M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur pour avis.

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais m’associer aux félicitations qui vous ont été adressées et qui sont absolument méritées.

L’article 32 du projet de loi de finances pour 2011, adopté sans modification par l’Assemblée nationale, porte création, à partir du 1er janvier 2011, d’un nouveau compte d’affectation spéciale intitulé « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».

Cette création vise expressément à « contribuer au respect des engagements pris par la France en matière de lutte contre le changement climatique dans les pays en développement ».

Ce compte constitue donc la traduction, au plan budgétaire, du choix du Gouvernement de financer, à partir du produit de la vente de quotas carbone de l’État, les pays en développement en matière de gestion durable de la forêt et de lutte contre la déforestation.

Du point de vue comptable, ce nouveau compte est organisé de façon simple. Il retrace en recettes le produit de la vente de quotas carbone de l’État, encore appelés unités de quantité attribuée, UQA, telles que définies par le protocole de Kyoto, dans la limite expresse de 150 millions d’euros.

C’est donc sur le produit de la cession de ces unités, qui est intégralement versé au compte de commerce « Gestion des actifs carbone de l’État », qu’un prélèvement et une affectation d’une partie de ce produit seront opérés au bénéfice du nouveau compte d’affectation spéciale, dans une limite de 150 millions d’euros.

Le compte retracera en dépenses, d’une part, celles qui sont faites en faveur des projets de gestion durable de la forêt et de lutte contre la déforestation dans les pays en développement, pour lesquelles le ministre chargé des affaires étrangères est l’ordonnateur principal, et, d’autre part, celles qui sont liées aux actions des fonds environnementaux intervenant dans ce même domaine de la gestion durable de la forêt et de la lutte contre la déforestation dans les pays en développement, dépenses pour lesquelles le ministre chargé de l’économie est l’ordonnateur principal.

Du point de vue budgétaire, la mission correspondant aux dépenses de ce compte est composée de deux programmes.

En premier lieu, le programme 781, Projets de lutte contre la déforestation dans le cadre du financement précoce, placé sous la responsabilité du ministre chargé des affaires étrangères, retrace les crédits employés au financement, mis en œuvre par l’Agence française de développement sous forme de subventions et de prêts concessionnels, de projets de lutte contre la déforestation dans les pays en développement.

Pour 2011, la dotation est fixée à 30 millions d’euros et devrait permettre de financer trois grands projets : l’imagerie satellite pour les pays d’Afrique centrale, la gestion forestière durable dans la province du Kalimantan, en Indonésie, et la coopération régionale sur le plateau des Guyanes.

En second lieu, le programme 782, Actions des fonds environnementaux contre la déforestation dans le cadre du financement précoce, placé sous la responsabilité du ministre chargé de l’économie, retrace notre contribution aux fonds environnementaux finançant des actions contre la déforestation.

En pratique, pour 2011, 75 millions d’euros sont prévus, dont 60 millions d’euros pour le Fonds pour l’environnement mondial, le FEM, et 15 millions d’euros pour le Fonds français pour l’environnement mondial, le FFEM.

Au total, c’est donc une somme de 105 millions d’euros pour 2011 qui sera dégagée grâce à la cession par l’État français de quotas carbone.

Sur le fond, nous ne pouvons que nous féliciter de voir notre pays mettre en œuvre ses engagements internationaux en faveur de la lutte contre le changement climatique, en particulier l’aide promise aux pays en développement lors de la conférence de Copenhague.

En effet, je vous rappelle que notre pays, ainsi que les autres États développés mentionnés à l’annexe 1 de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 1992, mieux connue sous le nom de protocole de Kyoto, ont, à l’occasion de la conférence des Nations unies pour le climat qui s’est tenue à Copenhague en décembre 2009, pris l’engagement collectif de financer sur la période 2010-2012, à titre de « démarrage précoce », ou « fast start » , des actions en faveur de la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement.

Cet engagement a été décidé pour un montant global « approchant 30 milliards de dollars ». Il représente, pour l’Union européenne et ses États membres, sur cette période de trois ans, un effort de 7,2 milliards d’euros, la quote-part de la France s’élevant à 1,26 milliard d’euros.

Les financements correspondant à ces actions sont principalement portés par la présente mission « Aide publique au développement ».

Enfin, ce qui est novateur avec ce compte d’affectation spéciale, c’est qu’il traduit un engagement spécifique pour la gestion durable de la forêt.

Ainsi, sur le total de l’engagement que la France a souscrit au bénéfice de la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement, une partie, soit 150 millions d’euros entre 2010 et 2012, sera consacrée à la gestion durable de la forêt et à la lutte contre la déforestation. Les actions menées en ce domaine s’inscriront dans le cadre de l’initiative dite « REDD+ » des Nations unies.

La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui m’a fait l’honneur de me désigner rapporteur de ce compte d’affectation spéciale, salue ce nouveau dispositif budgétaire.

C’est donc, tout naturellement, un avis favorable qu’elle a émis quant à l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Marie Escoffier. (M. Yvon Collin applaudit.)

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat qui s’ouvre sur cette mission de l’aide publique au développement est autant philosophique que financier, le second aspect étant la conséquence du premier.

L’une des questions de fond est véritablement de savoir ce que les pays entendent par « aide au développement ». Car, sous des formes diverses, plus guerrières, plus pacifistes ou plus humanistes, toutes les époques et tous les lieux ont connu des aides au développement spécifiques : des grandes invasions aux guerres du Péloponnèse, jusqu’à la colonisation, les formules d’aide véritable ou intéressée ont pris des visages divers.

Peut-être puis-je seulement rappeler que l’aide internationale au développement que nous évoquons aujourd’hui est née dans le contexte de la guerre froide, dissimulant quelque peu, derrière des intentions charitables louables, la volonté de lutter contre l’influence d’un communisme aujourd’hui dépassé.

Soixante-dix ans plus tard, l’aide au développement a pris un autre visage, pas forcément moins intéressé, mais véhiculant d’autres objectifs, d’autres motivations. Au cœur de la démarche, néanmoins, toujours la même raison : celle de la solidarité entre les peuples qui justifie que ceux qui ont un peu plus et vivent un peu mieux donnent à ceux qui ont un peu moins et vivent moins bien.

M. Yvon Collin. Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier. Solidarité et générosité ne sont cependant pas sans retour et les pays donneurs savent bien que leur propre comportement est pour eux-mêmes instrument de leur propre survie.

Quelques exemples suffisent à nous en convaincre.

Le terrorisme assigne un objectif politique à la lutte contre la pauvreté. Les risques de pandémies graves – rappelons-nous la grippe A H1N1 – naissent dans les pays aux systèmes de soin déficients. L’utilisation sans raison des énergies fossiles est une menace pour l’équilibre de notre environnement.

La conscience de tous ces déséquilibres majeurs n’est pas l’apanage des seules nations. Elle est partagée et chacun peut, à sa façon et à sa mesure, participer à la réflexion qui s’impose à lui. En effet, les particuliers, les entreprises, les organisations non gouvernementales et les fondations ne sont pas à l’écart d’actions de solidarité et de générosité sous les formes les plus diverses telles que le financement de projets par des dons, des prêts d’argent à taux préférentiel, l’annulation de dettes ou encore l’adoption d’enfants orphelins ou déshérités.

Les domaines d’intervention les plus courants concernent l’éducation, la santé, les infrastructures, la politique de l’eau et, plus généralement, l’appui aux politiques d’État.

Les États sont les premiers contributeurs aux différentes formes de l’aide mondiale internationale au développement. Les chiffres de leur participation propre viennent d’être rappelés par nos excellents rapporteurs spéciaux, Yvon Collin, président du groupe auquel j’ai la fierté d’appartenir, Edmond Hervé et les collègues qui se sont exprimés après eux.

Je voudrais ici souligner tout l’intérêt du document-cadre pour l’aide publique au développement français dont le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement a pris l’initiative.

Les esprits chagrins me feront observer que les intentions sans l’action n’ont pas d’intérêt.

Pour ma part, je relève l’absolue nécessité de fixer un cadre, partagé et accepté par les différents acteurs de l’aide publique au développement, définissant les enjeux et les objectifs de cette politique pour le moyen terme, à défaut de pouvoir l’envisager à plus long terme, compte tenu des aléas qui se bousculent et bousculent, dans une large globalisation, l’ensemble des pays.

Mme Anne-Marie Escoffier. Pour prendre tout leur sens, les aides au développement doivent être, me semble-t-il, le fruit d’un accord avec les gouvernements des pays aidés mais aussi avec les acteurs locaux eux-mêmes, qu’ils soient acteurs économiques, sociaux voire culturels, appartenant à la société civile autant qu’au monde politique.

Le véritable objectif n’est-il pas de permettre le développement essentiel, celui de la ressource humaine ?

M. Yvon Collin. Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier. Aussi ne peut-on que se rendre aux raisons qui ont privilégié, dans les fameux Objectifs du millénaire pour le développement, les quatre priorités que sont la prévention des crises et des conflits, la lutte contre la pauvreté, le défi de la croissance, la préservation des biens publics et mondiaux.

Il reste à notre comité interministériel à fixer, pour notre pays, au sein de ces priorités, nos lignes de force en ciblant les populations bénéficiaires et les actions à mettre en œuvre. C’est à cette condition, face à un document clairement établi, que notre politique d’aide au développement prendra sens. Je rejoins en cela la demande qu’Yvon Collin vous a présentée, monsieur le ministre, pour que le document-cadre devienne une référence ayant autorité auprès de nos partenaires.

Il est bien clair que l’existence d’un tel outil faciliterait les choix budgétaires auxquels nous sommes chaque année confrontés. La commission des finances s’est interrogée, à ce propos, sur l’opportunité de certaines dépenses non programmables, notamment l’aide versée à Wallis-et-Futuna, qui n’est pas un État étranger, ou les frais d’écolage des étudiants en France ressortissants des pays en développement.

La clarification des programmes relevant d’administrations différentes est une absolue nécessité, qui permettra de mesurer de manière plus satisfaisante l’efficience des actions entreprises. Cette observation va, d’ailleurs, dans le sens de la demande, présentée par l’ensemble – me semble-t-il – de nos rapporteurs, de révision du document de politique transversale, joint au projet de loi de finances, qui retrace l’ensemble des financements concourant à notre aide au développement.

Je voudrais, avant de conclure, évoquer le nouveau compte d’affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ». Il est l’illustration même de ce que j’indiquais au début de mon intervention de l’intérêt réciproque des pays donateurs et des pays receveurs, chacun étant dans cette démarche gagnant-gagnant – la nature autant que les hommes.

J’ai voulu, bien modestement, placer mon intervention sur un plan philosophique, voire éthique. Je ne me désintéresse pas, cela va sans dire, des conséquences budgétaires. Les rapporteurs spéciaux nous ont montré les fragilités du dispositif, les améliorations à apporter, les concours financiers à augmenter, et même les lignes du compte spécial « Accords monétaires internationaux » à supprimer.

Je m’en remets à la pertinence de leur analyse pour voter, avec les membres du groupe RDSE, en faveur de ce budget, dont je voudrais retenir, monsieur le ministre, qu’il est là pour servir l’homme dans sa globalité, dans son développement intégral. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord, après de nombreux collègues, saluer la nomination d’un ministre de plein exercice chargé de la coopération. J’y vois le signe d’une nouvelle impulsion donnée, je l’espère, à notre politique d’aide publique au développement.

Malheureusement, monsieur le ministre, vous héritez de crédits affectés à la mission « Aide publique au développement » qui, cette année encore, seront ceux d’annonces non suivies d’effet et de promesses non tenues.

En effet, comme l’a fort bien relevé notre rapporteur pour avis, le Président de la République, lorsqu’il dispose d’une tribune internationale, n’est pas avare d’annonces chiffrées, mais non budgétées, en matière d’aide aux grandes causes humanitaires. Je déplore vraiment, pour la crédibilité de notre pays, que ces annonces ne se retrouvent pas dans les crédits que nous examinons aujourd’hui. Cela est d’autant plus regrettable à l’orée d’une année où la France préside le G20.

De ce point de vue, l’exemple d’un engagement du Président de la République pris à Copenhague est tout à fait significatif. L’augmentation annoncée des dépenses, à hauteur de 420 millions d’euros, au titre de la lutte contre le réchauffement climatique n’est pas une aide additionnelle ; elle sera prélevée sur les crédits de votre ministère.

Le document-cadre sur la politique de coopération et de développement adopté par le Gouvernement place l’augmentation substantielle de l’aide bilatérale aux pays d’Afrique parmi les toutes premières priorités. Je regrette tout particulièrement de ne pas trouver trace de cette orientation dès cette année dans vos documents budgétaires.

D’une façon globale, vos crédits sont en légère diminution, mais les crédits de paiement des trois programmes que sont l’aide économique et financière, la solidarité et le développement proprement dit connaissent, quant à eux, une baisse sensible, de l’ordre de 176 millions d’euros.

Vous affirmez, ce qui est contesté par les organisations non gouvernementales, que l’APD, qui a atteint 0,46 % du produit national brut en 2010, pourrait s’élever à 0,49 % en 2011. Mais, à ce rythme-là, il est évident que vous n’atteindrez pas les 0,7 % du PIB, soit 17 milliards d’euros, en 2015 et que notre effort restera très en deçà de celui de pays européens comparables au nôtre.

M. Charles Revet. Il ne faut pas être pessimiste !

M. Robert Hue. Comme les ONG, je ne cesserai de dénoncer le trompe-l’œil et le véritable « fourre-tout » que se révèlent être les crédits de votre ministère, car vous comptabilisez en aide publique au développement des éléments qui n’y ont pas leur place.

Il est, par exemple, tout à fait contestable de trouver dans vos lignes budgétaires le coût de certains étudiants étrangers, les dépenses d’hébergement et d’aide aux demandeurs d’asile, les opérations de maintien de la paix ou, plus surprenant encore, les crédits en faveur de Mayotte, qui sera dans un mois un département français…

Mais c’est l’équilibre entre ces crédits et leur affectation que je critiquerai le plus vivement.

Ainsi le programme 209, Solidarité à l’égard des pays en développement, qui devrait être le fer de lance de notre politique d’aide, enregistre une baisse de crédits de 7 %, la plus forte baisse de la mission. Là aussi, cette orientation ne correspond pas à la promesse faite il y a trois mois à New York d’augmenter de 60 millions d’euros notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida.

La faible dotation de 30 millions d’euros du programme 301, Développement solidaire et migrations, démontre le peu d’attention que vous portez en réalité au développement des pays d’origine des migrants. Elle révèle aussi que notre aide est souvent liée à une politique de rapatriement de leurs ressortissants que les pays d’Afrique sont contraints d’accepter pour pouvoir signer des accords de codéveloppement.

Enfin, la présentation de l’effort en faveur du développement proprement dit, avec le programme 110, Aide économique et financière au développement, est elle-même trompeuse.

La réalité de notre effort est faussée par les allégements de dettes de plus de 1 milliard d’euros, représentant de 10 % à 30 % de notre APD selon les pays, qui n’ont que peu d’impact sur le développement.

Elle est également faussée par l’explosion des prêts aux pays dits « émergents », avec 1,3 milliard d’euros, qui sont en fait des opérations commerciales dont des entreprises privées sont les principales bénéficiaires.

Cette politique de prêts bonifiés, qui constitue l’essentiel des opérations de l’Agence française de développement pose une question de principe et de répartition géographique. Elle risque notamment de faire entrer ces pays dans un cycle infernal de désendettement pour les endetter à nouveau. C’est une façon de priver les pays les plus pauvres des ressources qui leur seraient utiles pour faire face aux besoins fondamentaux de leurs populations.

Quand on sait que le service de la dette payée par les pays économiquement peu développés à leurs riches débiteurs est quatre fois supérieur aux sommes consacrées à l’aide publique au développement, on comprend mieux à qui profite cette politique.

Lors de la discussion du document-cadre sur la coopération et le développement, je m’étais d’ailleurs interrogé, avec d’autres collègues, sur la légitimité de tels prêts à certains pays émergents, puisque l’objectif principal semble être de favoriser des entreprises dont le souci majeur est d’obtenir un retour rapide sur investissement.

Il sera donc indispensable de discuter de la nature réelle de la mission de l’AFD lorsque notre commission aura à étudier le contrat d’objectifs et de moyens de cet établissement.

Notre politique d’aide au développement stricto sensu aboutit à un paradoxe qui est scandaleux pour un pays comme le nôtre : les sommes que nous dépensons représentent deux fois moins que les envois d’argent des migrants à leurs familles !

En revanche, la part des dons ou subventions qui sont comptabilisés dans l’aide bilatérale aux pays pauvres a considérablement diminué depuis 2005. La part de l’aide bilatérale consacrée à cette région est ainsi passée de 54 % à 49 %.

L’attention prioritaire qui doit être portée à l’Afrique subsaharienne, pourtant préconisée dans le document-cadre adopté par le Gouvernement, est ainsi concrètement démentie par la réalité de votre budget, qui ne corrige pas cette tendance.

Au-delà même de l’aspect humain, j’estime que c’est une grave erreur, une erreur politique, stratégique et économique, de poursuivre dans cette voie.

Au nom d’une histoire longtemps commune et de ce que représente encore la France pour ces pays, notre intérêt commun est, au contraire, de contribuer à assurer leur stabilité et leur développement en concentrant sur eux les subventions qui leur sont nécessaires pour répondre à leurs immenses besoins.

C’est l’une des raisons pour lesquelles je voterai l’amendement de nos rapporteurs pour avis tendant à modifier le contenu du document de politique transversale qui accompagne ce budget. Cela a trait à la répartition géographique de l’aide, à l’équilibre entre le bilatéral et le multilatéral, à la répartition entre les dons et les prêts ainsi qu’à l’aide programmable et aux dépenses non programmables.

Au total, je constate malheureusement qu’une large proportion de votre budget n’est pas directement consacrée au développement et que les sommes affectées aux Objectifs du millénaire pour le développement pour réduire l’extrême pauvreté d’ici à 2015 n’en représentent qu’une part infime.

Le groupe CRC-SPG ne votera pas les crédits de la mission « Aide publique au développement » en raison de leur insuffisance significative sur ces deux points fondamentaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le ministre, cher Henri de Raincourt, permettez-moi tout d’abord de saluer, au nom du groupe UMP, votre nomination à la tête d’un ministère de la coopération de plein exercice, que nous étions très nombreux à appeler de nos vœux. Ces responsabilités vous incombent à un moment où notre politique de coopération et d’aide au développement connaît de nouvelles inflexions.

En effet, ces derniers mois, nos commissions des finances et des affaires étrangères ont travaillé conjointement pour contribuer à l’élaboration du document-cadre qui définira la stratégie de la France en matière d’aide au développement pour les dix années à venir. À ce titre, je tiens à rendre hommage au travail remarquable accompli par les rapporteurs de notre commission des affaires étrangères, Christian Cambon et André Vantomme, dont les recommandations ont été en grande partie reprises.

Nous avons pu d’ailleurs en débattre non seulement en commission, mais aussi dans cet hémicycle, le 4 novembre dernier.

Il nous revient cet après-midi d’examiner les crédits de l’aide au développement, et ce dans un contexte très particulier.

Nous devons, en effet, résoudre une double équation, budgétaire, tout d’abord – plus que jamais, l’époque et l’environnement financier international nous enjoignent de faire des économies –, diplomatique, ensuite – au moment où la France assure la présidence du G20 et mise sur une diplomatie d’influence, elle est à l’initiative de nombreuses politiques mondiales en matière de santé publique et de climat.

La France s’est également énormément investie, je peux en témoigner, dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement à l’ONU.

Concernant le budget sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer, je voudrais, tout d’abord, souligner qu’en dépit d’un contexte budgétaire extrêmement difficile les crédits ont été relativement préservés. Entre 2007 et 2009, notre aide publique a connu, en valeur, une progression de 25 %, passant de 7,2 milliards d’euros à 9 milliards d’euros.

Certes, les crédits de paiement pour 2011 diminuent de 4,3 % par rapport à la loi de finances pour 2010, mais cette baisse s’accompagne d’une réduction du périmètre de certains programmes.

Cette réduction participe d’un effort de sincérité que je souhaite saluer. En effet, un certain nombre de projets qui relevaient davantage de la diplomatie culturelle que de l’aide au développement étaient jusqu’à présent considérés comme relevant du programme 209, donc de l’APD, au simple motif qu’ils se déroulaient dans des pays dits « en développement ».

Désormais, ces projets seront inscrits au programme 185 et leurs crédits ne viendront plus gonfler artificiellement le volume de notre aide publique. Des efforts restent à faire pour clarifier la maquette budgétaire afin qu’elle reflète la réalité de notre engagement en matière d’aide au développement, mais nous sommes sur la bonne voie.

Nous devons garder ces éléments en tête avant de nous lancer dans une comparaison budgétaire. Ainsi, hors mesures de périmètre, les crédits consacrés au développement restent globalement stables, passant de 3,341 milliards d’euros à 3,336 milliards d’euros, soit, in fine, une baisse de 0,16 %.

Bien sûr, il serait plus que souhaitable de voir ces crédits abondés, pour tenter d’atteindre l’objectif de 0,7 % de notre richesse nationale consacré au développement à l’horizon 2015. Il y va de notre rayonnement et de notre crédibilité, vis-à-vis non seulement des pays auprès desquels nous sommes engagés, mais aussi de la communauté internationale dans son ensemble.

Néanmoins, le contexte actuel de restrictions budgétaires doit être l’occasion de faire mieux avec moins. En tant qu’élus, nous devons veiller à la fois à ne pas investir l’argent des contribuables dans des projets de développement dont les effets ne seraient pas probants et à encourager les initiatives ne pesant pas sur le budget de l’État.

De surcroît, le respect envers nos partenaires bénéficiaires de l’APD doit nous pousser à financer des aides qui viendraient en substitut à l’action gouvernementale locale et à favoriser celles qui sont de véritables leviers de croissance.

Pour ce faire, il importe d’améliorer notre capacité d’évaluation et de contrôle. Il s’agit d’apprendre à tirer des enseignements des expériences passées afin de mieux orienter nos investissements financiers à venir. Nous avons donc besoin d’affiner nos indicateurs de performance.

Notre nouvelle politique de développement est marquée par un recentrage du ciblage géographique sur l’Afrique et par l’affirmation de priorités thématiques, ce dont je me félicite. Toutefois, la volonté d’éviter tout gaspillage et tout saupoudrage ne doit pas nous empêcher de financer des projets de moindre envergure, si ceux-ci démontrent leur capacité à produire des effets d’entraînement.

Soutenir des programmes de microcrédit ou des projets de développement du tourisme local, par exemple, peut avoir un effet de levier non négligeable dont nous aurions bien tort de nous priver.

Concernant les priorités thématiques, alors que nous allons consacrer 60 % de notre aide bilatérale à l’Afrique subsaharienne, il me semble primordial de privilégier le secteur de l’éducation et d’apporter une attention toute particulière à l’apprentissage du français et à l’éducation des femmes, qui sont les premiers relais des changements de comportement. Leur rôle central dans les familles peut leur faire jouer un grand rôle, non seulement sur le plan de l’amélioration de la santé publique et de l’élévation du niveau global d’instruction, mais aussi en matière d’éducation à la paix et de respect de l’environnement.

Concernant les canaux de l’aide au développement, il me semblerait important d’effectuer un rééquilibrage entre nos contributions à l’aide bilatérale et à l’aide multilatérale.

Certes, notre engagement dans les programmes multilatéraux a permis à la France de peser sur les programmes de grandes institutions, tels que le Fonds mondial de lutte contre le sida ou la Banque africaine de développement. Cependant, dans un certain nombre de cas, les efforts consacrés à l’aide multilatérale ont été contre-productifs au seul bénéfice de politiques d’affichage. N’étant pas chef de file sur les projets, nous n’avons quasiment aucune lisibilité sur les résultats, ce qui s’apparente parfois à signer des chèques en blanc. Et, face à nos partenaires, ces efforts sont tout simplement dilués, donc peu visibles, donc peu reconnus.

Paradoxalement, nous demeurons la cible de critiques dans les instances internationales, alors que la France est le deuxième bailleur de fonds de l’aide au monde et le premier contributeur européen d’aide publique au développement en volume.

Gardons à l’esprit que la politique d’aide au développement est un instrument essentiel de notre diplomatie d’influence. À cet égard, il faut éviter que les engagements multilatéraux ne continuent à réduire les moyens des agences de l’AFD et de nos ambassades. Au moment même où nous procédons à la réforme de notre action extérieure et où nous souhaitons renforcer l’autorité de nos ambassadeurs, plus que jamais, nous devons donner les moyens aux représentants de la France dans le monde, avec le soutien de nos élus à l’Assemblée des Français de l’étranger, de prendre appui sur leur expertise des acteurs locaux pour orienter notre stratégie d’aide au développement et améliorer son évaluation.

C’est pour cela, monsieur le ministre, que je me félicite de voir que les crédits consacrés à l’aide bilatérale devraient passer de 56 % en 2009 à 64 % en 2012 et que cela s’accompagne d’un cadrage budgétaire. C’est là le témoignage d’une politique volontaire dont nous avions besoin.

Monsieur le ministre, le projet de budget que vous présentez est sincère et cohérent avec les réformes engagées. C’est pour cela que le groupe UMP votera les crédits de cette mission.

En conclusion, je voudrais rappeler que les engagements financiers en faveur du développement ne font pas tout. Notre responsabilité est aussi et surtout de contribuer à renforcer la responsabilité de tous les États – et non pas seulement de ceux qui sont en développement – en matière de développement durable.

À l’heure où, en tant qu’État industrialisé, nous participons aux négociations sur le réchauffement climatique, il nous appartient de favoriser l’émergence d’un nouveau modèle de croissance, solidaire, mais aussi responsable.

Il est aussi essentiel, alors que nous prenons la présidence du G20, de permettre l’émergence d’une meilleure gouvernance mondiale et d’une vraie transparence, sans lesquelles les millions investis dans des programmes de nutrition ou d’aide alimentaire contre la famine n’auront que peu d’effets.

L’appauvrissement des ressources naturelles et la raréfaction des terres cultivables nous imposent la mise en place d’une coopération fondée, d’une part, sur l’échange des savoirs, en priorité dans les domaines agricoles, et, d’autre part, sur la vigilance quant aux marchés des matières premières : de l’emballement des cours des céréales à Chicago découlent des émeutes de la faim, comme nous l’avons vu au Mozambique, au Cameroun, au Sénégal.

N’oublions pas, mes chers collègues, que la faim et l’ignorance sont le terreau des crises humanitaires et des guerres. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)