Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge
Article 3 (début)

Article 2

Le chapitre II du titre Ier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Admission en soins psychiatriques sans consentement à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent » ;

2° L’article L. 3212-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3212-1. – I. – Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sans son consentement sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

« 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

« 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1.

« II. – Le directeur de l’établissement prononce la décision d’admission :

« 1° Soit lorsqu’il a été saisi d’une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exclusion des personnels soignants exerçant dans l’établissement prenant en charge la personne malade. Lorsqu’il remplit les conditions prévues au présent alinéa, le tuteur ou le curateur d’un majeur protégé peut, à titre personnel, faire une demande de soins pour celui-ci sans préjudice des missions qu’il exerce en application du titre XI du livre Ier du code civil au titre de sa protection juridique.

« La forme et le contenu de cette demande sont fixés par décret en Conseil d’État.

« La décision d’admission est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du I du présent article sont réunies.

« Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade ; il constate l’état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins sans son consentement. Il doit être confirmé par un certificat d’un second médecin qui peut exercer dans l’établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni du directeur de l’établissement mentionné à l’article L. 3222-1 qui prononce la décision d’admission, ni de la personne ayant demandé les soins sans consentement ou de la personne faisant l’objet de ces soins ;

« 2° Soit lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu’il existe, à la date d’admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l’état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins sans consentement. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l’établissement prenant en charge la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu’au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement, ni avec la personne malade.

« Dans ce cas, le directeur de l’établissement d’accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l’objet de soins sans son consentement et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l’intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l’existence de relations avec la personne malade antérieures à l’admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celle-ci.

« Lorsque l’admission a été prononcée en application du présent 2°, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts. » ;

3° Le premier alinéa de l’article L. 3212-2 est ainsi rédigé :

« Avant d’admettre une personne en soins psychiatriques sans son consentement en application de l’article L. 3212-1, le directeur de l’établissement d’accueil s’assure de son identité. Lorsque la personne est admise en application du 1° du II du même article L. 3212-1, le directeur de l’établissement vérifie également que la demande de soins a été établie conformément au même 1° et s’assure de l’identité de la personne qui formule la demande de soins. Si la demande est formulée pour un majeur protégé par son tuteur ou curateur, celui-ci doit fournir à l’appui de sa demande un extrait du jugement de mise sous tutelle ou curatelle. » ;

4° L’article L. 3212-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3212-3. – En cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, le directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d’un tiers l’admission en soins psychiatriques sans son consentement d’une personne malade au vu d’un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d’un médecin exerçant dans l’établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts. » ;

5° L’article L. 3212-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3212-4. – Lorsque l’un des deux certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 conclut que l’état de la personne ne justifie plus la mesure de soins, le directeur de l’établissement d’accueil prononce immédiatement la levée de cette mesure.

« Lorsque les deux certificats médicaux ont conclu à la nécessité de prolonger les soins, le directeur de l’établissement prononce le maintien des soins en retenant la forme de la prise en charge proposée par le psychiatre en application de l’article L. 3211-2-2. Il joint à sa décision, le cas échéant, le protocole de soins établi par le psychiatre.

« Dans l’attente de la décision du directeur de l’établissement, la personne malade est prise en charge sous la forme d’une hospitalisation complète.

« Lorsque le psychiatre qui participe à la prise en charge de la personne malade propose de modifier la forme de prise en charge de celle-ci, le directeur de l’établissement est tenu de la modifier sur la base du certificat médical ou de l’avis mentionnés à l’article L. 3211-11. » ;

6° L’article L. 3212-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3212-5. – I. – Le directeur de l’établissement d’accueil informe sans délai le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, et la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5 de toute décision d’admission d’une personne en soins psychiatriques sans son consentement et leur communique une copie du certificat médical d’admission et du bulletin d’entrée. Il leur transmet également sans délai copie de chacun des certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2.

« II. – Le directeur de l’établissement d’accueil notifie sans délai les noms, prénoms, profession et résidence habituelle ou lieu de séjour tant de la personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans son consentement que, lorsque l’admission a été prononcée en application du 1° du II de l’article L. 3212-1, de celle les ayant demandés :

« 1° Au procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve la résidence habituelle ou le lieu de séjour de la personne faisant l’objet de soins ;

« 2° Au procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé l’établissement.

« III. – Dans le cas où la personne malade a été admise en application du 1° du II de l’article L. 3212-1 et fait l’objet d’une prise en charge sous la forme d’une hospitalisation complète, le directeur de l’établissement d’accueil informe la personne ayant demandé les soins de toute décision modifiant la forme de la prise en charge. » ;

7° L’article L. 3212-6 est abrogé ;

8° L’article L. 3212-7 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3212-7. – Après le cinquième jour et au plus tard le huitième jour à compter de l’admission d’une personne en soins psychiatriques sans son consentement, un psychiatre de l’établissement d’accueil établit un certificat médical circonstancié indiquant si les soins sont toujours nécessaires. Ce certificat médical précise si la forme de la prise en charge de la personne malade décidée en application de l’article L. 3211-2-2 demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle. Lorsqu’il ne peut être procédé à l’examen de la personne malade, le psychiatre de l’établissement d’accueil établit un avis médical sur la base du dossier médical.

« Au vu du certificat médical ou de l’avis médical mentionné au premier alinéa du présent article, les soins peuvent être maintenus par le directeur de l’établissement pour une durée maximale d’un mois. Au-delà de cette durée, les soins peuvent être maintenus par le directeur de l’établissement pour des périodes maximales d’un mois, renouvelables selon les modalités prévues au présent article ; le certificat est établi dans les trois derniers jours de la période en cause.

« Lorsque la durée des soins excède une période continue d’un an à compter de l’admission en soins sans consentement, le maintien de ces soins est subordonné à une évaluation approfondie de l’état mental de la personne réalisée par le collège mentionné à l’article L. 3211-9. Ce collège recueille l’avis du patient. En cas d’impossibilité d’examiner le patient à l’échéance prévue en raison de son absence, attestée par le collège, l’évaluation et le recueil de son avis sont réalisés dès que possible.

« Le défaut de production d’un des certificats médicaux, des avis médicaux ou des attestations mentionnés au présent article entraîne la levée de la mesure de soins.

« Les copies des certificats médicaux, des avis médicaux ou des attestations prévus au présent article et à l’article L. 3211-11 sont adressées sans délai par le directeur de l’établissement d’accueil au représentant de l’État dans le département ou, à Paris, au préfet de police, et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5. Lorsque la personne malade est prise en charge sous la forme d’une hospitalisation complète, une copie du certificat médical mentionné au premier alinéa du présent article est également adressée sans délai au juge des libertés et de la détention compétent dans le ressort duquel se trouve l’établissement d’accueil. » ;

9° L’article L. 3212-8 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, à la première phrase, les mots : « d’hospitalisation » sont remplacés par les mots : « de soins », les mots : « de l’hospitalisation sur demande d’un tiers » sont remplacés par les mots : « ayant motivé cette mesure » et, à la fin de la seconde phrase, les mots : « l’hospitalisation » sont remplacés par les mots : « les soins » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « cette mesure d’hospitalisation » sont remplacés par les mots : « la mesure de soins », après le mot : « département », sont insérés les mots : « ou, à Paris, le préfet de police », la seconde occurrence du mot : « à » est remplacée par la référence : « au II de » et les mots : « l’hospitalisation » sont remplacés par les mots : « les soins » ;

c) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut ordonner la levée immédiate de la mesure de soins lorsque les conditions requises au présent chapitre ne sont plus réunies. » ;

10° L’article L. 3212-9 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3212-9. – Le directeur de l’établissement prononce la levée de la mesure de soins psychiatriques lorsque celle-ci est demandée :

« 1° Par la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5 ;

« 2° Par une des personnes mentionnées au deuxième alinéa du 2° du II de l’article L. 3212-1.

« Dans le cas mentionné au 2° du présent article, le directeur de l’établissement n’est pas tenu de faire droit à cette demande lorsqu’un certificat médical ou, en cas d’impossibilité d’examiner le patient, un avis médical, établi par un psychiatre de l’établissement et datant de moins de vingt-quatre heures, atteste que l’arrêt des soins entraînerait un péril imminent pour la santé du patient. Le directeur de l’établissement informe alors par écrit le demandeur de son refus en lui indiquant les voies de recours prévues à l’article L. 3211-12.

« Dans ce même cas, lorsqu’un certificat établi par un psychiatre de l’établissement datant de moins de vingt-quatre heures atteste que l’état mental du patient nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l’ordre public, le directeur de l’établissement informe préalablement à la levée de la mesure de soins le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, qui peut prendre la mesure prévue à l’article L. 3213-6. » ;

11° L’article L. 3212-10 est abrogé ;

12° L’article L. 3212-11 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « établissement », sont insérés les mots : « mentionné à l’article L. 3222-1 » et, après le mot : « transcrits », sont insérés les mots : « ou reproduits » ;

b) Au 1°, le mot : « hospitalisées » est remplacé par les mots : « faisant l’objet de soins sans leur consentement » ;

c) À la fin du 2°, les mots : « l’hospitalisation » sont remplacés par les mots : « l’admission en soins psychiatriques sans consentement » ;

d) À la fin du 3°, les mots : « l’hospitalisation » sont remplacés par les mots : « les soins sans consentement ou une mention précisant que l’admission en soins sans consentement a été prononcée en application du 2° du II de l’article L. 3212-1 » ;

e) Le 4° est ainsi rédigé :

« 4° Les dates de délivrance des informations mentionnées aux a et b de l’article L. 3211-3 ; »

f) Les 6° à 8° sont ainsi rédigés :

« 6° Les avis et les certificats médicaux ainsi que les attestations mentionnés au présent chapitre ;

« 7° La date et le dispositif des décisions rendues par le juge des libertés et de la détention en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1 ;

« 8° Les levées des mesures de soins psychiatriques sans consentement autres que celles mentionnées au 7° ; »

g et h) (Supprimés)

i) (nouveau) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article est applicable aux personnes admises en soins psychiatriques sans leur consentement en application des chapitres III et IV du présent titre. »

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. L’article 2 du projet de loi vise à réformer les conditions d’hospitalisation d’une personne à la demande d’un tiers et tend à instaurer une nouvelle procédure faisant référence au péril imminent. Il s’inscrit dans la démarche du Gouvernement, qui consiste à faire primer la sécurité sur la santé, ce que nous refusons catégoriquement.

Naturellement, nul ne contestera la nécessité qu’il peut y avoir à ce qu’une personne soit hospitalisée et entourée afin qu’elle ne commette pas des actes pouvant porter atteinte à sa vie ou à sa santé. Il est même de notre responsabilité collective d’agir. Il est également de notre devoir de l’empêcher de nuire à autrui.

Cependant, la procédure que vous nous proposez, madame la secrétaire d'État, revient à ajouter de la violence à la souffrance puisqu’elle prévoit à la fois l’application de soins sous contrainte et une mesure de privation de liberté. C’est une dérogation importante aux principes qui gouvernent les droits des malades. Ces droits consacrent l’autonomie de la volonté du patient, c’est-à-dire qu’ils reconnaissent la capacité de celui-ci à accepter ou à refuser des soins. Ici, il n’en est rien : les soins sont contraints.

Les maladies psychiques, mes chers collègues, ne sont pas des maladies comme les autres. Elles ne relèvent pas de dysfonctionnements organiques, elles touchent au psychisme de l’individu et affectent ses pensées ou son comportement. Par conséquent, elles ne peuvent pas faire l’objet exclusif d’un traitement médicamenteux. Or les auteurs de ce projet de loi partent du postulat inverse. Ils font comme s’il suffisait que le patient connaisse le nom de sa maladie pour reconnaître qu’il est malade, et qu’il prenne un traitement médicamenteux pour être guéri.

Nous savons, depuis Pinel, c’est-à-dire depuis la Révolution française, que non seulement les fous n’ont pas conscience de leur maladie, mais qu’ils la nient et la combattent dans une vie différente, à côté de celle que les non-malades vivent. C’est à l’occasion de cette confrontation entre ces deux mondes que surviennent les crises. L’injonction de soins présente le mérite d’interrompre ces dernières et de mettre un terme aux agissements qui en résultent. Mais le déni, quant à lui, se poursuit. Autrement dit, on traite le symptôme, sans traiter le mal, sans apaiser le patient. Or le traitement et l’apaisement devraient être la priorité.

C’est pourquoi nous avons regretté, tant à l’occasion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, défendue par ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat, que lors de l’intervention de Guy Fischer ou encore tout au long de nos débats sur l’article 1er, que ce projet de loi soit limité à la seule question des soins sans consentement.

À l’occasion de mon intervention sur l’article 2, je souhaite réaffirmer une position de principe : les patientes et les patients atteints de maladies mentales ne peuvent pas être réduits à un rôle de spectateurs. Ils doivent être les acteurs de leur guérison, ce qui nécessite qu’ils soient informés des soins qui leur sont dispensés et qu’ils y consentent, dans la mesure du possible.

Ce consentement n’est évidemment pas un chemin facile. Il exige de la part des professionnels de santé du temps, de la disponibilité, afin que puisse se lier une relation et que le rapport ne se limite plus seulement à une distribution automatique de médicaments. Cela demande qu’en lieu et place de l’organisation des soins sans consentement, normée pour toutes et tous et débouchant systématiquement sur l’enfermement ou sur le recours aux médicaments, on trouve les moyens d’élaborer un parcours de soins individualisé.

Dans la mesure où cet article se contente d’organiser les soins sans consentement pour les personnes ayant fait l’objet d’une hospitalisation sur demande d’un tiers, nous ne pouvons que nous y opposer.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Mes chers collègues, je tiens à intervenir sur l’article 2 du présent projet de loi relatif au suivi des patients. Dans cet article, le Gouvernement développe l’idée d’une possible admission en soins psychiatriques sans consentement en cas de péril imminent, ce qui revient ainsi à se passer de la demande d’un tiers.

Bien que modifié par la commission, qui souhaite que ce type d’admission n’intervienne que lorsqu’il n’y a aucune possibilité de trouver un tiers susceptible de demander des soins, cet article est loin d’être satisfaisant, et l’ajout d’une énième mesure pour favoriser l’hospitalisation pose de graves problèmes quant à la liberté des malades.

Cette admission en cas de péril imminent est problématique dans la mesure où un seul certificat médical est nécessaire, alors que deux certificats sont exigés pour l’admission en soins sans consentement à la demande d’un tiers. La conception que se fait le Gouvernement de ce que peut être l’hospitalisation d’un malade ne peut que susciter des interrogations.

Initialement, on pouvait penser que l’admission en soins psychiatriques sans consentement en cas de péril imminent, pouvait être prononcée « même lorsqu’il était possible de trouver un tiers », je cite là le rapport de M. Lecerf !

Cet article semble avoir pour seul but de renforcer les possibilités d’internement des malades mentaux afin de répondre à un idéal du tout-sécuritaire que l’actuel gouvernement cherche à mettre en place

Fait aberrant : si je m’en tiens aux termes de l’alinéa 18 de l’article 2, le certificat médical pourra provenir d’un médecin travaillant au sein même de l’établissement où exerce le directeur à l’origine de la procédure d’admission en soins psychiatriques sans consentement en cas de péril imminent ! Madame la secrétaire d’État, un seul certificat n’est pas suffisant, vous vous devez de maintenir un minimum de cohérence dans votre texte, et ne pas vous laisser aller à bafouer les droits des malades sous prétexte d’agir dans leur intérêt, comme vous vous plaisez à le croire, ou en tout cas à le faire croire.

Après les deux aberrations de l’article 1er, que vous avez cherché à justifier tant bien que mal, à savoir la mise en place de soins ambulatoires et la détermination de protocoles de soins par décrets en Conseil d’État pour les soins mentionnés à l’alinéa 14 de l’article 1er, vous continuez à présenter les soins comme contraignants.

En refusant de prendre en compte les revendications des professionnels de la santé mentale, vous contribuez à la mise en place d’une société sécuritaire, encore un peu plus stigmatisante pour les malades.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposons à l’article 2.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 66 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 440 rectifié est présenté par M. Mézard, Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Cet article 2, parce qu’il traite uniquement des soins sans consentement, fait que ce projet de loi n’est pas celui qu’attendent les professionnels de santé. Nous l’avons déjà dit, il s’agit là d’une conception sécuritaire de la psychiatrie qui tend à présenter les patients comme des personnes potentiellement dangereuses.

Qui plus est, ce texte s’inscrit dans un contexte marqué par une pénurie de médecins psychiatres. La question de la démographie médicale est un véritable enjeu pour la médecine en général, elle est cruciale pour la psychiatrie en particulier. Cela est vrai pour les médecins, qui font cruellement défaut en secteur libéral, et pour les infirmiers psychiatriques présents dans les établissements de santé et qui sont au cœur de la relation particulière entre le patient et l’équipe médicale.

En lieu et place du projet de loi que vous nous présentez, il aurait été souhaitable d’envisager une réelle réforme de la psychiatrie, en soulevant notamment la question de la formation des professionnels, médecins comme infirmiers.

À cet égard, nous considérons qu’il faut traiter la psychiatrie comme une matière médicale à part entière, ce qui nécessite de lui reconnaître certaines particularités.

La suppression en 1992 du diplôme spécifique pour exercer la profession d’infirmier psychiatrique, pour des raisons d’austérité évidentes, a entraîné bien des difficultés. Les patients, qui sont toujours plus nombreux et dont les pathologies sont plus lourdes, ont affaire, depuis cette date, à des personnels certes très dévoués mais de fait moins nombreux et moins formés.

Cela est d’autant plus grave qu’en raison des durées d’hospitalisation réduites – là encore pour des motifs économiques – les soignants ne voient plus les patients qu’en période de crise, c'est-à-dire au moment où les compétences spécifiques des infirmiers psychiatriques sont indispensables. Cela conduit immanquablement à la prédominance du soin médicamenteux sur le soin relationnel.

Tous ces aspects importants font défaut dans le projet de loi. Je me souviens d’avoir lu dans le journal La Dépêche l’interview d’un cadre de santé à l’hôpital de Lannemezan, infirmier psychiatrique depuis 1978, qui concluait ses propos de la sorte : «Redonner du temps, humaniser les lieux, reformer des spécialistes : l’urgence, elle est là ».

Nous partageons ce constat, raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article 2. (M. Guy Fischer applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 440 rectifié.

M. Jacques Mézard. Cet amendement de suppression découle logiquement des amendements que nous avons défendus à l’article 1er.

Nous avions ainsi proposé un amendement visant à limiter le texte à la seule exigence du Conseil constitutionnel d’un contrôle juridictionnel du maintien de l’hospitalisation sans consentement.

Nous considérons toujours que c’eût été la sagesse, compte tenu des questions soulevées par la réforme proposée, et qui ne sont aucunement résolues par les amendements qui ont été adoptés. Je veux parler, en particulier, de l’organisation de la psychiatrie, de l’étendue du contrôle judiciaire des mesures de contrainte, de la gestion de la contrainte à l’extérieur de l’hôpital et, enfin, des moyens dévolus à la justice.

Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois ! En rejetant notre amendement, en refusant d’aborder ces questions évidentes et surtout d’y apporter des réponses, ce que nous regrettons vivement, vous allez directement dans le mur.

C’est pourquoi, comme nous voulions le faire avec les amendements visant à supprimer les articles 3 à 13, que nous avons retirés, nous réitérons, par cet amendement de suppression de l’article 2, notre opposition à la démarche qui est proposée au Sénat.