M. le président. Monsieur Dallier, l’amendement n° II-59 est-il maintenu ?

M. Philippe Dallier. Oui, monsieur le président, et je vais vous en donner la raison.

Monsieur le ministre, permettez-moi d’apporter une correction d’ordre technique à votre propos.

Il ne faut pas laisser croire à nos collègues que nous avons recensé des habitants fantômes ! Dans tout recensement complémentaire, on compte la population nouvelle réelle…

M. Philippe Richert, ministre. Évidemment !

M. Philippe Dallier. … mais aussi la population nouvelle fictive sur la base de quatre habitants par futur logement – la règle est précise – dès lors que les immeubles commencent à sortir de terre.

M. Philippe Richert, ministre. C’est cela !

M. Philippe Dallier. Dans ma commune, le recensement complémentaire, qui a été réalisé en 2006, a montré que la population était passée de 17 500 à plus de 21 000 habitants. Il ne s’agit pas d’habitants fantômes : les immeubles qui étaient en construction en 2006 sont aujourd'hui habités.

Monsieur le ministre, on demande aux maires de construire des logements pour répondre à la demande. Mais, il faut le savoir, lorsque la population d’une commune s’accroît de 15 %, le maire doit aussi financer la construction d’écoles, d’équipements publics. Et dans ces conditions, une commune dont le potentiel financier est inférieur de 20 % à la moyenne de la strate a, croyez-le bien, grand besoin d’aide !

Avec cet amendement, nous vous demandons un petit coup de pouce pour une année supplémentaire et un avis de sagesse du Gouvernement nous conviendrait parfaitement.

M. Jean-Jacques Jégou. Cela ne coûte rien, monsieur le ministre !

M. René-Pierre Signé. Ils ont bien de la chance ceux qui comptent de nouveaux habitants !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-59.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-12, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 9, première et deuxième phrases

Remplacer les mots :

à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen

par les mots :

au potentiel fiscal moyen 

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Cet amendement d’appel tend à modifier le seuil à partir duquel les communes se voient appliquer la minoration du complément de garantie prévue par l’article 80 du projet de loi de finances.

Nous souhaitons, monsieur le ministre, obtenir des informations précises sur l’impact du dispositif proposé sur les collectivités concernées, notamment sur la progressivité du mécanisme visant à épargner les moins riches et les moins peuplées d’entre elles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Afin de dégager des marges de manœuvre au sein d’une enveloppe des concours financiers qui est gelée, il est prévu de reconduire en 2011 la mesure d’écrêtement du complément de garantie des communes introduite en 2009.

Alors que cet écrêtement a été opéré de manière uniforme en 2009 et en 2010, il sera modulé, en 2011, en fonction du potentiel fiscal des communes. Il est ainsi prévu de n’assujettir que les communes dont le potentiel fiscal est supérieur à 75 % du potentiel fiscal moyen constaté au niveau national. Pour une commune donnée, le prélèvement n’excédera pas 6 % du complément de garantie perçu en 2010. Concrètement, cette mesure devrait concerner moins de 6 500 communes.

L’amendement de la commission des finances vise à rehausser le seuil d’assujettissement en n’effectuant de prélèvement que sur les communes dont le potentiel fiscal est supérieur au potentiel fiscal moyen.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car il ne mettrait plus à contribution que 3 000 communes. Afin de dégager les 130 millions d’euros prévus, les prélèvements opérés sur ces communes seraient, il faut en être conscient, nettement plus importants. On passerait ainsi d’un taux d’écrêtement moyen de 3,68 % à 5,83 %, soit quasiment le plafond pour toutes les communes assujetties. Les contributions de certaines communes seraient alors à la limite du supportable.

Lors de la vraie répartition qui sera opérée au début de l’année 2011, ce mécanisme pourrait alors ne pas fonctionner. En effet, les chiffres dont nous disposons aujourd'hui émanent de simulations réalisées avec les données de 2010.

Le mécanisme tel qu’il est prévu est équilibré et juste. Alors que cet écrêtement s’appliquait à 36 700 communes en 2009 et en 2010, il ne concernera que 17 % des communes en 2011, soit près de six fois moins. Par ailleurs, 10 % seulement des 27 000 communes de moins de 2 000 habitants sont contributrices, et ce pour un écrêtement moyen représentant 0,36 % du complément de garantie perçu en 2010.

Monsieur le rapporteur spécial, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

Si cet amendement devait être adopté, la péréquation, que vous souhaitiez renforcer voilà un instant, y perdrait 3,2 millions d’euros !

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-12 est-il maintenu ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Cet amendement était, je le répète, un amendement d’appel. En fait, nous souhaitions avoir des explications parce que la baisse du complément de garantie avait provoqué, l’an dernier, une diminution des dotations pour environ 13 000 communes.

M. le ministre nous a expliqué que, cette année, le Gouvernement a fait un choix différent puisqu’il a ciblé la baisse sur les communes se situant dans une strate inférieure et qu’ainsi, seules 6 200 communes seront concernées. Dans ces conditions, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° II-12 est retiré.

L'amendement n° II-192, présenté par MM. Collomb, Sueur, Rebsamen, Anziani et Hervé, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Remplacer (trois fois) les mots :

constaté au niveau national

par les mots :

de leur strate démographique, telle que définie à l'article L. 2334-3 du code général des collectivités territoriales

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Pour répondre au besoin de financement interne à la DGF, vous proposez entre autres, monsieur le ministre – vous en avez d’ailleurs parlé tout à l'heure ! –, de diminuer de 130 millions d’euros le complément de garantie attribué aux communes.

La modulation dans l’ajustement à la baisse du complément de garantie de la dotation forfaitaire des communes est établie en prenant en considération l’écart entre le potentiel fiscal par habitant de chaque commune et le potentiel fiscal par habitant moyen constaté sur le plan national.

La référence à la moyenne nationale du potentiel fiscal par habitant, sans qu’il soit tenu compte des strates démographiques, conduit à nier toute réalité à l’existence de charges territoriales différentes selon les catégories de communes.

Pour les villes, cela revient à ignorer le fait que le monde urbain cumule des charges de centralité et, dans les quartiers en difficulté, ce que j’appellerai des charges de centralisation des pauvretés. Voilà qui est susceptible de faire subir une ponction maximale à des villes qui, au titre de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, font par ailleurs l’objet d’une priorité du fait d’un nombre important de logements sociaux ou d’une proportion conséquente de bénéficiaires de l’aide personnalisée au logement, l’APL.

Enfin, je le rappelle, les différentes strates démographiques sont prises en considération pour l’établissement de la dotation forfaitaire et d’un certain nombre de dotations de péréquation.

C’est pourquoi, mes chers collègues, dans un souci de justice, nous vous invitons à prendre en compte les strates démographiques pour l’appréciation du potentiel fiscal dans la procédure d’écrêtement du complément de garantie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. La commission est défavorable à cet amendement.

Comme nous l’avons précisé tout à l'heure, s’en tenir à la limite de 0,75 fois le potentiel fiscal national, comme le prévoit le texte du Gouvernement, aboutit à limiter le nombre de communes concernées. Le potentiel fiscal national se situe à peu près à la hauteur du potentiel fiscal des communes de la strate de 8 000 habitants.

L’adoption de cet amendement reviendrait à toucher 20 000 communes, alors que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale ne vise qu’environ 6 200 communes, celles qui ont le potentiel fiscal le plus élevé sur le plan national.

Par ailleurs, le choix de la comparaison des potentiels fiscaux par strate reviendrait à pénaliser les communes ayant déjà un potentiel fiscal très faible. À titre d’exemple, le potentiel fiscal moyen national est de 740 euros et le potentiel fiscal moyen des communes de 500 à 999 habitants est de 474,64 euros.

La commission est défavorable à cet amendement, dont l’adoption reviendrait à pénaliser les communes ayant un faible potentiel fiscal.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cet amendement est injuste !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Si nous adoptions le dispositif proposé par M. Sueur, dont nous comprenons par ailleurs la logique, 55 % des communes de moins de 1 000 habitants seraient concernées, avec un écrêtement moyen supérieur à 3 %, contre 0,36 % avec la mesure retenue par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je comprends tout à fait les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre, mais cet amendement pose la question récurrente de la péréquation.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous ne proposez pas la bonne solution !

M. Jean-Pierre Sueur. Si l’on veut accorder des crédits supplémentaires pour certains quartiers urbains très difficiles où se concentrent misère, pauvreté et problèmes divers alors que l’on évolue dans une enveloppe fermée, il est bien évident que ce que l’on donne aux uns sera retiré aux autres !

Cet amendement est fondé sur des considérations de justice, …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

M. Jean-Pierre Sueur. … mais il entre, monsieur le président de la commission, dans le dossier global de la répartition de sommes qui n’augmentent malheureusement pas eu égard aux charges de chacun.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-192.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-193, présenté par MM. Collomb, Rebsamen, Anziani et Hervé, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigé :

« Toutefois, pour les communes éligibles, soit à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, soit à la dotation de solidarité rurale, la minoration ne peut être supérieure à 2 % du complément de garantie perçu l'année précédente. »

La parole est à M. Edmond Hervé.

M. Edmond Hervé. Cet amendement obéit au principe de justice que notre collègue Jean-Pierre Sueur vient d’évoquer. Il prévoit de limiter la diminution du complément de garantie à 2 % pour les communes éligibles soit à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, soit à la dotation de solidarité rurale.

Monsieur le président de la commission des finances, à ce stade de la discussion, permettez-moi de répéter ce que j’ai dit lors de la discussion générale : il est capital de prendre le temps de dresser un état des lieux de la fiscalité locale et des finances locales, …

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes d’accord !

M. Edmond Hervé. … car nous ne pouvons continuer de procéder au coup par coup.

M. François Marc. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Cet amendement vise à préserver les communes bénéficiaires de dotations de péréquation.

Compte tenu du nombre de communes éligibles, est-il justifié d’opérer cette distinction, même si l’on peut par ailleurs en admettre le principe ?

En effet, 34 000 communes touchent la DSR et 900 perçoivent la DSU. Il en résulte que seules 1 000 communes seraient concernées par un écrêtement plafonné à 6 %, contre 2 % pour les autres. Dans ce cas, il conviendrait de modifier les seuils de déclenchement du prélèvement sur le complément de garantie.

La commission souhaite donc connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à cet amendement.

Dans le débat qui s’est instauré voilà un instant, j’ai entendu, de toutes les travées, monter le souhait de voir renforcer la péréquation.

L’objectif du Gouvernement est bien de faire de la péréquation puisqu’il limite à 6 % le prélèvement effectué au titre du complément de garantie perçu en 2010. Comme M. le rapporteur spécial vient de rappeler, quelque 6 500 communes seront concernées, contre 36 700 en 2009 et en 2010.

J’ajoute que moins de 10 % des 27 000 communes de moins de 1 000 habitants sont contributrices, pour un prélèvement moyen de 0,36 %.

Si nous voulons que la péréquation soit effective, il faut passer du discours aux actes. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, pour explication de vote.

M. Edmond Hervé. Je remercie M. Jarlier d’avoir repris en séance publique un chiffre qu’il avait déjà cité en commission des finances : 34 000 communes bénéficient de la DSR. Ce seul chiffre suffit à démontrer qu’il n’y a pas de péréquation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je vais m’efforcer de démontrer le caractère circulaire de cet éternel débat.

L’amendement précédent avait pour objet d’aider les communes dont certains quartiers sont en grandes difficultés. Il a été réfuté au motif qu’allouer des crédits supplémentaires à ces communes aurait des conséquences préjudiciables pour des milliers d’autres communes. Je le comprends.

Le présent amendement, plus mesuré, ne vise que les communes percevant la dotation de solidarité urbaine ou la dotation de solidarité rurale, laquelle bénéficie à 34 369 communes, ce qui, M. Hervé l’a rappelé, démontre que cette dotation n’a pas vraiment un effet péréquateur.

Vous nous opposez une nouvelle fois que ce dispositif, favorable aux communes percevant la DSU et la DSR, pénaliserait plusieurs milliers d’autres communes. Mais, monsieur le ministre, dans la mesure où nous évoluons dans une enveloppe fermée, il est impossible de redistribuer des crédits sans que personne ne soit perdant.

Si nous élaborons un code prévoyant, à l’article 1er, que tout le monde est favorable à la péréquation et, à l’article 2, que chaque collectivité doit, au titre de l’exercice en cours, toucher au moins autant que l’année précédente, le débat est clos et le problème ne se pose plus. Naturellement, si l’enveloppe était ouverte, il en irait tout autrement !

Si nous voulons progresser, il faut rompre avec ce système circulaire, profondément conservateur, car il ne nous permet pas d’aller dans le sens d’une véritable péréquation. Il s’agit d’un exercice difficile, et nous en avons une nouvelle illustration avec les différents amendements qui ont été déposés sur ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront cet amendement. Nous sommes dans une situation quelque peu particulière, puisque, en fait, on demande à des communes de contribuer au financement des dotations de solidarité qu’elles perçoivent.

Il m’avait semblé que l’amendement présenté par nos collègues du groupe socialiste, qui vise simplement à limiter à 2 % la minoration au titre du complément de garantie, aurait au moins pu trouver une oreille attentive.

Le blocage tient au fait que nous évoluons dans une enveloppe fermée et gelée. L’an dernier, cette enveloppe avait progressé de 0,6 %. Cette majoration, cumulée à l’évolution des versements perçus par les collectivités au titre du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, était censée permettre une augmentation de l’enveloppe de 1,2 %, et couvrir ainsi le taux d’inflation retenu en loi de finances.

Or, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2010, le produit du FCTVA pour les collectivités territoriales était inférieur aux prévisions de la loi de finances initiale. Le différentiel était de plus de 220 millions d’euros. En d’autres termes, les collectivités se sont ainsi vu priver d’une contribution de 220 millions d’euros.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, nous vous invitons à regarder la situation avec une plus grande attention. Pourquoi ne pas retenir le dispositif prévu dans cet amendement afin que les communes éligibles à une dotation de solidarité, parce que leur population est socialement très fragile, ne voient pas leurs moyens réels baisser à cause d’une minoration trop importante au titre du complément de garantie perçu en 2010 ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Depuis le début de l’après-midi, on ne cesse de nous présenter la péréquation comme un outil formidable ! Permettez-moi de faire quelques observations.

Tout d’abord, cela a été rappelé, de très nombreuses communes perçoivent la DSR. Mais, mes chers collègues, la DSR, comme la DSU d’ailleurs, est une dotation de péréquation versée à des communes ne disposant que de faibles ressources. Il me paraît donc paradoxal que l’on nous invite, au nom de la péréquation, à supprimer la DSR et la DSU et à trouver d’autres moyens de péréquation.

Ensuite, chaque fois que l’on propose une mesure de péréquation, il se trouve toujours quelqu’un pour dire : d’accord, mais pour nous, il ne faut rien changer. Si bien que l’on ne fait jamais de péréquation. Et nous verrons tout à l’heure qui votera l’amendement relatif aux conseils généraux qui a été adopté par l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues, voilà maintenant un certain nombre d’années que je siège au Parlement. J’ai entendu bien des élus défendre la péréquation, à la condition que leurs ressources soient préservées, que rien ne change pour eux.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, il faut en finir avec ce système d’une extrême complexité et peu transparent, fait de péréquations croisées et de petits arrangements.

M. Philippe Richert, ministre. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest. Il faut admettre que certaines collectivités, communes et départements, sont riches…

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest. … alors que d’autres ne peuvent pas assumer leurs fonctions essentielles.

M. le ministre l’a rappelé, la Constitution française ne reconnaît pas l’autonomie fiscale ; elle reconnaît seulement l’autonomie financière.

M. Philippe Richert, ministre. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest. En Allemagne, où l’autonomie fiscale n’existe pas non plus, la répartition des dotations entre les collectivités est décidée par l’État, votée par le parlement fédéral, en fonction des besoins et des objectifs des collectivités.

Si nous parvenions à sortir de notre débat strictement franco-français, incompris partout ailleurs, nous aurions sans doute beaucoup progressé. Si l’on se refuse à réduire les dotations de certaines collectivités, si l’on veut que personne ne soit perdant, il est bien évident que l’on ne peut pas faire de la péréquation. Mais alors, il faut le dire, …

M. Bruno Sido. Et l’assumer !

M. Jean-Jacques Hyest. … pour faire changer les choses.

M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé.

M. Edmond Hervé. Je ne donnerai pas de leçon. Je veux simplement évoquer l’expérience que j’ai vécue en qualité d’ancien maire de Rennes et ex-président de la communauté d’agglomération de Rennes Métropole.

M. Bruno Sido. Elle est richissime !

M. Edmond Hervé. En 1993, nous avons mis en place la taxe professionnelle à taux unique.

M. Jean-Jacques Hyest. C’est bien !

M. Edmond Hervé. L’écart par habitant était alors de 1 à 60. Dans ces conditions, il était impossible de conduire une politique d’aménagement du territoire ou de solidarité.

En moins de cinq ans, pour satisfaire aux exigences de solidarité, nous avons ramené cet écart de 1 à 4, et ce au détriment de la ville-centre. Il est vrai que Rennes et son agglomération était alors en plein développement et qu’il est plus facile de faire de la péréquation en période d’expansion qu’en période de récession.

M. Bruno Sido. Eh voilà !

M. Edmond Hervé. Monsieur le ministre, je tenais à vous livrer cette expérience, car chacun doit reconnaître, quelle que soit sa sensibilité, qu’il existe des cas d’authentique péréquation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Nous sommes inquiets, car le développement de la péréquation, que nous appelons tous de nos vœux, pourrait être entravé si cet amendement n’était pas adopté.

Le Gouvernement souhaite imposer à toutes les collectivités, y compris à celles qui perçoivent la DSR ou la DSU, une ponction pouvant aller jusqu’à 6 %.

Nous considérons que cela pose un problème grave : d’un côté, on veut améliorer la péréquation en abondant les dotations et, de l’autre côté, on prive les communes bénéficiaires d’une partie de leurs moyens. En d’autres termes, on leur retire d’une main ce qu’on leur donne de l’autre.

Dans ces conditions, l’objectif du législateur ne sera pas atteint. Le présent amendement vise précisément à nous prémunir contre cet effet pervers redoutable en limitant la ponction que subiront les communes bénéficiaires de la DSU ou de la DSR.

Mes chers collègues, je ne peux donc que vous inviter à adopter cet amendement de bon sens, qui préserve l’objectif de péréquation sur lequel nous sommes tous d’accord.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Je tiens à apporter une précision afin de relativiser notre débat.

Le prélèvement au titre du complément de garantie sera le même pour toutes les communes. Or le complément de garantie, issu d’une réforme des critères de calcul de la dotation globale de fonctionnement, varie selon les communes et ne dépend pas du niveau de leur richesse.

J’attire donc votre attention sur l’effet pervers de ce système qui pourrait, en fait, pénaliser certaines communes indépendamment du niveau de leur complément de garantie.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Permettez-moi d’apporter deux précisions.

Madame Beaufils affirme que les collectivités pauvres et fragiles verront leurs moyens baisser. Je rappelle à cet égard que la DSU est en augmentation de 77 millions d’euros. Pour moi, il s’agit non pas d’une diminution, mais d’une augmentation sensible, tangible.

En ce qui concerne le complément de garantie, la question est de savoir à partir de quel niveau il convient de faire une péréquation. Nous avons retenu le seuil de 75 % du potentiel fiscal moyen afin d’avoir une assise assez étendue sans pour autant aller trop loin. En outre, le prélèvement est plafonné à 6 %. Nous pouvons ainsi appliquer une contribution sur une base suffisamment large pour permettre une réelle péréquation.

Néanmoins, nous le savons, il ne s’agit pas du Grand Soir de la péréquation. Il faut simplement faire preuve d’une plus grande hardiesse, car l’on ne peut pas continuer à se satisfaire de discours : il faut passer aux actes.

Monsieur Hervé, il reste à définir le seuil en deçà duquel une collectivité peut être considérée comme pauvre et les critères globaux de péréquation qu’il convient de mettre en place, car nous ne disposons plus des quatre bases sur lesquelles ces calculs étaient réalisés.

Comme je l’ai indiqué au cours de la discussion générale, nous devrons travailler ensemble sur ce sujet. Mais nous ne pouvons pas continuer à reporter les décisions d’une année sur l’autre, car certaines collectivités sont en difficultés. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-193.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° II-34 rectifié quater est présenté par MM. J. Blanc, Faure, Bernard-Reymond, Cazalet, Pierre, B. Fournier, J. Boyer, Alduy, Amoudry et Le Grand et Mme Payet.

L'amendement n° II-163 rectifié est présenté par MM. Fortassin, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Chevènement et de Montesquiou, Mmes Escoffier et Laborde, et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° II-194 est présenté par M. Repentin.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 13 et 14

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jacques Blanc, pour présenter l’amendement n° II-34 rectifié quater.

M. Jacques Blanc. Cet amendement a pour objet de revenir à la lettre et à l’esprit de la loi du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux, votée à la quasi-unanimité du Sénat, après avoir été défendue par un excellent rapporteur, notre collègue Jean Boyer.

Dans ce texte, qui a donné un nouveau souffle aux parcs nationaux, on avait pris en compte le fait que les communes situées au cœur d’un parc national sont soumises à des réglementations qui freinent leurs activités et leurs ressources.

Sur proposition de M. Jean-Pierre Giran, auteur du rapport au Premier ministre intitulé Les parcs nationaux : une référence pour la France, une chance pour ses territoires, le Parlement avait voté le principe, par le biais d’une majoration de la dotation globale de fonctionnement, d’une compensation calculée au prorata de la superficie communale située dans le cœur du parc national. Avec cette mesure, extrêmement ciblée, était reconnu le besoin de compensation.

Le principe de cette dotation a été remis en cause lors de l’adoption du projet de loi de finances pour 2010, ce qui avait profondément ému l’ensemble des collectivités intéressées.

La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement nous a permis de revenir à l’esprit de la loi initiale, et donc de rassurer l’ensemble des acteurs.

Malheureusement, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, l’Assemblée nationale a une nouvelle fois remis en cause le fondement même de la démarche, en ouvrant le bénéfice de cette majoration à des communes, certes tout à fait intéressantes, mais qui ne sont soumises à aucune réglementation spécifique et qui n’ont pas une situation particulière.

Laisser en l’état la mesure adoptée à l’Assemblée nationale reviendrait à ouvrir une porte extrêmement dangereuse. C’est pourquoi nous vous proposons, avec cet amendement, d’en revenir à l’esprit même de la loi sur les parcs nationaux, afin de consacrer vraiment la démarche innovante qui avait été adoptée alors.

Les communes insulaires sont respectables, mais elles ne sont pas contraintes par les réglementations que doivent respecter les communes situées au cœur de nos parcs nationaux.