M. le président. L'amendement n° 726 rectifié, présenté par MM. Cazeau et Le Menn, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, MM. Teulade, Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après l'article L. 1434-6-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. ... ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Les zones de mise en œuvre des mesures prévues pour l'installation des professionnels de santé libéraux, des maisons de santé et des centres de santé sont établies en fonction de critères qui prennent en compte :

« 1° la densité, le niveau d'activité et l'âge des professionnels de santé ;

« 2° la part de la population qui est âgée de plus de soixante-quinze ans ;

« 3° la part des professionnels de santé qui exerce dans une maison de santé ou un centre de santé ;

« 4° l'éloignement des centres hospitaliers ;

« 5° la part des professionnels de santé qui sont autorisés à facturer des dépassements d'honoraires.

« Ce zonage est soumis pour avis à la conférence régionale de la santé et de l'autonomie.

« L'application du présent article se fera dans des conditions définies en Conseil d'État. »

La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Il est clair que, si le présent amendement n’est pas strictement identique à l'amendement n° 475, il est du même cru !

Il importe en effet de préciser les critères permettant d’établir le zonage. D’ailleurs, la Cour des comptes, dans un rapport de 2007, avait souligné que celui-ci manquait d’homogénéité et que les méthodes utilisées n’étaient pas sans défaut.

Un nouveau recensement des zones sous-médicalisées devait être achevé au 1er janvier 2007, mais il a été retardé.

Il conviendrait de s’interroger sur la superposition des zonages existants : zones sous-médicalisées, zones de revitalisation rurale, zones franches urbaines.

Voilà pourquoi nous proposons de mettre un peu d’ordre dans cette situation en fixant certains critères pour le zonage et en prévoyant de le soumettre pour avis à la conférence régionale de santé, qui rassemblera, dès qu’elle sera mise en place, les élus locaux et les principaux acteurs du système de santé en région.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Nous avons déjà abordé le problème du zonage lors de la discussion du titre IV, notamment à l’article 26. Nous avons indiqué que le zonage entrait dans les missions de l’ARS et qu’il devait figurer dans le SROS.

La commission estime qu’il n’est pas nécessaire de reprendre cette disposition à l’article 15 et demande le retrait de ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, mais je souhaite revenir sur les critères qui servent à déterminer le zonage.

Certains territoires connaissent aujourd’hui de réelles difficultés en matière d’accès aux soins. Nous avons évoqué à l’instant avec M. Vasselle les aides qui existent dans ce domaine, qu’elles viennent de l’État, à travers des mesures fiscales, qu’elles soient de nature conventionnelle ou qu’elles soient consenties par les collectivités territoriales. Ces aides s’appliquent sur différents types de zones, définies selon des modalités diverses : zones de revitalisation rurales, zones urbaines sensibles, zones franches urbaines ; en outre, depuis 2005, des zonages ont été réalisés par les missions régionales de santé.

L’expérience acquise à cet égard montre que, pour être efficace, la définition du zonage pour l’application des mesures d’amélioration de la répartition des professionnels de santé doit respecter un certain nombre de principes.

Le premier de ces principes est l’équité à l’échelle nationale. Il faut donc garantir une équité de traitement tout en assurant la maîtrise des dépenses d’assurance maladie. Il est par conséquent nécessaire qu’un certain nombre de règles soient édictées nationalement.

Deuxième principe à respecter : le soutien des projets locaux. Les mesures prévues pour l’installation des professionnels doivent constituer un levier d’action efficace pour les porteurs de projets, en particulier les collectivités territoriales : elles doivent s’appliquer en fonction des spécificités locales, en synergie avec la politique d’aménagement du territoire.

Troisième principe à respecter : une concertation à la fois ample et approfondie. Je ne me lasserai jamais de le dire, la concertation doit associer les élus, les professionnels de santé et les usagers.

Les zones d’application des mesures d’amélioration de la répartition géographique des professionnels de santé sont déterminées dans le cadre de l’élaboration des SROS. L’organisation des soins est pensée en réponse aux besoins de soins de la population. Les SROS comportent un volet ambulatoire, qui définit l’organisation des soins à partir d’une analyse des besoins et de l’offre en santé. Les SROS indiquent les implantations nécessaires pour les professionnels de santé, les maisons de santé, les centres, les pôles, les réseaux. Il détermine également, dans ce contexte, les zones différenciées d’application des mesures d’amélioration de la répartition des professionnels de santé.

Cette démarche garantit, d’une part, que la définition des zones s’inscrit dans un territoire de santé de proximité, au sein duquel l’accès aux soins en ambulatoire est pensé collectivement et de façon prospective, d’autre part, qu’il fait l’objet d’une organisation définie et connue de tous.

Parallèlement, sont déterminés au niveau national un socle de critères communs de définition des zones et une règle de répartition de la marge de manœuvre d’ajustement des zones entre régions. Celle-ci pourra être fondée sur le pourcentage de population concernée par les différents types de zones en niveau de dotation.

La définition des zones dans le cadre des territoires de proximité d’organisation des soins en ambulatoire, d’une part, la détermination de règles minimales de définition des zones et de répartition de la marge de manœuvre entre régions, d’autre part, sont les deux leviers qui permettent de garantir à la fois une équité de traitement entre régions et une adaptation du dispositif aux objectifs locaux. En effet, nous essayons en permanence de respecter à la fois le principe d’équité et la nécessité de répondre aux besoins spécifiques.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à la disposition de ceux qui souhaitent des informations plus précises un document relatif aux critères communs de définition des zones d’application des mesures de répartition géographique des professionnels de santé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 475.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 726 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 476 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 727 rectifié est présenté par MM. Cazeau et Le Menn, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, MM. Teulade, Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après l'article L. 1434-6 du code de la santé publique, tel qu'il résulte de l'article 26 de la présente loi, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

Art. L. ... - Un décret en Conseil d'État détermine les règles d'accessibilité aux soins mentionnés à l'article L. 1411-11. Ces règles prennent en compte :

« 1° la distance et la durée d'accès aux professionnels de santé qui dispensent ces soins ;

« 2° les délais dans lesquels ces professionnels sont en mesure de recevoir les patients en consultation, hors cas d'urgence médicale ;

« 3° le nombre de professionnels de santé libéraux autorisés à facturer des dépassements d'honoraires.

« Sauf circonstances exceptionnelles, ces règles doivent permettre que la durée d'accès à un médecin mentionné à l'article L. 4130-1 n'excède pas trente minutes de trajet automobile dans les conditions normales de circulation du territoire concerné. »

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l'amendement n° 476.

Mme Isabelle Pasquet. Dans le rapport d’information que nous avons cité lors de la défense de notre amendement précédent, il est précisé que l’accès aux soins peut être limité ou rendu difficile en raison de trois critères principaux.

Ces difficultés d’accès aux soins sont à la fois d’ordre géographique – elles sont alors mesurées en temps d’accès à un professionnel de santé–, d’ordre temporel, résultant de ruptures dans la permanence des soins et à d’importantes files d’attente, et d’ordre financier, parce que l’offre de soins aux tarifs opposables fait défaut.

Par cet amendement, nous tentons d’apporter une réponse à ces trois ordres de difficultés en précisant les règles relatives aux conditions normales d’accessibilité aux soins de premiers recours.

Selon nous, vouloir mettre en œuvre un concept aussi important que l’accès aux soins de premiers recours sans préciser dans la loi les conditions de cet accès est illusoire. Nous estimons que notre devoir est de faire vivre les droits que la loi définit.

Pour ce qui est des difficultés liées à l’implantation géographique, l’accessibilité doit se mesurer en termes de distance et de durée. Je vous le rappelle, le rapport de M. Bernier préconise un temps de trajet d’une durée maximale de trente minutes.

En ce qui concerne l’accessibilité en termes de temps d’attente, nous proposons que le décret tienne compte de l’exigence de consultation dans un délai raisonnable.

S’agissant des difficultés d’ordre financier, nous proposons que le décret prenne en compte le nombre de professionnels de santé libéraux autorisés à facturer des dépassements d’honoraires.

L’adoption de notre amendement permettrait donc de répondre parfaitement aux enjeux mis en exergue dans ce rapport, lequel a d’ailleurs été adopté à l’unanimité. Notre amendement étant calqué sur ses préconisations, nous ne doutons pas qu’il connaîtra le même sort…

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour présenter l'amendement n° 727 rectifié.

M. Jacky Le Menn. Nous proposons de fixer des règles d’accessibilité des soins de premier recours, afin que la politique régionale de santé contribue effectivement à réduire les inégalités en la matière.

Cette disposition pourrait constituer un excellent filet de sécurité dans des territoires où le patient se trouve à une demi-heure, à trois quarts d’heure, et peut-être bientôt à une heure du médecin le plus proche. Il s’agit d’une injonction qui vise en particulier les agences régionales de santé, afin de « remailler » les territoires et de créer, dans ce domaine, une obligation de moyens, voire de résultat.

Par cet amendement, nous fixons donc des règles relatives à la distance et au temps d’accès aux professionnels concernés, aux délais dans lesquels ces derniers sont en mesure de recevoir les patients et au pourcentage de ces professionnels autorisés à facturer des dépassements d’honoraires. Si nous sommes résolument opposés à ces derniers, nous proposons des mesures graduelles pour commencer d’en limiter le nombre.

Notre amendement tend donc à instituer des normes pour les délais d’accès aux soins, ce qui serait un réel progrès dans notre pays. Les services publics pour lesquels la loi précise des délais d’accès, tels les bureaux de poste ou les cabines téléphoniques, sont en effet rares. Nous proposons d’étendre ce dispositif à l’organisation du tissu des professionnels de santé.

Les règles en question prendront en compte l’ensemble des difficultés d’accès aux soins rencontrées par les Français, notamment l’éloignement des professionnels de santé, les files d’attente, les dépassements d’honoraires. Il est recommandé que, sauf circonstances exceptionnelles, les SROS prévoient une accessibilité aux médecins généralistes de premier recours dans un délai maximal de trente minutes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Je voudrais rappeler aux auteurs de ces amendements que nous avons évoqué cette question hier, lors du débat sur l’article 14, selon lequel la proximité s’exprime en termes de distance et de temps de parcours. Il ne me semble pas utile de faire figurer une telle précision dans tous les articles du texte.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 476 et 727 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 725 rectifié, présenté par MM. Cazeau et Le Menn, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, MM. Teulade, Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après l'article L. 1431-2 du code de la santé publique il est inséré un article L. ... ainsi rédigé :

« Art. L. ... - L'agence régionale de santé favorise la coordination entre les professionnels de santé et les établissements et les services médico-sociaux. Elle contribue à l'élaboration d'outils facilitant cette collaboration. »

La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Cet amendement vise à confier aux ARS la mission d’accompagnement et de soutien aux opérateurs de terrain. En effet, avant d’organiser ou de contrôler, l’agence doit accompagner, faciliter la dynamique de transformation de notre système de santé. Pour cela, elle doit développer des outils qui rendent possible cette nouvelle organisation des soins avec l’aide des établissements et des services médico-sociaux.

Ces instruments constituent en effet un socle pour créer les conditions du dialogue entre l’ARS et l’ensemble des acteurs de la santé, qu’il s’agisse des usagers et patients, des professionnels ou des autres interlocuteurs institutionnels, tels les élus.

Le fait de disposer d’un outillage renforcé – notamment en vue de faciliter les mises en contact ou les recherches d’informations – permettra d’assurer un meilleur suivi des délais et de rechercher des réponses mieux adaptées aux besoins et au calendrier de chaque partenaire.

La définition d’un tableau de bord de suivi de l’activité associant, par exemple, expérimentation et évaluation constituera un autre axe fort de cette coopération. Cela permettra aussi, par la mise en place d’autres outils, une meilleure organisation de soins sur le territoire concerné.

Nés d’une réflexion collective sur les marges de progrès de l’institution et sur ses ambitions stratégiques, ces outils ont vocation à faire en sorte que les objectifs de chacun soient clarifiés et à soutenir le développement professionnel des agents et des experts qui s’associent aux missions de l’ARS.

Il s’agit d’outils fédérateurs et démocratiques pour l’ensemble des collaborateurs de l’institution dans la mesure où ils mettent en tension les services de l’ARS. Leur mise en place s’accompagnera d’une feuille de route pour les acteurs locaux de la santé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement, qui porte sur les missions des ARS, et qui a été déposé avant que l’examen par priorité du titre IV n’ait été décidé, nous semble satisfait par l’article 26 tel que nous l’avons adopté. La commission vous demande donc, monsieur Daudigny, de bien vouloir le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’avais envisagé de m’en remettre à sagesse du Sénat sur cet amendement dans la mesure où j’avais émis un avis favorable sur un amendement similaire présenté à l'Assemblée nationale.

Cependant, compte tenu du travail réalisé par la commission des affaires sociales du Sénat, je pense qu’il est effectivement satisfait, monsieur Daudigny. Je suis donc encline à vous demander de bien vouloir le retirer.

M. le président. Monsieur Daudigny, l’amendement n° 725 rectifié est-il maintenu ?

M. Yves Daudigny. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 725 rectifié est retiré.

L'amendement n° 182 rectifié bis, présenté par MM. Maurey, Zocchetto, Amoudry, J. Boyer, Détraigne, Dubois, J.L. Dupont et A. Giraud, Mme N. Goulet, MM. Merceron et Soulage et Mme Payet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après l'article L. 4131-7 du code de la santé publique, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ...  - À partir de 2017, à l'issue de leur formation initiale, soit la fin du troisième cycle, les médecins désireux d'exercer leurs fonctions à titre libéral ou salarié sont tenus de s'installer durant une période minimum de trois ans dans un territoire où le schéma visé à l'article L. 1434-6 du code de la santé publique indique que l'offre de soins de premier recours ne suffit pas à répondre aux besoins de santé de la population. Ce dispositif s'applique également aux médecins titulaires de diplômes étrangers dans les conditions fixées par décret pris en Conseil d'État.»

La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Voici un amendement que je crois particulièrement important, et que d’aucuns jugeront d’ailleurs « politiquement incorrect ». Il prouvera au moins à M. Autain qu’il y a aussi des gens dans la majorité qui se soucient des déserts médicaux.

M. François Autain. Pas assez !

M. Hervé Maurey. En tout cas, vous n’avez pas le monopole de cette préoccupation, mon cher collègue.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Hervé Maurey. Nous proposons que, à partir de 2017, à l’issue de leur formation, les médecins soient tenus de s’installer pour une durée de trois ans dans un secteur sous-médicalisé.

Cette proposition fait suite à un certain nombre de constats qui ont déjà été rappelés, notamment par moi-même hier soir, à savoir que les mesures incitatives ne produiront pas plus d’effet demain qu’elles n’en ont produit jusqu’à présent.

Selon le rapport de Marc Bernier et de Christian Paul, l’un appartenant, je le rappelle, au groupe UMP et l’autre au groupe socialiste de l’Assemblée nationale – on ne peut donc pas taxer leur rapport de parti pris –, « il n’est pas possible de corriger les inégalités croissantes dans la répartition des professionnels de santé, notamment des médecins, par des mesures purement incitatives, […] sans que la liberté d’installation des médecins […] soit encadrée ».

Un rapport de mars 2007 de l’Académie nationale de médecine indiquait pour sa part : « Le choix de devenir médecin impose un engagement de service à l’égard des malades de notre pays. En outre, la formation de chaque étudiant en médecine représente pour la société une charge financière importante : plus de 200 000 euros. À l’exemple de ce qui existe pour certaines des plus grandes écoles, il ne serait donc pas anormal que chaque jeune médecin doive consacrer quelques années de son début d’activité au service de la nation. »

Je le répète, en particulier à l’intention de ceux d’entre vous qui êtes médecins, mes chers collègues, il s’agit là d’un rapport de l’Académie nationale de médecine ! Preuve que les médecins sont parfois lucides et qu’ils ne sont pas tous aveuglés par un corporatisme regrettable et préoccupant.

M. François Autain. C’est sûr !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela dépend de leur âge !

M. Hervé Maurey. M. Biwer a jugé que la date de 2017 était un peu tardive – il a d’ailleurs déposé un sous-amendement pour la modifier –, ce que je veux bien reconnaître. Cependant, j’ai prévu cette échéance relativement lointaine pour deux raisons.

Tout d’abord, on aurait pu reprocher à cet amendement d’avoir en quelque sorte un effet rétroactif s’il avait imposé une nouvelle contrainte à des étudiants qui ont déjà entamé une formation longue et difficile. Ce dispositif concernera donc uniquement ceux qui s’engageront demain dans la voie médicale.

Ensuite, ce délai nous permettra d’observer si les mesures proposées par le Gouvernement, dont on nous vante l’efficacité, seront réellement incitatives. Si c’est le cas, ce dispositif n’aura pas lieu de s’appliquer.

M. le président. Le sous-amendement n° 1221, présenté par M. Biwer, est ainsi libellé :

Au début du dernier alinéa de l'amendement n° 182 rectifié bis, remplacer le millésime :

2017

par le millésime :

2012

La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. J’avais moi-même rédigé un amendement similaire à celui que vient de défendre M. Maurey, sinon que je prévoyais une application du dispositif à partir de 2012. C’est pourquoi j’ai renoncé à déposer cet amendement et propose de sous-amender celui de M. Maurey, afin d’avancer la date.

Tout comme mon collègue, je pense que nous avons tous une sorte de dette envers la société, dette plus ou moins importante selon la durée de nos études. Dès lors, il s’agit d’honorer cette dette.

Pour ce qui me concerne, on ne m’a pas demandé mon avis avant de m’envoyer, à une certaine époque, passer deux ans et demi en Algérie, même si, j’en conviens, le problème qui nous occupe est évidemment différent.

Nous disons en quelque sorte à ces étudiants : « Mesdames, messieurs les futurs médecins, pour retourner à la société le service qu’elle vous a rendu, vous allez exercer pendant au moins trois ans dans des territoires qui ont besoin de vous. »

Si je prévois 2012 plutôt que 2017, c’est par cohérence avec la date d’application de certaines dispositions du texte que nous discutons. « Nul n’est censé ignorer la loi », dit l’adage. Je considère que nul ne doit non plus ignorer son évolution. Cela étant, on pourrait très bien écrire 2010.

M. Claude Biwer. Si les médecins le souhaitent, pourquoi pas ? Je prends acte, monsieur Barbier, que, par votre voix, la médecine s’exprime pour me dire que je vois encore trop loin ! (Sourires.)

Il reste que la France a besoin d’un meilleur maillage médical de ses territoires. Au reste, rien n’empêche les médecins d’habiter en ville et d’exercer à la campagne, comme le font beaucoup d’autres professionnels.

MM. Bernard Cazeau et Jean-Pierre Sueur. C’est de l’idéologie socialisante !

M. François Autain. Non, communisante !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. M. Autain est un spécialiste !

M. Jean Desessard. C’est le nouveau socialisme centriste ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Ce n’est pas la première fois depuis le début de l’examen de ce texte – mais c’est la première fois dans l’hémicycle – que j’entends quelqu’un reprocher aux étudiants en médecine de vouloir devenir médecin. (M. Hervé Maurey proteste.)

Mon cher collègue, vous dites qu’un étudiant en médecine coûte 200 000 euros à la société. Si vous considérez que c’est trop cher, n’en formons plus !

L’État finance des établissements pour avoir des directeurs d’hôpitaux, des agrégés de mathématiques, des médecins, qui rendront service à la société en exerçant leur métier. Arrêtons donc de dire qu’un médecin aura coûté 200 000 euros à la société pendant ses quinze ans d’études ! Les trois premières années d’études de médecine sont certes des années « stériles » pour la société, du moins selon votre conception, mais les étudiants commencent à travailler dans les hôpitaux à partir de la quatrième année, et donc à rendre des services aux malades.

Mme Isabelle Debré. Très bien !

M. Alain Milon, rapporteur. Cela étant, il y a en effet des secteurs géographiques qui souffrent d’un manque de médecins. Mais alors, pourquoi ne pas imaginer des zones franches, à l’instar de celles qui existent pour les entreprises dans les secteurs qui comptent un nombre considérable de chômeurs, plutôt que d’obliger les jeunes médecins à aller exercer dans tel ou tel endroit ? Quitte à opter pour une solution radicale, mieux vaut les exempter d’impôts, de taxes : on verra ce que cela peut donner !

M. François Autain. Qu’est-ce que ça veut dire ?

M. Alain Milon, rapporteur. Enfin, excusez-moi de le dire comme je le ressens, mais ce que vous proposez, c’est une sorte de travail obligatoire.

M. François Autain. Le STO ! (Sourires.)

M. Alain Milon, rapporteur. Je l’ai pensé, mais je ne l’ai pas dit ! (Nouveaux sourires.)

Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 182 rectifié bis. Il en va bien sûr, a fortiori, de même pour le sous-amendement n° 1221, qui est pire encore !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Maurey, la mesure que vous proposez ressortit tout à fait à ces mesures coercitives que j’ai évoquées précédemment et dont je crois profondément qu’elles seraient inefficaces. Ce n’est pas que je les juge moralement indéfendables – après tout, il existe des mesures de ce type qui s’appliquent à d’autres professions –, mais, compte tenu de la structuration de notre territoire, du mode d’exercice médical, elles ne feraient qu’accélérer encore la désertification des zones rurales.

M. François Autain. On n’en sait rien ! Essayons !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je le répète, avec la concurrence entre les différents modes d’exercice de la médecine, entre les différentes catégories de territoires et entre les professionnels de santé au sein de l’espace économique européen – on connaît les tensions qui s’y font jour –, nous risquerions de faire fuir définitivement ceux qui voudraient choisir la médecine de premier recours, sans compter que l’effet serait désastreux, à terme, sur la démographie médicale.

Voilà la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement et à ce sous-amendement. Je préfère en effet des mesures opérationnelles et pragmatiques.