M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Les mesures d’épargne retraite sont complexes, diverses, et sans cohésion d’ensemble. Elles sont l’amorce de fonds de pension à la française. Malgré le désastre subi actuellement par les systèmes de retraite de ce type, leurs partisans ne renoncent pas à les développer. La loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail a même rendu obligatoire l’adhésion aux PERCO dans les entreprises qui en proposent. Mais seuls 413 000 salariés ont adhéré à ce type de fonds, pour seulement 1,8 milliard d’euros.

Le remplacement d’une part des salaires fixes par des rémunérations dépendant des bénéfices des entreprises ne présente pas que des inconvénients pour les salariés. En liant en partie l’évolution de la masse salariale à la santé financière de l’entreprise, ces mécanismes limitent les tentations, pour l’entreprise, de jouer sur l’emploi comme variable d’ajustement, certes, mais, parallèlement, ils introduisent une incertitude sur les revenus des salariés.

Pour cette raison, ces mécanismes ne doivent avoir qu’une ampleur très limitée, surtout pour les salariés en bas de l’échelle, qui ne peuvent se permettre de voir leurs revenus varier sans cesse.

Étendre ces mécanismes à l’ensemble des salariés peut s’avérer très dangereux, surtout quand ces mécanismes sont utilisés en plus pour développer leur actionnariat dans leur propre entreprise, comme c’est souvent le cas aujourd’hui.

L’an dernier, 30 milliards d’euros d’épargne salariale, investis en action dans l’entreprise, ont perdu 30 % de leur valeur. De plus, pour développer ces dispositifs, vous les avez exonérés de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu. C’était un moyen de les rendre attractifs, mais aux dépens du financement des grandes fonctions collectives. Il y a deux ans, la Cour des comptes avait estimé les pertes liées à l’investissement et la participation à 5,2 milliards d’euros pour les seules cotisations sociales en 2005.

Veut-on rendre inévitable le démantèlement de la protection sociale ?

De plus, à défaut d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés, on leur fait miroiter qu’ils profiteront demain de dividendes au moment de la reprise, tout en légitimant le fait que les grands patrons continuent de recevoir stock-options et autres bonus, puisque tous les salariés bénéficieront, eux aussi, de mécanismes du même genre.

Mais les salariés ne sont pas dupes. Ils sont très en colère, monsieur le ministre, considérant les innombrables inégalités qui se sont creusées du fait du niveau indécent des dividendes versés aux actionnaires, et des salaires faramineux des grands patrons.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 et 472.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 1211, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 3334-11 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il leur est également proposé une allocation de l'épargne permettant de réduire progressivement les risques financiers dans des conditions fixées par décret. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Avis favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1211.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 32 ter B est ainsi rédigé.

Article 32 ter B
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles additionnels après l'article 32 ter (réservés)

Article 32 ter

I. – L’article L. 3323-2 du même code est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° Le dernier alinéa est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout accord de participation existant à la date de promulgation de la loi n° … du … portant réforme des retraites doit être mis en conformité avec le présent article et l’article L. 3323-3 au plus tard le 1er janvier 2013. »

II. – (Supprimé)

III. – (Supprimé)

IV. – Le premier alinéa de l’article L. 3324-12 du même code est ainsi rédigé :

« Lorsque le salarié et, le cas échéant, le bénéficiaire visé au deuxième alinéa de l’article L. 3323-6 et au troisième alinéa de l’article L. 3324-2, ne demande pas le versement en tout ou partie des sommes qui lui sont attribuées au titre de la participation dans les conditions prévues à l’article L. 3324-10 ou qu’il ne décide pas de les affecter dans l’un des dispositifs prévus par l’article L. 3323-2, sa quote-part de réserve spéciale de participation, dans la limite de celle calculée à l’article L. 3324-1, est affectée, pour moitié, dans un plan d’épargne pour la retraite collectif lorsqu’il a été mis en place dans l’entreprise et, pour moitié, dans les conditions prévues par l’accord mentionné à l’article L. 3323-1. Les modalités d’information du salarié sur cette affectation sont déterminées par décret.

« Les modalités d’affectation de la part des sommes versées aux salariés au titre de la participation aux résultats de l’entreprise supérieure à celle calculée selon les modalités de l’article L. 3324-1 peuvent être fixées par l’accord de participation. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 49 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

L'amendement n° 280 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.

L'amendement n° 473 est présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy et Daudigny, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l’amendement n° 49.

M. Bernard Vera. Tout en détruisant la retraite par répartition et la solidarité intergénérationnelle, des amendements à but très lucratif faisant la promotion des plans d’épargne collectifs pour la retraite et les plans d’épargne retraite populaire ont été adoptés par la majorité à l’Assemblée nationale, et ce alors même que la crise financière que nous venons de subir donne toute la mesure de la fragilité d’un tel système et ne garantit en rien les retraites futures.

Votre réforme s’inscrit dans la rhétorique du dénigrement du modèle social français, oubliant par là même que la retraite par répartition est largement dominante en Europe continentale.

Au contraire, au Royaume-Uni, le niveau de vie des retraités est inférieur de 10 % au niveau moyen national ; presque 20 % des retraités britanniques vivent en deçà du seuil de pauvreté et il n’est pas rare de voir des sexagénaires – et même des septuagénaires – en uniforme, dans les rayons ou postés aux caisses de supermarchés.

De nombreux Britanniques ont cru que la retraite par capitalisation était la solution miracle devant apporter sécurité et prospérité aux retraités, face à un régime public de répartition à bout de souffle, écrasé par le choc démographique. Le bilan est sans appel : la plupart des salariés ont vu leurs futures retraites s’effondrer en même temps que les marchés financiers.

Dans les autres pays anglo-saxons, il faudrait demander aux anciens salariés de Maxwell, d’Enron ou de Lehman Brothers, impitoyablement privés de toutes ressources, ce qu’ils en pensent ! Et que dire des fonds de pension qui avaient tenu le titre British Petroleum pour un placement « de père de famille » ?

Les retraites par capitalisation, c’est l’assistance pour les pauvres et les rentes pour les riches. C’est ce modèle que vous défendez et votre réforme ne marche que pour ceux qui en profitent !

Comment croire en votre bonne foi alors que, depuis peu, plusieurs journaux nous rappellent que Malakoff Médéric, l’un des plus puissants organismes de retraite par capitalisation, est propriété de Guillaume Sarkozy, frère du Président de la République ?

La solidarité est le fondement de notre identité et le socle de la reconstruction nationale d’après-guerre. Nous refusons le triomphe de la mercantilisation et dénonçons l’effet pervers de la financiarisation des rapports humains.

N’y a-t-il pas une formidable hypocrisie lorsque vous prônez une réforme du système mondial au G20 tout en mettant en place, en France, un système où le social dépendrait autant de la « surfinanciarisation » de la société ? N’est-il pas hypocrite de penser qu’un bon niveau de pension dépendra d’une bulle financière ?

Dans quelle société vit-on quand les financiers et la morale douteuse de Wall Street deviennent les garants de la cohésion sociale et du modèle républicain ? C’est un renoncement politique sans précédent, une trahison de ceux qui, de droite comme de gauche, ont porté une certaine idée de la France, idée qui est presque devenue une arrière-pensée face à la protection des intérêts d’un petit nombre, et qui, demain, ne sera qu’un souvenir si vous ne votez pas notre amendement, dont l’ambition est de protéger notre corps social.

La retraite par répartition est la seule qui garantisse les droits de tous !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 280.

M. Jean Desessard. L’article 32 ter dispose que la moitié des sommes attribuées au titre de la participation sera automatiquement affectée au PERCO, sauf décision contraire du salarié.

On imagine déjà que, si les employeurs se mettent à abonder les PERCO, ils gèleront bien évidemment les salaires. Ce sont autant de cotisations perdues pour le régime général ! Comment prétendre préserver la retraite par répartition dans de telles conditions ?

C’est votre vision de cet élément clé du pacte de solidarité nationale : d’un côté, l’État s’arrange pour que les retraites des assurés fondent comme neige au soleil ; de l’autre côté, l’État veille à ce que les banques et les assurances viennent compenser les pertes de revenu des retraités. Contrairement à tout ce qui a été annoncé depuis deux semaines, la priorité n’est donc plus la retraite par répartition.

À ce propos, je voudrais revenir sur les négociations entre la Caisse des dépôts et consignations, sa filiale la Caisse nationale de prévoyance et Malakoff Médéric, afin de créer un acteur majeur dans le secteur de l’épargne retraite, comme cela a été fait dans le secteur de l’économie.

Cette alliance est contre nature ! D’un côté, un acteur essentiel de la retraite par répartition, la Caisse des dépôts et consignations, qui gère les 34 milliards d’euros du fonds de réserve pour les retraites et qui assure, à ce titre, une mission d’intérêt général ; de l’autre côté, Malakoff Médéric, premier groupe paritaire de protection sociale en France, avec plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et dont le délégué général n’est autre que Guillaume S. (Protestations sur les travées de lUMP.) Guillaume Sarkozy, si vous préférez !

M. Éric Woerth, ministre. Il a le droit d’exercer un métier !

M. Jean Desessard. Cette société bâtie sur mesure a été baptisée Sevriena. Son démarrage opérationnel est prévu pour janvier 2011. Le président du conseil d’administration serait bien évidemment Guillaume Sarkozy.

Mme Isabelle Debré. Lâchez-le !

M. Jean Desessard. Les missions de cette société seront donc : la création, la gestion, la distribution de produits de retraite complémentaire par capitalisation, à titre collectif ou individuel, principalement à destination des entreprises et de leurs salariés, des associations et de leurs adhérents, des travailleurs non salariés et des retraités ; la création, la gestion et la distribution de produits d’épargne salariale à destination des entreprises et des salariés des entreprises ainsi que la tenue de compte et conservation ; et, à titre accessoire, la distribution de services liés à la retraite.

Selon un document intitulé « Projet de regroupement des activités d’épargne retraite et d’épargne salariale de CNP Assurances et Malakoff Médéric », la joint venture nouvellement créée espère une part de marché d’ici à dix ans de 17 %, contre 9 % actuellement pour Médéric et la CNP. Ce même document prévoit l’augmentation de 650 % du chiffre d’affaires, qui passerait de 692 millions d’euros à 5,2 milliards d’euros d’ici à 2020.

L’objectif est donc de devenir le leader de l’épargne retraite collective et individuelle. (Protestations sur les travées de lUMP.) Ce mélange des genres entre public et privé est indigne, et tous ces articles sur l’épargne retraite qui visent à faciliter ce mélange des genres sont indignes.

C’est pourquoi les sénatrices et sénateurs Verts demandent la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour présenter l'amendement n° 473.

M. Jacky Le Menn. L’article 32 ter vise à orienter les fonds de la participation par défaut vers un plan d’épargne entreprise ou interentreprises ou un PERCO.

Une fois encore, on nous propose de renforcer la retraite par capitalisation en faisant de la participation un substitut au système de retraite par répartition.

Cet article pose deux problèmes sérieux

Xavier Bertrand, alors ministre du travail, a défendu, dans la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail, la promotion de la participation et de l’intéressement pour renforcer le pouvoir d’achat des salariés, alors que des hausses de salaire leur étaient refusées.

Le Gouvernement avait alors proposé aux salariés d’opter pour la disponibilité immédiate des fonds placés au titre de la participation dans une logique, selon vos termes, « de pouvoir d’achat à court terme ».

Aujourd’hui, vous comptez faire de cette même participation un placement pour pallier la baisse du niveau des retraites, que votre réforme ne finance pas. Après avoir libéré les fonds, vous faites un virage à 180 degrés : vous voulez les bloquer sur une longue durée.

Voilà une politique économique d’une grande cohérence ! C’est vraiment ce qui s’appelle suivre le fil de l’eau. À moins qu’il ne s’agisse cette fois d’une opération mûrement réfléchie et concertée, dans un but de captation de l’épargne des salariés.

Par cette réforme, vous imposez donc aux salariés le choix entre une baisse immédiate de leur pouvoir d’achat ou une baisse de leur niveau de retraite. C’est toujours le problème du revenu salarial auquel le Gouvernement n’apporte aucune réponse.

Après avoir favorisé l’intéressement et la participation comme substitut de hausse de salaire, vous proposez aujourd’hui de faire de cette participation un substitut à la retraite. Or l’épargne salariale, abondée par la participation ou tout autre moyen, n’a pour vocation, comme nous l’avions dit en 2001, lors de l’examen de la loi du 19 février 2001 sur l’épargne salariale, ni de porter atteinte au principe de la retraite par répartition ni de se substituer au salaire.

Un autre problème se pose : l’affectation de la participation prévue par l’article 32 ter ne requiert pas l’accord explicite du salarié. Le versement de 50 % de la participation peut se faire par défaut, à l’issue d’un délai de cinq ans.

Ce procédé est extrêmement grave. Il y a d’abord le risque que certains salariés ne saisissent pas pleinement la portée de ce document émanant de la direction de l’entreprise, par lequel il leur sera demandé non pas ce qu’ils veulent faire, mais s’ils s’opposent au versement sur un PERCO de leur quote-part de la réserve de participation.

Une démarche expresse du salarié sera nécessaire pour obtenir le versement des sommes qui lui reviennent. C’est l’inverse qui devrait être appliqué : qu’il soit demandé au salarié s’il décide d’affecter 50 % de sa quote-part sur un PERCO.

Par ce procédé, le salarié est délesté de son choix. On décide pour lui.

La question du consentement explicite du salarié doit être clairement posée : le versement ne doit pas pouvoir être réalisé sans qu’il ait été consulté sur sa volonté de faire, et non pas seulement de laisser faire.

Ce point est d’autant plus grave que l’épargne salariale recueillie sur les PERCO est investie aux deux tiers en actions, donc sur des produits à haut risque. Les spéculateurs vont jouer à la roulette avec l’épargne confisquée aux salariés dans des conditions plus que discutables.

Cet article est donc, à plusieurs titres, inacceptable, et c’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je pense que cet article est d’une particulière gravité en ce qu’il crée une véritable confusion.

Je ne vais pas reprendre ce qui a été excellemment dit par Jacky Le Menn. Pour nous, les choses sont claires : il y a le salaire et il y a la participation. Nous ne sommes pas hostiles à la seconde, mais nous nous méfions plus que tout des processus tendant à transformer, de manière plus ou moins forcée, une part du premier en participation.

Autre distinction, celle qu’on doit faire entre la retraite par répartition, à laquelle chacun dit être attaché, et l’épargne retraite. Dans une société de liberté, on devrait pouvoir choisir d’adhérer ou non à des mécanismes de participation – le salaire, on ne le choisit pas, en général – et à des dispositifs d’épargne retraite. Or cet article 32 ter contraint à ce que j’appellerai des choix forcés, ce qui est problématique.

Tout le monde comprend bien qu’un choix forcé n’est plus un choix, même si, comme toujours, madame Debré, on nous dit, en guise de justification, que c’est pour le bien du salarié.

Permettez-moi de relire l’alinéa 8 de l’article 32 ter, d’une longueur presque proustienne, quoique Marcel Proust écrivît mieux, René Garrec ne me démentira pas : « Lorsque le salarié et, le cas échéant, le bénéficiaire visé au deuxième alinéa de l’article L. 3323-6 et au troisième alinéa de l’article L. 3324-2, ne demande pas le versement en tout ou partie des sommes qui lui sont attribuées au titre de la participation dans les conditions prévues à l’article L. 3324-10 ou qu’il ne décide pas de les affecter dans l’un des dispositifs prévus par l’article L. 3323-2, sa quote-part de réserve spéciale de participation, dans la limite de celle calculée à l’article L. 3324-1, est affectée, pour moitié, dans un plan d’épargne pour la retraite collectif lorsqu’il a été mis en place dans l’entreprise et, pour moitié, dans les conditions prévues par l’accord mentionné à l’article L. 3323-1. »

Même si les textes sont beaucoup plus clairs quand on les lit, je ne suis pas certain que tout le monde ait compris le sens de cet alinéa, tant il est complexe. En réalité, ce qu’il signifie est fort simple : il prévoit tout bonnement de faire fi de l’avis du salarié !

M. Jean-Pierre Sueur. On affecte une part des sommes qui vous sont versées au titre de la participation aux résultats de l’entreprise à un plan d’épargne retraite, même si vous ne le voulez pas. On ne vous demande pas votre avis ! Si vous n’avez pas pris les devants, c’est automatique !

Semblable procédé n’est ni acceptable ni respectueux de la liberté. On doit laisser aux salariés le choix d’utiliser, comme ils l’entendent, les sommes qui leur sont versées au titre de la participation.

D’ailleurs, je ne vois pas quels arguments peuvent justifier le recours à un mécanisme imposé d’affectation de ces sommes à un plan d’épargne retraite. Il s’agit, en fait, et c’est le moins que l’on puisse dire, d’un mécanisme tarabiscoté : on mélange tout à des fins qui ne sont pas claires.

Ce qui ne se conçoit pas clairement ne peut s’énoncer clairement ! Dès lors, le dispositif devient suspect. Dans ces conditions, comme l’a indiqué M. Jacky Le Menn, nous ne pouvons qu’être d’une extrême vigilance et nous opposer à ce qui est bien une contrainte, et non pas un libre choix.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je ne peux qu’aller dans le sens de M. Sueur.

On nous a dit que, grâce à l’article 1er du projet de loi, le système par répartition était préservé : tout était réglé et l’on pourrait servir des retraites décentes. Le Gouvernement avait sauvé la situation !

Et ici, pour sauver les salariés davantage encore, il les oblige, par défaut, sauf avis contraire et express de leur part, à affecter une partie des sommes qui leur sont versées au titre de la participation à un plan d’épargne retraite. Or, ce plan n’a plus d’utilité puisque, normalement, tout a été réglé avec l’article 1er !

Mais en fait, ce n’est pas le but recherché, nous le savons bien, madame Debré.

Mme Isabelle Debré. Je n’ai rien dit !

M. Jean Desessard. Que se passe-t-il ? Comme je l’ai démontré, on crée un groupe qui veut devenir le géant de l’assurance retraite. Tous les fonds collectés vont tomber dans ses caisses et nourrir la spéculation. Les personnes qui auront été mises en place réaliseront alors des profits. Voilà le capitalisme expliqué au Sénat, à trois heures du matin !

En fait, la démarche suivie est simple. D’abord, on conçoit un système par répartition destiné à faire travailler les salariés plus longtemps ; ensuite, on élabore un mécanisme de capitalisation ; enfin, si un salarié ne précise pas explicitement ce qu’il veut faire de ce qui lui est attribué au titre de la participation, peut-être tout simplement parce que la paperasse l’ennuie, on place ces sommes pour lui sur un plan d’épargne retraite ! Et, comme par hasard, un certain groupe s’est mis en place, en l’occurrence Malakoff Médéric, est prêt à agir, à gérer tous ces fonds, avec la bénédiction de M. Sarkozy… Guillaume !

Dans le même temps, on casse la Caisse des dépôts et consignations, une institution qui a une moralité. Il ne faudrait pas qu’elle se mêle d’affaires de profit…

Nous sommes vraiment dans une logique de casse des services publics, de casse des droits sociaux, de casse des institutions qui ont fait la réussite financière de notre pays. Nous sommes face à une entreprise de démolition générale.

Monsieur le ministre, pourquoi les manifestants sont-ils toujours aussi nombreux dans la rue ? C’est pour défendre leur retraite, certes, mais c’est aussi pour toutes ces raisons. Ils savent que vous engagez le pays dans une direction qui aura des conséquences dramatiques. Et tout cela se décide au Sénat, à trois heures du matin.

L’article 32 ter est indigne et il faut absolument voter contre. Je vous y engage, mesdames, messieurs de la droite. Vous prendriez une responsabilité considérable en adoptant un tel article, qui dépasse le cadre de la simple gestion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 49, 280 et 473.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 1134, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement de notre groupe porte sur l’alimentation des plans d’épargne pour la retraite collectifs, les PERCO.

Filtre choisi pour l’épargne retraite, le PERCO n’a pas connu, depuis sa création, un grand succès.

Mme Isabelle Debré. Vous n’avez pas écouté ce que je vous ai dit tout à l’heure !

Mme Marie-Agnès Labarre. On peut avancer deux explications.

La première est que les dernières années n’ont pas été marquées par une progression spectaculaire du pouvoir d’achat des ménages.

J’y vois plusieurs raisons, la moindre n’étant pas que les politiques publiques ont conduit, notamment au travers de la modération salariale dans la fonction publique et des exonérations de cotisations sociales dans le secteur privé, à un tassement global des revenus du travail. Ce tassement ne se traduit pas dans le volume et dans le taux d’épargne des ménages tout simplement parce que d’autres éléments du revenu des ménages ont connu une bien plus grande évolution.

Que voulez-vous, lorsque l’on mène concurremment une politique de modération salariale, le bouclier fiscal; l’allégement de la fiscalité sur les donations et successions, on assiste au tassement des revenus salariaux et au gonflement des revenus du patrimoine et du capital !

Sans vouloir faire de publicité clandestine, permettez-moi de vous conseiller la lecture de l’un des succès de librairie de cette rentrée, Le Président des riches, écrit par les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, livre qui permet de découvrir bien des aspects de cette question.

La seconde explication tient au développement de la culture économique des Français.

Nos concitoyens se sont en effet rendu compte, notamment pendant la crise financière de l’été 2008, que les placements financiers et la bourse, c’était bien pour terminer un journal télévisé, mais que l’on pouvait y perdre beaucoup de sous, et, après les sous, on risquait aussi d’y laisser quelques emplois !

C’est d’ailleurs ce qui s’est produit puisque nombreuses sont les entreprises qui ont tiré parti de la crise financière pour justifier la liquidation de centaines et de milliers d’emplois, alors que les causes réelles de ces suppressions sont ailleurs, notamment, comme c’est bien souvent le cas, dans l’exigence de rendement du capital.

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que le PERCO n’ait guère eu de succès. Que vous tentiez de le relancer, par une sorte d’acharnement thérapeutique, est dans le droit fil de vos positions ; que nous estimions plus urgent de relever les salaires plutôt que de capter l’épargne des salariés est dans le droit fil des nôtres.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1134.

(L'amendement n'est pas adopté.)