M. Philippe Richert, rapporteur. Mais non !

Mme Anne-Marie Escoffier. Cette proposition de loi nous donne à tous aussi l’occasion de redire la vigilance extrême avec laquelle la Haute Assemblée doit légiférer, en évitant l’écueil gravissime de la précipitation et de la stricte opportunité ponctuelle. En l’espèce, n’avons-nous pas oublié de mesurer les conséquences qu’il y a, pour l’État, à exiger tout et n’importe quoi des collectivités locales et de se défausser plus ou moins systématiquement sur elles sans se demander comment elles pourront appliquer des mesures qu’elles n’ont, le plus souvent, pas réclamées ? À mieux prévoir, chacun y gagnerait, à commencer par cette démocratie apaisée que nous souhaitons, qui serait aux antipodes de cette culture du conflit que certains préconisent et que nous estimons, pour notre part, néfaste à la nation, dans ce domaine comme dans d’autres.

Je veux être persuadée, monsieur le ministre, que vous saurez être sensible à ces arguments, différents certes de ceux de notre excellent rapporteur, mais qui n’ont pour objet, comme les siens – quoique, me semble-t-il, mieux que les siens –, que d’apporter une réponse équitable aux parents de nos jeunes élèves, à la famille « éducation nationale », en un mot, à notre société tout entière. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a huit mois, nous avons consacré un nouveau droit pour tous les élèves des écoles primaires, celui d’être accueillis en cas de grève. Mais à vrai dire – et j’ai bien compris, madame Escoffier, que vous n’étiez pas tout à fait d’accord avec ce principe –, si les élèves sont bien les titulaires de ce droit, les bénéficiaires directs n’en sont pas moins les familles. C’est à elles, en effet, que s’adresse le service d’accueil que nous avons créé, car c’est elles qui, lorsqu’elles ne pouvaient s’appuyer sur la solidarité familiale ou utiliser un mode de garde payant, subissaient les conséquences des grèves dans l’éducation nationale.

À l’époque, certains d’entre nous, moi y compris, s’interrogeaient sur la compatibilité d’un tel service avec l’exercice effectif du droit de grève. Huit mois après, le constat s’impose, me semble-t-il, à tous : la création du service d’accueil n’a en rien limité ou bridé le droit de grève dans l’éducation nationale et les mouvements sociaux qui s’y déroulent sont loin d’avoir perdu tout écho.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On peut tout de même s’interroger sur les conditions d’accueil des élèves !

M. Philippe Richert, rapporteur. Depuis la promulgation de la loi, en août dernier, quatre grèves d’importance ont eu lieu, soit autant d’occasions d’évaluer l’application de la loi. Chacun le reconnaît, les communes ont parfois connu des difficultés lorsqu’il leur a fallu proposer le service d’accueil, et j’y reviendrai. Mais il faut également le préciser d’emblée, chacune de ces journées de grève a été l’occasion de constater que les familles utilisaient bel et bien ce service.

Bien sûr, madame Escoffier, toutes les familles, loin de là, n’ont pas eu besoin d’y recourir. Mais, le 29 janvier dernier, ce sont tout de même près de 450 000 enfants qui ont été accueillis dans 18 000 communes et, le 19 mars, ce sont 80 % des grandes villes qui ont mis ce service en place. Il devient donc difficile de le nier, le service d’accueil répond bien à un besoin social et offre, en cas de grève dans l’éducation nationale, une sécurité aux familles : elles savent qu’elles pourront alors toujours compter sur ce service sans avoir à se « débrouiller » tant bien que mal et dans l’urgence.

Il reste, je viens de le souligner, que l’organisation du service n’est pas une tâche aisée et que, dans certaines communes, elle a pu sembler une gageure. C’est ce constat qui conduit aujourd’hui la majorité de nos collègues du groupe RDSE, par la voix de son président, Yvon Collin, à nous inviter à réexaminer son fonctionnement à la lumière des premiers tests « grandeur nature » du service d’accueil qui se sont déroulés depuis l’adoption de la loi.

Nos collègues nous proposent en particulier de remettre sur le métier une question délicate, qui était déjà au cœur de nos réflexions au cours de l’examen du projet de loi, celle de la répartition des compétences entre l’État et les communes.

Cette question mérite d’être examinée avec soin. En effet, si nous avons choisi de créer un dispositif unique en son genre, en partageant la compétence d’accueil entre les communes et l’État, c’est que nous étions convaincus que ce dernier n’était pas capable, lorsque la grève était massive, d’organiser le service lui-même. Dans l’intérêt des familles, qui s’avère particulièrement aigu dans cette hypothèse, il revenait aux communes de prendre en charge son organisation.

Cela étant, si les communes ne parviennent pas à organiser le service elles-mêmes, alors la logique du dispositif prévu par la loi ne tient plus : il faudrait donc prendre acte de l’impossibilité d’offrir le service dans une partie des communes, voire dans toutes. De fait, le service d’accueil disparaîtrait, car les raisons qui nous ont conduits à estimer l’État incapable d’organiser le service d’accueil en cas de grève massive sont toujours valables.

Ainsi, le fait de consacrer, comme le souhaitent les auteurs de la proposition de loi, la compétence de l’État pour l’organisation du service d’accueil dans les communes de moins de 2 000 habitants, c'est-à-dire dans 75 % des communes françaises, reviendrait donc, en réalité, à ne plus proposer le service dans ces communes.

De plus, chacun le sait, cela fragiliserait définitivement le service d’accueil, en ouvrant la voie à sa suppression pour toutes les catégories de communes, qui, à des degrés divers, ont toutes dû surmonter des obstacles pour le mettre en œuvre.

Oui, madame Escoffier, c’est indiscutable, l’organisation du service est une lourde charge pour les communes, notamment pour les plus petites d’entre elles. Nous en avons eu conscience dès l’examen du projet de loi, et c’est pourquoi le Sénat l’a largement amendé, bien souvent, d’ailleurs, sur l’initiative de la commission des affaires culturelles, afin de donner aux communes les moyens d’exercer cette compétence dans les meilleures conditions. Je n’y reviendrai pas, car la question qui nous est désormais posée est de savoir si, malgré ces améliorations, le texte s’est révélé impossible à appliquer dans les plus petites communes.

Vous venez de nous affirmer voilà quelques instants, en reprenant un extrait de son discours, que le Président de la République avait lui-même clairement donné sens et poids à la proposition de loi que vous nous présentez. Permettez-moi d’élargir cet extrait, afin de retranscrire plus fidèlement la réalité des propos présidentiels. Certes, le Président de la République a commencé par déclarer : « C’est vrai qu’on ne peut pas demander la même obligation de service à un maire d’une commune rurale qui n’a même pas dans ses collaborateurs un employé ayant le BAFA et [à un maire] d’une grande ville d’un ou deux millions d’habitants. Je le comprends parfaitement et l’on doit pouvoir trouver un accord ». Mais il a aussitôt poursuivi en estimant qu’un tel accord était susceptible d’être trouvé « y compris sur […] les référés qui ont été faits pour sanctionner tel ou tel maire ».

Aux yeux du Président de la République, il n’est pas normal que les maires des petites communes n’ayant pas réussi à mettre en place le service d’accueil aient été traduits en justice. Tel était donc principalement l’objet de son intervention.

Monsieur le ministre, nous le savons, vous avez engagé une concertation approfondie avec l'ensemble des représentants des maires. Celle-ci a permis d’identifier les principales difficultés des communes, notamment des plus petites d’entre elles, et doit permettre d’y apporter, cette fois-ci, une première série de réponses.

Ce sont ces mêmes difficultés que visent nos collègues du groupe RDSE ; elles méritent donc que l’on s’y arrête.

Le premier de ces obstacles tient au délai-limite fixé par la loi pour la transmission des déclarations de grève : en effet, ce n’est qu’à quarante-huit heures du conflit que le maire sait s’il doit mettre en œuvre le service et dans quelles proportions.

À ce sujet, il faut tout d’abord rappeler, mes chers collègues, que les grèves sont rarement inopinées : la date de la mobilisation est souvent connue longtemps à l’avance et nous avons eu quelques exemples récents de mouvements annoncés plus d’un mois à l’avance. Autrement dit, rares sont les cas où les maires ne savent pas, plusieurs semaines en amont, qu’une grève d’importance aura lieu dans l’éducation nationale.

Il n’en reste pas moins, il est vrai, que savoir par avance qu’il y aura un conflit ne permet pas de connaître son ampleur exacte et donc d’évaluer en amont le nombre d’enfants concernés.

C’est la raison pour laquelle le ministère de l’éducation nationale s’est désormais engagé auprès des associations de maires à demander aux inspecteurs d’académie de transmettre en temps réel l’évolution du nombre de grévistes déclarés. Ainsi, avant le délai fatidique des quarante-huit heures, les maires pourront commencer à mesurer l’ampleur de la mobilisation. Il s’est également engagé à demander aux directeurs d’école de questionner les familles, quelques jours avant le mouvement, afin de savoir si elles entendent ou non bénéficier du service. Ces mesures permettront donc aux maires de disposer en amont des premières informations nécessaires pour s’organiser : ils pourront dès lors surmonter plus aisément l’obstacle des délais.

Plus épineuse est la question des personnels nécessaires pour la mise en œuvre du service car, si les grandes villes disposent par la force des choses d’un bassin de population, et donc d’un vivier de compétences, il peut être plus difficile pour les communes rurales de trouver le personnel nécessaire.

Dès l’examen du projet de loi, ce sujet a été au centre de nos débats. Là encore, à l’initiative de votre commission, il a été prévu que chaque commune devrait recenser ceux qui, parmi ses habitants ou parmi ceux des communes voisines, pourraient assurer le service. En effet, à nos yeux, la difficulté principale n’était pas de trouver les personnes compétentes, mais de s’y prendre suffisamment en amont pour avoir le temps de les trouver.

Le principe de la constitution d’un « vivier » a été inscrit dans la loi et l’expérience montre que partout où il a pu être constitué, le service fonctionne bien. Il reste, et ce point ne fait pas débat, qu’il est plus ou moins facile, selon le contexte local, de constituer ce « vivier ».

C’est pourquoi le ministère de l’éducation nationale s’est récemment engagé à aider les communes à trouver ces personnels.

Cela devrait permettre de lever l’essentiel des difficultés. Un point doit néanmoins encore être souligné : la loi ne fixe aucune norme de qualification pour les personnels et ne détermine aucun taux d’encadrement minimal. Il ne s’agit pas là d’un oubli ou d’une malfaçon, mais d’un choix volontaire, qui recevait au moment de l’examen du texte l’assentiment de la plupart des associations de maires.

Celles-ci craignaient en effet – à raison, me semble-t-il ! – que la fixation de normes contraignantes ne soit un obstacle pour les communes, et notamment pour les plus petites d’entre elles. Or de telles contraintes ne se justifient pas lorsqu’il s’agit d’un service mis en œuvre trois à quatre fois par an, et qui propose un accueil et non des enseignements.

Au demeurant, la pratique ne nous a pas démentis : à ma connaissance, il est arrivé qu’il y ait trop d’adultes, mais il me semble que très rares ont été les cas, si jamais il y en eut, où les adultes ont été trop peu nombreux pour accueillir dans de bonnes conditions les enfants.

Là encore, les difficultés me paraissent donc en voie d’atténuation, sinon de résolution. Mais elles disparaîtront d’autant plus vite que les services de l’État joueront totalement le jeu et se mobiliseront pour accompagner les communes dans la préparation du service.

Bien souvent, les maires ont ainsi manqué d’interlocuteurs capables de répondre à leurs questions, que ce soit sur le statut ou le nombre des personnels mobilisés, sur leur paiement ou sur les éventuelles conditions de qualification qu’il leur faudrait respecter. Je ne fais là que relayer ce que des maires bien informés m’ont rapporté.

Des mesures ont donc été prises ; deux instructions successives ont été envoyées aux inspecteurs d’académie, et les préfets et sous-préfets ont été également été alertés par les ministères de l’éducation nationale et de l’intérieur. Il est désormais clair pour tous que les services déconcentrés de l’État doivent prendre les devants et accompagner les maires.

Les résultats s’en font sentir : jour de grève après jour de grève, la bonne application de la loi progresse. Nous en sommes désormais arrivés à plus de 80 % de communes proposant le service. Dans l’académie de Strasbourg, le taux d’application de la loi lors de la grève de jeudi dernier était même de 95 %.

Au-delà des apparences qu’ont entretenues, parfois sciemment, quelques communes particulièrement visibles, la mise en œuvre du service d’accueil semble donc bien s’être améliorée depuis les premières grèves de l’automne dernier. Certes, des difficultés demeurent. Nous ne le nions pas, mais elles sont désormais bien repérées, et la réunion à votre invitation, monsieur le ministre, du comité de suivi de l’application de la loi a permis d’y apporter une première série de réponses.

De fait, le nombre de communes n’organisant pas le service d’accueil ne cesse de diminuer : le 29 janvier, elles étaient près de 1 900 à ne pas proposer le service ; le 19 mars, elles n’étaient plus que 1 400.

Plutôt que d’abroger partiellement une loi qui s’applique de mieux en mieux et d’ouvrir ainsi la voie à la suppression progressive du service, mieux vaut donc, me semble-t-il, continuer à faire preuve de pragmatisme, en aidant les communes à la mettre en œuvre et en répondant point par point à chacune des difficultés qu’elles rencontrent.

Il ne s’agit pas, mes chers collègues, de faire état, les uns et les autres, de notre connaissance du milieu enseignant. J’ai moi-même été enseignant pendant de très longues années et j’ai exercé des responsabilités dans des établissements scolaires. Cela ne m’a pas empêché de rester pragmatique et d’apporter des solutions pouvant trouver, sur le terrain, l’écho le plus favorable possible.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, la commission des affaires culturelles souhaite que vous poursuiviez la concertation qui est désormais bien engagée, afin de permettre aux communes de mettre en œuvre dans de bonnes conditions ce service tant apprécié par les familles.

C’est également pourquoi, mes chers collègues, la commission ne peut pas être favorable à l’adoption de cette proposition, bien qu’elle soit sensible à la voix que ce texte fait entendre, celle des maires des petites communes qui ont besoin d’être accompagnés par l’État pour exercer cette nouvelle compétence. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a quelques mois, j’ai eu l’honneur de présenter à votre assemblée le projet de loi instituant un droit à l’accueil pour les élèves scolarisés dans les écoles primaires, qui permet aux enfants d’être reçus y compris les jours de grève. Ce texte avait fait, à l’époque, l’objet de nombreux amendements pour tenir compte des demandes exprimées par les collectivités locales.

Je me suis attaché, depuis lors, à mettre en œuvre tous les moyens pour venir en aide aux communes qui éprouvaient des difficultés à répondre à l’obligation créée par la loi. Ces efforts ont permis à 90 % des communes de s’acquitter de cette mission nouvelle à l’occasion de la dernière grève. C’est une avancée majeure pour le droit des familles. C’est aussi un progrès incontestable et un signe de maturité de notre dialogue social, qui peut à présent se dérouler dans des conditions plus sereines.

C’est dans ce contexte, et alors qu’une très large majorité de Français plébiscite le nouveau droit qui leur est reconnu, que le groupe RDSE souhaite réviser les modalités d’application de la loi pour les communes de moins de 2 000 habitants, en confiant à l’État la charge d’accueillir les enfants les jours de grève.

Je ne suis pas favorable à cette proposition, non seulement parce que je la crois davantage dictée par des considérations politiques que par le souci de venir en aide aux familles (protestations sur certaines travées du RDSE et de lUnion centriste), ....

Mme Jacqueline Gourault. Ce n’est pas gentil pour le RDSE !

M. Xavier Darcos, ministre. ... mais aussi parce que j’estime qu’elle remettrait en cause l’équilibre juridique, politique et tout simplement pratique auquel nous sommes parvenus en dialoguant avec les représentants des différentes collectivités locales.

Je sais parfaitement que l’organisation du service ne saurait être définie de façon trop stricte, ce qui est tout à fait normal, compte tenu de l’ampleur du réseau des écoles primaires : il y en a près de 55 000 réparties dans 22 000 communes. Mais c’est précisément la raison pour laquelle j’ai voulu que ce soit chaque commune qui définisse les modalités selon lesquelles elle souhaitait mettre en place ce dispositif, et non l’État, qui ne saurait avoir la même connaissance que le maire des besoins des familles et de la qualité des personnes susceptibles d’assurer l’accueil sur le territoire de sa commune !

L’État et les communes doivent s’entendre dans l’intérêt des familles, et c’est bien ce que nous avons cherché à faire au cours des derniers mois en menant un dialogue approfondi avec tous les acteurs concernés. Ces derniers mois, en effet, j’ai rencontré les principales associations des maires, à plusieurs reprises, ainsi que le président de l’Association des maires de France, Jacques Pélissard, pour voir avec eux les points à améliorer.

J’ai apporté un certain nombre de réponses à leurs demandes, que Philippe Richert détaille précisément dans son rapport. Je vais les reprendre rapidement.

J’ai d’abord envoyé, le 22 décembre, une instruction aux préfets – qui ont l’habitude d’obéir, madame Escoffier, à ce que leur demande le Gouvernement ! – et aux recteurs, instruction rédigée en commun avec Mme la ministre de l’intérieur, qui précisait la façon dont les recours devaient être engagés contre les communes n’ayant pas appliqué le SMA. Il s’agissait de distinguer les communes de bonne foi, qui n’avaient pas pu mettre ce service en place, de celles qui avaient délibérément refusé de mettre en œuvre ce service pour des raisons politiques ou idéologiques, bafouant ainsi la volonté du législateur. Peu nombreuses sont aujourd’hui les villes, grandes ou petites, qui s’y risquent. Même Paris ne s’y risque pas !

J’ai envoyé aux inspecteurs d’académie, le 14 janvier, une instruction portant sur un ensemble de points listés avec le président de l’Association des maires de France : liste vivier, prévision du nombre d’enseignants grévistes, évaluation du nombre d’enfants à accueillir, collaboration plus étroite entre l’État et les communes.

J’ai rappelé ces dispositions dans une autre instruction aux inspecteurs d’académie, le 25 février.

Enfin, j’ai souhaité que les inspecteurs d’académie soient aux côtés des maires pour les aider et leur donner toutes les informations nécessaires à la mise en œuvre du droit d’accueil. Les petites communes avaient besoin de ce soutien ; nous le leur avons apporté et je continuerai à demander à mes services de le faire.

Ces efforts se sont traduits concrètement dans les chiffres lors des grèves du 29 janvier et du 19 mars dernier puisque 90 % des communes ont mis en place le SMA, et cela, je tiens à le préciser, sans distinction entre les grandes et les petites communes.

Comme l’a dit votre rapporteur, on constate une montée en puissance de ce service d’accueil, puisque l’on est passé de plus de 50 000 enfants accueillis en octobre 2008 à près de 450 000 enfants le 29 janvier dernier. Qui peut penser sérieusement que l’on puisse aujourd’hui priver les familles de ces avancées ? Qui osera dire à 450 000 enfants : « Non, nous ne vous accueillerons plus » ?

Enfin, c’est pour rester à l’écoute des maires, de tous les maires, que j’ai mis en place, avec les principales associations des maires, un comité de suivi de l’application de la loi, le 3 mars dernier, en présence de Philippe Richert. Cette réunion anticipait la remise du rapport d’évaluation prévue pour le mois de septembre et nous a permis de faire de nouveau un point sur la mise en œuvre de la loi. J’ai pu constater avec satisfaction qu’aucune association de maires ne conteste plus le bien-fondé de la loi. Les maires souhaitent au contraire la mettre en œuvre dans les meilleures conditions possibles.

En vérité, tout montre que le droit d’accueil a désormais trouvé sa place dans la vie quotidienne et dans le patrimoine de nos compatriotes. (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Maintenant, la question que soulève la proposition du groupe RDSE est la suivante : y a-t-il plus d’obstacles pour les maires ruraux, ou pour les maires des petites communes, pour appliquer la loi ? Je ne le crois pas ! Faut-il croire en effet qu’il est plus dur d’appliquer cette loi dans une commune de moins de 2 000 habitants que dans une ville de plus de 100 000 habitants ?

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire devant vous le 20 janvier dernier, je ne conteste pas que la mise en œuvre du droit à l’accueil les jours de grève constitue, pour les communes qui en sont chargées, un défi nouveau, avec son lot de contraintes plus ou moins faciles à surmonter. Cependant, mes rencontres avec l’association des maires ruraux ainsi que les remontées du terrain à la suite des dernières grèves qu’a pu connaître l’éducation nationale m’ont permis de faire le constat suivant : même si les difficultés qui peuvent exister dans la mise en œuvre ne sont pas les mêmes partout, il n’y en a pas plus dans les petites communes rurales qu’ailleurs. Est-il nécessaire de vous citer le nom de milliers de communes de moins de 2 000 habitants, voire de moins de 500 habitants, qui ont réussi à mettre en place sans difficulté un service d’accueil pour les élèves scolarisés sur leur territoire ?

Comme Philippe Richert, je considère par ailleurs, et je le dis solennellement devant la Haute Assemblée, qu’il ne serait pas justifié de différencier l’application de la loi selon la taille de la commune : comment expliquer que 75 % des maires seraient dispensés de mettre en œuvre la loi ?

De plus, introduire une distinction entre les familles des petites communes et celles des grandes communes, c’est se heurter au principe constitutionnel d’égalité.

Comment prétendre qu’une famille qui habite une petite ville a moins besoin de ce service qu’une famille d’une grande ville ? Faudra-t-il distinguer demain les enfants des villes des enfants des champs ?

Le droit d’accueil ne peut pas être à géométrie variable ! Introduire des différences entre les communes, au prétexte que certaines communes ont des difficultés particulières dues soit à leur nombre d’habitants, soit à leur situation géographique, ce serait risquer de stigmatiser celles qui n’arriveraient pas à mettre en œuvre le droit d’accueil.

Pour autant, je suis bien conscient que les petites communes ont évidemment des contraintes différentes de celles des grandes villes. C’est pourquoi je suis résolument décidé à poursuivre le dialogue avec elles et prêt à donner à mon administration les instructions qui apparaîtraient nécessaires pour les accompagner encore davantage dans la mise en œuvre du droit d’accueil. Le rapport remis au mois de septembre nous y aidera.

C’est pourquoi je vous demande aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas voter la proposition de loi présentée par vos collègues du groupe RDSE, dont je constate d’ailleurs qu’elle pourrait se heurter à l’article 40 puisqu’elle crée une nouvelle dépense pour l’État.

Ce droit d’accueil, c’est un progrès social et c’est un service sur lequel toutes les familles peuvent désormais compter. Les en priver sous tel ou tel prétexte, comme l’avance la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui, ce ne serait pas seulement un retour en arrière, ce serait tout simplement incompréhensible ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et primaires, votée l’été dernier, non sans une certaine précipitation, a, depuis, et très rapidement, révélé ses faiblesses et ses lacunes.

Ce service minimum d’accueil consiste avant tout pour l’État à faire porter, une nouvelle fois, suis-je tenté de dire, sur les collectivités locales l’organisation et le coût de l’encadrement des enfants les jours de grève des enseignants. II s’agit donc manifestement d’un nouveau désengagement de l’État et d’un nouveau transfert de charges vers les collectivités locales, lesquelles n’ont bien évidemment en l’occurrence rien demandé.

On peut se poser la question : pourquoi ce service d’accueil doit-il être à la charge des communes, alors que le conflit conduisant à la grève oppose un employeur, en l’occurrence l’État, à ses propres agents, les enseignants ?

Ainsi, il nous paraît inacceptable de renvoyer aux élus locaux la responsabilité de l’État sur des acteurs étrangers au conflit ayant conduit à la grève.

Mais, au-delà même du principe, l’expérience et la pratique de cette loi ont mis en évidence une réalité : le service minimum d’accueil dans les écoles soulève indéniablement de nombreuses difficultés d’application et, avant tout, dans les toutes petites communes.

II est impossible pour un maire, et à plus forte raison en milieu rural, d’organiser l’accueil des élèves en moins de 48 heures. La tâche est d’autant moins aisée que le seuil de 25 % à partir duquel le service minimum d’accueil devient obligatoire est très vite atteint dans de nombreuses communes. C’est d’ailleurs souvent le cas dans les écoles situées en milieu rural.

Par ailleurs, la question du recrutement des personnes chargées d’encadrer les élèves demeure problématique, monsieur le ministre. Selon la circulaire du 26 août 2008, aucune qualification minimale n’est exigée alors qu’il s’agit de l’encadrement d’enfants de deux à dix ans. Cette carence de la loi est d’autant plus surprenante qu’habituellement les conditions d’accès aux professions portant sur l’accueil d’enfants sont strictement encadrées et qu’est exigée au minimum la possession du brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur, BAFA.

Cette méthode de recrutement nous semble, en conséquence, bien hasardeuse. Elle confirme que cette loi est inapplicable et fait courir des risques aux élèves.

De plus, la loi a eu pour conséquence de placer dans l’illégalité les élus qui ne pouvaient pas l’appliquer ou qui ont refusé de le faire par respect des règles de sécurité, ce qui a donné lieu à de nombreuses condamnations, très disparates selon les juridictions. La décision d’arrêter les recours devant les tribunaux administratifs contre certains maires traduit d’ailleurs une prise de conscience des aberrations de ce texte particulièrement inadapté aux petites communes.

Il n’est donc pas honnête d’incriminer systématiquement la mauvaise volonté des maires, voire d’invoquer un positionnement politique, monsieur le ministre. Chacun est en effet conscient de la difficulté que vivent les familles en cas de grève. Mais force est de reconnaître que des communes, particulièrement les plus petites, qui sont aussi les plus nombreuses, ne sont pas en mesure de fournir ce service minimum. Nous le savons tous ici.

Chacun d’entre nous mesure combien les petites communes rencontrent des difficultés pratiques pour organiser ce service minimum qui devient, à chaque annonce de grève dans le monde enseignant, un véritable casse-tête pour les maires ruraux.

La situation est d’autant plus délicate que s’est désormais diffusée dans l’opinion et, donc, chez les parents d’élèves, l’idée selon laquelle le service minimum d’accueil fonctionne, qu’il est un droit, pour ne pas dire un dû ! Et dans les communes rurales où les parents d’élèves s’organisaient habituellement avec les grands-parents, la famille ou les voisins, en un mot, avec les moyens du bord, eh bien, désormais, ils s’en remettent au service minimum d’accueil, ce qui ne fait que compliquer sa mise en œuvre par le maire.

Le président de l’Association des maires ruraux ne rappelait-il pas, à propos du service minimum d’accueil, que « rendre obligatoire ne permet pas de rendre possible ce qui ne l’est pas » ?

C’est pourquoi, mes chers collègues, faute d’abroger le service minimum d’accueil, il apparaît du moins indispensable de prendre en considération la taille des communes. Et, sur ce point, mes collègues du RDSE et moi sommes disposés à faire évoluer le seuil proposé de 2 000 habitants, à la hausse comme à la baisse.

C’est donc dans cet esprit constructif et uniquement guidé par un souci pratique, sans tenir compte d’une posture a priori, que mon groupe, le RDSE, a déposé cette proposition de loi et en souhaite l’adoption.

Je remercie mes collègues Anne-Marie Escoffier et Michel Charasse, parmi les meilleurs spécialistes des collectivités que compte notre Haute Assemblée, d’être à l’origine de ce texte aussi simple qu’attendu par les maires ruraux.

Nous ne doutons pas que cette proposition de loi, qui a reçu l’approbation de plusieurs associations d’élus locaux, connaîtra ici le seul prolongement qui s’impose, son adoption.

Mes chers collègues, parce que je sais notre Haute Assemblée à l’abri des positionnements idéologiques et parce que, dans sa grande sagesse, elle est toujours soucieuse d’améliorer les conditions pratiques d’exercice des mandats des élus locaux et des maires en particulier, toute autre issue que l’adoption de ce texte par le Sénat apparaîtrait comme incompréhensible.

Enfin, et pour conclure, je m’adresserai à mes collègues de la majorité pour leur rappeler, si cela leur avait échappé, que cette proposition de loi bénéficie du soutien du Président de la République lui-même. (M. le ministre fait un signe de protestation.)