Mme Nicole Bricq. Exactement !

Mme Annie David. Ne vous méprenez toutefois pas sur la nature de mes propos : le groupe CRC n’est pas favorable à la généralisation de ces éléments de rémunération, qui sont par nature aléatoires et individualisés.

Le salaire doit être la juste rémunération de la force de travail et assurer les moyens nécessaires à l’existence de chaque salarié dans les conditions d’aujourd’hui, en dehors de tout autre élément de rémunération.

M. Guy Fischer. Très bien !

Mme Annie David. Il doit assurer une véritable garantie et reconnaissance des qualifications et des compétences du salarié.

L’intéressement et la participation affaiblissent la part des salaires dans les revenus du travail et ils sont des facteurs d’inégalités et de discriminations entre les salariés.

Or le patronat a un vieux rêve : pouvoir payer les salariés différemment les uns par rapport aux autres, et ce d’un mois sur l’autre. Voilà qui rappelle fortement le travail à la tâche, comme cela avait cours au début du XIXe siècle !

Ce projet de loi se situe dans cette logique, puisque les critères de rémunération deviennent de plus en plus individualisés. Votre volonté de généraliser les stock-options contribuera à cette individualisation, tout en légitimant ces pratiques. Vous êtes gagnant sur les deux tableaux, monsieur le ministre !

Le développement de l’intéressement et de la participation aura également pour conséquence de créer un nouveau manque à gagner pour les comptes sociaux, mais aussi pour les salariés, puisque ces rémunérations ne sont pas intégrées dans le calcul de la retraite.

Mais ces dispositions ne sont pas les seules à recueillir notre réprobation.

Malgré les modifications apportées par l'Assemblée nationale, l’article 3, qui crée un groupe d’experts chargé de se prononcer « chaque année sur l’évolution du salaire minimum de croissance et de l’ensemble des revenus » et qui avance au 1er janvier la date de réévaluation du SMIC, ne trouve pas grâce à nos yeux.

Combinées, ces deux dispositions auront pour effet de déconnecter la réévaluation du SMIC des réalités sociales de notre pays, car seuls seront pris en compte les critères économiques. C’est l’annualisation programmée du SMIC, qui n’est rien d’autre qu’une vieille revendication du MEDEF, relayée encore récemment par Mme Parisot.

Monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission des affaires sociales, vous m’avez affirmé qu’il n’y aurait pas d’annualisation. J’aimerais que vous le confirmiez aujourd’hui.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je vous le confirme !

Mme Annie David. Par ailleurs, le déroulement des carrières dans l’entreprise doit être déconnecté de la fixation du SMIC, mais aussi rapproché de la politique salariale et sociale au sein de l’entreprise.

Quant aux articles 4 et 5, qui conditionnent les exonérations de cotisations sociales à l’obligation de négociations et imposent de prendre en compte les minima de branche pour le calcul des exonérations sociales, ils ne sont pas à la hauteur des enjeux.

En effet, la sanction prévue par l’article 4 est légère – homéopathique, pourrais-je dire ! Le problème n’est pas tant l’absence de négociations que le résultat auquel elles peuvent conduire, car elles se soldent trop souvent par des constats de carence.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est un début !

Mme Annie David. Le dispositif prévu par l’article 5 n’aura d’impacts positifs que pour les minima sociaux, sans effet incitatif sur l’éventail des salaires.

Je ne m’attarderai pas sur les articles insérés sur l’initiative des députés, que j’évoquerai plus longuement lors de la discussion des amendements.

Mais je tiens à dire dès à présent que nous ne pouvons accepter l’extension de la participation aux chefs d’entreprise et à leurs conjoints dans les entreprises de 250 salariés, ou encore le principe de l’adhésion automatique à un PERCO, qui concurrence ainsi – pour le supplanter un jour, sans doute –notre système de retraite par répartition, fondé sur la solidarité intergénérationnelle et non sur l’épargne individuelle et les fonds de pension.

Ai-je besoin de rappeler que, de juin 2007 à juin 2008, la tempête financière a déjà réduit de 1 000 milliards de dollars – soit environ 10 % – la valeur des actifs détenus par les fonds de pension privés et publics aux États-Unis, mettant gravement en péril le niveau des retraites ?

M. Guy Fischer. Voilà la réalité !

Mme Annie David. En conclusion, ce projet de loi accentue les mécanismes d’individualisation des rémunérations mis en œuvre depuis un an par le Gouvernement, sans apporter de réponse concrète et immédiate aux attentes légitimes de nos concitoyens : hausse des salaires, des retraites et des minima sociaux. Pis, il aggrave la situation de nos comptes sociaux.

Et ce n’est pas l’amendement n° 20 rectifié du Gouvernement déposé à la dernière minute et visant à généraliser les stock-options qui changera la donne, monsieur le ministre !

Nous voterons donc contre ce projet de loi, qui sert d’alibi au Gouvernement sans pour le moins du monde corriger ni même renier ce système capitaliste auquel vous êtes farouchement attaché ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, mes chers collègues, comme l’a indiqué M. Xavier Bertrand, ce projet de loi a lui aussi pour objectif l’amélioration du pouvoir d’achat des salariés. Il s’inscrit donc bien dans la droite ligne des réformes déjà engagées par le Gouvernement et que le groupe UMP a soutenues.

Ce nouveau texte s’attache non seulement à l’intéressement et à la participation, mais aussi à l’épargne salariale à travers les PEE et le PERCO. Il porte également sur les négociations salariales.

Par conséquent, ce texte doit agir comme un aiguillon sur le dialogue social auquel je suis attachée.

Mme Isabelle Debré, rapporteur. Très bien !

Mme Catherine Procaccia. Voilà près de cinquante ans que le général de Gaulle, convaincu qu’il pouvait exister une voie française originale pour unir le capital et le travail, instaura ces deux régimes d’épargne salariale, qui furent améliorés à plusieurs reprises. Je pense notamment à la loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social, adoptée par le Sénat au mois de décembre 2006 et dont Isabelle Debré était le brillant rapporteur.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !

Mme Catherine Procaccia. L’épargne salariale est une épargne très dynamique. En 2006, 7 milliards d'euros au titre de la participation et 7 milliards d'euros au titre de l’intéressement – soit un total de 14 milliards d’euros – ont été versés à chaque fois à près de 5 millions de salariés.

Xavier Bertrand et Isabelle Debré ayant décrit très clairement les deux systèmes, je n’y reviendrai pas. En revanche, j’insisterai sur les objectifs de cette réforme.

En favorisant l’intéressement, il s’agit de remédier à une réelle inégalité entre les salariés. Si les deux tiers des salariés qui travaillent dans de grandes entreprises bénéficient d’un accord d’intéressement, ces accords sont quasiment absents du tissu des petites et très petites entreprises de moins de 50 salariés : alors que quatre salariés sur dix y travaillent, seuls 11 % d’entre eux en bénéficient.

L’intéressement étant facultatif, la difficulté consiste à convaincre les entreprises, notamment les PME, de s’y lancer. Pour ce faire, le texte a choisi le principe des incitations fiscales, dont le mécanisme vous a déjà été présenté.

Personnellement, monsieur le rapporteur pour avis, je ne vois pas quel autre biais aurait pu être proposé. Sans incitation fiscale, je doute que ce dispositif puisse se développer, et je ne crois pas non plus que la méthode coercitive soit possible.

C'est la raison pour laquelle je soutiendrai le texte du Gouvernement et les améliorations proposées par Mme le rapporteur. Je ne voterai donc pas l’amendement de la commission des finances, qui est un peu provocateur et ne vise pas véritablement à remettre en cause le projet de loi. Il se veut plutôt une préparation – une sorte de mise en bouche (Sourires) – à la très prochaine discussion budgétaire !

Mme Isabelle Debré, rapporteur. Très bien !

Mme Catherine Procaccia. J’espère que, malgré la crise économique annoncée, les PME se sentiront mobilisées.

M. Guy Fischer. La crise n’est pas annoncée, elle est présente !

Mme Catherine Procaccia. La disposition introduite par les députés, prévoyant l’extension de la participation, sous certaines conditions, au chef d’entreprise et à son conjoint, est une excellente disposition, de nature à inciter les PME à se lancer dans l’aventure.

Il faudrait cependant peut-être fixer un terme aux dispositions prévues par ce projet de loi, afin de savoir si la voie incitative a porté ses fruits. La date de 2012 pourrait être retenue, puisque le Président de la République a fixé comme objectif le doublement en quatre ans du montant de l’intéressement versé aux salariés.

Comme vous, mes chers collègues, j’ai entendu la déception des entreprises, pourtant vertueuses, qui ont déjà signé un accord d’intéressement avec leurs salariés, mais qui ne bénéficieront pas des avantages fiscaux fixés par ce texte, hormis si elles renégocient cet accord pour le rendre plus avantageux.

La justification en est simple : l’objectif de ce texte est bien d’étendre l’intéressement aux salariés qui n’en bénéficient pas encore et non pas de privilégier les autres.

Le dispositif actuel de participation prévoit déjà neuf cas de déblocage anticipé, qui prennent en compte de nombreux événements de la vie personnelle, Mme le rapporteur les a rappelés. Or le salarié peut avoir bien d’autres raisons de vouloir disposer de ces sommes immédiatement. Avec ce texte, il aura enfin une vraie liberté de choix. (M. le secrétaire d’État acquiesce.)

Perçue immédiatement, la participation sera soumise à l’impôt sur le revenu, comme l’intéressement. Sinon, elle sera bloquée pendant cinq ans et exonérée d’impôt. La participation pourra donc répondre à deux finalités complémentaires : accroissement immédiat du pouvoir d’achat ou épargne si la somme est bloquée. Elle pourra même remplir ces deux fonctions si le salarié en perçoit une partie et en bloque une autre. La participation acquiert donc la souplesse de l’intéressement, qui plaît tant aux salariés.

Un des sujets d’inquiétude était que cette nouvelle liberté pouvait mettre l’entreprise en difficulté. Mais seules les sommes attribuées au titre de la participation après la promulgation du texte pourront être versées, celles qui auront été constituées avant ne pouvant bénéficier de cette disposition. En d’autres termes, les stocks des cinq dernières années ne pourront être brutalement débloqués. Cette précision me semble importante pour rassurer les entreprises. Les salariés, quant à eux, pourront toujours invoquer les neuf possibilités de déblocage existantes.

Pour que les deux dispositions phares de ce projet de loi en faveur des revenus du travail se développent auprès des PME, qui en sont le cœur de cible, il faudra expliquer, rassurer et aider les petites entreprises. Les mesures fiscales qui sont créées pourront paraître complexes aux chefs d’entreprise, et la diffusion de l’intéressement touchera un nouveau public peu familier de l’épargne salariale.

Je me souviens que, fraîchement arrivée à la direction des ressources humaines de l’entreprise dans laquelle j’ai travaillé, j’ai passé trois semaines à comprendre, mais surtout à expliquer de façon simple, dans un document destiné aux salariés, les mécanismes de l’intéressement et de la participation !

Nous savons, monsieur le ministre, tout l’attachement que vous portez au SAV, le « service après vote » ! Il est indispensable au succès de ce texte.

Le projet de loi concerne également les salaires.

Le Président de la République s’était engagé, pendant la campagne présidentielle, à imposer aux entreprises une politique du « donnant-donnant ».

M. le secrétaire d'État l’a rappelé, si les entreprises ont l’obligation de conduire des négociations annuelles sur les salaires, toutes ne jouent pas le jeu.

Ainsi, 25 % d’entre elles omettent de tenir compte de cette obligation légale. D’ailleurs, elles n’en respectent pas bien d’autres, en toute impunité. Citons l’établissement du rapport sur les salaires entre hommes et femmes auquel vous êtes, je le sais, très attaché, monsieur le ministre.

Le projet de loi prévoit que les entreprises de plus de 50 salariés, qui, en 2009, se déroberont à l’obligation annuelle d’ouvrir une négociation sur les salaires devront rembourser 10 % des allégements de charges reçus en 2008.

Je salue cette disposition car, comme le disait M. le secrétaire d'État, ouvrir des négociations est tout de même à la portée de tous. Aboutir à un accord, comme le faisait remarquer Mme le rapporteur, c’est autre chose. Mais l’ouverture de négociations conduit les parties à se parler, voire à se comprendre. C’est le premier niveau du dialogue social !

Se pose aussi la question délicate des sept branches dans lesquelles les minima sont actuellement en dessous du SMIC. Ce texte les incite à négocier sous deux ans, sinon, à partir de 2010, les allégements de charges seront diminués à proportion de l’écart entre le SMIC et les minima salariaux de la branche. À cet égard, 200 000 salariés sont concernés, soit un nombre important !

Le dispositif peut paraître sévère, puisque toutes les entreprises d’une même branche sont susceptibles de voir leurs allégements de cotisations sociales réduits du seul fait de leur appartenance à cette branche.

C’est pourquoi j’apprécie l’esprit de l’amendement présenté par Mme le rapporteur, au nom de la commission des affaires sociales, même si je considère qu’il peut être amélioré par le biais d’un autre amendement tendant à conditionner l’entrée en vigueur du dispositif à l’absence d’une nette amélioration d’ici à deux ans du nombre de branches qui n’ont pas remis leurs minima à niveau.

Mme Isabelle Debré, rapporteur. Je suis tout à fait d’accord !

Mme Catherine Procaccia. J’en viens à la question de la fixation du SMIC.

Un paradoxe subsiste. Le SMIC a certes régulièrement progressé ces dernières années, mais la rémunération des salariés a, quant à elle, stagné. L’évolution de la rémunération plancher ne se répercute pas sur la grille salariale, ce qui est particulièrement préjudiciable pour ceux dont la rémunération se situe en bas de l’échelle.

Le constat d’une insuffisante expertise économique préalable à la fixation du SMIC a été fait à plusieurs reprises, et dernièrement, cette année même, par le Conseil d’orientation pour l’emploi.

Le projet de loi examiné et modifié par l’Assemblée nationale prévoit qu’un groupe d’experts fera chaque année des propositions publiques de revalorisation du SMIC, propositions qui obligeront un gouvernement qui ne suivrait pas cet avis à s’en expliquer.

Je souhaite seulement que ce collège d’experts ne comprenne pas seulement des économistes, car l’approche de ces derniers risque d’être trop convergente. Or c’est de la diversité des approches que naîtra la richesse !

Enfin, le texte prévoit que la revalorisation du SMIC se fera, à partir de 2010, au 1er janvier. Connaissant bien le fonctionnement des entreprises, je pense que cette disposition de bon sens favorisera une négociation collective salariale plus efficace, quelles que soient les branches. Madame le rapporteur, comme vous pouvez le constater, sur ce point, je suis beaucoup moins réservée que vous.

Enfin, je veux indiquer d’ores et déjà que l’amendement gouvernemental tendant à encadrer l’attribution de stock-options aux dirigeants me satisfait totalement.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je vous remercie, madame le sénateur.

Mme Catherine Procaccia. Subordonner une telle attribution à l’existence d’un accord d’intéressement ou de participation ou son extension à tous les salariés me paraît être une mesure d’équilibre et de justice sociale.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme Catherine Procaccia. J’espère, pour ma part, que les deux amendements que j’ai déposés rencontreront le même soutien que celui que j’apporte à ce texte. Il ne s’agit pas, je le précise, de politique du donnant- donnant.

Le premier de ces amendements concerne les agents généraux d’assurance. Il avait été adopté au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2006 puis « retoqué » lors de l’adoption par le Sénat de nouvelles dispositions. Le second, très pragmatique, est relatif au versement de la participation au titre de 2008

Je tiens, pour conclure, à saluer la qualité du travail de Mme le rapporteur et de M. le rapporteur pour avis, dont les amendements, s’ils sont adoptés, permettront d’enrichir le projet de loi.

Mieux associer les salariés à la marche des entreprises en permettant le partage des richesses est un facteur important de cohésion sociale, notamment dans une conjoncture économique difficile. Aussi le groupe UMP approuve-t-il cette réforme. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette réforme de l’épargne salariale et de la politique salariale traduit un esprit d’équité et un nouvel équilibre dans les rapports sociaux internes à l’entreprise. Le projet de loi que nous soumet le Gouvernement élargit les possibilités de participation des salariés aux performances de l’entreprise en prenant en compte les difficultés de la situation actuelle et en offrant une souplesse jouant sur l’incitation plutôt que sur la contrainte.

M. Xavier Bertrand, ministre. Exactement !

M. Aymeri de Montesquiou. Un chiffre résume l’ampleur du chantier auquel s’attelle ce texte : aujourd'hui, 5 millions de Français sont couverts par un accord d’intéressement. Ce chiffre peut paraître important, mais il ne représente qu’un tiers des salariés. L’accès à l’intéressement demeure tributaire de la taille des entreprises : moins de 10 % des salariés des entreprises comptant entre 10 et 49  salariés bénéficient de l’intéressement, contre 20 % dans les entreprises employant de 50 à 99 salariés et près de 70 % dans les entreprises de plus de 1 000 salariés. Il existe donc une inégalité, voire une véritable iniquité liée à la taille de l’entreprise.

Afin d’inciter les entreprises à conclure des accords d’intéressement, l’article 1er institue un crédit d’impôt égal à 20 % des sommes versées à ce titre pendant six ans. C’est une bonne décision.

Deux mesures nouvelles complètent ce dispositif. D’une part, le bénéfice de ce crédit d’impôt est étendu aux entreprises qui modifieraient, par voie d’avenant, l’accord d’intéressement en cours pour accroître les sommes versées aux salariés. D’autre part, les entreprises qui concluraient un accord d’intéressement ou un avenant à un tel accord pourront accorder à leurs salariés, avant le 30 septembre 2009, une prime d’un montant maximal de 1 500 euros exonérée de cotisations de sécurité sociale, conformément à toute distribution effectuée au titre de l’intéressement.

Un second chiffre mérite d’être rappelé : chaque année, plus de 7 milliards d’euros sont distribués aux salariés au titre de la participation, soit un versement moyen de 1 300 euros par salarié suivi d’une période de blocage pendant cinq ans.

L’article 2 a pour objet de mettre fin au principe de la non-disponibilité de la participation pendant cette période bloquée. Il prévoit d’offrir aux salariés le choix de percevoir immédiatement les sommes versées à ce titre, en acquittant l’impôt sur le revenu, ou de les bloquer pendant cinq ans pour profiter d’une exonération fiscale. Les modalités de versement de la participation sont ainsi alignées sur celles de l’intéressement.

Avec ce nouveau dispositif plus clair, les salariés pourront choisir de mobiliser ces sommes soit pour consommer, soit pour investir. Ils disposent donc de la liberté de choix qui caractérise ces dispositions nouvelles.

Ces deux réformes ont une ambition commune, à savoir répondre à la préoccupation partagée par tous nos concitoyens quant au pouvoir d’achat, et nous permettent d’améliorer ce dernier.

À ceux qui pourraient s’interroger sur le nombre et sur la diversité des mesures prises, je rétorque que l’on ne peut refuser aucune piste ; tous les leviers doivent être utilisés pour répondre au défi lancé à notre pays, à notre économie, à nos entreprises et à nos salariés, pour relancer la progression du pouvoir d’achat, pour conforter nos entreprises, source d’emploi la plus importante. Votre texte y concourt, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État.

De plus, je veux rappeler que le Gouvernement a engagé une action très volontaire en proposant, depuis le début de la législature, trois textes ayant des applications en matière de pouvoir d’achat. Les mesures contenues dans le présent projet de loi marquent une nouvelle étape de cette politique en faveur du pouvoir d’achat. Il est d’autant plus impératif pour notre économie de faciliter le dialogue social dans nos entreprises à un moment particulièrement critique sur le plan national et international. Nous devons encourager les plus petites d’entre elles à proposer la mise en place de l’épargne salariale à l’occasion de la conclusion des accords d’intéressement.

L’annonce de ce projet de loi a suscité quelques craintes et interrogations parmi les chefs d’entreprise ou les gestionnaires de l’épargne salariale. Nombre d’entre eux sont circonspects à l’égard des changements de législation et de l’alourdissement de la réglementation en matière d’épargne salariale. Je suis absolument convaincu que ces mesures incitatives les rassureront.

Les organisations syndicales ont manifesté des réserves ; décrivant l’intéressement et la participation comme des « substituts aléatoires aux salaires », elles considèrent que les mesures en cause ne permettront pas d’améliorer le pouvoir d’achat. À mon sens, les salariés leur donneront tort, car ils considèrent comme juste d’être eux aussi concernés lorsque l’entreprise réalise de bons résultats.

M. Xavier Bertrand, ministre. Oui !

Mme Isabelle Debré, rapporteur. Bien sûr !

M. Aymeri de Montesquiou. Ce n’est pas en multipliant les contraintes que l’on développera l’intéressement, la participation et l’épargne salariale : il faut que la mise en place de ces systèmes dans les entreprises suscite l’intérêt des salariés.

Le mécanisme du crédit d’impôt relatif à l’augmentation de l’intéressement va injecter un supplément de revenus du travail et de pouvoir d’achat dans notre économie. Il représente, certes, une dépense fiscale nouvelle, mais, inversement, il va mécaniquement apporter des recettes fiscales supplémentaires, et ce à plusieurs titres. Les salariés paient sur l’intéressement disponible l’impôt sur le revenu, la CSG et la CRDS ; les entreprises paieront désormais le forfait social de 2 % que nous examinerons dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ces nouvelles recettes vont quasiment équilibrer le coût de ce crédit d’impôt.

Dans le contexte économique actuel, nous devons soutenir les entreprises qui feront des efforts pour accroître l’intéressement. Ce crédit d’impôt les y incitera toutes, et plus particulièrement les PME. Il ne remet nullement en cause le caractère aléatoire de l’intéressement. Il nécessite la mise en place ou la renégociation des accords d’intéressement, dans un dialogue social renouvelé. Il traduit un état d’esprit. Il permettra d’augmenter le nombre de salariés bénéficiaires de l’intéressement.

Si nous ne mettons pas en place ce crédit d’impôt, les salariés seront pénalisés.

Non seulement la dégradation économique n’enlève rien à la pertinence de ce crédit d’impôt, mais elle en renforce la nécessité en donnant une marge de manœuvre supplémentaire aux entreprises et aux salariés. Nous devons donc l’adopter.

Je veux à nouveau souligner la logique du libre choix des salariés quant à l’usage de la participation. Aujourd’hui, lorsque l’entreprise distribue de la participation, cette dernière représente en moyenne 19 % du bénéfice. Des différences importantes doivent cependant être notées selon les secteurs. Il ne semble pas raisonnable de vouloir transformer la formule légale actuelle en faisant distribuer par les entreprises le tiers de leur bénéfice fiscal ; cela risquerait, en période de trésorerie très tendue, de les affaiblir. Surtout, nous ne devons ni alourdir les charges des entreprises dans le contexte actuel ni déterminer de manière rigide dans la loi la répartition des résultats, au détriment des salaires ou de l’investissement.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Sur ces deux points, je souhaite le rétablissement du texte du Gouvernement, qui traduit une ambition à la fois juste et réaliste.

Soyons convaincus de la nécessité d’une modernisation des dispositifs d’épargne salariale au profit d’une plus grande cohérence et d’une plus grande lisibilité, tant pour les salariés que pour les dirigeants d’entreprise. Je partage aussi le souci du chef de l’État de répondre sans retard aux inquiétudes des Français sur le pouvoir d’achat : j’estime, à ce propos, que le présent projet de loi, qui favorise la mobilisation de l’intéressement et de la participation, y contribuera de façon décisive.

C’est pourquoi, avec nombre de mes collègues du RDSE, j’invite la Haute Assemblée à soutenir les propositions novatrices de votre texte, monsieur le ministre. Elles vont, je le répète, dans le sens d’une plus grande équité et d’une plus grande solidarité à l’intérieur de l’entreprise.

Ayant été profondément marqué par le rugby, j’estime que ce texte favorisera au sein de l’entreprise le sentiment concret d’appartenir à une équipe. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme Isabelle Debré, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’avantage des formules toutes faites, c’est qu’elles marquent durablement les esprits crédules. En l’espèce, « travailler plus pour gagner plus » constitue un exemple de choix, une perle rare ! (Marques d’ironie au banc des commissions.)

Nous ne démontrerons pas une énième fois en quoi ce sophisme révèle une vision obtuse, qui vénère le quantitatif au détriment du qualitatif.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et vous, pour mieux vous comprendre, il faut réfléchir plus…

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Or l’inconvénient des slogans et des promesses de campagne, qui sont souvent des formules simplistes, c’est que la réalité est toujours un peu plus compliquée.

La phrase : « Je serai le président du pouvoir d’achat » nous permet d’en faire l’expérience cruelle, et pas seulement pour le Président de la République, malheureusement.

Monsieur le ministre, ce projet de loi est le quatrième texte en un an à afficher sans vergogne une volonté de revaloriser le pouvoir d’achat, après la loi TEPA, c'est-à-dire la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, le projet de loi pour le pouvoir d’achat – rien de moins ! –, qui prévoyait le rachat des RTT, enfin le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, soit quatre textes en moins d’un an !

À trois reprises, la majorité a prétendu améliorer la situation de millions de Français et réussi surtout à provoquer la réticence des employeurs, à rendre visibles des heures supplémentaires préexistantes et à grever les finances publiques, sans créer d’emplois !

À ce jour, seule une entreprise sur cinq propose le rachat des jours de RTT, et bien peu de salariés le demandent.

Or, comme les enquêtes d’opinion le montrent unanimement, les salariés, notamment les cadres, sont attachés à leurs RTT, d'ailleurs bien utiles dans ces moments de crise aux entreprises, qui s’en servent pour amortir leurs difficultés croissantes liées à la baisse de leurs carnets de commandes.

De même, le déblocage de la participation était censé, en 2008, atteindre 12 milliards d’euros, ces sommes devant se diriger préférentiellement vers la consommation. Or il n’en a rien été.

Il est vrai qu’il n’est pas simple de prôner la constitution d’une épargne dite « de longue durée » en vue de la retraite par capitalisation et, dans le même temps, de multiplier les mesures de déblocage afin d’inciter les salariés à soutenir la consommation en dépensant immédiatement ces mêmes sommes !

Trois textes en un an... Quel aveu de l’inefficience de vos mesures ! Et pour être bien sûrs qu’ils ne fonctionnent pas, vous en ajoutez encore un. Nous voilà donc à quatre textes !

Le Parlement s’apprête à examiner le présent projet de loi pour savoir ce que vous nous avez concocté, au beau milieu d’une crise systémique qui révèle à quel point les rémunérations annexes ont pu entraîner des dérives et creuser le fossé entre, d’une part, les plus riches, munis de parachutes dorés et de boucliers fiscaux, et d’autre part, ceux dont il faudra bien améliorer véritablement le pouvoir d’achat avant que tout n’explose !

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, que contient donc ce projet de loi ? Cinq articles seulement, c’est vite vu...

Le premier instaure un crédit d’impôt au profit des entreprises concluant un accord d’intéressement et prévoyant le versement d’une prime exceptionnelle.

Cette disposition coûtera aux finances publiques la bagatelle de 377 millions d’euros en 2010, de 783 millions d'euros en 2011 et de plus de 1 200 millions d’euros en 2012 ! Croyez-vous que le moment soit bien choisi pour adopter une telle mesure ?