Mme la présidente. L'amendement n° 887, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

technique du Conseil d'orientation des retraites portant sur l'évolution du rapport entre la durée d'assurance ou la durée de services et bonifications et la durée moyenne de retraite

par les mots

du Conseil d'orientation des retraites

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Je le rappelle, le Conseil d’orientation des retraites est un lieu d’expertise et de concertation qui a pour mission essentielle d’assurer le suivi de notre système d’assurance vieillesse et de formuler des propositions et des recommandations.

À sa création, en 2000, le COR s’était vu confier trois missions principales : décrire la situation financière et les perspectives des différents régimes de retraite, compte tenu des évolutions économiques, sociales et démographiques ; apprécier les conditions requises pour assurer la viabilité financière à terme de ces régimes ; veiller à la cohésion du système de retraite par répartition, en assurant la solidarité entre les régimes, ainsi qu’au respect de l’égalité, tant entre les retraités qu’entre les différentes générations.

Toutefois, la loi de 2003 portant réforme des retraites, sous couvert d’élargir les missions du COR, est venue contraindre le champ d’analyse et d’expertise de cet organisme.

En effet, cette capacité d’expertise et de proposition s’est trouvée en partie « soumise » aux grandes orientations fixées par la loi de 2003, notamment celle qui consiste à assurer un haut niveau de retraite par l’allongement du temps d’activité et de la durée d’assurance.

Mes chers collègues, c’est cette solution restrictive qui nous pose problème, vous l’avez compris, puisque nous sommes opposés à l’adaptation automatique de l’âge de départ à la retraite ou de la durée de cotisation en fonction de l’évolution du rapport entre durée d’assurance ou de services et bonifications et durée de moyenne de retraite. Et nous sommes les seuls à tenir ce discours !

Nous y sommes hostiles, car la « durée moyenne de retraite » cache des réalités très disparates, qui font de cette indexation automatique une profonde injustice.

Je pense, notamment, au cas des femmes, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir, aux salariés précaires, aux jeunes, aux seniors, à toutes celles et tous ceux qui mènent des carrières professionnelles plus courtes et discontinues. Or, on le sait, ce parcours sera le lot de la majorité des salariés.

C’est pourquoi, au travers de cet amendement, nous proposons que le COR ne soit pas contraint de rendre seulement un avis technique sur l’évolution du rapport entre la durée d’assurance ou de services et bonifications et la durée moyenne de retraite, car cela revient manifestement, au final, à réduire son champ d’analyse.

Tout au contraire, la réflexion et l’analyse sur un sujet de société d’une telle importance ne devraient souffrir d’aucune restriction, et les 3,5 millions de manifestants qui défilaient partout en France mardi dernier l’ont bien compris !

Mme la présidente. L'amendement n° 770, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement vise de façon plus générale le contenu de l’article 4. Il s’agit, en pratique, de supprimer l’alinéa 4 de ce texte, qui dispose : « Pour les assurés nés en 1953 ou en 1954, la durée d’assurance ou de services et bonifications permettant d’assurer le respect de la règle énoncée au I est fixée par un décret publié avant le 31 décembre 2010. »

En fait, il s’agit d’étendre, en utilisant cette fois la voie réglementaire, le principe d’accroissement du nombre des annuités permettant l’exercice du droit à la retraite aux membres de deux générations. Cette orientation conduira, naturellement, à accroître de quelques mois supplémentaires leur durée de cotisation.

Ceux qui sont nés en 1953 devront valider 40,5 annuités et ceux qui sont nés en 1954, 41 annuités, avant que les retraités nés à partir de 1955 ne soient contraints de valider 41,5 annuités, c’est-à-dire 166 trimestres.

Une telle démarche revient à demander aux personnes nées en 1953 d’avoir commencé de travailler à 20,5 ans au plus tard, c’est-à-dire en 1973-1974, pour pouvoir, aux alentours de 2025, jouir de leur droit à la retraite, et, au cas où leur carrière ne serait pas complète, d’attendre quelques mois encore entre 2025 et 2030.

Or les générations nées en 1953 et 1954 n’ont pas échappé aux conséquences de la crise économique des années soixante-dix, une de ces crises qui n’a pas encore cessé de produire ses effets. Les générations des années cinquante subiront donc, comme les premières du baby-boom, celles de la fin de la Seconde Guerre mondiale et celles de la Libération, les premiers effets de la nouvelle règle à calcul mise en place par le projet de loi.

Cette règle veut que, de manière quasi annuelle, on procède à un nouvel ajustement de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein à concurrence de l’avancée constatée de l’espérance de vie moyenne de la population.

Rappelons tout de même, à ce stade du débat, qu’au train où vont les choses, ce principe peut conduire les générations des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix à devoir cotiser encore 20 à 30 trimestres de plus que le niveau auquel nous nous arrêterons, avec ce projet de loi, pour pouvoir jouir d’une retraite méritée.

Les personnes nées en 1953 et en 1954 sont, respectivement, au nombre de 804 700 et de 810 800. Quelle est l’espérance de vie de ces deux classes d’âge, puisque tel est le paramètre sur lequel vous fondez, monsieur le ministre, les nouvelles conditions de fixation de l’âge légal de départ en retraite ? Elle est respectivement, pour les hommes, de 64,3 et 65 ans, et, pour les femmes, de 70,3 et 71,2 ans.

C’est dire qu’il ne faut abuser personne avec l’indicateur que représenterait l’espérance de vie. Vous faites payer au monde du travail l’allongement général de l’espérance de vie. La retraite devient comme la ligne d’horizon : on la voit devant soi, mais on ne la rattrape jamais.

Vous comprendrez donc aisément pourquoi nous refusons la mise en place de votre règle à calcul des annuités nécessaires, qui s’apparente, en réalité, à une scandaleuse spéculation sur la survie des générations !

Mme la présidente. L'amendement n° 771, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 6 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Cet amendement a pour objet l’application de l’article 4 du projet de loi, c'est-à-dire de l’allongement de la durée de cotisation requise pour faire valoir le droit à la retraite, aux agents de l’État. Nous sommes en présence de l’un des apports au texte de M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, qui n’est plus présent parmi nous.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Je le remplace !

Mme Odette Terrade. Cet apport revient à exiger encore davantage des fonctionnaires du secteur public. Pour mémoire, et pour préciser d’emblée l’une des données essentielles de cette question, je rappelle que la majorité des fonctionnaires sont des femmes. Évaluons donc les effets en cascade que produira cette mesure d’allongement de la durée de cotisation.

Il deviendra de plus en plus difficile à l’État, à compter de l’allongement de la durée de cotisation, de mettre en œuvre une forme de plan social naturel de réduction des effectifs de la fonction publique : ses différentes administrations devront permettre à leurs personnels âgés de 55 ans à 62 ans de poursuivre leur carrière, pour ne pas prendre le risque de voir ces agents subir une décote trop importante de leur pension de sortie.

En clair, alors même que le service public continuera presque naturellement de connaître des gains de productivité, il faudra que le budget de la nation subisse le coût de l’obligation impérieuse faite à l’État de ne pas se séparer de ses seniors.

Toutefois, monsieur le ministre, la mesure que vous proposez est tout simplement contradictoire avec les objectifs de réduction durable des déficits publics que vous affichez. Avant peu, il faudra prévoir de nouveau un dispositif de cessation d’activité ou accepter de mettre à la charge de l’État la situation des polypensionnés ayant cotisé au régime des fonctionnaires et appelés à travailler encore un peu plus longtemps.

En effet, l’un des aspects de la question qui nous est posée est bel est bien le statut des agents qui partiront à la retraite dans les années à venir. Les années soixante-dix ont été marquées par une très sensible augmentation du nombre des agents du secteur public, du fait d’une structuration de plus en plus serrée du maillage des services déconcentrés de l’État sur l’ensemble du territoire.

Néanmoins, ce phénomène de développement de l’emploi public, largement marqué par le recours à l’auxiliariat – une forme de travail précaire que la gauche, arrivée au pouvoir en 1981, a largement réduite grâce à des mesures d’intégration et de reconnaissance de l’expérience acquise –, s’est aussi produit dans le contexte d’une progression de l’emploi féminin plus rapide encore dans la fonction publique que dans d’autres secteurs.

Des femmes pour qui l’emploi public était la marche à franchir pour envisager promotion sociale et indépendance financière n’auront pas, au moment clef du départ à la retraite, et forcément dans tous les cas, le compte d’annuités nécessaire.

Ainsi, à la place de la promotion sociale offerte naguère par le service public, vous proposez, avec cet article 4, une remise en cause du droit à la retraite de celles-là mêmes qui ont fait l’administration française de ces quarante dernières années. C’est là un bien mauvais procès fait à des agents du secteur public qui, de plus, verront leur retraite rabougrie et subiront, sans l’avoir méritée, la rigueur du gel de leurs traitements. Cela fait beaucoup de sacrifices pour plaire aux agences de notation !

Mme la présidente. L'amendement n° 772, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement de notre groupe porte sur la question de l’allongement de la durée de cotisation imputable, avec cet alinéa, aux agents ressortant du régime de retraite de la fonction publique territoriale.

Cette dernière emploie aujourd’hui plus de 2 millions de salariés, contre 1,67 million voilà seulement huit ans. Cette progression des effectifs salariés est largement imputable aux transferts de personnel de l’État procédant de la loi « Raffarin ».

Cette situation a eu au moins un avantage : celui de permettre une certaine forme de redressement des comptes de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, CNRACL, qui, fin 2009, présentait un léger excédent de 26 millions d’euros pour 16,04 milliards d’euros de charges.

Ce produit positif de la caisse a été immédiatement capté par l’État !

Voilà en effet quelques années – ce n’est pas notre collègue Claude Domeizel qui me contredira - que l’État considère la CNRACL comme une sorte de poule aux œufs d’or qu’on peut solliciter plus que de raison pour prendre à sa charge tout ou partie de la facture sociale des politiques publiques en matière de retraite.

Par exemple, on fait un geste en faveur des paysans dont le revenu s’est effondré, en les dispensant du règlement de cotisations vieillesse qu’ils ne peuvent payer, ce qui est une bonne chose. On sollicite alors la compensation interrégimes pour faire porter le chapeau à la CNRACL !

Pendant ce temps-là, les groupes de la distribution qui rançonnent les agriculteurs en cassant les prix des produits agricoles peuvent continuer à faire la loi !

La fonction publique territoriale a une autre particularité : elle vieillit. Elle est même – vous me direz si je me trompe, monsieur le ministre – la plus âgée des trois fonctions publiques, singulièrement du fait des transferts que nous évoquions au début de cette intervention.

Allonger la durée de cotisation des agents de la fonction publique territoriale aujourd’hui, c’est reculer de quelques années le choc démographique que va constituer pour la CNRACL le départ en retraite des agents entrés dans cette fonction publique dans les années 1982, 1983 et suivantes, dans la foulée de la décentralisation et des contrats de solidarité.

Ce n’est pas s’assurer de la bonne santé de la Caisse, c’est juste garantir à l’État qu’il pourra disposer, à discrétion, pendant quelques années encore, d’une variable d’ajustement pour se délester sur les autres de ses obligations en termes d’équilibre des régimes structurellement déficitaires.

La manipulation en cours n’est bonne ni pour les agents, en majorité des femmes, ni pour les collectivités territoriales elles-mêmes qui ne pourront assurer le renouvellement de leurs cadres. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. L'amendement n° 712, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les dispositions du présent article ne concernent pas les salariés relevant de la convention collective des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant jusqu'à 10 salariés) du 8 octobre 1990.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Notre amendement concerne les ouvriers employés par les entreprises du bâtiment.

Dans le bâtiment, mais ce n’est pas le seul secteur concerné, à force de simplifier à l’extrême et d’exonérer à tout va, le Gouvernement a été à l’initiative de lois qui se retournent contre les travailleurs et diminuent les ressources de la sécurité sociale.

Ce faisant, les pratiques de certains patrons, dont les salariés sont les premières victimes, ont des effets très négatifs sur notre système de retraite par répartition.

Ainsi, en raison de la mise en place du statut d’auto-entrepreneur, bon nombre d’employeurs peu scrupuleux ont réussi à contourner les contrats de travail, créant une nouvelle forme de précarité.

Issu du secteur du bâtiment et des travaux publics, M. Lardin, président de l'Union professionnelle artisanale, le patronat de l’artisanat, dénonce d’ailleurs, comme les syndicats, la hausse des dérives, après avoir reçu lui-même le témoignage d’un salarié, qui s’étonnait de ne plus être repris en intérim et à qui l’on a fait comprendre qu’il reprendrait le travail s’il acceptait de se placer sous le régime de l’auto-entrepreneur moyennant une rétribution forfaitaire de 1 500 euros par mois.

Dans ce cas, l’employeur n’a plus à payer de cotisations sociales, tandis que l’ex-salarié, dans l’espoir de se sortir de ses difficultés, doit travailler pour l’entreprise un nombre d’heures bien souvent supérieur à son temps de travail précédent et perd toutes les garanties attachées au contrat de travail, comme les congés payés.

En outre, l’employeur peut rompre à tout moment le contrat de prestation de services qui les lie, privant ainsi l’ex-salarié de revenus.

À cela s’ajoute une autre question humaine très grave, la prise en compte des personnes sans-papiers, de leur travail et de leur droit à la retraite, dans ce secteur du BTP.

Des centaines de milliers de sans-papiers travaillent dans ce secteur, effectuant des travaux très pénibles et indispensables.

Pourtant, quand ils circulent dans la rue, ils doivent raser les murs, vivre dans la crainte des rafles, des centres de rétention, des expulsions. Dans leurs lieux de travail, ils doivent baisser les yeux, subir les salaires divisés par deux ou par trois, les accidents de travail, sous peine d’être jetés dans la rue sans pouvoir se défendre.

Par notre amendement, monsieur le ministre, nous demandons que l’ensemble des travailleurs du secteur du bâtiment ne soit pas soumis à l’allongement de la cotisation d’assurance vieillesse. Nous souhaitons également attirer votre attention sur les travailleurs sans-papiers dans ce secteur, afin qu’ils soient régularisés, reconnaissant ainsi leur rôle dans l’activité économique et la nécessité de les faire bénéficier des mêmes droits que leurs collègues.

Mme la présidente. L'amendement n° 816, présenté par Mmes Terrade et Schurch, M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le Gouvernement remet, dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport évaluant les coûts pour les comptes sociaux et les conséquences pour les assurés, d'une disposition permettant aux salariés ayant connus une carrière professionnelle particulièrement morcelée de voir calculer leur salaire de référence sur cent trimestres en lieu et place des vingt-cinq dernières années.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. C’est le dernier amendement de la série, madame la présidente.

Je me permets de souligner que cet amendement de notre groupe présente une portée très limitée, puisqu’il s’agit de mettre à l’étude une proposition adoptée dans le cadre de notre Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, c’est-à-dire un changement de modalité de calcul des pensions des femmes salariées avant leur retraite.

Dans le cas général, comme chacun sait, depuis la réforme « Balladur » de 1993, on calcule les pensions sur la base des vingt-cinq meilleures années de salaire, après application, bien entendu, des coefficients de revalorisation.

Une telle démarche, votée en 1993, n’a jamais été remise en question depuis et participe naturellement des outils d’écrasement du niveau des pensions du régime général telles qu’elles sont aujourd’hui calculées.

Ces modalités de calcul ont un effet réel sur le montant des pensions de départ qui, ensuite, comme toutes les autres, subissent de plein fouet les effets désastreux de la plus pernicieuse des mesures Balladur, c’est-à-dire l’indexation des pensions sur l’indice des prix.

L’effet est évidemment démultiplié pour les femmes salariées dont la carrière a été morcelée – c’est encore le cas pour un grand nombre d’entre elles aujourd’hui – du fait de choix de vie, notamment en matière d’éducation des enfants, choix qui ont pu les conduire soit à cesser d’exercer une activité professionnelle, soit à recourir au temps partiel. Notons d’emblée qu’il s’agit d’un temps partiel qui, la plupart du temps, est non pas choisi, mais subi.

Résultat évident, au moment où il faut liquider la pension, la situation n’est pas nécessairement florissante et la pension calculée se révèle être le calque des inégalités de salaires subies tout au long de la vie professionnelle, inégalités parfois aggravées par le recours au temps partiel.

Cette situation est connue d’un grand nombre de femmes aujourd’hui, âgées entre 45 à 60 ans, qui pensent de plus en plus à la préparation de leur retraite.

Il nous faut éviter, par tous les moyens possibles, que ne se développe, dans les années à venir, une paupérisation forcenée des retraitées, victimes à la fois de l’allongement de la durée de cotisation et des conditions de calcul des pensions.

L’amendement que nous vous invitons à adopter reprend, je le répète, une recommandation de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Nous attendons donc un vote unanime du Sénat sur cette proposition.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Si vous le permettez, je vais regrouper les amendements en plusieurs séries.

Les six premiers amendements, nos 841, 833, 1172, 1177, 832 et 853 traitent tous de dispositions financières qui ne relèvent pas du présent texte. Nous les verrons lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces six amendements.

Les amendements nos 664 à 717 ont pour objet d’exclure un certain nombre de catégories socioprofessionnelles des dispositions relatives à la durée d’assurance.

Vous le savez très bien, l’équité exige que tous les assurés participent à l’effort demandé.

Mme Annie David. Non, ce n’est pas cela l’équité !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Des mesures d’accompagnement sont prévues pour ceux qui ont commencé à travailler très tôt et pour ceux qui ont connu des situations de pénibilité. Mais on ne peut exclure du dispositif certaines catégories socioprofessionnelles, comme ces amendements tendent à le faire.

C’est donc un avis défavorable sur cette deuxième série d’amendements.

L’amendement n° 769 tend à supprimer les alinéas 2 à 4 de l’article 4. Cet amendement, comme le suivant n° 887, sont contraires à l’esprit du texte. Vous comprendrez donc que la commission émette un avis défavorable.

L’amendement n° 770, qui vise la suppression de l’alinéa 5 de cet article, dénature le texte. C’est donc un avis défavorable.

Le commentaire sera le même sur l’amendement n° 771, qui a pour objet la suppression des alinéas 6 à 9, et sur l’amendement n° 772, qui vise à supprimer l’alinéa 10. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Les auteurs de l’amendement n° 712 proposent une disposition qui, là encore, va à l’encontre de l’esprit du texte. L’avis est donc défavorable.

Enfin, l’amendement n° 816 aborde une question qui avait été également soulevée par le Médiateur de la République et qui a une certaine pertinence. Il prévoit la remise d’un rapport relatif à la possibilité de retenir cent trimestres de référence au lieu des vingt-cinq meilleures années pour la détermination du montant des pensions. Sur ce sujet, on a entendu des suppositions et des supputations très diverses.

Ce rapport me paraissant intéressant, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Beaucoup d’amendements ont déjà été vus à un titre ou à un autre dans le cours du débat. Je distinguerai plusieurs types d’amendements.

Tout d’abord, des amendements visent à exonérer certaines professions de l’augmentation de la durée de cotisation. Vous les avez décrites de manière précise et instructive, comme vous l’aviez déjà fait auparavant. Toutefois, ces préoccupations sont prises en compte dans l’ensemble du texte pour toutes les professions. Nous avons, en effet, une approche globale de la pénibilité, qu’elle se traduise par l’âge ou la durée de cotisation.

Aussi, ces amendements ne peuvent pas recevoir un avis favorable du Gouvernement.

Viennent ensuite des amendements visant des recettes. Nous avons déjà débattu de ce sujet, sur lequel nous ne pouvons pas être d’accord avec vous.

Mme Annie David. C’est évident !

M. Éric Woerth, ministre. Même si nous incluons des recettes supplémentaires dans le système de retraites, là encore, nous n’avons pas la même approche. (Mme Annie David s’exclame.) Nous pouvons être différents, mais cela ne nous empêche pas de nous respecter !

Sur les amendements qui n’ont pas grand-chose à voir avec l’article, l’avis du Gouvernement est défavorable.

Enfin, s’agissant de l’amendement n° 816, nous avons déjà eu l’occasion de discuter de la disposition proposée par ses auteurs concernant les cent trimestres de référence. Le Gouvernement n’y est pas favorable, car elle ferait non seulement des gagnants, mais aussi un certain nombre de perdants.

Mme Annie David. Justement !

M. Éric Woerth, ministre. Je pense, notamment, aux travailleurs saisonniers. Toute une catégorie de personnes serait perdante si l’on mesurait l’activité trimestre par trimestre plutôt qu’année par année. J’attire donc votre attention sur ce risque, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je le sais bien, pour ne pas tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution, cet amendement prévoit simplement la remise d’un rapport sur cette question, mais votre volonté est d’aller plus loin dans cette voie.

Mme Annie David. Mais non !

M. Éric Woerth, ministre. Selon moi, il faut en rester, pour le calcul des pensions, à la moyenne de la rémunération des vingt-cinq meilleures années, qui constitue un élément majeur des précédentes réformes sur les retraites. Ne commençons donc pas à détricoter ces repères, d’autant que, je le souligne, malgré l’allongement de la durée de la carrière, le nombre d’années de référence reste stable.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote sur l'amendement n° 841.

M. Yves Daudigny. Nous voterons cet amendement parce qu’il va dans le sens des positions que nous défendons.

Permettez-moi de profiter de mon temps de parole pour répondre à l’interpellation de notre éminent collègue Jean-Pierre Fourcade.

Mon cher collègue, j’ai beau chercher autour de moi, je ne vois ni M. Rocard ni M. Strauss-Kahn ! Ce matin, la parole des socialistes est portée par l’ensemble des sénatrices et sénateurs du groupe. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mon cher collègue, je vous le dis avec beaucoup de respect, vous parez aujourd’hui MM. Rocard et Strauss-Kahn de toutes les vertus. Toutefois, lorsque ces deux éminents socialistes étaient aux responsabilités, vous les combattiez avec la plus grande violence politique. (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

Vos jugements sont bien sûr très sélectifs. Vous évoquez des socialistes non sénateurs lorsque cela vous arrange, mais vous êtes bien loin de défendre l’ensemble de leurs recommandations !

Sur le fond, c’est vrai, parmi les mesures démographiques, l’allongement de la durée de cotisation, qui tient compte de l’âge d’entrée dans la carrière professionnelle, est la seule qui puisse revêtir un caractère de justice.

Toutefois, je le rappelle avec force, nous considérons que les mesures démographiques ne peuvent à elles seules constituer la totalité de la réforme. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)

On ne peut donc se dire favorable, de manière absolue, à l’allongement de la durée de cotisations, qui doit s’accompagner de certaines conditions. En effet, une telle mesure doit être limitée et intégrée dans une réforme comportant un dispositif de prélèvement sur les revenus du capital ; elle ne doit pas avoir pour effet de « manger » l’ensemble des gains en matière d’espérance de vie ; surtout, il convient d’y inclure la prise en compte de la diversité des parcours professionnels, dont nous aurons l’occasion de débattre.

Puisque vous nous avez prodigué ce matin vos recommandations, monsieur Fourcade, je veux, à mon tour, vous donner un conseil : lisez aujourd’hui l’éditorial de Libération, qui s’achève ainsi : « Drôle de grève, décidément ! Le Gouvernement aurait tort de se réjouir, ce feu qui couve laisse l’avenir immédiatement ouvert. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)