M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Voilà une perspective intéressante !

M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois.

M. Louis Duvernois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’appétence pour le conflit est-elle inhérente à la politique audiovisuelle extérieure de la France ? Serions-nous condamnés à subir plutôt qu’à agir ?

La société holding AEF, c'est-à-dire Audiovisuel extérieur de la France, dotée pour 2011 d’un budget de 330 millions d’euros, en hausse de 2,9 %, tarde dans la conclusion du contrat d’objectifs et de moyens et souffre de l’insuffisante implication de la puissance publique actionnaire.

Un projet de décret serait en cours d’élaboration par le ministère de la culture et de la communication, après la stabilisation de la restructuration de la holding et des entités qui la composent.

Qu’en est-il sur ce point, monsieur le ministre ? La réforme de l’audiovisuel extérieur de la France entre, semble-t-il, dans une nouvelle phase, marquée par la transformation de la holding AEF, de Radio France Internationale, de Monte Carlo Doualiya – cette filiale arabophone de RFI – et de France 24 en une seule entreprise, tandis que TV5 Monde, chaîne multinationale et multilatérale, conserverait sa place à part de télévision partenaire.

Pensez-vous que cette stratégie rendra notre audiovisuel extérieur plus compétitif sur la scène internationale ? Pouvez-vous nous confirmer que les arbitrages budgétaires rendus sur la trajectoire des ressources publiques, pour les années 2011 à 2013, ont bien pris en compte les risques adjacents encourus dans un contexte social souvent complexe ? Nous pensons, notamment, au plan de sauvegarde pour l’emploi de RFI, particulièrement éprouvant pour l’audiovisuel extérieur, puisque 206 départs volontaires sont prévus, pour un coût estimé à 42 millions d’euros, pour un budget global de Radio France Internationale de 133 millions d’euros. RFI attend désormais un véritable rebond.

Cela dit, à l’époque d’internet, une technologie dont l’usage, on le sait, est particulièrement difficile à contrôler – l’actualité diplomatique de ces derniers jours en constitue une illustration –, la société holding AEF a fait l’objet d’un piratage informatique. Le journal Le Monde en fait d'ailleurs état aujourd'hui, sous le titre : « Une sombre affaire d’espionnage informatique agite France 24 et RFI ». Monsieur le ministre, avez-vous des éléments appréciatifs à nous communiquer à ce sujet ?

M. Alain Gournac. Ce serait intéressant.

M. Louis Duvernois. Quant à France 24, cette chaîne a absorbé en 2010 les trois quarts de la hausse du budget global de l’AEF. La subvention pour 2011 devrait s’établir à 115 millions d'euros. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer ce montant, alors que la nouvelle grille des programmes, mise en place par France 24, a suscité à la fois un déficit financier et une baisse d’audience ?

L’augmentation de la dotation de l’AEF en 2010, dont a principalement bénéficié France 24, était justifiée par la diffusion de la chaîne en arabe 24 heures sur 24 et l’extension de son réseau de diffusion.

La France, certes, peut être fière aujourd’hui de posséder un média international en langue arabe, capable de s’exprimer en direction d’opinions publiques trop souvent instrumentalisées. Dès lors, peut-on envisager de développer de nouvelles langues sur cette chaîne ?

Lancée sur fond de compromis en 2006, France 24 souffre toujours d’une insuffisance de pilotage politique. Le poids du ministère des affaires étrangères et européennes n’est pas à la hauteur des enjeux du développement de l’influence de notre pays sur la scène internationale.

M. Louis Duvernois. Alors que la France était souvent citée en exemple à l’international, la voilà désormais montrée du doigt. L’actualité récente le confirme. À l’heure où le Chef de l’État assume la présidence du G20, nous ne pouvons continuer à faire du nombrilisme éditorial si nous voulons retrouver notre audience, notre prestige,…

M. Louis Duvernois. … ainsi que – objectif premier de France 24 –, notre notoriété auprès des opinions publiques internationales.

M. Alain Gournac. Très bien.

M. Louis Duvernois. L’indifférence de nos administrations face aux enjeux relatifs à l’image de la France dans le monde provoquera inéluctablement l’effacement de notre pays sur les grands dossiers internationaux.

Venons-en maintenant à la réforme de Monte-Carlo Doualiya.

M. Louis Duvernois. Cette radio arabophone est revenue à l’équilibre en 2010, et cela de manière pérenne. Une nouvelle grille de programmes conjuguant information et divertissement a été élaborée. Une politique multipliant le nombre de fréquences FM au Liban, dans les Émirats arabes unis et dans plusieurs nouveaux pays du Proche et du Moyen-Orient se met en place, enrayant une chute d’audience qui a été considérable, puisque le nombre des auditeurs de la radio est passé de plus de 10 millions à 5 millions en quelques années.

Cet exemple prouve bien, pour Monte-Carlo Doualiya comme pour les autres entités de la holding, que les investissements trouvent leur justification dans la volonté de développer les audiences, donc l’influence de la France dans le monde.

M. Louis Duvernois. Toutefois, pour accompagner l’effort engagé par Monte-Carlo Doualiya et permettre à cette radio de continuer son développement, un investissement supplémentaire est nécessaire. Cet effort financier suivra-t-il, monsieur le ministre ?

Cela dit, terminons en nous demandant quelle place sera réservée à l’exception francophone TV5 Monde et au rayonnement culturel de la France.

M. Louis Duvernois. Nonobstant la complémentarité utile entre France 24, chaîne d’informations continues, et TV5 Monde, télévision généraliste, nous pouvons nous interroger sur la véritable place de la chaîne multilatérale francophone dans le COM à venir de l’AEF, sachant que la réflexion sur une révision de la charte ou sur une modification de la place de TV5 Monde dans le COM n’a pas encore été engagée avec l’autorité de tutelle.

Pour l’exprimer autrement, la contrainte réside dans la divergence entre le programme de financement de l’État de l’AEF et l’évolution du plan stratégique de TV5 Monde, qui appelle une contribution croissante de l’Audiovisuel extérieur français.

Pour rappel, la subvention française minimale nécessaire à TV5 Monde pour 2011 s’élève à 75,38 millions d’euros, comme il est indiqué dans le document budgétaire pluriannuel remis à la conférence ministérielle d’Ottawa.

Or l’enveloppe attribuée à la holding AEF ne permet pas d’allouer à TV5 Monde une subvention supérieure à 73,53 millions d’euros. Il en résulte une insuffisance de 1,85 million d’euros qui, en vertu d’un système comptable propre à la charte de TV5 Monde, ne peut, en définitive, affecter que les acquisitions de programmes français.

TV5 Monde se trouvera ainsi dans l’obligation de réduire significativement la diffusion de la création française dans le monde, notamment en matière de cinéma et de documentaires, ce qui, monsieur le ministre, ne peut vous laisser indifférent. (M. le ministre acquiesce.)

En outre, toute régression de la qualité des grilles de programmes entraînera nécessairement un recul des audiences. Ce ne serait pas d’ailleurs la première fois qu’une telle situation se produirait.

Monsieur le ministre, pouvez-vous ouvrir un dialogue avec les pays partenaires de TV5 Monde, principaux bailleurs de fonds à nos côtés, c'est-à-dire le Canada, le Québec, la Communauté française de Belgique et la Suisse, pour que la comptabilité de TV5 Monde soit rendue plus lisible et opérationnelle, afin de maintenir, ou même d’améliorer, la qualité des programmes financés ? Cette question est d’importance, monsieur le ministre, et nous attendons votre réponse. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup ayant déjà été dit, je me contenterai de quelques observations, sans reprendre les chiffres de ce budget pour 2011, qui ont été largement détaillés par nos rapporteurs.

En dégageant la télévision publique des contraintes commerciales, la loi du 5 mars 2009 a changé son visage. Aujourd’hui regroupée en une entreprise unique, France Télévisions doit être en mesure de se doter de moyens suffisants afin d’élaborer et de mettre en œuvre un projet éditorial cohérent et innovant.

Initialement, la suppression de la publicité sur France Télévisions devait être réalisée en deux étapes : dès 2009 pour la publicité en soirée – après 20 heures –, puis, dans un second temps, à partir de 2011 pour la publicité en journée, c’est-à-dire avant 20 heures.

Les centristes se sont battus de longue date sur ce sujet, notamment pour obtenir une augmentation de la redevance, devenue depuis lors la contribution à l’audiovisuel public, la CAP, afin d’assurer un financement pérenne de l’audiovisuel public.

Dans notre esprit, avant de voir disparaître définitivement la publicité sur France Télévisions, il est indispensable de nous assurer de la pérennité du financement permettant la mise en place de cette mesure.

Suppression de la publicité et création de ressources pérennes doivent aller de pair : et la première ne saurait intervenir tant que la seconde n’est pas garantie.

La contribution à l’audiovisuel public est aujourd’hui au cœur du financement des médias audiovisuels français du secteur public : elle représente plus de 84 % de leurs recettes. Ce mode de financement doit être renforcé, d’autant que les taxes annexes que l’on a pu imaginer, comme celle sur les fournisseurs d’accès à internet, se révèlent juridiquement fragiles au regard du droit européen et, en tout état de cause, insuffisantes au regard de l’importance des besoins à couvrir.

Dans le rapport sur les comptes de France Télévisions, remis en juin dernier par nos collègues Catherine Morin-Desailly et Claude Belot, deux hypothèses étaient proposées : soit la suppression totale de la publicité sur France Télévisions en 2012, accompagnée d’un élargissement de l’assiette de la CAP ; soit la mise en place d’un moratoire jusqu’en 2015 sans modification profonde du système de financement envisagé.

À l’article 76 du projet de loi de finances, le Gouvernement proposait initialement de reporter l’échéance de suppression de la publicité sur France Télévisions au 6 janvier 2014. Le groupe Union centriste approuvait en partie le modèle proposé.

L’application d’un moratoire apparaissait nécessaire au vu de la situation des finances publiques de notre pays et des difficultés de mise en place des taxes compensatoires pour le budget général.

Nous étions en revanche réservés sur le texte voté par l’Assemblée nationale, qui supprime complètement la disposition relative à la disparition de la publicité en journée, car nous souhaitons au contraire le maintien de celle-ci.

Aujourd’hui, cependant, force est de constater que le compte n’y est pas.

C’est pourquoi nous aurions souhaité l’adoption de l’amendement de la commission de la culture, défendu par ma collègue Catherine Morin-Desailly, et qui tend à augmenter le produit de la contribution à l’audiovisuel public via un élargissement de son assiette.

Le système proposé était simple : une taxe d’habitation, une contribution à l’audiovisuel public.

Cette position est défendue de longue date par notre commission de la culture : dès 2004, notre collègue Louis de Broissia s’était opposé à l’exonération pour les résidences secondaires.

Le principe d’une contribution par la taxe d’habitation paraissait être à la fois juste et simple à appliquer, avec un rendement évalué entre 200 millions et 250 millions d’euros.

L’amendement tendant à élargir l’assiette aux résidences secondaires n’ayant pas été adopté, l’application d’un moratoire jusqu’en 2015 devient selon nous sans objet, puisque ce dernier ne permettra pas de mettre en œuvre un financement pérenne. En effet, si le compte n’y est pas aujourd’hui, ce ne sera malheureusement pas non plus le cas en 2015

Ainsi, il ne nous semble pas souhaitable, en l’état, d’adopter un tel moratoire.

Je tenais à réaffirmer ici l’attachement des centristes à une télévision publique de qualité, financée par des ressources propres ne venant pas grever les finances de l’État. Celle-ci serait alors pleinement délivrée des contraintes de l’audimat et de la publicité, ce qui était un des objectifs majeurs de la grande réforme de l’audiovisuel votée en 2009.

Mme Françoise Laborde. Tout à fait !

Mme Françoise Férat. Après avoir exprimé ces quelques regrets, j’évoquerai une modification plus positive : l’évolution du taux de TVA sur le livre numérique.

Dans la première partie du projet de loi de finances pour 2011, un amendement de la commission de la culture visant à harmoniser le taux de TVA applicable au livre numérique et celui qui est appliqué au livre papier a été adopté. Je tenais à réaffirmer que les membres du groupe Union centriste se félicitent de l’adoption de cette modification.

En effet, appliquer un même taux réduit de 5,5 % pour les deux types de support évitera une distorsion de concurrence entre ces derniers. Cela permettra également à une industrie encore embryonnaire de se développer dans le cadre d’un marché très concurrentiel à l’échelle internationale.

Par ailleurs, il est urgent de poursuivre activement le débat sur cette question au plan européen afin d’obtenir du Conseil un consensus sur la faculté des États membres d’appliquer une TVA à taux réduit non seulement à tous les livres, y compris ceux accessibles seulement en ligne, mais aussi aux autres bien culturels.

Nous sommes conscients des difficultés que présente une telle mesure par rapport au droit communautaire en vigueur, mais il est indispensable de maintenir l’avancée obtenue. Celle-ci sera un signal fort adressé à Bruxelles et devrait donner des arguments supplémentaires aux représentants de la France dans la perspective d’une négociation au niveau européen.

Pour conclure, je tenais à saluer une fois encore le travail des commissions des finances et de la culture, en particulier de leurs rapporteurs, dans l’examen de cette mission.

Le groupe Union centriste votera l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Je concentrerai mon intervention sur un seul sujet concernant l’audiovisuel.

« À quoi bon garder une régie publicitaire dans une chaîne de télévision dès lors qu’il est prévu de supprimer la publicité ? » Reconnaissez-vous ces propos, mes chers collègues ? Je poursuis : « La vocation de France Télévisions n’est pas de gouverner une régie publicitaire dont elle n’a plus que faire. » Monsieur le ministre, c’est la réponse que vous avez apportée à la question que je vous ai posée le 18 février 2010 dans cet hémicycle.

Je me permets de citer vos propos aujourd'hui parce que le débat sur le sujet a avancé ; il conviendrait de le reconnaître.

Nous soutenions alors que le problème était non pas la publicité – est-ce bien, est-ce mal ? – mais la pérennité financière du service public de l’audiovisuel. Selon nous, l’indépendance, l’autonomie de France Télévisions devait être garantie grâce à un financement sûr – on ne peut en effet prendre le risque de sacrifier le service public de l’audiovisuel de quelque manière que ce soit – et nous considérions que la publicité sur les chaînes publiques constituait une telle garantie.

On nous a rétorqué que le financement serait assuré sans recourir aux recettes publicitaires. Or la taxe qui avait été prévue à cette fin a été retoquée par l’Europe. Monsieur le ministre, vous avez beau nous répéter sans cesse que ce refus n’est pas justifié, notamment parce qu’il s’agit d’une taxe indirecte, l’Europe reste ferme sur ce point et on ne peut plus compter sur le produit d’une telle taxe.

Ensuite, la première concession a été faite : la suppression de la publicité avant vingt heures a été reportée, pour laisser un temps de réflexion.

Nous savons qu’il n’est pas possible aujourd'hui pour France Télévisions de construire une stratégie d’entreprise – même si elle est publique, l’entreprise doit avoir une stratégie, elle doit voir loin – si l’enveloppe de 450 millions d'euros censée être donnée par l’État pour la pérennité du financement n’est pas garantie.

Et depuis est survenue la crise financière. Or, ainsi que je vous l’ai répété dix fois à cette tribune, on ne peut pas expliquer aux Français que les caisses sont vides, qu’il faut réduire toutes les dépenses, que les crédits destinés aux services publics essentiels pour la cohésion sociale seront rabotés, et surtout qu’ils doivent se serrer la ceinture, et, en même temps, dire : on ne veut plus de l’argent qui provenaient des recettes publicitaires et c’est l’État qui va mettre la main à la poche. Une telle position n’était pas tenable longtemps.

On en revient donc à la raison ; mais pas complètement ! Vous avez proposé cette année un moratoire sur la suppression de la publicité avant vingt heures pour 2014. C’est encore une façon de ne pas prendre de véritable décision. Mais pourquoi avoir choisi cette date ? Que se passera-t-il d’ici à 2014 ? Quel est le plan pour compenser la suppression des recettes publicitaires ? Il n’y en a pas !

En fait, il faut seulement faire semblant de maintenir la décision prise pour répondre au caprice du Président de la République, qui, un jour, a dit : « on supprime tout ». Même si on n’y arrive pas, il ne faut pas déjuger le Président. Mais enfin, nous ne sommes pas là pour faire plaisir ou non au Président ! Nous sommes là pour légiférer !

J’en appelle donc à l’ensemble des sénateurs sur quelque travée qu’ils siègent, car, dorénavant, le diagnostic que je viens de dresser est partagé.

Il a d’ailleurs été partagé à l’Assemblée nationale, puisque le texte transmis à la Haute Assemblée prévoit non pas un moratoire en 2014, mais la suppression de la suppression de la publicité avant vingt heures. Le service audiovisuel public peut donc désormais voir loin : il sait que, entre vingt heures et six heures, il n’y aura plus de publicité, mais qu’en dehors de cette tranche horaire la réclame sera toujours autorisée. Le budget sera ainsi construit à partir de cette donnée, avec l’aide de l’État qui compense.

Je voudrais maintenant aborder le problème sous l’angle de la stratégie d’entreprise.

Je suis un sénateur de gauche et, en tant que tel, je me sens obligé, chers collègues de la majorité, de vous renvoyer les arguments que vous nous opposez souvent dans l’hémicycle, sous prétexte que vous, vous connaissez l’entreprise et pas nous.

Alors, chers collègues, expliquez-moi pourquoi, du fait du dépassement de ses prévisions de recettes publicitaires – les salariés de la régie sont compétents, dynamiques –, France Télévisions voit sa dotation de compensation de 450 millions d’euros rabotée de 60 millions d’euros. Comment voulez-vous, dans ces conditions, stimuler le dynamisme de l’entreprise ?

Connaissez-vous une entreprise où l’on demande aux salariés de chercher des contrats, et où on leur dit : plus vous en trouverez, plus on vous enlèvera de recettes… Avec une telle logique, ils n’iront plus rien chercher ! Pourquoi le feraient-ils ? Vous cassez la dynamique de la régie publicitaire ; c’est évident !

Pour la deuxième année consécutive, les salariés de la régie ont fait plus que ce qui leur était demandé, plus que ce qui était prévu – et c’est rare, à plus forte raison dans une entreprise publique – afin que France Télévisions s’en sorte et que l’argent supplémentaire puisse être investi.

L’État s’est engagé à verser 450 millions d'euros, il doit le faire. Quand le budget prévisionnel est dépassé, le surplus peut être réinjecté pour l’investissement, notamment pour développer le média global et le numérique et faire en sorte que nous atteignons le meilleur niveau.

Regardons autour de nous : au Japon et ailleurs, l’investissement permet aux sociétés d’audiovisuel d’être toujours au top, alors que la France, notamment sur le numérique, est toujours en retard. Or, dans ce domaine, le retard ne peut se rattraper parce que les progrès sont trop rapides : lorsqu’on rattrape un certain niveau de technologie, d’autres ont déjà développé des outils encore plus performants.

Je n’ai pas prononcé l’intervention que j’avais préparée, car nous allons avoir un débat approfondi sur le sujet, et j’aimerais convaincre M. Legendre que le moratoire…

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Vous dépassez votre temps de parole !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. David Assouline. J’ai fini !

J’aimerais convaincre M. Legendre, disais-je, que le moratoire est désormais inutile puisque rien n’est prévu pour que l’on puisse se passer de la publicité en 2014. Et France Télévisions a besoin d’un financement pérenne !

Je relève d’ailleurs que le débat aura lieu non pas à la suite de celui d’aujourd’hui, mais demain ou après-demain, alors qu’un vote très important doit avoir lieu – il s’agit en effet de choisir entre le moratoire et le maintien définitif de la publicité avant vingt heures – en conclusion des discussions que nous allons avoir aujourd’hui.

Il n’y a habituellement pas d’enjeux décisifs dans nos débats – on vote pour, on vote contre –, à quelques exceptions près. Et aujourd’hui, alors que l’enjeu est d’importance, on choisit de reporter le débat à samedi ou dimanche, de le détacher du reste de la discussion…. À mon sens, ce n’est pas une très bonne façon d’organiser les séances ; je le dis à l’adresse de la commission des finances, qui est sans doute à l’origine de cette décision.

Nous essaierons toutefois d’être présents quand l’amendement en cause sera discuté en séance publique : samedi vingt heures, ou dimanche quatorze heures, nous ne savons pas… Nous ferons notre possible !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer. » (Sourires.)

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Je n’ai encore jamais entendu cela… (Nouveaux sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, ce débat budgétaire me donne l’occasion une nouvelle fois d’attirer votre attention sur l’impérieuse nécessité qu’il y a à protéger la liberté de la presse, mais également à revoir complètement notre droit de la presse, en particulier le droit à réparation des victimes de délit de presse.

J’en ai fait l’amère expérience – je l’ai dit à cette tribune –, ce genre de mésaventures n’arrive pas qu’aux autres !

Notre droit de la presse est totalement inadapté aux nouveaux médias : injures et diffamation sont instantanément répandues sur la toile ; les procédures sont interminables devant des tribunaux surchargés ; il est impossible de faire retirer des serveurs des imputations diffamatoires, y compris celles qui pourtant ont été reconnues comme telles par les tribunaux ; le droit à l’oubli sur internet, pour lequel nos collègues M. Détraigne et Mme Escoffier ont plaidé devant cette assemblée, n’existe pas.

Monsieur le ministre, je revendique haut et fort ce droit à l’oubli ; je revendique haut et fort le droit de réfléchir, avec vos services, à une nouvelle architecture du droit de la presse mieux adaptée aux nouveaux médias du XXIe siècle.

C’est pourquoi je vous demande, comme je l’ai demandé au président du Sénat, de bien vouloir constituer un groupe de travail qui nous permettrait de réfléchir à une meilleure protection de la vie privée, de la présomption d’innocence et des droits de chacun d’entre nous tout en protégeant le droit absolu et sacré de la liberté de la presse.

Les blogueurs ne sont pas seuls au monde, leurs droits s’arrêtent où commencent ceux des autres ; d’ailleurs, l’affaire Wikileaks constitue une illustration déplorable et extrême de mes propos.

Monsieur le ministre, j’espère que vous entendrez ma demande. Je la réitérerai lors de la discussion des différents amendements et chaque fois que j’en aurai l’occasion à cette tribune. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la constitution, en 2008, de la société holding Audiovisuel extérieur de la France, AEF, est le point d’orgue de la réforme de l’audiovisuel extérieur public.

L’objectif affiché était que ce « meccano abracadabrant », selon les mots de M. Benamou, éphémère conseiller de M. Nicolas Sarkozy, puisse rivaliser avec BBC World et CNN.

Où en sommes-nous près de trois années plus tard?

Les tribulations de l’audiovisuel extérieur de la France se poursuivent !

Dès 2008, une crise diplomatique est évitée de justesse, après que les partenaires francophones de TV5 Monde se sont opposés à la réforme, craignant leur absorption pure et simple.

En 2009, le plus long conflit social de l’audiovisuel public se joue à RFI.

En 2010, d’importantes dissensions entre le président d’AEF et sa directrice générale déléguée occupent le devant de la scène et les pages des médias étrangers.

Cette situation n’est pas le fruit d’une quelconque malédiction qui pèserait sur notre audiovisuel extérieur. Elle résulte, plus trivialement, de maladresses stratégiques et politiques. En tout état de cause, elle suscite, un profond sentiment de gâchis.

Pour 2011, la dotation globale d’AEF est en augmentation de 3 %. Elle demeure pourtant en deçà des demandes de la holding. Qu’en sera-t-il, alors, avec la diminution significative, d’ores et déjà prévue, des crédits de l’audiovisuel extérieur, de 7 % en 2012 et de 10,3 % en 2013 ?

Le Gouvernement attendrait, semble-t-il, un « retour sur investissement »... Cette obligation de dégager des ressources propres suscite une certaine inquiétude, encore exacerbée par la propension, constante ces dernières années, à privilégier France 24 au détriment de RFI et de TV5 Monde.

À cet égard, permettez-moi de m’émouvoir de l’impossibilité, pour la représentation nationale, de connaître ne serait-ce qu’une estimation de la répartition des subventions attribuées pour 2011 à chacune des entités de la holding.

Le contrat d’objectifs et de moyens, dont l’imminente publication est annoncée depuis des mois, revêt ici une importance toute particulière puisqu’il doit être assorti d’un plan de financement pluriannuel indiquant les montants des ressources publiques et les affectations des ressources propres. Où en est son élaboration, monsieur le ministre ?

Aujourd’hui, France 24, dernier né et enfant gâté d’AEF, est à son tour dans la tourmente. Au-delà des regrettables querelles de personnes, un sentiment de malaise point chez les salariés, en raison des conditions de travail en « flux tendu » et du flou de la ligne éditoriale.

Rappelons que l’objet même de la chaîne est bien de porter un regard français sur l’actualité internationale. Pour que cette sensibilité soit promue, encore faut-il que la chaîne soit accessible partout dans le monde. À cet égard, les synergies avec TV5 Monde sont réelles. Toutefois, il importe de finaliser davantage de contrats avec les opérateurs pour parvenir à une couverture mondiale.

D’ailleurs, d’importantes difficultés en termes de distribution existent, notamment en Amérique latine. Monsieur le ministre, des solutions ont-elles permis de pallier ce problème ?

TV5 Monde, justement, partenaire d’AEF et troisième réseau mondial de distribution, se révèle un outil précieux du rayonnement de la France. Il importe de le répéter, tant cette chaîne semble sous-estimée en France et au sein de la direction d’AEF.

Pour terminer, je veux évoquer la situation de RFI. Cette radio, dont le sérieux et l’expertise sont unanimement loués, sort peu à peu de sa convalescence. Le conflit de l’an passé a laissé des traces et l’importance du nombre de demandes de départ volontaires est très significative.

Aujourd’hui, c’est le projet de fusion avec France 24 qui nourrit des inquiétudes. En effet, outre le déménagement que cette fusion impliquerait, elle pourrait avoir des effets sur la gestion du personnel et l’évolution des rédactions. Par ailleurs, le rapport des experts mandatés par le comité d’entreprise, dans le cadre du droit d’alerte, et présenté il y a quelques semaines est extrêmement troublant. Ainsi, RFI aurait été volontairement mise en difficulté, et cette opération d’étranglement budgétaire trouverait son couronnement dans la fusion avec France 24…

Au-delà de tout jugement sur leur pertinence, ces conclusions radicales révèlent la persistance d’un profond traumatisme. RFI est une grande radio et l’un des meilleurs promoteurs de ce « regard français sur le monde ». Il nous appartient de veiller sur elle et de garantir sa pérennité.