Mme Christine Lagarde, ministre. L’article 2, tel qu’adopté par l’Assemblée nationale, prévoit d’imposer la valeur ajoutée dans la commune où l’entreprise la produisant dispose de locaux, en répartissant cette valeur ajoutée de manière conventionnelle lorsqu’il s’agit d’une entreprise multi-établissements.

Corrélativement, cet article vise à compléter les exonérations de cotisations foncières des entreprises applicables dans certaines zones du territoire par des exonérations concordantes de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises.

Les exonérations de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises, telles que prévues dans le texte de l’Assemblée nationale, ne sont toutefois pas compatibles avec la logique de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, impôt simple de gestion et au taux liquidé, c’est-à-dire calculé par l’entreprise elle-même.

Vous conviendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il sera impossible pour une entreprise de savoir par elle-même quelles auront été les délibérations de toutes ses communes d’implantation et qu’il sera beaucoup plus commode pour elle que toutes les informations nécessaires lui soient communiquées par l’administration fiscale, comme c’est le cas, aujourd’hui, pour les exonérations de taxe professionnelle décidées par les collectivités territoriales.

C’est pourquoi il est proposé de supprimer ces exonérations de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises pour y substituer un dispositif d’une gestion plus aisée. Nous souhaitons, afin de préserver la logique des exonérations territoriales, instaurer des crédits d’impôt de cotisations foncières des entreprises en faveur des établissements bénéficiant d’une exonération ou d’abattements.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. L’Assemblée nationale a fait un choix, auquel nous souscrivons : la cotisation économique territoriale doit être un véritable impôt local. Dans cette optique, l’Assemblée nationale a fait prévaloir une territorialisation de l’assiette et lui a étendu toutes les exonérations au titre de l’aménagement du territoire et des différentes zones aidées, quelle que soit leur nature.

Le Gouvernement, par le sous-amendement que Mme Lagarde vient de nous présenter, considère que le dispositif issu de l’Assemblée nationale ne fonctionnera pas correctement et n’est pas adéquat sur un plan technique.

Selon le Gouvernement, les entreprises ne seraient pas en mesure d’imputer sur leurs acomptes de cotisations sur la valeur ajoutée la fraction exonérée de leur valeur ajoutée. En conséquence, il présente un dispositif consistant, en résumé, à imputer sur la cotisation foncière des entreprises l’équivalent des exonérations de cotisations sur la valeur ajoutée.

Sans doute y a-t-il là une amélioration technique par rapport au texte actuel, mais ce dispositif me gêne sur le plan des principes, madame la ministre, car sa mise en œuvre aboutirait à renoncer à appliquer les exonérations à la cotisation sur la valeur ajoutée, et donc à renoncer, d’une certaine façon, à la territorialisation.

Il s’agit là d’une lecture personnelle de votre dispositif, la commission des finances n’ayant pas été jusqu’à présent en mesure d’examiner ce sous-amendement de cinq pages.

La commission des finances considère pour sa part que les entreprises pourraient imputer sur leurs acomptes les montants correspondant à leurs exonérations, à charge pour l’administration de fournir les données qui permettront de régulariser la situation l’année suivante.

Si le Gouvernement estime que les entreprises auraient beaucoup de difficultés à suivre les délibérations des collectivités locales d’implantation qui créent des exonérations auxquelles elles pourraient prétendre, il faudra probablement revoir ce système, peut-être non opérationnel et trop compliqué. Cela étant, il me semble prématuré de le faire dès maintenant, pour l’année 2010 : n’excluons pas la possibilité de réviser le dispositif dans l’avenir, mais, pour l’heure, restons-en au texte existant. Si des mises au point techniques sont à envisager, la commission mixte paritaire nous permettra peut-être d’y procéder le cas échéant.

Dans ce débat purement technique, je comprends votre souci de simplification. Néanmoins, j’ai relevé cette contradiction avec le principe de la territorialisation, c’est pourquoi je n’ai pas été complètement convaincu par le dispositif que vous nous avez présenté.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.

Mme Jacqueline Gourault. Que l’on m’excuse de revenir un peu en arrière.

Monsieur le rapporteur général, si j’approuve tout à fait votre proposition de remplacer l’appellation « cotisation complémentaire » par celle de « cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises », je ne trouve pas judicieuse votre idée de créer une « cotisation foncière des entreprises ». En effet, cela risque à mon sens de susciter une confusion avec la taxe foncière sur le bâti acquittée par les entreprises, alors qu’il ne s’agit pas du même impôt. Pour ma part, j’aurais préféré qu’elle soit nommée « cotisation locative des entreprises », ou CLE, sigle évocateur en l’occurrence.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les deux taxes, foncière et locative, reposent sur la même assiette !

Mme Jacqueline Gourault. La cotisation foncière des entreprises portera bien sur la valeur locative d’établissements faisant l’objet, par ailleurs, d’un impôt foncier.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L’assiette est la même !

Mme Jacqueline Gourault. L’assiette est peut-être la même, monsieur le président de la commission des finances, mais il y a bien deux impôts distincts. Nous qui n’appartenons pas à la commission des finances sommes certes un peu sous-développés (Sourires), mais il me semble avoir compris cela ! Or l’appellation « cotisation foncière des entreprises » évoque la taxe foncière, c’est pourquoi j’aurais préféré la formulation « cotisation locative des entreprises ». J’ignore s’il est encore temps de présenter un sous-amendement à cette fin.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L’appellation « cotisation locative » suppose l’existence d’une location. Or certaines entreprises sont propriétaires de leurs locaux.

Mme Jacqueline Gourault. Mais le propriétaire d’une maison paie lui aussi à la fois une taxe foncière et une taxe d’habitation !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il y a bien deux taxes différentes, là encore. Mais votre contribution sémantique est tout à fait intéressante.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur général, le sous-amendement du Gouvernement me paraît acceptable au regard de ce que souhaite l’Assemblée nationale. En effet, le texte initial que nous lui avons soumis prévoyait une exonération de la partie foncière de la cotisation économique territoriale au bénéfice des zones franches urbaines, les ZFU, des zones franches d’activité, les ZFA, et des zones de revitalisation rurale, les ZRR. En revanche, aucune exonération sur la partie relative à la valeur ajoutée n’était envisagée. L’Assemblée nationale a ajouté cet élément pour tenir compte des exonérations dont bénéficient actuellement ces territoires au titre de la taxe professionnelle.

Mes services ont étudié comment pourrait fonctionner une telle exonération de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises. C’est extrêmement difficile, aussi suggérons-nous de remplacer cette exonération par l’équivalent sous forme de crédit d’impôt, à la mise en œuvre plus aisée. En tout état de cause, cela correspond, en termes de portée, d’objet et d’effets, à ce que souhaitait l’Assemblée nationale pour les ZFU, les ZFA et les ZRR. Si nous laissons les choses en l’état, je crains que cela ne crée une incertitude supplémentaire sur le régime d’exonération à venir de ces territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la ministre, nous n’avons pas de raison de mettre vos propos en doute, mais une obligation s’impose à la commission, celle de fonder son avis sur une expertise menée par ses soins. Comme l’a rappelé M. le rapporteur général, nous n’avons pu, faute de temps, procéder à celle-ci, et demander une suspension de séance à cette fin altérerait le rythme de nos travaux, qui doit rester soutenu…

Dans ces conditions, accepteriez-vous, madame la ministre, de retirer votre sous-amendement si nous prenons l’engagement d’expertiser ses dispositions avant la réunion de la commission mixte paritaire ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Je ne saurais résister à la demande de M. le président de la commission des finances ! Je souhaitais simplement éclairer le Sénat sur les modalités du dispositif que nous proposons, ma présentation du sous-amendement ayant probablement été quelque peu obscure. Les choses deviennent sans doute plus claires quand on sait qu’il s’agit de conserver le bénéfice de leurs exonérations actuelles aux zones franches urbaines, aux zones franches d’activité et aux zones de revitalisation rurale.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° I-525 est retiré.

Je suis saisie de cinq sous-amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

Le sous-amendement n° I-56 rectifié est présenté par M. P. Dominati et Mlle Joissains.

Le sous-amendement n° I-132 est présenté par MM. Gilles et J.C. Gaudin.

Tous deux sont ainsi libellés :

Amendement n° I-1

I. - Alinéa 25

Supprimer cet alinéa.

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État de la suppression de l'alinéa 25 est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter le sous-amendement n° I-56 rectifié.

M. Philippe Dominati. Cet amendement vise à corriger un effet pervers du projet de loi de finances, qui a été évoqué voilà quelques instants par M. Arthuis.

La simple équité et le respect des règles élémentaires de concurrence voudraient que la charge fiscale soit équivalente pour des agents économiques exerçant dans des conditions identiques. Or ces principes sont totalement remis en cause par le projet de réforme : les professionnels libéraux employant moins de cinq salariés devront s’acquitter d’une taxe professionnelle sur la valeur locative de leurs biens immobiliers et sur 6 % de leur chiffre d’affaires, tandis que leurs collègues relevant du droit commun de la taxe professionnelle ne supporteront que la part de celle-ci reposant sur la valeur locative. Cela entraînera d’énormes disparités.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° I-132 n'est pas soutenu.

Le sous-amendement n° I-134, présenté par M. Gilles, Mlle Joissains et M. J.C. Gaudin, est ainsi libellé :

Amendement n° I-1

I. - Alinéa 25

Remplacer le pourcentage :

6 % 

par le pourcentage :

4 % 

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet amendement par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales de l'alinéa 25 est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

... - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Ce sous-amendement n'est pas soutenu.

Le sous-amendement n° I-101 rectifié, présenté par MM. de Montgolfier et Pointereau, est ainsi libellé :

Amendement n° I-1

I. - Alinéa 25

Remplacer le taux :

6 %

par le taux :

5 %

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet amendement par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales de l'alinéa 25 est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

... - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Albéric de Montgolfier.

M. Albéric de Montgolfier. Cet amendement a un objet similaire à celui de M. Dominati. Pour réduire la disparité de traitement entre les différents régimes et en attendant une solution plus satisfaisante, nous proposons d’abaisser de 6 % à 5 % le pourcentage taxable des recettes des professionnels libéraux relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° I-484, présenté par MM. Maurey, Dubois et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 25

Remplacer le pourcentage :

6 %

par le pourcentage :

5,40 %

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du nouveau taux figurant à l'alinéa 25 est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

... - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Il s’agit de garantir l’équité entre les professionnels libéraux relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et ceux relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux.

La suppression de la part de la taxe professionnelle portant sur les investissements allégera la charge fiscale des entreprises. En revanche, cette mesure ne concerne évidemment pas les contribuables titulaires de bénéfices non commerciaux. Nous proposons donc, dans un souci d’équité, de ramener le pourcentage de recettes taxable de 6 % à 5,4 % pour ces derniers.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous abordons ici la question de l’imposition de certaines catégories de professionnels libéraux, plus particulièrement des titulaires de bénéfices non commerciaux qui emploient moins de cinq salariés.

Actuellement, les intéressés sont soumis à la taxe professionnelle sur la valeur locative de leurs biens immobiliers professionnels et sur 6 % de leurs recettes. Après la réforme, ils seront soumis au nouveau droit commun, c'est-à-dire à la cotisation foncière des entreprises et, dans le cas probablement assez rare où leur chiffre d’affaires serait supérieur à 500 000 euros, à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, suivant un barème progressif.

Les trois sous-amendements, qui sont intéressants, traduisent l’émotion exprimée par les professionnels libéraux concernés devant ce qui leur apparaît être un problème d’équité fiscale : pour des entreprises de taille équivalente, en effet, la forme d’exercice, sociale ou individuelle, et le régime, celui des BNC ou celui des BIC, ne sont pas neutres sur le plan fiscal.

La méthode la plus simple pour remédier à cette absence de neutralité fiscale, qui n’est bien évidemment pas satisfaisante, est sans doute de modifier le pourcentage des recettes prises en compte dans l’assiette de l’imposition. Se pose alors un problème budgétaire : c’est la raison pour laquelle nous souhaitons entendre l’avis du Gouvernement sur les différents sous-amendements.

Madame la ministre, permettez-moi simplement de vous faire remarquer que, si l’on nous suit, il existera une contribution minimale au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, qui rapportera environ 60 millions d’euros, selon les indications qui nous ont été données.

Pour régler le problème d’équité posé par les titulaires de BNC employant moins de cinq salariés sans compliquer l’équation budgétaire de la réforme, ne pourrait-on envisager de modifier le taux de recettes prises en compte de manière que l’effort de l’État soit à la hauteur des 60 millions d’euros de recettes apportées par ailleurs ?

Pardonnez-moi d’évoquer une opération de compensation budgétaire, madame la ministre, mais, dès lors que nous créons une recette, nous devons pouvoir répondre à la préoccupation, qui paraît dans une certaine mesure justifiée, exprimée par certaines catégories de professionnels, sans alourdir pour autant le coût, déjà extrêmement élevé, de la réforme.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le sous-amendement n° I-56 rectifié présente un certain nombre d’inconvénients, que M. le rapporteur général a évoqués : soumettre à la cotisation économique territoriale des entreprises dont la capacité contributive est essentiellement fondée sur leurs recettes paraît inapproprié et entraînerait en outre un coût budgétaire de l’ordre de 850 millions d'euros.

Compte tenu de la situation budgétaire de l’État, une telle mesure ne me semble pas du tout raisonnable. Je suis certaine que M. Dominati sera sensible à cet argument et acceptera de retirer son sous-amendement.

Les deux autres sous-amendements visent à réduire la part des recettes entrant dans l’assiette de l’impôt, respectivement à 5 % et à 5,4 %.

Une telle mesure a, bien sûr, elle aussi un coût, qui s’élèverait à 140 millions d'euros dans le premier cas. Elle créerait un effet d’aubaine pour un certain nombre de professions libérales qui ont déjà bénéficié, en 2005, d’une réforme ayant fait graduellement passer le pourcentage de leurs recettes assujetti à la taxe professionnelle de 10 % à 6 %. Abaisser encore ce pourcentage à 5 %, au motif que les professionnels concernés souhaitent bénéficier, eux aussi, de la réforme de la taxe professionnelle, irait à l’encontre de nos impératifs budgétaires. Nous ne pouvons faire droit à cette demande largement relayée.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la ministre, nous partageons bien évidemment vos préoccupations budgétaires. Renoncer à des ressources ou charger un peu plus la barque de l’État est, pour nous, extrêmement éprouvant.

Cela étant dit, il ne paraît pas justifié que des entreprises de taille équivalente ne soient pas soumises au même régime fiscal selon qu’elles relèvent des BNC ou des BIC. Il serait plus rationnel de les placer sous un même régime d’imposition.

Parmi les titulaires de BNC, les sociétés relèveront du nouveau dispositif que nous allons voter et échapperont à la contribution assise sur 6 % des recettes. Objectivement, une telle différence de traitement est difficilement supportable !

Il va donc bien falloir trouver une solution à ce problème. On me rétorquera que les professionnels concernés n’auront qu’à transformer leur entreprise en société pour échapper à la contribution assise sur leurs recettes, mais est-ce là notre conception de la neutralité fiscale ?

Certes, nous ne souhaitons pas dégrader le solde budgétaire de l’État, mais la situation n’est pas satisfaisante. Le dispositif du sous-amendement de M. Collin que nous avons adopté tout à l’heure devrait rapporter de l’argent à l’État…

M. Denis Badré. 250 millions d’euros !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … et constituer, s’il est maintenu, un gage auquel nous n’avions pas pensé d’emblée. Si l’on y joint le produit du forfait minimal de 250 euros au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée, il devrait être possible de trouver une solution dans l’année qui vient…

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur le sous-amendement n° I-56 rectifié.

M. Gérard Longuet. Madame la ministre, votre réponse n’est pas vraiment satisfaisante, dans la mesure où elle n’ouvre pas de perspective et ne replace pas le problème dans son contexte historique.

Nous avons le privilège de compter parmi nous Jean-Pierre Fourcade, qui fut à l’origine de la taxe professionnelle, laquelle a ensuite été détournée de sa logique et de sa cohérence.

M. Michel Charasse. À la demande du patronat !

M. Gérard Longuet. Pourquoi les bénéfices non commerciaux ont-ils échappé à la taxe professionnelle et, par conséquent, ne seront pas soumis demain à la cotisation économique territoriale ? C’est parce que la situation des professions libérales était très différente en 1976 : elles tenaient, à cette époque, une comptabilité recettes-dépenses très éloignée d’une comptabilité de bilan qui aurait pu permettre, par exemple, de faire apparaître une valeur ajoutée, en comptabilisant les investissements et leurs amortissements.

Ces professionnels ont sans doute été bien coupables de ne pas avoir proposé une base comparable, mais peut-être y trouvaient-ils leur compte.

On peut facilement imaginer qu’à une époque où les terminaux point de vente, la comptabilité électronique et les centres de gestion agréés n’existaient pas, certaines professions libérales se satisfaisaient du régime des bénéfices non commerciaux, considérant que c’était une façon, après tout, d’échapper au regard trop inquisiteur qui pesait sur les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés.

Le temps a passé. Désormais, des systèmes de contrôle et les centres de gestion agréés ont fait leur apparition et nombre de ces professionnels doivent consentir désormais de lourds investissements – je pense, par exemple, aux radiologues –, ce qui n’était pas forcément le cas auparavant. En toute logique, leur comptabilité devrait les conduire à tenir compte des amortissements.

Voilà pourquoi nous avons aujourd’hui besoin de la perspective d’une convergence. Les activités sont en effet économiquement comparables, seul leur statut juridique les sépare. Cette division perdurera, car un certain nombre de personnes exercent leur art sans nécessairement se situer dans une logique commerciale. Il n’est pas déshonorant d’être médecin et de ne pas chercher d’abord et avant tout à gagner de l’argent, mes chers collègues.

Pour autant, ces professions présentent des comptes d’exploitation et leur comptabilité est soumise à un centre de gestion agréé. Pour pouvoir se développer, elles doivent en outre investir et donc amortir ces investissements. Elles doivent en conséquence échapper à ces comptabilités que je qualifierai de primitives, qui ne font apparaître que les recettes et les dépenses.

Je le répète, nous aurions aimé, madame la ministre, que vous nous offriez une perspective de convergence liée à la convergence des situations.

Vous nous répondez qu’un effort a déjà été fait. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a en effet consenti un effort en 2003, mais il visait à rattraper ce que les socialistes n’avaient pas fait en 1997.

Mme Nicole Bricq. Pas du tout !

M. Gérard Longuet. Permettez-moi de vous rappeler que, en 1997, lorsque M. Strauss-Kahn, à l’époque ministre de l’économie et des finances, a supprimé la part salariale de la taxe professionnelle,…

M. Jean-Pierre Sueur. Il a bien fait !

M. Gérard Longuet. … il a maintenu à 10 % du chiffre d’affaires la base de calcul de la taxe professionnelle pour les BNC.

Mme Nicole Bricq. Non, il faut vous rappeler l’histoire !

M. Gérard Longuet. Ce n’est que six ans plus tard, en 2003, que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a amorcé un mouvement de décrue.

C’est la raison pour laquelle, vous avez eu raison de le rappeler, madame la ministre, les professions soumises aux BNC ne sont assujetties à la taxe professionnelle, au-delà des valeurs locatives, que sur 6 % de leur chiffre d’affaires. (Mme Nicole Bricq s’exclame.).

Parler d’effet d’aubaine n’est pas une réponse à la hauteur du problème. Vous connaissez trop ces professions pour l’accepter vous-même en votre for intérieur.

Si vous nous offriez une perspective de convergence s’inscrivant dans le temps, car nous comprenons les difficultés budgétaires du Gouvernement, nous pourrions vous suivre. En attendant, je suggère de soutenir le sous-amendement de notre collègue de Montgolfier, qui est d’ailleurs très proche de celui qu’a présenté note collègue Yves Détraigne. (M. Jean-Paul Alduy et Mme Christiane Kammermann applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je voudrais à mon tour faire un point d’histoire, pour éclairer notre assemblée sur ces sous-amendements qui vont finalement tous dans le même sens.

Monsieur Longuet, permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire.

Le problème s’est posé de la même manière en 1999, quand le gouvernement de Lionel Jospin a décidé de supprimer la part salariale de l’assiette de la taxe professionnelle.

M. Gérard Longuet. Je croyais que c’était en 1997 !

Mme Nicole Bricq. Pour des raisons budgétaires, le gouvernement de l’époque n’avait pas procédé à un alignement pour les professions libérales, mais il s’était engagé à le faire de manière progressive.

De fait, de 1999 à 2002, le taux est passé successivement à 10 %, à 8 %, puis à 6 % afin d’harmoniser les régimes fiscaux.

M. Gérard Longuet. Je rends à César …

Mme Nicole Bricq. Je vous en donne acte.

Nous ne sommes pas particulièrement favorables aux sous-amendements qui nous sont actuellement présentés, car nous sommes, nous aussi, soucieux du déficit budgétaire.

Mme la ministre nous indique que la mesure préconisée par le sous-amendement n° I-56 rectifié coûterait plus de 800 millions d’euros. Comme d’habitude, nous n’avons pas les moyens de vérifier les chiffres avancés …

Mme Nicole Bricq. Cela étant, force est de constater qu’il serait utile d’aligner progressivement les régimes fiscaux, car rien ne justifie une telle différence de traitement.

Ce petit rappel historique apporte finalement de l’eau à votre moulin, mon cher collègue. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.

M. Denis Badré. Des interventions qui viennent d’être faites, il ressort qu’un vrai problème existe et qu’il faut agir.

Vous avez évoqué le coût budgétaire, madame la ministre. Par parenthèse, je vous signale que vous avez donné l’avis du Gouvernement sur les sous-amendements nos I-56 rectifié et I-101 rectifié, mais pas sur le sous-amendement n° I-484.

Jean Arthuis vient de l’indiquer, nous vous avons déjà fait économiser 250 millions d’euros. Je ne veux pas retourner le fer dans la plaie, mais c’est quand même ainsi qu’il faut voir les choses.

Vous avez chiffré le coût du sous-amendement n° I-101 rectifié, qui vise à ramener le taux de 6 % à 5 %, à 140 millions d’euros. En adoptant ce raisonnement arithmétique, si je ne me trompe pas, le sous-amendement n° I-484 défendu par Yves Détraigne, qui vise à ramener le taux de 6 % à 5,40 %, ne coûterait que 80 millions d’euros. Si l’on compare cette somme aux 250 millions d’euros économisés, nous tenons là le moyen de montrer que nous allons dans le bon sens.