M. Yvon Collin. Ce système, qui engendre un effet de surconcentration de l’impôt économique en fonction de la taille ou de la nature des activités des entreprises, risque d’affecter la répartition spatiale des ressources des collectivités locales, à moins que l’on ne prévoie une véritable péréquation qui corrige cet effet pervers et qui, par la même occasion, règle la question de l’équilibre entre les commune les plus riches et les communes les plus pauvres.

Mais je crains que la péréquation ne soit, une fois de plus, la grande oubliée de la réforme. Notre commission Belot, dont je salue au passage l’excellent travail, s’est penchée sur ce thème essentiel de la péréquation.

De ce point de vue, le projet de loi de finances ne propose rien, laissant ainsi le soin et, donc, la responsabilité politique au Parlement de décider, comme il l’a fait pour la nouvelle répartition de la cotisation complémentaire. S’il s’agissait de dresser les collectivités locales les unes contre les autres, on ne s’y prendrait pas autrement !

Mme Nicole Bricq. C’est sûr !

M. Yvon Collin. Le Gouvernement lance des offensives. Puis, il se retire du champ de bataille. À nous, parlementaires, de ne pas tomber dans ce piège de l’affrontement entre niveaux de collectivités.

En conclusion, mes chers collègues, la taxe professionnelle n’est, certes, pas l’impôt économique idéal. Mais au gré des réformes successives, les collectivités locales s’en étaient accommodées. Je pense, en particulier, à la loi de notre excellent collègue Jean-Pierre Chevènement, qui avait permis d’instaurer un équilibre fiscal profitable à la fois aux communes et aux communautés de communes. (M. Jacques Mézard opine.)

Aujourd’hui, bouleverser ce fragile équilibre panique, à juste titre, les élus. Il faut les comprendre ! Le quotidien des élus locaux n’est pas facile, ce sont des hommes et des femmes passionnés dont l’enthousiasme ne doit pas être altéré par le doute, l’imprécision et l’approximation.

C’est pourquoi, soucieux de répondre aux attentes de tous ces artisans de la République, avec mes collègues et amis du groupe RDSE, nous prendrons toute notre part dans le débat et la réécriture des articles concernés.

Mes chers collègues, ayons confiance dans les élus locaux ! Ne les décevons pas ! Il y va de l’avenir de la décentralisation, mais, plus encore, de notre « République décentralisée », si chère aux radicaux ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de lUnion centriste et de lUMP. – MM. Jean-Claude Frécon et François Patriat applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais voter… le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche. (Sourires. – M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.) Cela signifie, madame la ministre, monsieur le ministre, que je ne fais pas d’ostracisme envers le Gouvernement, ce qui me donne toute liberté pour vous dire ce que je pense réellement du texte qui nous est présenté.

M. le rapporteur général nous a proposé de procéder en deux parties. Aussi, je vais suivre son schéma. La première partie concerne la réforme pour les entreprises. Tout le monde ici sait très bien que la taxe professionnelle frappait trop lourdement l’outil industriel tout en épargnant les entreprises de services. Je considère donc qu’il était bon de modifier cet état de choses.

Fallait-il pour autant en profiter pour alléger la charge globale d’environ 4 milliards d’euros en année courante ?

Mme Nicole Bricq. Non ! Là est l’erreur !

M. Philippe Adnot. Je rappelle que cet allégement est financé par l’emprunt puisque cette disposition aggrave le déficit budgétaire. Était-ce la chose la plus urgente à faire ?

Fallait-il donner à quelques centaines de milliers d’entreprises, en les dispensant de participer au financement des collectivités, le sentiment qu’elles n’ont pas besoin de contribuer au fonctionnement général de la société ? Je pense que non !

Je crois qu’il était mauvais de laisser à penser que la taxe professionnelle serait purement et simplement supprimée.

Il y a déjà longtemps que la part « salaires » n’existe plus. On supprime aujourd’hui la part « investissement », mais elle sera remplacée par deux autres taxes, tandis que la taxe foncière sera maintenue.

Donner aujourd’hui à l’opinion en général le sentiment qu’il n’y a plus d’impôt, c’est une erreur. Et elle sera ressentie d’autant plus douloureusement, madame le ministre, monsieur le ministre, que compte tenu de deux autres impôts – que je vais évoquer –, globalement, les entreprises vont, selon moi, payer plus qu’avant.

La taxe carbone sera remboursée aux citoyens, avez-vous dit, et pour les entreprises, la compensation consistera en un allégement de la taxe professionnelle. Or cet allégement sera moins complet qu’il n’y paraissait puisqu’il restera la valeur ajoutée, plus la taxe carbone.

Voilà une dizaine de jours, vous nous avez envoyé, madame la ministre, monsieur le ministre, des documents pour solliciter notre accord avant le 15 novembre sur le classement en routes à péage de certaines routes départementales. En effet, comme vous avez l’intention de rendre payante la circulation de tous les véhicules de plus de 3,5 tonnes sur les routes nationales, vous craignez un transfert du trafic sur les routes départementales.

Mais l’argent perçu au titre des routes départementales irait, non aux départements dont les routes seront abîmées, mais à un fonds national. Dans mon département, pour quarante kilomètres, cela pourrait représenter 1,5 million d’euros par an. Tels sont les éléments que vous m’avez donnés pour que je puisse réfléchir et me prononcer en connaissance de cause.

Je pense aux entreprises industrielles dont vous dites vouloir alléger les charges. Essayez d’imaginer les conséquences financières de l’instauration d’une telle taxe sur les transports pour les entreprises agro-alimentaires, par exemple ! Quand les comptes seront faits, on verra ce qu’il en est ! Car celles qui se servent le plus de la logistique sont les entreprises industrielles !

Vous avez très souvent attribué le manque de compétitivité de nos entreprises à la taxe professionnelle. Je ne vous suis pas, car je n’ai jamais vu une entreprise perdre des parts de marché à cause de la taxe professionnelle. Pas plus que j’aie jamais vu une entreprise délocaliser à cause de la taxe professionnelle ! Tout le monde le sait très bien ici, ce sont les taxes sur les salaires qui sont à l’origine du manque de compétitivité des entreprises.

M. Philippe Adnot. Et M. le président de la commission des finances le sait mieux que quiconque, lui qui propose depuis longtemps de remplacer l’ensemble de ce dispositif par une TVA sociale.

Une fois cette réforme faite – parce que je pense que vous allez la faire, même si nous sommes quelques-uns à nous y opposer –, vous aurez un problème : six mois après, il vous faudra vous rendre à l’évidence et admettre que les délocalisations n’auront pas diminué et que la compétitivité des entreprises n’aura pas progressé. En effet, ce n’est pas la taxe professionnelle qui joue, dans ce domaine, un rôle décisif ! (M. Jacques Mézard opine.)

M. Philippe Adnot. Vous avez décidé de mettre en œuvre cette réforme. Dont acte !

La deuxième partie évoquée par M. le rapporteur général concerne les finances locales.

Était-il nécessaire de profiter de la réforme de la taxe professionnelle pour supprimer l’autonomie fiscale des collectivités locales et, plus particulièrement, celle des départements et des régions ? Je vous accorde que les communes seront moins touchées car vous avez amélioré votre rédaction initiale.

Mais l’autonomie fiscale des départements s’établissait jusqu’à présent à 20 milliards d’euros –  j’arrondis les chiffres – dont 5 milliards d’euros pour le foncier bâti, 5 milliards d’euros pour la taxe d’habitation et 10 milliards d’euros pour la taxe professionnelle. Je vous le concède, madame la ministre, monsieur le ministre, 50 % de la taxe professionnelle étaient plafonnés par la valeur ajoutée, ce qui laissait aux départements, au titre de la TP, 5 milliards d’euros, soit, au total, 15 milliards d’euros d’autonomie fiscale. Or dans la proposition telle qu’elle nous vient de l’Assemblée nationale, vous la ramenez à 7,5 milliards d’euros.

Vous avez donc décidé carrément, pour l’ensemble des départements, de diviser par deux l’autonomie fiscale. Cela n’est pas sans risque. Je vais vous donner un exemple : aujourd’hui, les collectivités locales bénéficient de taux d’intérêt relativement faibles parce qu’elles empruntent auprès des banques sans que celles-ci soient assujetties aux normes Bâle 2. En effet, si une collectivité est en difficulté, jusqu’à présent, on augmente les impôts, puis l’État prend la main et il n’y a pas de difficulté pour couvrir l’endettement.

Mais avec la disparition de l’autonomie fiscale, il ne sera plus possible de bénéficier de ce dispositif. Je m’en suis ouvert aux banques et aux institutions financières, qui m’ont confirmé que si une collectivité rencontrait ce genre de problème et n’était plus capable de couvrir ses remboursements par l’augmentation de la fiscalité, cela pouvait lui valoir une pénalité de 100 points de base. Or 100 points de base équivalent à 1 % de taux d’intérêt !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Philippe Adnot. S’agissant d’emprunts à 4 %, cela représente une hausse de 25 % des frais financiers, ce qui est extrêmement important.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Les temps de parole explosent !

M. Philippe Adnot. Si l’autonomie fiscale des départements disparaît, ils ne seront plus en mesure, comme aujourd’hui, de garantir les emprunts des offices d’HLM ; certes, ceux-ci continueront à construire, mais ils devront assumer des frais financiers supplémentaires.

M. le président. Monsieur Adnot, je vous en prie.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, je n’ai pas pris la parole lors de la discussion générale, j’ai accepté de céder à la collectivité les cinq minutes qui m’étaient imparties. Quoi qu’il en soit, je m’achemine vers la conclusion.

On nous a dit que cette réforme était nécessaire, car elle allait améliorer la lisibilité des feuilles d’impôts. Qu’en sera-t-il en réalité ? Jusqu’à présent, lorsque le citoyen lisait sa feuille d’impôt, il savait ce qui allait revenir à la commune, à la région et au département. Si ce texte est adopté, il saura que la part foncière revient au département, mais il ne saura rien de la destination de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, la TSCA, ni de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, ni de la cotisation sur la valeur ajoutée, qui sera désormais perçue au niveau national.

Vous avez souvent parlé, madame la ministre, du panier de recettes fiscales. Or, si vous l’avez maintenu pour les communes, vous l’avez supprimé pour les départements. C’est bien dommage, car on ne pourra plus impliquer tous les citoyens. Lorsque les entreprises n’acquitteront plus aucune taxe spécifique pour les départements, elles pourront toujours demander des déviations et des routes hors gel ; cela n’aura pas de conséquences...

Le risque est grand, et j’attire votre attention sur ce point, que les gens ne se sentent plus concernés par des impôts qui ne relèvent plus directement des départements, y compris par le retour sur investissement, c’est-à-dire ce qu’ils servent à financer.

M. le président. Concluez, monsieur Adnot !

M. Philippe Adnot. Je ne voterai pas l’article 2 de ce texte si la participation du monde économique n’est pas renforcée. Je vais d’ailleurs déposer un amendement visant à abaisser le seuil de 500 000 euros de chiffre d’affaires.

Mme Nicole Bricq. Nous aussi !

M. Philippe Adnot. Il n’est pas sain, en effet, que tout le monde ne se sente pas concerné par le financement et la bonne marche de notre société, en particulier de nos collectivités locales.

M. Philippe Adnot. Je ne voterai pas cet article si on ne restaure pas l’autonomie fiscale des collectivités locales et si on ne rétablit pas le panier de recettes fiscales et le droit au retour sur investissement. Je proposerai, s’agissant des départements, que la moitié de la cotisation sur la valeur ajoutée soit territorialisée, ce qui n’est pas prévu dans les propositions qui nous sont faites.

Mes chers collègues, je vous invite à faire en sorte que les départements ne deviennent pas, demain, de simples entités auxquelles on imposera des responsabilités obligatoires et auxquelles un robinet extérieur donnera ou ne donnera pas les moyens de les financer. Ce ne serait pas une belle évolution pour la décentralisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, sur les travées de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur quelques travées de l’UMP.)

M. le président. Je sais bien que certains n’ont pas pris la parole au cours de la discussion générale, mais je ne saurais accepter de tels dépassements de temps de parole !

La parole est à M. Charles Guené.

M. Charles Guené. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat nous donne l’occasion, au lendemain du congrès des maires, de rétablir certaines vérités et de tracer des perspectives avant de commencer l’examen de la réforme de la taxe professionnelle, puis de celle des collectivités territoriales. Il est aussi l’occasion, pour le groupe UMP, de réaffirmer ses convictions au service de nos territoires et de nos concitoyens.

Notre première ambition est de conforter le pôle communes/intercommunalité dans son rôle de proximité, tout en ouvrant une vraie perspective de solidarité et de mutualisation au sein du pôle département/région. Les communes conserveront ainsi leur clause de compétence générale et l’intercommunalité restera leur œuvre, leur émanation, grâce à une élection des délégués communautaires en 2014 par fléchage sur les listes municipales.

L’élection en 2014 de conseillers territoriaux siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional permettra, quant à elle, d’éviter les interventions concurrentes des départements et des régions, et d’engager une véritable clarification des compétences entre les deux échelons, source de simplification des procédures et d’économies budgétaires. Les communes, en particulier en milieu rural, pourront néanmoins continuer de bénéficier du soutien des autres collectivités territoriales pour financer leurs projets locaux de solidarité et d’aménagement du territoire, contrairement à ce que certains voudraient faire croire. La pratique des financements croisés sera simplement précisée, peut-être à l’instar des fonds de concours, pour éviter une complexité excessive.

Pour soutenir l’investissement local, le groupe UMP du Sénat a déposé un amendement pour permettre aux collectivités territoriales de continuer à bénéficier du remboursement anticipé du FCTVA, s’agissant des dépenses pour lesquelles elles se sont fermement engagées en 2009, mais qu’elles n’ont pu réaliser ou mandater avant le 31 décembre de cette année, compte tenu des délais de certaines procédures de commande publique.

Le Premier ministre nous a donné son accord sur ce point. Nous nous réjouissons, par ailleurs, de sa volonté de reconduire en 2010 le dispositif de remboursement anticipé du FCTVA. Le groupe UMP a déposé un second amendement pour concrétiser l’annonce faite le 17 novembre, lors de la session annuelle du Congrès des maires de France. Il permettra de soutenir les collectivités locales qui n’auraient pas pu s’engager en 2009. Cela sera particulièrement bénéfique pour les collectivités territoriales dont l’investissement continuera à être encouragé en 2010.

Nous approuvons également l’annonce de la création, auprès de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, d’un fonds dont le montant correspondra à la taxe carbone versée par les collectivités territoriales et contribuera à financer leurs investissements d’économie d’énergie.

En ce qui concerne la suppression de la taxe professionnelle sur les investissements productifs, nous devons là aussi faire preuve de pragmatisme.

La suppression de la part des investissements de la taxe professionnelle fait l’unanimité auprès du monde économique. Personne ne conteste sérieusement, aujourd’hui, l’apport de compétitivité à nos entreprises face à la mondialisation et à la crise. Ce qui fait débat, c’est son remplacement dans la ressource locale.

À cet égard, la divergence ne réside pas dans le principe, car chacun convient que notre fiscalité était à bout de souffle, et que le moment était venu de remplacer la part prépondérante que représentait la taxe professionnelle, dont une large moitié était réglée par l’État, par un impôt moderne, une répartition fiscale plus contemporaine et en phase avec l’économie nouvelle. Ce sur quoi on voudrait nous fâcher, ce sont les affectations à retenir.

La valeur ajoutée est sans doute le moins mauvais des critères que nous avions à notre disposition, car elle reflète la richesse produite et, par le biais d’un taux fixe, elle vient corréler la ressource à l’évolution naturelle de l’assiette du PIB. Elle a aussi l’avantage, en contractant le montant de l’ancienne taxe professionnelle, de laisser place à une nouvelle répartition de la ressource entre les collectivités, et surtout, en remplaçant les actuelles contreparties versées par l’État par le transfert d’impôt qu’il se réservait, l’introduction de la nouvelle contribution économique territoriale, la CET, permet de renforcer l’autonomie financière des collectivités.

En revanche, de par sa composition, la nouvelle contribution met en évidence la cristallisation de la richesse sur certains territoires. C’est en cela que réside l’intérêt et les enjeux de la réforme de la fiscalité locale qu’elle sous-tend.

Par ailleurs, le bouleversement généré par le remplacement d’un impôt conçu il y a un demi-siècle impose d’en fixer le cadre immédiat pour répondre à l’orthodoxie budgétaire et aux règles constitutionnelles. Le respect des équilibres et l’affirmation des grands principes de la réforme doivent être débattus immédiatement. Il en va aussi de la nécessité de rassurer les élus dans le doute, mais le contexte des réformes territoriales et des compétences, et les échéances différées, comme le besoin de vérifier les mécanismes, imposent de disposer de temps.

Ce sont les problématiques qui se posent au Sénat. Pour être délicates et source de paradoxes, elles n’en sont pas pour autant hors de portée.

La difficile question de la répartition de la valeur ajoutée peut être surmontée par la mutualisation que prévoyait l’avant-projet du Gouvernement. La mutualisation permet d’effectuer directement une péréquation de la richesse sur les territoires en fonction du nombre de salariés et des surfaces occupées, et de pondérer le produit par des critères adaptés aux compétences des collectivités. Elle maintient ainsi un lien fort avec le territoire, tout en le pondérant nationalement.

Il peut être retenu d’effectuer cette mutualisation seulement pour les départements et les régions, et de recourir à une territorialisation pour les seules communes et EPCI, ainsi que le souhaiterait l’Assemblée nationale. Il conviendrait toutefois de territorialiser par l’assiette, et non par le produit, de façon à ne pas être contraint de modifier un barème qui fait consensus et à en pondérer les effets, que certains sous-estiment. Le rapporteur général nous a indiqué les pistes qu’il explorait à cet égard.

À la vérité, les communes et les établissements de coopération intercommunale ne seront pas pénalisés par la réforme. Ils bénéficieront en 2010, comme l’ensemble des collectivités territoriales, d’une compensation de ressources au moins égale au produit perçu en 2009.

Surtout, à partir de 2011, les communes et les EPCI disposeront d’un panier diversifié de recettes fiscales, avec un large pouvoir d’en fixer les taux, ce qui préservera leur autonomie financière et fiscale : taxe d’habitation, taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, taxe sur les surfaces commerciales transférée par l’État, nouvelle cotisation foncière des entreprises implantées sur leur territoire, nouvelles impositions forfaitaires sur les éoliennes, les centrales photovoltaïques, les antennes-relais, etc.

Il reste à s’interroger sur l’affirmation selon laquelle le bloc communal doit nécessairement disposer d’une part importante de la cotisation sur la valeur ajoutée. Cette option le rendrait en effet beaucoup plus vulnérable aux aléas économiques liés à l’évolution de la valeur ajoutée et que la mutualisation venait adoucir.

Dans l’avant-projet gouvernemental, le bloc communal, en disposant de la seule part de la cotisation locale d’activité, basée sur le foncier de l’ancienne taxe professionnelle, avait l’avantage de proposer une autonomie financière plus grande, et moins sensible aux aléas économiques.

L’Assemblée nationale a décidé de lui affecter 20 % de la cotisation complémentaire. Nous devons nous interroger sur la nécessité et la pertinence d’une affectation supplémentaire. À quel niveau fixer le curseur ? Telle est la réponse que doit apporter le Sénat, sur la base des travaux de la commission des finances et de notre excellent rapporteur général, Philippe Marini.

À titre personnel, je considère qu’il faut, chaque fois que nécessaire, proposer le recours à la mutualisation plutôt que celui de la territorialisation, qui ne correspond pas à l’esprit du nouvel impôt, et exigerait alors de créer ensuite une péréquation distincte et aléatoire dans ses résultats comme dans sa mise en œuvre.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Charles Guené. Je sais, à cet égard, que le Sénat ne faillira pas à son rôle de gardien de l’équité des territoires.

Dans la nouvelle organisation fiscale, nous devrons également être vigilants quant au sort des départements. En l’absence de réforme, leurs ressources n’étaient plus assurées, et il devenait urgent de leur permettre de faire face à leur compétence sociale. La mutualisation de la valeur ajoutée peut être l’occasion de leur assurer une ressource corrélée à leurs risques sociaux, même si je n’ignore pas qu’il faudra songer à compléter leurs ressources, notamment pour faire face au cinquième risque, en leur permettant de sanctuariser leur rôle d’acteurs des politiques territoriales, auquel nous sommes attachés.

Il ne faut donc pas trop réduire leur part de cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée, et il est nécessaire de veiller à mutualiser le risque social au plan national.

La solidarité entre les territoires est pour nous, sénateurs UMP, une priorité.

La seconde question est celle du calendrier et des clauses de revoyure.

À cet égard, le groupe UMP approuve la proposition du rapporteur général d’examiner, dans un premier temps, la partie de la réforme qui concerne les entreprises et la compensation 2010, puis, dans le cadre des articles non rattachés, la partie concernant la répartition des nouvelles ressources en 2011.

Nous souhaitons néanmoins qu’un dispositif précis soit voté dans le cadre de la loi de finances pour 2010, afin de ne pas laisser sans réponse les questions légitimes que se posent les élus locaux et de définir les orientations des finances locales pour 2011 et les années suivantes, qui permettront de faire des simulations précises sans lesquelles il ne serait pas possible d’avancer.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Charles Guené. Mais nous souhaitons, là encore, faire preuve de pragmatisme en prévoyant d’ores et déjà de nouveaux rendez-vous législatifs en 2010 et au-delà, pour tenir compte des simulations complémentaires et de la future répartition des compétences. (M. le président de la commission des finances opine.)

Le groupe UMP du Sénat a déposé un amendement en ce sens.

Sur la base du dispositif de répartition des ressources des collectivités territoriales que nous adopterons dans le cadre de la loi de finances pour 2010, cet amendement tend à instaurer deux rendez-vous législatifs.

Le premier, avant le 31 juillet 2010, pour préciser le dispositif de répartition des ressources des collectivités territoriales et des établissements de coopération intercommunale sur la base de simulations que le Gouvernement devra remettre avant le 31 mars 2010, à partir du texte adopté en loi de finances pour 2010.

Le second, dans les six mois suivant la promulgation de la future loi qui précisera la répartition des compétences des collectivités territoriales, afin d’en tirer les conséquences financières.

Nous avons souhaité déposer cet amendement sans attendre la seconde partie pour préciser clairement le cadre et le calendrier de cette réforme. Le Premier ministre nous a donné son accord et l’a confirmé lors du Congrès des maires de France. Nous prendrons ainsi le temps qu’il faudra pour aboutir à une répartition des compétences et des ressources cohérente.

C’est un chantier ambitieux qui s’étalera dans le temps jusqu’en 2014, sans précipitation, mais aussi sans faiblesse, car nous devons avoir le courage de regarder en face la réalité d’une économie et d’une société qui évoluent, et d’adapter notre fiscalité et notre organisation locales aux enjeux d’aujourd’hui, au service de nos territoires et de nos concitoyens, en évacuant tous les conservatismes.

C’est dans cet esprit pragmatique, constructif et responsable que nous abordons aujourd’hui l’examen de la réforme de la taxe professionnelle. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut comprendre le projet de suppression de la taxe professionnelle sans le situer dans le contexte du projet politique, du projet de société, mis en œuvre par le Président de la République en lien étroit avec les politiques libérales européennes.

Comme le disait Denis Kessler, ex-numéro deux du MEDEF, en 2007 « Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie ».

Ce sont bien toutes ces innovations à la base des politiques de solidarité qui gênent le pouvoir en place et le MEDEF, y compris le nouveau secteur public que l’ensemble des collectivités locales ont développé avec la décentralisation au cours des dernières années.

Communes, départements et régions deviennent aujourd’hui un obstacle à la croissance du capitalisme dans des secteurs où celui-ci voudrait trouver de nouvelles ressources.

Le transfert des services au secteur privé devient une nécessité pour que le monde des actionnaires puisse engranger des dividendes supplémentaires.

Les services publics nationaux, comme La Poste, sont dans le collimateur de ce gouvernement, mais les services publics locaux ne sont pas non plus épargnés.

La politique libérale menée frise la caricature. Le bouclier fiscal en est un symbole. Aujourd’hui, elle s’enfonce un peu plus dans cette voie avec la suppression de la taxe professionnelle, un nouveau bouclier fiscal qui touche la contribution fiscale des entreprises à la vie locale et au dynamisme de nos territoires.

Toutes ces politiques aggravent les conditions de vie et de travail d’une très large majorité de nos concitoyens. La suppression de la taxe professionnelle aura un effet direct, avec la baisse des investissements des collectivités locales et au travers des différents marchés publics, sur les quelque 800 000 emplois du secteur privé qui, chaque année, sont maintenus ou créés grâce à cette activité.

La pression financière aura pour finalité la mise sous tutelle des collectivités, l’État leur dictant ainsi les choix qu’elles doivent réaliser. On peut se demander alors à quoi pourront bien servir les élections, les projets ne seront même plus élaborés avec les citoyens.

La suppression des services publics entraînera des difficultés supplémentaires pour les habitants, sans parler des emplois publics qui disparaîtront eux aussi. Ce n’est pourtant pas le moment !

Dans l’édition 2009 de « France, portrait social », l’INSEE dresse un tableau très inquiétant de la situation de l’emploi. Et 2010 sera pire. Où sont passées les envolées lyriques du candidat Sarkozy sur la valeur travail, sur les revenus trop bas et qu’est devenue sa formule « travailler plus pour gagner plus » ?

Après les 100 000 pertes d’emplois enregistrées en 2008, le recul s’est amplifié au premier semestre 2009, avec plus de 270 000 pertes d’emplois. L’INSEE voit des perspectives très médiocres pour l’avenir à court terme : « Le nombre de chômeurs augmente […] de presque 30 % en un an et demi ». Le nombre de personnes touchées par le chômage partiel a été multiplié par dix en un an et atteint aujourd'hui 320 000 personnes.

De plus, les inégalités salariales s’amplifient de façon inquiétante. L’écart s’est accentué au cours de la dernière période puisque les très hauts salaires ont gagné 8,5 fois le salaire médian en 2007, contre 6,6 % en 1996.

Ces inégalités ne sont pas le fruit du hasard, pas plus qu’elles ne sont une fatalité. C’est votre politique qui en est responsable. La suppression de la taxe professionnelle va participer à cette politique inégalitaire.

L’accélération de ce que vous appelez « réformes » ressemble à une tornade dévastant tout sur son passage. Tout ce qui fonde les principes solidaires et tout ce qui reste d’eux dans notre pays est jeté à bas.

Les derniers chiffres confirment que les profits des banques et des assurances vont être multipliés par quatre en 2009 grâce au soutien sans contrepartie que vous avez accordé à ce secteur.