Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Le fait que les organismes payeurs procèdent « chaque mois » à une confrontation des données serait une procédure lourde. L’administration des impôts, notamment, ne dispose des informations qu’annuellement. En outre, le coût de ces procédures serait très élevé, selon les caisses d’allocations familiales.

La commission demande donc aux auteurs de ces deux amendements de bien vouloir les retirer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. L’adoption de ces amendements conduirait non plus à des échanges d’informations utiles, mais à une circulation de données trop lourde. Du coup, les agents risqueraient de passer plus de temps à gérer des fichiers et à accomplir des tâches administratives qu’à s’occuper des personnes en difficulté.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. À l’instar de la commission, le Gouvernement invite donc les auteurs de ces deux amendements à bien vouloir les retirer. À défaut, il serait obligé de se tourner vers M. Fischer pour lui demander de l’aider afin qu’ils soient repoussés. (Sourires.)

Mme Catherine Procaccia. C’est un appel du pied très clair !

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur pour avis, que décidez-vous ?

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis. Je vais m’efforcer de faire revenir M. le haut-commissaire sur son jugement un peu hâtif et donc le dissuader de faire appel à un renfort un peu particulier. J’espère que nous arriverons à régler le problème sans avoir à déborder sur les ailes. (Sourires.)

Notre objectif est de permettre que les organismes qui ne disposent pas d’informations mensuelles, ou qui n’ont pas fait d’efforts pour les avoir, puissent les rassembler chaque mois. Je note que certains organismes y parviennent sans aucune difficulté.

Afin de leur laisser le temps de se mettre en conformité avec la loi, je propose de rectifier mon amendement. Je rappelle quand même que la proposition de loi que nous avions adoptée au mois de mai 2008 leur en accordait. Malgré ce texte, ils n’ont pas beaucoup bougé.

Nous nous sommes rapprochés de la caisse nationale des allocations familiales pour tenter de trouver avec elle un système qui n’alourdirait pas le fonctionnement des caisses et qui leur permettrait de répondre à ces demandes dans de bonnes conditions. Il semble qu’un report au 1er janvier 2010 de cette mesure leur laisserait largement le temps de s’adapter et de mettre en place le nouveau système informatique qu’elles sont en train de mettre au point. Les caisses n’auront donc aucune difficulté à fournir des informations.

Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, nous avons réfléchi à une solution de rechange, car nous nous attendions à ce que notre amendement pose quelques difficultés. Je vous propose donc cette nouvelle rédaction : « Les organismes payeurs mentionnés à l’article L. 262-16 du code de l’action sociale et des familles procèdent chaque mois à la confrontation de leurs données avec celles dont disposent les organismes d’indemnisation du chômage, à partir des déclarations mensuelles d’emploi et des rémunérations transmises à ces derniers par les employeurs. Ils transmettent chaque mois au président du conseil général la liste nominative des allocataires dont la situation a été modifiée à la suite de ces échanges de données.

« Les organismes payeurs transmettent chaque mois au conseil général la liste de l’ensemble des allocataires ayant fait l’objet d’un contrôle, en détaillant la nature du contrôle et son issue.

« Les neuvième et dixième alinéas du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2010. »

Ce système permettrait de rapprocher les fichiers existant et éviterait donc d’en créer de nouveaux. Ces dispositions entreraient en vigueur à compter du 1er janvier 2010.

Je pense que cette rectification, monsieur le haut-commissaire, devrait vous donner satisfaction. En tout cas, j’ai cru comprendre que c’est dans ce sens que nous devions aller.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 61 rectifié, présenté par M. Doligé, au nom de la commission des finances, et qui est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les organismes payeurs mentionnés à l'article L. 262-16 du code de l'action sociale et des familles procèdent chaque mois à la confrontation de leurs données avec celles dont disposent les organismes d'indemnisation du chômage, à partir des déclarations mensuelles d'emploi et des rémunérations transmises à ces derniers par les employeurs. Ils transmettent chaque mois au président du conseil général la liste nominative des allocataires dont la situation a été modifiée à la suite de ces échanges de données.

« Les organismes payeurs transmettent chaque mois au conseil général la liste de l'ensemble des allocataires ayant fait l'objet d'un contrôle, en détaillant la nature du contrôle et son issue.

« Les neuvième et dixième alinéas du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2010.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, qui est par ailleurs président de conseil général, connaît très bien toutes ces interactions. Il a donc parfaitement expliqué les raisons pour lesquelles le Gouvernement peut désormais émettre un avis favorable sur cet amendement rectifié.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 61 rectifié.

M. Guy Fischer. Certes, le contrôle est parfois nécessaire, et je sais que les sommes en jeu sont très importantes, mais je trouve que cette démarche relève toujours du même état d’esprit, notamment de la part des présidents de conseil général. Et c’est une vision que nous ne pouvons partager !

Chaque année, le Premier président de la Cour des comptes intervient dans cette assemblée et nous indique qu’il n’a pas pu certifier les comptes de la CNAF, car les CAF ne disposent pas d’un système informatique national. Nous verrons la prochaine fois s’il en sera de même pour cette année. Je crois quand même savoir que cette question, qui pose un vrai problème, est en train d’être réglée.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Exact !

M. Guy Fischer. Vous devriez être aussi exigeants lorsque des milliards d’euros sont versés aux entreprises…

Mme Annie David. Et aux banques !

M. Jean Desessard. Ou pour les exonérations !

M. Guy Fischer. … et vérifier dans les départements, messieurs les présidents de conseil général,…

M. Alain Fouché. Et dans les régions !

M. Guy Fischer. …si les sommes déboursées ont aidé au développement local, notamment lorsqu’il s’agit des petites et moyennes entreprises ou des très petites entreprises. On ne se montre jamais assez rigoureux pour vérifier si l’argent a été bien utilisé et, surtout, s’il a permis des véritables créations d’emploi.

Mme Annie David. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 61 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 72 rectifié bis n'a plus d'objet.

Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 151 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller.

L'amendement n° 193 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article L. 262-41 du code de l'action sociale et des familles.

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 151.

M. Jean Desessard. Cet amendement tend à supprimer les dispositions relatives au contrôle du train de vie de la personne, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, comment peut-on évaluer le train de vie d’une personne ? C’est très subjectif.

Ensuite, si l’on commence à vérifier son train de vie, jusqu’où ira-t-on dans le contrôle social ?

En outre, étant politiquement favorable à un revenu inconditionnel, cette mesure me pose problème.

J’irai même plus loin, monsieur le haut-commissaire. Il y a un an et trois mois, lors de l’examen du projet de loi TEPA, je vous avais indiqué, quand vous êtes venu défendre la partie du texte qui vous concernait – pas celle des 15 milliards d’euros pour les plus riches, mais celle des 25 millions d’euros pour les plus pauvres –, que j’étais pour un revenu d’existence. Or, avec la mise en place du RSA, vous allez être confronté au décalage qu’il peut y avoir entre, d’un côté, une personne dont le salaire est compris entre le SMIC et 1,2 SMIC et, de l’autre, les personnes aidées. Vous allez donc entrer dans un système de véritable contrôle social. Mais c’est votre logique, et vous la défendez.

Personnellement, je suis pour l’attribution d’un minimum social à chaque personne, y compris aux salariés, y compris aux plus riches, y compris à ceux qui bénéficient du bouclier fiscal. Bien sûr, en contrepartie, je suis pour que ceux qui bénéficient des plus hauts salaires paient un impôt sur le revenu beaucoup plus élevé.

Je pense que la logique, à terme, pour que chacun puisse vivre décemment, c’est qu’il y ait un revenu d’existence universel pour toute personne. Cela évitera les effets de seuil.

Pour en revenir à l’amendement n° 151, je suis donc contre les dispositions qui établissent un contrôle du train de vie, non seulement parce que cela paraît difficile, mais aussi parce qu’une politique de l’inconditionnalité du minimum social supprimerait ce problème.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 193.

Mme Annie David. Parce que des hommes et des femmes bénéficient d’une aide sociale, il faudrait tout accepter à leur encontre, y compris le contrôle de leur train de vie. Et gare à celui ou à celle qui possédera par héritage ou grâce à une situation antérieure son appartement ou son propre véhicule !

Mais jusqu’où ce contrôle ira-t-il ? Le bénéficiaire devra-t-il véritablement faire la preuve de sa pauvreté pour continuer à bénéficier du RSA ? Faudra-t-il le maintenir dans cette pauvreté ? N’aura-t-il pas le droit d’aller au cinéma avec ses enfants, par exemple, parce qu’il aura su gérer correctement son peu de revenu ? Ne pourra-t-il plus aller manger une crêpe avec eux ou leur offrir une glace en été pour leur faire plaisir ? Ne pourra-t-il pas leur acheter des vêtements neufs ou quelques jouets ? Sera-t-il toujours obligé d’aller dans les magasins de hard discount pour se nourrir ? Faudra-t-il qu’il reste perpétuellement pauvre pour continuer à bénéficier du RSA ? Si les grands-parents décident d’emmener leurs petits-enfants passer quelques jours à la mer ou à la montagne, cela sera-t-il compté dans le train de vie ?

Quand on parle de train de vie, je pense, pour ma part, aux patrons qui, après avoir licencié des milliers de personnes, quittent une entreprise avec un parachute doré leur assurant, à eux et à leurs enfants, une vie tranquille. Oui, je pense à ces patrons qui ont tant d’argent qu’ils dépensent pour dépenser, en achetant des choses complètement inutiles dont ils n’ont absolument pas besoin.

Il est indécent et indigne d’appliquer un contrôle de train de vie aux bénéficiaires du RSA. D’ailleurs, quand on parle de train de vie, ce n’est pas à eux que je pense en premier. Une vague de transparence semble aujourd'hui atteindre de nombreuses institutions, et je m’en réjouis : cela permettra de comparer les trains de vie de chacun !

Mme la présidente. L'amendement n° 152, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller, est ainsi libellé :

I. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 262-41 du code de l'action sociale et des familles, après les mots :

des éléments du train de vie,

insérer les mots :

hors patrimoine professionnel,

II. - Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 262-41 du code de l'action sociale et des familles, après le mot :

immobilier

insérer les mots :

, non-professionnel

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Au sujet des amendements précédents, nous sommes d’accord pour lutter contre le trafic illicite et le travail dissimulé ; nous ne sommes pas pour le travail clandestin. Mais les services fiscaux et l’inspection du travail sont déjà là pour s’en charger, et il n’est pas nécessaire d’ajouter un contrôle par les référents ; c’est toute la différence !

J’en viens à l’amendement n° 152, qui vise à protéger les travailleurs indépendants, notamment les non-salariés du secteur agricole, contre les contrôles abusifs de leur train de vie.

En effet, leur patrimoine comporte des éléments mobiliers et immobiliers nécessaires à leur activité économique. Je propose dans cet amendement d’exclure explicitement ces éléments du patrimoine de l’évaluation du train de vie.

Je suis tout même surpris que certains sénateurs qui défendent généralement le secteur agricole et s’inquiètent des multiples contrôles ne défendent pas cet amendement, car le texte pourrait avoir de graves conséquences pour les professions libérales et les travailleurs indépendants, en particulier pour les non-salariés du secteur agricole. Comme nous en avons débattu ce matin, les travailleurs indépendants et certains entrepreneurs agricoles qui n’ont pas les moyens de vivre peuvent bénéficier du RSA. Mais je suppose que ces sénateurs défendent une catégorie un peu plus aisée…

M. Alain Fouché. Toujours les mêmes thèmes !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Le contrôle du train de vie n’est pas fait par des inspecteurs de police, il est réalisé au fur et à mesure des entretiens avec les référents, qui s’intéressent à ce qui se passe dans l’existence des bénéficiaires.

M. Jean Desessard. C’est bien ça, le problème !

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. En ce qui concerne les amendements identiques nos 151 et 193, il ne serait pas juste, me semble-t-il, d’accorder le RSA à des personnes qui disposeraient de rentes leur permettant de vivre qu’ils auraient éventuellement cachées.

Cette disposition existe déjà pour les bénéficiaires du RMI et de l’API. Elle avait été introduite par la loi du 23 mars 2006 relative au retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

Quant à l’amendement n° 152, il vise à exclure le patrimoine professionnel des éléments du train de vie du bénéficiaire, puisque celui-ci est nécessaire à l’activité économique. J’ignore la raison pour laquelle la prise en compte de ce patrimoine a été prévue. Aussi, je sollicite l’avis du Gouvernement, et je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Le Gouvernement rappelle qu’il n’est pas prévu d’ajouter de nouveaux éléments de contrôle au train de vie.

Les dispositions qui ont été prises sur le fondement de la loi du 23 mars 2006 et par le décret du 28 janvier 2008 ne visent pas à sanctionner les personnes qui auraient caché une chaîne hi-fi, une Twingo ou une mobylette ! Cependant, un président de conseil général ayant versé un RMI, demain un RSA, ne doit pas se voir reprocher par ses administrés les conditions de vie disproportionnées de la personne concernée.

Pour éviter que ces dispositions soient injustes, l’évaluation du train de vie comporte de nombreuses règles. Par exemple, les véhicules dont la valeur vénale est inférieure à 10 000 euros ne sont pas pris en compte. Au-delà de 10 000 euros, on divise la valeur par quatre. Ainsi, une Mercedes-Benz classe A, B, C ou SLK, une BMW série 3 ou 5 qui vaut 40 000 euros n’est prise en compte qu’à hauteur de 25 % de sa valeur, soit 10 000 euros.

M. Guy Fischer. Vous pensez à tout !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Voilà ce qui est écrit dans le décret !

M. Guy Fischer. C’est un décret scélérat !

Mme Catherine Procaccia. Ce sont des mots !

M. Alain Fouché. Monsieur Fischer, votre terminologie est mal adaptée !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Pour des capitaux mobiliers à hauteur de 100 000 euros, nous ne prenons en compte que 10 % : voilà ce qui est écrit dans le décret !

Les coefficients d’abattement sont extrêmement forts afin de ne pas priver d’une prestation des gens dont le train de vie serait deux, trois, quatre, cinq, voire dix fois supérieur au seuil.

Toute une série de dispositions figure en outre dans ce décret. D’ailleurs, vous qui êtes des élus de terrain, je ne pense pas qu’une seule personne soit venue se plaindre à vous d’avoir été exclue du RMI sur le fondement du décret relatif au train de vie !

M. Jean Desessard. Alors, à quoi ça sert ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Il permet d’exclure les cas disproportionnés.

C’est la raison pour laquelle nous ne proposons ni de revenir sur des dispositions qui ont déjà été votées, ni de les aggraver. Nous sommes défavorables aux amendements nos 151 et 193.

L’amendement n° 152, proposé par M. Jean Desessard, tend à préciser que les biens à usage professionnel ne sont pas retenus dans l’évaluation du train de vie. Il se trouve que ne sont pas visés par le décret tous les biens mixtes, qui peuvent avoir un usage professionnel et privé.

Je suis donc favorable à cet amendement, à condition que le décret exclut non seulement les biens à usage professionnel, mais aussi les biens ayant un usage mixte, professionnel et privé. Nous n’allons tout de même nous mettre tout à coup à jouer les inspecteurs devant chaque allocataire du RSA ! J’espère que vous en conviendrez.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 151 et 193.

Mme Raymonde Le Texier. Ce contrôle du train de vie est antipathique et choquant.

Je pensais que vous aviez sûrement de très bonnes raisons de le mettre en place, monsieur le haut-commissaire. Je regrette que nous ayons voté ce matin en faveur de l’amendement prévoyant qu’on ne demande pas leurs feuilles d’imposition aux ressortissants européens, au prétexte que nous ne sommes pas tous imposés de la même manière. Quand vous évoquiez les contrôles de train de vie, j’imaginais que vous vous référiez à certains abus constatés dans des provinces un peu chic de notre pays concernant des ressortissants européens qui viennent habiter chez nous, au soleil, et qui perçoivent le RMI alors qu’ils louent une superbe maison quelque part en Europe,…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. À Bruxelles !

Mme Raymonde Le Texier. …dans le Sussex ou ailleurs.

Mais lorsque j’entends vos explications, monsieur le haut-commissaire, je tombe des nues ! En effet, personne n’est venu se plaindre auprès de moi, ni auprès d’aucun d’entre nous, je suppose, qu’on lui avait supprimé le RMI parce qu’il possédait une Mercedes ! Les gens qui perçoivent le RMI dans mon département ne roulent pas en Mercedes !

M. Alain Fouché. Cela dépend de la valeur de la Mercedes !

Mme Raymonde Le Texier. En revanche, ma voiture ne valant que trois francs six sous, peut-être devrais-je penser à demander le RSA ? (Sourires.)

Vous avez énuméré des éléments, monsieur le haut-commissaire, pour nous expliquer comment était évalué le train de vie – la valeur estimée d’une voiture, etc. –, c’est vraiment petit !

On ne touche pas aux parachutes dorés, ni aux stock-options…

M. Alain Fouché. C’est grotesque !

Mme Raymonde Le Texier. Vous dites que mes propos sont grotesques, mais je suis choquée. Ces petits calculs nous déshonorent.

M. Alain Fouché. Pensez au Crédit lyonnais !

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis. Il ne faut pas être sénateur si on ne supporte rien !

Mme la présidente. Veuillez poursuivre, madame Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Si la voiture vaut plus d’une somme déterminée, on réduit le RMI : ce flicage est absolument insupportable !

Connaissez-vous, mes chers collègues, la proportion de gens qui trichent aux ASSEDIC, au RMI ? Nous sommes en train de stigmatiser toute une catégorie d’individus pour 0,7 % de profiteurs. Moi, cela me choque profondément !

Mme Catherine Procaccia. Cela ne me choque pas du tout !

Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Madame Le Texier, j’ai beaucoup d’estime pour vous, mais vous n’arriverez pas, au détour de ce texte et malgré tous vos efforts, à me faire passer pour une sorte de contrôleur social au moment où l’on instaure une prestation supplémentaire.

Je suis en train d’évoquer des dispositions adoptées depuis des années, dont le décret d’application a été rédigé de la manière la plus protectrice possible, en divisant par quatre la valeur des biens afin de ne pas devoir demander des comptes à la vue de la première belle voiture.

Alors que je vous explique pourquoi ces dispositions sont protectrices, vous me caricaturez d’une manière indigne. J’en ai supporté beaucoup, et je trouve que cela suffit ! Je demande une brève suspension de séance, madame la présidente.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Joseph Kergueris, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 151 et 193.

M. Joseph Kergueris. Avant de nous faire des procès d’intention, mieux vaut revenir à la réalité.

Parmi nous siègent aujourd'hui plusieurs présidents de conseil général qui, à ce titre, dirigent également des commissions permanentes chargées de représenter leur institution dans des contentieux.

En l’occurrence, il s’agit de dossiers portant sur des revenus annuels pouvant atteindre 60 000 euros, voire 100 000 euros. En effet, lorsqu’il s’agit de personnes dont les revenus ne dépassent pas quelques milliers d’euros annuels, la collectivité départementale n’exige pas obligatoirement de remboursement et préfère transiger. Pour que le département puisse ester en justice, il faut que son action soit fondée sur des textes juridiques, faute de quoi aucune intervention ne serait possible.

Par conséquent, il n’y a aucune intention maligne de notre part. Au contraire, notre démarche est même inspirée par les autres bénéficiaires de minima sociaux, qui nous sollicitent pour mettre fin aux abus. Certes, – j’en conviens bien volontiers – il s’agit de cas marginaux. L’arbre ne doit pas cacher la forêt. Mais, au nom d’un principe d’équité, et par respect pour les personnes qui perçoivent des allocations, il faut que nous puissions disposer d’instruments juridiques en cas d’éventuels contentieux. Or ces outils sont très, parfois trop, détaillés, car la France est un État de droit où les textes sont souvent d’une rare précision.

C’est pourquoi nous souhaitons que certaines mesures soient adoptées. Je pense notamment – je rejoins M. le rapporteur pour avis – à des dispositions relatives à la vérification comptable.

En effet, de telles mesures constituent l’une des meilleures manières de nous rapporter à des listes d’attribution, d’éviter des retards ou de constater si d’éventuels abus apparaissent ici ou là. Cela permet d’éviter des démarches de contrôles policières, presque inquisitoriales, sur les personnes. Il vaut mieux relever des anomalies que de faire poursuivre par des agents ou des inspecteurs des personnes dont la candidature au RMI ou à d’autres minima sociaux semble suspecte. D’ailleurs, ces individus sont, par nature, présumés innocents.

Par conséquent, de telles précisions juridiques ou comptables seraient protectrices du citoyen.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je suis tentée de souscrire au propos de notre collègue Joseph Kergueris.

D’ailleurs, voilà quelque temps, les parlementaires communistes avaient proposé l’institution de la Commission nationale des aides publiques aux entreprises. Celle-ci, qui avait des déclinaisons locales, visait à permettre aux conseils régionaux et aux conseils généraux accordant de l’argent public aux entreprises de demander des comptes sur l’utilisation de ces fonds, notamment afin de vérifier si les engagements pris étaient bien respectés.

Or, dès son retour au pouvoir, la droite s’est empressée de supprimer cette commission.

M. Alain Fouché. Mais le contrôle existe toujours ! Simplement, il s’effectue désormais par étapes !

Mme Annie David. Nous comprenons bien la nécessité de contrôler l’utilisation des fonds publics. Simplement, nous réclamons qu’un tel contrôle ne s’effectue pas uniquement à l’encontre des bénéficiaires des minima sociaux.

M. Alain Fouché. Sur l’argent public, le contrôle existe !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. La véritable interrogation est de savoir qui sera chargé d’exercer le contrôle.

En effet, lorsqu’une personne ayant un revenu annuel de 100 000 euros – je reprends l’exemple que vous avez mentionné, monsieur Kergueris – fait une demande de RMI, le véritable problème, ce n’est pas le principe de cette allocation, c’est le travail clandestin ! Et nous sommes tout à fait favorables à ce que le travail clandestin fasse l’objet d’un contrôle. Nous sommes pour que les salariés paient des cotisations sociales et que la concurrence entre les différentes activités soit loyale.

Par conséquent, je le maintiens, nos interrogations portent non pas sur le contrôle dans son principe, mais sur les acteurs qui seront amenés à l’exercer. Avec le système qui nous est proposé, c’est au référent qu’il appartiendra de vérifier le train de vie du bénéficiaire de l’allocation.

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Pas forcément ! Cela pourra être l’organisme payeur !

M. Jean Desessard. Pour ma part, je ne suis pas opposé aux contrôles par principe. Je trouve tout à fait normal qu’un inspecteur du travail se rende dans une entreprise ou qu’un inspecteur des impôts aille dans un restaurant pour contrôler ses recettes. Je ne suis donc pas hostile à l’idée qu’une personne exerçant une activité illégale pour 100 000 euros annuels fasse l’objet d’un contrôle. Je me demande simplement à qui reviendra la charge d’exercer ce contrôle.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 151 et 193.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 152.

M. Jean Desessard. Le Gouvernement a émis un avis favorable sur l’amendement n° 152, tout en me demandant de procéder à une petite modification.

Or, comme vous le savez, depuis ce matin, je préfère éviter de me lancer dans des rectifications. On m’a déjà rétorqué aujourd'hui que ma proposition ne tenait pas la route d’un point de vue juridique. Cela a énervé tout le monde, y compris moi. Je ne souhaite donc pas que le cas de figure se reproduise.

Aussi, j’aimerais comprendre en quoi consiste exactement la position du Gouvernement sur l’amendement n° 152. Je ne tiens pas que soit soumise au vote de notre Haute Assemblée une nouvelle mesure si c’est pour entendre Mme le rapporteur, dont je respecte totalement le travail, affirmer que ma proposition ne tient pas la route juridiquement.