Mme Françoise Laborde. Et médiatique !

M. Yvon Collin. … de votre politique ! Quelle constance dans la volonté d’utiliser la peur comme vecteur politique ! Après l’identité nationale, le discours de Grenoble du 30 juillet 2010 a correspondu au lancement de nouveaux brûlots sur la déchéance de la nationalité française, sur la suppression automatique de la nationalité française pour les jeunes délinquants…

Si nous avons déposé une motion de renvoi à la commission, en application de l’article 44 du règlement du Sénat, c’est qu’il serait effectivement sage de suspendre le débat jusqu’à la présentation d’un nouveau rapport par la commission, un rapport autre que fondé sur une étude d’impact – monument de paperasse n’amenant aucun élément sérieux et crédible sur le véritable impact du projet de loi,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Un monument de paperasse, les rapports du Sénat !

M. Philippe Richert, ministre. Le président Collin exagère ! C’est insultant pour le Sénat !

M. Yvon Collin. … qui ne dit pas un mot sur la déchéance de nationalité, introduite par un amendement du Gouvernement à l’Assemblée nationale, qui n’« étudie » pas les personnes directement concernées : les milliers d’hommes et de femmes qui aspirent à vivre en France et aussi l’ensemble de nos concitoyens qui méritent d’être confortés dans ce qu’ils ont de meilleur au lieu d’être portés vers ce qui divise, au nom de votre principe de rupture qui fait tant de dégâts.

Oui, avant de légiférer à nouveau, il convient de réaliser un bilan objectif sur la question de l’immigration.

De fait, on s’aperçoit vite que la réalité ne correspond pas aux chiffres avancés. Prenez par exemple le chiffre des reconduites à la frontière : en comptabilisant les réadmissions sur le territoire d’un État membre de l’espace Schengen ou les reconduites des ressortissants bulgares et roumains séjournant au-delà des trois mois réglementaires, il est artificiellement gonflé ; en réalité, seules 46 % de celles-ci – le chiffre date de 2009 – s’effectuent hors d’une zone de libre circulation vers la France.

De même, exiger que soit privilégiée, à hauteur de 50 % du total, une immigration de travail au profit des secteurs économiques manquant de main-d’œuvre aboutit à manipuler l’utilisation des statistiques : les demandeurs d’asile sont exclus des chiffres de l’immigration, des régularisations relevant de la catégorie « vie privée et familiale » sont transférées vers la catégorie « travail ». Enfin, avec la nouvelle procédure de naturalisation, qui déconcentre la décision vers les préfectures, on se rapproche dangereusement de la rupture d’égalité, au vu des différences de traitement des dossiers d’une préfecture à l’autre.

Le slogan « passer d’une immigration subie à une immigration choisie » reste lettre morte, comme le montre l’augmentation incessante du nombre des entrées en France, passé de 97 000 en 2000 à 134 800 en 2005, en dépit de la mise en place depuis 2002 d’outils législatifs visant à tarir le flux et à complexifier les politiques d’accueil.

Au-delà des chiffres et des statistiques, le projet de loi est dangereux parce qu’il intègre des évolutions que nous ne pouvons cautionner, des évolutions vraiment contraires aux traditions de notre République.

Sur la déchéance de la nationalité française, vous êtes clairement dans un schéma provocateur ; la modification de l’article 25 du code civil que vous proposez par l’article 3 bis du texte, même revu par la commission des lois, contrevient à la Convention européenne sur la nationalité – signée mais non ratifiée par la France – n’autorisant la déchéance de nationalité qu’à l’encontre de personnes ayant commis des actes portant un préjudice grave à l’État. Le droit positif français ne relevant que du droit commun, ces cas liés au terrorisme avaient été validés par le Conseil constitutionnel en 1996, ce dernier rappelant que tous les ressortissants français étaient égaux quel que soit le mode d’acquisition ou d’attribution de la nationalité ; vous créez une confusion discriminante dans le discours symbolique entre les Français selon leur origine ; c’est inacceptable et n’a aucune vertu exemplaire.

S'agissant de la limitation du droit de séjour des étrangers, sous couvert de transposition de la directive « retour », vous réduisez fortement ce droit ; c’est une transposition ultra-petita, vous affaiblissez les garanties légales de principe constitutionnel applicables en matière de procédure contentieuse par le recul des délais de notification des droits. Or, nous le savons tous, la restriction des droits doit obéir à des principes stricts, comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’homme.

La zone d’attente ad hoc est un régime de privation de liberté, ainsi que l’a indiqué le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 25 février 1992. Certes, notre commission a limité à vingt-six jours la durée de vie de cette zone ; néanmoins, ce dispositif revient à banaliser la privation de liberté comme mode de gestion ordinaire de l’immigration – je vous renvoie à l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme du 6 janvier 2011 –, privation de liberté pour laquelle, en outre, l’accès au juge est restreint. C’est une transposition fallacieuse de l’article 18 de la directive « retour ». Votre projet de loi ne mentionne ni le caractère exceptionnel de la procédure ni les conditions d’urgence.

Sur les modes d’éloignement du territoire, le projet de loi prévoit d’abord, à l’article 49, que l’administration pourra reconduire à la frontière tous les étrangers constituant une menace pour l’ordre public, sans intervention d’un juge et en prenant « notamment » en compte des critères de simple commission de faits passibles de certaines poursuites pénales, donc sans condamnation ; pour nous, ce n’est point conforme à la directive de 2004.

Il en est de même pour l’utilisation de la notion d’abus de droit pour autoriser l’éloignement des ressortissants communautaires. Vous noterez une définition bien différente des prescriptions communautaires, dont le fait de ne rester en France que pour bénéficier des prestations sociales ; ce n’est pas : « cherchez l’erreur », mais : « chassez le Rom », à la suite de la circulaire trop célèbre de l’été 2010.

Sur l’assignation à résidence pour placement sous surveillance électronique mobile, votre texte fait de l’utilisation du bracelet électronique une quasi-norme à la disposition de l’administration, contrairement à la décision du Conseil constitutionnel du 5 décembre 2005, et ce sans intervention du juge, sans consentement de la personne visée, d’où notre amendement.

Plus globalement, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, dans son avis du 5 juillet 2010, a clairement rappelé que « les étrangers ont comme les nationaux droit au respect de leur liberté individuelle » et que « leur enfermement ne peut devenir un instrument ordinaire de politique migratoire ». La CNCDH a expressément demandé le renoncement à la création des zones d’attente ad hoc, l’abandon de l’allongement de la durée de rétention administrative, l’institution d’un recours suspensif en cas d’application de la procédure prioritaire à un demandeur d’asile.

La CNCDH rappelle que « les règles communautaires ne doivent pas servir d’alibi à une politique migratoire restrictive qui contrarie l’engagement international de la France de rendre effective la possibilité reconnue à chacun de quitter son pays. »

Mes chers collègues, notre nation est le fruit de diversités, s’enrichissant au fil des siècles pour construire un sentiment national, une continuité historique. Les labeurs, les souffrances, les réussites des générations qui se sont succédé ne méritent pas un tel projet. La nation n’a pas de problème d’identité avec elle-même. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’a pas une ride, elle est le fil conducteur de la République ; la respecter loyalement, c’est pour nous le premier programme de tout élu de la République, celle dont la devise justifie pleinement que vous votiez avec conviction le renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je relèverai d’abord le propos tenu par M. Yvon Collin sur le rôle de la commission, l’intérêt du rapport qui a été rendu. Finalement, à quoi servons-nous ? C’est à cette question qu’il faut répondre ! C’est porter une accusation assez forte contre l’institution elle-même et contre le travail qu’elle réalise !

Si l’on renvoie un texte à la commission, c’est pour étudier d’autres sujets, d’autres thèmes, et travailler plus. Je voudrais simplement attirer l’attention sur le fait que les auditions auxquelles nous avons procédé étaient ouvertes à tous les membres de la commission. Or, je n’ai vu, à mes côtés, que quelques collègues ici présents, notamment Mmes Boumediene-Thiery et Borvo Cohen-Seat. Personne d’autre n’est venu participer à ces auditions pour débattre des sujets que vous venez de soulever ! Cela méritait d’être souligné. Les propos qui ont été tenus étaient sans doute dus uniquement à l’intérêt de la cause momentanée et ont certainement dépassé la pensée de celui qui les a prononcés.

J’en viens maintenant au fond.

Les auteurs de la motion fondent leur demande de renvoi à la commission sur le fait que, sur de nombreuses questions, le projet de loi contreviendrait à certains principes constitutionnels ou engagements internationaux de la France.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est l’exception d’irrecevabilité !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Bien sûr.

Or, tous les points cités par les auteurs de la motion ont fait l’objet d’un examen attentif de la commission, comme je viens de l’indiquer.

Ainsi, la commission s’est en particulier penchée sur la définition des zones d’attente, à laquelle elle a apporté les précisions et les modifications nécessaires.

Par ailleurs, s’agissant de l’intervention du juge judiciaire au cours de la procédure de rétention administrative et de la conformité avec les dispositions de l’article 66 de la Constitution, elle a adopté une position inverse de celle du projet de loi.

La commission a également travaillé sur les pouvoirs des juges de première instance et des juges d’appel, et elle a notamment réinstauré l’effet dévolutif de l’appel.

Elle a aussi veillé, s’agissant de la transposition de la directive européenne, à l’intelligibilité d’un certain nombre de dispositions transposées, afin qu’elles soient parfaitement compréhensibles.

Enfin, elle s’est attachée, en apportant les précisions requises, à garantir la constitutionnalité de certains dispositifs ajoutés par l’Assemblée nationale au projet de loi initial, en particulier du plus symbolique d’entre eux, l’extension des cas de déchéance de nationalité.

Rien ne semble justifier que ce texte soit renvoyé à la commission des lois. Les débats doivent continuer. En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur la motion.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Monsieur Collin, j’ai moi aussi été très surpris par vos propos. Vous mettez en effet en cause la qualité et l’importance du travail réalisé par la commission des lois du Sénat. Cette commission fait pourtant référence, me semble-t-il, dans le paysage politique français. Elle s’est en effet illustrée à plusieurs reprises par des attitudes et un travail de fond qui ont été remarqués. La mise en cause de la qualité de ce travail pour justifier un nouveau passage du projet de loi devant la commission ne laisse pas indifférent l’ancien sénateur que je suis. Je le répète, je suis un peu surpris par la violence des attaques qui ont été lancées contre la qualité du travail de la commission des lois.

À cet instant, je tiens à mon tour à remercier M. le président de la commission, M. le rapporteur, ainsi que tous les membres de la commission, de leur assiduité et des améliorations qu’ils ont apportées au texte.

M. Yung a rappelé que l’une des trois directives aurait dû être transposée au plus tard le 24 décembre 2010, les deux autres devant l’être avant juin ou juillet 2011. Il considère que, le délai de transposition ayant été dépassé de quelques semaines, le texte peut être renvoyé à la commission. Ce n’est à mon avis pas une bonne raison pour prendre tout notre temps. Ce ne serait pas de bonne politique.

Certes, la France a dépassé le délai du 24 décembre 2010. Le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité est toujours en cours de discussion, le Gouvernement n’ayant pas décidé d’avoir recours à la procédure accélérée sur ce texte. On ne va tout de même pas le lui reprocher. Ce serait à ne plus rien y comprendre !

Le dépassement du délai a été acté lorsque le champ de compétences du ministère de l’intérieur a été élargi à l’immigration voilà un peu plus de deux mois.

Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, disons-le clairement, la France n’est pas plus en retard que ses partenaires européens. À cet égard, je tiens à votre disposition un tableau comparatif des processus de transposition des différents États membres. Il n’y a pas à rougir de la situation de notre pays. Je pourrais aller plus loin sur ce sujet, mais je pense que c’est inutile.

Chacun ici comprendra que, compte tenu de ces quelques semaines de retard, il est important que nous nous attaquions désormais au travail de fond et à la discussion de ce projet de loi, d’autant plus, je le répète, que les membres de la commission des lois – et je les en remercie encore – ont réalisé un travail tout à fait remarquable.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur la motion tendant au renvoi à la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 7, tendant au renvoi à la commission.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission et du Gouvernement sont défavorables.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 148 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 152
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 1er A

Article additionnel avant le titre Ier

Mme la présidente. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La République assure, dans le respect de la Constitution et de ses engagements internationaux, une politique migratoire et d’asile respectueuse de la dignité de la personne humaine. Elle garantit, dans le respect des lois, à tout étranger qui en exprime la volonté, et quelle que soit sa condition, le droit de s’établir en France avec sa famille et de s’intégrer à la communauté nationale.

La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Nous venons de rappeler en défendant la motion tendant au renvoi à la commission les raisons qui fondent, pour la majorité des membres de notre groupe, notre opposition à ce texte. La transposition des trois directives communautaires, déjà largement évoquée, n’est qu’un prétexte pour renforcer la suspicion qui frappe les étrangers.

Le combat politique pour la dignité étant de ceux qui valent toujours la peine d’être menés, le présent amendement vise à rappeler les principes qui devraient logiquement inspirer une politique migratoire respectueuse des valeurs qui honorent la République : « La République assure, dans le respect de la Constitution et de ses engagements internationaux, une politique migratoire et d’asile respectueuse de la dignité de la personne humaine. Elle garantit, dans le respect des lois, à tout étranger qui en exprime la volonté, et quelle que soit sa condition, le droit de s’établir en France avec sa famille et de s’intégrer à la communauté nationale. »

Ces deux phrases, courtes et simples, véhiculent les valeurs auxquelles nous sommes profondément attachés et que nous entendons rappeler tout au long des débats à venir : la tradition d’ouverture sur l’autre et d’accueil qui a construit notre nation ; le syncrétisme d’individus d’origines diverses dans le creuset républicain, que nous ne confondons pas avec la dissolution de la nation dans le communautarisme ; le devoir d’intégration qui oblige aussi bien ces individus que la communauté nationale dans sa capacité à respecter les différences ; et bien sûr, plus que tout, le respect intangible des droits fondamentaux de la personne humaine, à commencer par la dignité.

Je rappelle, comme je l’ai déjà indiqué tout à l’heure, que nous ne sommes pas de ceux qui défendent l’idée que notre pays peut accueillir tout le monde dans n’importe quelles conditions. Notre Constitution, nos engagements internationaux et nos lois ont vocation à énoncer des droits, mais aussi à poser des limites légitimes aux flux migratoires.

À l’évidence, les limites posées par le présent texte outrepassent les principes que je viens de rappeler. Nous y reviendrons sans doute tout au long de la discussion des articles.

Cet amendement vise enfin à rappeler en filigrane que, à partir du moment où le sort de personnes est en jeu, les notions de performance ou de rentabilité, ou les chiffres, n’ont plus aucun sens, à l’opposé de la philosophie de ce projet de loi.

On nous répondra, j’imagine, que cet amendement est inutile au motif qu’il n’est pas normatif ou qu’il énonce des principes déjà pris en compte dans le projet de loi. Nous attendons impatiemment que nos débats fassent la démonstration éclatante que nous avons tort de nous inquiéter...

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 17 rectifié vise à énumérer les principes que la politique migratoire de la France devrait, selon ses auteurs, respecter.

Le rappel du respect de la dignité de la personne humaine est dénué de portée normative – c’est un point important – dans la mesure où cette exigence constitutionnelle s’impose au législateur comme au pouvoir réglementaire.

Ensuite, l’amendement vise à consacrer un droit et non une simple possibilité pour les étrangers de s’établir en France avec leur famille. Or, si le droit à mener une vie familiale normale fait d’ores et déjà l’objet d’une protection particulière, en revanche, aucune exigence constitutionnelle ni aucun engagement international n’imposent de consacrer un droit général à s’établir sur notre sol. Une telle consécration interdirait à l’État français de s’opposer, pour de justes motifs, à l’établissement d’un étranger sur son sol et lui ferait évidemment perdre la maîtrise de sa politique migratoire.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Cet amendement vise à énumérer les grands principes de la politique d’immigration, lesquels ont déjà été fixés en 2007, conformément aux engagements pris devant les Français par le Président de la République lors de son élection.

Ces principes ont été rappelés au début de nos débats. Ils sont connus, et je les rappellerai brièvement.

Premier principe, la France a le droit de choisir, comme tout pays au monde, ni plus ni moins, qui elle veut et qui elle peut accueillir sur son territoire.

Deuxième principe, tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d’origine, sauf situation particulière, notamment d’ordre humanitaire, politique, sanitaire ou sociale.

Troisième principe, un étranger qui est accueilli légalement sur notre territoire a pour l’essentiel les mêmes droits économiques et sociaux que les Français.

J’ajoute que le texte relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité n’est pas un projet de loi d’orientation. Son objet est non pas de fixer les grands principes de la politique d’immigration, mais de transposer trois directives européennes et de modifier les règles du contentieux des étrangers.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Avec cet amendement, nous retrouvons la discussion que nous avons eue hier avec M. le ministre de l’intérieur. C’est que nous sommes au cœur du débat : quelles sont les valeurs et les orientations profondes qui sous-tendent la politique de l’immigration ?

Et est-il meilleur endroit pour faire figurer ces grands principes et ces grandes orientations qu’en ouverture d’un texte dont l’examen va nous occuper pendant cinq ou six jours et qui traite de l’ensemble des questions relatives à l’immigration ? Non, et notre initiative est donc opportune ne serait-ce que sous cet angle-là.

Mais cet amendement serait de surcroît inutile et dénué de portée normative.

Monsieur le ministre, en vous écoutant j’ai compris que vous aviez une approche négative de l’immigration. Vous affirmez que la France ne peut pas accueillir tout le monde, en insistant sur les étrangers en situation irrégulière…

Mais ce n’est pas de cela que parle M. Collin ; son approche est positive. Il nous propose de préciser ce que doit être notre attitude envers les étrangers qui choisissent notre pays pour y résider « dans le respect des lois », pour reprendre la deuxième phrase de l’amendement.

Tout le monde s’accorde sur ce point ; aucun d’entre nous ne défend l’immigration clandestine !

Cet amendement vise uniquement les personnes de nationalité étrangère qui viennent en toute légalité s’établir en France souvent pour de nobles raisons. Ce sont des gens qui quittent des pays pauvres ou en grande difficulté et viennent chez nous pour travailler, souvent durement, dans les conditions que vous connaissez, afin de nourrir leur famille, restée au pays. De telles motivations morales et économiques sont respectables.

Ce ne sont pas des « gangsters » ; ce sont des personnes qui ont le droit d’être accueillies dans la dignité et le respect des valeurs de République !

C’est pourquoi nous soutiendrons cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous voterons également cet amendement, car, à l’instar de ses auteurs, nous estimons qu’il est important de rappeler les principes devant guider l’attitude de la France envers les étrangers.

Monsieur le ministre, chers collègues, en refusant un tel amendement, vous manifestez votre conception de l’immigration : la méfiance est la règle et l’accueil, l’exception !

Cela dit, je trouve dans cette attitude la preuve d’une véritable schizophrénie ! En effet, vous vous intéressez beaucoup plus aux immigrés qu’à ces employeurs qui déclarent explicitement vouloir continuer à embaucher des travailleurs immigrés, soit du fait de la pénurie de nationaux pour occuper certains emplois, soit tout simplement pour exploiter ces personnes étrangères, en les payant moins. C’est donc bien un problème de conception de l’immigration qui est ici posé.

Quelles que soient les visées actuelles de l’exécutif, la représentation nationale s’honorerait, me semble-t-il, de réaffirmer un principe général d’humanité de la République à l’égard des étrangers !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Pour notre part, nous voterons contre cet amendement, et ce en dépit de son inspiration,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est un amendement purement déclaratif !

M. Jean-Pierre Fourcade. … de la référence qui y est faite aux valeurs de la République et de notre volonté de ne pas manifester d’opposition de principe à toute forme d’immigration.

D’abord, la commission des lois, à laquelle je tiens à rendre hommage au nom de mon groupe, a fort bien travaillé sur le présent projet de loi, adoptant un certain nombre de modifications et formulant des propositions. Or insérer une telle disposition en préambule au présent projet de loi reviendrait à suggérer que la commission des lois n’a pas suffisamment travaillé. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Françoise Laborde. Dans ce cas, à quoi servons-nous ?

Mme Éliane Assassi. Nous sommes là pour travailler, nous aussi !

M. Jean-Pierre Fourcade. Mes chers collègues, je ne me suis pas permis de vous interrompre. Je vous prie donc d’en faire autant.

Mme Isabelle Debré. Un peu de correction !

M. Jean-Pierre Fourcade. Par ailleurs, dans l’état actuel du monde, compte tenu des circonstances climatiques, géographiques, économiques et politiques que nous connaissons, la rédaction de cet amendement, où le « respect des lois » figure en début de paragraphe et non à la fin, pourrait être interprétée comme un appel à faire venir en France tous ceux qui, quelle que soit leur situation, aspirent à une vie meilleure. Or c’est quelque chose que l’opinion publique ne supporte pas !

C’est pourquoi nous ne sommes pas favorables à l’insertion d’une telle disposition dans le texte issu des travaux de la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Nous voyons bien le débat dans lequel certains cherchent à nous enfermer.

Il y aurait, d’un côté, ceux qui feraient preuve de générosité envers le monde entier et seraient uniquement animés par les valeurs de la République et, de l’autre, ceux qui, en se prononçant contre cet amendement, seraient forcément des gens fermés aux autres et peu respectueux de nos valeurs fondamentales.

Franchement, je trouve cela insupportable ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.)

M. Richard Yung. De toute manière, ce n’est pas de cela qu’il s’agit !

M. Philippe Dallier. D’ailleurs, êtes- vous vraiment sincères lorsque vous tenez de tels propos !

Pouvez-vous véritablement soutenir que notre pays devrait faire droit à toutes les demandes, d’où qu’elles viennent ?

Mme Françoise Laborde. Mais non ! Il ne s’agit pas de cela !

M. Philippe Dallier. Il y a des milliards d’habitants sur Terre. Nous savons que, pour des millions d’entre eux, peut-être même des centaines de millions, les conditions de vie sont particulièrement difficiles, voire impossibles ! Et, selon vous, toutes les personnes qui en font la demande devraient avoir le droit de venir s’installer en France ?

M. Richard Yung. Ce n’est pas ce qui figure dans l’amendement !

M. Philippe Dallier. Mais si ! C’est bien de cela qu’il s’agit ! (Non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)