M. le président. L'amendement n° 391, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les prescriptions liées à l'assignation à résidence ne peuvent faire obstacle au droit d'accès des mineurs au système éducatif.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je serai encore plus rapide, si vous me le permettez, monsieur le président.

Nous considérons que les prescriptions liées à l’assignation à résidence ne peuvent faire obstacle au droit d’accès des mineurs au système éducatif, puisqu’il n’a échappé à personne que l’école est obligatoire quand on est sur le territoire de la République française, que l’on soit titulaire de papiers ou non.

M. le président. L'amendement n° 62 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 17, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et indique les délais et voies de recours

II. – Alinéa 17, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et indiquant les délais et voies de recours.

M. Jacques Mézard. Cet amendement est retiré, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 62 rectifié est retiré.

L'amendement n° 61 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 17, deuxième phrase

Supprimer les mots :

ou plus

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement, qui porte sur l’alinéa 17 de l’article 33, pose le problème du renouvellement indéfini de l’assignation à résidence de l’étranger. Selon nous, il faut être vigilant sur ce sujet, même s’il existe déjà des garde-fous.

L’assignation à résidence peut être prononcée, aux termes de l’alinéa 17, pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois ou plus. Cela fait problème. C’est pourquoi nous proposons de supprimer les mots « ou plus ».

M. le président. L'amendement n° 499, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Si l'étranger présente une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, l'autorité administrative peut le faire conduire par les services de police ou de gendarmerie jusqu'aux lieux d'assignation.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec la LOPPSI.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements, à l’exception de celui qu’elle a elle-même présenté ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 11 tend à supprimer les alinéas relatifs à l’assignation à résidence des étrangers qui ne peuvent quitter le territoire français.

Ces alinéas reprennent les dispositions de l’article L. 513–4 du CESEDA, actuellement en vigueur, les conditions posées étant les mêmes. La seule nouveauté consiste dans la limitation dans le temps de la mesure, qui ne pourra pas dépasser une année.

La commission des lois demande le retrait de cet amendement ; à défaut elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 491 vise à supprimer toute référence à la notion d’« interdiction de retour sur le territoire français ». Pour les raisons déjà exposées, la commission émet un avis défavorable.

L’amendement n° 176 est un amendement de coordination qui a pour objet de supprimer la mention de l’obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire. La commission a émis un avis défavorable.

Sur l’amendement n° 385, pour les mêmes raisons, elle émet le même avis : défavorable.

L’amendement n° 386 tend à prévoir que l’étranger qui a sollicité une aide au retour après avoir été placé en rétention peut être assigné à résidence.

Or, les dispositions du CESEDA ainsi visées concernent le cas où l’étranger est dans l’impossibilité de quitter le territoire français, ce qui ne correspond pas au cas visé par les auteurs de l’amendement.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 64 rectifié a pour objet de prévoir que les étrangers assignés à résidence, en mesure alternative à la rétention, peuvent bénéficier d’une autorisation de travail.

Or, les étrangers concernés par ce type d’assignation à résidence seront, en principe, rapidement éloignés du territoire : il ne serait donc pas logique d’accéder à cette demande.

La commission émet un avis défavorable.

Pour les mêmes raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 179, qui tend à prévoir que, comme dans certains cas d’expulsion, l’étranger assigné à résidence peut bénéficier d’une autorisation de travail.

En ce qui concerne l’amendement n° 387, même commentaire et même avis défavorable.

L’amendement n° 390 tend à prévoir que l’étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement et ayant un enfant à charge soit autorisé à se maintenir provisoirement sur le territoire avec une assignation à résidence.

La mesure d’assignation à résidence vise non pas à autoriser l’étranger à se maintenir sur le territoire, mais à s’assurer de sa présence dans des lieux fixés, en vue de son éloignement.

En outre, les dispositions visées ici concernent les cas où l’étranger est dans l’impossibilité de quitter la France ou de rejoindre son pays, ce qui ne correspond pas, je pense, à l’intention des auteurs de l’amendement.

La commission a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 391 a pour objet de préciser que l’assignation à résidence ne peut faire obstacle au droit d’accès des mineurs au système éducatif.

Je rappelle qu’en France la scolarité est obligatoire pour les enfants en école primaire, y compris en cas d’assignation des parents à résidence, en vertu de l’article L. 131–1 du code de l’éducation.

La commission estime que l’amendement est satisfait et demande son retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Quant à l’amendement n° 61 rectifié, contrairement à ce que craignent ses auteurs, le texte prévoit que l’assignation à résidence ne pourra durer au total plus d’un an.

En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Par l’amendement n° 64 rectifié, vous proposez, monsieur Mézard, que chaque décision d’assignation à résidence concernant un étranger en instance d’éloignement soit assortie d’une autorisation de travail.

Or il faut éviter une approche systématique. L’autorisation doit être accordée au cas par cas.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement ainsi que sur l’amendement identique n° 179.

En revanche, je suis favorable à l’amendement n° 499 présenté par M. le rapporteur.

Par l’amendement n° 11, Mme Alima Boumediene-Thiery considère que la mesure d’assignation à résidence est trop restrictive.

Or, je le rappelle, elle est strictement conforme à l’obligation de transposition des articles 9 et 14 de la directive Retour. Cela donne de surcroît à l’étranger en situation irrégulière une certaine sécurité juridique.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 491, comme sur les amendements identiques nos 176 et 385.

De même, il est défavorable à l’amendement n° 386, ainsi qu’à l’amendement n° 387 – pour les raisons évoquées par M. le rapporteur – et à l’amendement n° 390.

L’amendement n° 391 est inutile, me semble-t-il, puisque le code de l’éducation prévoit déjà que l’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six et seize ans. Cela signifie que l’accès au système éducatif est juridiquement assuré.

En ce qui concerne l’amendement n° 61 rectifié, j’émets également un avis défavorable.

Enfin, monsieur Sueur, je ne résisterai pas à la tentation de vous rappeler deux points précis.

Tout d'abord, vous avez employé encore une fois le mot « bannissement ». Or nous avons mené des recherches, et le dictionnaire de l’Académie française…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il adore cela !

M. Brice Hortefeux, ministre. … donne pour ce terme la définition suivante : « Condamner quelqu'un à quitter son pays, sa patrie, ou lui en interdire l’entrée ».

Cette définition montre clairement que votre utilisation du mot « bannissement » est inappropriée.

Ensuite, vous vous êtes tourné tout à l'heure vers Mme Giudicelli et avez évoqué avec ironie la « République irréprochable ». Je ne veux pas relancer un débat qui n’est pas celui d’aujourd'hui, mais je tiens tout de même à préciser deux points, puisque vous avez interpellé votre collègue et que celle-ci, par un mouvement de tête, me donne son assentiment pour vous répondre.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous êtes visionnaire, monsieur le ministre !

M. Brice Hortefeux, ministre. Non, observateur, monsieur Sueur. C’est totalement différent.

Premièrement, vous devez constater que c’est pendant ce quinquennat, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, que, pour la première fois dans l’histoire de la République, un contrôle a été mené par la Cour des comptes sur le budget de l’Élysée. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat manifeste son ironie.) Cela ne s’était jamais produit auparavant.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vous demande pas de vous en réjouir bruyamment ou d’applaudir frénétiquement à cette mesure, mais vous pourriez au moins avoir une moue de satisfaction.

Deuxièmement, et dans le même ordre d’idée, c’est aussi sous ce quinquennat que, pour la première fois, tant le Président de la République que le Premier ministre ont décidé d’acquitter sur leurs fonds personnels les frais liés à leurs déplacements privés.

Je ne porte pas de jugement sur les pratiques qui existaient antérieurement : je constate que ces deux mesures très concrètes, précises et lisibles ont été adoptées sous la présidence de Nicolas Sarkozy. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Madame Borvo Cohen-Seat, comme vous n’avez jamais été directement associée au pouvoir, vous pouvez faire des commentaires (M. Gérard César sourit.), mais M. Sueur, lui, est naturellement obligé d’approuver cette mesure.

Enfin, monsieur le sénateur, je suis très sensible aux préoccupations que vous avez exprimées au sujet des futures vacances des ministres. Des mesures ont en effet été décidées ce matin par le Président de la République. Peut-être renoue-t-on ainsi avec une tradition ancienne, gaulliste, qui, il est vrai – je vous l’accorde bien volontiers –, était tombée en désuétude dans les gouvernements précédents, quels qu’ils soient. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. François Trucy. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 491.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, comme toujours, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt vos propos.

Tout d'abord, je souligne que tout ce qui va dans le sens de la vertu ne peut que recevoir notre assentiment.

Ensuite, s'agissant du bannissement, j’ai été sensible à votre référence à l’Académie française. J’observe d'ailleurs que M. le ministre chargé des collectivités territoriales est revenu en séance ; il a senti que le débat reprenait ! (Sourires.)

Toutefois, j’en suis désolé, la référence au dictionnaire de l’Académie française – on eût pu, naturellement, se reporter également à celui de la maison Larousse, de Paul Robert, de Furetière ou de Littré, tant il en existe – ne change rien à l’affaire, comme aurait dit Georges Brassens. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)

Ici, l’étranger se voit infliger une condamnation à ne pas revenir. On lui dit : « Monsieur – ou madame –, vous ne pouvez pas rentrer en France », pendant une période limitée, certes, mais cette interdiction s’applique bien.

Monsieur le ministre, j’ai demandé hier soir – naturellement, je ne poserai pas de nouveau la question aujourd'hui – en quoi il était utile à la République française qu’un tel dispositif existât.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bon emploi du subjonctif imparfait.

M. Roland Courteau. Il n'y a pas eu de réponse !

M. Jean-Pierre Sueur. En effet, monsieur Courteau, nous n’avons rien entendu, et je vous sais pourtant très attentif.

Un vote a eu lieu, et nous le respectons. Toutefois, selon nous, il a autorisé le bannissement, nonobstant le dictionnaire de l’Académie française et tous les autres.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pourtant, vous vous servez des dictionnaires !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Hyest, vous vous réveillez soudain ! Mais que se passe-t-il ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Marques d’agacement sur les travées du groupe UMP.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Méfiez-vous !

M. Jean-Pierre Sueur. En fait, M. Hyest ne dort jamais. Il a toujours l’esprit en éveil.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pourtant, vous me fatiguez parfois !

M. Jean-Pierre Sueur. Je le sais, et d'ailleurs je vous rends hommage. (Sourires.)

Pour nous, il s'agit d’un point de débat très important…

M. François Trucy. Un point de broderie.

M. Jean-Pierre Sueur. … et nous aurions souhaité que, sur cette question, comme sur celle de la déchéance de la nationalité, le Sénat prenne une position claire. C’est notre opinion, et nous l’exprimons.

Enfin, vous m’avez convaincu, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, pour ce qui concerne l’amendement n° 391. En effet, vous avez affirmé, à juste titre d'ailleurs, qu’il existait dans la République une obligation d’éducation pour tous les enfants présents sur notre sol, y compris ceux dont les parents font l’objet d’une assignation à résidence. Aussi, à la suite de vos explications, nous retirons cet amendement. (M. François Trucy marque sa satisfaction.)

M. le président. L’amendement n° 391 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 491.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 176 et 385.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 386.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 rectifié et 179.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 387.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 390.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Mézard, l'amendement n° 61 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Mézard. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 499.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 63 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 178 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

L'amendement n° 392 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 20, dernière phrase

Remplacer le mot :

quarante-cinq

par le mot :

vingt

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 63 rectifié.

M. Jacques Mézard. L’alinéa 20 de l’article 33 concerne l’assignation à résidence.

Sans relancer le débat précédent, j’observe qu’a été créée aujourd'hui l’obligation de rester en France – l’OREF (Sourires.) –, à laquelle les ministres sont contraints de déférer. Je leur souhaite d'ailleurs de pouvoir saisir le juge des libertés afin d’être autorisés à voyager hors de nos frontières.

Cela dit, l’administration pourra, dans les hypothèses visées à l’alinéa 20 de l’article 33, prononcer une assignation à résidence pour une durée pouvant aller jusqu’à quarante-cinq jours et renouvelable une fois.

Or un tel délai me semble tout à fait disproportionné au regard de l’article 41 du projet de loi, qui prévoit que le juge des libertés et de la détention – un magistrat indépendant – peut ordonner la prolongation de la rétention pour une durée maximale de vingt jours.

Nous considérons quant à nous – il s'agit toujours du même débat de principe – qu’il est anormal que les pouvoirs de l’administration soient supérieurs à ceux d’un magistrat dont le rôle est de protéger les libertés, comme le précise d'ailleurs l’article 66 de la Constitution.

Il nous semble donc logique de rendre homogènes ces deux délais.

En ce qui concerne l’assignation à résidence, j’ai noté que M. le rapporteur faisait preuve d’une prudence qu’il convient de saluer.

En effet, dans son rapport, il a souligné que cette nouvelle mesure d’assignation à résidence comme alternative à la rétention « ne semble pas totalement compatible avec l’article 15 de la directive Retour qu’elle vise à transposer ».

Il a même ajouté que « l’assignation à résidence, telle que définie par l’article L. 561–2 nouveau, constitue simplement une alternative à la rétention, que le préfet n’est en aucun cas tenu de mettre en œuvre, même si une telle mesure est suffisante pour s’assurer de la personne de l’étranger en instance de reconduction. »

Pour lui, « introduire une priorité de l’assignation à résidence serait d’une part largement incompatible avec les conditions concrètes de l’éloignement des étrangers, d’autre part serait sans doute à l’origine d’un contentieux abondant. »

Ici encore, on reconnaît que ce projet de loi crée des difficultés juridiques : manifestement, ces dispositions n’entrent pas dans le cadre de la transposition de la directive Retour ; en outre, on permet au pouvoir administratif d’assigner un étranger à résidence pendant des délais considérables, puisqu’il s'agit non pas de vingt jours, mais de quarante-cinq jours renouvelables, soit quatre-vingt-dix jours au total.

Il y a ici un glissement, qui n’est pas un glissement progressif vers le plaisir, mais qui, malheureusement, est contraire à nos principes en matière de libertés individuelles et fondamentales.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 178.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Moi aussi, je considère que cette disposition ne peut être maintenue.

Le juge des libertés et de la détention, saisi par l’administration dans le cadre d’une demande de prolongation du maintien en rétention, peut ordonner l’assignation à résidence d’un étranger pour une durée maximale de vingt jours, celle qui est prévue à l’article 41 du projet de loi.

Or une mesure administrative particulièrement contraignante pour l’étranger et portant atteinte à sa liberté d’aller et venir ne doit pas pouvoir excéder dans sa durée une décision prononcée par un magistrat.

En outre, ce dispositif instaure une discrimination entre l’étranger qui fera l’objet d’une mesure d’assignation à résidence prononcée par le juge des libertés et de la détention et celui qui se verra assigné par l’administration.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l'amendement n° 392.

Mme Patricia Schillinger. En l’état du droit, dans le cadre d’une demande de prolongation du maintien en rétention, le juge des libertés et de la détention, saisi par l’administration, peut ordonner l’assignation à résidence d’un étranger pour une durée maximale de vingt jours, renouvelable une fois, soit quarante jours au total.

Parallèlement, le présent article du projet de loi permet à l’autorité administrative d’assigner un étranger à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois, soit quatre-vingt-dix jours au total.

Or une mesure administrative particulièrement contraignante pour un étranger et portant atteinte à sa liberté d’aller et venir ne doit pouvoir excéder, dans sa durée, une décision prononcée par un juge judicaire.

Aussi, cette disposition, qui libère le pouvoir coercitif de l’administration, peut faire craindre une utilisation excessive de l’assignation à résidence.

En effet, le recours par l’administration à cette modalité de restriction de liberté n’est ni anodin, ni indolore pour les droits des étrangers.

En vertu de l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, un placement en assignation à résidence entraîne automatiquement la mise en place d’un examen à juge unique, sans rapporteur, et dans un délai de soixante-douze heures après la contestation de l’obligation de quitter le territoire français, le refus de délai de départ volontaire et de l’interdiction de retour.

Par conséquent, alors que l’étranger peut bénéficier d’une assignation à résidence d’une durée maximale de quatre-vingt-dix jours, son sort est jugé en trois jours.

Or l’urgence imposée par la rétention administrative, privative de liberté, qui justifie que le juge administratif soit tenu de statuer dans un délai très bref, n’existe nullement en matière d’assignation à résidence.

Les étrangers soumis à une assignation à résidence doivent donc bénéficier du même régime de contentieux administratif que ceux qui disposent d’une pleine liberté.

En revanche, étant donné que l’assignation à résidence représente une restriction importante à la liberté d’aller et venir, l’étranger doit avoir la possibilité d’effectuer un recours contre cette décision.

Pour ces différentes raisons, nous demandons que le pouvoir du juge administratif en matière d’assignation à résidence soit calqué sur celui du juge des libertés et de la détention.

Ainsi, eu égard aux conséquences pour les droits des étrangers, précédemment évoquées, le juge administratif ne doit pouvoir assigner un étranger à résidence que pour une durée maximale de vingt jours, à l’instar du juge des libertés et de la détention. Il en est de même pour la prolongation de l’assignation à résidence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les trois amendements identiques nos 63 rectifié, 178 et 392 tendent à prévoir que la mesure d’assignation à résidence comme mesure alternative à la rétention puisse être prononcée pour une durée de vingt jours renouvelable une fois et non pas, comme le prévoit le projet de loi, de quarante-cinq jours renouvelable une fois.

Je rappelle que ce délai de quarante-cinq jours a été fixé pour correspondre à la durée maximale de la rétention administrative.

Toutefois, tandis que le juge des libertés et de la détention intervient, dans le cas de la rétention, au bout de quarante-huit heures puis, une seconde fois, dans le délai de vingt jours, il n’interviendrait pas du tout dans le cas de l’assignation à résidence prévue comme alternative à la rétention.

Il peut donc sembler raisonnable de limiter la durée de cette assignation, celle-ci restant tout de même une restriction de liberté. Sur ce point, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. L’idée des auteurs de ces amendements identiques est de limiter à vingt jours la durée pendant laquelle l’autorité administrative peut assigner à résidence un étranger en situation irrégulière plutôt que de le placer en rétention.

Il s’agit bien d’une mesure alternative à la rétention. Il est donc logique qu’elle soit de même durée, soit de quarante-cinq jours au maximum. Cette disposition est évidemment plus favorable à l’étranger que la rétention, puisqu’elle ne restreint pas sa liberté de circulation.

C’est la raison pour laquelle nous avons tous intérêt à maintenir le délai de quarante-cinq jours prévu par le texte, par homothétie avec ce qui était prévu en termes d’alternative à la rétention.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. J’estime, à titre personnel, qu’il faut durcir les positions et les mesures actuelles en matière d’immigration, mais de façon cohérente. De ce point de vue, l’argument qui consiste à établir une comparaison entre le pouvoir du juge et celui de l’administration me semble tout à fait pertinent.

Il faut respecter les juges. Après les propos particulièrement malvenus tenus récemment par le chef de l'État à leur égard, c’est aujourd'hui l’occasion pour le Parlement de témoigner de son respect pour leur fonction.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, puisqu’il n’y a plus qu’un ministre présent au banc du Gouvernement au lieu de deux…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y en a eu trois !

M. Jacques Mézard. En effet, monsieur le président de la commission !

M. Philippe Richert, ministre. C’est le prix de gros ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard. Je ne me serais pas permis d’utiliser cette expression, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)

Dans votre avis, vous avez dit, me semble-t-il, que l’assignation à résidence ne portait pas atteinte à la liberté de circulation. C’est un argument qui me paraît assez contestable, à moins que je n’aie pas bien compris ce que signifie une assignation à résidence.

Soyons très clairs : il s’agit d’une mesure coercitive.

M. Philippe Richert, ministre. Bien sûr !

M. Jacques Mézard. J’entends bien que votre propos est de dire que la mesure de l’assignation à résidence est moins grave que la rétention.