Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer, pour la réplique.

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, je crois sincèrement que chacun de nous ne peut qu’apprécier les connaissances remarquables que vous avez dans tous les domaines.

Vous souhaitez sécuriser les exploitants agricoles qui se trouvent dans des situations difficiles. C’est un message important en direction de l’agriculture.

La prime à l’herbe concerne les agriculteurs des territoires les plus défavorisés ; ce n’est ni Jacques Blanc ni Pierre Jarlier, tous deux avocats de la montagne, qui me contrediront.

La référence est d’une UGB par hectare. Lorsque le taux descend à 0,50 UGB, il ne peut que s’agir de territoires qui risqueraient de se transformer en garrigues si cette prime venait à être supprimée.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le ministre, ma question a trait à l’avenir de l’agriculture biologique.

Une enquête récente a montré que les produits issus de l’agriculture biologique sont 72 % plus chers que les produits issus de l’agriculture conventionnelle.

Les professionnels du secteur « bio » mettent en avant la faiblesse des subventions dont ils bénéficient, en précisant qu’en France 60 000 exploitations agricoles concentrent à elles seules 80 % des aides de l’Europe. Ils soulignent également, à juste titre, qu’il est essentiel de répercuter les coûts techniques et sociaux engendrés par les productions intensives : dépollution de l’eau, des sols, et traitement des conséquences sur la santé d’une alimentation surchargée en pesticides.

Au début de l’année 2009, le ministre Michel Barnier avait annoncé devant le Conseil d’orientation de l’économie agricole et alimentaire que 18 % des aides directes reçues par les agriculteurs seraient orientées en 2010 vers quatre objectifs : consolider l’économie agricole et l’emploi sur l’ensemble du territoire, instaurer un nouveau mode de soutien pour l’élevage à l’herbe, accompagner un mode de développement durable de l’agriculture, instaurer des outils de couverture des risques climatiques et sanitaires.

Ce dispositif risque d’être insuffisant pour répondre aux objectifs de développement durable.

Lors des débats sur le Grenelle de l’environnement tant le Gouvernement que les sénateurs ont affiché dans leur discours, contrairement au Président de la République qui n’a dit mot sur l’agriculture biologique, en octobre dernier, leur volonté de promouvoir cette agriculture respectueuse des objectifs de développement durable. Ainsi est-il prévu de tripler les surfaces actuelles cultivées en « bio » et de les porter à 6 % de la surface agricole française d’ici à 2012.

À l’heure actuelle, s’agissant de l’agriculture biologique, force est de constater que les agriculteurs connaissent de grandes difficultés pour se maintenir ou se lancer dans le secteur ; de leur côté, les consommateurs se trouvent découragés par les prix pratiqués.

C’est pourquoi nous vous demandons, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer les mesures financières et techniques concrètes que le Gouvernement entend prendre pour assurer le développement et la promotion de l’agriculture biologique au regard des objectifs qu’il s’est fixés.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, nous avons fait le maximum pour soutenir l’agriculture biologique, qui reste un axe structurant de la politique du Gouvernement.

Permettez-moi de citer quelques chiffres. Notre objectif est de tripler la surface cultivée selon un mode biologique d’ici à 2012 pour la porter à 6 % de la surface agricole utile. Cet objectif, nous le tiendrons. À cette fin, nous avons pris des mesures de nature structurelle.

Tout d’abord, nous souhaitons renforcer la structuration de la filière. Nous consacrerons 3 millions d’euros par an sur cinq ans au soutien de projets de restructuration et de conversion des exploitations.

Ensuite, nous voulons encourager la recherche et l’innovation. Nous affecterons 2 millions d’euros à des projets qui nous ont été soumis et qui visent à développer l’agriculture biologique.

Enfin, il me paraît essentiel d’encourager la consommation de produits issus de l’agriculture biologique ; nous en aurons la possibilité lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. L’objectif est d’atteindre 20 % de produits biologiques dans la restauration collective de l’État d’ici à 2012.

L’alimentation sera le fil directeur du futur projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, parce que c’est le sens politique que nous donnons à l’activité agricole et à la pêche. Ce texte nous permettra aussi de nous fixer d’autres objectifs en matière de consommation de produits « bio » dans la restauration collective.

Nous avons également développé la formation. Je me suis récemment rendu au lycée agricole d’Yvetot, et j’ai constaté que la formation en matière d’enseignement « bio » faisait partie des sujets sur lesquels l’attention se focalise de plus en plus ; c’est une bonne chose !

J’en viens au soutien à la production.

Nous avons décidé, en octobre 2008, de déplafonner les aides à la conversion – le plafond est de 7 600 euros par exploitation –, et une enveloppe supplémentaire de 12 millions d’euros par an sur trois ans a été dégagée.

Enfin, le crédit d’impôt a été doublé et le plafond porté à 4 000 euros, et nous avons prévu 50 millions d’euros supplémentaires de soutien dans le cadre du bilan de santé de la PAC.

Ces aides interviennent alors que le marché est porteur et que les consommateurs suivent. Le plan que nous avons choisi pour cette filière devrait donc montrer son efficacité dans les années à venir.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour la réplique.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le ministre, je vous remercie de toutes ces précisions.

Concernant la restauration collective, nous sommes effectivement souvent confrontés, nous élus, au problème du coût, lequel se répercute sur le prix du repas des enfants à la cantine.

Je me réjouis de l’arrivée de nouveaux ménages, qui parviennent, avec l’agriculture « bio », à tirer un revenu très correct de surfaces réduites. C’est assez encourageant, et c’est pourquoi ce type d’agriculture mérite d’être pris en compte totalement.

J’espère que nous atteindrons les objectifs qui sont fixés sur le plan national. Nous venons de vivre, pendant plusieurs décennies, une course effrénée à l’agrandissement et à la concentration ; ce contre-exemple est intéressant et mérite tout l’intérêt du Parlement et du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, ma question concerne les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER.

C’est dans le contexte d’un budget agricole en grisaille, et sur fond d’inquiétude de toute une profession que je voudrais aborder un sujet qui est non pas conjoncturel, mais structurel, celui des SAFER, et ce avec l’espoir d’être utile à tous ceux de nos collègues qui, un jour ou l’autre, ont été confrontés à ces institutions.

Chacun le sait bien, les SAFER, sociétés anonymes à but non lucratif, qui comptent quelque 1000 collaborateurs et 980 membres de comités techniques départementaux, achètent et revendent chaque année environ 80 000 hectares de terres, soit 22,9 % du marché, tout en conservant 18 000 hectares pour les collectivités publiques. C’est, de ce fait, une véritable puissance économique avec laquelle il faut compter dans nos territoires.

Au reste, j’ai bien noté que, dans le projet de loi de finances pour 2010, les crédits qui leur sont attribués demeurent à peu près identiques à ce qu’ils étaient en 2009.

Je ne conteste ni le bien-fondé de l’action des SAFER ni leur utile contribution à l’économie locale, mais je m’interroge parfois, d’abord sur leur représentativité, ensuite sur le droit de préemption que leur donne la loi et qui leur permet d’acheter à la place de l’acquéreur initial pour revendre à un autre acquéreur, dont le projet leur paraît répondre mieux aux enjeux d’aménagements locaux.

Et c’est là, monsieur le ministre, que le bât blesse. Qui est véritablement le garant des enjeux d’aménagements locaux ? Les SAFER ou ceux qui portent un projet précis ? Qui possède la légitimité pour trancher en cas de litige ? Il y a, chaque année, quantité de contestations sur ce point, dès lors que la SAFER exerce ce droit, certes au bénéfice d’un agriculteur, mais aussi au détriment d’un autre.

Ma question est donc la suivante : le Gouvernement envisage-t-il de modifier un jour la loi pour permettre une plus grande transparence, en même temps qu’une plus grande équité dans la vente des terres agricoles, et éviter les trop nombreux conflits d’usage ? On ne fera pas, selon moi, l’économie d’une réforme des SAFER, surtout à l’heure où la profession agricole envisage son avenir avec inquiétude.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Madame la sénatrice, pour vous répondre très clairement, il n’est pas prévu de modifier d’une quelconque façon le statut des SAFER, ni dans le projet de loi de finances ni dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Nous avons besoin d’une régulation des terres agricoles. Les SAFER y participent et le font en concertation avec les autorités locales. Leur budget a été maintenu exactement en l’état dans le projet de loi de finances pour 2010.

Nous estimons, en revanche, que, compte tenu de ce qui s’est passé depuis plusieurs années en France, nous ne pouvons accepter une déprise agricole aussi importante et aussi rapide que celle que nous connaissons depuis tant d’années sans réagir à une échelle plus globale.

Je vous soumettrai plusieurs propositions dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Nous devons tout d’abord être capables d’évaluer le capital agricole français. Aujourd’hui, il n’est pas possible de savoir ce que représentent les terres agricoles en France : où sont les bonnes terres, les moins bonnes, quels sont les rendements ?

Je proposerai, dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la mise en place d’un Observatoire national des terres agricoles, qui permettra d’avoir une approche plus globale, afin d’évaluer le capital agricole français.

Il est également important que soient renforcées à l’échelle départementale les commissions qui sont chargées d’évaluer le transfert des terres agricoles et d’émettre un avis sur leur transfert.

Je proposerai que des commissions départementales soient créées autour du préfet, associant tous les acteurs concernés. Il est important que tout le monde participe à la décision, non seulement les propriétaires, mais également les associations et les élus locaux. Il faut que chacun puisse donner son avis sur le changement d’usage d’une terre.

Enfin, il conviendra d’étudier les mesures à prendre concernant la valeur ajoutée liée au transfert de ces terres. Vous savez parfaitement, dans votre département comme dans d’autres, que la valeur ajoutée d’une terre agricole rendue constructible peut parfois atteindre dix fois, vingt fois, cinquante fois, voire cent fois le prix de la terre. Cette question suscite des interrogations auxquelles nous devons répondre dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour la réplique.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, je vous remercie de la clarté de votre réponse.

Si j’ai posé cette question, c’est parce que nous sommes nombreux à avoir analysé les difficultés auxquelles vous apporterez des réponses dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Je me félicite de votre volonté de mettre en place un Observatoire national des terres agricoles et d’instituer au niveau départemental des commissions qui réuniront l’ensemble des partenaires. La représentativité au sein de ces commissions est en effet un vrai problème.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Monsieur le ministre, je souhaite, comme plusieurs de nos collègues, attirer votre attention sur le problème de la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE. C’est un sujet extrêmement préoccupant, notamment pour les agriculteurs de montagne, qui connaissent actuellement une crise sans précédent.

Si le projet de loi de finances pour 2010 a bien prévu les crédits nécessaires pour honorer les contrats PHAE en cours, les crédits budgétaires pour le renouvellement de ceux qui arrivent à échéance en 2010 n’ont, en revanche, pas été prévus.

Les agriculteurs sont très inquiets : si, dans le cadre du bilan de santé de la PAC, la réorientation d’une partie des aides du premier pilier a permis la création d’un droit à paiement en soutien à la production à l’herbe, revendiquée depuis longtemps par les éleveurs, cette nouvelle aide semble venir en substitution de la PHAE en 2010, alors que, s’agissant d’une aide à la production, elle n’est en rien assimilable à des modes d’exploitation agro-environnementales telles qu’elles sont prévues dans les conventions PHAE. Si tel était le cas, l’État reprendrait d’une main ce que l’Europe a concédé de l’autre.

Cette situation est très préoccupante, notamment en zone de montagne. Dans le Cantal, par exemple, sur 5 000 exploitations, 3 700 sont concernées par la PHAE, qui représente plus de 10 % des aides publiques allouées aux agriculteurs cantaliens ; 2 500 d’entre elles sont des exploitations laitières, dont les revenus ont baissé de plus de 25 % cette année en raison de la crise. La perte de la PHAE représenterait une chute supplémentaire de 5 % de ce revenu, ce qui pourrait leur être fatal.

Monsieur le ministre, vous avez été sensible à ce problème majeur en assurant les agriculteurs de votre volonté de répondre favorablement à leur requête. Vous avez engagé à cet effet une consultation auprès de la Commission européenne, mais force est de constater que les crédits prévus sont insuffisants pour assurer le renouvellement de ces conventions. Encore faut-il pouvoir le faire juridiquement !

Ma question est la suivante : avec quel dispositif et dans quel délai serez-vous en mesure de proposer une solution garantissant le maintien de la PHAE ? Vous avez répondu tout à l’heure à mon collègue Jean Boyer à ce sujet. Mais je souhaiterais que vous nous précisiez que ces aides seront bien distinctes des nouvelles aides à la production herbagère qui seront mises en place par l’Union européenne.

M. Jacques Blanc. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Les éleveurs de montagne pourront ériger une statue aux sénateurs qui, comme Pierre Jarlier, Jean Boyer et Jacques Blanc, ont défendu la PHAE : si vous n’aviez pas tiré la sonnette d’alarme, nous n’aurions pas pu avoir cet échange avec la Commission européenne, nous n’aurions pas trouvé les solutions juridiques que nous sommes en passe de retenir, et nous n’aurions pas alerté suffisamment tôt Matignon pour disposer des crédits budgétaires nécessaires.

Je formulerai juste deux remarques complémentaires.

En premier lieu, je souhaite que nous trouvions une solution avant la fin de l’année 2009,…

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. … et que les questions soient tranchées, aussi bien juridiquement que financièrement, avant que nous partions tous prendre des vacances bien méritées. Cela permettra de rassurer les éleveurs du Cantal, comme ceux de la Lozère ou du Jura.

En second lieu – et c’est le plus important à mes yeux –le maintien d’une agriculture de la diversité, au-delà des difficultés et d’un environnement peu favorable, est un choix politique. La valorisation des produits de qualité suppose que l’on fasse des efforts pour maintenir l’activité agricole dans ces secteurs. Ce doit être l’un des axes directeurs de notre action.

Nous ne voulons pas d’une agriculture qui serait la même partout en Europe, avec de grands ensembles industriels concentrés uniquement dans quelques bassins de production limités et clairement identifiés.

Nous défendons au contraire une agriculture compétitive, qui occupe les espaces, capable de se battre à armes égales avec ses concurrents, y compris lorsque l’environnement n’est pas favorable, parce qu’elle produit des produits de qualité, parfois tout à fait exceptionnels, qui méritent d’être valorisés et développés ; les AOC du Cantal en sont la meilleure preuve. (M. Jacques Blanc applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour la réplique.

M. Pierre Jarlier. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier de votre réponse, qui est extrêmement claire, notamment sur le délai : nos agriculteurs pourront être rassurés, puisque ce problème sera réglé avant la fin de l’année 2009.

La seconde partie de votre réponse est aussi très importante, parce que vous nous assurez qu’il n’y aura pas d’amalgame entre la nouvelle prime à la production herbagère européenne et l’encouragement, par la prime herbagère environnementale, à des modes d’exploitation respectueux de l’environnement, comme nous y invitent les grands enjeux du Grenelle de l’environnement.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, ma question vous paraîtra peut-être un peu décalée par rapport à vos préoccupations habituelles. Elle est pourtant d’importance pour les communes du sud de la France, parce qu’elle porte sur les crédits affectés à la prévention des incendies de forêts, et plus spécialement sur ceux qui sont réservés au Conservatoire de la forêt méditerranéenne, le CFM, et sur leur utilisation.

Je ferai un bref rappel historique.

Lors de sa création en 1987, après de vastes incendies dans le sud de la France, le CFM disposait d’un budget de 100 millions de francs, soit, en monnaie constante, l’équivalent de 22,8 millions d’euros. Il était alimenté par des ressources propres : une taxe nouvelle sur les briquets et une taxe additionnelle sur les tabacs.

Ce budget a été détourné de son objectif de deux manières.

D’une part, ses crédits ont été diminués : 9 millions d’euros pour le prochain exercice, sans changement par rapport à 2009, soit deux fois et demie de moins qu’initialement.

D’autre part, ces crédits résiduels ont été affectés à un autre projet que celui du CFM, à savoir le financement dans quinze départements du sud de la France, en partenariat avec les collectivités locales, des investissements de défense des forêts contre l’incendie, ou DFCI – pistes, pare-feux, coupures agricoles –, de leur entretien, et le préfinancement de l’exécution du débroussaillement d’office, qui relève de la responsabilité des maires.

Comme l’avait déjà observé la Cour des comptes en 2000 et sans que cela ait changé, ces crédits servent désormais essentiellement à financer les missions de surveillance et l’investissement à la charge de l’État, et seulement de façon résiduelle les actions qui intéressent directement les collectivités, ce qui était pourtant l’essentiel au départ.

Or la plupart des communes forestières, qui sont des communes rurales, n’ont les moyens ni de préfinancer le débroussaillement d’office ni de faire face à leurs obligations découlant des plans de protection des risques d’incendie de forêt, ou PPRIF.

Ma question est donc très simple, monsieur le ministre : comment expliquez-vous ce détournement des fonds du CFM vers d’autres missions que celles qui devraient être les siennes ? S’agissant de ce qu’il en reste, pensez-vous le réorienter vers le financement d’opérations menées en partenariat avec les communes, notamment celles qui sont soumises à un plan de prévention des risques d’incendie de forêt ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Cette question est elle aussi tout à fait majeure et ne sort absolument pas du champ de mes responsabilités.

Notre objectif est bien de garantir, en particulier grâce au travail du Conservatoire de la forêt méditerranéenne, une défense contre les feux de forêt qui soit la plus efficace possible. Le ministère de l’agriculture est pleinement engagé dans cette tâche, aux côtés des collectivités locales.

Vous avez noté avec raison, monsieur le sénateur, une diminution des crédits de mon ministère en faveur de cet emploi, de l’ordre de 1,5 million d’euros. Je tiens à préciser que cette baisse devrait être compensée par de nouveaux moyens provenant du FEADER, le Fonds européen agricole pour le développement rural, au titre des nouveaux défis de la PAC.

Les préfets de la zone de défense sud sont chargés, dans le cadre de leur mission de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les risques d’incendie, d’optimiser ces crédits de l’État et du FEADER, en liaison étroite avec les collectivités locales, de façon qu’ils soient employés de la manière la plus efficace possible.

Nous suivons cette question avec vigilance, et je vous remercie, monsieur le sénateur, d’avoir attiré mon attention sur ce sujet. Je le répète, nous ferons en sorte que tous les moyens soient disponibles, qu’ils soient issus du FEADER ou du ministère de l’agriculture, pour prévenir, en liaison avec les collectivités locales, les incendies de forêt dans le sud de la France.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la réplique.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, j’aimerais vous adresser des louanges, comme l’ont fait les collègues qui m’ont précédé, car c’est plus agréable. Mais je dois dire que votre réponse me laisse sur ma faim.

Les préfets font déjà ce qui leur paraît être le mieux, mais cela ne correspond pas aux attentes des communes – communes forestières, petites communes – qui doivent faire face à des obligations exorbitantes en matière de protection. Si vous n’intervenez pas pour préciser explicitement que les crédits en question ne sont pas destinés à faire reluire les carrosseries des SDIS, mais ont pour vocation de financer des investissements de protection, cela ne bougera pas !

Je sais bien qu’il serait extrêmement difficile de récupérer les crédits utilisés, je ne suis pas naïf à ce point ; mais qu’au moins ceux qui existent encore soient employés conformément à leur destination originelle !

Je pose régulièrement cette question ; les murs de Jéricho ne sont pas encore tombés, mais je compte sur vous, monsieur le ministre. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le ministre, toutes les filières agricoles françaises sont en difficulté, chacun a pu l’exprimer au cours de ce débat. Du fait de la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs, du fait du poids des charges issues pour partie des contingences environnementales successives, mais souvent du fait, avouons-le, des choix de mécanisation décidés par les agriculteurs eux-mêmes, l’agriculture française n’a pas échappé à la crise économique et financière mondiale.

Qu’il me soit permis de me concentrer sur la seule filière laitière.

Face à la crise du lait, la Commission européenne, si souvent accusée, s’est montrée à la fois digne et maladroite. Durant toute cette période, elle est intervenue sur le marché. Son action a été relayée par des mesures gouvernementales fortes dont vous avez été, monsieur le ministre, le principal instigateur : je voulais vous en féliciter et vous en remercier.

Aujourd’hui, que constate-t-on ? La crise a amplifié et mis en lumière le mouvement d’internationalisation du marché laitier. La grève du lait a accentué la baisse des exportations françaises, qu’ont relayées celles d’autres pays, reconnaissons-le, plus compétitifs.

En définitive, si la France sort politiquement renforcée, au niveau européen, de la gestion de cette crise – et c’est à vous que nous le devons, monsieur le ministre –, sa filière laitière en sort économiquement affaiblie. Mais personne, pas plus les pouvoirs publics que d’autres, ne peut gérer les prix des marchés.

Disposant des trois leaders mondiaux de la transformation laitière, la France – qui, je le précise, ne produit que 4 % du lait mondial – doit restructurer sa filière, tant en amont qu’en aval, pour rester présente sur les marchés. Ce pays aux 365 fromages qu’est la France doit moderniser encore davantage sa filière laitière. Cette évidence ne sera pas facile à faire admettre dans nos campagnes, mais elle est incontournable. Elle doit être évoquée et réalisée dans le respect des hommes et des femmes de nos territoires, et de leurs spécificités.

Monsieur le ministre, nous arrivons au terme de ce débat, si bien que vous avez déjà répondu à certaines de mes interrogations.

À très court terme, j’aurais souhaité que vous puissiez rassurer les producteurs quant à l’évolution des prix du lait ; vous l’avez fait.

En revanche, j’aimerais savoir où vous en êtes dans l’élaboration du document devant instituer les nouveaux rapports entre les producteurs et les transformateurs, savoir aussi où en est le contentieux qui oppose les services de l’État à la grande distribution, qui n’a pas respecté certaines exigences de la loi de modernisation de l’économie, la LME.

À plus long terme, quelles seraient à votre avis les grandes lignes de la restructuration de la filière laitière qui doit permettre d’assurer la pérennité tant des éleveurs que des transformateurs français et, ne l’oublions jamais, de ces millions de salariés qui, au sein des entreprises de transformation agroalimentaire, assurent à la balance commerciale un excédent de 9 à 10 milliards d’euros chaque année ? (M. Auguste Cazalet applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Si vous le permettez, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par apporter une précision complémentaire à Pierre-Yves Collombat : nous lui transmettrons dans les meilleurs délais une réponse écrite plus détaillée à la question qu’il a posée et aux remarques qu’il a formulées dans la deuxième partie de son intervention.

Monsieur Jean Bizet, sur la question majeure du lait et de la production laitière en France, j’essaie de combiner une grande lucidité dans l’analyse de la situation et les réponses les plus appropriées et les plus immédiates qui permettent aux producteurs de s’en sortir du mieux possible.

La lucidité consiste à être capable de constater, comme vous le faites vous-même, monsieur le sénateur, que, mois après mois, la France perd des parts de marché laitier au profit de son grand voisin allemand. C’est pour moi une situation inacceptable. Nous n’avons pas vocation à voir nos industries laitières s’approvisionner en Allemagne parce que l’Allemagne est plus compétitive que nous ! Il est donc indispensable que nous fournissions des efforts afin que la production laitière reste en France et que les industries laitières françaises s’alimentent auprès de producteurs français.

Ces efforts doivent être accomplis à l’échelle de bassins régionaux. Vous êtes mieux placés que personne pour le savoir, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui avez rédigé sur la situation de la filière laitière en France un rapport qui fait autorité : la situation de la production de lait en Bretagne n’a absolument rien à voir avec la production de lait en Savoie ou au Pays basque, où les volumes sont plus faibles et les produits fromagers plus valorisés. La réflexion doit donc être menée à l’échelle régionale, et c’est ce que je me propose de faire pour renforcer la compétitivité de la filière et améliorer la situation de la production laitière en France.

Par ailleurs, sur le long terme, je le redis avec beaucoup de force, ma politique, c’est la régulation.

La régulation, elle s’opère à l’échelle nationale, par le biais de contrats portant sur un volume, sur un prix, sur une durée. C’est le seul moyen de garantir un revenu décent aux producteurs dans les années à venir.

La régulation, ce sont aussi des instruments européens renforcés, ce sont de nouveaux instruments européens qu’il nous faut mettre en place, c’est une réflexion sur des volumes indicatifs à l’échelle européenne.

Personne ne m’ôtera de la tête l’idée que la suppression des quotas d’ici à 2015 ne nous dispense pas d’engager une réflexion sur des indications de volume à l’échelle européenne, seules à même d’éviter les surproductions que nous avons connues dans les années passées. (M. Auguste Cazalet applaudit.)