Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Je reprendrai les propos du rapporteur. À cet égard, je souhaiterais que, de temps en temps, ce que ce dernier exprime en son âme et conscience soit perçu comme la lettre de la loi.

Il affirme qu’il est impossible de créer un fichier parce que ce serait contraire au droit. Il est évident que la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, se prononcerait très rapidement sur le sujet ; telle est la réalité. Dès lors, comment voulez-vous construire toute une démonstration à partir d’un argument qui, par définition, n’est pas valable ?

Je le répète ici : supprimer l’article 2 ter, qui prévoit que l’étranger acquérant la nationalité française doit indiquer la ou les nationalités qu’il possède déjà et celle qu’il entend conserver, aurait évidemment des conséquences.

Tout d’abord, mesdames, messieurs les sénateurs, cet article a été introduit à l’Assemblée nationale ; il n’est donc pas d’origine gouvernementale. Je tenais à clarifier ce point pour que chacun comprenne bien la situation.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais les députés qui l’ont introduit sont vos amis !

M. Philippe Richert, ministre. Ensuite, lors des débats à l’Assemblée nationale, Éric Besson, alors ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, avait donné un avis favorable en insistant sur trois points.

Premièrement, l’objectif n’est nullement de remettre en cause la possibilité de posséder plusieurs nationalités ni même d’imposer de nouvelles conditions légales à l’acquisition de la nationalité française.

Deuxièmement, il ne s’agit évidemment pas non plus de créer un fichier de données personnelles ; aucun suivi de ce type ne sera réalisé.

Troisièmement, il s’agit de permettre la collecte d’informations statistiques pour parvenir à une meilleure connaissance du phénomène de plurinationalité.

Pour clore mon propos, j’avoue à titre personnel ne pas avoir eu l’occasion de contacter les députés à l’origine du dépôt de cet amendement,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est dommage !

M. Philippe Richert, ministre. … mais il ne me semble pas qu’il faille aujourd’hui en caricaturer l’objet ou en surestimer la portée, ni faire les rapprochements qui ont été suggérés voilà quelques instants.

À mon sens, il est tout à fait normal qu’une telle question soit évoquée lors d’un débat parlementaire.

Par conséquent, compte tenu des éléments factuels que je viens de rappeler et qui, bien entendu, sont également portés par le ministre de l’intérieur Brice Hortefeux, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les trois amendements. Je souhaite en effet que l’article conserve la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, vous avez expliqué votre avis en trois points : les deux premiers consistent à nier les arguments avancés par les auteurs des amendements et le troisième concerne l’établissement de statistiques.

Vous avez avoué vous-même ne pas connaître les intentions des députés à l’origine de l’introduction de cet article, ce qui est regrettable : quand le Gouvernement est favorable à une disposition, il est bon qu’il sache pourquoi elle a été présentée.

M. Philippe Richert, ministre. Je n’ai pas eu l’occasion de discuter avec eux !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour ma part, je vous pose la question : quel est le but d’une telle disposition ? Vous dites qu’elle permet d’établir des statistiques, mais vous savez comme moi qu’il est impossible d’établir des statistiques à caractère ethnique !

M. Philippe Richert, ministre. Mais je n’ai jamais dit qu’il s’agissait de statistiques « ethniques » !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous plaisantez ?

M. Philippe Richert, ministre. Non, je ne plaisante pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La nationalité donne des indications ethniques, vous le savez très bien ! Nous aimerions donc connaître les motivations réelles d’une telle disposition. Les députés qui en sont à l’origine ne sont pas présents pour nous répondre, mais nous pensons que le Gouvernement est tout de même en mesure de justifier la position qu’il a adoptée à ce sujet !

Au-delà du simple objectif avoué d’établir des statistiques – et de quelles statistiques s’agirait-il –, je ne suis pas certaine que des statistiques sur la double nationalité soient très utiles. Cela dit, vous savez très bien que les statistiques de ce type ont forcément un caractère ethnique !

M. Philippe Richert, ministre. Mais non !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si ! Pourquoi non ? Justifiez-le !

Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Mon explication ira dans le même sens que celle de Mme Borvo Cohen-Seat.

Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, j’avoue ne pas comprendre vos arguments. Vous affirmez, d’un côté, qu’il n’est pas question d’établir un fichier parce que c’est illégal et, de l’autre, que les informations recueillies serviront à établir des statistiques. Mais à partir de quoi construirez-vous celles-ci ? Sur quel critère ? Un critère de nationalité !

Dans ce cas, monsieur le ministre, vous devez avoir le courage de vos opinions et le dire clairement : vous souhaitez procéder à un repérage d’origines !

M. Philippe Richert, ministre. Mais non !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors dites-nous pourquoi !

Mme Alima Boumediene-Thiery. De telles pratiques ont malheureusement eu cours à une certaine époque dans notre pays. C’est la raison pour laquelle je commence réellement à m’inquiéter.

Monsieur le rapporteur, vous affirmez que l’étranger n’est pas lié par ses déclarations, mais il suffit de lire l’article 2 ter pour constater que c’est le contraire : « Lors de son acquisition de la nationalité française […] par déclaration, l’intéressé indique […] » ; voilà le lien ! Il est dans le texte ! Je sais encore lire le français ! Je suis allée à l’école française, je ne sais d’ailleurs lire que cette langue, monsieur le rapporteur.

Au demeurant, s’il n’y a vraiment aucun lien, pourquoi vous opposez-vous à la suppression de cet article ?

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung pour explication de vote.

M. Richard Yung. Je voudrais rappeler que l’article 2 ter est issu des travaux de l’Assemblée nationale et qu’il a été porté par un groupe de députés de l’UMP assez clairement identifié.

M. Richard Yung. Simultanément au dépôt de l’amendement portant article additionnel qui est devenu l’article 2 ter, M. Lionel Luca et quatorze de ses collègues du groupe UMP déposait un amendement tendant à empêcher toute possibilité de double nationalité.

M. Richard Yung. Et dans leur esprit, les deux dispositions étaient liées. Le groupe socialiste n’est évidemment pas favorable à une telle limitation de la double nationalité, à la mononationalité.

M. Philippe Richert, ministre. Nous non plus ! Nous l’avons indiqué !

M. Richard Yung. Je ne dis pas que c’est la position que vous défendez, monsieur le ministre, j’essaie d’éclairer le débat ; il y a le texte et le contexte.

Mme Éliane Assassi. C’est un ensemble !

M. Richard Yung. Je suis sénateur des Français de l’étranger : plus de la moitié de ces derniers – 60 % – ont la double nationalité, c’est-à-dire qu’ils cumulent la nationalité française et celle du pays où ils résident. Par conséquent, les personnes que je représente sont très sensibles à ce sujet.

L’initiative du député Lionel Luca est à rapprocher des tentatives de remise en cause du droit du sol et du processus de stigmatisation des mariages. D’ailleurs, un débat assez intéressant a eu lieu à l’Assemblée nationale – je vous invite à en consulter le compte rendu intégral – sur l’évolution du droit du sol et du droit du sang, qui constituait le cœur du sujet en discussion. Les débats sont ce qu’ils sont, mais on comprend du moins de quoi il s’agissait.

Marine le Pen s’est par exemple prononcée très clairement contre la possibilité de la double nationalité. À notre sens, une telle position revient à tourner le dos à l’évolution récente de la société.

Je vous rappelle que la France a dénoncé la Convention du Conseil de l’Europe de 1963, du moins l’article de cette convention qui interdisait la pluralité de nationalités pour les ressortissants des États signataires.

Ainsi, quand une Française épousait un Espagnol ou un Anglais – et inversement –, elle devait abandonner la nationalité française. Cette disposition était d’ailleurs une vaste plaisanterie, puisque la personne concernée, après avoir remis sa carte d’identité ou son passeport à l’autorité d’état civil du pays, pouvait se rendre au Consulat de France pour faire une nouvelle demande de carte d’identité ; comme vous le savez, on ne peut être déchu de la nationalité française selon le droit français. Donc ce dispositif ne fonctionnait pas. L’idée était néanmoins de réduire le nombre de ressortissants européens qui jouissaient d’une double nationalité.

Or dans un monde qui s’internationalise et où le nombre d’unions entre personnes de nationalité différente augmente, poser un tel objectif c’est tourner le dos à l’évolution de la société.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah ! Les mariages gris !

M. Richard Yung. C’est également pour ces raisons de fond que le groupe socialiste votera contre l’article 2 ter.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour explication de vote.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur la connaissance parfaite dont le ministère de l’immigration dispose au sujet des personnes qui, aujourd'hui, demandent et obtiennent leur naturalisation.

En effet, un étranger qui demande à acquérir la nationalité française est connu des services du ministère au minimum depuis cinq ans, dix ans ou plus pour certains ; pendant toutes ces années, le fichier application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France ou AGDREF répertorie toutes les informations à son sujet : origine, identité, parcours personnel. L’individu est donc parfaitement connu des services du ministère, et c’est ce qui lui permet d’ailleurs d’acquérir la nationalité française.

M. Philippe Richert, ministre. S’il connaît tout, quel est le problème ?

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, je ne vous ferai pas de mauvais procès en affirmant que vous cherchez à établir des statistiques ou des analyses qui n’auraient pas lieu d’être. La question que je me pose est la suivante : aujourd’hui, n’ajoute-t-on pas au droit des étrangers, qui est d’une complexité que personne ne peut nier, des éléments qui n’apportent rien, puisqu’ils existent déjà par ailleurs ?

À cet égard, je voudrais remercier le rapporteur de la commission des lois, qui nous a amenés à une décision de sagesse. Ce dernier faisait remarquer – je l’avais moi-même souligné – que, actuellement, une fausse déclaration de l’individu ne le liait pas pour l’avenir et qu’il n’était pas passible de sanction à ce titre. Dans ces conditions, quelle est l’utilité d’une telle disposition ? Telle est la question que nous nous posons les uns et les autres et qui devrait au moins inciter à s’en remettre à la sagesse du Sénat sur cet article.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Pour ma part, je souhaiterais poser une question car, contrairement à mes collègues, je ne suis pas une spécialiste du droit de l’immigration.

Dans un certain nombre de pays, la double nationalité n’est pas autorisée.

Mme Catherine Procaccia. Je voudrais savoir ce qui se passe quand nous accordons la nationalité française à un étranger : existe-t-il un lien avec les pays d’origine qui nous permet de les informer, notamment s’ils n’autorisent pas la double nationalité ? En effet, nous nous intéressons ici au cas de la France, mais peut-être faut-il également veiller à respecter le droit en vigueur dans les autres pays.

Mme Catherine Procaccia. Une personne peut en toute bonne foi demander la nationalité française sans savoir qu’elle risque de perdre sa nationalité d’origine, à laquelle elle tient.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nous allons peut-être nous arrêter là, non ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Il serait en effet souhaitable de clore le débat, mais je me dois cependant de répondre aux différents intervenants, et d’abord à Mme Procaccia.

S’agissant des autres pays, il n’y a pas réciprocité : nous ne demandons pas la réciprocité au pays d’origine.

Madame Escoffier, vous avez mentionné l’existence du fichier AGDREF. Vous savez bien, en tant qu’ancien préfet, que le fichier AGDREF est destiné aux étrangers. Par conséquent, dès qu’un étranger est naturalisé, dès qu’il acquiert la nationalité française, par définition, il n’est plus recensé dans ce fichier.

M. Philippe Richert, ministre. Vous êtes donc en train d’avancer des arguments qui démontrent que vos propos ne sont pas du tout compatibles avec les questions posées par M. Yung !

Monsieur Yung, vous avez dit que 60 % des Français de l’étranger étaient binationaux ; mais comment en êtes-vous arrivé à ce chiffre ? Il est impossible de le connaître, puisque il n’existe pas de fichier.

Mme Éliane Assassi. Vous allez en faire un !

M. Richard Yung. Il y a la liste électorale consulaire !

M. Philippe Richert, ministre. Nous n’avons pas, je le répète, de fichier et, madame Assassi, j’ai redit clairement, au nom de l’État français, qu’il n’était pas question d’en créer et donc, a fortiori, de créer un fichier ethnique !

Pour en revenir aux éléments statistiques, monsieur Yung, il faut être prudent quand on lance des chiffres et avancer des preuves. Or, à l’heure actuelle, il n’y a pas de données qui permettent d’appréhender, sous l’angle de la statistique, la plurinationalité.

L’objectif est donc de recueillir des données, non pas personnelles ou ethniques, madame Borvo Cohen-Seat, mais qui permettent une approche chiffrée.

À titre d’illustration, je me permets de vous poser une question, monsieur Yung. Lorsque l’INSEE, lors de ses enquêtes, interroge des personnes sur leur nationalité – ce qui arrive, nous le savons tous –, croyez-vous qu’il ait pour principe de dresser automatiquement des statistiques ethniques ? Évidemment pas ! L’objectif est tout simplement de rassembler des données pour connaître notre pays.

Je rappelle que le recueil de la nationalité est légal ; c’est sur les mêmes bases que celles qui autorisent l’INSEE à mener ce type d’enquête que l’article 2 ter prévoit le recueil de ces renseignements.

Je vous appelais tout à l’heure à nous faire parfois confiance. Eh bien, croyez-moi, il n’est pas question de créer un fichier de données personnelles, et ce ne serait pas possible, tout simplement parce que la création de tels fichiers est interdite par nos textes, sur la confidentialité des données notamment.

Il n’est évidemment pas dans nos intentions de détourner ces textes dans l’article 2 ter et, comme M. le rapporteur, je le répète, ayant maintenant répondu à celles et ceux qui viennent d’intervenir, je souhaite le maintien de cet article dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27 rectifié, 104 et 277 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2 ter.

(L'article 2 ter est adopté.)

Article 2 ter (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article additionnel après l'article 3

Article 3

I. – L’article 21-28 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Au cours de la cérémonie d’accueil, la charte des droits et devoirs du citoyen français mentionnée à l’article 21-24 est remise aux personnes ayant acquis la nationalité française visées aux premier et troisième alinéas. »

II. – Après la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 114-3 du code du service national, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« La charte des droits et devoirs du citoyen français mentionnée à l’article 21-24 du code civil leur est remise à cette occasion. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 28 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 105 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, nous avons déjà exprimé notre opposition à la charte des droits et devoirs du citoyen français, et cet amendement pourrait donc n’être que de coordination.

Cependant, à titre tout à fait personnel, il ne me paraît pas de mauvaise gestion que la charte soit remise à l’intéressé dès lors qu’elle a été signée. Je ne saurais donc m’opposer au paragraphe 2 de l’article 3.

Quant au paragraphe 4, qui prévoit la remise de la charte à chaque Français lors de la journée défense et citoyenneté, je dois dire que j’y suis très favorable. C’est en effet l’occasion d’associer, dans la même information, tous nos jeunes.

Une telle position va, certes, à contre-courant de la demande de suppression de l’article, mais, je le disais, le présent amendement a été présenté par coordination avec un précédent amendement.

Je vais donc être très honnête, monsieur le ministre : dès lors que ce précédent amendement n’a pas été accepté et que le principe de la charte est inscrit dans la loi, je ne peux pas ne pas dire que j’estime qu’il s’agit de très bonnes dispositions.

M. Philippe Richert, ministre. Je vous remercie, madame Escoffier.

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 105.

Mme Éliane Assassi. L’article 3 prévoit que la charte des droits et des devoirs du citoyen français est remise aux personnes ayant acquis la nationalité française lors des cérémonies d’accueil et à tous les Français quand ils participent à la journée défense et citoyenneté.

C’est bien le seul article du texte qui n’introduit pas de différenciation entre les citoyens qui acquièrent la nationalité française et ceux qui la possèdent dès la naissance !

Évidemment, ce n’est qu’un article sans portée ni envergure, qui ne change rien à la politique d’immigration et d’intégration.

En outre, même après les débats de ce matin, le contenu de cette charte demeure inconnu. On sait seulement qu’elle « rappelle les principes et valeurs essentiels de la République », formule dont nous avons dénoncé le caractère flou et subjectif.

Quoi qu’il en soit, la charte n’aura aucun impact sur la vie réelle : elle n’affronte aucune des questions liées à l’intégration, à l’investissement dans la vie publique et politique du pays, à la participation à celle-ci. Elle restera donc une simple déclaration d’intention et de principe.

Lors de la cérémonie, est également remis le livret d’accueil, qui peut contenir des éléments tels que les paroles de La Marseillaise ou que les textes de la Constitution et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen...

Nous estimons que cette remise officielle est sans portée et qu’elle relève d’un « folklore républicain » servant à porter un discours identitaire et national souvent réducteur.

En matière d’immigration et d’intégration, il y a tant à faire que nous refusons de cautionner ces mesures simplistes et démagogiques.

Nous souhaitons donc supprimer cet article dérisoire au regard des autres mesures du projet de loi qui portent de graves atteintes au droit des migrants et des étrangers.

Même si la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est – tout le monde en conviendra – un texte fondamental, qu’est-ce qu’en faire l’objet d’une remise lors d’une cérémonie peut-il bien changer ?

Cela étant dit, la majorité serait quant à elle bien inspirée de la relire, car ce projet de loi contient, lui, de véritables violations des droits de l’homme et des principes fondamentaux de la République !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Madame la présidente, je me permettrai d’abord, compte tenu de ses explications, de demander à Mme Escoffier si elle retire son amendement.

Mme la présidente. Madame Escoffier, l'amendement n° 28 rectifié est-il maintenu ?

Mme Anne-Marie Escoffier. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 28 rectifié est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois est évidemment défavorable à l’amendement de suppression n° 105 : la remise de la charte est un moment symbolique important qu’il convient de conserver.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. D’abord, je veux remercier Mme Escoffier de sa sincérité. Il y a, en effet, un moment pour se battre, mais, une fois que les choix sont actés, autant en tirer toutes les conséquences.

S’agissant ensuite de l’amendement n° 105, j’ai trouvé les propos de Mme Assassi un peu excessifs, mais chacun a, bien sûr, le droit d’exprimer à sa manière ses opinions.

Pour avoir participé à des remises de certificats de nationalité française, je peux dire, madame Assassi, qu’il peut s’agir de moments très forts.

Comme Mme Escoffier, j’estime très franchement que l’occasion de la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française est bien choisie pour marquer l’intégration dans notre communauté et exprimer l’unité de celle-ci, raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 105.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)