M. Gérard Bailly. Cette question de la durée des contrats est importante. Certes, l’agriculture présente à certains égards les caractéristiques d’une industrie lourde, dans la mesure où l’on ne peut pas rapidement passer d’un type de production à un autre, mais plusieurs arguments s’opposent à une durée minimale de trois ans pour ces contrats.

Prenons un exemple que les citoyens de ma région connaissent bien : le comté. Aujourd’hui, le système fonctionne assez bien, le prix du lait étant attractif. Cependant, si l’on propose à nos affineurs, à nos vendeurs de comté ou à nos coopératives une contractualisation sur trois ans, ils l’accepteront, mais à des tarifs inférieurs de 10 % ou 15 %, car ils ne pourront rien garantir quant à l’évolution de la conjoncture à trois ans.

Du reste, une coopérative qui s’engagerait sur trois ans prendrait le risque, en cas de conjoncture défavorable au niveau européen ou mondial, faute de pouvoir respecter le contrat, de devoir déposer son bilan.

Le projet de loi tend à fixer une durée allant de un à cinq ans, ce qui laisse une marge de manœuvre selon les productions ou la volonté des contractants. Pour prendre l’exemple de la filière du bétail, ce n’est pas en obligeant les intéressés à s’engager dans un contrat de trois ans, sur la base des prix actuels, que les problèmes seront réglés !

L’important, c’est de laisser la possibilité de s’adapter à la conjoncture et, de ce point de vue, une durée minimale de trois ans ne serait pas une bonne solution.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 135, 331 et 576 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 261, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Rédiger comme suit cet alinéa :

« Les produits acceptés par l’acheteur lors de la livraison ne peuvent faire l’objet d’aucun retour au producteur. »

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. L’article 3 donne la possibilité d’instaurer par décret une obligation de contrats écrits pour les ventes de produits agricoles entre producteur et premier acheteur.

Sur le fond, nous considérons que cette mesure ne permettra pas fondamentalement de renverser les rapports de force, notamment, comme nous l’avons déjà souligné, pour la simple et bonne raison que ces contrats sont facultatifs. Pour autant, il nous semble nécessaire de renforcer les clauses types qui devront y figurer.

Par cet amendement, nous souhaitons, en lieu et place de dispositions redondantes avec la législation actuelle, en particulier l’article L. 441-2-1 du code de commerce, que soit affirmé dans le contrat que les produits acceptés par l’acheteur lors de la livraison ne peuvent faire l’objet d’un retour au producteur.

Dans les faits, on ne peut que déplorer une telle pratique. Il arrive que le producteur livre la marchandise et qu’ensuite l’acheteur essaie de lui en rendre une partie s’il n’a pas tout vendu. Voilà qui témoigne, selon nous, d’un déséquilibre profond dans le rapport de force, au profit des acheteurs.

De plus, une telle disposition entre parfaitement, nous semble-t-il, dans le cadre des objectifs fixés par le présent article, lequel entend, au travers des contrats, sécuriser les relations entre les producteurs et les acheteurs.

C’est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement de bon sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. La commission a jugé qu’il s’agissait d’un amendement intéressant… (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Gérard César, rapporteur. Une fois de plus, dirais-je plutôt ! (Sourires.)

M. Didier Guillaume. Ils sont tous intéressants !

M. Gérard César, rapporteur. Mais,…

M. Marc Daunis. Mais, une fois encore… (Nouveaux sourires.)

M. Gérard César, rapporteur. … comme chacun le sait, l’enfer étant pavé de bonnes intentions, j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement.

Pour tout vous dire, mes chers collègues, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Toutefois, à titre personnel, j’estime que le retour des produits au producteur est extrêmement gênant, surtout pour ce qui concerne les denrées périssables.

C’est la raison pour laquelle j’aimerais entendre M. le ministre sur ce point.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Charles Revet. Ce n’est pas tâche aisée !

M. Bruno Le Maire, ministre. Ce n’est pas un sujet facile, monsieur Le Cam… (Sourires.)

M. Gérard Le Cam. On peut y réfléchir !

M. Bruno Le Maire, ministre. Comme sur tout sujet qui mérite réflexion, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Il s’agit là d’une mesure de bon sens, conforme à l’esprit fondamental de ce projet de loi, à savoir le renforcement des pouvoirs du producteur.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 261.

(L’amendement est adopté.)

M. Paul Raoult. Un miracle !

Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 203 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Jarlier, B. Fournier, Bernard-Reymond, Juilhard, Amoudry, Bailly, Alduy, Hérisson et Gouteyron, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les collectivités territoriales compétentes peuvent promouvoir la contractualisation par la mise en place de dispositifs incitatifs à destination des filières organisées sur leurs territoires, répondant ainsi à des considérations d’aménagement du territoire.

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Vous voyez, mes chers collègues, le Sénat, dans sa sagesse, a su montrer tout l’intérêt qu’il porte à l’agriculture et aux agriculteurs ! Personne n’a le monopole de la défense de leurs intérêts ! Ayant pris conscience de la nécessité d’agir, nous sommes tous mobilisés sur ce texte proposé par le Gouvernement, qui met en exergue l’importance de la contractualisation.

Pour avoir été président du conseil régional de Languedoc-Roussillon, une région qui connaît des difficultés dans les domaines de la viticulture, de l’élevage ou des fruits et légumes, j’ai pu mesurer combien il était possible pour les collectivités de lancer ou d’encourager les politiques de développement.

Cet amendement vise à permettre aux collectivités territoriales compétentes en matière de développement économique d’apporter, sur la base, bien sûr, du volontariat, une contribution valorisante à la contractualisation des filières organisées en liant au dispositif leur propre démarche d’aménagement du territoire.

Quand on habite dans des zones de montagne, on sait l’importance d’aider les filières en favorisant la contractualisation. Mon expérience de terrain m’a conduit à mettre cette proposition noir sur blanc.

Ainsi, les collectivités qui le souhaitent pourront favoriser la contractualisation, laquelle contribuera, elle-même, à l’aménagement du territoire.

Mme la présidente. L’amendement n° 577 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Milhau, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les conseils régionaux et les conseils généraux, s’ils en font la demande, peuvent promouvoir les contrats souscrits localement pour y insérer des aides incitatives répondant à des considérations d’aménagement du territoire.

La parole est à M. Jean Milhau.

M. Jean Milhau. Cet amendement étant quasiment identique à l’amendement n° 203 rectifié, nous considérons qu’il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Jeudi et vendredi derniers, nous avons eu un long débat, fort intéressant, au sujet du code des marchés publics.

Si je me souviens bien, M. le ministre s’est engagé à considérer la question des collectivités territoriales au regard de ce code, concernant notamment le problème de la restauration scolaire.

Je rappelle que le contrat entre un agriculteur et son acheteur est un contrat de fourniture de biens. Les collectivités, lorsqu’elles sont acheteuses, devront se conformer aux clauses types, prévues par décret. En cas d’accord interprofessionnel, rien n’interdit qu’elles en respectent aussi les dispositions, même si elles ne font pas partie des interprofessions.

Dans les autres cas, lorsque les collectivités ne sont pas acheteuses, leur intervention est plus difficile. Elles peuvent cependant favoriser la pratique contractuelle en conditionnant certaines aides, mais elles ne sauraient être parties à un contrat dont elles ne seront pas l’un des exécutants.

Dans ces conditions, je vous demande donc, cher Jacques Blanc, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable. Cet avis vaut aussi pour l’amendement n° 577 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements pour les raisons communautaires avancées par M. le rapporteur.

Je pense, cher Jacques Blanc, que le texte répond déjà à vos interrogations. Si nous prévoyons dans la loi que les collectivités territoriales peuvent suggérer, recommander ou imposer un contrat, nous entrons dans le cadre des aides d’État et pouvons être sanctionnés à ce titre en vertu du droit communautaire. Mieux vaut donc s’en tenir au dispositif actuel.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.

M. Jacques Blanc. Je me demande si je me suis bien exprimé…

M. Gérard César, rapporteur. Comme toujours !

M. Jacques Blanc. En l’occurrence, ce n’est peut-être pas le cas !

M. Thierry Repentin. En tout cas, vous n’avez pas été bien compris ! (Sourires.)

M. Jacques Blanc. Tout cela est compliqué.

Il n’est pas question pour moi de demander que les collectivités territoriales soient parties prenantes aux contrats. Je souhaite simplement préciser clairement qu’elles auront la possibilité de favoriser la contractualisation des filières organisées sur leurs territoires.

Il ne s’agit là que d’une incitation.

M. Gérard César, rapporteur. Cela existe déjà !

M. Jacques Blanc. Si c’est déjà possible…

M. Gérard César, rapporteur. Mais oui !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Cher Jacques Blanc, vous avez été extraordinairement explicite dans la rédaction de votre amendement, en prévoyant la mise en place de dispositifs incitatifs à destination des filières.

Je reconnais votre attachement à la montagne en général et à la Lozère en particulier. Mais, votre proposition sous-tend le versement d’une aide d’État. Certes, les collectivités territoriales méritent toute notre considération et notre soutien, mais elles ne peuvent être aidées ainsi directement, car nous serions immédiatement sanctionnés par les autorités européennes.

Je le répète, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Monsieur Blanc, l’amendement n° 203 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Blanc. Je le retire, madame la présidente, car je ne veux pas aller à l’encontre de l’avis du Gouvernement. Toutefois, nous devons réfléchir aux moyens d’aider les collectivités territoriales désireuses d’encourager les filières organisées sur leurs territoires à recourir à la contractualisation, sans que cela soit automatiquement perçu comme une aide d’État qui fausserait la concurrence.

Mme la présidente. L’amendement n° 203 rectifié est retiré.

Monsieur Milhau, l’amendement n° 577 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean Milhau. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 577 rectifié est retiré.

Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 662, présenté par M. César, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 20

Après le mot :

producteur

insérer les mots :

, l’opérateur économique mentionné au I

II. – Alinéa 24, première phrase

Après le mot :

producteur

insérer les mots :

ou opérateur économique mentionné au I de l’article L. 631-24

La parole est à M. Gérard César, rapporteur.

M. Gérard César, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Mme la présidente. L’amendement n° 334, présenté par M. Biwer, est ainsi libellé :

Alinéas 24 et 25

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 631-25. - L’accord interprofessionnel mentionné au a ou le décret mentionné au b du I de l’article L. 631-24, fixe le régime de sanction applicable en cas de défaut de proposition de contrat écrit par l’acheteur, lorsqu’elle a été rendue obligatoire dans les conditions mentionnées à l’article L. 631-24, ou en cas de non-conformité aux dispositions contractuelles prévues au même article.

La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. En cohérence avec le principe de subsidiarité défini au nouvel article L. 631-24 du code rural, le régime de sanction, que j’ai déjà évoqué tout à l’heure en m’exprimant sur l’article, peut être prévu par un accord interprofessionnel étendu ou homologué ou, à défaut, par un décret pris en Conseil d’État.

Dans le cadre d’un accord interprofessionnel rendant obligatoire la conclusion de contrats de vente écrits, il peut être prévu un régime de sanction associé. Ainsi, il revient à chaque filière de prendre la responsabilité de déterminer les sanctions adaptées au défaut de proposition de contrat écrit ou de non-conformité aux dispositions contractuelles prévues à l’article L. 631-24 du code rural.

En clair, il s’agit, par la loi, de sanctionner tout manquement d’une amende administrative, dont le montant peut aller jusqu’à 75 000 euros.

Pour ma part, je considère que, pour prévenir tout abus, l’interprofession pourrait fixer le régime de sanction d’une manière plus réaliste en évitant ce couperet, qui n’est tout simplement que la résultante de l’application de la loi, tout en rétablissant le dispositif – même si celui-ci n’est peut-être pas toujours parfait ! – conformément à la règle en vigueur.

Mme la présidente. L’amendement n° 262, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 24, première phrase

Après les mots :

dont le montant

rédiger ainsi la fin de cette phrase : 

est au moins égal à deux fois la valeur commerciale des produits concernés

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Nous l’avons dit, la somme des contrats conclus entre les producteurs et les acheteurs ne peut aboutir à une maîtrise des volumes, et donc à une véritable politique publique agricole. De plus, un contrat symbolise un rapport de force, qui est ici à la défaveur des producteurs. En effet, ce type de contrat existe déjà dans plusieurs filières. Pourtant, une telle mesure n’est pas de nature à assurer à ces derniers une bonne rémunération.

Cependant, si le fait de rendre obligatoire la conclusion d’un contrat ne constitue pas l’alpha et l’oméga d’une politique nationale agricole – ce qui est, malheureusement, le cas pour le Gouvernement ! –, cela marque tout de même une avancée.

Pour autant, afin de garantir aux paysans la viabilité des contrats, il est nécessaire de réunir plusieurs conditions.

Tout d’abord, il ne faut laisser aucun paysan sur le bord de la route ; ensuite, le mode de fixation des prix doit faire référence à l’Observatoire des prix et des marges ; enfin, il importe que l’engagement de l’État dans la maîtrise des volumes garantisse l’équité dans le rapport de force.

Mais, surtout, les expériences actuelles de contractualisation montrent que, le rapport de force étant ce qu’il est, les acheteurs ne sont nullement tenus de respecter ces contrats sur le fond et la forme.

Ainsi, par notre amendement, nous voulons renforcer la sanction du dispositif prévu à l’alinéa 24 de l’article 3. Dans sa rédaction actuelle, la sanction ne peut être supérieure à 75 000 euros par producteur et par an, sans qu’il soit aucunement fait référence à la valeur commerciale des produits contractualisés.

Afin de rendre dissuasive toute atteinte à la formation des contrats, et donc de rééquilibrer le rapport de force en présence, nous proposons de fixer une amende dont le montant serait au moins égal à deux fois la valeur commerciale des produits concernés.

Mme la présidente. L’amendement n° 263, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 24, première phrase

À la fin de cette phrase supprimer les mots :

et par an

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Le présent article crée, au sein du chapitre Ier du titre III du livre VI du code rural, une nouvelle section intitulée « Les contrats de vente de produits agricoles »

Il s’agit, avec la création de trois nouveaux articles, de poser le principe de contrats écrits dits obligatoires entre producteurs et acheteurs et d’exprimer ainsi, par cette formalisation, la volonté de sécuriser juridiquement les relations entre les parties en présence. Je dis « obligatoires », car cette obligation sera définie ultérieurement par le Gouvernement, ainsi que vous l’avez indiqué précédemment, monsieur le ministre.

Nous comprenons cette aspiration, même si nous pouvons d’ores et déjà craindre que la seule présence de ces contrats ne permettra pas de rééquilibrer le rapport de force, ni même de garantir des prix rémunérateurs.

Avec nos différents amendements, nous souhaitons renforcer le dispositif de sanction, ainsi que les obligations pesant sur l’acheteur.

Pour cette raison, nous demandons ici que la sanction définie à l’alinéa 24 – infliger aux acheteurs ne proposant pas de contrat ou présentant un contrat non conforme aux clauses types une amende administrative de 75 000 euros maximum par producteur – ne subisse aucune limitation temporelle. Pour l’instant, ce montant est considéré comme un plafond annuel.

À nos yeux, une telle disposition est de nature à favoriser les gros acheteurs, qui, je le précise, ne sont liés à aucune obligation limitative concernant le nombre de contrats signés. En revanche, leurs sanctions financières seraient plafonnées !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Pour ce qui concerne l’amendement n° 334, nous rappelons, comme l’a fait plusieurs fois M. le ministre cet après-midi, que, aux termes du texte, le contrat peut être rendu obligatoire soit par l’interprofession, soit par décret.

L’application d’un régime de sanction différent de celui qui résulte de la non-exécution d’un accord interprofessionnel paraît logique. Cependant, la portée d’accords interprofessionnels prévoyant des sanctions différentes de celles qui s’appliquent de plein droit au titre de l’article L. 631-25 du code rural pourrait être affaiblie.

Il convient donc de conserver un régime de sanction unifié applicable en cas de défaut de contrat, que ce défaut viole le décret ou un accord interprofessionnel. Dans ce cadre, le montant de l’amende ne peut être supérieur à 75 000 euros par producteur et par an, ce qui constitue déjà, selon moi, une sanction lourde. Prévoir plusieurs possibilités de pénalités risquerait de rendre difficile l’application du contrat.

Je vous demande donc, monsieur Biwer, de bien vouloir retirer cet amendement.

L’amendement n° 262 vise à renforcer les sanctions en cas d’absence de contrat. Or, je viens de l’indiquer, celles qui sont prévues à l’alinéa 24 sont déjà suffisamment importantes. Puisqu’elles s’appliqueront pour chacun des producteurs avec lesquels l’acheteur n’aura pas contracté, il ne me semble pas justifié de les alourdir. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à l’amendement n° 263, il vise à introduire une insécurité juridique dans le régime de sanction. Il paraît en effet difficile d’appliquer plusieurs fois par an la sanction en cas de défaut de contrat. La commission est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement est également défavorable aux amendements nos 334, 262 et 263.

Je rappelle simplement que l’alinéa 24 de l’article 3 est extraordinairement précis sur les sanctions prévues au cas où un acheteur ne remettrait pas une proposition de contrat écrit lorsque celui-ci a été rendu obligatoire.

Si je comprends parfaitement les intentions de M. Biwer, qui sont tout à fait louables, j’estime cependant que l’objet de l’amendement n° 334 est satisfait par cet alinéa. Il en va de même pour les amendements nos 262 et 263 défendus par M. Le Cam.

En revanche, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 662 présenté par la commission.

Mme la présidente. L’amendement n° 334 est-il maintenu, monsieur Biwer ?

M. Claude Biwer. Je comprends bien, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vos arrière-pensées dans ce domaine…

M. Gérard César, rapporteur. Il n’y a que des pensées, pas d’arrière-pensées !

M. Claude Biwer. ... pour essayer de trouver un équilibre convenable de nature à favoriser la commercialisation des produits en question. Néanmoins, puisque vous semblez vouloir tout régler par la loi, je regrette presque de ne pas avoir déposé un amendement pour fixer par avance la liste des jours ensoleillés dans l’année !

Le monde agricole a besoin d’un certain équilibre. En l’espèce, la rédaction actuelle du texte ne me convient pas. Par conséquent, je maintiens cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 662.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 334 n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’amendement n° 262.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 263.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 139, présenté par MM. Cazeau et Bérit-Débat, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni et Antoinette, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Après les mots :

commission de médiation 

insérer les mots :

placée sous l’autorité de l’État

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement, cosigné notamment avec Bernard Cazeau, mon collègue de Dordogne, est soutenu par l’ensemble du groupe socialiste.

L’offre alimentaire française constitue par sa qualité, son abondance et sa diversité, particulièrement en Dordogne, une composante essentielle du patrimoine historique et culturel. L’agriculture n’a pas ainsi pour seule fonction de produire des aliments au moindre coût : elle fait vivre des territoires et contribue à la qualité de l’environnement, cela a été souligné lors des interventions précédentes.

Pour autant, les réussites d’hier ne doivent pas conduire à l’immobilisme. La politique agricole est à reconsidérer à l’aune du nouveau contexte mondial et des nouvelles demandes de la société française.

M. Gérard César, rapporteur. Ce n’est pas le bon argumentaire, mon cher collègue !

M. Claude Bérit-Débat. Mais si ! Permettez-moi de faire une présentation large de la problématique ! Vous savez, en Dordogne, « pays de l’homme », on va chercher très loin nos racines, y compris dans l’agriculture ! (Sourires.)

Dans cette optique, travaillons d’abord à légitimer l’intervention publique dans ce secteur stratégique et spécifique. Dans l’agriculture, l’offre ne s’ajuste à la demande qu’au prix d’une volatilité des cours, désastreuse pour les consommateurs les plus pauvres et dévastatrice pour les agriculteurs et les emplois agroalimentaires ; le marché ne peut donc pas tout faire !

Ajoutons à ce constat les enjeux du développement et de l’écologie : l’absence de régulation en la matière serait tout bonnement irresponsable. L’agriculture doit redevenir un outil au service de l’économie, indispensable certes, mais non tourné exclusivement vers l’enrichissement sans fin de quelques enseignes. Le monde agricole est excessivement spéculatif ; tout est fait pour le court terme, et ce au bénéfice des plus gros distributeurs.

Ainsi, sous prétexte de sortir de la crise, sont prévues dans cet article des mesures inadaptées, qui risquent de prolonger les difficultés.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Claude Bérit-Débat. Ainsi en est-il de l’instauration d’une commission de médiation chargée des relations entre les producteurs et les vendeurs, encore trop timorée à nos yeux. À terme, une telle discrétion ne pourra qu’aggraver les problèmes.

En définitive, sauver l’agriculture, c’est revenir à une véritable éthique sociale, malmenée par le laisser-faire. Or une telle instance, selon la rédaction qui nous est proposée, sera amenée à se comporter comme si elle avait déjà renoncé à maîtriser des mutations qu’elle devra pourtant gérer à l’avenir. À cet égard, l’interventionnisme préconisé ici peut se définir comme le droit de la collectivité à protéger les plus faibles contre les plus forts. Affirmer que cette commission de médiation sera sous l’autorité de l’État, c’est faire le choix des premiers contre les seconds.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Mon cher collègue, pour présenter cet amendement, vous avez fait un détour par l’histoire, et même la préhistoire, de la Dordogne ! (Sourires.) Mais je vous comprends, tant il est vrai que ce département est d’une grande richesse en la matière !

Lors du débat d’orientation sur l’agriculture devant la commission de l’économie le 28 avril dernier, ouvert, je le précise, à tous les sénateurs, M. le ministre nous a indiqué que la commission de médiation serait présidée par un haut fonctionnaire. Il est en effet nécessaire qu’elle se situe en dehors des parties au contrat.

Dans la mesure où votre amendement me semble satisfait par les intentions gouvernementales, que M. le ministre aura le loisir de confirmer dans un instant, la commission vous demande de bien vouloir le retirer. À défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Après cette longue échappée, fort agréable d’ailleurs, en Dordogne, je tiens à préciser certains points qui figureront dans le décret : la commission de médiation – si c’est bien l’appellation qui sera finalement retenue, mais nous aurons à en discuter – sera paritaire, composée de représentants de l’administration et de représentants professionnels, et placée sous l’autorité de l’État.

Je vous demande donc, monsieur Bérit-Débat, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’y serai défavorable.