M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec le budget de la sécurité civile, nous sommes dans un cas d’école de délestage de l’État au détriment des collectivités locales. Ce n’est pas un fait nouveau, mais, cette année, cela prend une ampleur accrue en raison du contexte général très défavorable aux finances des collectivités territoriales.

Il y a beau temps que je dénonce les risques du double pilotage de la sécurité civile en France : l’État édicte et impose des normes ; elles ne sont pas toujours pertinentes.

Madame le rapporteur pour avis, j’ai été intéressé, lors d’une visite à vos côtés dans un établissement prestigieux de Paris, d’apprendre que les vêtements en tissu ignifugé, dont nous avons doté à grand prix nos sapeurs-pompiers, ne sont guère plus protecteurs, voire quelquefois moins – ils présentent des inconvénients soulignés par les professionnels –, que les vêtements en cuir qu’ils portaient auparavant. Si ce nouvel équipement a été imposé, c’est parce que les États-Unis l’avaient adopté, et ce sous la pression du lobby textile. M. le président de la commission était témoin.

Il y a là matière à réflexion pour notre État et pour les institutions européennes. Il y a surtout matière à trouver un moyen pour que les avis des élus soient pris en compte, notamment sur le rapport efficacité-coût des mesures proposées, en particulier des nouvelles normes.

Concernant le budget de cette année, l’augmentation de 1,66 % des crédits alloués à la mission me semble largement en trompe-l’œil. Je remarque d’abord qu’elle est nettement inférieure à l’inflation, qui est l’ordre de 3 %.

Ensuite, les exigences de nos concitoyens, notamment en termes de secours aux personnes, sont quasi-exponentielles : c’est là une évolution qui n’avait pas du tout été prévue lors de la départementalisation des SDIS et qui grève lourdement les budgets des collectivités pour une mission dont on peut difficilement dire qu’elle ne soit pas d’intérêt national.

Enfin, la modicité de la part de l’État, 420 millions d’euros sur les 4,2 milliards d’euros des dépenses des SDIS en 2007, fait que cette part est dix fois plus importante pour les SDIS que pour l’État. Il est vrai que l’on peut ajouter à la part de l’État les financements relatifs aux sapeurs-pompiers de Paris, aux marins-pompiers et les crédits d’autres ministères.

Mais le résultat est là et la part des collectivités dans ce financement a augmenté de 50 % depuis 2000.

On sait à quoi est due cette situation : la croissance incontrôlée du secours à personne, qui représente désormais 65 % des interventions.

Avec 8 % des sorties consacrées au feu, voire moins de 2 % affectés aux incendies d’immeubles, les « soldats du feu » portent de moins en moins bien leur qualificatif, et sont de plus en plus des auxiliaires de santé qui devraient être de plus en plus financés par la sécurité sociale.

Il est, de ce point de vue, tout à fait satisfaisant de constater que le travail de la commission quadripartite mise en place au début de l’année a été très positif pour fixer les responsabilités de chacun et reconnaître les services de la sécurité civile comme maillon indispensable de la chaîne sanitaire. En clair, si les SDIS n’existaient pas dans nombre de départements, les SAMU ne pourraient pas fonctionner.

Mais, dans le même temps, le montant versé par les établissements de santé au titre du défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés reste fixé à 105 euros, sans revalorisation, et est très inférieur à ce que touchent les ambulanciers privés.

Par ailleurs, l’indemnisation des SDIS par les hôpitaux pour les interventions médicales d’urgence à domicile appelle un financement adapté, qui n’est toujours pas établi. Je le répète, si l’adoption d’un référentiel de l’organisation des secours, qui permet d’assurer une sécurité accrue de nos concitoyens, est satisfaisante, l’œuvre ne sera achevée que lorsque les collectivités territoriales seront justement indemnisées pour cette tâche d’intérêt national.

Je passe sur le désengagement de l’État concernant les investissements. Certes, le montant ne décroît pas, mais, depuis deux ans, le FAI est essentiellement orienté vers les investissements du réseau de transmission ANTARES, et les montants annuels des dotations en autorisations de programme ne cessent de diminuer, pour ne plus représenter aujourd’hui que le tiers du montant initial.

Je terminerai cette courte intervention en évoquant une situation pour le moins incongrue, qui a connu des évolutions récentes et que le Gouvernement ne manquera pas de corriger dans les meilleurs délais ; je veux parler des règles applicables à l’administration comme aux entreprises pour l’emploi des travailleurs handicapés.

Dans le public comme dans le privé, obligation est faite, on le sait, d’employer 6 % de personnes handicapées. Il se trouve que les SDIS sont soumis à cette mesure, alors même que les pompiers doivent être aptes à l’exercice physique. Si l’on voulait transférer l’obligation d’emploi de ces personnes handicapées sur les seuls services administratifs et techniques, on atteindrait des pourcentages peu raisonnables, soit, pour le SDIS de mon département, près de 40 % de l’effectif desdits services.

Pour le secteur privé, un certain nombre de professions sont exclues du calcul de l’effectif assujetti : une trentaine de métiers sont concernés, tels les maçons qualifiés, les ambulanciers, les couvreurs qualifiés et les pompiers. Pourquoi les pompiers professionnels employés par les SDIS ne bénéficient-ils pas d’une telle dérogation ? Voilà une anomalie à corriger le plus rapidement possible.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je veux dire d’emblée que je m’associe aux hommages qui ont été très légitimement rendus à toutes ces femmes et tous ces hommes qui assument des missions de sécurité civile tant sur notre territoire qu’à l’extérieur.

Bien que la sécurité civile soit une mission régalienne de l’État, son budget reste modeste. Il l’est d’autant plus si on le compare avec l’ensemble de la mission « Sécurité », qui s’élève à 16,6 milliards d’euros, ou encore avec le budget des SDIS, qui est de 4,2 milliards d’euros. Il est regrettable que la présente mission occulte l’effort financier consenti par les collectivités territoriales en la matière, elles qui prennent en charge une part beaucoup plus importante que l’État dans les missions de secours, donc des dépenses qui en découlent.

Loin de le reconnaître, vous préférez stigmatiser les collectivités territoriales et les SDIS, qui dépenseraient trop par rapport à l’État, lequel serait vertueux et maîtriserait ses dépenses.

Depuis 2001, date de l’achèvement de la départementalisation, les dépenses des SDIS ont augmenté de 45,8 %, alors que le nombre de leurs interventions a crû de 8,4 %. Ainsi, le budget primitif des SDIS a dépassé 5 milliards d’euros en 2007. Ce montant représente une hausse de 20 % par rapport au compte administratif pour 2006 et une hausse cumulée de près de 40 % par rapport à celui pour 2004.

N’est-ce pas là la conséquence de la loi du 3 mai 1996 relative aux services d’incendie et de secours et de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, qui a entraîné une mise à niveau des SDIS, dont l’impact financier se fait ressentir depuis ?

N’est-ce pas dû au désengagement de l’État, qui se décharge de ses compétences sur les collectivités territoriales sans en assumer la compensation à un niveau suffisant ?

L’État a le devoir d’assurer ses missions régaliennes de sécurité civile sur tout le territoire et de manière équitable. Il s’agit là d’une question d’égalité des citoyens devant le service public.

Alors que le Gouvernement prône la pause dans les dépenses publiques et vante les bienfaits de la RGPP, le tout dans un contexte de crise financière et économique, les dépenses des SDIS vous apparaissent alors comme une provocation. Mais les SDIS ne comblent-ils pas les insuffisances de l’État, qui ont été relevées dans le rapport spécial de M. Ginesta ou encore dans le rapport pour avis de Mme Troendle ?

Pour réaliser des économies, vous évoquez le regroupement des casernes, des SDIS, voire des centres de formation. Mais qui dit regroupements, dit fermetures, lesquelles ne sont pas sans nous rappeler les fermetures de casernes militaires, de tribunaux ou encore d’hôpitaux de proximité, le tout bien entendu dans la perspective d’engager la réforme des territoires que le Gouvernement prépare et qui ne présage rien de bon pour l’avenir.

Si une large majorité des actions des SDIS – 65 % d’entre elles – concerne le secours à la victime et l’aide à la personne hors cas d’incendie, cette tendance est certainement plus à mettre sur le compte de l’insuffisance de la présence médicale dans certains secteurs de France, singulièrement ruraux, que sur celui d’appels abusifs. Cette situation est plus la conséquence de la réforme de la permanence des soins qui amène les populations, singulièrement en milieu rural où la démographie médicale est en chute libre, à appeler systématiquement les services de secours d’urgence. Il est à craindre que cette situation ne perdure, et ce malgré votre projet de « référentiel commun », qui vient d’être rejeté par la Conférence nationale des services d’incendie et de secours.

Concernant le Fonds d’aide à l’investissement, créé par la loi de finances de 2003 afin de soutenir les SDIS dans leurs efforts d’investissements en matière d’équipements et de matériels, il sera doté, pour 2009, de 24,4 millions d’euros en autorisations d’engagement. Prenant prétexte de la faible consommation des crédits de ce fonds, de la libération tardive des montants perçus, de l’absence de transparence et du saupoudrage des crédits, le Gouvernement diminue progressivement, année après année, l’enveloppe prévue en sa faveur.

Cette situation démontre, là encore, non seulement le désengagement de l’État en matière de sécurité civile, mais également sa volonté de reprendre ses deniers pour maîtriser la dépense publique.

Par ailleurs, au regard de la situation de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris, dont Mme Troendle, qui s’est rendue sur place, dresse un tableau assez noir dans son rapport pour avis, …

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis. Pas trop noir quand même !

Mme Éliane Assassi. … que comptez-vous faire, madame le ministre ?

Je ne peux pas terminer mon propos sans évoquer la situation des sapeurs-pompiers volontaires, qui représentent près de 80 % des effectifs de sapeurs-pompiers, mais dont le nombre ne cesse de baisser depuis 2004, alors que celui de leurs interventions augmente.

À cet égard, il conviendrait de conforter le volontariat, en poursuivant notamment les efforts sur le statut, la formation et la disponibilité.

À la lumière de ces observations, les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre ce budget qui ne permettra toujours pas de répondre aux enjeux fixés en matière de sécurité civile ni aux attentes de la population, laquelle reste pourtant très attachée à un service public gratuit et de qualité.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, mes chers collègues, comme mes autres collègues, je ne dispose que de cinq minutes pour parler d’un budget dont la discussion ne doit pas occuper notre assemblée plus d’une heure. Dans ces conditions, vous me permettrez d’être direct et d’aborder les quelques sujets qui me paraissent importants à traiter pour éviter que notre système de sécurité civile ne dérape ou ne se grippe.

Dans le projet de loi de finances pour 2009, l’État supporte 415 millions d’euros au titre de la mission « Sécurité civile ». Si l’on y ajoute la BSPP, le BMPM, le bataillon de marins-pompiers de Marseille– cher à notre président de séance ! –, et les crédits d’autres ministères, nous arrivons à un total de 1,365 milliard d’euros, à comparer aux 5,3 milliards d’euros dépensés par les SDIS.

Le rapport des dépenses entre la mission première « Sécurité civile » et celle des SDIS est donc de un à dix. Pourtant, l’État n’a toujours pas véritablement intégré la nécessité de reconnaître les exécutifs des SDIS comme des partenaires majeurs.

Je me permettrai de vous préciser l’état d’esprit des présidents de conseils généraux et des présidents de conseil d’administration des SDIS et d’exposer leur conception de la gouvernance de leur établissement public, qui doit reposer sur des relations de bonne intelligence entre l’État et les représentants des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires.

Madame le ministre, vous avez dû avoir quelques échos de notre dernière conférence nationale des services d’incendie et de secours, au cours de laquelle sa composante « élus » s’est largement exprimée pour préciser avec force que la méthode utilisée devait être remise à plat.

Dans cette partition à trois mains – SDIS, État et sapeurs-pompiers –, il faut garder à l’esprit que les élus occupent une place à part entière, surtout dans un système d’essence démocratique. En tant que premiers financeurs au travers de leur collectivité de rattachement, ils doivent avoir la main pour décider ; ils n’accepteront plus de se la voir forcer.

Je puis malheureusement vous donner quelques exemples de ce qu’il ne faudra plus faire.

Il ne faudra plus lancer l’idée d’un texte réglementaire revalorisant la fonction de sapeur-pompier volontaire avec un impact financier important – 60 millions d’euros, selon les premières estimations de l’époque – sans qu’il y ait eu d’échanges prospectifs et techniques avec les élus.

Il ne faudra plus rendre, à la veille de l’été, des arbitrages confidentiels sur les contingents communaux augmentant la pression sur les finances départementales. Le Premier ministre a tranché la question sans aucune information des présidents de SDIS.

Il ne faudra plus non plus négocier des référentiels relatifs au secours à personnes sans engager le moindre échange avec ceux qui auront à en assumer le financement, lequel ne peut qu’exploser en raison de la désertification médicale et des carences des SAMU.

Il faudra stopper la prolifération des textes statutaires et des normes. À titre d’exemple, le fait de changer la norme fixée pour les gants entraîne un coût de 3 millions d’euros.

Il faudra fournir des études d’impact financier des mesures envisagées avant de mettre les arrêtés à la signature.

II ne faudra pas réfléchir dans le secret des cabinets sur la création de « généraux civils ». Si certains ont à l’esprit une telle mesure, celle-ci ne passera pas ! Nous ne connaissons que trop les glissements pyramidaux et leur impact financier. Si l’État veut nommer des généraux, qu’il les finance !

Les commissions de sécurité, totalement indépendantes du fonctionnement des SDIS, qui sont sous l’entière responsabilité de l’État pour leur gestion, mais sont financées à 100 % par les collectivités, doivent être prises en charge par l’État. Le SDIS paie et l’État dispose !

Le FAI doit devenir transparent. Actuellement, ses moyens fondent comme neige au soleil, probablement sous l’effet du réchauffement de la planète ! Le prétexte avancé par l’État d’une mauvaise utilisation de ce fonds par les collectivités n’est pas intellectuellement honnête. Nous ne pouvons appliquer la règle qui nous impose d’utiliser ces crédits sur l’année d’attribution, puisque les contraintes des marchés publics font que les achats ne peuvent se solder pendant cette même année.

Nous vivons également l’anomalie d’un service bicéphale, exception française : les élus financent et gèrent, tandis que l’État prend la main dès que les pompiers deviennent opérationnels hors de leur caserne.

Pour un esprit cartésien, à l’heure de la RGPP, le système en vertu duquel celui qui gère n’est pas celui qui utilise doit être revu.

Acceptez, madame le ministre, d’examiner au fond le problème de la dualité, afin de voir s’il est possible de le clarifier. Sur plus de 3 millions de sorties, savez-vous combien de fois les préfets ou maires ont pris la tête des opérations hors leur très rare présence en tant que spectateur ? À mon avis, ce doit être de l’ordre de un pour cent mille, voire de un pour un million.

L’État doit faire des choix !

Il doit choisir son interlocuteur direct : l’employeur ou l’employé. Actuellement, l’État s’adresse à l’employeur après avoir négocié les réformes envisagées avec les employés. Transférer ce mode opératoire dans les collectivités n’est pas imaginable. Le patron d’une collectivité est l’élu, c'est-à-dire le maire, par exemple, et non le directeur des services. L’État doit accepter que celui qui paie commande et décide.

Dans la mesure où la loi nous a confié la responsabilité des services départementaux d’incendie et de secours, nous avons besoin que l’État nous communique des expertises et des analyses de prospective susceptibles de nous permettre d’anticiper l’évolution des métiers liés à la sécurité civile.

II faut que la direction de la sécurité civile joue auprès des élus des SDIS le rôle qu’elle jouait auprès de l’État avant la départementalisation. La problématique « pompiers » doit être traitée transversalement au niveau de l’État, afin d’éviter les effets collatéraux des dispositions de portée générale, à l’instar de la NBI, la nouvelle bonification indiciaire, dont les conséquences ont été très sensibles sur nos finances.

Bien entendu, si l’État considère qu’il doit garder la main – à la limite, pourquoi pas ? –, alors que les élus ont consenti des efforts considérables pour remettre les SDIS à niveau en dix ans – les chiffres sont éloquents –, ceux-ci sont prêts à confier à l’État la responsabilité pleine et entière des SDIS : financement, gestion et mode opérationnel.

M. Éric Doligé. C’est le cas à Paris : l’État assume cette responsabilité, et dans des conditions exemplaires ! Je me permets de rappeler que les sapeurs-pompiers de Paris sont des militaires.

Comme vous pouvez le constater, madame le ministre, je vous ai indiqué très directement l’état de nos réflexions.

Quoi qu’il en soit, je voterai les crédits de la mission « Sécurité civile ». Il se peut d’ailleurs que ceux-ci soient portés à 5 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2010 si l’État décide de reprendre à sa charge la totalité de cette mission, que d’autres assument actuellement pour lui, sans en tenir véritablement les rennes.

M. Albéric de Montgolfier. Ce serait une bonne idée !

M. Éric Doligé. En tant que ministre chargée des collectivités territoriales, vous connaissez nos contraintes budgétaires, ainsi que l’impact des décisions de l’État sur nos finances, madame le ministre. Aussi aimerions-nous ne pas être soumis à des pressions financières insupportables au niveau des SDIS. Nous vous laissons le choix, madame le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, madame le rapporteur pour avis, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, les menaces qui pèsent sur la sécurité de nos concitoyens sont aujourd’hui globales, protéiformes et multiples. C’est la raison pour laquelle nous abordons en même temps les questions de la sécurité et de la protection civile.

Les forces de sécurité civile ont pour mission de protéger les Français en tout temps, en tout lieu, contre tous les risques, qu’ils soient quotidiens ou exceptionnels, naturels ou industriels.

Il est de ma responsabilité de moderniser les forces de sécurité civile pour qu’elles répondent aux nouvelles formes de menaces. C’est ma première priorité !

Le projet de budget de la mission « Sécurité civile » repose sur deux exigences : répondre aux préconisations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et mieux coordonner les moyens de secours.

Le Livre blanc place en effet la sécurité civile au cœur de la nouvelle stratégie nationale de sécurité, exactement au même titre que la sécurité intérieure. C’est pourquoi je me réjouis de la convergence temporelle de l’examen des projets de budget de ces deux missions.

Néanmoins, vous n’êtes pas sans savoir, mesdames, messieurs les sénateurs, que je n’ai pas attendu le Livre blanc pour réorganiser les services du ministère de l’intérieur selon cette vision prospective. Ainsi que je vous l’avais annoncé l’an dernier, j’ai créé une délégation à la prospective et à la stratégie au sein du ministère, pour renforcer nos capacités d’anticipation et d’adaptation face à l’évolution des grands enjeux nationaux et internationaux, de l’état des menaces et des vulnérabilités.

J’ai bien compris, monsieur Doligé, que vous souhaitiez participer à la réflexion menée sur ces points. Je suis évidemment favorable à ce que les rapports de cette délégation concernant la sécurité civile puissent vous être remis. C’est une bonne façon de travailler et de réfléchir ensemble sur les besoins.

Par ailleurs, la direction de la planification de sécurité nationale, que j’ai également créée auprès du secrétaire général, aura pour mission d’élaborer, d’actualiser et de suivre les plans qui relèvent de ma responsabilité directe. Outre la planification de défense civile, la sécurité des systèmes d’information et l’intelligence économique, cette nouvelle direction animera aussi le réseau des préfets de zone dans l’exercice de leur mission de défense civile.

Les préfets de zone ne se déplacent pas, au quotidien, sur tous les incidents, mais ils jouent pleinement leur rôle dans les événements majeurs. Nous avons pu encore le constater récemment, lorsque des inondations ont frappé le sud-est de la France, ou, l’été dernier, quand une tornade a touché le département du Nord.

De plus, un centre interministériel de crise sera mis en place à la fin de l’été 2009 dans les locaux mêmes du ministère, place Beauvau. Il pourra accueillir en permanence toutes les composantes interministérielles concernées et les plus hautes autorités de l’État en cas de catastrophe nationale majeure.

Le projet de budget pour 2009 donne les moyens opérationnels et immobiliers nécessaires pour poursuivre la mission de protection des Français dans le cadre de la responsabilité de l’État.

S’agissant, en premier lieu, des moyens opérationnels, vous n’êtes pas sans connaître, mesdames, messieurs les sénateurs, le risque NRBC, qui peut provenir soit d’attentats terroristes, soit de catastrophes industrielles.

Deux avancées portent spécifiquement sur ce risque NRBC.

D’une part, des moyens de protection contre cette menace doivent être acquis et mis à la disposition des SDIS. Les capacités de décontamination seront triplées jusqu’à deux cents chaînes, de façon à répondre à un événement qui concernerait un grand nombre de personnes ou à plusieurs événements qui se produiraient simultanément en plusieurs endroits sur le territoire national. De la même façon, un parc de seize « véhicules » de détection, de prélèvement et d’identification biologique et chimique sera constitué. Il est évident que de tels investissements doivent être réalisés au niveau de l’État.

D’autre part, les équipements des services opérationnels de la direction de la sécurité civile, la DSC, – les formations militaires et le service du déminage en matière de lutte contre la menace NRBC – seront renforcés.

Face à cette menace nouvelle, à laquelle nous ne songions pas voilà encore quelques années, nous devons faire preuve d’anticipation et nous tenir prêts à agir.

Au-delà de la menace NRBC, d’autres moyens d’intervention, plus classiques, seront confortés. Ainsi, les transports héliportés d’urgence seront renforcés avec l’acquisition de deux hélicoptères EC-145 et d’un hélicoptère EC-225 pour la Martinique et La Réunion, ainsi que de deux hélicoptères Dauphin pour la Polynésie Française, de façon à accompagner l’outre-mer qui, de par son isolement, a davantage besoin de notre soutien pour accompagner le désengagement de certaines forces militaires.

En matière de lutte contre les feux de forêt, les flottes de camions-citernes de l’Unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile seront progressivement renouvelées et dimensionnées aux différents terrains d’emploi ; je pense notamment à la Corse. Il faut, à chaque fois, avoir des retours d’expérience, afin d’adapter au mieux nos moyens.

S’agissant des moyens immobiliers, les efforts de réhabilitation et de sécurisation des infrastructures immobilières de la direction de la sécurité civile seront poursuivis.

Cinq opérations de mise aux normes et de sécurisation des sites de stockage des munitions récupérées avant destruction sont prévues à Caen, Vimy, Suippes, Laon et Bordeaux. Le bâtiment d’hébergement de l’Unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile de Nogent-le-Rotrou sera, quant à lui, restructuré.

Ma seconde priorité consiste à mieux coordonner les moyens de secours relevant de la politique interministérielle de sécurité civile.

La loi de modernisation de la sécurité civile de 2004 charge l’État de garantir la cohérence de la sécurité civile sur le plan national, d’en définir la doctrine et d’en coordonner les moyens.

Il ne s’agit pas ici de nier ou de minimiser le rôle joué par les SDIS, pas plus que l’effort financier qu’ils accomplissent. Mais, que je sache, le Parlement n’a pas à se prononcer sur les budgets des SDIS !

J’ai d’ailleurs entendu un certain nombre d’inexactitudes. Madame Assassi, je n’ai jamais envisagé la fermeture de casernes de sapeurs-pompiers, d’autant que ces décisions relèvent de la compétence des conseils généraux… Quand on examine un projet de budget, il faut se concentrer sur les éléments qu’il contient ! Je vous ai également entendue dire, madame la sénatrice, que la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, la CNIS, aurait désapprouvé le rapport. C’est faux : il a été approuvé ! Un arrêté ministériel doit être soumis à la CNIS en février 2009. Vous devriez veiller à ne pas énoncer des contre-vérités.

Revenons-en aux moyens de secours relevant de la politique interministérielle. De nouvelles interventions structurantes sont prévues par le projet de budget pour 2009.

Tout d’abord, une action de modernisation de l’alerte aux populations sera menée sur cinq ans. Bien entendu, les sirènes seront conservées, mais les systèmes d’alerte seront modernisés, notamment grâce aux téléphones portables, aux ordinateurs de poche ou encore aux panneaux urbains électroniques d’information, qui constituent des moyens rapides et efficaces d’alerte en cas de crise.

De la même façon, pour la prévention et l’alerte des aléas marins, et en particulier des tsunamis – même s’il est moins important chez nous que dans d’autres régions du globe, le risque de tsunami existe également sur nos côtes –, un Centre régional d’alerte aux tsunamis pour l’atlantique nord-est et la méditerranée occidentale, le CRATANEM, sera créé et connecté au système rénové d’alerte des populations.

Enfin, la migration de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris vers l’infrastructure nationale partagée de transmission ANTARES renforcera l’interopérabilité de cette unité avec l’ensemble des SDIS de France. Ainsi, 25 % des pompiers utilisent déjà ce réseau numérique partagé avec les forces de sécurité. Son infrastructure, financée par l’État, remplace progressivement les réseaux des départements.

Madame Troendle, je partage l’attention que vous portez à la BSPP. Je souhaite rappeler que, compte tenu des fortes sollicitations que connaît cette unité, des efforts de rattrapage importants ont été consentis dans le cadre du plan de modernisation : 750 militaires ont été recrutés, dont 20 officiers et 144 sous-officiers.

Au-delà, et pour répondre à des préoccupations exprimées sur toutes les travées de cette assemblée, j’ai décidé de créer une commission « Ambition volontariat ». Le volontariat est en effet au cœur du dispositif de sécurité civile, puisque trois interventions sur cinq sont assurées par des volontaires.

Les mesures du plan d’action en faveur de la disponibilité des volontaires commencent à porter leurs fruits : 8 000 conventions ont été signées avec les employeurs des volontaires et 2 millions d’euros de crédit d’impôt ont été affectés par l’État à l’application de la loi relative au mécénat. Ces conventions sont importantes et j’ai d’ailleurs veillé à ce que le ministère de l’intérieur, à l’instar du ministère de la défense, d’autres ministères et de grands organismes publics comme La Poste, y participent également.

Cette commission conduira également une réflexion pragmatique et prospective pour encourager et consolider le volontariat dont nous avons absolument besoin.

C’est aussi une meilleure coordination qui doit nous permettre de gagner en rationalisation et en performance : des outils de pilotage ont été mis en œuvre par l’État au titre de la loi de finances pour 2007. Ils commencent aujourd’hui à porter également leurs fruits. Ainsi, les élus locaux ont pu ramener l’an dernier à 2 % la progression des budgets des SDIS. L’augmentation des dépenses devient donc plus raisonnable, d’autant que des efforts très importants ont été accomplis en la matière dans les années précédentes.

Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’État, quant à lui, assumera ses responsabilités financières, au moyen du fonds d’aide à l’investissement des SDIS, de la prestation fidélisation-reconnaissance, du régime d’indemnisation des sapeurs-pompiers et de la participation au financement de l’ENSOSP.

Au-delà du domaine financier, l’État assumera également ses responsabilités « en nature », par un certain nombre de moyens nationaux, la prise en charge des renforts interdépartementaux, qui jouent un grand rôle en cas de catastrophe exceptionnelle, les crédits des autres programmes ministériels.

Je voudrais souligner que les crédits de la mission ne traduisent que partiellement l’engagement de l’État. Si l’on intègre l’apport de la participation des autres ministères, l’engagement de l’État s’élève à plus de 972 millions d’euros. Et si l’on inclut la BSPP et la Brigade des marins-pompiers de Marseille, nous arrivons même à 1,365 milliard d’euros.

S’agissant plus particulièrement du FAI, je rappelle qu’aux crédits inscrits s’ajoutent ceux qui sont consacrés à la réalisation de l’infrastructure ANTARES.

En outre, en pérennisant les contingents communaux, comme nous venons de le faire, c’est le lien entre les SDIS et les collectivités territoriales, en particulier les communes, qui se trouve réaffirmé.

Je comprends que l’évolution du financement des SDIS soit une préoccupation. Je rappelle simplement à ceux qui l’auraient oublié que l’État ne doit compenser que les seuls crédits qu’il consacrait à une mission au moment où celle-ci est décentralisée. C’est la règle constitutionnelle ! Il est vrai que, le plus souvent, des événements futurs ou la volonté de perfectionnement des départements, que je salue, font que des dépenses supplémentaires sont engagées. Mais la compensation du transfert est assurée à l’euro près.

L’État souhaite accompagner la rationalisation engagée en permettant, justement, que l’évolution du financement des SDIS ne soit pas supérieure à l’inflation.

Je veux rassurer M. Doligé, que je félicite de sa brillante réélection à la présidence de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours : l’État entend donner un nouveau souffle au dialogue, indispensable, qui a été engagé avec les élus départementaux en 2004. C’est pourquoi j’ai souhaité que tout projet réglementaire ou normatif soit étudié le plus en amont possible de son application. Cela relève d’ailleurs de la compétence de la Commission consultative d’évaluation des normes.

Mme Troendle a évoqué les difficultés que rencontrent les SDIS pour atteindre le taux d’emploi légal de 6 % de travailleurs handicapés. J’ai demandé à mon collègue chargé de la fonction publique d’examiner les conditions dans lesquelles l’exonération applicable aux entreprises privées soumises aux mêmes contraintes pourrait être étendue aux SDIS.

Par ailleurs, une réflexion globale portant sur la déclinaison du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans les trois fonctions publiques est en cours.

S’agissant de l’ENSOSP, j’indiquerai à M. Haut et à Mme Troendle que la première phase d’installation de l’école sera bien achevée à la fin de 2009, conformément au calendrier retenu. Le cadre budgétaire sera respecté, ce qui nous permettra même d’acquérir l’emprise foncière supplémentaire nécessaire à la seconde phase prévue par le contrat d’établissement.

Enfin, madame Troendle, vous estimez que la culture de sécurité civile est insuffisamment diffusée auprès des élèves. Je puis vous assurer que mes services sont pleinement mobilisés à cet égard. Outre leur rôle d’expert auprès du ministère de l’éducation nationale, ils participent à des actions de sensibilisation à l’occasion de rencontres nationales, telles que le salon Kidexpo, le salon des maires et des collectivités locales ou les journées de la sécurité intérieure, ou locales, par exemple la sensibilisation de 8 500 élèves par le SDIS du Haut-Rhin. Ces actions ont suscité un grand intérêt, notamment chez les jeunes. En outre, de nouveaux outils pédagogiques apparaîtront au premier semestre de 2009 : la revue Risques et Savoirs et un DVD ludo-pédagogique.

J’ai bien noté votre souhait que les actions de sensibilisation s’adressent plus spécifiquement aux départements ou aux localités à risques. Votre observation est tout à fait judicieuse, et je ne manquerai pas de lui faire donner une traduction concrète.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget pour 2009 vise à renforcer nos capacités de réponse à des risques toujours plus nombreux, diversifiés et globaux, et de garantir, en tout temps et en tout lieu, la qualité des secours en permettant l’intégration de tous les acteurs dans la chaîne de sécurité civile, pour une plus grande efficacité. Nous pourrons ainsi accomplir notre mission fondamentale au service des Français : protéger la vie de nos concitoyens, secourir les plus fragiles d’entre eux. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)