M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ».

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens, en préambule, à remercier chaleureusement le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy. En effet, au moment où la France, l’Europe, le monde traversent une grave crise financière et économique, ce dernier a eu le courage, l’audace et la volonté de présider aux destinées de l'Union européenne avec intelligence et pertinence.

Pendant cette période, mes chers collègues, il a su remettre chacun à sa place, au premier rang desquels les experts, qui se sont tous trompés et qui nous ont tous trompés. J’ai d’ailleurs eu le plaisir de constater, en lisant Le Figaro ce matin, que la chancelière allemande, Mme Merkel, pourtant connue pour sa prudence habituelle, partageait la même opinion sur ces experts.

Le Président de la République a également rappelé à l’ordre les banquiers spéculateurs, les priant de faire leur métier, rien que leur métier, c’est-à-dire investir dans l’économie réelle et non virtuelle.

Je forme l’espoir que le pouvoir politique, démocratique, retrouvera, à l’occasion du prochain G20 qui se tiendra à Londres en avril 2009, la place qu’il n’aurait jamais dû perdre, celle de contrôler le respect des règles d’une mondialisation loyale et d’une économie de marché régulée.

C’est dans ce contexte, mes chers collègues, que nous sommes amenés à examiner les crédits relatifs à la mission « Outre-mer » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009, lesquels appellent deux remarques de ma part.

Ma première remarque a trait à mon expérience de parlementaire. Depuis mon élection à l’Assemblée nationale en 1986, j’ai eu l’honneur de voter nombre de budgets de l’outre-mer, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. J’ai pu le constater, et vous pourrez tous le vérifier vous-mêmes, suivant que l’on appartienne à la majorité ou à l’opposition, on regarde ces différents budgets au travers d’un prisme souvent déformant, alors qu’ils sont tous à peu près similaires ; selon que l’on est assis d’un côté ou de l’autre de l’hémicycle, on vote contre ou pour !

La France, qu’elle soit de droite, du centre ou de gauche, n’a pas à rougir de ce que nous avons fait et de ce que vous avez fait outre-mer. De même, les habitants d’outre-mer peuvent être fiers de l’utilisation démocratique qui a été faite des crédits de la solidarité nationale et européenne.

Certes, tout n’est pas encore parfait : l'outre-mer compte des poches de misère intolérables, déplore un fort taux – 30 % – d’échec scolaire, voit une grande partie de sa jeunesse désabusée et pâtit d’un manque flagrant de logements.

Pour autant, si l’on regarde l’océan de misère qui nous entoure, notamment dans les Caraïbes et dans l’océan Indien, le constat est clair : nombre de pays devenus indépendants sont en proie au désespoir, quand cela ne touche pas des continents entiers. Notre appartenance à l’ensemble national et européen nous a permis de réaliser des progrès considérables dans les domaines de la santé, de l’éducation, du logement et des équipements.

M. Charles Revet. C’est vrai ! Vous avez raison de le souligner !

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jean-Paul Virapoullé. Je tiens donc, avant tout, à remercier la France et l’Europe, qu’elle soit de droite, de gauche ou du centre ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Adrien Giraud applaudit également.)

Ma deuxième remarque vous est destinée, monsieur le secrétaire d’État. Quoi qu’on en dise, dans le contexte difficile actuel, vous avez bien travaillé ! Peut-être ne devrais-je pas le dire, car vous pourriez vous endormir sur vos lauriers ! (Sourires.)

Les réformes que vous nous proposez s’articulent autour de trois axes de travail : la mission « Outre-mer », dans le cadre de la présente loi de finances ; la loi pour le développement économique de l’outre-mer, dite LODEOM, que nous examinerons dans quelques semaines ; le nouveau projet stratégique de croissance, qui, en dehors de quelques points à modifier, nous convient globalement.

C’est à partir de ces trois axes que nous voulons changer la culture de la France au regard de l’outre-mer et la culture de l’outre-mer au regard de la France.

D’abord colonies, nous sommes ensuite devenus départements en 1946. En soixante ans, nous avons accompli un chemin, certes insuffisant, mais tout de même considérable. La période de rattrapage que nous avons connue est aujourd'hui quasiment terminée. Chacun en est conscient, notamment nos anciens collègues.

Il faut donc désormais compter sur nos propres atouts, sur nos forces endogènes, ainsi que sur les capacités de la France et de l’Europe sur les plans technologique et scientifique, pour mettre en commun toutes ces ressources et franchir une nouvelle étape de croissance. Tel est bien l’objectif recherché au travers de la loi de finances pour 2009, de la LODEOM et de la nouvelle stratégie de croissance pour l’outre-mer que vous nous proposez.

Monsieur le secrétaire d'État, à vous ainsi qu’à l’ensemble du Gouvernement, j’ai envie de dire : « banco ! » Oui, nous sommes preneurs d’un nouveau projet stratégique de croissance, d’une véritable stratégie « gagnant-gagnant ». Mes chers collègues, à vous ainsi qu’à l'ensemble de la représentation nationale, j’ai envie de dire : prenez conscience de ce que représente l’outre-mer pour la communauté nationale et européenne.

L’avenir, au xxie siècle, ce sont la mer, la conquête spatiale, l’utilisation et la protection de nos forêts, ainsi que la production d’énergies renouvelables. Dans ces quatre domaines, l’outre-mer dispose d’atouts extraordinaires.

La mer, d’abord : elle nous permet de bénéficier d’un espace stratégique sur le plan militaire. En outre, l’essentiel des ressources que nous consommerons ou qui seront indispensables à l’industrialisation du pays proviendront des océans.

L’espace, ensuite : le seul endroit d’où les Européens peuvent lancer une fusée et participer ainsi à la compétition acharnée que se livrent notamment, au niveau mondial, l’Inde, la Chine, le Brésil et la Russie, c’est la Guyane.

Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi ce conseil : n’oubliez pas de donner une dimension européenne à votre stratégie de croissance nouvelle. Ayez de l’audace ! Le Président de la République et le Gouvernement en font preuve sur le territoire national pour réformer la France. Ils doivent, et nous avec eux, témoigner de la même volonté pour changer notre approche de l’outre-mer.

À cet égard, je prendrai deux exemples.

D'une part, rien n’empêche aujourd'hui l’Europe – j’ai bien dit l’Europe, car il convient dorénavant de changer de dimension – de créer, dans le domaine de la santé et de la médecine, un CHU tripolaire, comme l’ont proposé à juste titre mes collègues Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et Patrice Gélard. Il s’agirait d’une université basée dans l’océan Indien, à la Réunion, à l’île Maurice, à Madagascar, aux Comores : non plus seulement française, mais également européenne, elle deviendrait la vitrine des capacités scientifiques de l’Europe et de la France. Sa création serait un acte de solidarité à l’égard des pays qui nous entourent et permettrait de disposer, dans cette zone, de puissants moyens de recherche.

D'autre part, nous le savons, la Russie fabrique des lanceurs de satellites moins chers que la France. Pourquoi ne pas demander à l’Europe de collaborer avec la Guyane pour faire de Kourou une zone d’activité économique dédiée à la conquête spatiale ? Ainsi un certain nombre de dispositifs spécifiques, notamment législatifs, d’incitation fiscale pourraient-ils être envisagés, pour donner à cette zone les moyens de connaître l’expansion qu’elle mérite.

Tel est, monsieur le secrétaire d’État, le contexte dans lequel nous nous situons, à la veille de l’examen de la LODEOM et de la mise en œuvre d’un nouveau projet stratégique pour l’outre-mer. Nous ne quémandons pas, nous ne tendons pas la main. Nous avons les manches retroussées. Tous les hommes et les femmes d’outre-mer sont animés par la même volonté d’exister dans la compétition mondiale. Par notre travail, notre culture, nos capacités d’apprendre, de faire et de savoir-faire, nous sommes en mesure de développer nos exportations dans de nombreux domaines, notamment l’agro-nutrition et la conquête spatiale et maritime.

Mes chers collègues, ne soyons pas frileux, surtout lorsque l’on a la chance d’appartenir à une communauté aussi puissante que l’Europe et que l’on regarde le chemin déjà parcouru. Ayons le courage de dire les vérités, de montrer au Gouvernement ce qui va et ce qui ne va pas. Mais ayons aussi la volonté de sortir ces régions d’un développement aujourd’hui replié sur lui-même et d’entrer dans la compétition mondiale par la grande porte, celle de l’exportation.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai interrogé sur l’application de la taxe de 1,1 % pour financer le RSA. J’espère que vous me répondrez. Par ailleurs, le Président de la République présentera, après-demain, le contenu du plan de relance de l’économie française. À cet égard, il est une mesure qui permettrait de sauver l’économie agricole de la Guadeloupe et de la Réunion : l’énergie électrique produite à partir de la biomasse issue de la canne doit être valorisée à son juste prix. Les professionnels concernés ont saisi M. Jean-Louis Borloo du dossier, en votre présence, me semble-t-il. Si, demain, le Président de la République fait une annonce en ce sens, si vous nous soutenez dans cette démarche, d’une pierre, vous ferez trois coups : vous lancez la production des énergies renouvelables à la Réunion ; vous sauvez la canne à sucre, et la date de 2013 n’est plus fatidique ; enfin, vous permettez à la Réunion, à la Guadeloupe et à d’autres régions d’outre-mer de traverser la crise en ayant des perspectives heureuses.

Mes chers collègues, l’outre-mer est une partie intégrante de la République française. Nous avons des atouts qui sont à la disposition de la Communauté européenne et de la nation. N’ayez pas peur en pensant aux dépenses ! Gardez plutôt à l’esprit que, investir en outre-mer, c’est préparer non seulement l’avenir de ces territoires, mais aussi celui de la France et de l’Europe. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.

M. Serge Larcher. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme chaque année à pareille époque, nous devons procéder à l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ». J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer à la tribune sur le projet de loi de finances pour 2009 et, à cette occasion, j’ai rappelé qu’il s’inscrivait dans un contexte de crise économique et financière dont l’ampleur des conséquences est impossible à mesurer.

Je ne me livrerai pas à des comptes d’apothicaire ni à des batailles de chiffres. Ces derniers sont, selon le dicton, « comme les gens ; si on les torture assez, on peut leur faire dire n’importe quoi » ! Je veux être constructif : je tenterai donc de relever les aspects positifs de votre projet de budget, sans omettre toutefois ses insuffisances.

J’observe que le projet de budget anticipe, en grande partie, le futur projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, dont l’examen a été maintes fois repoussé.

D’aucuns conviennent que les crédits de la mission sont en sensible augmentation. Fort bien ! Nous parlons d’un niveau de 1,88 milliard d’euros de crédits de paiement, contre 1,62 milliard d’euros en 2008...

Cela étant dit, ces crédits ne représentent qu’une part relative – 11,4 % – de l’effort global de l’État en faveur de l’outre-mer, effort estimé à 16,5 milliards d’euros en tenant compte des 3,3 milliards d’euros de dépenses fiscales prévues pour 2009.

Vous me permettrez toutefois de noter, monsieur le secrétaire d’État, que cette augmentation de crédits est essentiellement, d’une part, le fruit de transferts relatifs aux contrats de projet passés entre l’État et les collectivités territoriales ultramarines et, d’autre part, le début d’une tentative d’apurement de l’endettement auprès des organismes de sécurité sociale, au titre des exonérations de cotisations sociales.

D’ailleurs, si cette dotation présente une progression significative par rapport à 2008 – 16 % –, elle demeure insuffisante pour financer les besoins réels en matière de compensation. L’endettement augmentera malgré tout de 76 millions d’euros en 2009.

En ce qui concerne l’action « Soutien aux entreprises », une dotation de 27 millions d’euros en crédits de paiement est destinée à financer une aide aux entreprises ultramarines pour le fret. Certes, cette somme, qui est prévue dans la LODEOM, vise à abaisser le coût du transport des matières premières ou des produits quand ils entrent dans un cycle de production locale. Mais, en réalité, elle vient se substituer à un dispositif déjà existant qui est plus avantageux pour les entreprises, à savoir, vous l’avez compris, la TVA non perçue récupérée.

En outre, saluons, dans le cadre de l’action « Collectivités territoriales », la création du fonds exceptionnel d’investissement destiné à participer au financement des équipements collectifs portés par les personnes publiques dans les départements d’outre-mer et les collectivités d’outre-mer.

Mais, là encore, ce fonds n’est doté que de 16 millions d’euros en crédits de paiement et de 40 millions d’euros en autorisations d’engagement. Nous pouvons regretter l’insuffisance notoire de ces crédits, au regard des besoins massifs dus aux retards accumulés par les collectivités ultramarines en matière d’équipements publics et collectifs.

Ajoutons notre scepticisme quant au financement de cette mesure. D’après les documents budgétaires, celui-ci est assuré par le redéploiement, à hauteur de 60 % maximum, de l’économie entraînée par la réforme de l’indemnité temporaire de retraite, l’ITR.

Or, lors de la discussion sur la mission « Enseignement scolaire » à l’Assemblée nationale, un amendement accepté par le Gouvernement a déjà réaffecté, à l’intérieur de cette mission, 10 millions d’euros devant être économisés par la réforme de I’ITR aux financements des dépenses pédagogiques pour le programme « Enseignement scolaire public du second degré ».

Mais ce n’est pas tout ! Le 30 novembre dernier, monsieur le secrétaire d’État, vous avez annoncé aux élus guyanais, sur l’antenne de RFO, une ponction de 10 millions d’euros sur ce même fonds.

En ajoutant les 10 millions d’euros d’acquisition de logiciels pédagogiques et de manuels scolaires et les 10 millions d’euros destinés à la Guyane, nous obtenons un total de 20 millions d’euros, à prélever sur une somme disponible de 16 millions d’euros.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Quelle salade !

M. Serge Larcher. « Cela ne se peut », dirait-on en cours élémentaire ! J’attends donc avec impatience et grand intérêt les explications que vous voudrez bien nous apporter à ce sujet.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Vous en avez besoin, car vous mélangez les torchons et les serviettes !

M. Serge Larcher. Je vous en prie, monsieur le secrétaire d’État ! Je n’ai absolument rien dit quand vous ne m’écoutiez pas ! Je vous prie de respecter les sénateurs, qu’ils soient d’outre-mer ou de France hexagonale, car tous sont les représentants du peuple français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Je vous redis ici mon inquiétude grandissante quant à la situation financière des collectivités ultramarines. J’entends avec anxiété la grogne des élus qui voient, au fil des années, se resserrer leurs marges de manœuvre budgétaires et se tarir leur source de financement. Le gel des dotations de toutes sortes, la baisse des compensations par l’État des exonérations de certains impôts prévue dans le projet de loi de finances pour 2009 et le recul de l’activité économique dû à la crise n’annoncent malheureusement aucune amélioration à terme.

Vous ne serez pas étonné, monsieur le secrétaire d’État, si j’évoque maintenant le logement. Ce secteur se trouve dans une situation très délicate – et c’est un euphémisme ! – sur l’ensemble de nos territoires ultramarins, particulièrement en Martinique après le passage du cyclone Dean et le séisme de 2007.

Cette année, le budget relatif au logement présente une progression significative –  19% – des crédits de paiement pour le logement locatif. Cette hausse, provenant pour partie de la possibilité prévue par la LODEOM de réorienter les dispositifs de défiscalisation du logement social, ce qui représente un complément budgétaire de 8,2 millions d’euros, sera malgré tout insuffisante pour couvrir la dette déjà existante.

Cette dette augmentera probablement cette année encore, les crédits de paiement restant insuffisants et l’écart avec les autorisations d’engagement s’accroissant de nouveau.

Cette « fuite en avant », dénoncée ici même depuis plusieurs années, est à l’origine de l’accumulation de la dette contractée par l’État auprès des bailleurs sociaux. Une partie des crédits de paiement ouverts cette année devra donc financer les impayés ou « dettes réelles » contractées envers les sociétés du secteur du bâtiment et des travaux publics.

Il n’y a donc pas, cette année, d’impulsion nouvelle en faveur du logement social.

Loin de moi l’idée de ne pas soutenir la défiscalisation des investissements dans le secteur du logement social ! Mais, monsieur le secrétaire d’État, vous choisissez des modalités plus que déconcertantes. Non seulement le mode de financement de ce transfert est prévu dans un texte qui n’a pas encore été débattu au Parlement – le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, une fois de plus –, mais encore cela vient au détriment des secteurs locatifs libres et intermédiaires.

Enfin, je constate avec une grande satisfaction que vous avez repris, dans ce même texte et avec un financement inclus dans ce projet de budget, une proposition que j’avais faite à plusieurs reprises : il s’agit de la création d’un groupement d’intérêt public « Indivision » dans le but de résoudre l’épineux problème de l’indivision en outre-mer, véritable frein à la construction de logements neufs en milieu diffus et à la rénovation de logements anciens dans les centres-bourgs.

Avant d’en arriver à ma conclusion, j’aimerais évoquer devant vous la situation des agriculteurs de Guadeloupe et de Martinique. Ceux-ci subissent de plein fouet les conséquences de l’application du plan d’action chlordécone, lequel fixe les limites maximales de résidus, les LMR, à 20 microgrammes par kilogramme pour les produits végétaux.

Cette décision, prise pour des raisons de santé publique et en vertu du principe de précaution, ne saurait être contestée. Mais, d’après les chiffres fournis par la direction départementale de l’agriculture et de la forêt, plus de 450 petits maraîchers et vivriers martiniquais et guadeloupéens sont aujourd’hui privés de revenus depuis le mois de juillet 2008, dont 210 en Martinique.

Le plan d’action chlordécone 2008-2010 prévoyait pourtant des solutions visant à soutenir et à accompagner ces petits agriculteurs antillais, qui, sans perspective d’avenir, sont au bord du découragement.

Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour user de votre force de persuasion en vue de faire appliquer les mesures incluses dans les différents plans existants et, ainsi, de remédier aux préjudices subis par ces professionnels.

Je souhaiterais évoquer rapidement la situation de l’hôpital du Carbet, actuellement au bord de l’asphyxie à la suite d’un manque de médecins pneumologues : sur cinq postes, quatre sont vacants depuis plus de trois ans en dépit de multiples démarches. Là encore, je compte sur vous pour débloquer cette situation.

Pour conclure, je souhaite rappeler ici la nécessité de renforcer les relations de coopération avec nos voisins caribéens. Très récemment, la Martinique a eu à connaître des différends avec Sainte-Lucie et la Dominique. Il y a donc une urgente nécessité à réactiver nos relations avec ces pays, notamment en matière de justice, de pêche et de protection des milieux marins. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il faut souligner d’emblée que l’effort de l’État en outre-mer reste globalement soutenu, malgré les contraintes qui pèsent sur les finances publiques de la nation, qu’elles soient liées au poids de la dette ou, plus récemment, à la crise financière internationale et au ralentissement de l’activité économique.

Mes prédécesseurs ont déjà souligné que l’ensemble des concours de l’État en outre-mer est en augmentation, passant de 15 milliards d’euros en 2008 à 16,5 milliards d’euros en 2009. De même, les crédits de 1,97 milliard d’euros alloués à la mission « Outre-mer », qui ne représentent que 15 % de cet ensemble, enregistrent une progression de 9,3 % en crédits de paiement par rapport à 2008.

Le programme « Emploi outre-mer », qui est doté d’une enveloppe de 1,191 milliard d’euros, soit 60% des crédits de paiement, constitue le premier poste de dépense de la mission. Quant au programme « Conditions de vie outre-mer », il bénéficie, comme cela a déjà été signalé, de la hausse globale de la mission et totalise 688 millions d’euros en crédits de paiement.

Enfin, conséquemment à la loi organique relative aux lois de finances, le projet de loi de finances pour 2009 s’inscrit dans une programmation pluriannuelle 2009-2011.

Qu’en est-il de Mayotte ? Mayotte participe aussi à l’effort national. Globalement, le projet de loi de finances pour 2009 que vous nous proposez pour notre île, monsieur le secrétaire d’État, se caractérise par une tendance générale à la baisse, au mieux à la stagnation. Cela inquiète fortement les Mahorais à quelques mois d’un choix décisif pour leur avenir institutionnel.

Certes, l’agriculture, la pêche et l’aquaculture bénéficient de crédits en hausse, évalués à 1,3 million d’euros pour 2009. Cela permet de soutenir la relance des exportations d’essence d’ylang-ylang et de poissons d’origine aquacole et, simultanément, de réconforter les agriculteurs victimes des dégâts de la tempête Fame, pour lesquels – il faut s’en réjouir ! – une première tranche de crédits d’indemnisation vient d’être débloquée.

Cependant, il convient de rappeler que les préoccupations majeures des exploitants agricoles de Mayotte restent, entre autres, la mise en place d’une « retraite agricole » et l’extension au secteur agricole des prêts à taux bonifiés. De même sont en hausse les transferts de crédits aux collectivités territoriales, qui s’élèvent à 68,9 millions d’euros, dont 63,2 millions d’euros constituent des prélèvements sur recettes dont on aimerait connaître l’objet, car celui-ci n’est pas précisé par les documents disponibles.

Ces recettes serviront-elles, par exemple, à éponger la dette de l’État envers la collectivité départementale de Mayotte, qui s’élève à 43 millions d’euros au titre des arriérés du contrat de plan État-Mayotte 2000-2006 et de la convention de développement 2003-2007, sachant que les 28 millions d’euros inscrits en 2008 par l’État n’ont pas encore été versés ?

En revanche, dans de nombreux domaines comme l’environnement, les dotations communales, l’éducation scolaire, etc., les crédits sont en baisse. Ainsi, les crédits alloués à l’écologie, à l’aménagement et au développement durable connaissent une chute de plus de 50 % par rapport à 2008, soit 10,2 millions d’euros en 2008, contre 4,5 millions d’euros seulement pour 2009, chute contraire aux vœux du Grenelle de l’environnement, qui vise à intégrer Mayotte dans une nouvelle donne énergétique.

Dans ce contexte, est-il étonnant que le plan d’aménagement et de développement durable de Mayotte ne soit toujours pas validé depuis deux ans ?

En outre, la dotation de rattrapage et de premier équipement des communes de Mayotte, qui s’élève à 9,2 millions d’euros en 2008, ne représente plus que 8,8 millions d’euros en 2009, alors que les besoins en équipements des communes ne cessent de croître.

En l’absence de fiscalité locale et du bénéfice des crédits de l’octroi de mer, il est urgent de compenser le manque à gagner des communes, notamment en abondant le fonds intercommunal de péréquation, dans les conditions définies par la loi n°2007-223 du 21 février 2007.

Par ailleurs, la dotation de premier numérotage des voiries communales passe de 450 000 euros en 2008 à 150 000 euros en 2009. Quant à la dotation exceptionnelle liée à la réforme de l’état civil, elle stagne à 300 000 euros par an depuis 2003.

Je partage l’avis des deux rapporteurs spéciaux de la mission « Outre-mer » : la révision à la baisse de ces diverses dotations ne se justifie absolument pas au regard des besoins immenses de Mayotte dans ces différents domaines.

J’ajoute que les deux dernières dotations que je viens de citer participent à la réalisation des outils préalables à la mise en place de la fiscalité de droit commun, à savoir l’adressage et l’évaluation, qui nécessitent du temps et des moyens.

Enfin, s’agissant de la résolution des difficultés liées à l’état civil, vous proposez, monsieur le secrétaire d’État, de faire appel à des agents communaux pour recenser environ 50 000 personnes qui n’ont pas déposé de dossiers à la commission de révision de l’état civil ou qui ne sont pas en possession de documents d’identité. Quels crédits sont-ils susceptibles d’être mobilisés pour financer le travail de ces agents recenseurs et pour assurer leur formation ?

Quant à l’enseignement scolaire, qui représente plus de 50 % du budget de Mayotte, les crédits alloués pour 2009 stagnent autour de 384 millions d’euros, dont 60,5 millions d’euros sont consacrés à l’enseignement public du premier degré, en sus des crédits inscrits à la convention spécifique de l’éducation annexée au contrat de projet État-Mayotte 2008-2014 et de la dotation de construction et d’équipement des établissements scolaires du premier degré, évaluée à 4,6 millions d’euros pour 2009.

L’évolution démographique de l’île et l’immigration clandestine justifient la solidarité de l’État envers nos communes qui n’ont pas de ressources fiscales propres, notamment pour le financement de leur plan de rattrapage en matière de construction scolaire : il faut, d’une part, résorber le déficit antérieur et, en même temps, absorber la poussée démographique dans l’enseignement élémentaire et, d’autre part, généraliser l’accueil de nos enfants de quatre ans et trois ans en école maternelle, en application de l’ordonnance du 24 décembre 2007.

Finalement, le budget de Mayotte lui-même accuse une réduction de 20 millions d’euros puisqu’il passe de 655 millions d’euros à 635 millions d’euros, ce qui diminue d’autant le revenu moyen par habitant de Mayotte, qui ne représente plus que 3 405 euros en 2009, contre 3 517 euros en 2008, et, de ce fait, place le Mahorais loin derrière son compatriote de Saint-Pierre-et-Miquelon, dont le revenu moyen est de 8 000 euros, et celui de Wallis-et-Futuna, dont le revenu moyen s’élève à 6 225 euros.

Les grands chantiers actuels de Mayotte, tels le second quai de Longoni et l’extension de l’hôpital de Mamoudzou, sont en phase d’achèvement ; les prochains chantiers soit sont en phase d’étude, comme les collèges et les lycées, soit ne sont pas encore lancés, comme les opérations inscrites dans le contrat de projet 2008-2014 et dans les conventions spécifiques, et le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer ne sera adopté qu’au début de 2009 : l’année 2009 risque par conséquent d’être une année blanche sur le plan économique et social, et donc propice aux agitations de toutes natures.

Dans ces conditions, le taux de croissance de 10 % observé au premier semestre de cette année risque de baisser. Le secteur de l’emploi qui en dépend va se dégrader. Le SMIC, qui a augmenté de 12,3 % au mois de juillet, connaîtra une évolution sans doute plus modérée. Le plan de rattrapage des minima sociaux 2007-2010, doté de 10 millions d’euros en 2007 et d’aucun crédit en 2008 et en 2009, est déjà compromis, me semble-t-il, d’autant plus qu’il prévoit l’extension de l’allocation spéciale pour personnes âgées et pour adultes handicapés qui ne semble pas, dans l’immédiat, être à l’ordre du jour.

Dans ce contexte, rappelons, monsieur le secrétaire d’État, que les instituteurs de Mayotte réclament toujours le paiement rétroactif de la dotation spéciale instituteurs à compter du 1er janvier 2008 et demandent le rétablissement de l’indexation des salaires à un taux uniforme de 2,15 points compte tenu du fort taux d’inflation à Mayotte : 5,5 % par rapport à septembre 2007, contre 1,7 % en métropole.

Sous le bénéfice de ces observations et des réponses que vous voudrez bien nous apporter, je voterai les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2009. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de l’Union centriste.)