M. Jacky Le Menn. Dans la mesure où le présent projet de loi s’inscrit dans une perspective sécuritaire, qui tend à amalgamer délinquance et maladie mentale, la place du juge judiciaire est prépondérante.

Par nos différents amendements, qui consacrent la judiciarisation de l’ensemble de la procédure visant à établir des soins psychiatriques sans consentement, nous accordons davantage de pouvoirs au juge. Notre objectif est de rééquilibrer le texte dans le sens d’une protection accrue des droits du malade. Autrement dit, il s’agit de se concentrer sur l’aspect sanitaire plutôt que de se focaliser sur l’argument spécieux ayant trait au maintien de l’ordre public.

En somme, comme dans de nombreux autres domaines, le juge se voit conférer un rôle croissant et éminent. Au moment où les projets de loi sécuritaires sont légion, celui-ci devient un véritable garant de la liberté, analysant la nécessité et la proportionnalité de la mesure qui lui est donnée à examiner.

Aujourd’hui, le JLD, le juge des libertés et de la détention est littéralement submergé par les dossiers qui affluent sur son bureau. La récente réforme de la garde à vue n’est pas de nature à inverser la tendance et devrait, au contraire, exacerber ce phénomène.

En outre, la répartition des juges des libertés et de la détention sur le territoire est particulièrement inégale. En l’état, l’application du volet juridique de la présente réforme risquerait d’être problématique. In fine, elle nuirait à la protection des droits du malade et elle pourrait peser lourdement sur le traitement sanitaire de ce dernier.

Comme le Gouvernement et la majorité se font régulièrement les chantres du pragmatisme, nous espérons qu’ils seront sensibles à notre amendement, qui est de nature à garantir une meilleure organisation de la justice.

C’est pourquoi nous demandons que la mention du juge des libertés et de la détention soit remplacée, dans l’ensemble du projet de loi, par celle du président du tribunal de grande instance ou son délégué. Celui-ci aura ainsi la possibilité d’assumer lui-même les pouvoirs qui lui incombent en vertu de ce projet de loi ou de les déléguer à un ou plusieurs juges.

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 61

Compléter cet alinéa par les mots :

, le cas échéant en substituant à la forme mentionnée au 1° de l’article L. 3211-2-1 celle mentionnée au 2° du même article

II. - En conséquence, alinéa 77

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque le juge ordonne la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète en lui substituant la forme de prise en charge mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1, sa décision prend effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures pendant lequel un protocole de soins est établi en application du même article. À l'issue de ce délai et en l'absence d'établissement d'un protocole de soins, les soins sans consentement prennent fin.

« Sont informés de l'établissement du protocole de soins et, le cas échéant, de son non-respect par le patient :

« - la personne ayant demandé les soins dans le cas où le patient a été admis en application du 1° du II de l’article L. 3212-1 ;

« - la famille du patient et, le cas échéant, la personne chargée de sa protection juridique ou, à défaut, toute personne justifiant de l’existence de relations avec le patient antérieures à l’admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci, dans le cas où le patient a été admis en application du 2° du II de l’article L. 3212-1 ;

« - le représentant de l'État dans le département lorsque le patient a été admis en application du chapitre III du présent titre. » ;

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement vise à accorder la possibilité au juge des libertés et de la détention de transformer une hospitalisation complète en soins ambulatoires dans le cadre d’un recours facultatif.

Les députés ont souhaité ne pas doter le JLD d'une telle possibilité, après avoir pris une position contraire en commission. Cet amendement vise donc à reprendre le dispositif qui avait été adopté par la commission de l'Assemblée nationale et qui figurait d’ailleurs dans le projet de loi initial avant la lettre rectificative, considérant qu’il permettrait au juge de moduler sa décision : il pourrait ainsi décider que la personne ne nécessite plus d’hospitalisation complète, mais qu’elle requiert des soins ambulatoires.

Notre amendement est cohérent avec les trois faits suivants.

Tout d’abord, le préfet se voit bien reconnaître, quant à lui, la possibilité d’apprécier les avis médicaux et de ne pas les suivre au regard des exigences liées à la sûreté des personnes et à l’ordre public. Dans ces conditions, pourquoi le juge, tout autant généraliste que le préfet, ne pourrait-il pas se livrer à une telle appréciation ?

Ensuite, le projet de loi lui-même prévoit que le juge peut, s’il est saisi, se prononcer sur les soins ambulatoires sans consentement.

Enfin, d’une manière générale, le législateur a, depuis longtemps, accordé au juge la possibilité de se prononcer sur la nécessité de soins.

Toutefois, s’il appartient au juge de se prononcer sur le principe des soins, il revient bien sûr toujours aux médecins d’en assurer la mise en œuvre et d’en définir le contenu.

C’est pourquoi l’amendement précise que, lorsque le juge ordonne la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète en lui substituant des soins ambulatoires sous contrainte, sa décision prend effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures, pendant lequel un protocole de soins est établi par un psychiatre. À l'issue de ce délai et en l'absence d'établissement de ce protocole, les soins sans consentement prennent fin.

Ainsi que je l’ai souligné lors de la discussion générale, la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, aux termes de laquelle la décision du juge d’ordonner la mainlevée d’une mesure d’hospitalisation complète prend effet dans un délai maximal de quarante-huit heures, risque fort – c’est un euphémisme ! – d’être frappée d’inconstitutionnalité.

M. le président. L'amendement n° 114, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 61

Compléter cet alinéa par les mots :

, le cas échéant en lui substituant une des formes mentionnées au 2° de l’article L. 3211-2-1

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Quelles que soient nos sensibilités politiques, il semble que nous nous accordions tous sur le rôle du juge : contrôler la validité de la procédure, entendre la personne retenue sans son consentement ainsi que la personne de confiance qu’elle aura désignée ou son avocat, et vérifier que ne s’exerce pas sur elle une coercition insupportable.

S’il faut laisser faire le corps médical, et ce dans l’esprit de donner la priorité aux soins, nous estimons que le juge ne peut en rester au stade du contrôle. Il doit en effet pouvoir tirer les conclusions qui lui paraissent les plus opportunes, en accord avec cette même priorité.

Avec la rédaction qui nous est proposée, la personne est sous la contrainte d’avis ou de décisions qui ne concernent pas exclusivement son état de santé. Nous dénonçons là encore, comme nous le faisons depuis le début de la discussion, le souci sécuritaire qui scande chaque partie de ce projet de loi.

C’est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à revenir à la version initiale du projet de loi, telle qu’elle avait été soumise, en première lecture, à l’Assemblée nationale.

M. le président. L'amendement n° 458 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Barbier, Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 61

Compléter cet alinéa par les mots :

, le cas échéant en substituant à la forme mentionnée au 1° de l’article L. 3211-2-1 celle mentionnée au 2° du même article

II. - En conséquence, alinéa 77

Rédiger ainsi cet alinéa :

« III. - Lorsque le juge ordonne la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète en lui substituant la forme de prise en charge mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1, un protocole de soins est établi en application du même article. En l'absence d'établissement d'un protocole de soins dans les quarante-huit heures, les soins sans consentement prennent fin.

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement a le même objet que les amendements qui viennent successivement d’être présentés par M. le rapporteur pour avis et par notre collègue Jacky Le Menn.

Nous estimons, nous aussi, que le juge des libertés et de la détention doit pouvoir transformer une hospitalisation complète en soins ambulatoires, que ce soit dans le cadre du recours facultatif ou dans celui du recours obligatoire. Je rejoins donc les arguments avancés tant par le rapporteur pour avis que par notre collègue du groupe socialiste sur l’effectivité du pouvoir de contrôle du juge.

En ayant pour seule alternative la levée ou le maintien de l’hospitalisation, il est à craindre que ce contrôle ne se résume à une simple confirmation systématique des avis médicaux. Ne disposant pas de statut propre et étant régulièrement montré du doigt au gré de l’actualité, en particulier dans les cas de récidive pénale, le juge des libertés et de la détention aura tendance, au moindre doute, à ordonner le maintien. Faute de temps, de moyens et sous la pression continue, il ne pourra donc jouer pleinement son rôle de garant des libertés individuelles.

Il faut permettre au juge de se dégager de l’amalgame qui conduit à privilégier, pour éviter tout risque, l’enfermement plutôt que l’accompagnement.

L’amendement que vous proposez, monsieur le rapporteur pour avis, répond certes, comme le nôtre, à cette préoccupation, mais sa rédaction, j’en suis navrée, ne nous satisfait pas pleinement. Vous prévoyez que la décision du juge prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures pour permettre l’élaboration d’un protocole de soins. Toutefois, nous nous interrogeons sur cet effet différé au regard du droit et sur le plan constitutionnel.

Pour notre part, nous préférons la rédaction suivante : « Lorsque le juge ordonne la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète en lui substituant la forme de prise en charge mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1 », à savoir des soins ambulatoires, « un protocole de soins est établi en application du même article. En l’absence d’établissement d’un protocole de soins dans les quarante-huit heures, les soins sans consentement prennent fin ».

Certes, cette rédaction apporte une petite nuance, mais elle fait la différence. Aussi souhaitons-nous, monsieur le rapporteur pour avis, que vous acceptiez de vous rallier à notre proposition.

M. le président. L'amendement n° 459 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéas 71 à 76

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Nous revenons, encore et toujours, sur la procédure renforcée appliquée aux malades ayant fait l’objet d’une décision de justice déclarant leur irresponsabilité pénale ou ayant séjourné en unité pour malades difficiles. Les alinéas 71 à 76 prévoient en effet le recours à un collège de soignants et à deux expertises avant toute décision du juge des libertés et de la détention les concernant.

Comme nous l’avons déjà dit hier en défendant d’autres amendements, les antécédents d’un patient doivent, certes, conduire à une meilleure vigilance et à un meilleur suivi, mais que de psychiatres mobilisés – on a vu le nombre d’examens préconisés – dans un contexte marqué par l’insuffisance de moyens dévolus à la santé, en particulier à la psychiatrie ! Nous avons été nombreux à le souligner.

La saisine du juge doit être accompagnée d’un avis conjoint rendu par deux psychiatres ; celui-ci a toujours la possibilité d’ordonner une expertise complémentaire. Faisons donc confiance à la capacité de ces professionnels à évaluer les situations et à s’entourer de plusieurs avis, si nécessaire, pour les cas les plus difficiles.

Le droit à l’oubli, introduit par nos collègues députés, constitue sans doute une avancée par rapport au texte initial – encore que le délai à compter duquel il s’applique n’est pas précisé –, mais il ne suffit pas à dissiper notre malaise face à un texte qui privilégie un point de vue sécuritaire, renforçant ainsi, nous l’avons dit, l’amalgame entre maladie mentale et délinquance, violence et dangerosité.

Une réforme convaincante doit bien sûr prendre en compte les impératifs de sécurité, mais nous souhaiterions qu’elle fût davantage tournée vers la prise en charge du patient.

Quoi qu’il en soit, chacun a droit, selon nous, à ce que son cas soit apprécié sur la seule base de son état actuel et des nécessités de son traitement. Or tel n’est pas le cas dans la procédure proposée. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous suggérons de la supprimer.

M. le président. L'amendement n° 121, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 71

Après les mots :

avoir recueilli

insérer les mots :

au moins

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Pour défendre cet amendement, je citerai un extrait de Juger, le dernier livre paru sous la plume de Serge Portelli : « […] si la justice est une exigence sociale, si elle est nécessairement infiltrée des contraintes du pouvoir, elle peut aujourd’hui acquérir une légitimité nouvelle, susceptible d’en changer la nature même. Cette légitimité tient au rôle nouveau assigné à toutes les justices du monde depuis les abominations de la dernière guerre mondiale […] : la sauvegarde des libertés. Cette mission fondatrice […] est le devoir du moindre petit juge. […]

« L’autre socle est tout simplement l’humanité. Pas une humanité abstraite, morale, mais fondée sur tout ce que les sciences humaines nous ont appris de l’homme depuis quelques siècles […]. C’est ce savoir, […], qui seul permet de comprendre les hommes et leurs actes, mais aussi d’humaniser l’ensemble du fonctionnement d’un appareil toujours tenté par la froideur, la rapidité, la rentabilité au détriment de l’essentiel : l’homme. »

C’est pourquoi le juge doit être à même, en toute indépendance, de solliciter, sans que cela soit considéré comme exceptionnel, les expertises lui permettant d’éclairer sa décision, et ne pas être tributaire de l’unique avis du collège mentionné à l’article L. 3211-9, tel que cela est prévu dans ce projet de loi.

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 485, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 72

Après les mots :

Lorsque la personne fait

insérer les mots :

l’objet de soins psychiatriques auxquels elle n’est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux en application de l’article L. 3213-1 et lorsqu’elle fait

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales. La procédure particulière du collège ne doit toucher que les personnes qui font l’objet d’une hospitalisation sur décision du préfet et non celles qui sont hospitalisées à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent.

Cette précision figure déjà pour les personnes ayant séjourné en unité pour malades difficiles, UMD. C’est pourquoi seules celles qui sont « réhospitalisées » sur décision du préfet font l’objet de la procédure particulière du collège et de deux expertises.

M. le président. L'amendement n° 123, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 74

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Cet amendement a pour objet de déplacer les dispositions relatives à la procédure particulière applicable aux personnes ayant séjourné en unité pour malades difficiles ou ayant fait l’objet d’une déclaration d’irresponsabilité pénale.

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 74

Supprimer cet alinéa.

II. – Après l’alinéa 76

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent II n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis une période fixée par décret en Conseil d’État.

III. – En conséquence, alinéa 86, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le présent alinéa n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis une période fixée par décret en Conseil d’État.

IV. – En conséquence, alinéa 89, seconde phrase :

Rédiger ainsi cette phrase :

Le présent alinéa n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis une période fixée par décret en Conseil d’État.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Cet amendement de précision concerne le droit à l’oubli, qui a été instauré par les députés. Il vise les personnes ayant séjourné en unité pour malades difficiles ou ayant fait l’objet d’une hospitalisation d’office judiciaire.

Nous souhaitons préciser que le point de départ de la période à l’issue de laquelle s’exercera le droit à l’oubli est nécessairement la fin de l’hospitalisation des personnes concernées.

Cela étant, je vais retirer cet amendement au profit d’amendements qui reprennent ce dispositif, mais en l’assortissant d’un délai de dix ans. C’est à l’issue de cette période que le droit à l’oubli pourra s’établir.

J’avoue en effet que la commission des lois s’est interrogée sur le fait de savoir si, en laissant au décret le soin de fixer le délai, elle n’allait pas remettre en cause la compétence du législateur. Il s’avère que les amendements suivants apportent une heureuse réponse à cette question.

M. le président. L’amendement n° 10 est retiré.

L'amendement n° 486, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 75

Remplacer les mots :

deux expertises établies par les psychiatres inscrits

par les mots :

une expertise établie par un psychiatre inscrit

II. – Alinéa 76, première phrase

Remplacer les mots :

les deux expertises

par les mots :

l’expertise

III. – Alinéa 89, première phrase

Remplacer les mots :

deux expertises établies par les psychiatres inscrits

par les mots :

une expertise établie par un psychiatre inscrit

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement vise à alléger le nombre d’expertises nécessaires à la levée de la mesure de soins sans consentement imposé pour certaines catégories de patients.

Ainsi, seule une expertise avec l’avis du collège devrait être recueillie par le juge des libertés et de la détention pour lever la mesure de soins, contre deux actuellement.

M. le président. Les amendements nos 124 et 301 sont identiques.

L'amendement n° 124 est présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 301 est présenté par M. Vanlerenberghe.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'alinéa 76

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le présent II n’est pas applicable aux personnes dont l’hospitalisation, ordonnée en application des articles L. 3213-6 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou dans une unité pour malades difficiles, a pris fin depuis dix ans au moins.

La parole est à M. Claude Jeannerot, pour présenter l’amendement n° 124.

M. Claude Jeannerot. Cet amendement est en relation avec le droit à l’oubli, notion introduite par le rapporteur à l’Assemblée nationale. Celui-ci a trait aux antécédents psychiatriques des personnes ayant été déclarées pénalement irresponsables ou ayant séjourné en unité pour malades difficiles.

Pour ces personnes, il est prévu une procédure renforcée d’examen des propositions de modification de prise en charge ou de mainlevée de la mesure de soins sans consentement, que ce soit devant le juge ou devant le préfet.

Ainsi, le droit à l’oubli représente une avancée majeure : il vise à limiter la stigmatisation de ces personnes précédemment atteintes de troubles psychiatriques. Il se fonde sur le postulat qui a orienté la grande loi de 1838 sur la psychiatrie et selon lequel la personne victime de troubles mentaux peut guérir.

Influence manifeste des travaux de Philippe Pinel et de Jean-Etienne Dominique Esquirol, le présent projet de loi revient sur ce paradigme et effectue un retour en arrière dommageable qui aura des conséquences négatives sur les personnes.

Naturellement, nous ne contestons aucunement le droit à l’oubli. En revanche, nous souhaitons que le législateur fixe lui-même le délai à partir duquel ce droit s’applique. Précisons que le législateur pourrait être rappelé à l’ordre pour incompétence négative s’il ne déterminait pas lui-même ce délai, indirectement lié à une mesure privative de liberté.

De plus, ce délai ne peut être excessivement long, sous peine de porter atteinte au principe de respect de la vie privée, constitutionnellement garanti par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel a réaffirmé à maintes reprises le caractère constitutionnel de ce droit, notamment dans sa décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 relative à la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

Par conséquent, nous désirons préciser que le délai fixé ne peut excéder dix années, ce qui nous apparaît équilibré, raisonnable et opportun.

M. le président. L’amendement n° 301 n’est pas soutenu.

L'amendement n° 125, présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, MM. Michel, Desessard, Kerdraon et Cazeau, Mmes Le Texier et Schillinger, M. Jeannerot, Mmes Alquier et Campion, M. Daudigny, Mme Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, M. S. Larcher, Mmes Printz et San Vicente-Baudrin, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 77

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Aux termes du texte adopté par l’Assemblée nationale, lorsque le juge des libertés et de la détention ordonne la mainlevée d’une mesure d’hospitalisation complète, sa décision peut être différée de quarante-huit heures afin de permettre au psychiatre de l’établissement d’accueil d’établir, le cas échéant, un protocole de soins.

Pendant l’ensemble de cette procédure, le patient resterait en hospitalisation complète, ce qui entraverait l’exercice de ses libertés fondamentales, notamment la liberté d’aller et venir.

En d’autres termes, ce dispositif reviendrait à maintenir en hospitalisation complète une personne dont le juge des libertés et de la détention a estimé qu’elle devait être remise en liberté.

Par conséquent, en vertu de l’article 66 de la Constitution, qui dispose que « Nul ne peut être arbitrairement détenu », ce dispositif encourrait un fort risque d’inconstitutionnalité. Il s’agirait d’une remise en cause explicite de la décision de l’autorité judiciaire, « gardienne de la liberté individuelle », et d’une atteinte aux libertés publiques.

D’un point de vue juridique, il paraît donc opportun de supprimer l’alinéa 77, dont le dispositif est très probablement anticonstitutionnel.

M. le président. L'amendement n° 58 rectifié, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 77

Rédiger ainsi cet alinéa :

« III. - Lorsque le juge ordonne la mainlevée d’une mesure d’hospitalisation complète, sa décision prend effet immédiatement. »

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Nous souhaitons modifier l’alinéa 77, selon lequel la mainlevée décidée par le juge peut prendre effet dans un délai de quarante-huit heures. Nous considérons en effet que cette décision devrait avoir un effet immédiat, comme toutes les décisions de justice d’ailleurs, sauf lorsque celles-ci sont assorties d’un délai par le juge lui-même.

La mainlevée est prononcée par le juge des libertés et de la détention après que celui-ci a reçu l’avis d’un collège d’experts. Aussi rien ne justifie que la personne jugée apte à réintégrer la vie en société par des experts psychiatres et par le juge soit maintenue contre son gré au sein de l’hôpital psychiatrique pendant un délai maximal de quarante-huit heures.

Cette privation de liberté prolongée est d’autant plus inadmissible qu’elle présente un risque pour le patient. En effet, on peut très bien imaginer que, durant cette période de quarante-huit heures, le patient continuera de se voir imposer des traitements et des soins.

En définitive, sous couvert de donner aux professionnels de santé le temps nécessaire d’établir un « protocole de soins », protocole uniquement destiné aux personnes soumises à des soins ambulatoires – pour les types de soins prescrits, les lieux de leur réalisation et leur périodicité –, cet article offre la possibilité de reculer la prise d’effet de la mainlevée à l’égard de tous les patients, et non pas seulement vis-à-vis de ceux qui devront être soumis à des soins psychiatriques sous forme ambulatoire.

Enfin, cette disposition paraît d’autant plus scandaleuse que, à l’heure où le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale se félicite dans la presse de la mise en place « d’un contrôle du juge des libertés » au service « du renforcement des droits », elle permet à l’administration de différer dans le temps la prise d’effet de la décision du juge.