Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne veux pas parler ici de ruralité, mais bien plutôt de ruralités. Ce pluriel est chargé de sens, du sens vrai de la réalité de nos territoires, si différents les uns des autres et si riches de ces différences.

M. Yvon Collin. C’est très beau !

Mme Anne-Marie Escoffier. Dès lors, toutes les positions doctrinales de ceux qui croient pouvoir apporter le même remède à des maux multiples, souvent bien mal diagnostiqués, sont source de vacuité et d’inefficacité. Je n’en veux pour preuve que les mesures intempestives et maladroites prises en matière de service public dans les zones rurales, dans un mépris condamnable des besoins de ces ruralités et sans tenir le moins du monde compte de l’évolution de l’espace rural.

J’avais cru que jamais ne se reproduirait la situation dramatique vécue par la Creuse, qui, rappelez-vous, monsieur le secrétaire d’État, en 2004, avait manifesté, maires en tête de cortège, sa colère face à la désertification de son territoire.

Mme Françoise Laborde. Tout à fait !

Mme Anne-Marie Escoffier. Pourtant, tout laisse à penser que les leçons de l’accablante impéritie de l’État n’ont pas été prises en compte : il nous suffira pour nous en convaincre d’entendre notre collègue Alain Fauconnier tracer le tableau affligeant de la réorganisation irréfléchie des services publics en Aveyron. D’ailleurs, chacun ici pourrait ajouter un exemple pris dans son département d’attitudes aussi absurdes qu’inopportunes.

Et pourtant, nos ruralités, à la fois espaces de nature, espaces nourriciers, espaces de « plein air », espaces à vivre, en somme, méritent un autre sort, une autre forme de respect.

Je n’ignore pas que certaines démarches ont été entreprises, notamment depuis la loi de 2005, avec la création des zones de revitalisation rurale et celle des pôles d’excellence rurale. Ces mesures ont toutes eu pour objectif de « dénouer l’opposition de destins entre un urbain et un rural qui seraient étrangers l’un à l’autre, dans leurs raisons d’être, leurs systèmes de valeurs, leurs mondes de représentations, y compris le monde politique ».

Mais je m’interroge encore, et je vous interroge, monsieur le secrétaire d’État, sur cette coupable inertie de l’État qui tarde à mettre en place par lui-même, ou à susciter en ce sens l’initiative des collectivités locales et des partenaires publics et privés, des lieux où la population pourrait trouver réunis tous les services publics ; ces lieux existent en quelques endroits et ont pour nom générique « maisons des services publics », « relais services publics », « points publics » ; ils sont des formes de guichet unique, mutualisant les informations de plusieurs services ainsi que les moyens de fonctionnement.

Cette formule ou des formules voisines se sont répandues depuis longtemps dans tous les pays d’Europe, au rythme d’ailleurs de la pénétration des techniques de l’information et de la communication sur leurs territoires. Elles ont concrètement répondu au besoin récurrent d’intermédiation de la population pour que soient ouvertes les bonnes portes d’accès aux services publics.

En France, cette forme de guichet unique serait le moyen le plus sûr de compenser la raréfaction des services publics sur nos territoires ruraux. Plutôt que de contraindre la population à se déplacer de plus en plus loin pour rencontrer les personnels chargés des services, il revient à ces personnels d’aller au-devant de la population.

Monsieur le secrétaire d’État, sans vouloir accabler davantage le Gouvernement, permettez-moi de m’interroger et de vous interroger sur la volonté avérée, concrète, de l’État d’entrer dans une réelle politique de maintien, voire de développement ou, à tout le moins, de réorganisation, des services publics en milieu rural ; sur les conséquences de la RGPP à l’échelon départemental et infradépartemental, deux niveaux d’élection pour le principe de proximité que le Gouvernement dit vouloir appliquer ; sur les avancées – mais peut-être s’agit-il de reculs ? – de la labellisation des « relais services publics » engagée dans le cadre de la modernisation de l’État.

Vous l’aurez compris, je veux encore croire à un État garant des principes d’égalité et de fraternité, inscrits dans la Constitution, à un État à la vigilance sans faille pour promouvoir une société généreuse et solidaire. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Françoise Laborde. Nous aussi !

(M. Guy Fischer remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.

M. Alain Fauconnier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre collègue Simon Sutour a été bien inspiré de poser cette question sur l’avenir des services publics dans les zones rurales. Sa question, en effet, traduit le malaise que connaissent les élus face à ce qui, au nom d’une prétendue modernisation, constitue un véritable démantèlement du ciment de la nation.

Depuis quelques années, il ne se passe pas un jour sans que les élus – en tout premier lieu les maires – apprennent la fermeture de tel ou tel service, au nom de ce qui est désormais le dogme du Gouvernement : la révision générale des politiques publiques, c'est-à-dire le « faux nez » de l’inavouable rentabilité financière.

À aucun moment les conséquences humaines, sociales et économiques qui en découlent n’ont été envisagées. D’évidence, il y en aura, et de plus onéreuses qu’on ne le croit !

Qu’on le veuille ou non, et je vous renvoie ici, mes chers collègues, aux volumes du célèbre Les Lieux de mémoire, paru sous la direction de Pierre Nora, ou à la non moins remarquable Histoire des passions françaises, de Theodore Zeldin, ce sont bien les services publics qui ont construit, au fil des décennies, le tissu dans lequel la France républicaine a forgé son identité et ses valeurs. Je veux parler des écoles, des lycées, des bureaux de poste, des tribunaux, des perceptions, des trésoreries, des hôpitaux, des unités de gendarmerie… Je ne saurais les citer tous, au risque de lasser.

Je constate, avec les historiens, que, de Lille à Montpellier, de Brest à Strasbourg, de Bayonne à Sarreguemines, du plus petit village de la Lozère au fin fond du Finistère, les services publics ont largement participé à la construction de l’identité nationale.

C’est un fait, depuis l’école du Grand Meaulnes jusqu’à la classe du philosophe Alain…

Mme Nathalie Goulet. Né à Mortagne-au-Perche !

M. Alain Fauconnier. … à l’École normale supérieure, la France était une pyramide de compétences et de savoirs dans laquelle chacun avait un rôle à jouer ; un rôle qui faisait de chacun le maillon d’une chaîne cohérente et complémentaire qui, au-delà des différences, faisait office de ciment de la communauté nationale.

Comme Voltaire qualifiait autrefois la messe d’« opéra du pauvre », n’a-t-on pas coutume de dire que les services publics sont le patrimoine des pauvres ? Les services publics sont un repère, un bien que tous les Français avaient jusque-là en commun, sans aucune distinction de classe.

Bien sûr, nous ne sommes pas figés. Je sais que tout évolue, c’est le sens de l’histoire. Pour autant, je ne suis pas persuadé que le fait de substituer systématiquement la seule logique comptable à l’esprit même d’une nation soit un bon calcul, pour le présent comme pour l’avenir.

C’est le sens du message que j’entends délivrer en tant que maire et en tant que sénateur. Je mesure toute l’importance d’une sous-préfecture, d’un commissariat de police, d’un tribunal d’instance ou d’un petit hôpital, pour ne prendre que ces quatre exemples parmi bien d’autres.

C’est dire notre inquiétude face à la généralisation progressive du délitement, voire de la destruction des services : EDF a fermé tous ses points d’accueil ; la SNCF interrompt certaines de ses lignes et la fracture numérique accentue les disparités ; l’accueil de la petite enfance se voit remis en cause par des coupes franches pouvant aller jusqu’à 40 % dans certains territoires ; La Poste est fragilisée par l’ouverture à la concurrence. Ce sont autant d’atteintes à la notion même de service public !

Quelle est la situation dans le rural profond ?

Tous ces services « physiques » sont remplacés par les centres d’appels téléphoniques, censés représenter la modernité.

Vous composez le numéro et vous entendez une voix synthétique vous expliquer que vous devez taper le 1, le 2, le 3 ou le 4 et terminer par dièse, puis vous attendez les instructions. Si vous vous trompez, vous êtes contraint d’écouter de nouveau le même message. Au troisième essai, vous avez épuisé votre interlocuteur virtuel et il n’y a plus personne pour vous répondre !

Imaginez un instant le désarroi d’une personne âgée confrontée à un problème de retraite, de MSA ou de coupure d’électricité !

Au rythme où vont les choses, il faudra bientôt que cette grand-mère possède un téléphone portable – si elle n’est pas en zone blanche – puisque, de plus en plus, les fils téléphoniques restent des mois au sol dans nos villages reculés.

Ce n’est pas de l’abandon, c’est du mépris, et une telle société va inéluctablement dans le mur !

Tous ces problèmes, y compris ceux dont je n’ai pas parlé, vous les connaissez bien, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous êtes un élu et que vous avez longtemps siégé dans cet hémicycle. Vos amis aussi sont confrontés à ces problèmes, ils les vivent quotidiennement sur le terrain, autant que nous, même s’ils n’osent pas se plaindre à haute voix, comme en témoigne notre hémicycle clairsemé.

Je voudrais évoquer brièvement trois domaines : la justice, la sécurité et la santé.

La réforme de la carte judiciaire, initiée voilà près de deux ans, a porté un sérieux coup à la cohérence du système. Je ne dis pas qu’il ne fallait pas mettre en œuvre de réforme, et celle-là était probablement nécessaire, mais je conteste la manière dont elle a été conduite, en particulier l’absence quasi totale de concertation avec les élus et les responsables professionnels.

Dans mon département, la décision de fermer le tribunal de grande instance de Millau et le tribunal d’instance de Saint-Affrique, dans ma propre commune, a été prise sans que je sois à aucun moment consulté. De même, leur fermeture, initialement prévue le 1er janvier 2011, a été subitement avancée au 1er octobre 2009, par le fait du prince, sans que les maires concernés en soient informés.

Croit-on que la délinquance et la criminalité vont baisser avec la disparition de la justice de proximité qu’illustre désormais l’obligation faite aux plaignants de parcourir en moyenne 70 kilomètres pour se faire entendre ?

Mme Nathalie Goulet. C’est scandaleux !

M. Alain Fauconnier. La sécurité sera-t-elle mieux assurée lorsque les quelques gendarmes restants passeront la moitié de leur temps sur la route pour l’extraction des prisonniers…

Mme Nathalie Goulet. À chercher leur chemin !

M. Alain Fauconnier. … ou que la justice sera mieux rendue parce que les juges et les avocats passeront désormais, eux aussi, leur temps en voiture ?

Je m’interroge sur cette méthode qui, à l’instar d’une fuite en avant, consiste à détruire, et ce de plus en plus vite !

La réforme de la gendarmerie n’a pas été plus heureuse.

À l’évidence, personne, ou presque, ne la désirait. La loi, née dans la douleur, n’offre pas les garanties nécessaires quant à la pérennité de la présence territoriale de la gendarmerie et au maintien des brigades. La sécurité des populations en zone rurale en pâtira.

M. Yvon Collin. C’est une garantie républicaine !

M. Alain Fauconnier. Comme pour la carte judiciaire, les sénateurs socialistes ont à juste titre souligné que l’avenir du service de proximité que rend la gendarmerie dans nos départements risquait d’être compromis par cette réforme.

M. Alain Fauconnier. Nous n’avons pas été écoutés, mais il est fort probable que l’on se repentira bientôt – une fois de plus – des mesures contenues dans cette loi. Dans la région Midi-Pyrénées, l’objectif était simple : rendre trois cents postes de gendarme au titre de la RGPP, dont vingt pour l’Aveyron !

Le dernier volet de mon intervention est, à bien des égards, le plus alarmant, car c’est la santé de nos compatriotes qui est en jeu avec la future loi « hôpital, patients, santé, territoires ».

Ce projet de loi, qui sera bientôt soumis au Sénat, ne va en rien régler la fracture ville-campagne, il devrait même l’aggraver. Nous aurons certes largement le temps d’en débattre, mais d’ores et déjà, au vu du texte voté par l’Assemblée nationale, nous pouvons être légitimement inquiets quant à l’avenir du service public de santé de proximité.

Jusqu’à aujourd’hui, l’hôpital incarnait dans notre pays, plus particulièrement dans les petites villes et les villes moyennes, pour ne pas dire à la campagne, la certitude d’être soigné.

Or les grands traits de cette réforme ne peuvent que nous laisser dubitatifs. Vouloir gérer les hôpitaux comme les entreprises, à l’aune de la seule rentabilité financière, paraît en contradiction même avec la notion de service public de santé, de qualité des soins, de tradition humaniste et même d’éthique médicale.

L’hôpital public, pour nous, c’est le lieu de la rencontre d’une confiance et d’une conscience. Vous voulez en faire un gigantesque espace de vente où se rencontreront des clients et des marchands de soins.

Pour nous, l’hôpital public assure une triple mission, plus particulièrement en milieu rural : une mission de soins de qualité, avec une réponse graduée en fonction des différentes pathologies ; une mission de cohésion sociale, dès lors que le SDF, le chômeur, l’exclu sont aussi bien soignés que le cadre supérieur ; une mission d’aménagement du territoire, enfin, puisqu’une petite ville qui perd les services actifs de son hôpital abandonne toute ambition de jouer un rôle de centralité sur son territoire.

Je ne nie pas l’intérêt d’instaurer des communautés hospitalières de territoire, ou CHT, conçues comme un instrument de la gradation des soins, avec, schématiquement, l’hôpital de référence et les hôpitaux de proximité, mais à la condition qu’elles respectent l’identité et la complémentarité des établissements hospitaliers et qu’elles ne se réduisent pas à une restructuration purement économique qui asphyxie les hôpitaux de proximité existants.

L’Association des petites villes de France ne s’y est pas trompée, qui n’a approuvé la création des CHT qu’à la condition de « crédibiliser les petites structures hospitalières et leurs services et non de les démanteler ».

Pour conclure, j’évoquerai la question de la permanence des soins, qui est assurée pour quelque temps encore parce qu’il reste de médecins généralistes libéraux dans nos cantons.

Monsieur le secrétaire d’État, je sais que votre territoire, le Var, est plutôt bien loti sur ce plan – encore faudrait-il s’en assurer dans l’arrière-pays – mais je n’imagine pas que vous ne soyez pas soucieux de ce qui se passe ailleurs, sur de larges portions du territoire.

D’ici trois à cinq ans, monsieur le secrétaire d’État, des pans entiers de notre territoire manqueront de médecins généralistes et le seul recours restera le petit hôpital de proximité. La Générale de santé n’assurera jamais une mission de service public dans le Massif central ou sur l’ensemble des petits territoires ruraux ! Il ne restera donc que l’hôpital public et, sans l’hôpital public de proximité, aucun médecin généraliste ne s’installera, loin d’un service d’urgence efficace.

M. Yvon Collin. C’est sûr !

M. Alain Fauconnier. Se généralisera alors la situation que nous commençons à connaître avec les centres d’appels des médecins libéraux : après dix-neuf heures et le week-end, vous ne pouvez plus avoir accès à un médecin généraliste. Vous téléphonez du fin fond de l’Aveyron à votre médecin pour l’angine de votre petite fille et vous tombez sur un centre d’appel à Toulouse. Un médecin, au bout du fil, fait une consultation et vous délivre une ordonnance par téléphone, qui est ensuite faxée à la pharmacie de garde ! On croit rêver, mais nous en sommes arrivés là !

M. Yvon Collin. Personne ne le croit, pourtant !

M. Alain Fauconnier. Imaginez un instant la surprise des personnes âgées ou d’un citoyen en grande difficulté ! Il restera, bien entendu, le recours aux urgences du petit hôpital de proximité – s’il existe encore – ou l’appel au « 115 » pour une simple angine, avec les coûts que cela peut représenter.

Voilà, monsieur le secrétaire d’État, la vraie vie de nos territoires, dans leur diversité !

La vraie vie, c’est aussi la difficulté de placer une personne âgée en difficulté respiratoire lorsque le petit hôpital a fermé ses portes. Que demande-t-on, chaque jour, au médecin de médecine générale d’un hôpital local qui cherche un lit pour un patient ? « Quel âge a-t-il ? » Si le malade a plus de soixante-dix ans, ou quelquefois moins, on ne le prend pas, en prévision de l’accueil en urgence d’une personne plus jeune.

Voilà où nous en sommes !

Combien de collègues ruraux, dans cette assemblée, savent qu’il est plus facile de faire venir dans les quinze minutes un vétérinaire pour assurer un vêlage difficile – M. le président du Sénat ne saurait l’ignorer – qu’un médecin pour soigner la détresse d’un petit bébé ?

M. Yvon Collin. C’est vrai !

M. Alain Fauconnier. Oui, monsieur le secrétaire d’État, nous en sommes là !

Je vous engage, monsieur le secrétaire d’État, et avec vous l’ensemble du Gouvernement, à mesurer la gravité de cet état des lieux pour changer de politique.

Je souhaite que l’on n’oublie pas que l’égalité constitue le deuxième des trois concepts définissant la République, celui auquel se réfère le principe même de service public.

Après un siècle de démocratisation, d’aménagement du territoire et de répartition des richesses nationales, doit-on revenir deux cents ans en arrière ? Nous en appelons au sursaut des élus ruraux de cette assemblée et à la solidarité de nos collègues urbains. Il y va de l’harmonie de notre vieux et ambitieux pays ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, tout en ayant le souci d’être aussi bref que possible, j’irai sans doute au-delà des cinq minutes qui me sont accordées parce que j’interviens aussi au nom de M. Boyer, que les horaires du service public de la SNCF ont contraint à partir. (Sourires.)

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la population rurale aspire légitimement à la parité avec l’ensemble de la population française. Or l’évolution de notre société accentue les différences entre les territoires urbains et ruraux.

Comme nous le constatons, l’écart qui se creuse ainsi entre les deux types de populations affecte particulièrement la qualité du service public.

Pour finir de s’en convaincre, il suffit d’écouter les doléances et les inquiétudes que nos collègues maires expriment depuis plusieurs années lors de chaque congrès de l’Association des maires de France, l’AMF.

D’après une étude réalisée par cette dernière, en 2003, 79 % des élus interrogés considéraient le maintien des bureaux de poste dans les communes rurales comme une impérieuse nécessité. Je sais que cette question a été beaucoup évoquée aujourd'hui.

Certes, nous pouvons comprendre que La Poste soit soumise à des impératifs. D’ailleurs, on a cherché à imposer une forme un peu différente d’organisation entre les communes et les structures intercommunales en contrepartie du maintien des services postaux. Il faut reconnaître que des pressions de cette nature ont bel et bien existé.

Pour autant, le service rendu ne peut pas être le même entre un professionnel qui travaille dans un bureau de poste et un secrétaire de mairie, même très compétent, qui complète sa mission en effectuant au mieux les tâches qui incombaient auparavant aux employés de La Poste, mais sans le même intérêt.

Au demeurant, le Parlement avait étendu l’éventail des missions de La Poste en matière financière en contrepartie du maintien de ses activités de service public au niveau local. Malheureusement, cela a parfois été quelque peu oublié.

Cela nous avait donc conduits, moi et mes collègues du groupe de l’Union centriste, à déposer, voilà quelques années, une proposition de loi visant à instaurer un moratoire des fermetures de services publics en milieu rural. Le gouvernement de l’époque avait pris des engagements en ce sens, mais la situation a tout de même continué à se dégrader.

Certes, nous savons les difficultés que cela représente. D’ailleurs, nous sommes conscients que le service public ne peut pas non plus s’exonérer des impératifs et nécessités économiques et qu’il doit optimiser ses coûts.

Mais, et cela a été rappelé voilà encore un instant, il n’y a pas que les bureaux de poste qui disparaissent. C’est également le cas d’un ensemble d’autres services.

Permettez-moi de vous en fournir une illustration un peu plus « locale ».

Voilà quelques jours, j’ai été avisé que le service de la police de l’air aux frontières serait supprimé dans mon département, la Meuse. J’en ai donc logiquement conclu que notre pays avait annexé la Belgique et le Luxembourg, qu’il n’y avait plus de frontières et que les Pays-Bas s’étaient un peu éloignés ! (Sourires.) Plus sérieusement, les problèmes demeurent, et ils sont importants, notamment en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants.

Nous sommes donc quelquefois navrés de constater que de telles décisions sont prises sans concertation. Nous sommes pourtant prêts à réfléchir ensemble à des opérations concrètes.

Je n’insisterai pas sur les services de santé, qui ont déjà été évoqués. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de revenir sur ce thème lorsque le Sénat examinera le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires. Je souhaite juste vous faire part d’une réflexion : sur ce sujet aussi, j’ai de plus en plus l’impression que nous cumulons les handicaps.

En matière de transports, nous assistons également à nombre de suppressions. Je me suis d’ailleurs récemment exprimé sur le sujet. Dans mon département, j’ai la chance d’avoir un TGV qui passe ; je dis bien « qui passe », parce que, sur les trois cents trains qui circulent chaque jour, il y en a seulement deux qui s’arrêtent ! (Sourires.)

M. Pierre-Yves Collombat. C’est déjà pas mal ! Cela fait un dans chaque sens !

M. Claude Biwer. Cela pose tout de même quelques problèmes.

Pour ma part, j’aimerais bien éviter de me retrouver dans la même situation que mon ami Jean Boyer aujourd'hui et d’être obligé de partir avant seize heures, parce que c’est l’heure du dernier train ! En l’occurrence, j’ai décidé de reporter mon départ à demain matin, ce qui me permettra de profiter d’une soirée de détente supplémentaire à Paris. (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Non ! Vous serez en séance ce soir ! (Nouveaux sourires.)

M. Claude Biwer. Effectivement, ma chère collègue. Il est vrai que le groupe CRC-SPG a décidé de nous gâter cet après-midi ! (Mêmes mouvements.)

Au cumul de handicaps que j’ai évoqué s’ajoute, et on l’oublie trop souvent, la réduction de la part des agriculteurs au sein de la population active. Si les surfaces sont exploitées, et bien exploitées, il y a de moins en moins de monde pour le faire. Cela contribue évidemment encore à dépeupler les territoires ruraux.

Je voudrais également mentionner les difficultés soulevées par l’évolution de la carte militaire. Je suis un élu du nord-est de la France. En raison de son histoire, cette région a connu une forte présence militaire qui a elle-même empêché l’industrialisation. Aujourd'hui, les militaires s’en vont et l’industrialisation est difficile. Toutes ces opérations nous gênent. Imaginez les conséquences sur le fonctionnement futur de l’ensemble des institutions locales lorsqu’une commune de 5 000 habitants voit partir 1 000 militaires, comme c’est le cas dans mon département !

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, nous protestons, mais aussi, et avant tout, nous nous inquiétons. Et nous recherchons, avec l’ensemble du Gouvernement, des solutions pour apporter un peu d’oxygène à nos territoires.

C’est ainsi qu’ont été créées, et nous y avons contribué, les zones de revitalisation rurale, les ZRR. À une certaine époque, elles ont apporté un complément non négligeable de bienfaits. Je mentionne également les pôles d’excellence rurale, qui nous ont également donné un petit peu d’oxygène dans l’exercice quotidien de notre mission. Il faut le reconnaître et le souligner, tout cela est positif. Mais le soutien global de l’opération devrait concerner plus largement le territoire.

Considérons, par exemple, la dotation globale de fonctionnement. Dans certains territoires ruraux, nous sommes à peine à plus de 60 euros par habitant, contre plus de 600 euros par habitant à Paris. Nous ne jouons donc pas dans la même cour. Dans de telles conditions, ce sera évidemment très difficile de s’en sortir.

Il y a cependant des outils qui peuvent nous aider à avancer. Je pense ainsi à la dotation de solidarité rurale, qui pourrait d’ailleurs progresser par rapport à la dotation de solidarité urbaine, la seconde évoluant beaucoup plus vite que la première.

Il en va de même s’agissant de la dotation globale d’équipement.

Quant à la péréquation, elle doit absolument figurer dans toute réflexion si nous voulons corriger un tant soit peu le décalage. En tout cas, c’est un souhait que j’exprime.

Par ailleurs, comme j’ai déjà eu l’occasion de le suggérer, pourquoi ne pas envisager des zones franches en milieu rural ? La dernière fois que j’étais intervenu sur ce point, la réponse de M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, était porteuse d’espoir. Mais je n’ai pas beaucoup vu la situation évoluer depuis, et je pense que nous devrions mener une réflexion sur le sujet. J’ai d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens. J’ose espérer que nous obtiendrons un jour une réponse favorable. Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d’État.

Au nom de mon collègue Jean Boyer et en mon nom personnel, je vous remercie de nous avoir écoutés et, je l’espère, entendus. (Très bien ! et applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire. Mesdames, messieurs les sénateurs, après la question fort opportune du sénateur Simon Sutour, les interventions de Jacques Blanc, Gérard Le Cam, Raymond Vall, Pierre-Yves Collombat, Anne-Marie Escoffier, Alain Fauconnier et Claude Biwer attestent, me semble-t-il, une même réalité qui m’interdit de vous dissocier les uns des autres : vous vivez vos territoires, au sens plein du terme, et je sais, en toute objectivité, que vous en mesurez chaque jour la dimension prioritaire.

Or, pour pouvoir répondre à la question posée, l’avenir des services publics en milieu rural, il faut effectivement vivre ces territoires, et je les vis avec vous.

Il faut également regarder la réalité, …