Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un petit cadeau de fin d’année !

M. Thierry Foucaud. Et, pour obtenir un remboursement de 368 000 euros, j’insiste sur le fait qu’il faut quand même déclarer un patrimoine d’au moins 24 millions d’euros !

M. Guy Fischer. Tout ça !

M. René-Pierre Signé. Les malheureux !

M. Thierry Foucaud. Un remboursement de 368 000 euros pour un patrimoine de 24 millions d’euros : les malheureux, en effet !

Des données encore plus précises indiquent qu’une petite vingtaine de contribuables auraient obtenu du Trésor public un remboursement supérieur à 2,5 millions d’euros.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un beau cadeau de fin d’année !

M. Guy Fischer. Le cadeau des cadeaux !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est pour les Rolex !

M. Thierry Foucaud. Résultat, comme nous l’avons dénoncé lors de la discussion des différents textes budgétaires, loi de finances initiale ou collectif, l’essentiel de la dépense fiscale liée au bouclier fiscal, c’est-à-dire l’essentiel des 458 millions d’euros de pertes de recettes qu’il représente, est accaparé par des contribuables particulièrement riches, très riches, et pour tout dire, assujettis à l’ISF !

Je vais vous livrer mon sentiment : c’est bel et bien parce que vous avez décidé de vous attaquer à l’ISF dans la loi TEPA, en prenant des mesures d’allégement sur la valeur de l’habitation principale ou le financement des PME, que, finalement, le bouclier fiscal ne rencontre désormais qu’un succès tout relatif.

Le bouclier fiscal agit, quelque part, comme une niche de plus, une niche de trop, comme une boursouflure du droit, pour des contribuables dont la situation est déjà largement prise en compte par ailleurs.

Combien déjà de patrimoine faut-il déclarer pour récupérer 368 000 euros d’ISF, mes chers collègues ? Je vous l’ai dit, mais il convient de rappeler ce chiffre quand on connaît cette France qui vit mal aujourd’hui : 24 millions d’euros de patrimoine. Cela représente douze à quinze fois le patrimoine moyen des contribuables soumis à l’ISF ! Et encore ne s’agit-il que du remboursement au titre du bouclier fiscal. On peut en effet penser que des impôts restent dus…

Vous allez nous expliquer, chers collègues, que l’on récompense la réussite ! En vérité, ce qui est récompensé, ce ne sont que des privilèges acquis par héritage. La plupart du temps, ils n’ont rien à voir avec la rémunération du travail, mais ils dépendent beaucoup de la position sociale d’origine !

Nous devons faire la loi non pour quelques affairistes à l’affût de coups de Bourse, mais pour servir l’intérêt général !

À la vérité, devant son peu de succès auprès des contribuables, le bouclier fiscal est devenu indéfendable : il a aujourd’hui tous les travers d’une énorme niche fiscale au profit d’une infime minorité de contribuables soumis à l’ISF !

Notre proposition de loi a le mérite de la simplicité.

La suppression du bouclier fiscal, dispositif inopérant, sans impact économique avéré, superfétatoire, est une nécessité objective en ces temps de crise où la grande majorité des Françaises et des Français doivent se « serrer la ceinture ».

Alors, chers collègues, tirez le bilan de la pratique et osez, pour une fois, revenir sur ce que vous avez voté et ce sur quoi certains concèdent aujourd’hui avoir été abusés ! Supprimons ensemble le bouclier fiscal. La mise en cause des stock options et autres rémunérations dérogatoires, dans un contexte de pression continue et renforcée sur les salaires, est du même ordre.

La faillite d’un système économique dans lequel la richesse créée par le travail a été, au fil du temps, de plus en plus captée par le capital et ses dérivés est patente et impose de repenser l’organisation économique comme notre système fiscal sur des bases nouvelles.

Cette proposition de loi que nous vous invitons à adopter en constitue une première étape, modeste, assez fortement symbolique, mais néanmoins nécessaire.

Il est temps de rendre à l’impôt toutes ses vertus républicaines et de faire contribuer justement chacune et chacun, en fonction de ses possibilités, à l’œuvre commune.

Mes chers collègues, le redressement économique du pays passe aussi par les mesures que nous vous proposons ici d’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Guy Fischer. Le ton va changer !

M. René-Pierre Signé. Marini ne va pas être d’accord !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est tellement en pointe pour défendre les salariés !

M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi s’inscrit dans le cadre de la séance mensuelle réservée aux initiatives des groupes politiques d’opposition et des groupes minoritaires – nous sommes tous des minoritaires dans cette assemblée ! –,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel abus de langage !

Mme Nicole Bricq. Il y en a qui sont plus minoritaires que d’autres !

M. Daniel Raoul. C’est une véritable révélation !

M. Philippe Marini, rapporteur. … selon les nouvelles dispositions du cinquième alinéa de l’article 48 de la Constitution. Jusque-là,…

M. Guy Fischer. Rien à dire

M. Philippe Marini, rapporteur. … rien à dire, en effet. (Sourires.)

Le groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche met l’accent sur un sujet important et délicat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est déjà ça !

M. Philippe Marini, rapporteur. Comme l’a fait à plusieurs reprises le Président de la République, à Toulon, le 25 septembre 2008, puis à Saint-Quentin, le 24 mars 2009, il convient de souligner que le fait d’occuper des responsabilités économiques éminentes crée des devoirs. Je crois indispensable de le répéter à mon tour, au début de ce rapport.

Lorsque l’on a le talent,…

M. Thierry Foucaud. Les dirigeants d’EADS !

M. Philippe Marini, rapporteur. … lorsque l’on a la chance de diriger des hommes et des femmes – haute mission que celle-là –, il convient d’être très attentif à l’environnement économique et social, et de faire preuve de bon sens.

Il est des périodes où, en effet, l’esprit public est, à juste titre, très sensible aux questions de rémunérations et d’avantages annexes.

Dans la vieille société, on pratiquait un principe bien connu de nos provinces : « Pour vivre heureux, vivons cachés ! ». On n’aimait pas étaler la richesse ; plus on était riche, moins on le montrait.

Dans la société d’aujourd’hui, dans ce monde globalisé, on estime parfois devoir…

M. Daniel Raoul. Montrer sa Rolex ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Annie David. Son yacht !

M. Philippe Marini, rapporteur. ... apparaître ; la société est devenue une société d’apparence.

Parmi les apparences, parmi ces choses qui brillent,…

Mme Nicole Bricq. Bling-bling !

M. Philippe Marini, rapporteur. … figurent en particulier certains avantages annexes qui s’ajoutent aux rémunérations.

M. René-Pierre Signé. Et des avantages importants !

M. Daniel Raoul. Ah ça, oui !

Mme Nicole Bricq. Bling-bling !

M. Philippe Marini, rapporteur. Mes chers collègues, c’est bien le contexte dans lequel nous traitons de la présente proposition de loi.

La commission des finances, qui m’a confié ce rapport, m’a incité à examiner avec une grande précision les sept articles de la proposition de loi. Et, comme on peut l’observer en se référant à mon rapport écrit, l’analyse a été approfondie.

Toutefois, la matière dont nous traitons n’est pas strictement nouvelle. Il faut en effet le rappeler, les sujets que nous allons aborder cet après-midi ont été développés avec insistance dans chacune des discussions budgétaires de ces derniers mois, et les arguments avancés ont déjà été échangés à de nombreuses reprises dans cet hémicycle.

Vous ne serez donc pas surpris, mes chers collègues, de m’entendre dire que, dans sa majorité, la commission appelle au rejet des différents articles de cette proposition de loi,…

M. Daniel Raoul. Tout est dit !

M. Philippe Marini, rapporteur. … mais un rejet motivé, argumenté, et la séance de cet après-midi va nous permettre à nouveau de confronter nos différents arguments.

Telle est la règle normale dans un monde pluraliste et au sein d’une assemblée comme la nôtre.

La suppression pure et simple du bouclier fiscal remettrait en cause un dispositif dont l’objet est d’éviter le caractère confiscatoire de l’impôt.

Les chiffres de l’administration fiscale confirment l’utilité de ce dispositif, tel qu’il a été retouché par la loi de l’été 2007 : deux tiers des 14 000 foyers fiscaux bénéficiaires du bouclier sont des foyers à revenus très modestes (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.), mais possédant leur résidence principale, et pour qui le poids de la taxe foncière peut être difficilement supportable. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Mme Annie David. Quelle générosité !

M. Jean-Luc Fichet. Ce n’est pas possible !

M. Philippe Marini, rapporteur. Néanmoins, mes chers collègues, et la commission des finances l’a exposé à de nombreuses reprises ces derniers mois, le bouclier fiscal n’est pas sans reproche.

Mme Nicole Bricq. Ah ça, non !

M. Philippe Marini, rapporteur. Mais, s’il n’est pas sans reproche, c’est parce qu’il est un dispositif dérivé d’un autre,…

Mme Nicole Bricq. De l’ISF !

M. Philippe Marini, rapporteur. … l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. René-Pierre Signé. C’est le contrepoids !

Mme Nicole Bricq. Il fallait le supprimer, alors !

M. Philippe Marini, rapporteur. Je voudrais rappeler que, lors de la discussion de la loi de finances pour 2009, nous avons, Jean Arthuis, Jean-Pierre Fourcade et moi-même, soumis à la Haute Assemblée un amendement dont les mesures forment ce que j’appelle une trilogie…

M. Aymeri de Montesquiou. Je l’ai cosigné !

Mme Nicole Bricq. Nous vous répondrons sur ce point !

M. Philippe Marini, rapporteur. . … et qui comportait la suppression du bouclier fiscal, l’abrogation de l’impôt de solidarité sur la fortune et, en contrepartie et à due concurrence des montants ainsi abandonnés par le budget, la création d’une nouvelle tranche d’impôt sur le revenu.

M. Philippe Marini, rapporteur. Ces dispositions – ou, plus exactement, cette trilogie –, devront s’appliquer un jour ou l’autre !

Mme Nicole Bricq. Et, pendant ce temps-là, vous ne faites rien !

M. Philippe Marini, rapporteur. C’est manifestement la solution.

M. René-Pierre Signé. Pas celle du Président !

M. Philippe Marini, rapporteur. Je parle d’une perspective plus longue !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À très long terme !

Mme Nicole Bricq. Loin, loin, loin….

M. René-Pierre Signé. Quand on aura changé de Président !

Mme Nicole Bricq. Ce n’est jamais le moment !

M. Philippe Marini, rapporteur. Pour autant, tenir des débats de stratégie fiscale en pleine crise ne me paraît vraiment ni très opportun (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) ...

M. Daniel Raoul. Avec vous, ce n’est jamais le moment !

M. Michel Sergent. Non, jamais !

M. Philippe Marini, rapporteur. ... ni très réaliste, car, mes chers collègues, nous sommes dans une phase où, nécessairement, les jalousies sont exacerbées.

M. Thierry Foucaud. La pauvreté aussi !

M. Guy Fischer. On pressure les pauvres !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les riches se disputent et les jalousies entre eux sont exacerbées !

M. Philippe Marini, rapporteur. Tout débat de politique fiscale risque soit d’apparaître comme provocateur, soit d’aboutir à un alourdissement de la fiscalité, qui serait un handicap supplémentaire au moment où la récession est ce qu’elle est.

À l’avenir, en sortie de crise, il est tout à fait clair que nous serons toujours, et peut-être même encore davantage, dans un monde ouvert, où les compétences devront circuler, où les entreprises devront faire appel aux talents et les rémunérer au prix du marché, qu’on le veuille ou non.

M. René-Pierre Signé. C’est ça, un « monde ouvert » ?

M. Philippe Marini, rapporteur. C’est une réalité ! Personne, d’ailleurs, ne propose un modèle de repli derrière des frontières ; personne, à quelque endroit que l’on se situe, n’ose même décrire ce que pourrait être ce modèle.

Ne nourrissons donc aucune espèce d’illusion : l’attractivité du territoire en général, et l’attractivité fiscale en particulier, demeurera un objectif incontournable de la politique fiscale de sortie de crise, au moment où notre économie aura retrouvé le chemin de la croissance.

Mme Nathalie Goulet. Inch’Allah !

M. Philippe Marini, rapporteur. Venons-en à présent aux politiques de rémunération.

J’évoquais tout à l’heure des considérations morales, notamment sur les comportements à adopter, qui devraient s’imposer à l’esprit de tous, et plus particulièrement de celles et ceux qui détiennent les plus hautes responsabilités au sein du monde économique.

Pour autant, est-il raisonnable d’imaginer un plafonnement général de tout ou partie de la rémunération, la suppression de toute possibilité de mettre en place des mécanismes d’association au capital des dirigeants et des mandataires sociaux des entreprises ?

Aller aussi loin, comme le prévoit la présente proposition de loi, reviendrait à nous créer à nous-mêmes des handicaps particulièrement lourds pour demain et après-demain dans la compétition internationale.

M. Philippe Marini, rapporteur. Je voudrais rappeler que le législateur, que nous sommes, est loin d’être resté inactif ces dernières années. Au contraire, il est intervenu sur tous ces sujets à de nombreuses reprises, afin d’encadrer des pratiques, d’améliorer le contrôle des actionnaires, de garantir la transparence et d’aller dans le sens d’une certaine justice sociale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La transparence ! Tout se sait, mais rien ne change !

M. Philippe Marini, rapporteur. La loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail a subordonné l’attribution d’options de souscription ou d’achat d’actions aux mandataires sociaux à la distribution de ces mêmes options ou actions gratuites à l’ensemble des salariés de l’entreprise ou à la mise en œuvre d’un dispositif d’intéressement ou de participation volontaire ou dérogatoire.

C’est une disposition importante, qui consiste à partager l’intéressement à une éventuelle plus-value sur le capital au niveau de l’ensemble de l’entreprise, soit à l’échelle la plus large.

Je rappelle également que la loi de finances pour 2009 a modifié le régime fiscal des « parachutes dorés » en plafonnant le montant des indemnités de départ déductible du bénéfice imposable à six fois le plafond annuel de la sécurité sociale.

Je rappelle encore que la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, si vilipendée par certains, malgré ses évidentes qualités,…

Mme Nicole Bricq. La funeste loi !

M. Philippe Marini, rapporteur. … a interdit les éléments de rémunération, indemnités et avantages dont le bénéfice n’est pas subordonné au respect de conditions liées aux performances du bénéficiaire, appréciées au regard de celles de la société.

Mme Nicole Bricq. Cela ne sert à rien ! C’est du vent !

M. Philippe Marini, rapporteur. Ces performances peuvent et doivent être attestées par des éléments précis et chiffrés qu’il appartient aux assemblées générales et aux conseils d’administration de constater et de faire respecter. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est le cas en ce moment ! Regardez ce qui se passe chez Valeo !

M. Philippe Marini, rapporteur. Permettez-moi également, mes chers collègues (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG, où l’on scande : « Valeo ! ».), de citer la loi du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social, qui a encadré les modalités de rémunération des dirigeants mandataires sociaux sur deux points.

D’une part, elle a prévu que le rapport de gestion des sociétés cotées doit présenter les principes et les règles arrêtées par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance pour déterminer les rémunérations et avantages de toute nature accordés aux mandataires sociaux.

Mme Nicole Bricq. Mais sans aucune sanction à la clé !

M. Philippe Marini, rapporteur. D’autre part, la même loi impose aux sociétés de définir des obligations de conservation sur tout ou partie des titres attribués aux dirigeants, et ce jusqu’à la cessation de leurs fonctions.

Enfin, la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie, dite loi Breton, …

Mme Nicole Bricq. Voilà une belle loi !

M. Philippe Marini, rapporteur. … a notablement renforcé les obligations de transparence des sociétés cotées en soumettant au régime des conventions réglementées les éléments de rémunération versés à raison de ou postérieurement à la cessation des fonctions des dirigeants, soit les retraites dites « chapeau », les indemnités de départ et rémunérations différées communément dénommées « parachutes dorés ». L’application de ce régime implique une autorisation préalable du conseil d’administration ou de surveillance, l’information des commissaires aux comptes et la soumission de ces conventions à l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires.

M. René-Pierre Signé. Il n’y a pas de résultat !

M. Jean-Luc Fichet. Rien n’a changé !

M. Philippe Marini, rapporteur. Je rappelle en tout dernier lieu que, en cas de perception de rémunérations excessives ou interdites, le dirigeant bénéficiaire expose non seulement sa responsabilité civile, mais également sa responsabilité pénale sur le chef d’abus de biens sociaux, si les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis.

En guise de conclusion, il me semble important d’insister, mes chers collègues, sur la responsabilisation de l’ensemble des acteurs du gouvernement d’entreprise.

La moralisation des pratiques de rémunération des dirigeants et des mandataires sociaux relève avant tout, je persiste à le dire, de la responsabilisation et de l’autodiscipline des dirigeants et mandataires sociaux, qui doivent vivre non pas dans une bulle, mais dans la réalité sociale de leur pays.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Apparemment, c’est ce qu’ils font ! (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Philippe Marini, rapporteur. Parallèlement au renforcement du cadre législatif, il existe, depuis plusieurs années, au sein des sociétés, la volonté d’élaborer et de faire prévaloir des règles de conduite en matière de gouvernement d’entreprise. En la matière, nous le savons, la demande des pouvoirs publics est forte pour parvenir à des normes encore plus précises, mieux élaborées et qui soient davantage opposables aux dirigeants et aux mandataires sociaux des entreprises.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Demain, on rase gratis !

M. Philippe Marini, rapporteur. De nouvelles recommandations sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux dans les sociétés cotées ont par ailleurs été proposées au mois d’octobre 2008. Il convient certainement d’aller plus loin.

M. Philippe Marini, rapporteur. Il est important, selon moi, de bien identifier une situation particulière, qui est celle des entreprises aidées par l’État pour faire face à la crise.

M. Guy Fischer. Tout de même ! On y vient !

M. Philippe Marini, rapporteur. Qu’il s’agisse du financement du secteur bancaire ou des filières automobiles, qu’il s’agisse des plans sociaux aidés financièrement par la collectivité, il semble tout à fait logique et normal que l’attribution de ces aides soit conditionnée. En réalité, on appliquerait là les règles qui prévalent sur le plan international. En effet, quand un État demande l’aide du Fonds monétaire international, celle-ci lui est allouée moyennant un certain nombre de conditions qui devront dicter le comportement dudit État. Pour une entreprise, c’est exactement la même chose !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour les responsables de la Société Générale, par exemple !

M. Philippe Marini, rapporteur. Si un groupe bancaire a besoin du concours de l’État pour opérer son refinancement ou renforcer ses fonds propres, si un groupe présent dans la filière automobile a besoin de concours temporaires de l’État, il est normal et logique que certaines conditions y soient associées. Celles-ci doivent conduire les dirigeants à souscrire à une discipline, à une plus grande transparence et à une modération de leurs comportements salariaux, et relatifs aux différents éléments annexes qui s’ajoutent aux rémunérations.

M. René-Pierre Signé. On l’a vu au Crédit Agricole !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et bien d’autres !

M. Philippe Marini, rapporteur. Nous allons prendre connaissance, dans les prochains jours, de dispositions de cette nature. Elles me semblent, à titre personnel, apporter une réponse plus raisonnable et plus équilibrée aux préoccupations actuelles que celle qui est proposée dans le texte de nos excellents collègues du groupe communiste, républicain et citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vais l’amender !

M. Philippe Marini, rapporteur. Dans ce contexte, mes chers collègues, vous comprendrez que la commission soit peu favorable – c’est une litote ! – à l’adoption des dispositions préconisées par les auteurs de la présente proposition de loi.

Les attitudes vertueuses doivent être encouragées, soutenues, voire initiées par les pouvoirs publics. Néanmoins, le texte qui nous est soumis ne constitue pas une réponse correctement dimensionnée. Son adoption engendrerait dans notre pays des dégâts économiques encore plus graves que ceux que nous pouvons observer à l’heure actuelle. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des finances vous demande, mes chers collègues, de rejeter les différents articles de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. René-Pierre Signé. Sans surprise !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi du groupe communiste, républicain et citoyen et des sénateurs du Parti de gauche vise à abroger le bouclier fiscal et prétend moraliser certaines pratiques des dirigeants de grandes entreprises.

Disons-le tout de suite, cette proposition de loi ne répond pas de façon adéquate aux problèmes qui ont été soulevés à la suite d’un certain nombre d’abus récents, …

Mme Nicole Bricq. Ils ne sont pas récents !

M. René-Pierre Signé. Des mots, des mots !

M. André Santini, secrétaire d'État. … que le Président de la République a d’ailleurs condamnés avant-hier à Saint-Quentin, ni, d’une manière générale, aux problèmes que connaît actuellement notre pays.

M. André Santini, secrétaire d'État. Au moins est-ce dit clairement, madame le sénateur. (Sourires.)

L’article 1er de la proposition de loi vise à supprimer le bouclier fiscal. Sur ce sujet, le discours du Gouvernement n’a pas varié. Changer de cap en pleine crise n’arrangerait rien.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous continuerez à faire une politique pour les riches. Au moins, ça, c’est clair !

M. André Santini, secrétaire d'État. Je sais que l’opposition souhaite faire du bouclier fiscal un point de fixation du débat politique ; cette proposition de loi en est d’ailleurs le témoignage. La politique du Gouvernement ne se réduit cependant pas à ce seul élément. Vous ne pouvez pas tordre les chiffres pour les besoins d’une communication politique, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition.

D’après les derniers chiffres dont nous disposons, qui datent du 12 février, le bouclier fiscal a représenté, en 2008, 458 millions d’euros sur les 7,7 milliards d’euros de la loi TEPA.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ces 458 millions d’euros, c’est la politique du logement de l’État !

M. André Santini, secrétaire d'État. Entendons-nous bien : le bouclier fiscal représente 6 % de la loi TEPA, pas plus !

Le paquet fiscal, ce sont d’abord des mesures pour le plus grand nombre. Je pense notamment aux heures supplémentaires et au crédit d’impôt pour les emprunts immobiliers.

Au risque de mettre les pieds dans le plat, mesdames, messieurs les sénateurs (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.), j’ose affirmer qu’un plafonnement des impôts directs à 50 %, c’est tout d’abord une mesure juste. (Protestations sur les mêmes travées.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est indécent !

M. André Santini, secrétaire d'État. C’est même une règle de valeur constitutionnelle chez plusieurs de nos voisins : il s’agit d’éviter que l’on ne travaille plus d’un jour sur deux pour l’État. (« C’est faux ! » sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Il est tout à fait contre-productif de chercher à stigmatiser les contribuables qui exercent leur droit à restitution. Si ces personnes ont bénéficié d’un remboursement total de 458 millions d’euros, c’est qu’elles avaient préalablement payé plus de 1,1 milliard d’euros d’impôts !

M. André Santini, secrétaire d'État. Et même les 834 contribuables qui concentrent 307 millions d’euros de remboursement, que l’opposition a choisi de singulariser au sein des données qui ont été transmises aux commissions des finances des assemblées par Éric Woerth, ont payé initialement 585 millions d’euros, soit à peu près le montant de leurs revenus.

Si on veut les faire partir (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG.), dans un monde où le capital et les personnes sont mobiles, prélever plus de la moitié de leurs revenus est exactement ce qu’il faut faire !

On constate d’ailleurs que le bouclier fiscal a eu un effet positif, de ce point de vue : en 2007, les départs – notez bien ce chiffre, vous ne le citez pas suffisamment, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition – ont baissé de 15 % et les retours ont augmenté de 10 %.

M. René-Pierre Signé. Johnny Hallyday !

M. André Santini, secrétaire d'État. C’est la première fois depuis 2000 que l’on enregistre un tel coup de frein dans les départs. Et ce n’est pas un hasard si cela correspond à la première année de mise en œuvre du bouclier fiscal !

Je remarque d’ailleurs que les deux tiers des bénéficiaires du bouclier fiscal sont des personnes modestes, qui perçoivent un revenu inférieur à 1 000 euros par mois. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)