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Questions cribles thématiques

évolution et perspectives du secteur des services à la personne

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l’évolution et les perspectives du secteur des services à la personne.

L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Je vous rappelle que ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir (ou jamais !), de Frédéric Taddéï.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été placés à la vue de tous.

La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis deux ans, les fédérations gestionnaires de l’aide à domicile alertent le Gouvernement sur leur situation extrêmement préoccupante : questions écrites, interpellations, communiqués, études et bilans chiffrés vous ont été adressés, vous n’en ignorez rien, monsieur le secrétaire d’État.

Mais, hors une table ronde à la fin de l’année 2009 et trois nouvelles missions confiées à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, à la direction générale de la cohésion sociale, la DGCS, et à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, rien n’a été décidé.

Aujourd’hui, les chiffres parlent d’eux-mêmes : jusqu’au premier trimestre de 2008, l’emploi, dans ce secteur, connaissait un taux de croissance de 5 %, qui s’est maintenu à 4 %, puis à 3 % en 2009. En 2010, cette croissance est pratiquement réduite à néant ! Le « formidable accélérateur d’emploi » – je cite M. Wauquiez lors de sa présentation du deuxième plan de développement des services à la personne, en mars 2009 – est en réalité en train de tomber en panne.

Face aux épisodes conjoncturels, aux contrecoups de la crise et de l’épuisement des budgets départementaux qui financent 80 % de l’aide à domicile, la création d’un fonds d’urgence était demandée. Elle était d’autant plus attendue que la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, disposait de 275 millions d’euros non consommés et la CNSA de 100 millions d’euros, qu’elle envisageait d’allouer aux dotations de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap. Cette création a été refusée.

Des problèmes plus structurels, qui créent mécaniquement des déficits, ont été identifiés : à l’issue des travaux réalisés sur l’initiative de l’Assemblée des départements de France et des fédérations gestionnaires, ils font l’objet d’un diagnostic partagé et de propositions unanimement approuvées, j’y insiste.

J’ai défendu le volet législatif de ces propositions en novembre 2010, lors de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale. Il m’a été répondu qu’il fallait attendre, cette fois, « le grand projet de loi sur la dépendance ». D’évidence, ce grand projet est en train de se dégonfler.

Nous vous présentons, de nouveau, monsieur le secrétaire d’État, cette liste de propositions unanimes. Il y a urgence et j’espère une réponse précise du Gouvernement : les approuvez-vous et les soutiendrez-vous ? Et, dans la négative, pourquoi ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le sénateur, vous me permettrez tout d’abord de noter avec satisfaction que vous vous intéressez aux services à la personne. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Je le dis sans aucune ironie, puisqu’il s’agit d’une réalité.

Ce moment importe, car je me souviens que nous avions mis en place, en 1993, les formalités administratives attachées aux emplois familiaux, ainsi que la création du chèque emploi service ; en 1995, nous avions multiplié par trois le plafond, qu’il a fallu rétablir ensuite puisqu’il avait été divisé par deux et ramené à 6 860 euros. Finalement, vous avez évoqué 2005, année importante pour les services à la personne.

Vous avez regretté que la croissance ne soit pas suffisamment forte ; nous souhaiterions tous, évidemment, qu’elle soit plus forte encore… Je tiens cependant à vous rappeler quelques chiffres : le total des aides fiscales et sociales dorénavant consacrées par l’État à ce secteur avoisine les 7 milliards d’euros et le coût de ces aides, pour l’État, s’est accru de 50 %. Ce secteur est donc puissamment aidé par l’État, illustration de la politique voulue par le Gouvernement et notre majorité.

Le plan SAP 2, le deuxième plan de développement des services à la personne, que vous avez évoqué, est ambitieux : il comporte onze mesures dont la plupart ont été appliquées ou lancées, avec la volonté de répondre à l’attente exprimée sur le terrain. Je pense notamment aux chèques emploi à domicile, financés par l’État, qui ont été envoyés, comme prévu, aux publics fragiles visés, les familles et les personnes âgées en situation de dépendance. Cet envoi s’est achevé en janvier. Je pense également aux actions de professionnalisation des salariés, sujet qui a nourri de nombreux débats, notamment dans cet hémicycle, et qui s’avère absolument essentiel. Les centres de ressources ont été expérimentés en 2010 et j’aurai d’ailleurs l’occasion d’en inaugurer un moi-même le 28 juin prochain, à Paris.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Je pourrais encore multiplier les exemples. Comme vous le voyez, les services à la personne sont une priorité pour le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour la réplique.

M. Yves Daudigny. Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais insister sur les propositions issues des travaux du groupe de travail constitué par l’Assemblée des départements de France et les fédérations gestionnaires de services à domicile, réunissant à la fois des financeurs et les acteurs sociaux.

Ces propositions portent sur la réforme du régime d’autorisation, la mise en place d’un double plafonnement des frais de structure et du temps hors intervention directe, la réforme de la tarification horaire au profit d’un forfait global, la contractualisation quinquennale, grâce aux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, ou CPOM, valant mandatement, au sens des services sociaux d’intérêt général, et intégrant des missions de prévention et d’intérêt général, la réforme du ticket modérateur, générateur d’iniquités, et les gains de productivité résultant de la téléassistance et de la télégestion.

On mesurera le sérieux et le caractère complet de ces propositions que l’Assemblée des départements de France et les fédérations gestionnaires souhaiteraient voir prises en compte par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les services à la personne, qui ont connu un fort développement ces dernières années, sont aujourd’hui à la croisée des chemins.

Nous devons, vous devez, monsieur le secrétaire d’État, choisir entre deux options.

Ou bien on poursuit la logique marchande induite par la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne, dont le principal effet est d’avoir accru la précarité des salariés, les exposant plus que jamais à la pluralité d’employeurs, aux situations de temps partiel subi, de sous-rémunération et de relation de gré à gré, qui isolent les professionnels et les rendent par conséquent plus vulnérables.

Ou bien, et ce que nous appelons de nos vœux, on assure de manière solidaire le financement des services à la personne, dédiés à ce que nos concitoyens ne peuvent plus ou ne peuvent pas faire, que ce soit en raison de leur âge, de leur état de santé ou de leur handicap. Si on peut admettre que les services qui ne sont pas indispensables à la vie de nos concitoyens – encore que l’idée mérite d’être discutée – soient financés par leurs bénéficiaires, les services qui ont une finalité sociale, notamment parce qu’ils viennent compenser la perte ou l’absence d’autonomie, les besoins ayant été évalués par les organismes compétents, doivent en revanche, selon nous, relever de la solidarité nationale.

Or on constate que les structures, qui aujourd’hui encore accomplissent ces missions, ont de plus en plus de mal à le faire dans des conditions correctes, tant pour les usagers que pour les professionnels. Cette dégradation s’inscrit dans un contexte de réduction des crédits de la CNSA à hauteur de 100 millions d’euros en 2010. Les associations qui parlent de « tour de passe-passe » sont inquiètes, d’autant plus qu’elles doivent déjà faire face à la suppression des exonérations fiscales et sociales intervenues dans les lois de financement de la sécurité sociale.

Monsieur le secrétaire d’État, ma question est la suivante : allez-vous instaurer un fonds d’urgence et comment entendez-vous organiser, dans la durée, le financement solidaire que nous souhaitons et dont nos concitoyens ont besoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, je tiens à vous rassurer sur le fait que les avantages fiscaux sont maintenus à 100 %, de même que les exonérations de charges sociales sont maintenues à 100 % pour tous les publics fragiles. Par ailleurs, la création de l’abattement de quinze points des cotisations sociales patronales était un dispositif d’amorçage, pour inciter à développer les services à domicile et favoriser les déclarations au réel ; sa suppression n’a eu que des effets limités – nous attendrons les chiffres de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, pour le vérifier. Enfin, cette suppression est, dans 98 % des cas, à moitié compensée par cet avantage fiscal.

Je ne peux donc pas vous laisser parler de « tour de passe-passe » ! D’autant plus que, lorsque notre majorité a voulu développer les services à la personne – c’est pour cette raison que j’ai rappelé ce que nous avions fait en 1993 – en les encourageant par des avantages fiscaux et sociaux, elle s’est vue reprocher de légiférer pour les riches. Mais les uns et les autres avaient oublié que ces mesures permettaient de lutter contre le travail au noir. Or qui était fragilisé par le travail au noir ? Précisément nos compatriotes qui ne pouvaient pas bénéficier, à l’époque, de dispositifs d’aide à la personne. Ces dispositifs ont permis, au contraire, de les réintégrer.

J’ai eu l’occasion de rappeler, dans ma première réponse, les efforts sans précédents accomplis par ce gouvernement et sa majorité en faveur de la professionnalisation,…

M. Claude Bérit-Débat. Il ne faut pas exagérer !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … afin que les salariés de ce secteur puissent se créer un véritable avenir.

J’entends vos remarques, mais je n’oublie pas qu’au moment où nous avons créé ces incitations vous étiez de ceux qui critiquaient le principe même des services à la personne ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Il y a une réelle inquiétude !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour la réplique.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre réponse, mais de nombreuses associations nous disent qu’elles ne peuvent plus aujourd’hui, particulièrement en milieu rural, faire face aux dépenses supplémentaires,…

M. Guy Fischer. Voilà la réalité !

Mme Isabelle Pasquet. … notamment celles qui sont liées au transport. Elles n’ont d’autre choix que de relever leurs tarifs,…

M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !

Mme Isabelle Pasquet. … ce qui entraîne d’importantes conséquences dans la vie de celles et ceux qui bénéficient de ces services.

M. Guy Fischer. Telle est la réalité !

Mme Isabelle Pasquet. Les témoignages de personnes âgées ou handicapées renonçant ou réduisant le nombre d’heures de services réalisés à leur domicile se multiplient…

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

Mme Isabelle Pasquet. … et toutes et tous nous disent que ces restrictions dégradent d’autant plus leur qualité de vie que, pour beaucoup d’entre eux, ces activités sont indispensables.

Selon la CGT, les mesures d’exonération adoptées l’année dernière auront pour effet, à terme, d’obliger 54 000 personnes à renoncer aux services à la personne.

M. Ronan Kerdraon. Voilà la vérité !

Mme Isabelle Pasquet. C’est pourquoi nous aurions préféré, monsieur le secrétaire d’État, que vous vous engagiez en faveur de la création d’un fonds d’urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Marc Daunis. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le vieillissement de la population, l’augmentation irréversible du taux d’activité féminin, l’accompagnement de nos populations en situation de handicap, entre autres éléments, vont créer de plus en plus de besoins en matière de services à domicile.

On le voit, la dynamique lancée par le plan de cohésion sociale, en 2005, n’est pas prête de s’éteindre, tant elle répond au souhait de nos concitoyens d’être aidés dans leur vie quotidienne.

Reconnu par les Français, rendant un vrai service et contribuant au dynamisme de notre économie, le service à la personne a besoin d’une double assurance pour se renforcer.

Primo, un cadre juridique, fiscal et social, stable. Si les simplifications introduites par l’article 31 de la loi du 23 juillet 2010 dans la procédure d’agrément et de déclaration sont utiles, à l’évidence, les changements de périmètre introduits dans la loi de finances pour 2011 n’ont pas forcément constitué un bon signal ; les professionnels ont alerté le Gouvernement sur ce point.

Secundo, il est impératif que monte en puissance la professionnalisation des salariés, à même de garantir un service de qualité, ainsi que l’évolution et la promotion sociale des personnes, par la formation ou la validation des acquis de l’expérience. Les organismes de services à la personne, sous l’impulsion de l’Agence nationale des services à la personne, se sont massivement engagés dans des actions de ce type qui ouvrent des perspectives intéressantes, en particulier en matière d’insertion.

Monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple : comment le Gouvernement entend-il soutenir ce secteur pour l’ouvrir au plus grand nombre, favoriser la création d’emplois et sécuriser les emplois existants ?

Par ailleurs, quand serez-vous en mesure de tirer un premier bilan des changements de périmètre introduits dans la loi de finances pour 2011 et, s’il s’avérait négatif, envisageriez-vous de les réajuster ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Chère Valérie Létard, vous m’avez interrogé en particulier sur l’évaluation des dispositifs qui ont été pris en loi de finances pour 2011. L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, devrait nous fournir des données chiffrées à la fin du mois, ce qui nous permettra de prendre la mesure de leurs effets.

Pour répondre également à Mme Isabelle Pasquet, qui a évoqué dans sa réplique un fonds d’urgence, je vous informe que des mesures d’urgence sont aujourd’hui à l’étude. Mme Roselyne Bachelot-Narquin, avec laquelle j’étudierai les résultats de l’évaluation, a demandé à la direction générale de la cohésion sociale, la DGCS, d’examiner la situation des associations qui sont le plus en difficulté.

Vous avez insisté, à raison, sur les efforts financiers consentis par l’État en faveur de l’accès des publics fragiles aux services à la personne. Depuis 1993 – 2005 représente une étape importante dans la structuration des services à la personne –, les gouvernements ont constamment pratiqué une politique de professionnalisation de l’offre et de stabilisation des publics fragiles.

Vous avez insisté à juste titre sur la professionnalisation, qui est un enjeu essentiel pour le développement du secteur. Je l’ai dit voilà quelques instants, j’assisterai, le 28 juin prochain, à l’inauguration d’un centre de ressources. La qualification des personnels et la modernisation des organisations de travail en sont les axes majeurs.

Et les résultats sont là : couvertures sociales conventionnelles, prévention des risques professionnels, valorisation et connaissance des métiers, développement de la qualification des salariés, renforcement de la qualification de l’encadrement intermédiaire, création du brevet de technicien supérieur Services et prestations des secteurs sanitaire et social, dit BTS SP3S, développement de la validation des acquis de l’expérience, ou VAE, développement de la formation à distance, développement de l’alternance.

Comme vous pouvez le constater, nous n’avons pas à rougir de l’action engagée en 1993, développée en 2005 et qui doit rester, madame la sénatrice, une constante de la politique du Gouvernement et de la majorité.

M. Claude Bérit-Débat. Vous êtes coupés de la réalité !

M. Guy Fischer. Tout à fait : ils n’entendent pas !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour la réplique.

Mme Valérie Létard. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de nous assurer de l’attention particulière qui sera portée aux statuts et à l’accompagnement dans la promotion sociale des professionnels qui interviennent dans le cadre des services à la personne, particulièrement auprès des publics les plus fragiles.

Je rappelle que le Gouvernement mène actuellement un travail de réflexion sur la réforme de la dépendance et que les Français aspirent à rester le plus longtemps possible à domicile. Pour cela, il faut disposer de services professionnalisés, mais aussi veiller à la professionnalisation des salariés, à l’aide de la validation des acquis de l’expérience, dans un cadre juridique et financier suffisamment solide et stable pour que les associations d’aide à domicile puissent les accompagner dans leur parcours.

Je sais que ce n’est pas simple ! Nous devrons régler collectivement la question du financement de la dépendance. À défaut, les associations ne pourront pas monter en puissance ni rendre un service de qualité à la population tout en assurant un véritable avenir professionnel à des personnes qui aujourd’hui reste sur le bord de la route parce que le problème de la sécurisation des parcours n’est pas résolu.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les services à la personne représentent un secteur particulièrement actif au sein de notre économie, et surtout créateur d’emplois.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis cinq ans, on dénombre près de 310 000 emplois nouveaux. Au total, 1 600 000 professionnels exercent dans l’univers des services à la personne, notamment à domicile. En 2008, le chiffre d’affaires annuel de ce secteur représentait 15 milliards d’euros.

Ce secteur d’activité et ces emplois répondent à une vraie demande et à un réel besoin de la part de la population.

Depuis vingt ans, les mesures en faveur des services à la personne se sont accumulées, les transformant peu à peu en un secteur très profitable qui n’en est peut-être qu’au début de son expansion. Ces services touchent à tous les domaines et concernent tous les publics. Il faut s’en réjouir !

Pour encourager ce mouvement, les gouvernements successifs se sont toujours appuyés sur des outils fiscaux permettant aux prestataires et aux bénéficiaires de disposer de diverses exonérations : réductions d’impôts, TVA à 5,5 %, création du CESU – chèque emploi service universel – pour tous, le but étant de favoriser la création d’emplois induits par les services à la personne.

Bien sûr, cette façon de faire représente un coût pour le budget de la nation, mais c’est un investissement.

Pourtant, à l’occasion des débats relatifs à la dernière loi de finances, le Gouvernement avait proposé un article visant à mettre fin aux exonérations sociales inhérentes à ce secteur d’activité, espérant une économie de près de 460 millions d’euros. Repoussé dans un premier temps par le Sénat, ce dispositif fut finalement accepté au terme d’une seconde délibération.

Aussi, dans le contexte budgétaire très tendu que nous connaissons actuellement, il est à craindre que l’État ne poursuive le démantèlement des dispositifs fiscaux qui soutiennent le secteur des services à la personne et les emplois qu’ils génèrent, et par là même les richesses ainsi produites.

Monsieur le secrétaire d’État, comment le Gouvernement entend-il concilier le maintien de dispositifs fiscaux indispensables au développement des services à la personne avec les objectifs affichés de réduction des déficits ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, j’ai été choqué de vous entendre parler de « démantèlement des dispositifs fiscaux ». Lorsque j’étais à l’Assemblée nationale, j’ai même, en tant que rapporteur, enrichi sur le plan fiscal les dispositifs favorables aux services à la personne.

Je vous rappelle tout de même que, depuis 1993, la gauche n’a eu de cesse de vouloir remettre en cause les dispositifs fiscaux de soutien… (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Laissez la gauche tranquille !

M. Martial Bourquin. Qui a mis en place l’APA ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. …et qu’elle a notamment abaissé le plafond de dépenses ouvrant droit à des réductions d’impôts. Par conséquent, s’il est bien un sujet sur lequel on ne peut pas nous donner de leçons, c’est bien celui-là !

J’ajoute que le secteur des services à domicile poursuit son développement malgré la crise économique, avec un chiffre d’affaires de 17,3 milliards d’euros, un taux de croissance du chiffre d’affaires supérieur à 10 % entre 2005 et 2008 et de près de 5 % en 2010,…

M. Paul Blanc. Il n’y a que la vérité qui blesse !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … une valeur ajoutée d’environ 1 % dans la valeur ajoutée totale de l’économie française, en progression de 6 % en 2010.

M. Alain Gournac. C’est la vérité !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je le répète, les avantages fiscaux sont tous maintenus à 100 %. Par ailleurs, les exonérations de charges sociales sont maintenues à 100 % pour les publics fragiles.

J’ai eu l’occasion d’évoquer, dans ma réponse à Mme Létard, l’évaluation de l’ACOSS. Je veux également rappeler que l’État consacre à ce secteur près de 7 milliards d’euros de mesures d’exonérations fiscales et sociales, soit une augmentation de 50 % depuis 2007, preuve que l’actuelle majorité soutien les services à la personne, si souvent combattus par le passé sur les travées situées à gauche de cet hémicycle ! (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Marc Daunis. Plus c’est gros, plus ça passe !

M. Claude Bérit-Débat. C’est du Lefebvre dans le texte !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour la réplique.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le secrétaire d’État, vous comprendrez mon insistance : à l’heure où le Gouvernement s’empare des débats sur la dépendance et le grand vieillissement, il nous faut accompagner le service à la personne, qui doit être considéré comme une action prioritaire.

Monsieur le secrétaire d’État, nous parlons de femmes et d’hommes qui jouent un rôle important d’entraide pour le devenir de notre société, nous ne parlons pas seulement d’argent.

Vous avez indiqué que les publics fragilisés seraient aidés à 100 %. Peut-être la définition de ces publics n’est-elle pas la même pour vous et pour nous : la classe moyenne se paupérise. Je vous soumettrai des dossiers au cas par cas, monsieur le secrétaire d’État, et nous verrons si nous les étudions de la même façon. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.

M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais axer mon intervention sur la formation et la prise en compte des réalités socio-économiques de nos territoires.

De ce point de vue, la Charente-Maritime est intéressante : deuxième département touristique de France, il offre de nombreuses perspectives dans les métiers de services – tourisme, hôtellerie-restauration –, mais ceux-ci restent saisonniers. C’est également un territoire rural, très attractif pour les seniors.

Il y a donc un important gisement d’emplois dans le secteur des services à la personne. Dans certains bassins de vie du département, le taux de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans atteint 20 %.

Un tel défi de recrutement suppose qu’un réel effort soit engagé afin de revaloriser et de rendre plus attractifs les métiers médicosociaux. Nous le constatons sur le terrain, ces emplois restent précaires et peu valorisés, alors qu’ils exigent une véritable qualification.

On pourrait d’ailleurs s’interroger sur la polyvalence des compétences des personnels dans une acception large de la notion de service : du tourisme à l’aide à la personne, pour une employabilité maximale.

Les centres de formation dans le secteur médicosocial sont exclusivement situés dans les préfectures et semblent raisonner en termes de concurrence plus qu’en termes de complémentarité, alors que des organismes de formation, comme les Maisons familiales rurales habilitées à conduire la formation des auxiliaires de vie sociale, pourraient également envisager de dispenser ces formations. Force est de constater que les régions restent frileuses dans l’ouverture de telles formations.

Pour conclure, j’aborderai la situation de l’aide à domicile, portée par les acteurs de l’économie sociale et solidaire, confrontée aux conséquences de la crise économique et aux difficultés des financements publics, avec notamment la suppression des exonérations liées aux services à la personne, dont les incidences se font sentir sur le terrain, avec le licenciement de personnels et leurs conséquences sur les bénéficiaires.

Il paraît urgent d’évaluer l’impact de cette mesure sur le secteur de l’aide à domicile, à l’aune des économies réalisées sur le budget de l’État.

La capacité à attirer les jeunes dans les services à la personne, à former des professionnels compétents par le biais de l’alternance existe, il faut aujourd’hui assurer leur insertion dans la vie professionnelle.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite donc recueillir vos observations et vos propositions en la matière.