compte rendu intégral

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Première séance

Présidence de m. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

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OUVERTURE DE LA SESSION DU CONGRÈS

M. le président. Le Parlement est réuni en Congrès, conformément au décret du Président de la République publié au Journal officiel du 11 juin 2009.

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MODIFICATION DU RÈGLEMENT DU CONGRÈS

M. le président. L’ordre du jour appelle le vote sur une proposition de résolution présentée par le Bureau du Congrès, modifiant le règlement du Congrès.

Rappel au règlement

M. le président. Avant d’appeler les orateurs inscrits pour des explications de vote, je vais la donner à M. Jean-Jacques Urvoas, qui me l’a demandée pour un rappel au règlement.

M. Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le président du Congrès, mon rappel au règlement porte sur l’organisation géographique des travaux du Congrès. Le Congrès, c’est la réunion de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le règlement du Congrès est contenu dans celui de l’Assemblée nationale. Or je n’ai pas trouvé, à sa lecture, de disposition prévoyant que les parlementaires soient placés par ordre alphabétique. (Applaudissements et protestations.)

Dans la mesure où le règlement du Congrès reconnaît les groupes parlementaires du fait qu’il leur est attribué un temps de parole, et où l’article 3 de l’instruction générale du Bureau du Congrès du Parlement reconnaît les présidents de groupe puisqu’il les habilite à déposer les demandes de scrutin public, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche de l’Assemblée nationale souhaite que, par extension, l’article 22 du règlement de l’Assemblée nationale soit appliqué au Congrès, et que la salle des séances soit divisée en autant de secteurs qu’il y a de groupes au sein de celui-ci, et ce dès aujourd’hui. (Applaudissements.)

M. le président. Je puis apporter, mon cher collègue, une réponse très simple à votre interrogation : le Bureau du Congrès a décidé que le placement des députés et des sénateurs se ferait, comme à l’accoutumée, par ordre alphabétique. J’ajoute qu’il l’a décidé à l’unanimité. (Applaudissements.)

Explications de vote

M. le président. Je vais maintenant donner la parole aux orateurs inscrits pour les explications de vote.

Pour le groupe Nouveau Centre de l’Assemblée nationale, la parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Monsieur le Président du Congrès, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes réunis ce matin, en cette journée historique, pour voter la modification du règlement, afin de permettre l’intervention du Président de la République.

Moins d’un an après la révision de la Constitution et la modification de l’article 18, le Président de la République pourra donc, cet après-midi, s’exprimer devant les parlementaires réunis en congrès, ce qu’aucun Président de la République n’a pu faire depuis cent cinquante ans.

Les députés du groupe Nouveau Centre voteront donc les modifications du règlement nécessaires à l’intervention du Président de la République. Tous ceux qui ont voté la révision constitutionnelle mesurent l’importance et la responsabilité de leur vote. Le président de notre groupe, François Sauvadet, s’exprimera cet après-midi, mais ce matin, au nom de mes collègues qui m’ont fait l’honneur de me permettre de parler en leur nom, je souligne la solennité de notre journée et l’importance d’une intervention présidentielle attendue.

Il ressort des travaux parlementaires qui ont encadré les conditions de cette intervention présidentielle que celle-ci est exceptionnelle, et réservée à des périodes particulières de l’histoire de la nation. Nous y sommes. Au lendemain d’une échéance électorale, et alors que la crise mondiale et ses effets sur l’économie nous obligent à poursuivre les réformes, mes collègues du groupe du Nouveau Centre et moi-même sommes convaincus que le Président de la République saura trouver les mots pour engager la nation vers plus de cohésion, vers plus de modernité, en un mot, tracer de nouveau horizons. Les défis ne manquent pas, tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur, et seule la poursuite d’un mouvement de réforme permettra de les relever avec efficacité.

La présidence française de l’Union européenne a montré la force du volontarisme. Aujourd’hui est un jour historique. Sachons nous rassembler sur l’essentiel, et faisons en sorte que cette réunion du Congrès puisse être un moment d’unité nationale.

Depuis maintenant deux ans, jamais le soutien du groupe parlementaire du Nouveau Centre n’a fait défaut au Gouvernement. En adoptant, ce matin, la modification du règlement du Congrès, le groupe Nouveau Centre se réjouit de contribuer à la modernisation et à l’adaptation de nos institutions et de notre vie politique, afin de rendre plus efficace notre action au seul service de la France et des Français. (Applaudissements.)

M. le président. Pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche de l’Assemblée nationale, la parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président du Congrès, chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour adapter le règlement du Congrès à l’une des évolutions constitutionnelles les plus importantes depuis 1958.

Je passe rapidement sur les conditions rocambolesques (Exclamations) de notre débat de ce matin : le Congrès est convoqué à dix heures trente, le Conseil constitutionnel est sommé de valider la résolution pendant l’heure du déjeuner, tout cela pour que le chef de l’État s’exprime, selon son bon plaisir, à quinze heures. (Applaudissements et protestations.)

J’en viens au fond.

M. Jérôme Bignon. C’est mieux !

M. Jean-Marc Ayrault. Jusqu’ici, notre régime se définissait comme un système d’équilibre des pouvoirs dans lequel l’exécutif et le législatif disposaient, chacun, de moyens pour mettre un terme au mandat de l’autre. La pratique constante, renforcée par le quinquennat, et l’inversion du calendrier électoral ont conduit à un déséquilibre croissant au profit de la Présidence de la République. La gouvernance de l’actuel Président a porté à son paroxysme cette pratique. Le Premier ministre est ravalé au rang de « simple collaborateur ». Les ministres apprennent les arbitrages de la bouche des conseillers élyséens. (Exclamations.)

M. Philippe Briand. Et du temps de Mitterrand ?

M. Jean-Marc Ayrault. Le Président n’a plus besoin de personne. Le Président sait tout et décide de tout. Le paradoxe, c’est qu’aujourd’hui, lorsque le chef de l’État viendra devant nous, nous serons plus que jamais invisibles à ses yeux. Nous ne serons qu’un élément du décor. Peut-être certains seront-ils, de bonne foi, honorés de sa présence. Ils se rendront rapidement à cette réalité : le Président ne vient pas pour dialoguer avec nous, mais pour parler au-dessus de nous. (Exclamations.)

Plusieurs députés. C’est vrai !

M. Jean-Marc Ayrault. Que nous a-t-on dit l’an dernier ? Que la révision constitutionnelle devait avoir pour effet l’accroissement des pouvoirs du Parlement. Quelqu’un croit-il encore sincèrement que telle soit la nouvelle réalité institutionnelle ? Oui, mes chers collègues, c’est la nature même de notre régime qui est aujourd’hui en cause.

Ni parlementaire ni présidentiel, notre système cumule désormais les inconvénients de ces deux régimes, au profit exclusif de l’exécutif. Oui, nous répond-on, mais aux États-Unis ? Aux États-Unis, justement, lorsque le Président vient, chaque année, prononcer devant le Congrès le discours sur l’état de l’Union, il ne le convoque pas à son gré : il se rend à son invitation. La séparation stricte des pouvoirs implique qu’il doive persuader les membres du Congrès de suivre ses orientations. Privé de tout pouvoir de contraindre, il doit convaincre.

Or, nous assistons aujourd’hui, en France, à la mise en place d’un système aussi inédit que baroque. Alors que, le 12 juillet 2007, lors de son discours d’Épinal, Nicolas Sarkozy expliquait : « Il ne peut y avoir de pouvoir fort sans responsabilité forte », le Président de la République s’exprime désormais devant l’Assemblée qu’il a le pouvoir de dissoudre, mais il demeure irresponsable devant elle. Le Président de la République se comporte en vrai chef de la majorité. C’est lui qui prononce désormais le discours de politique générale, mais sans avoir à se soumettre au débat ni au jugement du Parlement. Il parle sans risque de se voir censurer par celui-ci. L’effacement du Premier ministre derrière le Président est le symptôme de l’effacement du Parlement,…

M. Richard Mallié. Non, c’est la conséquence du quinquennat !

M. Jean-Marc Ayrault. …car seul le Premier ministre est responsable devant le Parlement.

C’est la raison pour laquelle nous ne participerons pas au simulacre de débat organisé cet après-midi et que nous ne voterons pas la modification du règlement. (Applaudissements et exclamations.) Vous savez parfaitement que ce débat n’en est pas un et qu’il se déroulera hors la présence du chef de l’État et sans vote ! (Exclamations.)

C’est la raison pour laquelle je demande solennellement, au nom des socialistes, que le Premier ministre vienne dès la semaine prochaine, après le remaniement gouvernemental, devant l’Assemblée nationale et soumette, après un débat, la politique de son gouvernement au vote de confiance ! (« Très bien ! » et applaudissements.)

Mes chers collègues, je vous demande de bien y réfléchir, vous qui, même si vous n’êtes pas du même bord que le mien, pouvez partager certaines inquiétudes. Si tel n’était pas le cas, nous serions les témoins d’un nouveau glissement constitutionnel, ce qui permettrait ainsi de mieux interpréter encore la nature de la réforme constitutionnelle de l’année dernière. L’Assemblée nationale, élue au suffrage universel, se verrait amputée d’un droit majeur et une fois encore contournée, au moment même où l’adoption de son nouveau règlement l’affaiblit vis-à-vis du Sénat.

Mes chers collègues, je conclus mon propos. Nous sommes le 22 juin. Oui, nous sommes le 22 juin – (Applaudissements ironiques) – je ne sais pas ce que vous applaudissez,…

M. Philippe Briand. C’est le lendemain du 21 juin !

M. Jean-Marc Ayrault. …mais peut-être allez-vous applaudir la suite : il y a deux cent vingt ans, jour pour jour, les députés du Tiers État auxquels Louis XVI avait interdit la salle de l’Hôtel des Menus Plaisirs, se réunirent dans la salle du Jeu de paume, à quelques mètres de notre hémicycle. (Exclamations.) Ensemble, ils promirent « de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides ». Ensemble, ils affirmèrent avec Mounier, Sieyès, Bailly, La Fayette (Exclamations), la volonté du peuple face à celle du bon plaisir. (Applaudissements et exclamations.)

L’heure n’est certes pas aussi grave (Exclamations), et nous ne confondons pas les époques et les enjeux, mais c’est cette histoire que nous commémorons aujourd’hui par notre présence ici, à Versailles et, plus encore qu’à Versailles, devant la salle du Jeu de paume. C’est à cette histoire-là que nous nous rattachons définitivement, pour que vive la République ! (Vifs applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire de l’Assemblée nationale.

M. Jean-François Copé. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque jour qui passe depuis le mois de juillet 2008, nous préparons, étape après étape, l’entrée dans cette nouvelle Constitution, qui est bien dans la Ve République, que certains appellent la Ve République bis et non pas la VIe République, avec, à chaque fois, des prérogatives nouvelles pour le Parlement français : l’ordre du jour partagé ; le fait que les textes soient désormais discutés dans l’hémicycle dans leur version élaborée en commission ; demain, le temps global, qui donnera à nos discussions une meilleure tenue que celle que nous avons pu connaître aux pires heures de l’obstruction de part et d’autre de l’hémicycle ; bientôt, le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques ; autant d’étapes nouvelles qui viennent équilibrer les pouvoirs dans notre République.

Mes chers collègues, je veux affirmer, au nom de la majorité UMP de l’Assemblée nationale, combien nous sommes heureux et fiers que le Président de la République ait choisi de donner à la représentation nationale de nouveaux pouvoirs et de nouvelles compétences, qui font honneur à la République. (Applaudissements.)

Ayant entendu l’analyse quelque peu extravagante du président Ayrault sur ce que nous allons vivre aujourd’hui, je veux souligner que la venue devant nous, pour la première fois dans l’histoire de notre Ve République et même depuis un peu plus longtemps, d’un Président de la République…

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M. Bernard Frimat. Napoléon III !

M. Jean-François Copé. …marque la considération qu’il porte à l’ensemble des parlementaires. Certains propos sont, à cet égard, lourds de contradictions : lorsque le Président s’exprime à la télévision, ce serait du mépris pour le Parlement, et lorsqu’il vient au Parlement, ce serait encore du mépris à son encontre. Ce n’est pas du tout ce que nous, dans la majorité, ressentons aujourd’hui. Que le Président de la République, amorçant au lendemain de l’élection européenne une nouvelle étape du quinquennat, vienne donner de nouvelles orientations à un moment si important de notre histoire politique, fera de ce 22 juin, je le crois, une très belle journée. (Applaudissements.)

J’ajoute, pour être complet, que c’est un moment autrement plus important que l’archaïque message écrit que le Président pouvait adresser de temps à autre au Parlement. Il sera présent devant nous, et cela me rappelle un souvenir. Comme M. Ayrault, j’aime l’histoire de notre pays. C’est du temps d’Adolphe Thiers, républicain, que datait la fameuse interdiction faite au Président de s’exprimer devant le Parlement : C’est la majorité – monarchiste – de l’époque qui avait interdit au Président Thiers de se rendre devant le Parlement, et ce sont aujourd’hui des socialistes qui voudraient interdire au Président de la Ve République de se rendre devant le Congrès. (Applaudissements.)

M. Richard Mallié. C’est le monde à l’envers !

M. Jean-François Copé. Des représentants de l’opposition nous ont expliqué à plusieurs reprises que la présence du Président de la République à la tribune du Congrès ferait problème parce que l’on ne pourrait immédiatement lui répondre, M. Ayrault paraissant même regretter que l’on ne puisse le censurer. Je ne sais pas quelle République il souhaite ; je sais, en revanche, que je n’ai aucune inquiétude quant au fait que la présence du Président ici cet après-midi sera l’occasion de tracer de grandes orientations pour notre pays.

En cette période de crise, si douloureuse pour les Français, en cette période d’épreuve, d’angoisse, d’effort et de sacrifice, nos concitoyens attendent du chef de l’État de grandes orientations pour la suite : préparer notre pays à repartir, lorsque viendra la sortie de crise, avec les meilleurs atouts de croissance, répondre aux défis de la dette et des déficits par la croissance et par la réduction de dépenses publiques inutiles, parler aussi de notre identité nationale à un moment où notre pays a tant besoin d’être rassemblé.

Oui, mes chers collègues, c’est bien un grand moment que nous allons vivre ensemble cet après-midi. Il nous faut pour cela adapter notre règlement. Cela ne se fait pas à la va-vite. Il y a, quoi que l’on entende à l’extérieur de cet hémicycle, un authentique consensus en ce sens. Les Français sont heureux de savoir que le Président de la République s’adresse à ceux qu’ils ont élus au suffrage universel. À celui qui expliquait tout à l’heure que l’essentiel était invisible pour les yeux, je veux dire que la meilleure manière d’être visible et d’être audible, c’est d’être présent et de prendre la parole sans craindre le débat public. C’est aussi cela, la démocratie. (Vifs applaudissements.)

M. Alain Néri. Vous confondez débat et monologue !

M. le président. Pour le groupe socialiste du Sénat, la parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, monsieur le président du Sénat, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me demande, au moment de prendre la parole, ce que peuvent penser les Français de nos débats, ce que sont leurs attentes et leur angoisse. Je m’interroge sur « l’essentiel », comme disait Jean-François Copé.

La réalité, la préoccupation de ceux que nous croisons tous les jours dans nos régions, nos départements, nos villes, nos territoires, elle n’est pas, je crois, dans les débats d’initiés. C’est un chômage qui augmente à un rythme jamais observé, ce sont des destructions d’emplois considérables – 200 000 au premier trimestre –, c’est un pouvoir d’achat en déclin, ce sont même, phénomène nouveau, des entreprises qui baissent les salaires, c’est une dette qui concourt à l’explosion des déficits publics.

La réalité que vivent les Français, c’est celle d’un pays caractérisé par le recul de la présence de l’État, par la disparition progressive des services publics dans les territoires ruraux et les quartiers urbains en difficulté.

Au regard d’une telle situation, nos compatriotes attendaient un plan de relance de grande envergure, comportant des annonces sociales de nature à encourager le soutien à la consommation en même temps que les besoins en investissement. Ils attendaient des perspectives sérieuses et crédibles prenant en compte les nécessaires régulations sociales et environnementales, en utilisant comme levier et comme potentialités l’appui inestimable des collectivités territoriales et locales.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous sommes bien loin du compte car, en fait de relance, il s’agit plus d’un catalogue d’actions en cours, dans une version pâle et timorée.

Quant à vos projets en matière territoriale, ils créent de l’insécurité là où l’on attendait un encouragement clair et un partenariat exemplaire avec celles qui concourent aujourd’hui à plus de 80 % à l’investissement public, c’est-à-dire les collectivités territoriales.

J’en viens à l’objet de la discussion de ce matin et du vote qui va suivre. (« Ah ! » sur plusieurs bancs.)

Nous connaissons le programme : se taire, faire vite et applaudir. Mes chers collègues, êtes-vous certains que cette parodie de débat parlementaire soit à la hauteur de la situation que nous traversons ? (« Non ! » sur plusieurs bancs.)

Aujourd’hui, le Parlement réuni à Versailles sera, comme l’a dit Robert Badinter, le théâtre de la monocratie triomphante en majesté. Suivront une suite de monologues, en l’absence de celui qui nous aura convoqués pour s’exprimer et, ensuite, disparaître.

Certes, me dites-vous, tout cela était contenu dans la révision de la Constitution, révision à laquelle nous étions opposés parce que nous avions vu la tromperie d’un prétendu renforcement du Parlement et les dangers manifestes pour l’équilibre de nos institutions.

Nous allons bientôt célébrer son premier anniversaire et, permettez-moi de vous dire le fond de notre pensée, c’est un échec total, reconnu bien au-delà de ceux qui l’avaient combattue.

Sous ce régime d’omniprésidence, le pouvoir gouvernemental s’est érodé, le Premier ministre a été relégué au rang de premier des ministres, et son rôle de coordination de l’action gouvernementale a été transféré au secrétaire général de l’Élysée, effacement d’ailleurs confirmé par la tenue de ce Congrès.

Les nouveaux droits du Président ne sont accompagnés d’aucune remise en cause de ses pouvoirs au profit du Parlement. Il dispose toujours du droit de dissolution et demeure politiquement irresponsable. Il peut tout, mais n’est responsable de rien.

Quant à la prétendue réhabilitation du Parlement, la pratique a montré qu’elle n’était que trompe-l’œil face au renforcement, bien réel, de l’exécutif.

Le Président a une idée le lundi, il exige une loi pour le mardi. La déclaration d’urgence, rebaptisée procédure accélérée, n’a jamais été autant pratiquée, plus d’ailleurs par tactique qu’en raison du contenu même des réformes envisagées.

Le partage de l’ordre du jour, improvisé et mal calibré, produit, force est d’en convenir, un encombrement tel qu’il est devenu impossible à organiser dans la sérénité. Le rôle accru conféré aux commissions tourne au marathon diurne et nocturne, transformant notre travail parlementaire en véritable vaudeville.

Quant aux semaines d’initiative et de contrôle parlementaire, elles se révèlent au mieux des coquilles vides, au pire une piteuse mise en scène.

Nous sommes bien loin des avancées indispensables à notre démocratie, parmi lesquelles, notamment, une meilleure participation des citoyens.

Mes chers collègues, mon groupe ne votera pas la proposition de résolution modifiant le règlement du Congrès, qui entérine l’un des éléments les plus contestables de la révision constitutionnelle, qui plus est dans des conditions de mépris inacceptables pour le Parlement et la représentation nationale.

Nous avons bien compris que, pour le Président de la République, le temps parlementaire était un temps perdu, un débat superflu. Nous savons ce que l’on attend de nous : nous taire, faire vite, applaudir. Les instruments de mise au pas du Parlement sont en place. Ce n’est pas notre conception d’une République moderne, ouverte à tous, et soucieuse de la participation des citoyens.

Parce que les parlementaires ne sont pas des spectateurs mais des acteurs de la vie politique, Nous voterons contre votre proposition de modification du règlement et nous ne participerons pas au débat de sourds que vous nous octroyez. (Applaudissements.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix la proposition de résolution modifiant le règlement du Congrès.

(La proposition de résolution est adoptée.)

(Applaudissements.)

3

TRANSMISSION D’UNE RÉSOLUTION AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. Conformément à l’article 61 de la Constitution, la présente résolution va être immédiatement soumise au Conseil constitutionnel.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Déclaration de M. le Président de la République, suivie d’un débat, en application de l’article 18, alinéa 2 de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séancede l’Assemblée nationale,

Claude Azéma

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Deuxième séance