M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 27 est présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet.

L'amendement n° 48 est présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Après les mots :

l’agriculteur

insérer les mots :

qui effectue une sélection conservatrice visant à reproduire les caractères distinctifs et uniquement les caractères distinctifs de la variété protégée ou qui commercialise sa récolte sous la dénomination de la variété protégée 

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l’amendement n° 27.

Mme Marie-Christine Blandin. Du triptyque « évolution naturelle, travail des sociétés paysannes et mise au point des obtenteurs », vous souhaitez, par le présent texte, protéger le dernier stade et empêcher la spoliation des obtenteurs.

Nous vous proposons de définir précisément les cas dans lesquels il y a effectivement spoliation.

Celle-ci se reconnaît à une véritable contrefaçon, c’est-à-dire à une reproduction des caractères distinctifs de la variété protégée ou même à une tentative de commercialisation d’une variété un peu différente sous le nom de la variété initiale protégée, comme ces montres ou sacs à main vendus sous le manteau ou dans des boutiques peu scrupuleuses.

Pour la matière vivante, dont nous débattons, il est important de prendre en compte l’évolution de la plante après sa reproduction et son développement, ainsi que de considérer le travail effectué sur cette semence par l’agriculteur. Si ce professionnel n’effectue pas une sélection conservatrice, à même de conférer à la génération suivante les avantages présentés par la semence, et qu’il ne se sert pas de la dénomination de la variété protégée lors de sa récolte, rien ne justifie qu’il paye une indemnité à l’obtenteur.

Précisons d’ailleurs que les semenciers se protègent non seulement par le biais de la loi, mais aussi par les méthodes qu’ils utilisent : travaillant en général sur six générations de semences avant de commercialiser leurs variétés distinctes, homogènes et stables, ils mettent entre les mains de l’agriculteur des graines qui ont peu de chance de conserver très longtemps leurs qualités initiales, s’il s’avérait que l’agriculteur les reproduise plusieurs fois.

M. le président. L’amendement n° 48 n’est pas soutenu.

L'amendement n° 53, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'indemnité ne peut dépasser 30 % des montants dus pour la production sous licence de matériel de reproduction.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 10 rectifié et 27 ?

M. Rémy Pointereau, rapporteur. L’amendement n° 10 rectifié s’inscrit dans le prolongement de l’amendement n° 4 rectifié bis déposé à l’article 4 et soulève un réel problème.

Il vise à suspendre le paiement de l’indemnité lorsque l’agriculteur produit à la ferme ses semences à partir de semences protégées, pour ensuite alimenter son bétail, effectuer ses couverts végétaux, ou encore se prémunir contre une éventuelle rupture d’approvisionnement en semences certifiées en cas de sécheresse ou de gel.

Bien que les obligations agro-environnementales puissent être respectées en recourant à des variétés qui ne sont plus protégées et sont tombées dans le domaine public, la mesure proposée me paraît toutefois aller trop loin à cet égard.

Quant à la rupture d’approvisionnement, on pourrait admettre que soit créée, au titre de l’article 10, une nouvelle licence d’intérêt public permettant de remédier à une telle situation.

Pour ce qui concerne l’autoconsommation, il est difficile d’accepter en l’état la proposition que vous nous soumettez, monsieur Raoul. J’en conviens, les éleveurs subissent des crises répétitives et sont confrontés à des difficultés toujours plus nombreuses. J’en veux pour preuve la sécheresse qui sévit cette année. Toutefois, ils se livrent à un acte commercial lorsqu’ils vendent leur bétail. Si une variété d’aliment permet d’améliorer la qualité du lait ou de la viande, ou encore d’engraisser plus vite les animaux, pourquoi l’obtenteur ayant permis une telle avancée ne recevrait-il pas une rémunération pour son travail ?

On pourrait aussi considérer qu’il existe une distorsion de concurrence entre les éleveurs qui achètent des semences certifiées et ceux qui reproduisent les mêmes semences à la ferme : les uns financeraient la recherche à travers les royalties versées pour chaque sac de semences, à l’inverse des autres. Ainsi, un exploitant pratiquant seulement l’élevage sans faire aucune culture et qui, par conséquent, achète la totalité de ses céréales à un fabricant d’aliments pour bétail se verrait répercuter, par celui-ci, la CVO.

Je souligne au passage que deux espèces, les pois et l’orge fourragère, posent problème. En effet, l’autoconsommation étant importante, la recherche est complètement sinistrée, faute de rémunération pour les obtenteurs. En conséquence, il ne reste plus beaucoup de variétés qui évoluent. Il faut donc protéger les droits de l’obtenteur, car ces filières pâtissent de la situation actuelle.

Enfin, ni la convention UPOV de 1991 ni le droit européen ne permettent une telle exonération du paiement de l’indemnité d’utilisation de semences de ferme.

Si nous adoptions l’amendement n° 10 rectifié en l’état, nous serions confrontés à deux problèmes. Tout d'abord, il serait impossible de déposer les instruments de ratification de la convention UPOV, car la loi française serait contraire à cette dernière. En outre, notre périmètre de protection du droit de propriété intellectuelle serait totalement différent selon que les COV sont nationaux ou européens. Le risque serait alors que plus aucun obtenteur ne dépose de COV au niveau national, tous s’orientant vers la protection européenne, plus onéreuse mais plus large.

Pour autant, je réitère l’ouverture que j’avais faite lors de la discussion de l’article 4. En effet, même si la question de l’autoconsommation est une question sensible, j’estime qu’il faut la régler dans un cadre négocié. Du reste, cela a été possible concernant le blé tendre, puisque l’accord interprofessionnel de 2001 permet d’exonérer l’autoconsommation. Pourquoi ne pourrait-on en faire de même pour d’autres variétés ? Je rappelle que le coût pour l’agriculteur, 0,50 euro par tonne de blé vendue, équivaut à environ 3 ou 4 euros par hectare. Il ne s’agit donc pas de sommes considérables (M. Christian Demuynck opine.), mais elles permettraient de satisfaire les obtenteurs.

Aussi, je propose la formulation suivante, qui pourrait recueillir votre accord, monsieur Raoul :

« Compléter l’alinéa 5 par une phrase ainsi rédigée :

« Sans porter atteinte aux intérêts légitimes des titulaires de certificats d’obtention végétale, l’accord interprofessionnel mentionné à l’article L. 623–24–3 peut, pour des usages qu’il définit, exonérer les agriculteurs du paiement de cette indemnité. »

Certes, l’autoconsommation n’est pas explicitement citée comme l’un des usages pouvant donner lieu à une exonération totale du paiement de l’indemnité, mais cela s’explique par le fait que l’autoconsommation n’est pas le seul cas envisageable. Cette rédaction plus ouverte me paraît plus favorable aux agriculteurs.

La commission de l'économie s’en était remise à la sagesse de notre assemblée concernant l’amendement n° 10 rectifié. Nous serions prêts, monsieur Raoul, à émettre un avis favorable si vous rectifiez votre amendement dans le sens de ma proposition. À défaut, la commission émettra, je le regrette, mon cher collègue, un avis défavorable.

J’en viens à l’amendement n° 27, qui vise à limiter l’obligation de verser une indemnité aux seuls multiplicateurs ou vendeurs de semences utilisant la dénomination de la variété protégée. Il prévoit de n’exiger une indemnité pour l’utilisation de semences de ferme qu’auprès des seuls agriculteurs multiplicateurs.

Cette solution me paraît quelque peu curieuse. En effet, si l’agriculteur multiplicateur avait le droit de produire des semences de ferme et de les vendre sous la dénomination de la variété protégée, on peut se demander quelle différence il y aurait entre la semence de ferme du multiplicateur et la semence certifiée.

Je remarque au passage que l’amendement considère comme semences de ferme des semences ayant vocation à être vendues pour être utilisées hors de la ferme où elles ont été produites. C’est donc une vision totalement contraire à l’esprit de la proposition de loi et aux dispositions internationales qui régissent la protection de la propriété intellectuelle.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Raoul, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur, s’agissant de l’amendement n° 10 rectifié ?

M. Daniel Raoul. Lors de l’examen du texte en commission, M. le rapporteur et moi-même avons discuté de cette question pendant près d’une heure.

M. le président. Vous n’êtes pas obligés de recommencer…

M. Daniel Raoul. Pour information, je signale qu’il existait alors une majorité en faveur de mon amendement. Toutefois, le président de la commission a souhaité, pour conserver de bonnes relations avec le ministère, ce que je peux comprendre, s’en remettre à la sagesse du Sénat, c'est-à-dire notamment demander l’avis du Gouvernement. Je savais bien à quoi cela aboutirait.

Je voudrais vous rappeler le cadre de la convention UPOV, à partir d’un exemple précis. Dans la fameuse bande des cinq mètres, la convention permet de prendre en compte la valeur de la récolte. Quelle est la valeur de la récolte pour l’ensemencement de la bande des cinq mètres, obligatoire pour des raisons environnementales ? Il n’y en a pas. Il pourrait en aller de même de l’ensemencement ou de l’emblavement hivernaux : quelle est la valeur de la récolte ? Or, je le répète, la convention UPOV prévoit explicitement de prendre en compte la valeur de la récolte.

Je maintiens donc mon amendement en l’état. Mon objectif n’est pas de déplaire à M. le rapporteur, mais la rédaction qu’il propose ne me satisfait pas, d’autant qu’elle n’a aucune valeur normative. En effet, elle prévoit qu’un accord interprofessionnel « peut » exonérer les agriculteurs du paiement de l’indemnité… Vous auriez pu ajouter « notamment », ce qui aurait augmenté la précision. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. S’agissant de l’amendement n° 10 rectifié, l’avis est défavorable, même si, au travers de cet amendement, monsieur Raoul, vous soulevez un problème réel, celui de l’autoconsommation.

Je vous appelle, monsieur le sénateur, à reconsidérer votre position au sujet de la rédaction proposée par M. le rapporteur. En effet, je considère que celle-ci permet de mieux cibler l’amendement et de traiter les questions de la recherche sur les variétés fourragères, de la rentabilité de l’élevage et de la rémunération du travail des obtenteurs.

À mon sens, la proposition de M. le rapporteur est la bonne solution. Elle permet de ne pas écarter totalement la question de l’autoconsommation, qui est effectivement une véritable question.

J’ajoute que, s'agissant des couverts hivernaux, que vous venez d’évoquer, monsieur Raoul, il n’est pas besoin de dérogation spécifique puisqu’il existe déjà des variétés, notamment de moutarde, qui sont hors dérogation ; cela répond à votre préoccupation.

J’estime que la rédaction proposée par M. le rapporteur permet de répondre, de manière ciblée et conforme à la réglementation de l’UPOV, à votre préoccupation au sujet de l’autoconsommation.

Concernant de l’amendement n° 27, le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les raisons qu’a exposées M. le rapporteur.

M. le président. Monsieur le rapporteur, souhaitez-vous reprendre à votre compte la rédaction que vous avez proposée à M. Raoul, et à laquelle M. le ministre s’est montré favorable ?

M. Rémy Pointereau, rapporteur. Je le répète, si M. Raoul accepte ma proposition, l’amendement ainsi rectifié recueillera un avis favorable de la commission. À défaut, celle-ci s’en tiendra à un avis de sagesse plutôt défavorable.

M. le président. Monsieur Raoul, qu’advient-il de votre amendement ?

M. Daniel Raoul. Étant donné que nous n’en sommes qu’à la première lecture, nous avons amplement le temps d’étudier cette question de l’autoconsommation et de la pratique des éleveurs, qui me paraît relativement importante.

Je n’ai pas voulu citer de noms, monsieur le rapporteur, mais vous vous souvenez comme moi des témoignages, et non des moindres, que nous avons entendus en commission.

Je maintiens donc mon amendement en l’état. La rédaction de M. le rapporteur est certes acceptable, mais je ne saisis pas sa valeur ajoutée. Je le répète, elle prévoit seulement qu’un accord interprofessionnel « peut » exonérer les agriculteurs du paiement de l’indemnité. D’autres critères présents dans la convention UPOV, y compris la valeur de la récolte, auraient pu être pris en compte.

Quant à ce que vous proposez, monsieur le ministre, concernant les couverts hivernaux, notamment la moutarde, je ne répondrai pas que celle-ci me monte au nez… Vous le savez, la maîtrise des crucifères est un véritable problème : elles sont si tenaces qu’on les retrouve dix ans après avoir curé un ruisseau. Votre proposition ne me semble donc pas la solution idéale pour éviter leur prolifération.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 27.

Mme Marie-Christine Blandin. Sans doute me suis-je mal exprimée, puisque M. le rapporteur et moi-même ne nous sommes pas bien compris. Aussi, je souhaite apporter une précision.

Cet amendement vise à s’assurer que l’agriculteur qui paie est seulement celui qui effectue une sélection reproduisant les caractères distinctifs d’une variété protégée par un COV ou bien celui qui commercialise un peu autre chose, mais en lui donnant le nom d’une espèce protégée par un COV.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 26, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La moitié des indemnités dues par les agriculteurs abonde un fonds de soutien à la recherche en vue de financer des programmes collectifs de recherche sur les espèces dites mineures ainsi que sur des variétés adaptées à des conduites culturales diversifiées et permettant de répondre à la réduction des intrants.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Actuellement, les royalties sur les semences sont réparties ainsi : 15 % pour la recherche et 85 % pour les obtenteurs.

Le rapport de la commission de l'économie insiste sur deux objectifs que partagent les écologistes : la satisfaction des besoins alimentaires et le dynamisme de la recherche.

Le financement de la recherche doit avant tout conforter l’intérêt public. Si celui-ci rencontre l’intérêt des firmes semencières, le marché ira vers elles et leurs bénéfices seront garantis. Du reste, les budgets publics les aident déjà largement, ne serait-ce que via le crédit d’impôt, qui, je le rappelle, représente plus de 5 milliards d’euros de défiscalisation, dont 80 % profitent aux multinationales et aux très grosses entreprises.

Paradoxalement, les 15 % des royalties consacrés à la recherche peuvent être utilisés par les entreprises contre l’intérêt général ; je pense notamment aux recherches sur les hybrides F1 et à la mise au point de gènes exterminant le pouvoir germinatif de la graine.

Les agriculteurs manquent aujourd'hui de parcours de culture adaptés aux exigences environnementales, notamment celles qui sont liées aux modifications climatiques. Ce manque avait été clairement exprimé dans le cadre de l’atelier Biodiversité du Grenelle de l’environnement, y compris par les représentants des chambres d’agriculture.

L’INRA n’a que trop accompagné l’adaptation de quelques variétés uniques à tous les substrats, à toutes les altitudes, à coups de sélection, d’engrais chimiques et de pesticides de plus en plus pointus. Cette sorte de partenariat public-privé au bénéfice du privé s’est développée d’une manière d’autant plus consensuelle que beaucoup de firmes semencières sont aussi des fabricants de pesticides, voire, dans le cas de Monsanto, qui, et c’est heureux, n’est pas une entreprise française, de défoliants, comme cet « Agent Orange » utilisé durant la guerre du Vietnam.

Les moyens manquent aujourd'hui aux laboratoires qui, à partir des écosystèmes existants, cherchent les semences et les modes de culture les plus adaptés localement et les moins dépendants des intrants. Le principe « moitié-moitié » que je propose pour les indemnités dues, au bénéfice de la recherche publique, est un système plus équitable. Je rappelle qu’une part importante des semences commerciales vendues par les obtenteurs sont issues de semences prélevées dans les champs, sans procédure ni acte de consentement de la part des paysans qui les ont sélectionnées et conservées si longtemps.

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par MM. Raoul, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Un tiers des indemnités dues par les agriculteurs abonde un fonds de soutien à la recherche en vue de financer des programmes collectifs de recherche sur les espèces dites mineures ainsi que sur des variétés adaptées à des conduites culturales diversifiées et permettant de répondre à la réduction des intrants.

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Actuellement, dans le cadre de l’accord blé tendre conclu en 2001, il a été décidé que 15 % seulement du montant des CVO, les cotisations volontaires obligatoires, prélevées sur les agriculteurs lors de la collecte du blé serviraient à alimenter le FSOV, le Fonds de soutien à l’obtention végétale, ce qui représente chaque année environ 1 million d’euros sur 7 millions d’euros collectés.

Le FSOV permet de financer des programmes de recherche collectifs dans le domaine du blé tendre.

Si ces accords collectifs entre représentants des obtenteurs et représentants des agriculteurs sont généralisés, notamment dans le cadre des interprofessions et pour l’ensemble des cultures, nous estimons que la répartition doit être revue : nous proposons de porter la part reversée au FSOV à un tiers des CVO.

Cet amendement peut donc être considéré comme un amendement de repli par rapport à l’amendement que vient de défendre Mme Blandin.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Rémy Pointereau, rapporteur. Madame Blandin, votre amendement n° 26 est en complète contradiction avec votre amendement n° 23, qui visait à supprimer les droits d’obtention, dont vous proposez maintenant de prélever la moitié !

Mme Marie-Christine Blandin. Ce n’est pas contradictoire !

M. Rémy Pointereau, rapporteur. Cet amendement n° 26, qui vise donc à mutualiser la moitié des indemnités dues par les agriculteurs aux obtenteurs pour utilisation de semences de ferme, constitue en fait une création puis une affectation de taxe.

Son montant de 50 % est vraisemblablement incompatible avec la convention UPOV, qui prévoit qu’une exception peut être créée aux droits exclusifs de l’obtenteur au bénéfice de l’agriculteur, mais cela « dans des limites raisonnables » et « sous réserve de la sauvegarde des intérêts légitimes de l’obtenteur ».

L’atteinte aux droits de l’obtenteur paraît excessive : non seulement il ne pourrait prétendre à une indemnité représentant la totalité de la royaltie qu’il exige sur les semences certifiées, mais en plus il perdrait la liberté d’utilisation de la moitié de l’indemnité qui lui serait reversée par l’utilisateur de semences de ferme.

La commission émet donc un avis défavorable.

Pour les mêmes raisons, elle est également défavorable à l’amendement n° 11.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement y est défavorable : il ne paraît pas opportun d’inscrire le principe d’un tel fonds dans la loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 28 est présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet.

L'amendement n° 50 est présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour défendre l’amendement n° 28.

Mme Marie-Christine Blandin. S’il n’existe aucun contrat entre les titulaires des certificats d’obtention végétale et les agriculteurs, l’alinéa 6 de l’article 14 renvoie les conditions de rémunérations à un décret.

Je ne suis pas certaine qu’il appartient à l’État de se substituer aux titulaires des COV, qui sont responsables de l’application des dispositions prévues par cet article, qui a pour seul objectif de généraliser la contractualisation entre titulaires de COV et agriculteurs.

L’accord interprofessionnel qui existe depuis 2001 pour le blé tendre et que le Gouvernement souhaite généraliser par décret n’est pas conforme au règlement européen (CE) n° 2100/94 puisqu’il prévoit le prélèvement de royalties sur l’ensemble des semences de ferme, y compris les semences de variétés du domaine public ou de variétés sélectionnées et conservées par les agriculteurs qui ne sont pas protégées par un COV.

D’ailleurs, ces royalties sont collectées par l’intermédiaire d’une taxe parafiscale, alors que cette collecte doit se faire sans le concours de l’autorité publique.

M. le président. L’amendement n° 50 n’est pas soutenu.

L'amendement n° 12, présenté par MM. Raoul, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 623–24–3. – Les conditions d’application de la dérogation définie à l’article L. 623-24-1, y compris les modalités de fixation du montant de l’indemnité visée à l’article L. 623–24–2 sont arrêtées dans le cadre d’accords interprofessionnels conclus dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du livre VI du code rural et de la pêche maritime ou de contrats entre le titulaire du certificat d’obtention végétale et l’agriculteur concerné, ou entre un ou plusieurs titulaires de certificats d'obtention végétale et un groupe d'agriculteurs concernés.

« Par défaut, elles sont établies par un décret en Conseil d’État. Les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat sont consultées sur ce projet de décret.

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur nos positions, je souligne, mes chers collègues, qu’avec cet amendement nous donnons la priorité à la conclusion d’accords professionnels collectifs, notamment dans le cadre des interprofessions.

Il faut renverser la logique en s’inspirant de l’accord blé tendre de 2001 pour la mise en place effective du droit de propriété lié au COV et les accords sur les montants de rémunération.

La mise en place d’un système de royalties sans accord des différents acteurs, par voie de décret, serait une erreur. Il faut que les secteurs concernés, et en particulier la profession agricole, soient disposés et prêts à accepter un accord. Autrement dit, il faut un accord « gagnant-gagnant » entre les obtenteurs et les agriculteurs.

La formulation de l’alinéa 6 de l’article 14 sur les conditions d’application de la dérogation liée aux semences de ferme doit donc dans un premier temps clairement donner la priorité à la conclusion d’accords interprofessionnels. Il faut par conséquent deux phrases distinctes pour deux étapes différentes.

Il est nécessaire de donner du temps à la négociation collective afin de sauvegarder au mieux les intérêts légitimes des deux parties et de parvenir à une véritable acceptation de cet outil de protection de la propriété intellectuelle.

M. le président. L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par MM. Raoul, Yung, Daunis et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

à l’article L. 623–24–2,

Insérer les mots :

dont le montant est sensiblement inférieur au montant perçu pour la production sous licence de matériel de multiplication de la même variété,

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Dans l’article 14 du règlement communautaire de base, il est précisé que les agriculteurs sont tenus de payer une rémunération équitable à l’obtenteur qui doit être « sensiblement inférieure au montant perçu pour la production sous licence de matériel de multiplication de la même variété ».

Le présent amendement a pour objet d’intégrer cet encadrement du montant de la rémunération due par l’agriculteur à l’obtenteur dans la législation nationale puisque aucun encadrement n’est pour l’instant prévu.

Bien sûr, la formulation « sensiblement inférieur » n’est pas très précise, mais le deuxième règlement d’application (CE) n° 2605/98 de la Commission a précisé qu’en l’absence d’accord le montant de la rémunération pouvait aller jusqu’à 50 % des montants dus pour la production sous licence de matériel de multiplication.

Nous proposons donc de modifier l’alinéa 6 pour indiquer qu’en l’absence d’accord le décret qui fixera les conditions d’application de la présente dérogation aux droits de l’obtenteur, y compris les modalités de fixation du montant de l’indemnité due, devra préciser que le montant des royalties doit être « sensiblement » – j’insiste de nouveau sur cet adverbe, laissé à l’interprétation de M. le ministre – inférieur au montant perçu pour la production sous licence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Rémy Pointereau, rapporteur. L’amendement n° 28 vise à supprimer les dispositions encadrant les conditions de fixation de l’indemnité due par les agriculteurs aux obtenteurs pour utilisation de semences de ferme.

Or, si le recouvrement est l’affaire des obtenteurs, la fixation des règles pour permettre de s’accorder sur les montants des indemnités dues est bien du ressort de la loi. L’intervention publique se fait non pas au moment du recouvrement, mais lors de la fixation des règles. Il est donc tout à fait légitime que l’État intervienne.

Par ailleurs, il suffit que le texte soit en conformité avec le droit international fixé par la convention UPOV de 1991.

Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Avec l’amendement n° 12, vous proposez, monsieur Raoul, d’apporter deux modifications au texte de la commission.

La première vise à donner la priorité à l’accord interprofessionnel pour fixer l’indemnité due par les utilisateurs de semences de ferme, ce qui est déjà précisé dans le texte.

La seconde modification tend à prévoir la consultation des commissions parlementaires compétentes sur le projet de décret fixant le régime par défaut d’indemnisation des obtenteurs par les agriculteurs utilisant des semences de ferme, procédure lourde puisqu’il faudrait réunir les commissions de l’économie pour fixer les prix pour le blé, pour les pommes de terre, etc., ce qui ne me paraît pas de surcroît être leur rôle.

La commission est donc également défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 9 rectifié bis précise que l’indemnité due par l’agriculteur en cas d’utilisation de semences de ferme doit être d’un montant inférieur à celle qui est due en cas de production de matériel sous licence.

Sur ce point, monsieur Raoul, nous sommes tout à fait d’accord.

Cette disposition est d’ailleurs conforme à la convention européenne, qui prévoit un niveau minimal de 50 %.

Certes, l’expression « sensiblement inférieur », qui laisse plus de latitude, est imprécise. Le Larousse donne ainsi deux définitions de l’adverbe « sensiblement » : « d’une manière très perceptible », ce qui correspond à ce que l’on recherche, ou « à peu de chose près ; presque autant », « indique de légères variations ».

Au regard de la convention européenne, il vaudrait donc mieux, me semble-t-il, préciser que l’indemnité doit être significativement inférieure à celle qui est due en cas d’achat de matériel sous licence, la différence devant être plus que sensible.

Néanmoins, la commission émet un avis favorable, car cet amendement va dans le bon sens.