M. Alain Anziani. Cet amendement vise à supprimer la deuxième et la dernière phrase de l’alinéa 9.

Ces phrases, assez particulières, disposent que « l'officier ou l'agent de police judiciaire ne peut s'opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête ou à la dignité de la personne. Mention de ce refus est portée au procès-verbal. » Je tiens à faire deux observations.

Premièrement, je ne vois pas l’utilité de ces dispositions. En effet, l’avocat peut poser des questions. Si on considère qu’il n’y a pas lieu d’y répondre, on n’y répond pas. Il n’y a pas d’obligation de répondre aux questions posées par l’avocat. Je ne vois donc pas l’intérêt de l’interdiction qui pourrait être faite à l’avocat de poser certaines questions.

Deuxièmement, quelle personne est à même d’apprécier qu’une question doit être posée ou non ? Cela n’est pas une petite question. L’officier de police judiciaire, selon qu’il se trouve dans telle ou telle ville ou dans tel ou tel commissariat ou gendarmerie, peut-il affirmer que telle question ne lui convient pas, le dérange trop ou va trop loin ? Est-ce vraiment à cet officier de juger de l’opportunité de la question ? S’il considère qu’une question est outrageante, le problème est tout autre. Nous connaissons en effet les règles de déontologie qui s’imposent à un avocat, et le bâtonnier a, dans une telle situation, le pouvoir d’intervenir.

Si la question n’est pas outrageante et qu’elle porte simplement sur le dossier lui-même, je pense que ce n’est pas à l’officier de police judiciaire de décider si elle peut être posée ou non, sachant que, comme je l’ai dit, il n’y a pas d’obligation de réponse.

M. le président. L'amendement n° 122 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 9, deuxième phrase

Supprimer les mots :

ou à la dignité de la personne

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. L’alinéa 9 est non pas stupéfiant, mais extraordinaire !

Sa relecture est souhaitable. Le texte est le suivant : « À l'issue de chaque audition à laquelle il assiste, l'avocat peut poser des questions. L'officier ou l'agent de police judiciaire » – le problème est ici le même que celui précédemment évoqué – « ne peut s'opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête ou à la dignité de la personne. Mention de ce refus est portée au procès-verbal. »

Je propose, par le biais de l’amendement n° 122 rectifié, que soient supprimés les mots « ou à la dignité de la personne ».

Ces mots sont extraordinaires ! Je considère tout d’abord qu’une telle formule est profondément insultante – j’insiste sur ce mot – pour la profession d’avocat ! En effet, cela signifie que, dans un texte de loi, le législateur part du principe que l’avocat posera des questions contraires à la dignité de la personne. Cela est assez extraordinaire, et dénote l’état d’esprit des auteurs de ce texte ! La forme est ici aussi grave que le fond !

Nous sommes vraiment au cœur du problème. En effet, ce qui est sous-entendu est extravagant. L’avocat chargé d’assurer la défense d’une personne placée dans une situation difficile – elle est gardée à vue, c’est logiquement une situation d’affaiblissement psychologique – pourrait, à en croire le texte, poser des questions attentatoires aux principes dont il assure précisément la protection.

De surcroît, la profession d’avocat est, d’une manière générale, soumise à des règles déontologiques. Si un avocat ne respecte pas ces règles, il appartient à l’officier de police judiciaire de saisir le procureur, qui prendra les mesures nécessaires vis-à-vis du bâtonnier de l’ordre des avocats.

En introduisant de telles dispositions dans ce texte de loi, ses auteurs sont allés très loin dans un sentiment de défiance ! Cela s’inscrit dans une mécanique très révélatrice de l’état d’esprit qui les anime.

À cela s’ajoute le fait que l’audition menée dans le cadre de la garde à vue n’est pas comparable à celle qui est menée dans le cabinet du juge d’instruction.

La référence à la dignité de la personne me semble, je le répète, inadmissible !

Que chacun fasse son travail et dans de bonnes conditions. À ce titre, étant donné ce qu’il s’est passé lors de gardes à vue depuis un certain nombre d’années, je ne pense pas qu’il soit de bon goût de donner des leçons aux avocats !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh !

M. Jean-Pierre Fourcade. Mézard s’enflamme !

M. le président. L'amendement n° 37, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 9, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

L'officier ou l'agent de police judiciaire retranscrit au procès-verbal d'audition les questions posées et les réponses faites y compris celles formulées par l'avocat, ainsi que les éventuels refus de répondre.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Notre amendement porte sur la dernière phrase de l’alinéa 9. Je partage d’ailleurs ce qui vient d’être dit s’agissant de la sombre référence à des propos attentatoires à la dignité de la personne. Je soutiens donc les amendements de mes collègues.

Dans le cas où l’officier de police judiciaire prend la décision de s’opposer à une question – décision qui porte inévitablement atteinte au droit à bénéficier d’une défense effective –, il mentionne ce refus au procès-verbal.

Par cet amendement, nous souhaitons que les obligations de l’officier de police judiciaire soient quelque peu élargies. À cette fin, nous demandons que l’officier retranscrive au procès-verbal d’audition, en plus des éventuels refus, l’ensemble des questions posées et des réponses qui ont été faites. Il s’agit donc ici de retranscrire ce qui se passe lors de la phase qui démarre avec l’instruction.

Cette précision entraîne, il est vrai, une charge supplémentaire de travail pour les officiers de police judiciaire. Toutefois, nous pensons qu’elle est très importante pour garantir les droits de la personne gardée à vue.

M. le président. L'amendement n° 123 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 9, dernière phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, avec le texte intégral de la ou des questions posées par l’avocat 

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Je tiens à préciser que le corporatisme est absent de mon processus de pensée. Je le démontre souvent par certaines de mes déclarations relatives au Conseil national des barreaux ou au fonctionnement de la défense.

Néanmoins, comme nombre de mes collègues, je suis particulièrement attaché à certaines règles fondamentales.

L’amendement n° 123 rectifié vise à modifier l’alinéa 9. Ce dernier précise en effet qu’en cas de refus d’une question de l’avocat « Mention de ce refus est portée au procès-verbal. » Il serait souhaitable de compléter cette phrase par les mots «, avec le texte intégral de la ou des questions posées par l’avocat ».

En effet, dans la suite de la procédure, il peut être intéressant, pour la personne gardée à vue – elle sera renvoyée ou non devant un tribunal – comme pour la victime, que la question refusée soit inscrite au procès-verbal. Une telle mention permettra d’ailleurs de limiter le nombre de refus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Contrairement aux auteurs des différents amendements, je pense qu’il est nécessaire que la loi prévoie la discipline des auditions.

En matière de procédure pénale, il n’est pas possible de s’en remettre à une circulaire ministérielle ou à des textes réglementaires. La commission ne peut par conséquent qu’être défavorable aux amendements qui visent à supprimer les dispositions relatives à la discipline des auditions. C’est le cas de l’amendement n° 90.

S’agissant de l’amendement n° 122 rectifié, M. Mézard affirme qu’imaginer qu’un avocat puisse poser des questions attentatoires à la dignité de la personne équivaut à présumer que l’avocat puisse avoir, dès le départ, de mauvaises intentions.

M. Jean-Pierre Fourcade. Cela peut arriver…

M. François Zocchetto, rapporteur. Vous considérez donc que la manière de procéder est mauvaise. En effet, si des dispositions prévoient que l’avocat pourrait avoir de mauvaises intentions, pourquoi ne pas envisager que d’autres parties, l’officier de police judiciaire en l’occurrence, puissent également avoir de mauvaises intentions ? Comme la commission, je suis d’accord avec cette idée. Aussi, la commission est favorable à l’amendement n° 122 rectifié.

Les auteurs de l’amendement n° 37 souhaitent que le procès-verbal d’audition retranscrive toutes les questions, y compris celles qui sont posées par l’avocat. Je ne pense pas, madame Borvo Cohen-Seat, que cette disposition soit nécessaire. En effet, l’avocat pourra toujours joindre ses questions aux observations qu’il fera mentionner au procès-verbal. Il pourra même, pendant la durée de la garde à vue, les adresser au procureur de la République. La commission est donc défavorable à cet amendement et, pour les mêmes raisons, à l’amendement n° 123 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement partage tout à fait l’esprit de ce que vient de dire M. le rapporteur. Il est normal, s’agissant d’un texte aussi important de procédure pénale, que la loi fixe les règles. Aucun autre type de texte ne peut le faire. Je crois que nous sommes tous d’accord sur ce point. Aussi, il est nécessaire que le Parlement légifère dans ce domaine. Pour cette raison, comme la commission, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 90, 37 et 123 rectifié.

La possibilité donnée à l’officier de police judiciaire de s’opposer à certaines questions de l’avocat est la reprise exacte de ce qui est prévu, pour l’instruction, par l’article 120 du code de procédure pénale. Cet article précise notamment que le juge « peut s'opposer aux questions de nature à nuire […] à la dignité de la personne. » Le texte même du code est donc repris par le texte que nous examinons.

Madame Borvo Cohen-Seat, lorsque vous saurez que cette règle date de la loi Guigou du 15 juin 2000 sur le renforcement de la présomption d’innocence, vous serez convaincue du bien-fondé de ce texte.

Cette disposition est tout à fait justifiée et n’a jamais fait l’objet, depuis plus de dix ans, de la moindre difficulté d’application. Il n’y a là aucun sous-entendu à l’encontre des avocats. Cette disposition n’est nullement tendancieuse. Elle ne l’était pas lors du vote de la loi du 15 juin 2000, et ne l’est pas plus aujourd’hui. En effet, le texte que nous examinons reprend précisément les termes de la loi que je viens de citer.

Pour ces raisons, le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 122 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’amendement n° 90.

M. Pierre-Yves Collombat. Il est possible de comprendre la nécessité d’ordonner l’audition, ainsi que la nécessité de respecter la dignité de la personne. Il m’est moins aisé, en revanche, de comprendre ce que peut signifier l’idée selon laquelle une question pourrait « nuire au bon déroulement de l’enquête ».

Pourrait-on me donner un exemple d’une question tellement puissante qu’elle nuirait au bon déroulement de l’enquête ? J’ai en effet du mal à comprendre ce que cela peut signifier…

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Je voudrais répondre à M. le garde des sceaux. Moi aussi, j’ai sous les yeux l’article 120 du code de procédure pénale, qui est une excellente lecture.

Que ces dispositions soient issues de la loi du 15 juin 2000, adoptée alors que Mme Guigou était ministre de la justice, m’indiffère au plus haut point ! Je n’étais pas sénateur en l’an 2000, et, comme vous le savez, tous les gouvernements peuvent faire des erreurs. Vous le vivez d’ailleurs au quotidien. (M. le garde des sceaux s’exclame.) Vous pouvez me rappeler à chaque séance publique, monsieur le garde des sceaux, que, par mesure de rétorsion, vous fermerez la maison d’arrêt d’Aurillac, cela ne changera aucunement mes convictions ! (Sourires.)

Sur l’article 120 du code de procédure pénale, il ne faut pas confondre ce qui se déroule lors d’une instruction et ce qui passe pendant d’une garde à vue. Ce sont deux procédures différentes. Je vous rappelle qu’il y a proportionnellement très peu d’instructions par rapport au nombre de dossiers. Cela a posé, nous le savons tous, d’énormes problèmes auxquels on cherche à remédier. Ce n’est pas pour poursuivre dans une série de dérives comme celles qui découleraient de l’application de ce texte ! Les auteurs du projet de loi sur la garde à vue se sont contentés d’aller voir ce qu’il y avait à l’article 120 du code de procédure pénale sur l’instruction et de le recopier littéralement, sans se poser plus de questions !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 122 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 123 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 170, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 10, première phrase

Après les mots :

chaque audition

insérer les mots :

ou confrontation

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. C’est en effet un amendement de coordination : avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 170.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 124 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 10, dernière phrase

Après les mots :

procureur de la République

insérer les mots :

, et le cas échéant au juge des libertés et de la détention,

Cet amendement n'a plus d'objet. (M. Jacques Mézard acquiesce.)

L'amendement n° 171, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

et aux confrontations

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Il s’agit d’un nouvel amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Avis Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 171.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 151 rectifié, présenté par Mme Klès et M. Michel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Si l’interrogatoire de la personne gardée à vue n’a pas été effectué en présence de l’avocat, le contenu du procès-verbal doit être obligatoirement validé, à peine de nullité, par l’intéressé devant le juge des libertés et de la détention. »

La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Je voudrais remercier mon collègue Collombat puisqu’il a réussi à éclairer un peu ma lanterne. Grâce à lui, je sais ce qu’est une question de nature à perturber le bon déroulement de l’enquête ou du débat. Puisque sa question n’a pas eu de réponse, je suppose qu’elle est à ranger dans cette catégorie ! (Sourires.)

L’amendement que je présente vise le cas où l’interrogatoire de la personne gardée à vue aura lieu en dehors de la présence de l’avocat, hypothèse vers laquelle on tendra inévitablement ! Nous demandons que, dans cette situation, le contenu du procès-verbal soit obligatoirement validé par l’intéressé devant le juge des libertés et de la détention.

On a souvent dit – et on le dira sans doute encore souvent – qu’en l’absence de l’avocat on peut au moins faire procéder à un enregistrement par vidéosurveillance. Mais, vous le savez très bien, tous les locaux affectés à la garde à vue ne seront pas équipés du matériel nécessaire pour le faire.

Au sujet de la vidéosurveillance sur la voie publique, on a également entendu parler de l’intérêt des caméras pour prouver ce qui a été fait ou ce qui n’a pas été fait, ce qui a été dit ou ce qui n’a pas été dit. Il me semble donc que faute d’avoir accès aux caméras pour prouver ce qui a été dit ou non, au mot près ou à la virgule près pendant un interrogatoire, la moindre des choses est de le faire confirmer par l’intéressé.

Je le sais par des témoignages d’avocats, il arrive que lors de l’instruction des dossiers les personnes mises en examen disent n’avoir pas tenu tel propos qui leur est prêté lors de leur interrogatoire. Quand l’interrogatoire est enregistré, on peut revenir dessus. Et il est arrivé que l’on s’aperçoive qu’en effet l’intéressé n’avait pas dit ce qui figurait dans le procès-verbal, et qui avait emporté une conséquence grave sur le déroulement du procès et sur la nature des faits pour lesquels la personne gardée à vue était incriminée.

Je signale aussi, en passant, qu’en Turquie la loi dit que si l’avocat n’a pas été présent pendant l’interrogatoire, l’intéressé doit confirmer les propos inscrits au procès-verbal. Il me semble que la moindre des choses serait de faire de même en France !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. L’avis est défavorable, pour trois raisons principales.

D’abord, le mécanisme proposé par Mme Klès serait extrêmement lourd. S’il faut aller devant le juge des libertés et de la détention chaque fois qu’un procès-verbal d’audition est mené hors la présence de l’avocat, cela va être très lourd ! (Mme Virginie Klès s’exclame.) Mes propos s’inscrivent dans l’esprit du nouveau texte, qui prévoit que chaque personne gardée à vue peut bénéficier, si elle le souhaite, de la présence d’un avocat. À partir du moment où l’intéressée a décliné la présence d’un avocat, elle a probablement ses raisons. Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi on irait devant le JLD.

Ensuite, je l’ai déjà expliqué, nous estimons que, à ce stade de la procédure, le JLD n’a pas à intervenir.

Enfin, votre amendement prévoit une nullité textuelle qui risque de fragiliser les enquêtes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour une raison simple : dans toutes les hypothèses, il n’y a pas d’avocat. Nous avons voté, à l’article 1er A, une disposition qui dénie tout sens à des déclarations qui seraient faites sans avocat. En tout cas, elles ne pourraient pas servir d’incrimination.

Je vous suggère, madame Klès, de bien vouloir retirer cet amendement, qui n’a pas de fondement. Une audition faite sans la présence d’un avocat ne peut pas donner lieu à une incrimination. Ce n’est pas le fait d’aller la répéter, sans avocat, devant un magistrat du siège qui lui donne plus de valeur !

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Mme Virginie Klès. Je voudrais rectifier les propos que vient de tenir M. le garde des sceaux. Il ne s’agit pas forcément d’incrimination, il s’agit de ce qui a été déclaré : ce n’est pas nécessairement une auto-incrimination.

Quant à la réponse de M. le rapporteur, je n’ai pas bien compris : les auditions sans avocat seront-elles tellement nombreuses que la situation sera ingérable ? Ou seront-elles rarissimes, au point de rendre ma proposition inutile ?

M. Pierre-Yves Collombat. Pas de réponse !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
Dossier législatif : projet de loi relatif à la garde à vue
Article 8 (Texte non modifié par la commission)

Article 7 bis 

I. – Après le même article 63-4, il est inséré un article 63-4-5 ainsi rédigé :

« Art. 63-4-5. – Si la victime est confrontée avec une personne gardée à vue qui est assistée d’un avocat lors de son audition, elle peut demander à être également assistée par un avocat choisi par elle ou par son représentant légal si elle est mineure ou, à sa demande, désigné par le bâtonnier.

« La victime est informée de ce droit avant qu’il soit procédé à la confrontation.

« À sa demande, l’avocat peut consulter les procès-verbaux d’audition de la personne qu’il assiste.

« L’article 63-4-3 est applicable. »

II. – (Non modifié) Après le premier alinéa de l’article 64–1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le premier alinéa est également applicable lorsque l’avocat intervient pour assister une victime lors d’une confrontation avec une personne gardée à vue. »

M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Des Esgaulx, MM. Vial et J. Gautier et Mme Mélot, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 2 et 3

Remplacer les mots :

la victime

par les mots :

une personne qui se déclare victime

II. - Alinéa 7

Remplacer les mots :

une victime

par les mots :

une personne qui se déclare victime

La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il s’agit de remplacer le mot « victime » par les mots « personne qui se déclare victime ». Au stade de l'enquête, une personne n'a pas la qualité de victime. Seule une juridiction peut déclarer et reconnaître cette qualité au moment de la décision qu'elle prononce. En outre, l'enquête de police ou de gendarmerie peut démontrer qu'une personne se prétendant victime ne l'est pas. Il me semble donc utile d'utiliser une qualification plus neutre et prudente.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La qualification de « victime » ne préjuge naturellement pas la décision définitive de la juridiction. À titre d’exemple, je citerai le code de procédure pénale, qui utilise, dans ses articles 80–3, 90–1 et 142–2, le terme « victime  » dans le cadre de l’instruction, alors qu’aucune décision n’a encore été prise sur le fond.

Il me paraît plus cohérent et plus raisonnable d’en rester à cette dénomination classique. Je suggère donc à Mme Des Esgaulx de bien vouloir retirer son amendement.

M. le président. Madame Des Esgaulx, l'amendement n° 6 rectifié est-il maintenu ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 6 rectifié est retiré.

L'amendement n° 92, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

Si la victime est confrontée

insérer les mots :

ou auditionnée

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Il s’agit d’un nouvel épisode de coordination, un peu plus complexe peut-être. En tout cas, l’idée est toujours la même : nous proposons, à l’instar de ce que nous avons prévu tout à l’heure pour la personne mise en garde à vue, d’ajouter, pour la victime, la notion d’audition à celle de confrontation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Nous avons donné précédemment un avis favorable à toute une série d’amendements qui visaient à ajouter les mots « ou confrontation » après le mot « audition ». Mais, en l’occurrence, nous sommes dans une situation légèrement différente, celle dans laquelle on vise expressément le cas où la victime est auditionnée. La commission est par conséquent défavorable à l’amendement n° 92.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 10 rectifié bis, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Nègre et Mme Dumas, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

qui est assistée d'un avocat lors de son audition

La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

M. Jean-Patrick Courtois. Le présent amendement a pour objet de permettre à la victime d'être assistée d'un avocat lors des confrontations, même si la personne gardée à vue a expressément renoncé à être, elle, assistée d'un avocat.

En effet, au moment même où le projet de loi réaffirme avec force l’intérêt attaché aux droits de la défense, on ne saurait faire dépendre l’exercice d’un droit aussi essentiel pour la victime que celui de pouvoir bénéficier de l’assistance d’un défenseur, lorsqu’elle est confrontée au mis en cause, de la décision de ce dernier d’être ou non assisté par un avocat, voire de l’éventuelle carence de ce dernier.

L’équilibre de la procédure pénale exige que les droits de la victime soient, à cet égard, clairement consacrés dans la loi.

(M. Roger Romani remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)