. M. Fourcade a raison de dire que vous avez accepté le « bricolage fiscal »

Ce n’est du reste pas nouveau ! Ce gouvernement en est coutumier, comme l’était celui qui l’a précédé : chaque fois qu’un problème se pose, une taxe est créée. Pour un Président de la République qui s’est engagé, lors de sa campagne électorale, à baisser de 4 % les prélèvements obligatoires, c’est assez extravagant, en tout cas de votre point de vue. Je laisse la majorité réfléchir sur cette question.

Le mécanisme que vous nous proposez non seulement est bancal – cela a été maintes fois répété dans cet hémicycle depuis le début de l’examen du texte –, mais il pose en outre un problème de fond : nous, socialistes, pensons que c’est une manière d’éviter le débat sur la progressivité de l’impôt ; c’est un évitement du débat fiscal.

Lorsque Mme Christine Lagarde dit : « on ne touche pas au bouclier fiscal parce qu’il a sa propre logique », elle défend une logique fiscale, que M. Jean-Pierre Fourcade a également défendue.

Si l’on avait vraiment voulu se donner les moyens d’un financement pérenne de la part de l’État, on aurait effectivement réfléchi à ce qu’est la prime pour l’emploi.

Lorsque celle-ci a été créée – j’étais alors députée –, je l’ai soutenue. Si vous relisez le compte rendu des débats, vous constaterez, notamment dans l’argumentation qu’avait développée le gouvernement de l’époque, que la prime pour l’emploi se voulait une réponse à la difficulté qu’avaient les bénéficiaires du RMI à sortir de ce dispositif, donc à privilégier le retour à l’emploi, dans la mesure ils s’apercevaient que cela allait leur faire perdre un certain nombre d’avantages ou plutôt, car le mot « avantages » n’est pas vraiment approprié en l’occurrence, de services afférents à leur état de bénéficiaires d’un revenu social.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Mais, dans l’affaire, les plus pauvres ont été oubliés !

Mme Nicole Bricq. Tel était l’esprit de la prime pour l’emploi.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. La pratique est tout autre !

Mme Nicole Bricq. Reprenez les débats fiscaux qui se sont tenus ici ou à l'Assemblée nationale depuis plusieurs années : le groupe socialiste a toujours demandé que la prime pour l’emploi soit augmentée,…

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Vers le haut !

Mme Nicole Bricq. ... et recentrée…

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Vers le haut !

Mme Nicole Bricq. … vers les publics qui, selon la logique originelle de ce dispositif, en avaient le plus besoin.

Depuis 2002, nous avons eu l’occasion de revenir sur ce sujet lors de chaque débat sur le projet de loi de finances : ni les gouvernements précédents ni celui auquel vous appartenez n’ont entendu nos arguments !

Aujourd'hui, ne vous méprenez pas sur notre intention : nous voulons défendre la progressivité et la contributivité de l’impôt. C’est, pour nous, le problème de fond.

Monsieur le haut-commissaire, vous nous dites que votre mesure a recueilli un consensus, mais il aurait été plus simple que le Gouvernement réfléchisse à l’échec du volet « insertion » du RMI et qu’il privilégie un recentrage de la prime pour l’emploi.

Que va-t-il se passer à l’avenir ?

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Nicole Bricq. Vous nous avez annoncé qu’un bilan serait dressé. Vu la situation actuelle de nos finances publiques, vous verrez qu’il y aura certainement, pour l’État, à un moment donné, un problème de financement du RSA ; cela a d’ailleurs déjà été dit. Il en ira de même pour la prime pour l’emploi, car une somme de 4,2 milliards d’euros peut être vraiment alléchante en cas de grandes difficultés budgétaires.

Nous ne voulons pas, quant à nous, signer un chèque en blanc qui pourrait, à l’avenir, mettre en danger les finances publiques et surtout l’aide aux plus démunis.

Le sous-amendement présenté par M. About à notre amendement n° 117 montre que la majorité n’est pas indifférente à la logique que nous défendons. De fait, il ne s’agit pas là d’un débat purement partisan.

Vous avez choisi un système. Acceptez que nous ne l’approuvions pas tous. En effet, vous l’avez bien compris, c’est au nom d’une certaine philosophie fiscale que nous nous opposons à votre mesure.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, il est exceptionnel que je me permette d’intervenir dans un débat législatif où le Gouvernement est normalement représenté par celui de ses membres qui est chargé de défendre le texte en discussion, en l’occurrence M. le haut-commissaire.

Madame Bricq, depuis le début de ce débat, chacun défend ses opinions, soutient sa vision des choses, mais dans le respect de tous. C’est pourquoi, je tiens à vous le dire, car ce n’est pas à lui de le faire, il est parfaitement incorrect de prétendre que Martin Hirsch fait du « chantage à la pauvreté » et qu’il tenait absolument à mettre son nom sur un texte de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Plusieurs sénateurs de l’UMP. C’est indigne !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ce n’est vraiment pas convenable.

J’ai longtemps siégé dans cet hémicycle et, je peux l’affirmer, il est vraiment rare d’entendre quelqu’un se faire traiter de cette façon. À l’époque où j’étais sénateur, je n’aurais jamais osé dire une chose pareille à un ministre de gauche.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Mais non, madame Borvo !

Je reviens au texte. Il n’a pas été simple de faire cet arbitrage. Il est la traduction d’un geste fort en direction des exclus, afin de favoriser leur retour à l’emploi, pour lesquels Martin Hirsch se bat depuis longtemps.

Je le dis à la majorité : il est vrai que le montant en question, 1,5 milliard d’euros, est important, mais il faut le rapporter aux 15 milliards d’euros de mesures de réduction fiscale engagées depuis un an et demi. La politique que nous menons est une politique responsable.

J’invite tous les sénateurs de la majorité qui ont déposé des amendements à les retirer, non pas parce que le Gouvernement a forcément raison sur tout, mais parce qu’il faut faire un grand geste d’unanimité sur un texte aussi essentiel et aussi fort.

La droite a voté le RMI à l'Assemblée nationale et au Sénat. À l’époque, nous n’étions pas d’accord avec les modalités de financement prévues, mais il s’agissait d’adresser un signal fort aux exclus. J’apprécierais qu’il en aille de même pour ce projet de loi et que la Haute Assemblée vote à l’unanimité – mais je sais que je ne serai, hélas ! pas suivi – ce texte qui devrait permettre à des centaines de milliers de personnes de retrouver un emploi.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je voudrais revenir sur l’amendement n° 117 et le sous-amendement n° 308.

En ce qui concerne le financement, j’apprécie beaucoup les propositions qui sont faites par les membres de la commission des finances. Pour notre part, nous avions pensé que l’on pourrait soumettre les stock-options au régime général de taxation, ce qui rapporterait 3 milliards d’euros. Nous le demandons depuis des années, et cette mesure nous a toujours été refusée.

Ne serait-il pas juste, en effet, que les stock-options soient taxées comme tous les autres revenus du travail dès lors que ce sont des revenus différés du travail ? Là, nous avons une vraie niche !

Notre proposition ne doit pas être si incongrue puisque le président de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin, a lui-même préconisé une telle mesure pour équilibrer les comptes de la sécurité sociale.

On pourrait aussi imaginer de réorienter les allégements de charges patronales, qui représentent 30 milliards d’euros,…

M. Guy Fischer. 32 milliards !

M. Jean-Pierre Godefroy. … et que l’État ne compense pas intégralement aux organismes sociaux.

Nous pourrions ouvrir ce débat, mais contentons-nous aujourd'hui, monsieur le haut-commissaire, de revenir sur la rédaction de l'amendement n° 117 et du sous-amendement n° 308. Ils ne remettent pas en cause le financement que vous avez prévu. Nous vous demandons simplement d’établir une justice dans les prélèvements.

Permettez-moi de rappeler les propos que j’ai tenus ce matin, parce que le sujet est important.

Les services fiscaux avaient prévu que 234 397 contribuables, dont 97 % n’étaient pas assujettis à l’ISF, seraient concernés par le bouclier fiscal. Aujourd'hui, seulement 23 000 demandes ont été déposées. À M. de Montesquiou, qui évoquait les 10 000 contribuables ayant perçu un remboursement inférieur à 1 960 euros, j’ai répondu ce matin qu’il ne fallait pas oublier les 2 242 foyers qui ont touché plus de 85 000 euros. Sur les 23 000 qui ont déposé une demande, il en reste 13 000 pour lesquels on ne sait pas du tout ce qu’il en est.

Monsieur le haut-commissaire, ne serait-il pas normal que tout le monde contribue de la même façon au financement du RSA ? Nous ne demandons pas que les contribuables qui peuvent bénéficier du bouclier fiscal soient taxés, mais simplement qu’ils participent au financement du RSA comme tous les autres, à égalité de charges et de devoirs.

Permettez-moi de vous interroger : à combien s’élèverait la participation des contribuables qui reçoivent plus de 85 000 euros de remboursement ? 150, 200, 300 euros ? Ne peuvent-ils pas faire ce geste en direction des plus démunis de notre pays, de ceux qui n’ont pas de quoi manger, de ceux que vous défendez très efficacement – je vous l’ai dit hier et je le répète aujourd'hui –, et depuis si longtemps ?

Mes chers collègues, nous accomplirions un geste remarquable en décidant que tout le monde participe de la même façon. Et cela ne ferait pas un trou dans le bouclier fiscal, monsieur Fourcade : tout au plus une égratignure de la taille d’une tête d’épingle ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Ne vous inquiétez pas, le bouclier sera toujours solide !

Aussi, je vous demande, mes chers collègues, d’adopter cet amendement et ce sous-amendement, qui ne portent que sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)